La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Bernard Roman, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Il y a un an, M. Ali Ziri, un retraité algérien de soixante-neuf ans, est décédé après une interpellation par les policiers d'Argenteuil, alors qu'il se trouvait à bord d'un véhicule conduit par un de ses amis. Les deux hommes étaient en état d'ébriété, mais cela ne justifie en rien que le contrôle de police se soit déroulé dans des conditions de violence inacceptables. En effet, M. Ali Ziri, victime d'un grave malaise, est conduit à l'hôpital d'Argenteuil. Il ne se réveillera pas. Une première autopsie conclut à une crise cardiaque et le parquet ne donne pas suite à l'affaire. Mais une seconde expertise contredit catégoriquement ce constat, puisqu'elle recense vingt-sept hématomes sur le corps du défunt, dont certains, très importants, confirment l'hypothèse de violences policières.
Aujourd'hui, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, que vous voulez supprimer, publie un rapport accablant qui renforce cette hypothèse. Selon ce rapport, le traitement reçu par M. Ali Ziri après son arrestation a été particulièrement violent. La CNDS met en doute la thèse officielle et évoque l'usage de la force de façon disproportionnée et précipitée. Les images de vidéosurveillance le montrent : on y voit, en effet, Ali Ziri être expulsé du véhicule de police, jeté au sol, menotté et allongé par terre, la tête dans ses vomissures.
Monsieur le ministre, la mort d'un homme ne peut être un dossier que l'on classe sans autre forme de procès. La CNDS, dont le Gouvernement auquel vous appartenez, envisage la dilution dans le Défenseur des droits, réclame des suites à cette affaire. La vérité doit être établie au nom des valeurs de notre démocratie ! Nous vous le demandons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur le député Bernard Roman, vous m'interrogez sur les circonstances dans lesquelles M. Ali Ziri est décédé, le 10 juin 2009. Il ne m'appartient pas de commenter une procédure en cours, mais je veux rappeler des faits.
Vous avez raison sur un point : un équipage de police, à vingt heures quarante-cinq, le 9 juin 2009, a interpellé un automobiliste en état d'ivresse. Alors que les policiers procédaient à l'immobilisation du véhicule, ils ont été pris à partie par le passager de ce véhicule, qu'ils ont donc très logiquement appréhendé et placé en garde à vue. L'officier de police judiciaire a souhaité que cet homme soit examiné par un médecin. Il a été alors conduit au centre hospitalier local où il est arrivé à vingt-deux heures cinq. À vingt-deux heures quarante-cinq, son état de santé s'est détérioré et il a été constaté qu'il était en arrêt respiratoire. En dépit de soins intensifs, il est décédé le lendemain à sept heures trente.
Plusieurs procédures sont en cours pour que la lumière soit faite sur l'enchaînement de ces faits, ce qui est indispensable. La Commission nationale de déontologie de la sécurité a effectivement fait savoir, il y a quelques jours, qu'elle estimait souhaitable que des mesures administratives soient prises à l'égard des policiers qui sont intervenus. Je souhaite, pour ma part, disposer des conclusions de l'autorité judiciaire. Dès que je serai en possession de ces conclusions, j'en tirerai naturellement toutes les conséquences et je prendrai les mesures qui s'imposent.
Je tiens toutefois à vous dire aussi que les 150 000 policiers et les 95 000 gendarmes ont une attitude irréprochable face à des missions qui sont difficiles et dangereuses. C'est sans doute, vous le savez, le corps de l'État le plus souvent contrôlé et qui est même d'ailleurs sévèrement sanctionné en cas de dérives. Les policiers et les gendarmes s'attachent à être irréprochables. Soyez assuré que j'y veillerai personnellement.
La parole est à M. Lionnel Luca, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'intérieur et des collectivités territoriales, mes chers collègues, comme chacun d'entre nous, je suis très attentif à la lecture de mon quotidien régional, en l'occurrence Nice-Matin. Hier, j'ai été très surpris d'y trouver deux belles pages de publicité en couleur sur lesquelles je pouvais lire le slogan « Touche pas à ma région », signé Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, avec, sur la seconde page, la photo de notre président de région. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
D'abord, je ne savais pas que la région Provence-Alpes-Côte d'Azur était menacée, surtout après la réélection de son président (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.). Je ne savais pas non plus qu'il fallait participer à une campagne mettant en cause le rôle du Parlement qui, souverain, décide et vote (Protestations sur les bancs du groupe SRC.). Enfin et, surtout, je ne savais pas que cela pouvait se faire avec l'argent du contribuable. (Applaudissements et huées sur les bancs du groupe UMP. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)
S'il s'était agi d'une opération de communication du parti socialiste, j'aurais pu le comprendre mais, venant de la part du conseil régional, avec une orientation strictement politicienne, j'avoue que j'ai été très surpris. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Il faut dire d'ailleurs que la région Provence-Alpes-Côte d'azur a également quelques difficultés, mais pas simplement de cet ordre et elle n'est pas seule.
Ainsi on peut relever des augmentations faramineuses des charges de personnels en Aquitaine – 200 % - ou des dépenses de communication en Île-de-France : 200 % également. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Le prix d'un nouvel hôtel de région en région Rhône-Alpes est passé de 120 à 200 millions d'euros (Huées sur les bancs du groupe UMP. – Protestations continues sur les bancs du groupe SRC) et, pour couronner le tout, si je puis dire, en Poitou-Charentes, 400 millions d'euros…
Merci !
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur le député, je comprends vos interrogations (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) en prenant connaissance de certains chiffres ou de certains faits qui n'auraient jamais dû exister.
En dix ans, les dépenses des régions ont augmenté de 12 milliards d'euros…
Plusieurs députés du groupe SRC. Et celles de l'Elysée ?
…alors que la décentralisation n'explique que 7 milliards. Il y a donc un différentiel de 5 milliards. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Entre 2003 et 2008, le poids des impôts prélevés au profit des régions a augmenté de 6,5 milliards, 3 milliards seulement étant dus aux transferts de compétences. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
On sait par exemple qu'une grande région a dépensé au mois de décembre 190 000 euros de champagne et de vin (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et commandé pour 45 000 euros de coffrets gastronomiques.
Face à des dépenses de fonctionnement incontrôlées, à des dépenses de communication déplacées et à une folie fiscale démesurées, (Protestations continues sur les bancs du groupe SRC) le Gouvernement a pour sa part fait le choix, raisonnable, de tenir ses engagements et de rationaliser son fonctionnement. L'État s'est imposé un vigoureux effort d'économie avec la révision générale des politiques publiques.
Vous avez raison, monsieur le député :personne ne doit être exempté de l'effort (Rires et vives exclamations sut les bancs du groupe SRC.)…
…et parce qu'il doit être juste, ce que, visiblement, mesdames, messieurs de l'opposition, vous ne semblez pas comprendre, il doit être partagé. (Applaudissements sur les bancs du groupes UMP et sur de nombreux bancs du groupe NC. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le ministre du travail, les jeunes seront les premières victimes de votre réforme des retraites. Les faits sont là : l'âge moyen d'accès au premier emploi est de vingt-trois ans dans le secteur privé, de vingt-cinq ans dans la fonction publique, et l'insertion dans un emploi stable n'intervient pas en moyenne avant l'âge de vingt-huit ans.
En pratique, cela signifiera pour eux un droit à la retraite de plus en plus virtuel, dont ils ne pourront espérer bénéficier avant soixante-cinq, soixante-sept, soixante-neuf ans, voire plus, perspective malheureusement d'autant plus probable que reculer l'âge de la retraite aggravera encore le chômage, qui touche aujourd'hui près d'un jeune sur quatre. D'ici à 2016, ce sont plus d'un million d'emplois qui ne seront pas ouverts aux jeunes parce que leurs parents devront travailler plus longtemps.
Bref, avec votre réforme, mieux vaut un jeune de vingt-cinq ans au chômage qu'une personne de soixante ans à la retraite.
Les députés communistes, républicains et du Parti de gauche s'opposent résolument à une telle logique et réaffirment qu'il est possible de garantir le financement du droit à la retraite à soixante ans et à taux plein pour tous, comme ils le démontrent dans la proposition de loi qu'ils ont déposée.
Cela suppose un autre partage des richesses, qui privilégie la rémunération du travail et non celle du capital, une véritable politique d'accès à l'emploi et de dissuasion du recours à la précarité, ainsi que, comme le demandent vingt et une organisations de jeunesse, la validation des années d'études et de l'ensemble des périodes d'inactivité forcée.
Dès lors, monsieur le ministre, ma question est simple : pour ne pas sacrifier les générations futures, allez-vous renoncer à votre funeste projet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
Ce n'est pas en mettant tout le monde à la retraite, monsieur le député, que l'on créera de l'emploi pour les jeunes. Il suffit d'ailleurs de regarder ce qui s'est passé au cours des vingt dernières années. Ainsi l'emploi des jeunes aurait dû très bien se porter à partir du moment où vous avez multiplié les préretraites. Ce n'est donc pas une réponse.
La réponse réside évidemment dans la croissance et dans la formation. N'opposez pas systématiquement l'emploi des jeunes et celui des seniors parce que, demain, vous me poserez la même question à propos des seniors. Il faut que notre économie reparte et se modernise ; il faut que les réformes aient lieu et c'est ce que nous faisons.
Parmi les réformes, figure celle des retraites. À cet égard, il convient d'abord de tenir compte de la durée de vie. Il est donc logique de demander à tout un chacun de travailler plus longtemps. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Ce sera progressif. Ceux qui auront tous leurs trimestres pourront partir à soixante-deux ans en 2018 ; les autres pourront partir à taux plein à soixante-sept ans.
Ce n'est pas une mesure contre l'emploi des jeunes. Nous voulons favoriser l'emploi des seniors et la transmission de savoirs dans l'entreprise. C'est ainsi que nous aurons un marché du travail moderne et un système de retraite protégé. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)
Madame la ministre de la santé et sports, nous sommes encore au début de la compréhension des liens entre pollution de l'environnement et cancer. Il existe beaucoup de présomptions, mais il est parfois encore difficile d'établir le lien de causalité entre l'une et l'autre. Sous la pression médiatique, la passion l'emporte souvent sur la rigueur de l'évaluation scientifique. L'inscription du principe de précaution dans la Constitution en est une parfaite illustration.
Cela étant précisé, il est nécessaire de faire le point sur la problématique du chlordécone. Durant vingt ans, de 1973 à 1993, cet insecticide a été utilisé en Martinique et en Guadeloupe pour lutter contre un insecte, le charançon, qui s'attaquait aux bananes. Cet insecticide non biodégradable a ainsi pollué les sols, les eaux douces et marines. Une grande partie de la population y a été exposée.
Le 21 juin dernier, une revue médicale américaine spécialisée dans les recherches sur les cancers affirmait que le chlordécone était un perturbateur endocrinien responsable d'un accroissement significatif du risque de cancer de la prostate.
Ce qui nous interpelle, c'est que cet insecticide a été interdit en métropole dès 1990 mais qu'il a continué à être utilisé par dérogation aux Antilles jusqu'en 1993.
Face à ce risque, le Gouvernement a engagé plusieurs études. Madame la ministre, le Nouveau Centre vous interroge : pourriez-vous faire le point sur les résultats de ces études ? Quelles mesures ont été prises et pour quel résultat ? Peut-on considérer que la situation est aujourd'hui sous contrôle des autorités sanitaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Un député du groupe SRC. Et des franchises médicales !
Monsieur le député, vous m'interrogez sur le lien entre polluants environnementaux et risque de cancer, et plus précisément sur la problématique liée au chlordécone.
Nous animons, avec mes collègues Bruno Le Maire, en charge de l'agriculture et de la pêche, et Chantal Jouanno, en charge de l'écologie, un plan chlordécone aux Antilles, sous la responsabilité du professeur Didier Houssin.
Plusieurs mesures sont à l'oeuvre : la qualité des produits alimentaires, qui à sont à présent à 98 % en deçà des normes recommandées ; une politique spécifique aux jardins familiaux, pour éviter la contamination des personnes qui les cultivent ; l'interdiction de la commercialisation et de la pêche des espèces à risque ; et, encore en 2008, un abaissement de la limite maximale des résidus de chlordécone.
De même, nous sommes extrêmement attentifs à l'impact sur la santé. C'est la raison pour laquelle il existe un comité scientifique, présidé par le professeur William Dab. Nous avons également créé ou renforcé plusieurs registres consacrés à la prévalence du cancer ou des malformations congénitales. Enfin, deux études sont en cours de développement : une étude Ti-Moun sur la survenue des malformations congénitales et des cancers, et une étude Karuprostate sur la survenue des cancers de la prostate.
Les résultats sont assez difficiles à évaluer, puisqu'on a remarqué une augmentation de la survenue de ces cancers uniquement chez nos compatriotes antillais ayant séjourné en métropole. Il est donc difficile de tirer des conclusions tout à fait fermes. Néanmoins, je souhaite offrir la possibilité de suivre un dépistage à tous ceux de nos compatriotes antillais qui le souhaiteront, en les informant complètement.
La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
En l'absence de M. le Premier ministre, ma question s'adresse à l'ensemble du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) Les jours se suivent et, hélas, se ressemblent. (Mêmes mouvements.) Ces dernières heures, la presse a révélé des faits qui, s'ils se révèlent exacts, sont d'une gravité extrême. (Protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Les interrogations des Français portent non plus seulement sur de potentiels conflits d'intérêts, mais sur d'éventuels contournements de la législation relative au financement des campagnes et des partis politiques.
Depuis quinze jours, vous n'avez cessé de vous réfugier dans la dénégation. Pis, certains des ministres ont tenté d'échapper aux questions légitimes en reprenant le slogan du « tous pourris » afin d'entraîner l'ensemble du monde politique dans votre tourmente. (Protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.) Mais aucun écran de fumée ne peut plus désormais masquer le feu qui couve. En quelques jours, nous sommes passés d'une crise morale à une crise politique.
D'ailleurs, deux ministres ont été invités à démissionner, selon des critères qui demeurent mystérieux.
Pour notre part, nous voulons simplement la vérité sur un système qui repose sur l'indécente connivence entre le pouvoir exécutif et les puissances de l'argent (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR), système dont le bouclier fiscal est devenu l'emblème.
Nous avons demandé une commission d'enquête, et vous l'avez refusée. Il est devenu urgent de rompre avec ce délitement qui touche jusqu'à nos institutions. Comment est-il imaginable qu'un juge indépendant ne soit pas encore en train d'enquêter, à charge et à décharge ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Ce que nous vous demandons aujourd'hui, mesdames, messieurs du Gouvernement, ce n'est pas le sacrifice de tel ou tel. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous vous demandons de prendre l'initiative – car il y a urgence – d'une république irréprochable. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Monsieur le député, c'est la justice, en effet, et la justice seule, qui peut et doit démêler le vrai du faux dans les assertions présentées par certains. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) La justice, mesdames, messieurs les députés, doit pouvoir travailler sereinement,…
…de façon totalement indépendante à l'égard de tous (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), y compris à l'égard des médias, y compris à l'égard de tous les partis politiques, y compris à l'égard de toutes les pressions tentées par certains. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le député Ayrault, la justice enquête. Personne ne peut dire le contraire. La preuve en est, d'ailleurs, cette audition d'un témoin que vous utilisez au maximum aujourd'hui.
La justice enquête de façon indépendante. Personne ne peut le contester : nous le voyons. (« Pas nous ! » sur les bancs du groupe SRC.) Je peux vous assurer que la justice travaille de façon totalement indépendante et qu'elle continuera à le faire.
Je vous rappellerai néanmoins, monsieur le président Ayrault, et ce très sérieusement, que l'innocence se présume et que la culpabilité se prouve. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) C'est une majorité socialiste qui a fait voter en 2000 une loi pour renforcer cette présomption d'innocence ; il est particulièrement regrettable que des arrière-pensées politiciennes vous fassent perdre la mémoire. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Mes chers collègues, en entendant le président du groupe socialiste nous chanter l'air de la vertu, et les socialistes glapir leur indignation vertueuse, je dois dire que le sourire me vient aux lèvres. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mesdames, messieurs les députés du groupe socialiste, occupez-vous de Marseille, par exemple ! Occupez-vous des HLM de Paris (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC), à propos desquels la Cour des comptes vient de rendre un rapport terrible pour les vôtres !
Plusieurs députés du groupe SRC. C'est vous ! C'est vous !
Plusieurs députés du groupe SRC. Des vôtres !
Lisez les rapports de la Cour des comptes ! Arrêtez la fausse vertu ! (« Tibéri ! Tibéri ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Vous avez la mémoire courte, monsieur Ayrault : nous vous avons entendu par le passé défendre des choses indéfendables. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Ma question, elle, est sérieuse. Elle s'adresse au ministre du budget.
Monsieur le ministre, en dehors de la tambouille politicienne, qui verdit désormais les bancs de l'Assemblée à cause du groupe socialiste, répondez-nous sur les dépenses et les économies engagées par l'État (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), sur les dépenses et les économies que doivent faire les collectivités locales ; répondez-nous sur les dépenses et les économies qui s'imposent à la sécurité sociale ; répondez-nous sur ce qui préoccupe vraiment les Français.
Mesdames, messieurs les députés du groupe socialiste, regardez-vous vous-mêmes avant de parler de n'importe quoi dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Monsieur Claude Goasguen, je vous comprends. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Et je vais vous répondre en vous précisant l'esprit qui anime le Gouvernement à quelques minutes de l'ouverture d'un débat d'orientation des finances publiques qui s'inscrit dans un contexte particulier, au lendemain d'une crise importante qui a altéré en profondeur la situation des finances publiques, dans notre pays comme dans toute la zone euro. Une telle situation exige des mesures que chacun qualifiera comme il voudra :…
…rigoureuses si l'on veut, mais dans le sens de minutieuses, précises, exigeantes ; nous, nous les qualifions de responsables. C'est en effet l'esprit de responsabilité qui nous anime, avec la volonté de réduire les dépenses de manière importante à partir de trois sources essentielles. Ainsi les dépenses budgétaires de l'État, vous le savez, seront gelées en valeur ; celles de la sécurité sociale, y compris l'assurance maladie, seront soumises à un objectif de maîtrise de 2,9 % l'année prochaine ; enfin, interviendra le gel des dotations de l'État aux collectivités territoriales.
Tout cela devrait nous permettre de parvenir à une réduction du déficit de 8 % à 6 % du PIB. Une diminution d'une telle ampleur n'a jamais été réalisée dans l'histoire de notre pays. Tel est l'objectif intangible. Quelle que soit l'évolution économique, nous prendrons les mesures adéquates pour y parvenir. Nous nous en donnerons les moyens en épargnant les publics fragiles et en engageant un dispositif de maîtrise des dépenses publiques.
Je rappelle que la France est le deuxième pays au monde en termes de dépenses publiques par rapport à sa richesse nationale. C'est donc sur la dépense et avant tout sur elle, c'est-à-dire sur l'esprit de responsabilité, que nous agissons.
Nous débattrons tout à l'heure des dépenses et, à la sortie de l'été, des recettes, puis nous ferons le point au moment du budget. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est àM. Michel Vaxès, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse à M. le ministre en charge de la réforme des retraites.
Le Président de la République a souhaité que nous mettions tous les chiffres sur la table. Alors allons-y, puisqu'il en a oublié quelques-uns !
Entre 1949 et 2009, on estime l'augmentation des besoins en financement liés à la démographie à 150 %, mais les richesses produites ont cru de 645 % en volume, soit une croissance de 400 % par actif. Selon la Commission européenne, entre 1983 et 2006, la part des salaires dans la valeur ajoutée a chuté en France de 9,3 %. Chaque année, près de 100 milliards d'euros bénéficient au capital au détriment du travail. Sur la même période, la part des dividendes versés aux actionnaires a été quasiment multipliée par trois par rapport au PIB et par cinq par rapport à la valeur ajoutée. Entre 1993 et 2009, le volume des cotisations sociales a augmenté de 19 % tandis que le PIB croissait de 33 % et que les revenus financiers des entreprises et des banques progressaient de 143 %.
La seule contribution des revenus financiers au même taux que les salaires suffirait à combler le déficit actuel du régime des retraites. C'est une évidence : l'argent coule à flots ! À condition de le prendre là où il est, vous auriez la possibilité de garantir la retraite à soixante ans à taux plein sans en faire porter le coût aux salariés, comme nous nous y engageons dans notre proposition de loi. Or vous ne le faites pas parce que votre réforme vous est dictée par les puissances d'argent.
Monsieur le ministre, quand mettrez-vous enfin un terme à l'humiliation que les milieux financiers infligent à l'État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
Non, monsieur Michel Vaxès, on ne peut pas conserver la retraite à soixante ans tout en voulant équilibrer le système de financement des retraites. (« Si ! Si ! » sur les bancs du groupe GDR.) C'est impossible. Aucun pays ne l'a fait. Vous citez des chiffres, mais je veux vous rappeler qu'en pourcentage de notre richesse nationale, la dépense de retraite n'a jamais été aussi élevée.
De plus, nous avons pris vingt ans d'avance sur les déficits publics de la retraite. C'est absolument considérable. Cette branche connaît aujourd'hui un déficit de 30 milliards et celui-ci atteindra 45 milliards à partir de 2020 si nous ne faisons rien. Ce sont les chiffres du conseil d'orientation des retraites.
Parler des retraites, c'est évidemment parler de l'âge. On demande toujours : « À quel âge pars-tu en retraite ? » La retraite est en effet d'abord un problème d'âge. Comme notre espérance de vie augmente, nous devons accroître un peu notre temps de travail.
Si on partait à soixante ans en 1980, on partira à un peu plus de soixante-deux ans en 2018 parce que la longévité a augmenté, mais on vivra trois ans de plus en retraite.
Néanmoins les mesures relatives à l'âge ne suffisent pas. C'est pourquoi le Gouvernement prend aussi des dispositions concernant les ressources. Ainsi nous mettrons 4 milliards d'euros en plus dans le système de retraite, financés par l'augmentation de la dernière tranche de l'impôt sur le revenu, par des prélèvements sur le capital et par des prélèvements sur les entreprises en réformant les allégements de charges.
C'est une réforme équitable : elle pèse sur tous en fonction de ce que chacun peut apporter. C'est une réforme qui protège notre système de retraite. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)
Réforme des retraites
La parole est à M. Guy Lefrand, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
Je pourrais, mes chers collègues, interroger le Gouvernement sur une affaire qui défraie la chronique depuis quelques jours, sur des liens supposés entre politique et argent.
Cette affaire concerne les socialistes des Bouches-du-Rhône (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), visés par une enquête sur de la dilapidation de fonds régionaux via des associations fantômes entre 2005 et 2008.
Pourtant, je ne le ferai pas car je ne suis pas, parce que nous ne sommes pas, mes chers collègues, dans l'esprit de calomnie dans lequel se complaît notre opposition depuis des semaines.
Je préfère interroger le Gouvernement sur le fond et notamment sur la nécessaire réforme des retraites.
Le Gouvernement a pris ses responsabilités en proposant une réforme qui va permettre de sauver notre système par répartition. Le Parlement soutiendra cette réforme et il sera également force de propositions.
Malheureusement, le parti socialiste ne semble guère avoir compris l'esprit même de ce projet. Depuis plusieurs semaines, il s'efforce plutôt de nous empêcher de parler de cette réforme majeure pour les Français.
Parlons donc plutôt du fond de cette réforme. Déjà la réforme de 2003 avait mis en place un dispositif pour les carrières longues : tous ceux qui ont commencé à travailler tôt peuvent partir plus tôt.
Nous allons respecter cette idée majeure, car la retraite doit être la même pour tous : ouvriers, fonctionnaires, salariés, hommes ou femmes. Même si nous prenons en compte la diversité de la France, la retraite est un bien commun et la réforme doit être pour tous.
De plus, repousser l'âge légal de départ à la retraite est logique. Lorsque la durée de vie s'allonge, il est normal que la durée de vie professionnelle suive. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Tous les gouvernements en Europe, même de gauche, ont adopté ce principe. Les socialistes français auraient-ils raison seuls contre le reste du monde ?
Enfin, monsieur le ministre, nous pensons qu'il doit y avoir un engagement en faveur d'une harmonisation des retraites des fonctionnaires. (« Et le respect du temps de parole ? » sur les bancs du groupe GDR.)
Ainsi, vous avez d'ores et déjà prévu d'aligner le taux de cotisation du public…
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
Monsieur le député Lefrand, c'est vrai que notre réforme est juste et équilibrée. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Une réforme des retraites doit être juste et équilibrée parce qu'elle touche au patrimoine social de notre pays, c'est-à-dire notre système par répartition. C'est bien cela la réalité.
Nous voulons conserver l'équilibre financier des retraites sans lequel il n'y a pas de garantie du système dans la durée. Évidemment, nous voulons aussi prendre en compte le cas de tous les Français, notamment de ceux qui ont commencé à travailler très jeunes ou de ceux qui, pour d'autres raisons, sont usés prématurément sur le plan physique.
Sachant que 700 000 personnes partent chaque année en retraite, en 2015 – à mi-chemin de notre réforme –, 100 000 Français pourront continuer à partir à soixante ans ou avant. Pourquoi ? Parce qu'ils ont commencé à travailler à quatorze, quinze, seize ou dix-sept ans – ce qui est une nouveauté dans notre réforme –, mais aussi parce qu'ils ont été atteints dans leur chair par une souffrance physique due au travail – c'est le critère de pénibilité.
Pour la première fois, en Europe, un Gouvernement prend en compte la pénibilité (« Ce n'est pas vrai ! » sur les bancs du groupe SRC.) Nous prenons en compte cette pénibilité non pas sur un plan collectif, mais sur un plan individuel. C'est au médecin de vérifier que quelqu'un a 20 % d'incapacité. Nous sommes dans le régime connu des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Pour la première fois en Europe, un Gouvernement prendra en compte la pénibilité d'une charge. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Nous le faisons sur une base claire et nette : celle de la négociation qui a eu lieu entre les partenaires sociaux et le patronat au cours des trois dernières années, à l'initiative de Xavier Bertrand.
Voilà ce que je voulais dire : la justice dans la réforme et l'efficacité pour protéger les retraites des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre du travail, nous ne pouvons pas vous laisser dire que la pénibilité est prise en compte dans votre réforme…
…parce que vous estimez qu'elle concernera 10 000 personnes alors que l'on dénombre déjà 100 000 cancers professionnels chaque année en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, vous avez annoncé, ce matin, des mesures qui laissent présager une cure d'austérité sans précédent. Vous demandez des efforts à tout le monde, y compris les efforts les plus injustes, comme ceux qui vont pénaliser les personnes handicapées ou les emplois aidés. Pourtant, vous vous obstinez à protéger une niche : le bouclier fiscal.
Les bénéficiaires de ce bouclier fiscal ne seront pas concernés, eux, par l'austérité.
Pourtant cette niche ne créé aucun emploi, ne contribue pas à la croissance et – nous le voyons encore en ce moment – n'empêche nullement l'évasion fiscale.
Si l'affaire Bettencourt a une vertu, c'est de faire toucher du doigt aux Français l'absurdité et l'indécence de ce qu'est le bouclier fiscal (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR) : trente millions d'euros versés à une seule contribuable !
Combien de temps encore les Français vont-ils devoir continuer par leur effort, par leur travail à subventionner une petite caste riche à millions ?
Monsieur le ministre, pourquoi le Président de la République, à l'hôtel Bristol, le 7 décembre dernier, devant le premier cercle des contributeurs de l'UMP, a-t-il réaffirmé que, jamais ô grand jamais, il ne toucherait au bouclier fiscal ?
Dans le contexte budgétaire actuel, vous créez vous-même les conditions d'un soupçon inévitable quant aux contreparties d'un tel privilège fiscal accordé aux premières fortunes de France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Madame la députée Aurélie Filippetti, il y a beaucoup de choses dans votre question et je n'ai pas encore eu le temps de faire tout à fait le tri de ce que vous souhaitez avoir comme réponse de la part du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Déjà, je vais vous apporter un élément de réponse sur l'esprit de justice et parler des mesures concernant l'allocation adulte handicapé.
Elle sera augmentée et elle continuera d'être augmentée à un rythme légèrement inférieur puisque la hausse prévue sur cinq ans se fera sur six ans. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Quand on protège un public fragile,…
…l'esprit de justice c'est de continuer à augmenter l'allocation malgré la réduction des dépenses publiques, tout en favorisant la gestion calendaire d'une telle mesure.
C'est exactement la même chose pour les aides à domicile. Il y a deux types d'avantages fiscaux ; ils peuvent être de nature sociale ou fiscale. Nous épargnons l'avantage fiscal et nous demandons un effort sur environ 15 points de prestations sociales.
Je pourrais décliner l'ensemble des mesures qui ont été échenillées au cours du mois qui vient de s'écouler, dans cet esprit de justice et d'équité.
Madame Filippetti, mesdames, messieurs les députés du groupe socialiste, j'ai bien conscience qu'en vous répondant cela, je parle à des gens qui ne veulent pas entendre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ils ne veulent pas entendre que l'esprit d'équité c'est d'essayer, coûte que coûte, d'inscrire des dispositifs dans la durée.
Je l'ai dit à de nombreuses reprises, mais vous ne voulez pas l'entendre. De même qu'on ne donne pas à boire à un âne qui n'a pas soif, on ne donne pas à entendre à des gens qui ne veulent pas écouter. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
C'est bien la difficulté. Le fait de prendre en otage ce bouclier, quelle que soit l'actualité récente, c'est porter un coup à une certaine idée de la manière dont on partage l'effort. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Si des gens ont une restitution importante, cela veut dire que ce sont des contribuables qui participent beaucoup à l'effort. Cela non plus vous ne voulez pas l'entendre, alors à quoi bon continuer ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre d'État, garde des sceaux, ce soir, nous commencerons à débattre du projet de loi relatif à l'interdiction de la dissimulation du visage dans l'espace public. Nous avons beaucoup travaillé ensemble sur le sujet, depuis la proposition de résolution de notre collègue André Gerin, en passant par la mission parlementaire et le vote, unanime, d'une résolution proclamant notre attachement au respect des valeurs de la République, jusqu'aux propositions de loi de Jean-François Copé et de Jean-Marc Ayrault. Nous avons tous fermement condamné des pratiques qui, sans avoir rien de religieux, sont révélatrices d'une volonté d'atteindre notre pacte républicain, notre socle commun : la liberté, l'égalité et la fraternité, qui forment notre devise républicaine.
Ce projet de loi que vous présentez, et dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur, vient donc conclure tout ce travail, et constitue l'aboutissement de ces réflexions. Le texte que nous voterons fixera l'ordre public social exprimant les valeurs fondamentales du vivre ensemble dans notre société, et ce dans le droit fil des principes dégagés par le Conseil constitutionnel, le Conseil d'État et la Cour européenne des droits de l'homme.
C'est pourquoi l'interdiction de dissimuler son visage doit être générale dans tout l'espace public, et les sanctions doivent être lourdes pour ceux qui imposent, par la contrainte, le port d'un voile intégral, surtout quand la jeune femme est mineure. Sur ce point, nous sommes, majorité et opposition, entièrement d'accord.
Nous avons d'ailleurs d'autres points d'accord : par exemple sur la pédagogie dont il faut faire preuve pour celles qui se disent consentantes ; sur les sanctions, qui n'ont rien d'automatique ; sur le report de six mois de l'application de la loi pour en renforcer l'aspect éducatif.
Il est donc très important que nous nous retrouvions tous sur ce projet de loi auquel, monsieur Ayrault, vous avez dit que vous ne feriez pas obstacle. Encore un effort : cela en vaut la peine et ne donnera que plus de force à notre détermination commune.
Madame la ministre d'État, partout dans le monde, on observe ce qui va se passer en France.
Pouvez-vous nous dire quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Par la résolution qu'elle a adoptée le 11 mai dernier, monsieur Garraud, l'Assemblée a montré, au-delà des clivages partisans, l'attachement profond des députés aux valeurs qui fondent notre République.
Le projet de loi que j'aurai l'honneur de vous présenter en fin de journée est la suite logique de cette proposition de résolution, en ce qu'il affirme que la République se vit à visage découvert. À partir de la proposition de loi de M. Copé, des analyses de la commission dirigée par M. Gerin, de vos propres travaux en tant que rapporteur du texte, monsieur Garraud, et des travaux des parlementaires de la commission des lois, nous avons essayé, ensemble, d'élaborer une texte équilibré : un texte répressif lorsqu'il est porté atteinte aux valeurs de la République, et pédagogique ; un texte qui repose sur la dissuasion par la conviction.
Le projet, que nous examinerons ce soir, a été amélioré par des amendements provenant de tous les groupes parlementaires. Disons-le clairement et en tous lieux, mesdames et messieurs les députés : la démocratie se vit à visage découvert. Quelles que soient nos appartenances politiques, nous avons tous en héritage la démocratie, la liberté, la République. Je ne doute donc pas que nous nous retrouverons ce soir, au cours de la discussion et lors du vote, pour affirmer que nous sommes tous des républicains attachés aux valeurs de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. Éric Woerth, aujourd'hui ministre en charge des affaires sociales.
Monsieur le ministre, le 9 décembre 2009, ici même, au nom du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, je vous avais interrogé sur le cumul indécent de vos fonctions de trésorier de l'UMP et de ministre du budget (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), à savoir de ministre en charge, notamment, de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale.
Plusieurs députés du groupe de l'UMP. Et Emmanuelli ?
Je soulignais alors l'existence d'un conflit d'intérêt évident, au lendemain d'une rencontre au Bristol où le Président de la République et vous-même aviez rassuré les plus gros donateurs de l'UMP en promettant de maintenir coûte que coûte le bouclier fiscal.
Avec ironie et mépris, vous m'aviez sèchement répondu, je cite : « Je ne sais pas ce que vous essayez de démontrer au travers de votre question stupide. »
Sept mois plus tard, il se révèle que la stupidité résidait dans votre réponse, et non dans ma question. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Aujourd'hui, vous êtes toujours simultanément trésorier de l'UMP et ministre de la République. C'est votre choix, celui du Président de la République, du Gouvernement et de toute votre majorité.
Des informations ont été fournies au parquet de Nanterre, qui font état de retraits d'argent liquide, substantiels et récurrents, effectués pour Mme Bettencourt, dont votre épouse était indirectement salariée. Les banques concernées ont-elles signalé, comme le veut le code monétaire et financier, ces mouvements suspects à Tracfin ? Si oui, quelles ont été les suites ?
Pouvez-vous nous dire, en tant que trésorier de l'UMP, trésorier de la campagne de Nicolas Sarkozy et ministre du budget, si vous avez eu connaissance de la circulation d'enveloppes copieusement garnies, et quelle était leur destination précise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mes chers collègues, je vous en prie.
La vérité, monsieur Eckert, est que le parti socialiste a transformé le principe de présomption d'innocence en principe de culpabilité (Protestations sur les bancs du groupe SRC) ce qui n'est pas acceptable. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Lorsque l'on est trésorier d'un parti politique, est-on selon vous, monsieur Eckert, suspect par nature, au point de ne pas pouvoir exercer de fonctions ministérielles ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
De même, lorsque l'on est ministre du budget, on serait, à vous entendre, forcément corrompu quand on rencontre un chef d'entreprise ! Ce n'est pas acceptable ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
En pratiquant de tels amalgames, vous contribuez à diffuser le soupçon au sein de la démocratie. (« C'est vous ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Je vous invite, monsieur Eckert, à lire la tribune publiée il y a quelques jours par Simone Veil et Michel Rocard : « attaquer ad hominem, harasser sans relâche, dénoncer sans preuves », écrivaient-ils, « ce n'est pas servir le débat, c'est desservir la démocratie. » (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Les héritiers de Jaurès, aujourd'hui, ne font plus la distinction entre la vérité et le mensonge, les rumeurs et les faits, les allégations et les preuves.
Cela, monsieur Eckert, nous ne pouvons l'accepter.
Il y a quelques décennies, un grand républicain disait : « Il n'y a pas d'antidote contre le poison de la calomnie. […] Il pervertit l'opinion par le goût du scandale. » Ce grand républicain, c'était Léon Blum. Relisez-le, car vous avez trahi ses valeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Jacques Lamblin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé et des sports.
Madame la ministre, le dernier Journal du Dimanche a publié une liste de cinquante-quatre hôpitaux publics dont le service de chirurgie pourrait être fermé. La nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre et la quiétude dominicale de cinquante-quatre maires, dont je suis, en a été bouleversée. Ce fut aussi l'occasion, pour les journalistes, de constater que, quoi qu'on en dise, les politiques, les élus, trop souvent critiqués, méprisés, accablés de soupçons, sont là pour rassurer, renseigner, éclairer, quels que soient le jour et l'heure.
À ce propos, je voudrais encourager l'un d'entre nous, ici présent, traîné dans la fosse aux lions par des spécialistes de l'amalgame, du fiel, des coups tordus. Tenez bon, Éric Woerth ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Quand le chemin devient difficile, c'est la difficulté qui devient le chemin. Ce que fait l'opposition est honteux.
Dans l'article évoqué, la publication imminente d'un décret est annoncée. (« On ne comprend rien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Le chiffre butoir de 1 500 actes est présenté comme base de référence. Plusieurs questions viennent donc à l'esprit. Le nombre des séjours chirurgicaux n'est pas le seul à devoir être pris en compte : n'oublions pas la chirurgie ambulatoire, la qualité actuelle des équipements, le lien indispensable entre maternité et service de chirurgie, et enfin l'équilibre des territoires ruraux. Tout cela compte beaucoup pour Lunéville, mais aussi pour d'autres villes.
Madame la ministre, comment envisagez-vous l'avenir des hôpitaux de proximité ?
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Monsieur le député Jacques Lamblin, les schémas régionaux d'organisation sanitaire vont bientôt être rénovés. Dans ce cadre, il fallait également rénover des décrets datant de plus de cinquante ans et fixant les normes de sécurité des établissements qui font des actes de chirurgie ou de maternité.
Les sociétés savantes, les syndicats médicaux, les fédérations hospitalières se sont penchés sur ce sujet et ont établi dans un premier temps une norme de sécurité qui préconisait la fermeture de ces établissements quand ils ne pratiquaient pas au moins 2 000 actes par an. J'ai souhaité abaisser considérablement cette norme et la fixer à 1 500, parce que l'on ne fait bien que ce que l'on fait souvent, que les médecins n'ont d'intérêt que pour des équipes suffisamment étoffées, que le manque de professionnels fait qu'on a souvent recours à des intérimaires ou à des mercenaires peu qualifiés et que, d'ailleurs, les personnes les mieux informées se détournent de ces établissements.
Cette norme de 1 500 va souffrir quelques exceptions, qui concerneront au premier chef les établissements qui exercent à titre principal la cancérologie, les maternités où il se pratique au moins 100 séjours gynécologiques. Quant aux établissements effectuant entre 1 050 et 1 500 actes par an, à partir de la révision du SROS en 2011 et pendant trois ans, on va les inviter à développer des coopérations, à réfléchir à leur fonctionnement. Cela se fera, bien entendu, avec les élus. C'est ainsi que, à Lunéville, où, en effet, l'activité de chirurgie est fragile, nous aurons trois ans pour réfléchir à des coopérations avec la clinique Jeanne d'Arc ou avec le CHU. Ce qui compte, monsieur le député, c'est d'abord la sécurité des soins. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, mes chers collègues, au fil des révélations de la presse, les Français découvrent, effarés, les réalités des pratiques financières et fiscales d'une caste de privilégiés. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Ces révélations ne s'arrêtent pas à l'affaire Bettencourt. Elles sont au contraire révélatrices d'un véritable système, encouragées par la politique fiscale du Gouvernement et son inertie dans le traitement des procédures.
Je prends l'exemple du dossier de la succession Wildenstein. Comme dans l'affaire Bettencourt, les Français découvrent que l'essentiel d'une fortune est dissimulée dans les paradis fiscaux – en l'espèce Guernesey et les Bahamas. Comme dans l'affaire Bettencourt, l'administration fiscale a été informée de l'existence de sociétés écrans. Comme dans l'affaire Bettencourt, la justice a pu constater « l'évasion du patrimoine dans des sociétés étrangères et des trusts ». Comme dans l'affaire Bettencourt, il est établi que M. Guy Wildenstein est membre du fameux premier cercle de collecteurs de fonds pour l'UMP (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), que, le 7 janvier 2007, il se trouvait à New York, aux côtés de M. Woerth, trésorier de l'UMP, pour récolter des fonds pour la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Comme dans l'affaire Bettencourt, l'administration fiscale est restée totalement inerte à ce jour.
C'est bien parce que nous sommes confrontés à un système, et pas seulement à une affaire, que la crise politique est grave pour notre République et notre démocratie. Vous avez la légitimité du pouvoir, et c'est à vous d'apporter les réponses politiques à cette crise. Votre stratégie de diversion ne changera rien à la gravité des questions posées. Manifestement, votre seul but est de passer l'été, alors que nous voulons la vérité. Manifestement, vous spéculez sur l'inertie des vacances alors que nous voulons la transparence.
Le temps n'est plus aux médiocres contre-feux politiciens. Nicolas Sarkozy citait Jean Jaurès pendant la campagne électorale. Puisse cette phrase de Jaurès inspirer votre réponse : « Le courage, c'est de rechercher la vérité et de la dire. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Monsieur le député, est-ce que vous vous rendez compte de ce que vous dites ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Est-ce que vous vous rendez compte du mal que vous faites à la démocratie que vous représentez ici ? (« C'est vous ! » sur les bancs du groupe SRC.) Est-ce que vous vous rendez compte que vous êtes en train de tracer le sillon des extrêmes et de l'extrême droite ? (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Comment pouvez-vous piétiner de la sorte des éléments fondamentaux de libertés individuelles ? (Exclamations continues sur les bancs du groupe SRC.) Comment pouvez-vous jeter l'anathème sur les uns et sur les autres, sans preuves, en additionnant les « twits », les blogs des gens qui règlent des comptes, des opposants politiques qui ne partagent même pas vos valeurs ? Comment pouvez-vous continuer sur ce chemin-là ? (La plupart des députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent continuellement jusqu'à la fin de l'intervention de M. le ministre du budget.)
Vous êtes un parti de gouvernement. Vous avez exercé des responsabilités. Certains d'entre vous ont été ministres du budget. Vous avez vous-même accompagné un certain nombre de dispositifs. L'un de vos membres, qui fut trésorier du PS, présidait l'Assemblée nationale. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.) Comment pouvez-vous continuer à faire cela ?
Je vous en conjure, mesdames, messieurs les députés socialistes, je vous le demande au nom d'une certaine idée que nous avons en partage de la démocratie, de la République : ne faites pas le jeu de l'extrême droite ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC. – « C'est une honte ! » sur les bancs du groupe SRC. – La plupart des députés du groupe SRC se lèvent et quittent l'hémicycle. – « Dehors ! Dehors ! » et huées sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Alain Moyne-Bressand, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Je veux tout d'abord adresser mes félicitations très sincères à M. Baroin au nom du groupe UMP (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP. – Des députés du groupe SRC continuent de quitter l'hémicycle), je dirais même, au nom de la France. (Mêmes mouvements.)
Ma question s'adresse à Patrick Devedjian, ministre auprès du Premier ministre chargé du plan de relance.
L'action du Gouvernement a été déterminante pour faire face à la crise. Le plan de relance est un véritable succès. Ceux d'entre nous qui sont de bonne foi ne peuvent que reconnaître ses résultats positifs. Nous pouvons tous mesurer la rapidité avec laquelle il a été mis en oeuvre et, surtout, la pertinence du choix opéré par le Président de la République et par le Gouvernement, à savoir, principalement, celui de l'investissement productif.
Encore récemment, le FMI reconnaissait le bien-fondé des mesures du plan de relance et leur efficacité en relevant que l'économie française avait mieux résisté à la grande récession que la plupart des économies comparables.
Notre action a porté ses fruits puisque, depuis quatre trimestres, la croissance est de nouveau positive. Certes, elle est encore fragile mais les perspectives sont encourageantes.
Aussi, pouvez-vous nous dire comment la politique de relance s'articule avec la politique de réduction des déficits, de maîtrise des comptes publics et de poursuite des réformes structurelles ?
Voyez, mes chers collègues, que ces questions de fond n'intéressent pas les députés socialistes ; ils les délaissent au profit du spectacle. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance.
Je comprends que le groupe socialiste veuille quitter l'hémicycle : il est effectivement des vérités qui sont difficiles à supporter. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Je le comprends d'autant mieux, mesdames et messieurs les députés du groupe socialiste, que vous êtes le seul parti de gauche qui ait choisi de consacrer cinq de ses sept questions d'aujourd'hui à l'affaire Bettencourt : cinq sur sept !
Si ce n'est une campagne, qu'est-ce donc ? Et je suppose que ce n'est pas fini !
Vous posez, monsieur Moyne-Bressand, deux questions sur la politique de relance : a-t-elle été un succès ? Est-elle compatible avec la maîtrise des dépenses publiques ?
À chacune de ces deux questions, ma réponse est : oui.
Premièrement, la politique de relance a été un succès : il suffit de considérer ses résultats. Alors que le monde entier a été victime de la récession en 2009, la France a connu la plus petite récession d'Europe, avec une rétraction de 2,5 % du PIB. Cela tient au fait que la France a été le seul pays à consacrer 80 % de son plan de relance à l'année 2009.
Si l'on avait suivi les conseils prodigués sur les bancs socialistes, si l'on avait donc donné davantage de poids à la consommation et baissé le taux de TVA – cela nous avait été chaudement recommandé –, nous serions dans la situation de l'Angleterre, obligée de constater que son PIB a décru de 4,6 % en 2009 et aujourd'hui contrainte de remonter le taux de la TVA.
Deuxièmement, s'agissant de la compatibilité de cette politique avec la maîtrise des dépenses publiques, c'est très simple : nous pratiquons la rigueur pour les dépenses de fonctionnement et la vigueur pour les dépenses d'investissement. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Même si nous ne sommes plus que quelques-uns sur les bancs du groupe SRC, je tiens à dire à M. Baroin qu'il n'est pas nécessaire de s'énerver. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, je vous en prie. Écoutons la question de M. Glavany.
Je le lui dis avec beaucoup de calme et de sérénité : le populisme ne se nourrit pas de certaines dénonciations, il se nourrit de certaines pratiques ; ce n'est pas l'exigence de vérité qui renforce l'extrême-droite, c'est l'absence de transparence. Il est ainsi des exigences que la raison d'État devrait reconnaître, et que vous feriez bien de reconnaître tôt ou tard.
Ma question porte sur un autre sujet (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) : les déclarations de M. Jean-Christophe Rufin, qui était ambassadeur au Sénégal jusqu'à ces derniers jours.
Il a en effet affirmé ce matin sur les ondes d'une radio périphérique – il l'affirme également dans l'édition datée de demain d'un journal du soir – que les années 2007-2010 ont vu le retour de tous les vieux travers de la Françafrique. Ce n'est pas moi qui le dis, mais lui, qui n'est pas un homme de gauche et qui avait soutenu M. Sarkozy lors de l'élection présidentielle.
Lui suggère-t-on une comparaison avec les réseaux Foccart qu'il déclare que c'est pire : dans les réseaux Foccart, il y avait un peu de politique et de sens de l'intérêt général ; maintenant, il n'y a que des intérêts privés.
M. Rufin va même plus loin en déclarant que le Quai-d'Orsay est complètement dépossédé des dossiers africains, et que tout est concentré entre les mains d'un seul homme, le secrétaire général de l'Elysée, qui agit d'autant plus librement que, préfet, il ne connaît pas véritablement l'Afrique et qu'il ne rend compte ni devant le Parlement – où sont donc les nouveaux droits du Parlement ? – ni devant le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Ma question sera simple, mais je pense que vous en mesurerez toute la portée : n'est-il pas temps d'ériger, dans ce domaine aussi, une « muraille de Chine » entre les intérêts privés et l'action de l'État ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le député, vous lisez trop les journaux. Pourtant, vous ne les lisiez pas lorsque l'ambassadeur que vous avez cité et que j'ai fait nommer ne se plaignait pas de ce dont il se plaint aujourd'hui.
S'il a très bien servi la France, si je salue son action à Dakar, cela ne lui donne pour autant ni un droit de regard sur les nominations ni un droit de critiquer son successeur. Figurez-vous, monsieur le député, que ce dernier est un spécialiste de l'Afrique.
Je sais, mais, puisque vous avez fait référence à ces déclarations, je réponds, et je réponds à votre question.
L'existence d'une politique africaine n'est pas une nouveauté que nous introduisons dans l'histoire de la Ve République. La persistance de liens particuliers avec certains qui nous sont proches et dont nous sommes proches n'est pas davantage une nouveauté.
Ce qui est en revanche nouveau, monsieur le député, c'est que le sommet de Nice a consacré tout à la fois l'Afrique et la France, tout le continent étant réuni. Il est également vrai que nous sommes fiers de la politique qui a été menée, laquelle n'a rien à voir avec ce que vous prétendez. Nous sommes fiers aussi bien de ce que nous avons fait pour la Guinée, qui vient, pour la première fois depuis cinquante-neuf ans, de voter, que de ce que nous avons fait pour le Rwanda. Nous sommes également fiers de ce que nous avons fait après les coups d'État en Mauritanie, au Niger ou à Madagascar. Oui, nous en sommes fiers !
Nous poursuivons sur cette voie, et la politique africaine de la France, c'est-à-dire la politique de la France vis-à-vis de ce continent, perdure et perdurera en dépit des critiques.
Comme on n'est jamais trahi que par les siens, j'espère, en effet, que cet homme ne s'étouffera pas de haine. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)
Politique africaine de la France
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe GDR.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, mes chers collègues, au terme de l'examen à la vitesse grand V, puisqu'en aller simple, de ce projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, la déception du monde agricole peut être grande. En n'acceptant aucun amendement fondamental à même de modifier la portée, certes limitée, de ce texte, la majorité présidentielle a choisi de verrouiller le débat sur les questions de fond : rien sur les prix d'achat et les revenus des agriculteurs ; rien sur la gestion de l'offre et de la régulation des marchés ; rien sur le modèle agricole que la France affirmait porter au niveau communautaire et dans le cadre des négociations internationales.
Un débat respectueux, une écoute du ministre…
…et des rapporteurs, des échanges de fond, certes, mais aucune évolution sur le fond.
Dès lors, comment porter une appréciation différente de celle que j'ai présentée au début des débats, dans le cadre de la motion de renvoi en commission ?
Vous proposez au vote de la représentation nationale un texte bricolé, tantôt troué de quelques confettis, tantôt habillé de quelques post-it collés à la va-vite. Un texte sans ambition fondamentale pour notre politique alimentaire et agricole, que les deux chambres ne pourront pas améliorer, conformément aux souhaits du chef de l'État et du Gouvernement.
Les quelques outils de marché qui sont développés, je pense à la libre contractualisation, à la libre assurance sur les risques, ne résoudront rien des problèmes que rencontrent aujourd'hui les exploitants. Avec le remaniement des organisations de producteurs et des interprofessions, c'est au contraire une nouvelle poussée de concentration et de spécialisation agricole que vous nous promettez avec, comme corollaire, la suppression de plusieurs dizaines de milliers d'exploitations dans les années qui viennent.
Monsieur le ministre, votre survol législatif visait à répondre à la colère et au désarroi du monde agricole. Il est aussi fugace et fallacieux que celui du Président de la République entre Sud-Cantal et Nord-Aveyron, la semaine dernière. Comme il avait été pris la main dans le sac des discours copiés-collés à Poligny, le Président s'en est tenu, cette fois-ci, à flatter la France des terroirs, dans le même temps où nous était imposé un projet de loi l'abandonnant un peu plus chaque jour. J'ai le sentiment que, sur le plan agricole comme sur beaucoup d'autres sujets, ce gouvernement a perdu la boussole des fondamentaux, a perdu le cap et vogue désormais benoîtement dans le sens du courant libéral dominant. Je ne sais vers quelle grève cette attitude va mener les 600 000 agriculteurs et agricultrices de notre pays, mais ce dont je suis certain, c'est que les temps qui viennent leur seront douloureux. À la dérive, votre « bateau ivre » s'en remet toujours plus aux forces d'argent, c'est-à-dire ici aux géants de l'agro-alimentaire, de la distribution et du secteur bancaire et assurantiel.
Ce texte anticipe surtout la nouvelle purge budgétaire convoquée pour l'automne par Bruxelles avec les grandes lignes de la future PAC pour 2013. À budget communautaire lourdement amputé, supprimant les derniers outils de gestion de l'offre, vous répondez « adaptation aux demandes du marché », « compétitivité », « assurance privée ». À contresens, monsieur le ministre, de ce que vous aviez courageusement engagé il y a quelques mois auprès des partenaires européens, vous appuyez aujourd'hui sur l'accélérateur libéral au moment même où le moteur s'emballe, c'est-à-dire au moment où la majorité de nos agriculteurs éprouvent les pires difficultés à sauver leur outil de travail, leur exploitation.
De surcroît, alors que vous livrez les agriculteurs aux lois du marché, vous poursuivez aussi le démantèlement de notre système de santé publique vétérinaire et de contrôle sanitaire entamé avec la révision générale des politiques publiques. De quoi rassurer sans doute nos concitoyens sur le contenu de leur assiette après certaines révélations télévisées. Vous adoptez la même démarche pour notre système de formation avec l'enseignement agricole public.
J'ai également égrené mardi dernier la longue liste des absences de ce texte : recherche, diffusion des pratiques culturales durables, réduction de la dépendance aux importations, filières de qualité, régime social agricole, retraites… Je n'y reviens pas.
Dans ces conditions, les députés du groupe GDR voteront contre un texte de renoncement de ce gouvernement à une autre ambition agricole que celle que nous promet la Commission européenne.
Ils voteront contre un texte muet sur les questions fondamentales des prix et des revenus, de l'installation, des pratiques agricoles, de la recherche, et en recul sur les questions environnementales.
Ils voteront contre un texte inquiétant au regard de l'état actuel de l'agriculture européenne et nationale, contre un texte qui tourne le dos aux enjeux alimentaires. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, soyons clairs : ce projet de loi est un texte utile et sérieux, porté par un ministre sérieux et compétent, à l'écoute des parlementaires (« Très juste ! » et applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP. – « Fayot ! » sur quelques bancs du groupe SRC) et animé par des rapporteurs passionnés et bons connaisseurs du monde rural, ce qui ne gâche rien.
Utile et sérieux, ce texte lance un plan national d'alimentation incitant toutes les autorités compétentes en restauration scolaire et universitaire à développer une restauration saine.
Il incite à la contractualisation des relations commerciales entre les agriculteurs et leurs clients. Même si cela soulève, sur le terrain, du scepticisme, la promotion du contrat sur la base d'un contrat-type établi par les interprofessions va dans la bonne direction. Il crée, même si lui ont été refusés les moyens de sanctionner, l'observatoire des prix et des marges, vieille revendication de nos agriculteurs pour, enfin, établir la vérité d'un partage de la valeur ajoutée scandaleusement favorable aux transformateurs et aux distributeurs
Utiles et sérieux, encore, le mécanisme d'assurance récolte contre les risques sanitaires et climatiques, avancée majeure pour sécuriser les entreprises agricoles ; les premiers dispositifs législatifs de lutte contre le gaspillage des terres agricoles, cohérents avec les textes Grenelle 1 et Grenelle 2, et ce n'est pas le moindre mérite de ce texte.
Mais, monsieur le ministre – pourquoi le cacher ? –, en même temps que nous reconnaissons l'intérêt des dispositifs rappelés ci-dessus, nous sommes déçus : ces travaux ressemblent aussi à un rendez-vous manqué. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Nos agriculteurs vous attendaient sur deux enjeux majeurs : celui de la compétitivité par rapport à nos voisins et concurrents de l'Union européenne ; celui d'un nouveau partage de la valeur ajoutée entre producteurs, industriels et distributeurs.
À armes égales ! Tel est le cri de colère de nos paysans qui exigent de leur gouvernement et de leurs députés qu'ils les mettent en situation de concurrence équitable par rapport à leurs collègues de l'Union européenne.
En effet, face à la crise structurelle de compétitivité qu'ils traversent, il appartient au Gouvernement d'agir, et non à l'Europe qui n'est compétente ni en matière fiscale ni en matière sociale pour garantir cette concurrence équitable. Aussi, les centristes ont-ils défendu des amendements d'exonération totale des charges patronales pour les salariés des exploitations agricoles et notamment ceux de la filière fruits et légumes.
Cette filière connaît, vous le savez, une vraie spécificité puisque ses coûts de revient sont constitués à plus de 60 % des coûts de main-d'oeuvre. Elle subit, par ailleurs, la concurrence des arboriculteurs et des maraîchers, pas des pays lointains mais des autres pays européens, qui ont tous mis au point des dispositifs permettant d'abaisser le coût horaire du travail autour de 6 à 7 euros contre 9,20 euros pour les travailleurs saisonniers et 12,80 euros pour les travailleurs permanents en France.
Les centristes sont bien conscients qu'en ces temps de déficits majeurs, la solution n'était pas de faire appel aux deniers publics. Aussi avons-nous proposé de financer cette exonération, d'un montant qui se situerait autour de 500 millions d'euros, par un prélèvement sur le chiffre d'affaire de la grande distribution par le biais de la TASCOM, la taxe sur les surfaces commerciales.
Cette proposition a ouvert un débat passionné dans l'hémicycle, avant d'être, malheureusement, rejetée.
Sachez que les centristes continueront d'avancer cette proposition adaptée à la violence de la crise traversée par le monde agricole à toutes les échéances législatives et notamment budgétaires – lois de finances, lois de financement de la sécurité sociale, propositions de loi – jusqu'à ce que le Gouvernement se décide à agir et à mettre nos agriculteurs à « armes égales » avec leurs compétiteurs européens.
Ne nous dites pas, monsieur le ministre, que cela est impossible alors que, d'une manière ou d'une autre, vos homologues allemands, hollandais, italiens, espagnols ont trouvé des solutions. Pourquoi serions-nous plus naïfs et moins solidaires qu'eux avec nos agriculteurs ?
Elle s'en sort trop bien, alors que les pommes étaient payées à Agen l'automne dernier 20 centimes d'euro le kilo à nos paysans et revendues dix fois plus cher, soit 2 euros le kilo, aux consommateurs.
Vous n'avez pas voulu balayer cette répartition de la valeur ajoutée à bout de souffle et, pour tout dire, pourrie. C'est dommage !
Oui, le rendez-vous est manqué sur le coût du travail et le partage de la valeur ajoutée !
Cette loi est un bon assemblage de dispositifs divers d'ordre agricole, utiles et sérieux, alors même que la crise agricole exigeait perspectives, audace, innovation, bref, une ambition à la hauteur de notre engagement pour soutenir nos paysans.
Les députés centristes partageront leurs votes : certains d'entre nous, plus sensibles aux avancées de ce texte, l'approuveront, quand d'autres, plus déçus par le rendez-vous manqué qu'il représente, s'abstiendront. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe NC.)
Je fais d'ores et déjà annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Louis Cosyns, pour le groupe UMP.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, à la fin du XIXe siècle, Léon Gambetta déclarait : « Il faut nous occuper des paysans. Parce que lorsque les paysans auront chaussé les sabots de la République, elle sera invincible. » Oui, hier comme aujourd'hui, le monde agricole fait partie intégrante de notre identité. Il suffit de traverser notre pays pour voir à quel point l'agriculture façonne les paysages et structure les territoires.
Par sa dimension économique et sociale, affective et culturelle, l'agriculture n'est pas un secteur comme les autres. Elle est l'expression intemporelle d'une singularité française que nous avons le devoir de préserver. Pourtant, notre modèle traverse une crise sans précédent. Comment tolérer une situation où ceux qui travaillent dur ne peuvent pas vivre de leur labeur ? Les baisses de revenu, de 20 % en 2008 et de 34 % en 2009, ont eu de terribles conséquences. Le temps est venu de s'attaquer aux causes.
C'est bien pour cela que la question du revenu des agriculteurs constitue la pierre angulaire de ce projet de loi. Ne pas répondre à la détresse des agriculteurs, c'est accepter la disparition d'un héritage historique, c'est accepter que les campagnes deviennent des zones oubliées de la République. Ne pas mesurer l'ampleur de la crise agricole, c'est faire de nos paysans les laissés pour compte des changements du monde.
Cette loi n'est pas parfaite.
Elle n'a pas le pouvoir de régler en un jour des problèmes structurels et globaux. Néanmoins, voter ce texte, c'est faire le choix du pragmatisme, c'est mettre à la disposition du monde agricole une boîte à outils, c'est faire entrer en vigueur des dispositions concrètes et ambitieuses.
Nous l'avons vu tout au long des débats, ce texte entend bien relever les défis de demain.
Le premier d'entre eux concerne l'alimentation, la nôtre et celle de nos enfants. C'est en effet par la question nutritionnelle que nous ferons le lien entre le monde agricole et les consommateurs. L'article 1er de la loi met en place une véritable politique publique de l'alimentation. Il s'agit d'une avancée majeure, elle doit être reconnue comme telle au-delà des clivages partisans. Je tiens d'ailleurs à souligner que nos travaux se sont déroulés dans un climat serein et constructif. Le projet de loi a été largement enrichi par de nombreux amendements, dont certains issus des bancs de l'opposition. Je tiens à remercier, par exemple, Mme Massat pour son initiative créant un registre national du patrimoine alimentaire. Cet amendement a été voté à l'unanimité sur les bancs de cette assemblée. C'est l'honneur de la représentation nationale que de savoir parfois se retrouver autour de valeurs communes.
Autre défi que ce texte relève, celui de notre indépendance alimentaire, véritable enjeu de sécurité nationale. Nos débats ont mis en lumière un objectif largement partagé, celui de faire de l'agriculture française une agriculture forte et indépendante, capable de conserver et de développer ses critères de qualité : préservation de l'environnement et traçabilité des productions.
Mais comment ne pas dire un mot de la problématique centrale, je veux, bien sûr, parler du revenu des agriculteurs ?
La généralisation des contrats écrits va permettre d'amortir les chocs. En contractualisant, l'agriculteur pourra aborder l'avenir plus sereinement puisqu'il disposera d'une visibilité accrue. Ce procédé introduira une plus grande stabilité dans les relations commerciales entre producteurs, intermédiaires et distributeurs. Le contrat constituera ainsi le cadre d'un rapport nouveau entre ces acteurs, rapport fondé sur plus de responsabilité et plus de transparence.
On ne peut pas dire que l'on souhaite une revalorisation des revenus agricoles et ne pas approuver la mise en place de ces contrats écrits. On ne peut pas dire que l'on est favorable à un rééquilibrage du partage de la valeur et ne pas voter cette loi, au prétexte qu'elle n'irait pas assez loin.
Le texte qu'il nous est proposé d'adopter aujourd'hui est un texte complet. Alimentation, compétitivité, assurance agricole, préservation du foncier, développement durable des territoires, gestion efficace de nos forêts, tout a été mis sur la table et longuement débattu. Vingt-cinq heures de débat en séance publique, plus de 1 000 amendements examinés, le projet de loi tel qu'il nous est présenté est le résultat d'un vrai travail de fond.
Je tiens d'ailleurs à remercier M. le ministre Bruno Lemaire, qui a su écouter les uns et rassurer les autres. Je salue l'action de M. Patrick Ollier, qui a permis à la commission des affaires économiques de travailler dans de bonnes conditions, le travail du rapporteur du texte, M. Michel Raison, et l'expertise de M. Louis Guédon, rapporteur sur le titre consacré à la pêche. Je remercie enfin M. Christian Patria, rapporteur pour avis pour la commission du développement durable, pour le précieux concours qu'il a su apporter.
Conformément à nos nouvelles missions d'évaluation et de contrôle, ce texte met à la disposition du Parlement de nombreux outils d'appréciation de l'action engagée.
Moderniser notre agriculture, c'est tout simplement lui donner les moyens concrets d'affronter une concurrence impitoyable. C'est aussi lui permettre de relever les défis de demain en faisant le pari de l'excellence française.
Vous l'aurez compris, au vu des enjeux que je viens d'évoquer, le groupe UMP votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'assemblée permanente des chambres d'agriculture, qui réunit toutes les chambres d'agriculture de France, a publié un communiqué de presse il y a quelques jours, le 30 juin dernier exactement. Le titre de ce communiqué était dramatiquement réaliste : « Revenus agricoles 2009 : la débâcle est confirmée ! ».
En effet, après une baisse drastique en 2008, le revenu des agriculteurs a de nouveau baissé de 30 à 50 % suivant les filières en 2009.
Après huit ans de gouvernements successifs de votre majorité, l'agriculture française se trouve dans une situation catastrophique.
Vous l'avez d'ailleurs reconnu vous-même, monsieur le ministre, à plusieurs reprises dans cet hémicycle.
Le nombre des agriculteurs qui ont demandé le RSA varie de 8 à 18 % suivant les départements. Le nombre des installations de jeunes agriculteurs a été divisé par deux, par trois, ou par quatre suivant les régions et 13 % des exploitants agricoles déclarent vouloir cesser leur activité dans les douze mois à venir. Je vous l'ai déjà dit, 200 000 à 300 000 emplois sont directement menacés dans le domaine agricole dans les deux ans à venir.
Face à cette situation extrêmement grave, tant sur le plan économique que sur le plan social, on pouvait penser que la loi de modernisation agricole allait apporter des réponses à cette crise sans précédent. Hélas ! Il n'en est rien. Vous avez vous-même affirmé, monsieur le ministre, comme M. le rapporteur, que cette loi ne changerait rien à la situation des agriculteurs face à la crise.
Le parti socialiste a fait des propositions.
Au plan international, nous demandons que la charte de l'ONU reconnaisse le droit de chaque peuple à préserver sa sécurité alimentaire, c'est-à-dire à se protéger.
Au plan européen, nous demandons que la préférence communautaire s'appuie sur des critères sociaux, environnementaux et sanitaires. Il est inconcevable que nous acceptions l'importation de produits qui ne respectent pas les normes que l'on impose à nos propres producteurs.
Au plan national, nous demandons la mise en place d'un véritable plan de relocalisation de notre agriculture en nous appuyant sur la restauration collective.
Monsieur le ministre, sur votre texte, nous avons proposé : des mesures pour reconnaître la pluralité syndicale qui est la base de la démocratie sociale, vous les avez refusées ; des mesures pour développer l'agriculture biologique, vous les avez refusées ; des mesures pour renforcer les interprofessions, vous les avez refusées.
Des mesures pour favoriser l'installation des jeunes, vous les avez refusées.
Des mesures pour interdire les OGM dans les parcs naturels, vous les avez refusées (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) ; des mesures pour sauvegarder les terres agricoles en accroissant la taxe sur le changement de destination, vous les avez refusées. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Le groupe socialiste croit à la richesse de l'agriculture française et il croit à son avenir, à la condition que l'on accepte de rompre avec le modèle libéral qui est le vôtre.
Monsieur le ministre, votre texte ne fait qu'accompagner la disparition de l'agriculture paysanne et la délocalisation des productions vers des pays à bas coûts. Il n'apporte aucune réponse concrète à la détresse que connaissent les agriculteurs aujourd'hui. C'est pourquoi le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 509
Nombre de suffrages exprimés 490
Majorité absolue 246
Pour l'adoption 297
Contre 193
(Le projet de loi est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante.)
L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement sur les orientations des finances publiques pour 2011, le débat et le vote sur cette déclaration, en application de l'article 50-1 de la Constitution.
La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis heureux de tous vous revoir. (Sourires)
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les députés, le débat d'orientation des finances publiques qui s'ouvre aujourd'hui dans votre hémicycle marque une étape nouvelle dans la gouvernance de nos finances publiques. Non seulement ce débat d'orientation pour 2011 intègre les orientations budgétaires pluriannuelles pour 2011, 2012 et 2013 mais il sera suivi d'un vote au titre de l'article 50-1 de la Constitution. C'est évidemment une première, et c'est un acte important.
Le budget pour 2011 fera date dans l'histoire de nos finances publiques. Il va tourner le dos à des années d'augmentation du budget de l'État. Hormis la dette et les pensions qui sont des dépenses héritées du passé, les moyens de l'État feront l'objet d'une réduction en termes réels puisqu'ils seront stabilisés en valeur : la prévision d'inflation étant de 1,5 % en 2011, la baisse réelle du pouvoir d'achat de l'État sera de 1,5 % dès la première année. Je précise que même en ajoutant la dette et les pensions, le montant global du budget de l'État diminuera en volume de 0,2 % en 2011.
Nous avons aujourd'hui entre nos mains la soutenabilité présente et future de nos finances publiques. La crise économique, au-delà des secousses qu'elle a causées dans l'économie mondiale, est venue nous rappeler avec force la nécessité de veiller à la maîtrise des comptes publics. Nous avons pu, certes, renforcer la solidarité européenne au moment de la crise grecque et des incertitudes concernant les pays de la zone euro aux équilibres trop fragiles. Les défis qui nous font face n'en sont pas pour autant moins durs, et au-delà, il nous faut un vrai changement des mentalités et des habitudes vis-à-vis de la dépense publique. La sphère publique, l'histoire récente nous l'a montré, n'est pas une ressource inépuisable. C'est notre responsabilité que d'inverser la tendance et de dépenser de façon plus raisonnée.
Un budget n'est rien d'autre qu'un ensemble cohérent de choix. Et choisir, comme le disait Gide, c'est renoncer. Notre ambition, c'est de bâtir un cadre budgétaire équitable qui ne renonce pas à protéger les plus fragiles, ceux qui ont été le plus durement touchés par la crise, qui ne renonce pas à notre modèle social mais essaie, au contraire, d'en préserver les équilibres, comme nous l'avons fait avec la réforme des retraites. Mais nous renonçons à vivre au-dessus de nos moyens et à intervenir de façon indifférenciée dans tous les secteurs, sans jamais remettre en cause les dispositifs qui s'accumulent, au fond, sans jamais nous remettre un petit peu en cause.
Depuis quelques semaines, on me presse de qualifier notre politique comme étant de « rigueur ».
Chacun la qualifiera comme il voudra, la définira comme il l'entendra, et trouvera le meilleur qualificatif pour dire quel est le sens des propositions d'orientation budgétaire formulées par le Gouvernement. Pour ma part, je qualifierai tout simplement ce budget de responsable.
Si l'on parle de rigueur pour la France, que dira-t-on de l'Espagne, de la Grèce, de la Grande-Bretagne ? Dans tous ces pays, il y a une baisse drastique des pensions, des traitements, des salaires, et une augmentation des prélèvements obligatoires. Je pense à la Grande-Bretagne, qui a annoncé une hausse de 2,5 % de la TVA ainsi qu'une baisse de 40 % des dépenses de ses ministères. Si les mots ont un sens, celui de responsable me semble à la fois élégant, déterminé, précis et correspondant tout simplement à l'état d'esprit qui nous anime dans le cadre de ces orientations des finances publiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Nous avons aujourd'hui entre nos mains la soutenabilité présente et à venir de nos finances publiques, en d'autres termes l'héritage que nous laisserons aux générations futures. Pour toutes ces raisons, je vais vous présenter les grandes lignes d'une politique budgétaire responsabilisante.
Je veux dire également que jamais un ministre du budget n'aura été aussi précis dans la présentation du débat des orientations budgétaires d'hier et des finances publiques d'aujourd'hui. Nous devons tout mettre sur la table, tout donner sur la partie dépenses, et nous jouerons la même transparence à la sortie de l'été pour la partie recettes.
Pour l'année 2010, qui conditionne les moyens qui seront à notre disposition pour la préparation de 2011, les objectifs seront tenus. Nous sommes en ligne, et ce bilan nous permet d'accompagner la reprise, certes convalescente, mais qui va dans la bonne direction, tout en étant fidèles à nos objectifs de maîtrise des finances publiques.
Pour accompagner la reprise, nous mettons en oeuvre les dispositions du plan de relance et leur arrêt progressif, et simultanément le programme d'investissements d'avenir prévu par la première loi de finances rectificative pour 2010.
Pour être fidèles à nos objectifs de finances publiques, nous devons respecter les trois engagements qui ont été votés. Il s'agit, tout d'abord, de respecter notre objectif de déficit public à 8,0 % du PIB ; ensuite, de contenir la dépense de l'État au niveau prévu par la loi de finances, c'est-à-dire le « zéro volume » ; enfin, de respecter l'objectif national de dépense d'assurance maladie tel qu'il a été voté par le Parlement, c'est-à-dire une croissance de 3 %.
Dans ces trois domaines, nous sommes fidèles à nos objectifs, au vu de la situation actuelle des recettes et des dépenses. Cela ne signifie pas que nous pouvons relâcher notre attention : je resterai, bien sûr, très vigilant, ainsi que le Gouvernement, pour que, d'ici à la fin de l'année, nous soyons en mesure de respecter nos objectifs et en particulier le plus important, celui qui concerne le niveau de déficit public à 8,0 % du PIB à la fin de l'année 2010.
Il s'agit d'un élément indispensable pour nourrir la confiance des Français dans l'avenir, celle de nos partenaires européens envers notre pays ainsi que celle des investisseurs qui financent notre dette publique.
Dès 2011, notre stratégie est claire : elle vise à réduire les déficits publics.
Sur le long terme, la réforme des retraites vise déjà à les réduire. Elle pourrait générer un gain de 1,2 point sur le déficit structurel et d'environ dix points de PIB sur la dette publique à l'horizon 2020.
Pour 2011-2013, c'est avant tout par la maîtrise de la dépense et le rattrapage des recettes fiscales que nous parviendrons à 3 % de déficit du PIB. Notre programme de stabilité prévoit en effet une réduction du déficit public d'environ cinq points de PIB sur trois ans, soit environ 100 milliards d'euros, pour atteindre 3 % en 2013, c'est-à-dire revenir au niveau de déficit d'avant la crise. Il s'agit d'une véritable inflexion de l'évolution de la dépense publique.
J'ai eu plusieurs fois l'occasion d'expliquer pourquoi nous choisissons de réduire les dépenses : notre pays atteint déjà l'un des niveaux de prélèvements obligatoires les plus élevés au monde. Toute hausse généralisée d'impôt nuirait à la compétitivité de notre économie et compromettrait la reprise. Notre budget ne s'inscrit pas dans une logique de récession ; il vise, au contraire, à protéger une croissance que nous souhaitons plus vigoureuse.
La réduction des dépenses concerne naturellement les trois acteurs de la dépense publique, État, collectivités territoriales et sécurité sociale.
Je donnerai, tout d'abord, quelques précisions sur la première étape de cette trajectoire : le passage à un déficit de 6 % du PIB en 2011.
Je le répète, cet objectif est intangible ; c'est le coeur de notre stratégie que de ramener ce déficit public à 6 % du PIB en 2011. C'est une réduction que l'on n'a jamais atteinte, de l'ordre de 40 milliards d'euros. Les trouver exige un travail minutieux, méthodique, d'échenillage des dépenses, mais aussi un travail équilibré et juste, avec le débat que nous aurons sur les niches fiscales. Cela ne signifie pas que les dépenses doivent diminuer de 40 milliards d'euros sur une année. Ce qui compte avant tout, c'est le solde correspondant à la différence entre les recettes et les dépenses publiques et donc que les recettes progressent plus vite que les dépenses pour que le déficit public puisse diminuer dans la durée.
Trois leviers vont nous permettre de respecter notre trajectoire.
Une partie de l'effort, pour environ 15 milliards d'euros, correspond à la non-reconduction de mesures de 2010 qui n'avaient pas vocation à être pérennes, comme les mesures de relance et le surcoût de la taxe professionnelle.
Onze milliards d'euros proviendront du rattrapage des recettes fiscales, grâce au retour de la croissance. Avec la crise, la grande majorité des recettes se sont contractées comme l'activité économique. En commission des finances, nous débattons régulièrement du degré d'élasticité de l'économie française. Faut-il rappeler que l'an dernier, le rendement de l'impôt sur les sociétés a baissé de près de 60 % ? Que la chute du marché immobilier a entraîné une baisse des droits de mutation de 30 % ? Notre objectif de recettes fiscales est raisonnable et responsable et nous nous adapterons aux circonstances économiques.
Le reste, soit 14 milliards d'euros, proviendra d'un effort partagé de l'ensemble des acteurs de la dépense publique.
Le gel en valeur des dépenses de l'État rapportera environ 7 milliards d'euros dont près de 1 milliard d'euros grâce au gel des concours de l'État aux collectivités locales. Un milliard d'euros sera économisé sur le fonctionnement de l'État et des opérateurs, selon le train de mesures précisé la semaine dernière. La maîtrise de la masse salariale, notamment le non-remplacement d'un départ sur deux à la retraite, permettra d'économiser 1 milliard d'euros supplémentaire. Enfin, un effort d'environ 4 milliards d'euros sera effectué sur les dépenses d'intervention de l'État.
Il n'y a pas de petites économies, il n'y a que des économies.
La sphère sociale contribuera pour l'autre moitié à l'effort de redressement, soit 7 milliards d'euros. La réforme des retraites rapportera 4,5 milliards d'euros. La reprise de la dette sociale par la CADES permettra de contribuer à hauteur de 3,2 milliards d'euros à l'effort de consolidation. Enfin, la fixation de l'ONDAM à 2,9 % sera l'occasion de mettre en oeuvre environ 2,2 milliards d'euros d'économies.
Vous aurez remarqué que le total des mesures que j'annonce pour la sphère sociale est de l'ordre de 10 milliards d'euros. La raison en est que si l'on ne fait rien, les dépenses sociales évoluent avec une dynamique supérieure à la croissance du PIB. Il faut donc un total de mesures supérieur à 7 milliards d'euros pour contrecarrer cette dynamique.
Nous souhaitons, par ailleurs, agir sans délai pour ce qui est des dépenses fiscales et des niches sociales, tout en inscrivant notre action dans la durée.
La réduction des niches ne souffre pas de délai : nous entendons la mettre en oeuvre dès les textes financiers de l'automne 2010. J'ai évoqué un objectif de 8,5 à 10 milliards d'euros de réduction des niches pour 2011-2012. Nous le respecterons, je le confirme. Le Premier ministre a évoqué également cette perspective devant vous la semaine dernière. Je sais que nous pourrons compter sur le Parlement, son imagination, sa créativité, sa détermination égale à celle du Gouvernement, pour l'atteindre.
Il est encore trop tôt pour préciser quelles niches seront supprimées : la décision viendra au cours de l'été, conformément au calendrier habituel de la loi de finances. Nous aurons également recours au « rabot ». Ne me demandez pas le nom du prix Nobel que nous avons sollicité pour trouver cette idée lumineuse. Ceux qui ont exercé des responsabilités dans les collectivités locales savent que, si ce n'est pas la mesure la plus intelligente, c'est la plus efficace et, en fin de compte, la plus juste (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…
…parce que l'effort est partagé par tous. Ce rabot sera utilisé de manière un peu plus appuyée sur certaines dispositions qui n'auront pas prouvé leur efficacité ou qui sont devenues obsolescentes, afin d'épargner d'autres dispositifs fiscaux pertinents en matière de création d'emploi et protecteurs pour les publics fragiles. C'est ainsi qu'on arrive à un budget équilibré, juste et équitable.
Mais, au-delà des choix budgétaires immédiats, pour maîtriser une bonne fois pour toutes ces niches qui viennent grever les recettes de l'État et de la sécurité sociale, je suis convaincu qu'il n'y a que deux voies possibles.
La première est l'évaluation systématique, que nous avons confiée, Christine Lagarde et moi-même, à un comité présidé par Henri Guillaume, inspecteur général des finances. Nous lui avons demandé d'établir et de suivre l'évolution des dépenses fiscales et la réalité de leur évaluation,…
…pour que notre débat soit argumenté et permette de mettre en perspective les choix que le Gouvernement vous proposera.
La seconde est le monopole des textes financiers sur toutes les dispositions fiscales, que le Gouvernement a souhaité mettre en oeuvre sans attendre par une circulaire du Premier ministre du 4 juin dernier.
En troisième lieu, l'effort de maîtrise de la dépense doit concerner tous les acteurs de la dépense publique.
Pour l'État tout d'abord, dans le cadre du budget pluriannuel, nous avons décidé une réelle inflexion dans la croissance de la dépense. C'est un objectif sans précédent. Les dépenses de l'État seront stabilisées en valeur pour les trois prochaines années, hors pensions et charges de la dette.
Dans cette période, avec l'enracinement de la reprise économique et la remontée inéluctable des taux d'intérêt qui s'ensuivra, la « dette de crise » accumulée ces deux dernières années fera sentir son poids.
Nous nous attendons à ce que la charge de la dette progresse d'environ 13 milliards d'euros entre le montant inscrit en loi de finances initiale 2010 et celui de 2013. Conjugué à la hausse des pensions servies aux fonctionnaires de l'État, cela ne nous laisse d'autre choix que de stabiliser en valeur les autres dépenses. Ceux qui ont contesté cette proposition il y a quelques semaines, à l'occasion de la lettre de cadrage que le Premier ministre a envoyée aux membres du Gouvernement, prennent mieux aujourd'hui la mesure des raisons pour lesquelles nous formulons cette proposition, au vu des précisions chiffrées.
J'insiste sur ce point, c'est une inflexion de la dépense qui n'a jamais été réalisée en France. Pour construire les budgets entre 2006 et 2010, mes prédécesseurs ont eu en moyenne près de 2 milliards d'euros à allouer à la croissance des dépenses hors dette et pensions. Pour les budgets 2011 à 2013, le chiffre correspondant sera de zéro. Hors dette et pensions, la dépense de l'État s'élève en 2010 à 274,8 milliards d'euros et restera à 274,8 milliards d'euros en 2011, en 2012 et en 2013. C'est le signe que le Gouvernement a réussi à faire des choix, sans remettre en cause la priorité intangible qu'est le redressement de nos finances publiques.
Je tiens à rappeler que cet effort sans précédent doit être partagé. Il doit l'être – n'est-ce pas, monsieur le président Copé ? – par les collectivités locales, avec la stabilisation en valeur des concours de l'État qui leur sont destinés, hors FCTVA.
Il doit être partagé, ensuite, par l'Union européenne, à laquelle nous contribuons par un prélèvement sur les recettes de l'État. Les États européens mènent des politiques courageuses de maîtrise de leurs dépenses, ils ont organisé eux-mêmes un mécanisme d'aide solidaire à l'égard des pays en difficulté, notamment la Grèce, et en assument les conséquences financières. Dans ce contexte, il ne me semble pas acceptable que la Commission demande pour 2011 un budget en hausse de plus de 6 %. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Nous le réaffirmerons à Bruxelles, aux côtés des autres États membres soucieux de modération budgétaire. Les efforts demandés à nos concitoyens doivent permettre de réduire les déficits, pas de financer une dépense européenne croissante.
L'effort est partagé, enfin, entre les différents ministères. Je tiens à vous rassurer : la main n'a pas tremblé. Dans la détermination de chacun des plafonds, nous sommes allés aussi loin qu'il était possible pour maîtriser la dépense. Cela veut dire que sur les trente missions du budget général, près de la moitié verront leurs crédits hors pensions baisser en valeur dès 2011.
Cela veut dire aussi que même les politiques publiques, que nous avons voulu préserver autant que possible, font des efforts notables : décider d'un « zéro valeur » strict pour l'aide publique au développement ou la culture, c'est à la fois marquer notre souci de préserver autant que possible ces domaines et, compte tenu des engagements pris, leur demander de réels efforts d'économie pour tenir dans l'enveloppe.
(M. Marc Laffineur remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
Cela veut dire que le « un sur deux » s'applique sans faiblesse : un seul ministère continue à créer des emplois – la justice ; un autre – l'enseignement supérieur et la recherche, prioritaire – sera exonéré de suppressions d'emplois, mais la progression de ses crédits sera nettement ralentie par rapport aux années précédentes.
Même les ministères dont les crédits progressent participent à l'effort dans une proportion significative : par exemple, la défense, avec un écart de l'ordre de 1,5 milliard d'euros par rapport à la loi de programmation militaire sur la période 2011-2013. Nous assumons pleinement ce choix, compte tenu d'un contexte budgétaire qui n'est plus celui de l'été 2008, et des arbitrages de la loi de programmation militaire. La crise est passée par là, et les chiffres annoncés pour 2011-2013 signifient bien que la défense sera mise à contribution, sous forme de décalage de certains programmes.
Bref, vous le voyez, le « zéro valeur » ne consiste pas simplement à réaliser quelques économies emblématiques sur des budgets tels que l'emploi et le logement, mais un effort de tous et de tous les instants.
Pour parvenir au « zéro valeur » de 2011 à 2013, nous nous sommes appuyés sur les règles transversales que nous nous sommes fixées.
Le document qui vous a été remis aujourd'hui présente de façon détaillée le budget triennal et les économies qu'il comporte. C'est une première : au-delà des plafonds de dépenses par mission, le Gouvernement n'a jamais présenté, au moment du débat d'oriention sur la loi de finances, une vision aussi précise et documentée du futur budget et de sa stratégie en matière d'économies. C'est assez normal, puisque vous allez vous prononcer par un vote et qu'il y a eu la révision constitutionnelle. C'est une ardente obligation pour le Gouvernement de dire précisément par quelle méthode il va parvenir à cette réduction du déficit.
Je n'insisterai donc que sur les principaux points, liés à l'application des règles transversales que nous nous sommes fixées.
La première d'entre elles est le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, qui a déjà permis de supprimer 100 000 emplois depuis le début de la législature. Ce sont également de l'ordre de 100 000 suppressions d'emplois qui interviendront jusqu'en 2013. Contrairement à ce que l'on a prétendu sur les bancs les plus à gauche de cet hémicycle, il ne s'agit pas de la casse du service public. Au contraire, il s'agit de considérer que l'État étant le premier employeur, il doit être aussi le meilleur employeur. Ainsi, 50 % des économies effectuées grâce au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite sont restitués sous forme de bonification et d'amélioration des conditions de travail et de salaire des fonctionnaires.
En 2012, l'État aura ainsi retrouvé le nombre d'agents qu'il avait en 1990. Et à cette époque, la France n'était pas sous-administrée ! Dans la période 2011-2013, ces réductions représentent près de 5 % des effectifs de l'État, soit un gain brut annuel proche de 1,5 %, qui correspond aux gains de productivité observés dans le secteur des services. Notre politique de réduction du nombre de fonctionnaires en vue de mieux les rémunérer sera maintenue, je le confirme, pour les trois ans à venir.
Plus précisément, en 2011, la réduction des effectifs sera de l'ordre de 31 000 emplois. L'éducation nationale y contribuera à hauteur de 16 000 postes, le ministère de la défense à hauteur de 8 250 postes. Mon ministère rendra 3 127 postes. Je rappelle qu'il s'agit du résultat de réformes qui s'appuient sur la révision générale des politiques publiques et permettent d'être plus efficaces tout en réduisant les moyens. Par exemple, si le ministère de l'intérieur contribue à cette réduction d'effectifs pour près de 1 600 emplois en 2011, son coeur de métier, c'est-à-dire la sécurité et la présence sur le terrain des forces de police et des gendarmes,…
…sera largement préservé.
Au total, avec le « 1 sur 2 », nous parviendrons, sur la période 2011-2013, à stabiliser en valeur, comme prévu, la masse salariale hors pensions.
Notre deuxième règle est l'effort d'économie de 10 % sur trois ans pour les dépenses de fonctionnement et d'intervention. Nous prévoyons d'en réaliser la moitié dès l'année prochaine. Cet effort nous permettra de combattre la tendance spontanée des dépenses à croître fortement et facilitera le respect du « zéro valeur ».
C'est précisément pour faire un effort d'économie sur les dépenses de fonctionnement de l'État de 10 % en trois ans que nous souhaitons réduire son train de vie, grâce aux outils de la RGPP, comme les chantiers interministériels. Ces chantiers comprennent, entre autres, la rationalisation des achats, le perfectionnement des systèmes d'information, la réorganisation des concours. Ainsi, pour les seules économies liées aux achats, le gain potentiel sur les prochaines années pourrait atteindre jusqu'à 1 milliard d'euros. En fait, nous essayons d'adapter des méthodes qui ont fonctionné dans l'entreprise privée, sans pour autant nous éloigner du service public ni altérer sa qualité.
Par ailleurs, pour la première fois, nous demanderons aux 655 opérateurs de l'État un effort s'inspirant de la même philosophie, qui sera équivalent à celui de l'État.
Nous souhaitons également un réexamen de toutes les dépenses d'intervention, qui représentent 66 milliards d'euros sur trois ans, pour dégager des économies à hauteur de 10 %. Le document distribué vous montre le détail des réformes proposées. Je voudrais toutefois anticiper d'éventuels procès d'intention : nous n'allons pas réduire les minima sociaux. Nous n'allons pas remettre en cause le RSA : bien au contraire !
Comme prévu, le RSA sera étendu aux jeunes de moins de vingt-cinq ans sous condition d'activité, et à l'outre-mer dès 2011. Nous voulons un budget juste, un budget équitable, mais cette équité doit se concilier avec les impératifs de maîtrise de nos finances publiques.
La sécurité sociale constitue aussi une source de dépenses. Nous procéderons en la matière de la même façon que pour l'État, en associant réformes et maîtrise serrée de la dépense. À ce sujet, je concentrerai mon propos sur trois points : l'assurance maladie, la réforme des retraites, et la dette sociale.
En ce qui concerne les dépenses d'assurance maladie, nous ramènerons la progression de l'ONDAM à 2,9 % en 2011. Nous renforcerons l'efficacité de l'assurance maladie grâce à des innovations récentes, comme les agences régionales de santé qui doivent permettre notamment d'améliorer le lien entre ville, hôpital et médico-social, ou encore grâce aux projets de performance des hôpitaux, qui complètent ces dispositifs de la nouvelle organisation territoriale en matière de santé publique.
À côté des réformes de structure, afin de trouver des outils permettant de respecter l'ONDAM, nous avons largement repris les conclusions du rapport Briet. Le seuil d'alerte, fixé à 0,75 % aujourd'hui, sera progressivement abaissé à 0,5 % d'ici à 2012-2013. Le rôle du comité d'alerte sera étendu : il se prononcera désormais ex ante sur la construction de l'ONDAM, et sa fonction de veille sur l'exécution de l'objectif sera renforcée. Par ailleurs, une fraction des dotations sera mise en réserve en début d'année pour atteindre l'objectif fixé.
Dans notre stratégie globale, la réforme majeure reste celle des retraites. Elle est indispensable, car le système de retraite connaît un déséquilibre financier important. Nous avons voulu, n'en déplaise à certains, que cette réforme soit profonde et juste.
Comme la solution démographique ne peut montrer tous ses effets à court terme, nous lui avons adjoint des mesures de recettes ciblées qui permettent aussi de renforcer l'équité du système. L'augmentation des recettes destinées aux régimes de retraite s'élèverait, selon nos propositions, à 3,7 milliards d'euros en 2011. Elle comprend des recettes supplémentaires sur les hauts revenus, sur les revenus du capital et sur les entreprises.
Cette réforme, désormais familière à l'Assemblée nationale, devrait permettre aux régimes de retraite d'atteindre l'équilibre dès 2018. Elle générera, je vous le rappelle, un gain de 1,2 point sur le déficit structurel à horizon 2020, et d'environ 10 points de PIB sur la dette publique au même horizon. Je souligne à nouveau le caractère structurel des effets de cette réforme pour la maîtrise des finances publiques et la réduction de l'endettement général de la France.
La dette sociale portée par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale pour l'ensemble du régime général et du fonds de solidarité vieillesse représentera, en 2011, environ 87,1 milliards d'euros de dette accumulée. Pour remédier à ce problème, nous avons étudié les différentes pistes envisageables au sein d'une commission de la dette sociale composée de parlementaires de toutes les sensibilités politiques. Je remercie les membres de l'opposition qui ont participé de manière régulière aux travaux de cette commission. Évidemment, ils ne sont pas engagés par les propositions du Gouvernement, mais, par leur réflexion, ils ont largement contribué à l'orienter vers des choix qui, s'ils ne les assument pas, nous permettent néanmoins de répondre au problème posé.
Sans préjuger des arbitrages qui seront rendus cet été, nous avons essayé, avec l'aide de tous les participants à cette commission, de tracer une ligne de crête, évitant les solutions de facilité, comme la reprise de dette par l'État, l'allongement pur et simple de la durée de vie de la CADES ou le choix d'un statu quo intenable, sans pour autant aboutir à un effort en termes de prélèvements obligatoires supplémentaires, incompatible avec notre souci de soutenir la reprise.
On s'orienterait dès lors vers une reprise de dette par la CADES, à laquelle il faudrait ajouter des recettes pérennes, sans toutefois casser la reprise par des prélèvements obligatoires trop élevés.
Un allongement de la durée de vie de la CADES pourrait donc être choisi, mais limité à son strict minimum, et pour reprendre la seule « dette de crise », qui représente environ 35 milliards d'euros sur les 87 milliards d'euros mentionnés plus haut. Là encore, nous constatons l'impact de la crise en termes d'accélération de l'accumulation des déficits publics. C'est, à mon sens, un résultat équilibré et qui ne porte pas atteinte au pacte de solidarité intergénérationnel – ce point était important pour le Gouvernement.
Avec l'État et la sécurité sociale, les collectivités locales constituent la troisième source de dépenses ; nous souhaitons naturellement qu'elles prennent leur part de la maîtrise de la dépense publique.
Comme je l'ai évoqué précédemment, nous ne réussirons pas notre pari sans le partage des efforts. Ce qui signifie que les collectivités locales doivent s'habituer à vivre avec des transferts de l'État qui, comme pour les dépenses des ministères eux-mêmes, resteront stables en euro courant sur la période de 2011 à 2013.
Pour y parvenir, il n'y a pas d'autre voie que la maîtrise de la dépense. La réforme des collectivités locales, en cours de discussion au Parlement, doit aider à rendre plus efficace la dépense locale. Je rappelle que le Président de la République a souhaité, lors de la conférence des finances publiques du 20 mai dernier, fixer un moratoire sur les normes réglementaires, hors normes européennes, que l'État impose aux collectivités locales. Ce moratoire est de nature à libérer des ressources supplémentaires pour les collectivités locales. Nous mettons en place un dispositif qui permettra rapidement d'y voir un peu plus clair. Une circulaire est en préparation à ce sujet.
Le Gouvernement souhaite parallèlement renforcer la péréquation à l'intérieur de l'enveloppe des concours de l'État. Cher Gilles Carrez, je sais votre intérêt, votre passion même, pour ce sujet. C'est une mesure à laquelle les uns et les autres nous tenons particulièrement. Monsieur le rapporteur général, vous pouvez compter sur le soutien du Gouvernement sur ce sujet.
Pour renforcer dans la durée la maîtrise des dépenses, nous adopterons une nouvelle gouvernance des finances publiques. Il ne servirait à rien que la France se montre déterminée à réduire les déficits de 8 à 6 % pour l'année prochaine si nous ne pouvions pas aussi modifier le regard sur le long terme que portent nos partenaires européens ou les investisseurs sur notre capacité à inscrire enfin dans la durée cet effort de maîtrise des finances publiques.
Je voudrais, à cet égard, vous dire quelques mots sur la règle d'équilibre de nos finances publiques, pour laquelle nous comptons nous appuyer notamment sur les travaux du groupe Camdessus.
La commission créée par la conférence nationale sur le déficit public du 28 janvier et présidée par M. Michel Camdessus a rendu un rapport remarquable sur la règle constitutionnelle d'équilibre des finances publiques dont le principe a été décidé par le Président de la République lors de la conférence sur le déficit du 20 mai dernier.
J'observe en premier lieu un large consensus à propos d'importantes mesures de gouvernance dont nos finances publiques ont aujourd'hui véritablement besoin. Je pense en particulier à la proposition visant à confier le monopole des dispositions relatives aux recettes fiscales et sociales aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Cette règle serait particulièrement utile pour garantir une approche cohérente de l'évolution des recettes de l'État et de la sécurité sociale.
La commission Camdessus a aussi mené une réflexion approfondie sur le contenu de la règle constitutionnelle d'équilibre elle-même. Elle propose d'inscrire dans la Constitution le principe d'une loi-cadre de programmation des finances publiques qui s'imposerait juridiquement aux projets de loi de finances et aux projets de loi de financement de la sécurité sociale sous le contrôle du Conseil constitutionnel. Cette règle fixerait ainsi une trajectoire impérative de réduction des déficits. La durée couverte par les lois-cadres et la date de retour à l'équilibre pourront être fixées par le législateur.
Ce rapport inspirera très directement le Gouvernement dans la conduite de cette réforme importante pour le rétablissement de nos comptes publics. Le Premier ministre engagera prochainement les consultations avec les forces politiques pour déterminer plus précisément les contours d'une réforme consensuelle.
Je me permets de solliciter les membres de l'opposition au sein de la représentation nationale. Ils doivent savoir l'intérêt d'une telle évolution et connaître l'état d'esprit qui anime le Gouvernement, le Premier ministre Mme Christine Lagarde et moi-même. Même si nous sommes à quelques encablures d'une échéance majeure qui permettra au pays de faire ses grands choix pour les cinq années qui suivront 2012, il serait relativement vertueux…
Je crois que malgré le contexte, une réforme constitutionnelle sur le sujet pourrait avoir lieu dans le cours de l'année qui vient.
Nous prendrons tout le temps nécessaire pour discuter, pour consulter, pour entendre vos propositions. Au nom d'une certaine idée de l'État et pour défendre l'image de la France, nous avons intérêt, les uns comme les autres, à montrer notre capacité à nous inscrire enfin dans la durée pour protéger les générations qui nous suivent.
Mesdames, messieurs les députés, vous l'aurez compris, nous avons pour objectif en 2011 de ramener les déficits publics à 6 % du PIB. Il s'agit d'un objectif intangible, je ne le répéterai jamais assez.
En ces temps difficiles, la responsabilité de l'État à court terme est de réduire l'endettement public de la France pour des raisons aussi bien économiques que financières. Mais à long terme, sa responsabilité est de faire en sorte que l'État tel que nous le connaissons, le modèle social, le service public, le système de redistribution à la française, soit préservé et que nous puissions le transmettre intact à nos enfants. C'est là notre ligne de mire. C'est cela que nous voulons pour l'avenir, c'est ce vers quoi nous devons tendre. Au-delà de ces deux nécessités, la responsabilité de l'État, c'est de protéger notre pays de l'endettement excessif qui est la gangrène de la souveraineté. Être totalement dépendant des marchés revient pour un État à abandonner une part essentielle de sa souveraineté.
Malgré les difficultés et les débats que nous aurons cet automne, je suis convaincu que nous avons toutes les armes pour réussir notre pari dès l'année prochaine. Notre stratégie est cohérente, et notre détermination solide. Nous devons, pour cette raison, garder confiance dans notre économie, dans nos atouts et notre capacité de rebond. Car la confiance est la colonne vertébrale de la croissance sur le long terme.
Dans ce moment important, je sais, monsieur le président du groupe UMP, cher Jean-François Copé, que je peux compter sur la majorité. Et je sais que je peux aussi compter sur l'opposition pour formuler des propositions utiles au débat démocratique.
Je vous donne donc rendez-vous à l'automne, pour le vote de la loi de finances de 2011, et dès l'issue du débat qui nous réunit aujourd'hui en application, pour la première fois, de l'article 50-1 de la Constitution. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Rilance ! Rilance !
Monsieur le président, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi d'éclairer par quelques données à caractère macroéconomique le contexte dans lequel s'inscrit ce débat.
Laissez-moi vous dire que mai 2010 est un mois dont nous nous souviendrons. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est sûr !
Il s'agit d'un mois de refondation, tant sur le plan européen que sur celui de la cohésion de la zone euro. (Mêmes mouvements.)
Je vous parle de l'Europe, de la zone euro et de notre monnaie ! Le mois de mai a été extrêmement important de ce point de vue, puisqu'à l'occasion des travaux menés les 7 et 9 mai, les Européens ont décidé collectivement de faire face à la crise et à la défiance des investisseurs en mettant en place un fonds de stabilité de la zone euro, doté de 750 milliards d'euros pour lutter contre la spéculation.
Ce mois de mai est aussi fondateur parce que, le 20 mai dernier, la deuxième conférence des finances publiques engagée par le Président de la République, nous a permis de présenter une politique déterminée et différente qui vient de vous être décrite par François Baroin, et qui sera mise en place dans l'acte fondateur qu'est le budget.
J'en viens à quelques éléments de perspective macroéconomique qui me permettront de situer l'économie française par rapport à ses partenaires. On ne peut, en effet, débattre du budget de notre pays, sans considérer l'environnement international dans lequel notre économie et nos acteurs économiques évoluent.
En 2010 et dans les mois à venir, les États-Unis devraient tirer profit, comme certains de leurs partenaires, des mesures de relance budgétaire. En effet, celles-ci ayant été prises au cours du deuxième semestre de l'année 2009, l'année 2010 bénéficie d'un effet d'entraînement dans des proportions beaucoup plus importantes. Les États-Unis devraient également bénéficier d'un mécanisme de stabilisation du chômage, bien que celui-ci soit extrêmement élevé par rapport à la norme américaine habituelle. Toutefois, l'activité américaine devrait décélérer un peu en fin d'année, puisque l'INSEE prévoit un retour de la croissance américaine à environ 0,4 % au quatrième trimestre 2010, soit 2,9 % pour l'année 2010.
Les pays émergents – notamment la Chine, l'Inde, la Russie et, à un moindre degré, le Brésil – connaîtront toujours, grâce à leurs plans de relance respectifs, des taux de croissance extrêmement élevés, compris entre 9 % et 11 %. Outre les BRIC, que je viens de citer, il convient de tenir compte également de la situation des pays que l'on appelle les « prochains onze » – les next eleven –, parmi lesquels on trouve la Turquie, l'Indonésie et le Mexique, qui seront les nouvelles zones de croissance.
Dans la zone euro, la hausse de l'activité a été plus contenue au premier trimestre 2010, de l'ordre de 0,2 %, qu'en fin d'année 2009. Ce tassement est lié à la diminution des primes à la casse et au retrait graduel, voire très brutal, de ce soutien à l'activité automobile, ainsi qu'aux implications des conditions climatiques particulièrement défavorables pour le secteur du bâtiment. L'activité en zone euro devrait se redresser au deuxième trimestre, soutenue notamment par le rebond du commerce mondial et par la demande qui lui est adressée par un certain nombre des pays que j'ai évoqués tout à l'heure. Néanmoins, ce rebond connaîtrait des trajectoires différentes selon les pays. Ainsi, l'activité en Espagne pourrait se stabiliser tout en restant négative, alors que les pays fortement exportateurs, tels que l'Allemagne et, à un moindre degré, la France, bénéficieraient du soutien de la demande extérieure. Selon les prévisions du mois de juin de l'INSEE, la demande intérieure hors stock de la zone euro se tasserait un peu après l'été, alors qu'elle se renforcerait en France.
Il se confirme donc que notre pays traverserait globalement mieux l'après-crise que le reste de la zone euro. Elle avait déjà mieux traversé la crise en 2009, grâce à l'absence de déséquilibres majeurs dans son modèle de développement économique, à l'importance des stabilisateurs automatiques et au plan de relance que vous avez voté et qui a été rapidement et efficacement mis en oeuvre, comme l'avaient souhaité la Commission européenne et l'ensemble des organisations internationales, notamment le FMI.
Écoutez, nous faisons moins 2,6 %, alors que la moyenne de la zone euro est de moins 4,1 % et que l'Allemagne fait moins 4,9 %. Pourquoi ne pas le dire ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Il ne faut non plus s'en flatter, mais c'est ainsi : nous nous en sommes mieux sortis que les autres.
Les évolutions économiques depuis le mois de janvier confirment le cadrage des lois de finances initiale et rectificative pour 2010. En France, pour le quatrième trimestre consécutif, la croissance a progressé au premier trimestre 2010. Sur les quatre derniers trimestres, elle s'établit ainsi à 0,3 % par trimestre. J'ajoute que, si la croissance a été nettement moins forte au premier trimestre 2010 qu'au quatrième trimestre 2009 – 0,1 % contre 0,6 % –, c'est essentiellement dû à la diminution de la prime à la casse, qui a eu un effet immédiat sur le secteur automobile. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous verrons, et je crois que vous vous trompez !
Pour le reste de l'année, le cadrage macroéconomique du programme de stabilité de février dernier a efficacement anticipé sur les prévisions de l'INSEE rendues publiques en juin et qui tiennent compte des réalisations.
Premièrement, l'investissement des entreprises serait en légère progression, de 0,6 %, sur l'année. Vous savez que l'investissement privé, en particulier celui des entreprises, a littéralement calé en 2009, diminuant de 9 %, alors que les tendances du début de l'année 2010 nous permettent de penser que celle-ci s'achèvera sur une progression.
Deuxièmement, l'investissement logement des ménages s'améliorerait en fin d'année, grâce à des conditions de crédit qui restent favorables et aux mesures prises par le Gouvernement, en particulier l'extension du prêt à taux zéro et le dispositif Scellier en faveur de l'investissement locatif.
Troisièmement, la réduction du déstockage soutiendrait la croissance au cours des prochains trimestres.
Par ailleurs, puisque la France est également un pays d'exportation – elle occupe le cinquième rang mondial dans ce domaine –, elle bénéficiera du rapport entre l'euro et le dollar. En effet, nous avons fondé un certain nombre de nos prévisions sur un taux de change de 1,48, alors qu'il tourne plutôt autour de 1,25. Nous avons donc là une marge de compétitivité utilement exploitée par un certain nombre de nos grands exportateurs. Je ne m'en félicite ni ne m'en désole : je constate simplement que nous bénéficierons d'un accélérateur d'exportations.
S'agissant de l'emploi, l'ensemble du Gouvernement, ainsi que mes services, sont mobilisés. Quelques chiffres sont bons, même si je ne m'en satisfais pas. Au premier trimestre 2010, 23 900 emplois ont été créés dans les secteurs marchands, alors qu'au cours des trimestres précédents, nous avions enregistré des pertes nettes d'emplois. Le taux de chômage, qui s'est stabilisé à 9,5 %, s'est également stabilisé dans la zone euro, ce qui nous permet d'être un peu moins pessimistes que par le passé. En effet, une stabilisation conjuguée à des créations nettes d'emploi et à un rebond du volume des heures supplémentaires au cours des derniers mois nous laisse penser que, pendant l'année 2010, nous devrions enregistrer des progrès sur le front de l'emploi.
Sur l'ensemble de l'année 2010, le PIB français progressera bien de 1,4 %, ce qui correspond à notre prévision pour l'année 2010. Cette prévision reste conforme, et parfois inférieure, à celles des institutions internationales – 1,5 % pour le FMI, 1,7 % pour l'OCDE 1,3 % pour la Commission – et à celle du consensus de place, qui se situe à 1,4 %. Nous allons tenir notre prévision. J'ajoute que l'hypothèse d'inflation pour 2010 retenue dans le programme de stabilité est de 1,2 % en moyenne annuelle. Quant au taux de prélèvement obligatoire, il se stabiliserait en 2010 à 41,5 % du PIB.
Quid de la France en 2011 ? La poursuite du rebond cyclique entamé en 2010 permettrait d'atteindre un rythme de croissance proche de sa tendance de moyen terme. La force de ce rebond s'expliquerait par divers facteurs.
Premier facteur : la brutalité du décrochage de 2009. Nous sommes en effet passés à moins 2,6 %, après révision par l'INSEE. Certes, et d'aucuns ne manqueront pas d'y revenir, il faut se méfier des analogies, car la crise a été brutale, soudaine et générale ; mais l'on s'aperçoit qu'en 1993, à l'issue d'un choc moins brutal, puisque la croissance avait baissé de 0,9 %, un rebond est intervenu, qui s'est traduit par une croissance de 2,2 %, alors que les prévisions étaient de 1,4 %.
Deuxième facteur : la demande extérieure adressée à l'économie française dans le cadre d'une augmentation du commerce international et d'une croissance du produit intérieur brut. Celles-ci ont été récemment révisées à la hausse – 4,5 % – par le Fonds monétaire international ; la France en recevra sa part.
Troisième facteur : les mesures que nous avons prises au cours des trois dernières années. Si la loi de modernisation de l'économie ou les modifications de la réglementation du travail – j'y reviendrai – remplissent l'objectif que nous leur avons assigné et permettent une meilleure fluidité et une meilleure réactivité de l'ensemble des acteurs économiques, il y a toutes les raisons de penser que le redémarrage de la croissance sera amplifié.
Enfin, la fin du déstockage soutiendrait la croissance au cours des prochains trimestres.
Par conséquent, si mon hypothèse de croissance, établie à 2,5 % pour 2011, est ambitieuse – j'ai même pu dire, ici ou là, qu'elle était audacieuse –, elle n'est pas totalement irréaliste, comme certains l'indiquent. Au demeurant, je n'exclus pas de devoir la réviser lorsque nous aurons connaissance des résultats de la croissance au deuxième trimestre 2010, mais je ne le prévois pas non plus. François Baroin et moi sommes attentifs et ouverts aux évolutions de la conjoncture et nous réexaminerons nos hypothèses si cela s'avérait nécessaire. Mais, encore une fois, j'ai toutes les raisons de croire que, pour ambitieuse et un peu audacieuse qu'elle soit, notre prévision de croissance, fixée à 2,5 %, n'est ni irréaliste ni illégitime, comme je l'entendrai certainement tout à l'heure. J'ajoute que l'OCDE a établi sa prévision concernant notre pays à 2,1 %. Quant à certains économistes de place, ils nous jugent quelque peu pessimistes et nous voient plutôt à 2,6 %, ce qui me paraît sympathique mais pas nécessairement approprié.
Je vous communiquerai les références.
Le projet de loi de finances pour 2011 permettra, selon le calendrier habituel et sur la base des informations qui seront alors disponibles, de faire le point sur l'hypothèse de croissance pour 2011 retenue par le programme de stabilité. L'hypothèse relative au taux de change, qui est importante pour le calibrage et la prévision, est de 1 euro pour 1,48 dollar.
Comment envisageons-nous l'économie française et quelles perspectives traçons-nous ?
Certains ont ironisé sur le terme de « rilance », mais il aura au moins eu l'avantage de susciter le débat. Nous devons opérer un dosage subtil et délicat, en fonction de la conjoncture, de la demande adressée à la France et des marchés sur lesquels elle évolue pour refinancer sa dette et financer son déficit. Il nous faut ainsi réduire notre déficit et notre endettement de la manière la plus décisive et la plus déterminée possible, tout en évitant de prendre des mesures de nature à étrangler et à freiner la croissance. C'est pourquoi j'ai forgé ce néologisme, cet oxymore infâme : la « rilance », qui désigne à la fois des mesures responsables et des mesures de relance.
Cette politique me paraît apporter une réponse pondérée à une exigence très forte de notre partenaire allemand et aux demandes de nos partenaires américains, les unes étant aux antipodes de l'autre. Elle nous permettra de réconcilier des impératifs au service de nos objectifs en matière d'emploi et de création de valeur.
Vous aurez l'occasion, tout à l'heure, de me dire que cela ne signifie rien et que je suis une sotte ! (« Oh ! Non ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Pas du tout, vous savez très bien ce que vous faites : une politique au service des marchés financiers et du capital !
Les réformes structurelles pour soutenir durablement la croissance et accompagner la réduction du déficit sont plus que jamais nécessaires. Le vieillissement des baby boomers que nous sommes, pour la plupart d'entre nous, pèse sur la population au travail.
Quant à la productivité française, elle a considérablement fléchi depuis vingt ans, puisque nous sommes passés de plus 1,8 % par an sur la période 1991-2007 à plus 1,2 % sur la période 2003-2007. Cette baisse de productivité n'est évidemment pas due à une insuffisance d'investissements dans les biens productifs ou les équipements technologiques, mais bien au vieillissement de la population.
La politique économique du Gouvernement s'oriente essentiellement dans trois directions. Premièrement, nous nous efforçons d'agir sur le volume de travail dans l'économie. Vous avez pris un certain nombre de mesures pour libérer le temps de travail, notamment grâce à l'utilisation des heures supplémentaires à des conditions avantageuses, en particulier pour les salariés. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous avons mis en oeuvre une politique de lutte pour l'emploi, avec le revenu de solidarité active, une mesure constituant une incitation efficace au retour au travail ;…
…nous avons rénové le service public de l'emploi en fusionnant l'ANPE et les ASSEDIC et en créant un Pôle Emploi nettement orienté vers la recherche d'emploi et le placement des demandeurs d'emploi ; nous avons réformé la formation professionnelle afin qu'elle cible les publics qui en ont le plus besoin ; enfin, par un texte spécifique, nous avons défini de nouveaux droits et devoirs pour les demandeurs d'emploi, avec l'objectif d'augmenter le volume de travail dans notre économie.
La réforme des retraites, évoquée par François Baroin et sur laquelle je ne m'étendrai pas, va exactement dans le même sens : augmenter la capacité de travail et le travail dans l'économie française. La réforme est emblématique de ce double mouvement de réduction des déficits publics et d'augmentation de la croissance, puisque l'ajout de force de travail dans l'économie française devrait se traduire par un surcroît de croissance moyen d'environ 0,3 % par an et par une réduction du déficit public estimée à 0,5 % en 2013.
Le deuxième axe de la politique du Gouvernement consiste à agir sur la compétitivité des entreprises françaises. Cela se fait au moyen de plusieurs mesures : le remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale,…
…le triplement et la facilitation du crédit d'impôt recherche, qui est l'un des plus compétitifs d'Europe,…
…l'emprunt national, destiné à financer un certain nombre de grandes initiatives de stratégie nationale, dont on peut chiffrer l'effet d'entraînement sur la recherche et le développement du secteur privé à plus 0,1 %.
Le troisième levier sur lequel nous devons absolument agir pour restaurer la création de valeur et d'emploi est celui du secteur bancaire et financier. La crise nous a rappelé, s'il en était besoin, l'importance du financement de l'économie et de la régulation bancaire et financière pour favoriser une accumulation du capital régulière et équilibrée, sans les mouvements de volatilité et de fuites de capitaux que nous avons pu constater. La crise a détruit beaucoup de capital, avec des effets importants sur la croissance potentielle. Selon les études effectuées par l'OCDE, les deux tiers de la perte de croissance potentielle sont imputables aux désordres financiers.
Voilà pourquoi je me bats, avec le Gouvernement, au sein des instances nationales, au niveau européen et dans le cadre du G20 pour que soit mise en oeuvre une régulation financière, une supervision efficace, la réglementation des fonds alternatifs et des CDS, la lutte contre les trous noirs de la finance, la mise en place d'une taxe bancaire assise sur une base ayant pour effet de taxer plus lourdement les profils de risque supérieur, l'harmonisation des normes comptables – avec une prise en compte de la valeur historique et pas seulement de la valeur de marché –, et la compétitivité et la liquidité de la place de Paris, afin de permettre aux petites et moyennes entreprises ainsi qu'aux entreprises de taille intermédiaire de se financer non seulement auprès des établissements financiers, mais également sur le marché obligataire.
Telles sont, mesdames et messieurs les députés, quelques-unes des démarches que nous entreprenons. En résumé, il s'agit d'augmenter la capacité de travail de nos entreprises, d'améliorer leur compétitivité, de leur permettre de créer de la valeur, donc de l'emploi, de réguler, discipliner et mieux organiser les circuits de financement pour permettre l'accumulation de capital dans nos entreprises. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, il aura fallu cinq mois pour que le Gouvernement vienne décliner, devant la représentation nationale, les choix de principe qu'il a effectués à la fin du mois de janvier dernier. C'est en effet à cette période que les plus hautes autorités de l'État ont transmis à Bruxelles le plan de stabilité auquel la France s'engageait à souscrire, sans que ni les parlementaires ni nos concitoyens ne sachent quelles seraient les conséquences de ces choix de principe.
Durant les cinq mois qui viennent de s'écouler, tous nos voisins, qu'il s'agisse des Allemands, des Espagnols, des Italiens ou des Britanniques, ont appris, par la voix des autorités légitimes élues par le peuple, en quoi consisterait la politique de rigueur – un mot qui reste étonnamment tabou en France. Monsieur le ministre du budget, vous êtes le seul à oser prononcer ce mot, et même si ce n'est qu'en l'entourant de circonlocutions et d'adjectifs visant à en atténuer la portée, je vous en remercie. Vous êtes le seul à faire preuve de la transparence due à la représentation nationale, et que l'ensemble des élus doit à l'ensemble de la population.
Le chef de l'État ignore ce mot, le Premier ministre s'est vu interdire de le prononcer et Mme Lagarde a été obligée, pour l'évoquer, de créer cet affreux néologisme de « rilance », un terme qui veut tellement peu dire qu'il peut inquiéter, car bien peu comprendront ce qu'elle a voulu dire : il est rare que l'on mène à la fois une politique de rigueur et de relance. Tournant autour du pot, probablement par crainte d'enfreindre quelque consigne élyséenne, vous nous expliquez que la politique menée sera celle de la « rilance » quand, en réalité, la rigueur est, en France comme chez nos principaux partenaires européens – pour ne pas dire tous –, la politique qui sera désormais mise en oeuvre.
Cinq mois, donc, avant que nous ayons enfin ce débat ! Je voudrais remercier le rapporteur général de la commission des finances, puisque c'est simultanément – conjointement, serais-je tenté de dire – que nous avons obtenu du pouvoir exécutif que ce débat soit organisé, afin de permettre à la représentation nationale d'être enfin informée des nouvelles politiques que le Gouvernement s'apprête à mettre en oeuvre, le cas échéant avec le soutien de sa majorité. L'article 50, alinéa 1er, de notre Constitution, qui fonde notre débat, permet que celui-ci se conclue par un vote n'engageant pas la responsabilité du Gouvernement. Je me permettrai de revenir sur cette spécificité à la fin de mon intervention.
Du haut de cette tribune, beaucoup ont déjà cité cette phrase que je rappellerai cependant une fois de plus, tant elle me paraît juste, en France comme ailleurs : « Des comptes en désordre sont le signe d'une nation qui s'abandonne. » Le moins que l'on puisse dire est que nos comptes sont en désordre ! En 2009, le déficit public a été de 7,5 %, et j'ai cru comprendre que les membres du Gouvernement, après avoir longtemps bataillé, de manière bien compréhensible, ont fini par se rendre aux arguments de la Cour des comptes et de la Commission européenne, pour admettre que sur ce taux, 5 points étaient imputables aux politiques menées, et seulement 2,5 points étaient dus à la crise. Prétendre, comme le font certains, que le déficit est dû à la crise, est un manque de lucidité – tout comme prétendre, à l'inverse, qu'il n'est dû qu'aux politiques menées. En réalité, on sait que le déficit est dû à ces deux causes à la fois. Plutôt que de débattre interminablement sur ce point, il me semble qu'il serait aussi sage que lucide de s'en remettre à l'arbitrage de la Cour des comptes, qui s'est basée sur des travaux de l'INSEE et de la Commission européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La dette de notre pays s'est élevée à plus de 80 % du PIB en 2009 et sera de plus de 87 % du PIB en 2012 : en un peu plus de dix ans, ce sont trente points de PIB de stock de dette que notre pays aura accumulés. Il faudra évidemment rembourser cette dette un jour ou l'autre, et même si l'inflation est censée nous aider à le faire, il vaut mieux ne pas y compter. Le règlement de la facture risque d'être particulièrement douloureux pour la France, car, si Mme la ministre a eu raison de souligner que la récession fut moins importante dans notre pays qu'ailleurs et que le plan de relance y fut probablement pour quelque chose – un plan moins important qu'ailleurs en pourcentage de PIB –, le fait que notre déficit public se soit aggravé dans les mêmes proportions qu'ailleurs signifie que, structurellement, nos finances publiques sont beaucoup plus détériorées que celles de l'Allemagne ou du Royaume-Uni. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C'est donc que la rigueur devrait être beaucoup plus forte dans notre pays qu'ailleurs, si le Gouvernement et la majorité qui le soutient souhaitent vraiment rétablir les finances publiques.
Si je ne doute pas de la sincérité des ministres qui m'ont précédé à cette tribune, il me semble que nous pouvons tirer quelques enseignements des chiffres. Au cours des dix dernières années, la dépense publique a progressé en moyenne de 2,3 %. En 2009, elle a augmenté de 2,7 % ; en 2011, elle devrait être limitée à 0,6 % et concerner uniquement la sécurité sociale et les collectivités locales – alors qu'en 2009, la sécurité sociale a connu une progression de sa dépense de 1,2 % et les collectivités locales de 0,7 %. Toutes les bonnes paroles, toutes les mesures annoncées à grands roulements de tambour ne pourront jamais remplacer ce qui manque – comme l'indique le rapporteur général dans son rapport sur la loi fiscale, que je vous engage à lire, mes chers collègues –, à savoir les recettes fiscales qui ont été abandonnées de manière excessive au cours des dix dernières années.
Même si l'on peut ne pas être d'accord avec la répartition retenue par le rapporteur général entre les gouvernements qui se sont succédé depuis l'année 2000, je crois pouvoir dire que tous ont contribué à la diminution des recettes fiscales.
Le rétablissement de ces recettes et de nos finances publiques se heurte à un dogme politique, celui du bouclier fiscal. Ce dogme empêchera la majorité actuelle de rétablir les finances publiques, car la réduction de la dépense publique – que nous appelons la maîtrise –, même si elle allait aussi loin que le souhaite le Gouvernement, ne pourrait suffire. M. Baroin et Mme Lagarde ont tous deux indiqué que le Gouvernement dirige les affaires du pays non seulement sous le regard de l'opinion, d'où il a tiré sa légitimité, mais également sous le regard des marchés qui, eux, ne s'y tromperont pas.
Je reste donc perplexe quand je vois certains assumer, plutôt mieux que mal, le mot de rigueur, tandis que d'autres le nient et que d'autres, encore, se croient obligés d'inventer des néologismes pour ne pas effrayer les marchés, auprès de qui nous serons obligés de lever près de 450 milliards d'euros en 2011. Aussi loin que nous allions dans la réduction de la dépense, cela ne suffira pas. C'est probablement ce qui a poussé Mme Lagarde à tenter de nous démontrer qu'une croissance de 0,1 % au premier trimestre ne compromettait en rien une croissance de 2,5 % en 2011 et en 2012, pas plus qu'une élasticité des recettes à la croissance. Ce sont là deux paramètres totalement illusoires, je le crains (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC),mais néanmoins nécessaires si, pour parvenir aux fameux 100 milliards d'euros de 2013, nous devons compter sur une augmentation des prélèvements obligatoires relevant d'une augmentation spontanée des recettes liées à la croissance, et non d'une augmentation des prélèvements eux-mêmes.
Cependant, même cet artifice-là est en train de voler en éclats, mes chers collègues. Qu'est-ce que l'augmentation d'un point du taux marginal de l'impôt sur le revenu, si ce n'est une augmentation des impôts ? Qu'est-ce que l'augmentation d'un point du prélèvement forfaitaire libératoire, si ce n'est une augmentation des impôts ? Qu'est-ce que la réduction des niches fiscales, si ce n'est une augmentation des impôts ? Ceux qui bénéficient actuellement des niches fiscales vont voir celles-ci réduites, ce qui aura pour conséquence de leur faire payer plus d'impôts – sauf s'ils bénéficient du bouclier fiscal, auquel cas le montant supplémentaire qu'ils pourraient être amenés à payer leur sera remboursé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je ne méconnais pas la nécessité d'augmenter les prélèvements obligatoires pour financer la réforme des retraites, mais j'estime qu'il faut faire preuve de cohérence : à partir du moment où on augmente les prélèvements obligatoires, il ne faut pas faire comme si on ne les augmentait pas ! Oui, ils augmenteront, comme le Gouvernement l'a déjà annoncé, et ils devront probablement augmenter encore davantage si vous entendez respecter les règles que vous vous êtes données.
Monsieur le ministre du budget, vous avez conclu votre intervention en indiquant souhaiter une nouvelle gouvernance des finances publiques.
Le groupe Camdessus, auquel, avec le rapporteur général du budget, j'ai eu l'honneur de participer, représentant l'ensemble de l'Assemblée nationale, fait effectivement des propositions. Elles consistent notamment en une révision de la Constitution se déclinant en une loi organique prévoyant une loi de financement de l'État et de la sécurité sociale sur trois ans, loi s'imposant aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale dont la périodicité est annuelle. Pourquoi pas ? Mais ne faudrait-il pas plutôt commencer par respecter les lois organiques existantes ? Vous vous apprêtez à supprimer des règles organiques que vous avez à peine adoptées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
C'est en 2005, à l'initiative d'un de vos amis politiques, M. Jean-Luc Warsmann, que vous avez, en effet, de façon organique, instauré la règle prévoyant qu'on ne peut transférer de dettes à la CADES sans y transférer des recettes permettant de les amortir sans augmenter la durée d'amortissement de la caisse. Cela doit se terminer en 2021. J'ai cru comprendre qu'un projet de loi organique visant à revenir sur cette règle allait prochainement être soumis au conseil des ministres. Il s'agit d'allonger la durée d'amortissement de la CADES et de transférer près de 50 milliards de dettes sans avoir à transférer les ressources correspondant à cet amortissement.
Comment voulez-vous qu'on puisse croire à la sincérité de votre démarche quand, dans le même mouvement, vous vous apprêtez à revenir sur une loi organique que vous avez voulue, que vous avez votée et dont vous aviez déjà dit, à l'époque, qu'elle était nécessaire pour éviter les lâchetés et les déficits ? Comment voulez-vous qu'on puisse croire à la sincérité de votre démarche quand, avant même d'élaborer une nouvelle règle, vous supprimez celle que vous avez adoptée voilà quelques années à peine ?
Monsieur le ministre du budget, vous avez demandé à l'opposition – et il se trouve que j'appartiens aussi à l'opposition – qu'elle vous fasse des propositions. Je vous fais donc celle-ci : si vous voulez vraiment prouver votre sincérité dans votre démarche d'élaboration d'une nouvelle gouvernance des finances publiques, si vous souhaitez qu'à Versailles, la majorité requise pour modifier la Constitution soit atteinte – je ne préjuge en aucune manière de quoi que ce soit –, respectez au moins les règles que vous avez adoptées et ne reportez pas sur les générations futures l'apurement de dettes que nos générations ont constituées. Elles n'ont pas à les apurer en notre lieu et place.
Cette proposition est claire : ne déposez pas de projet de loi organique qui tendrait à modifier une règle que je crois sage car il revient aux générations qui ont créé des dettes de les assumer. Ne reportez pas ces dettes sur les générations futures. Obliger celles-ci à payer 0,5 % de CADES entre 2021 et 2025, c'est augmenter les impôts dans longtemps. Cela ne témoigne pas du courage le plus élémentaire en matière de finances publiques. Vous souhaitez des propositions, monsieur le ministre : je vous fais celle-ci. Je ne pensais pas pouvoir la présenter mais je le fais après vous avoir entendu.
Mes chers collègues, je me félicite encore une fois que ce débat ait lieu. Il se terminera par un vote : je regrette que le Gouvernement n'ait pas trouvé là le moyen d'engager sa responsabilité. De deux choses l'une, en effet : soit il s'agissait d'un changement de politique, et il devait alors engager sa responsabilité ; soit, ce n'en est pas un et cet engagement n'est pas nécessaire. De par le choix qui a été fait, je crains que nous ne continuions hélas ! comme avant et que la facture pour le pays ne soit beaucoup plus lourde qu'elle ne l'est déjà. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.
J'invite les orateurs à respecter le temps qui leur a été imparti.
Vous avez la parole, monsieur le président.
Refondation, « ri-lance » : avez-vous dit, madame la ministre. J'ajouterai le terme de lucidité, une lucidité exigeante.
Selon de nombreux observateurs étrangers, la France a tous les atouts d'une grande nation prospère mais, ajoutent-ils, à condition qu'elle parvienne à réduire ses faiblesses. Aujourd'hui, l'une de ses plus grandes faiblesses est le poids de ses déficits et les risques qu'ils font peser sur la confiance du pays dans son avenir, sur l'emploi et les taux d'intérêts, sur la poursuite de la construction européenne.
Au cours des trois grands débats à venir et qui sont profondément imbriqués, qu'il s'agisse du projet de loi portant réforme des retraites, du projet de loi de finances ou du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, la question centrale qui nous est posée est celle-ci : comment parvenir à réduire nos déficits structurels d'au moins 10 milliards en 2011 ? C'est ce à quoi Gilles Carrez, Jean-François Copé et moi-même nous nous engageons. Dans son rapport, M. Cotis situe en effet pour les dix années à venir à 0,7 point de PIB, soit 14 milliards, l'effort supplémentaire annuel pour ramener nos finances publiques sur une trajectoire soutenable.
Y a-t-il une voie de passage qui permette de dégager ces 10 milliards sans sacrifier la croissance, et donc la consommation des classes moyennes, de ne pas porter atteinte à la compétitivité de notre économie, et qui soit fiscalement juste ? Cette voie existe. Avec Gilles Carrez et Yves Bur, nous pensons que quatre pistes peuvent être empruntées pour y parvenir : deux sur les dépenses et deux sur les recettes.
La première est, bien sûr, la maîtrise des finances publiques. Il existe toujours des réservoirs de productivité, dans le fonctionnement de l'État – colloques qui ne servent à rien, brochures sur papier glacé, revues… Le Canada a montré l'exemple dans les années 93-95. Et l'on voit aujourd'hui les résultats de cette politique.
S'agissant des services publics, il faut dire en préambule qu'ils constituent un rempart contre les inégalités et que nous y tenons.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Très bien !
Mais ils doivent produire des services à des coûts raisonnables. Or des marges existent en la matière. Je ne citerai pas ici l'excellent rapport de mon collègue Ginesy sur les SDIS. Il reste qu'on pourrait multiplier les exemples montrant qu'il existe des marges de productivité.
Sur les collectivités locales, vous devez vous attendre, monsieur le ministre du budget, à porter l'impopularité de l'augmentation des impôts locaux. Avec Gilles Carrez, nous demandons depuis deux ans au Gouvernement deux choses. Premièrement, qu'il puisse, sur les six ou sept dernières années, indiquer aux villes et aux contribuables l'évolution des dotations de l'État, dégrèvements et exonérations de taxe professionnelle et taxe d'habitation compris. Chacun pourrait ainsi constater que ces dotations ont enregistré une progression de plus de 5 %.
Les dégrèvements et autres exonérations ne donnent pas de moyens aux collectivités locales !
Nous savons très bien que la dépense a été jusqu'ici électoralement payante : plus vous dépensiez, plus vous étiez aidé ! Il faut en revenir à une situation plus juste. Monsieur le ministre, nous souhaitons que vous donniez ces informations.
Personnellement, je souhaite également, dans un souci de transparence, que deux indications soient portées sur la feuille d'imposition des contribuables. L'une porterait sur l'augmentation des impôts de la ville sur l'année, et l'autre sur celle des six dernières années et inclurait les départements et les régions. Pour l'instant, ceux qui essaient d'être vertueux ne sont absolument pas récompensés de leurs efforts.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
Sur les collectivités locales, nous attendons donc des changements, monsieur le ministre.
Deuxième piste, il faut adapter notre modèle social et le rendre plus performant – Yves Bur y reviendra.
Jérôme Vignon, le président des Semaines Sociales de France, que nous avons récemment auditionné en commission, a souligné que la France avait dépassé la Suède en matière de dépenses sociales en consacrant 580 milliards d'euros au titre des politiques sociales de l'État providence, mais que nos résultats n'étaient pas à la mesure de ces dépenses. Nous avons donc un vrai devoir d'amélioration de l'efficacité de nos dépenses sociales – vingt-cinq prestations entre la naissance et la mort. Pierre Morange et Dominique Tian ont proposé, je crois, de travailler sur les moyens de lutter contre tous les systèmes de fraude, et ils sont nombreux.
Yves Bur reviendra sur ce devoir d'efficacité. Je dirai simplement que nous réclamons depuis longtemps l'annualisation des allégements de charges sociales sur les bas salaires. Par ailleurs, on peut augmenter le forfait social et regarder plus attentivement les ALD. Nous souhaitons pour notre part parvenir à 4 milliards de réduction des déficits structurels. Voilà pour les dépenses.
J'en viens à présent aux pistes sur les recettes. Peut-on accroître la compétitivité de l'économie française et la productivité ? Les présidents d'American Express et de Nestlé avaient dit à leurs collègues : n'allez pas en France, tout est trop compliqué. Reconnaissons-le, le monde actuel exige souplesse et rigidité ; or, en France, il y a trop souvent rigidité et lenteur. Les normes, les excès de réglementation paralysent l'initiative, augmentent les coûts et retardent les adaptations. Je dois le dire, la machine à légiférer tourne parfois à la frénésie. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je n'ai pas voté la loi qu'on vient de soumettre à notre vote.
Stimuler la compétitivité des entreprises, c'est alléger le poids des réglementations. Jeudi, nous aurons un débat portant sur le dialogue social dans les TPE. Nombre de collègues s'interrogent : s'ils disent oui à la concertation sociale, ils ne souhaitent pas cependant développer ce que certains appellent, fort justement à mon avis, l'enfer réglementaire français.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
Dernière piste, enfin, accroître nos recettes, c'est rendre notre système fiscal plus juste et plus efficace.
La crise a changé la donne. Le 22 juillet 2009, à Versailles, le Président de la République déclarait : « La crise est d'une telle ampleur qu'elle appelle une remise en cause profonde. ». Les marqueurs énoncés avant l'élection présidentielle peuvent-ils être les mêmes après la crise ?
Il s'agit non pas d'augmenter les taux de fiscalité, mais d'arrêter de perdre des recettes. Gilles Carrez a rappelé de quel ordre avait été la baisse de l'impôt sur le revenu ces dix dernières années.
Ainsi, que constatons-nous lorsqu'on regarde l'évolution des cinq quintiles de revenus au cours des dernières années ? Tout d'abord que le rapport entre les 20 % les plus aisés et les 20 % les moins aisés n'a pas varié, compte tenu de la forte montée des dépenses de prestations sociales, spécificité française et moyen de lutter contre les inégalités.
On s'aperçoit aussi que les frustrations sont grandes pour le troisième quintile de revenus qui se retrouve pratiquement au même niveau que le deuxième quintile car il ne bénéficie pas des mêmes prestations.
Enfin, les 20 % les plus aisés ont un taux d'épargne qui dépasse 33 %.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Eh oui !
Cela signifie, madame la ministre, que, si nous faisons des efforts sur la maîtrise des dépenses publiques, il faut aussi regarder les marges possibles pour réduire les niches ou pour mettre en place, comme aux États-Unis, un impôt minimum alternatif : à un plafond d'imposition de 50 % doit correspondre un plancher. Il y a un besoin de justice.
Au-delà du rabotage des niches, de la nouvelle tranche, de l'impôt minimum alternatif, les problèmes européens actuels ne devraient-ils pas nous conduire à rechercher une convergence entre la France et l'Allemagne ? La mise à plat du système fiscal ne pourrait-il pas avoir comme point de départ la convergence franco-allemande ? Je suis certain que, dans ce cadre, nous pourrions faire en sorte d'améliorer l'état de nos finances publiques. Ce serait aussi l'occasion de rappeler que l'impôt sur le revenu n'est pas à la mesure de notre modèle social, particulièrement développé.
Voilà ce que je voulais dire. Madame, monsieur les ministres, je peux vous assurer de notre appui pour atteindre ces dix milliards. Je souhaite que nous le fassions dans le souci de la responsabilité et de la justice fiscale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord remercier le Gouvernement d'avoir accepté de donner la solennité nécessaire à ce débat d'orientation budgétaire en utilisant, pour la première fois, la disposition de l'article 50-1 de la Constitution qui nous permet de faire suivre ce débat d'un vote.
En effet, chers collègues, je suis persuadé que nous sommes vraiment à l'heure des choix, et de choix majeurs. La question de nos finances publiques, c'est aujourd'hui – il faut en être bien conscients – une question de souveraineté nationale.
Nous avons absolument besoin de trouver chaque année 250 milliards d'euros, c'est-à-dire 1 milliard d'euros par jour ouvrable. Dès lors, quoi que l'on puisse penser de nos créanciers, dont les deux tiers d'ailleurs sont des non-résidents – c'est l'épargne étrangère que nous sollicitons –, il faut qu'ils aient confiance.
Mais il y a un deuxième argument : nous devons absolument rester dans le peloton de tête, dans les pays moteurs de l'Europe aux côtés de l'Allemagne.
En aucun cas il ne faut décrocher par rapport à l'Allemagne. Il faut avoir l'oeil rivé, madame la ministre, sur l'écart des conditions de financement qui peuvent nous séparer de l'Allemagne et qui, jusqu'à présent a été, c'est vrai, très limité.
Vous avez eu complètement raison, madame Lagarde, de rappeler que le plan de relance de notre pays a été un véritable succès. Il faut le dire et, à cet égard, les critiques trop systématiques perdent en crédibilité.
Notre plan de relance est à l'origine d'un résultat qui est très honorable – même si l'on ne peut parler de performance à moins de 2,5 % de croissance – par rapport aux autres pays. Il a été parfaitement dosé, pour la consommation des ménages comme pour l'investissement des entreprises.
D'ailleurs – je le fais observer gentiment à Jérôme Cahuzac – une partie du déficit qui perdure en 2010 s'explique par la réforme de la taxe professionnelle, qui représente dix milliards de trésorerie.
Quant à vous, monsieur le ministre du budget, quand vous nous dites que l'objectif de réduction de 8 à 6 points du déficit en 2011 est intangible, vous avez mille fois raison : cet objectif doit être intangible. Et je voudrais vous montrer qu'il n'est pas hors de portée. En effet, deux points de PIB représentent 40 milliards d'euros. Avec Jean-François Copé et Pierre Méhaignerie, nous avons justement fait un travail, que nous espérons le plus constructif possible, visant à montrer comment nous pouvons dégager ces 40 milliards d'euros.
Premier point : avec la fin des mesures du plan de relance, il y a déjà 15 milliards de dépenses et de recettes perdues qui disparaissent. Il reste donc 25 milliards à trouver. Sur ces 25 milliards, on peut, selon une hypothèse tout de même relativement prudente, qui correspond d'ailleurs non pas à 2,5 % de croissance, mais plutôt à 2 %, espérer une reconstitution spontanée des recettes de l'ordre d'une dizaine de milliards. Nous avons donc à faire un effort, entre la maîtrise des dépenses et la protection des recettes à travers la réduction des niches fiscales et sociales, de l'ordre de 15 milliards d'euros.
C'est à notre portée, mais en même temps c'est inédit car il faut rompre avec un certain nombre d'habitudes passées. Je donnerai quelques exemples en m'attachant uniquement au budget de l'État. Celui-ci va subir inévitablement, en 2011, le poids du passé, c'est-à-dire un stock de dettes qui va enfler : les intérêts de la dette, les frais financiers progresseront automatiquement, même si les taux d'intérêt restent extraordinairement bas, dans une proportion de l'ordre de 4 milliards d'euros. Le poids du passé, c'est aussi le nombre de départs en retraite, avec le montant des pensions qui progresse de 1,5 milliard. Avant même de commencer à examiner les économies possibles, nous avons donc 5,5 milliards de plus à financer.
À partir de là, il faut être très vigilant sur les prélèvements. Les prélèvements sur recettes ce sont, d'abord, les collectivités locales, qui ont compris qu'il fallait accepter le gel des dotations. En même temps, elles souhaitent que, à côté de ce gel des dotations, on préserve le fonds de compensation pour la TVA, ou FCTVA. Ce point est extrêmement important. Ce matin, nous avions une réunion du comité des finances locales, avec au programme l'analyse des comptes de 2009. Il se trouve que les collectivités locales ont été très performantes au cours de cette année : leurs investissements sont restés à un niveau de 45 milliards d'euros.
Ce niveau est extrêmement élevé. Il est dû au fait que le plan de relance, et notamment le FCTVA, a bien marché. Je plaide donc, en ce qui me concerne, pour que le FCTVA ne soit pas inclus dans la norme, pour que nos collectivités locales puissent investir.
Ensuite, il y a le prélèvement au titre de l'Union européenne. Il ne me semble pas acceptable qu'il progresse de 6 ou 7 % comme le demande le Parlement européen. Qu'il progresse un peu, oui, mais pas dans de telles proportions !
Je souhaite également aborder d'autres questions concernant les dépenses, avant de passer un peu de temps sur les recettes.
En ce qui concerne, d'abord, la masse salariale, nous avons tous pensé qu'avec le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite la masse salariale était stabilisée en valeur. Pas du tout ! Si l'on regarde l'exécution 2009, la masse salariale, malgré cette règle du « un sur deux », a progressé par rapport à 2008 de 800 millions d'euros. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous étudiiez un objectif de stabilisation en valeur de la masse salariale, si ce n'est en 2011, en tout cas en 2012.
Ensuite, sur les dépenses d'intervention, vous avez annoncé, monsieur le ministre, que vous étiez prêt à revoir un certain nombre de dispositifs dans un esprit de justice et d'équité – c'est cela qui compte. Je commencerai par les ménages. Il y a en particulier un dispositif dont nous discutons, au moins en privé, depuis des années et des années :…
…la possibilité de cumuler l'allocation logement étudiant sans condition de ressources et la demi-part. Dans ces temps difficiles, faire porter l'effort sur ce point me paraît légitime.
Je pense aussi, comme le propose la Cour des comptes, que, dans la politique du logement, qui représente – tout confondu – une quarantaine de milliards d'euros, il faut concentrer les dispositifs sur les plus modestes.
Mais les ménages ne doivent pas être les seuls à faire des efforts : les entreprises doivent en consentir aussi. (« Voilà ! » sur les bancs du groupe SRC.) Et quand on regarde les crédits budgétaires concernant les entreprises, on voit que certains d'entre eux sont affectés à la recherche et au développement, au moment même où le crédit impôt recherche connaît chaque année une évolution de l'ordre plusieurs centaines de millions, notamment au bénéfice des grandes entreprises. Nous vous proposerons donc, madame la ministre, de regarder de plus près ces interventions en crédits budgétaires et peut-être de les recentrer sur les petites et moyennes entreprises,…
…étant entendu que les grandes entreprises bénéficient quand même d'une dynamique très favorable du crédit impôt recherche.
Il y a enfin la question des opérateurs, qui est très difficile car ils sont de deux types.
D'un côté, il y a ceux dont les dépenses d'intervention sont importantes, comme l'Agence nationale pour la recherche, l'Agence pour le financement des infrastructures de transport de France ou encore l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. Sur ces opérateurs, nous devons examiner le budget 2011 à la lumière des possibilités offertes par l'emprunt national. Et là aussi nous aurons des propositions précises à vous faire à la rentrée.
De l'autre côté, il y a des opérateurs dont l'essentiel des dépenses vient en fait de la masse salariale. Je pense au CNRS, à Pôle emploi, ou bien encore, dans le domaine de la culture, au musée du Louvre. Il me semble que ces opérateurs, du point de vue de la gestion des personnels, doivent être logés à la même enseigne que l'État et qu'il ne serait pas normal qu'ils échappent du point de vue de la politique des ressources humaines aux contraintes que s'est aujourd'hui fixées l'État.
J'en viens aux recettes et me livrerai à une interpellation collective.
Quand on regarde l'évolution de nos recettes depuis dix ans – j'ai voulu insister sur ce point dans mon rapport d'orientation budgétaire –, on s'aperçoit que, collectivement, nous gérons mal nos recettes.
Deux exemples : en 2000, la « cagnotte » – c'est ainsi qu'on l'a appelée à l'époque – était constituée de recettes fiscales éphémères, quasi instantanées. Or elles ont été distribuées à hauteur de 25 milliards d'euros – je tiens les chiffres à votre disposition – en baisses d'impôts définitives. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Souvenez-vous : nous étions à l'époque dans l'opposition. Les uns disaient qu'il fallait rendre la « cagnotte » aux Français.
Mais d'autres disaient – je me souviens parfaitement de tel député, assis à la place de notre président, qui tenait ce discours – qu'il fallait absolument baisser les impôts pour que vous puissiez gagner les élections en 2002 !
Des noms ! On veut des noms !
La bonne solution, si l'on avait réfléchi de façon avisée, c'était de rendre la cagnotte aux Français, mais plus précisément à nos enfants et à nos petits enfants, c'est-à-dire en nous désendettant.
C'était cela, le choix de l'intérêt général.
Second exemple : en 2007, la croissance était là. Nous avons souhaité la stimuler, d'une part, en revalorisant le travail, et, d'autre part, en activant l'investissement des entreprises. Pour cela, nous avons accepté des baisses d'impôts. Mais aujourd'hui, nous sommes dans un contexte différent et je crois que nous devrions être unanimes pour promouvoir une idée forte, celle de la protection vigilante et rigoureuse de nos recettes, qu'il s'agisse des recettes de l'État…
Je termine sur ce point, monsieur le président, en disant que, parmi les propositions que nous faisons avec Pierre Méhaignerie et Jean-François Copé, il y a celle qui consiste à aller le plus loin possible dans la réduction, voire la suppression d'un certain nombre de niches fiscales et sociales qui n'ont plus lieu d'être.
Mais nous devons le faire avec un souci d'équité, et ce à deux niveaux. D'abord, il faut qu'il y ait un équilibre entre les ménages et les entreprises. J'insiste sur ce point : les entreprises doivent également contribuer, parce des niches, il y en a aussi beaucoup dans les comptes des entreprises. Je pense à l'impôt sur les sociétés, à la TIPP ou encore aux mécanismes d'intéressement : il faut absolument penser à tout cela dans notre travail de rabotage.
Ensuite, en ce qui concerne les ménages, notre autre souci doit être de faire en sorte que les plus aisés soient les premiers mis à contribution.
Vous le voyez, chers collègues, il faut trouver 15 milliards. Entre les dépenses fiscales et les dépenses sociales, et sans augmenter pour autant les taux des impôts, nous pouvons y parvenir. J'espère que vous serez attentifs à toutes nos propositions.
En attendant, je voudrais vous dire que nos règles de gouvernance s'améliorent considérablement. Le Premier ministre vient de signer une circulaire pour réserver aux lois de finances les mesures fiscales et sociales.
Monsieur le rapporteur général, je vous demande une nouvelle fois de conclure.
J'espère que, quand passera la réforme constitutionnelle sur la loi de programmation, l'opposition fera preuve du même esprit de responsabilité qui fut le nôtre en 2000 sur la loi organique relative aux lois de finances ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales, qui, j'en suis sûr, respectera quant à lui son temps de parole.
Je vais m'y efforcer ! Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je voudrais d'abord que vous excusiez ma voix, qui est aussi éreintée…
…que le sont les finances publiques et les finances sociales. (Sourires.)
Alors que notre pays n'a pas été capable de présenter un seul budget en équilibre depuis trente ans, alors que nous avons toujours cherché à biaiser avec les efforts que nous aurions dû nous imposer depuis longtemps, le rappel à une discipline budgétaire plus rigoureuse sonne le glas de nos illusions : nous n'avons plus les moyens de faire bande à part dans une Europe gagnée par l'orthodoxie budgétaire, même au risque d'affaiblir une croissance toujours incertaine.
L'heure n'est donc plus aux demi-mesures ; elle est à la mobilisation générale contre les déficits si nous voulons garder notre crédibilité par rapport à nos partenaires.
Le temps de la rigueur est venu. Je veux parler d'une rigueur rigoureuse (Rires sur les bancs du groupe SRC),qui doit permettre à la France de tourner le dos aux mauvaises habitudes et de remettre enfin ses finances publiques en ordre, en fermant – pour reprendre les propos de notre ancien collègue socialiste Didier Migaud, à présent Premier Président de la Cour des comptes – « le guichet ouvert » qu'est devenu notre État providence.
La Cour des comptes nous y exhorte : nous devons nous atteler à réduire et même à supprimer les déficits structurels, estimés à plus de 5 % du PIB. Ils freinent le dynamisme de notre économie, et de notre pays tout entier, englué dans le conservatisme des acquis à durée infinie ! Il faut en finir avec cette stratification de dépenses dont nous sommes incapables d'évaluer la vraie utilité et la réelle efficacité économique et sociale : ces déficits structurels empêchent notre pays de dépasser durablement une croissance moyenne de 1,5 %.
Ces exigences s'appliquent bien sûr également aux finances sociales qui ne sont que des dépenses courantes, qui ne devraient jamais être financées par la dette.
Cette dette constitue une faute morale envers notre jeunesse qui peut se désespérer de nos comportements collectifs irresponsables à son égard. Le taux de couverture des charges du régime général par ses produits n'est plus que de 91,6 %. Autrement dit, sur dix euros de prestations versés en 2010, près d'un euro sera financé ultérieurement – par nous-mêmes, par nos enfants ou peut-être encore par nos petits-enfants.
Les recettes tirées de la croissance étant insuffisantes, il faudra s'attaquer à des réformes structurantes pour casser la spirale des déficits sociaux, qui ne doivent plus être considérés comme une fatalité.
En engageant la réforme des retraites, l'objectif est bien d'arriver à un équilibre durable de la branche vieillesse en 2018 et nous aurons l'occasion, avant le débat budgétaire, d'en débattre longtemps pour rendre crédible cet objectif d'équilibre.
Il nous faut agir aussi pour sauvegarder la solidarité face à la maladie, ce qui ne signifie pas que toute action sur la dépense serait illégitime face à l'aspiration à la meilleure santé possible ou face au dévouement des acteurs de la santé dans leur mission sanitaire.
Je suggère qu'un plan stratégique pluriannuel de trois à cinq ans soit adopté afin de redresser durablement les comptes à hauteur de cinq milliards d'euros. Plusieurs mesures pourraient y contribuer. Ainsi, la généralisation des contrats d'amélioration des pratiques individuelles et leur renforcement permettraient de lier davantage l'évolution des revenus des professionnels de santé au niveau et à la qualité de leurs prescriptions.
Grâce à la mobilisation des Agences régionales de santé, l'offre hospitalière pourrait être restructurée plus rapidement et mieux coordonnée à l'offre de soins ambulatoire. Il faudra, de plus, utiliser le patrimoine hospitalier dont la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale affirme qu'il serait d'une surface supérieure à celui de l'État et pourrait être évalué à plusieurs dizaines de milliards d'euros : je plaide pour un recensement exhaustif afin d'en estimer la valeur.
Il faut naturellement optimiser encore la dépense médicamenteuse en élargissant plus vite le répertoire générique et les tarifs forfaitaires de responsabilité qui optimiseront plus rapidement les gains pour l'assurance maladie.
Enfin, est-il encore justifiable pour l'assurance maladie de maintenir une gestion déléguée à des mutuelles ? Cela représente un gaspillage dont le surcoût est évalué entre 250 et 400 millions d'euros.
Pour la branche famille, j'ai remis au Premier ministre le rapport d'une mission qu'il m'avait confiée sur l'évolution du financement de la politique familiale : à cette occasion, j'ai été amené à réfléchir aux dépenses – y compris fiscales – engagées dans ce domaine, afin d'optimiser les dépenses de la branche famille. Selon les ambitions que nous nous fixerons, il est possible d'envisager des économies de 1,5 à 2,6 milliards d'euros, en conservant toujours l'objectif de l'équité.
Pour autant, agir sur la dépense ne nous exonérera pas de rechercher des recettes supplémentaires, qu'il faudra mobiliser avec le souci de l'équité et sous l'angle de l'efficacité économique.
La première piste consiste bien entendu à rechercher parmi les exonérations de cotisations sociales, dont le coût pour les régimes sociaux – certes compensé à 90 % par l'État – est de l'ordre d'un dixième de leurs recettes. S'agissant des allégements généraux, le Gouvernement a d'ores et déjà repris à son compte, dans le cadre de la réforme des retraites, l'une des propositions que j'avais formulée au printemps 2008, et qui consistait à annualiser le calcul des allégements généraux. Toutefois, j'estime possible d'aller plus loin dans ce domaine, en reprenant une autre des propositions de la mission d'information commune : la forfaitisation du plafond de ces allégements, actuellement défini en fonction du SMIC. Si ce plafond était exprimé en euros, l'incidence des allégements serait ipso facto réduite au gré de l'inflation.
L'avantage d'une telle désindexation réside dans son caractère progressif. En outre, la modération actuelle de la hausse des prix rendrait cette mesure initialement peu sensible. Avec une inflation que l'OCDE évalue à 1,7 % en 2010, le gain qui pourrait être engrangé dès 2011 si le plafond de sortie des allégements généraux demeurait inchangé en euros serait de l'ordre d'un milliard d'euros.
Je suis d'avis que les exonérations ciblées bénéficiant à certains secteurs économiques ou à certains territoires doivent consentir le même effort que les niches fiscales, c'est-à-dire faire l'objet, selon l'expression consacrée, d'un « coup de rabot » de 10 %, qui rapporterait donc 300 millions d'euros.
La réforme des retraites présentée par le Gouvernement comporte également des mesures visant à réduire les niches sociales. Mais je considère qu'il est possible, ici aussi, d'aller plus loin.
L'assiette du forfait social que j'avais proposée en 2008 n'a été étendue que de façon marginale, alors qu'en sont encore exclus des montants importants. C'est notamment le cas des contributions au financement de prestations complémentaires de prévoyance, soit une assiette évaluée à 13,5 milliards d'euros pour 2010. Leur assujettissement au forfait social à 4 % rapporterait donc 540 millions d'euros.
C'est également le cas des indemnités de licenciement, dont certaines atteignent des montants qui justifieraient leur inclusion dans le forfait social, ou même leur assujettissement pur et simple aux cotisations et contributions sociales de droit commun. Si 90 % des indemnités de licenciement sont inférieures au plafond annuel de la sécurité sociale, soit 33 276 euros en 2008, et si le montant moyen de l'indemnité atteignait un peu moins de 13 000 euros en 2008, 1 511 indemnités dépassaient six fois le plafond annuel, soit 200 000 euros, pour un total de 506 millions d'euros. Cela représente une indemnité moyenne de l'ordre de 335 000 euros. Je considère que ces très fortes indemnités pourraient être assujetties aux prélèvements sociaux, par exemple à un niveau égal à deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit au-dessus de 69 240 euros, ce qui permettrait d'augmenter les recettes sociales de près de 600 millions d'euros.
Dans la partie de son rapport annuel 2007 consacrée à l'assiette des prélèvements sociaux, la Cour des comptes ne s'est pas seulement intéressée aux niches sociales proprement dites ; elle a également mis en lumière le fait que les cotisations des employeurs publics dérogent au droit commun du régime général. Au moment où nous nous engageons, grâce à la réforme des retraites, vers un alignement des cotisations salariales des secteurs public et privé dans la branche vieillesse, il serait cohérent d'emprunter cette même voie dans la branche maladie concernant la contribution patronale.
Or, la Cour évalue à 2,5 points l'insuffisance du taux de cotisation maladie à la charge des employeurs publics. Outre ce décalage de taux, qui est sans conséquence pour le respect des critères de Maastricht, l'assiette est minorée par la non-prise en compte des primes, soit environ 20 % en moyenne des rémunérations soumises à cotisations. La perte pour l'assurance maladie peut être estimée à 3 milliards d'euros au titre de l'alignement des taux et à 600 millions d'euros au titre de l'harmonisation de l'assiette.
Le montant que l'on pourrait tirer de ces quelques propositions dépasse 6 milliards d'euros. Il vous appartiendra, monsieur le ministre, de puiser dans cette boîte à outils pour préparer le prochain budget, qui sera à l'évidence crucial. Mais je tiens à vous redire que le recyclage des déficits sociaux dans la CADES, sans accroissement de la CRDS – qui devait au moment de sa mise en place en être la seule ressource – mais en se résignant à un allongement de l'amortissement, est certes réaliste, compte tenu de la situation budgétaire, mais n'est guère glorieux. Cela doit nous amener à nous interroger sur la fragilité d'un progrès social financé à crédit sur le dos de nos enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je rappelle que je suis tenu de faire respecter le temps imparti à chaque orateur, et que je le ferai.
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour dix minutes.
Ce que vous proposez pour la France en 2011, monsieur le ministre du budget, c'est, selon vos propres mots devant la commission des finances, « du jamais vu et du jamais fait ». C'est bien ce qui nous inquiète.
Vous voulez faire payer à nos concitoyens les conséquences de vos deux capitulations successives devant le monde financier.
La première capitulation a eu lieu quand vous êtes venus au secours des banques et des spéculateurs il y a deux ans, avec de l'argent public, sans exiger de contrepartie et sans impliquer directement la puissance publique dans la gestion des institutions financières pour en modifier les critères. Ainsi, vous avez simplement contribué à transformer la dette privée en dette publique. Cette dette publique est utilisée aujourd'hui par les mêmes marchés financiers et les mêmes fonds spéculatifs pour exiger des États qu'ils imposent à leurs peuples une politique d'austérité.
Aujourd'hui, pour la deuxième fois en deux ans, vous cédez au chantage de ce monde financier pourri jusqu'à la moelle. C'est inacceptable. Au lieu de désarmer les marchés financiers et la spéculation, vous leur donnez des gages de bonne volonté et de soumission !
Dans ce fiasco général, votre responsabilité politique est totale. Pour étayer ce propos, je voudrais rappeler ce qu'ont dit, parmi d'autres, deux éminents économistes, Joseph Stiglitz et Patrick Artus, des responsabilités dans le déclenchement de cette crise. « Les faits sont là : banques centrales, gouvernements, institutions financières, banques commerciales, régulateurs, chacun à sa place a oeuvré pour que le monde se gave de liquidités jusqu'à l'overdose. C'est un projet co-organisé à un niveau bien supérieur par les gouvernements et par les banques centrales » ; je cite encore : « il faut arrêter cette déréglementation et cette concurrence qui tournent au délire ». (Exclamations sur les bancs du groupe NC.)
Non, la crise n'est pas un OVNI, la crise a des responsables, et vous en êtes : c'est vous qui avez défendu, soutenu, promu, aidé, alimenté, notamment par le choix de la déréglementation et par de multiples cadeaux fiscaux, un monde financier toujours plus prédateur. C'est vous qui n'avez eu de cesse de nous présenter comme modèles la Grande-Bretagne, puis l'Espagne, puis l'Irlande. Nous voyons les résultats. C'est vous qui aujourd'hui invitez les Français à suivre les mêmes en matière de retraites : merci, mais ils ont déjà donné.
Devant cette faillite retentissante, que faites-vous ? Vous lancez une attaque violente contre les salariés. Votre texte sur les retraites est complètement rétrograde, mais il vous permet de faire plaisir aux marchés financiers en indiquant qu'il contribue à résorber la dette.
C'est ce que vous avouez par cette formule qui est tout un programme : « Cette réforme constitue l'un des étages de la fusée de la maîtrise de la dépense publique ». Les spéculateurs vous remercient pour ce geste – comment dites-vous ? – courageux.
Mais vous vous attaquez aussi aux ressources des collectivités locales en gelant les concours de l'État. Vous bloquez les crédits d'investissements pour les infrastructures de même que vous allez réduire les crédits d'interventions, y compris pour l'emploi et le logement.
Enfin, non seulement vous prévoyez la suppression de 100 000 emplois de fonctionnaires – des emplois en moins pour l'école, pour les hôpitaux, pour l'ensemble des services publics –, mais vous prévoyez aussi de bloquer les salaires en 2011.
En commission des finances, je vous ai demandé, monsieur le ministre, si vous aviez estimé ce qu'allait coûter en emplois, non seulement publics, mais aussi privés, cette politique d'austérité. Vous n'avez pas répondu. Les Français sont en droit de connaître les conséquences de vos choix sur leur emploi. Vous devez nous dire aujourd'hui combien d'emplois privés seront supprimés de 2010 à 2013, en plus des emplois de fonctionnaires, du fait des réductions budgétaires qui vont toucher et les investissements et le pouvoir d'achat de millions de nos compatriotes. Et je ne parle même pas ici des augmentations en cours et à venir de prix et de tarifs dans les transports, le gaz, l'électricité, les assurances, les mutuelles, etc.
À quoi sert de raboter des niches fiscales à hauteur de 8 milliards d'euros, quand vous les avez augmentées de 40 milliards d'euros, sinon à tenter de dissimuler la nocivité de vos choix pour mieux les faire avaler par nos concitoyens ?
Comme le répètent les économistes les plus responsables, « les politiques de rigueur constituent une grave erreur pour des raisons évidentes, car elles vont déprimer la demande intérieure, en particulier dans la zone euro, et rendre tout compte fait encore plus difficile le retour progressif à un équilibre des dépenses publiques ».
Votre cible n'est pas la bonne. En effet ce n'est pas la dépense publique qui est responsable du déficit de la France. Ce ne sont ni les enseignants ni les infirmières qui ont creusé les déficits, ce ne sont pas eux qui nous coûtent cher. Ceux qui coûtent cher à la France nous les connaissons, vous les connaissez ! Ce sont ceux qui détournent l'argent vers les paradis fiscaux, c'est l'évasion fiscale, donc le vol ! Ce sont ceux qui cachent leurs îles au trésor, ceux qui font exploser les dividendes et autres intérêts versés aux banques qui représentaient 25 % de la valeur ajoutée, il y a dix ans et en représentent 36 % aujourd'hui – c'est-à-dire une augmentation de 44 % en dix ans – cela au détriment non seulement des cotisations pour les retraites et la sécurité sociale, mais aussi de l'emploi et des salaires ! Ceux qui coûtent cher à la France, ce sont ces 500 plus grosses fortunes françaises qui, il y a dix ans, représentaient 6 % de notre produit intérieur brut et en représentent, aujourd'hui, 14 %. Il y a trente ans, les revenus des grands patrons étaient au maximum de quarante fois le SMIC ; ils s'élèvent aujourd'hui à 500 fois le SMIC. Ce qui coûte cher, c'est aussi un bouclier fiscal qui permet de rembourser à une des plus grandes fortunes de France l'équivalent de 1200 postes d'infirmières sur un an.
La Cour des comptes a, à sa façon, mis l'accent sur les deux causes essentielles du déficit budgétaire colossal de notre pays. Pour un tiers, il provient de la crise, c'est-à-dire de ceux qui l'ont provoquée, mais ce n'est pas à eux que vous demandez de payer ! Pour les deux tiers restants, ce déficit provient, pour l'essentiel, des cadeaux fiscaux qui ont plombé les recettes de l'État et l'ont appauvri. En dix ans, les recettes de l'État auront reculé de 4,2 points de PIB, soit plus de 80 milliards d'euros, et cela non seulement sans aucun résultat pour l'emploi, mais en concourant à accroître la masse d'argent détournée vers les placements financiers, ce qui a provoqué la crise que l'on sait.
Pour combattre le déficit du budget, il faut s'attaquer aux deux causes que je viens de rappeler et, ainsi, en finir avec les cadeaux fiscaux aux plus riches et avec la mainmise sur l'économie des spéculateurs et des marchés financiers, responsables de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Nous devons nous attaquer aux gaspillages privés, à la spéculation, aux privilèges d'une caste et non à la dépense publique utile aux Français.
Ce monde doit être remis à l'endroit. Son but ne peut pas être la course à l'argent, au record de comptes dans les paradis fiscaux, il doit être seulement la satisfaction des besoins de l'humanité.
Cette crise du capitalisme appelle à un changement de civilisation. L'urgence est de prendre des mesures allant dans ce sens, c'est-à-dire : supprimer les paradis fiscaux ; taxer les transactions financières ; plafonner les rémunérations du capital ; taxer les revenus financiers des entreprises à même hauteur que les salaires ; établir une échelle des revenus décente et juste ; créer un pôle public et bancaire en France et en Europe pour orienter l'argent vers l'emploi, les salaires et les besoins sociaux et non vers les dividendes et les spéculations. Il faut s'attaquer à ce fléau innommable du dumping salarial, social, fiscal et environnemental. Nous devons rétablir une fiscalité progressive et juste, abroger le bouclier fiscal, symbole de l'injustice de votre système, taxer fortement les mouvements rapides de capitaux.
Les députés communistes, républicains, parti de gauche, verts et ultramarins du groupe GDR ne voteront pas les choix que vous faites de sacrifier les revenus du travail, l'emploi et la protection sociale aux revenus du capital.
Vous dites vouloir moraliser le capitalisme, mais c'est une mission totalement impossible, car on ne moralise pas un système dans lequel l'homme est un moyen et non une fin. Vous dites vouloir réguler le capitalisme, mais si le capitalisme se laissait réguler, ça se saurait depuis longtemps et, surtout, ça ne serait plus le capitalisme ! Nous sommes à la croisée des chemins, la situation le prouve clairement, aujourd'hui : une autre société est à construire.
En guise de conclusion, je citerai cet extrait de la Charte de l'Appel des appels : « Décidés à combattre une idéologie de la norme et de la performance qui exige notre soumission et qui augure d'une civilisation inique et destructrice de l'humain, nous voulons réinventer une société de libertés, de droits, de justice et d'hospitalité ».
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat d'orientation budgétaire est le plus important, depuis l'origine de cette institution, puisqu'il va marquer le point de retournement de la politique budgétaire de notre pays, répondant, en cela, aux souhaits du groupe Nouveau Centre.
Depuis trente ans, la classe politique de notre pays n'a cessé de discréditer ceux pour qui la rigueur budgétaire, contrairement au laxisme budgétaire, est non pas un vice, mais une vertu. Nous devons l'assumer. Ceux qui croient, y compris au sein du Gouvernement, que la rigueur est impopulaire, se trompent.
Car les Français sont parfaitement conscients qu'aujourd'hui tous les peuples d'Europe sont le dos au mur.
Je demande souvent à mes collègues socialistes comment ils expliquent la position des socialistes espagnols…
Que dites-vous à vos collègues portugais qui sont bien plus durs aussi ?
Alors, chers amis, faut-il accuser le Gouvernement d'être encore trop laxiste et de ne pas faire du socialisme espagnol ou portugais ou de ne pas s'inspirer de ceux qui ont, au moins, le courage de l'impopularité ? Quant à vos amis travaillistes britanniques, ils ont mené une politique budgétaire beaucoup plus dure que celle qui vous est proposée !
Finissons-en avec la « ri-lance » ! Assumons la rigueur budgétaire et assumons-en la vertu ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la ministre, le groupe du Nouveau Centre constate, hélas, que les décisions, exposées par le Gouvernement dans le document qui vient de nous être remis, pour revenir aux critères de Maastricht, si elles vont dans la bonne direction, ne seront pas suffisantes pour atteindre l'objectif des 3 % en 2013. En effet, les prévisions macroéconomiques que vous retenez sont imprudentes. Vous faites, ainsi, état d'une hypothèse de croissance en volume de 2,5 % entre 2011 et 2013, alors que la très grande majorité des économistes – certes vous me direz qu'ils se trompent souvent, ce qui est vrai ! – s'accordent à reconnaître que la croissance potentielle française atteindra au maximum 1,7 à 1,8 %. Ce n'est pas moi qui le dis ! Dans les documents budgétaires du même gouvernement, ces deux dernières années, il était en effet expliqué que la croissance potentielle française était au maximum de 1,7 à 1,8 %. Je préconise donc, au nom de mon groupe, de retenir une croissance en volume de 1,5 %. Si ça va mieux, vous desserrerez un peu ! Mais ne retenez pas 2,5 % ! Vous avez d'ailleurs dit, madame la ministre, que vous étiez ambitieuse et audacieuse, mais ne soyez pas imprudente ! Or je pense qu'il est imprudent de retenir un tel taux de 2,5 % !
Si la croissance, dans les trois ans, n'est que de 1,5 %, ce qui correspond à la tendance des dix dernières années, nous n'aurons pas 35 milliards de recettes supplémentaires, mais 21 milliards. Nous devrons alors trouver 14 milliards, donc quatre à cinq milliards supplémentaires par an.
Je suis de ceux qui pensent, avec mon groupe politique, que l'économie de notre pays n'échappera pas au double mouvement de réduction de la demande qui accompagnera l'extinction des mesures de relance dans notre pays et dans la plupart des pays développés, et la mise en place de plans de rigueur chez nos principaux partenaires économiques.
La baisse tendancielle du cours de l'euro est favorable à nos exportations à un problème près : celui du niveau de la compétitivité du système industriel français. En effet, à chaque fois qu'il y a eu de fortes reprises, notre pays en a moins profité que nos voisins allemands, par exemple. Votre théorie consiste à dire qu'une croissance mondiale de 4,5 % sera synonyme d'une forte relance pour notre pays. Vous auriez raison si nous étions très compétitifs, or, en l'occurrence, vous avez tort. Si vous regardez toutes les relances que nous avons connues depuis quinze à vingt ans, vous pourrez constater que nous avons fait moins et que nos parts de marchés industriels ont baissé de presque un tiers en dix ans !
S'agissant du relèvement des taux d'intérêts, je suis de ceux qui considèrent que le Gouvernement a pris trop de risques dans la gestion de la dette publique. Ainsi, concernant l'emprunt à court terme, la part des BTF est passée de 8 % à 19 %. C'est excessif ! Si nous notons, certes, cette année une chute – la dette explose, mais son coût baisse – c'est simplement dû à des prises de risques croissantes. Or la remontée des taux d'intérêt interviendra et nous serons alors étranglés ! Donc, n'augmentez plus la part de la dette à court terme. Essayez même de la baisser. Il n'est pas raisonnable de tangenter les 20 %.
Avant d'évoquer les mesures que nous préconisons, j'aimerais dire un petit mot de la réforme constitutionnelle. Nous nous battons depuis des années pour constitutionnaliser la « règle d'or ». Contrairement à ce qui est dit, la règle d'or n'est pas l'équilibre total ; c'est l'équilibre des dépenses de fonctionnement. On peut s'endetter pour les dépenses d'investissement.
Le Gouvernement a retenu une idée quelque peu différente tendant à établir un nouveau document budgétaire valable pour trois à cinq ans, qui indiquera la stratégie de retour aux 3 % au moins – ce n'est d'ailleurs pas l'équilibre budgétaire au sens où nous l'entendons. Pour nous, l'équilibre budgétaire c'est à peine 1,5 %, puisqu'il ne reste plus que 20 milliards d'investissements dans le budget de l'État et quasiment rien dans celui de la sécurité sociale. Je mets de côté les collectivités territoriales à qui l'on impose cette règle, avec succès, depuis des dizaines d'années. Nous déposerons de nouveau des amendements relatifs à cette véritable règle d'or, même si c'est pour 2015 ou 2016. Nous devons très concrètement afficher notre volonté de ne plus nous endetter pour financer des dépenses de fonctionnement. Nous sommes favorables à la constitutionnalisation de la règle du monopole des lois de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale, et nous vous soutiendrons sur ce point. Nous l'avons votée dans l'article 11 d'un texte précédent, mais nous ne l'avons hélas pas respectée, comme M. le rapporteur général l'a rappelé.
Nous serons probablement le seul groupe à faire l'exercice suivant : dans l'hypothèse d'une croissance de 1,5 %, quelles économies et recettes supplémentaires faudra-t-il mettre en oeuvre pour redresser les finances publiques ?
Il faudra 20 milliards d'économies ou de recettes supplémentaires sur le budget de l'État et 10 milliards sur le budget de la sécurité sociale chaque année pendant trois ans.
Commençons par le budget de l'État. Nous proposons, première mesure, un véritable coup de rabot sur les dépenses fiscales. Nous le demandons depuis des années et nous nous réjouissons que le Gouvernement ait retenu cette idée. Je vous en supplie, ne retombez pas dans la discussion « bouquet » ou « rabot » ! Optez pour un « système rabot » ! Ce n'est pas si bête que cela ! Et si vous considérez le contraire, mes chers collègues, cela signifie que ce que nous avons voté, souvent ensemble, depuis des années sur telle ou telle niche fiscale, était scandaleux et inadapté ! Nous avons largement partagé l'explosion des dépenses fiscales. Il est tout à fait envisageable d'atteindre annuellement 10 % annuels, donc facilement 7 milliards. N'évoquez pas trop le bouquet fiscal, sauf à avoir immédiatement le débat. Pourquoi vous attaquez-vous aux biocarburants ? M. le rapporteur général, dans son rapport, s'y est attaqué à tort, puisqu'il a reconnu ne pas disposer des données lui permettant de justifier ce qui existe ! S'il le veut, je pourrais les lui fournir !
Deuxième mesure, nous proposons de baisser de 1,7 % en deux ans les dépenses de fonctionnement de l'État, incluant les pensions et les charges d'intérêt de la dette. J'appelle l'attention de nos collègues. Le Gouvernement parle de la stabilisation, en euros courants, des dépenses de l'État hors intérêt de la dette et hors pension. Or les intérêts de la dette et les pensions augmenteront, l'année prochaine, de 5,5 milliards, donc de 1,7 à 1,8 %. Comme il faut encore réaliser quelques autres économies, on va nous proposer encore des augmentations de 1,5 %. C'est excessif ! Les chiffres figurent dans le document que vous nous avez remis.
Nous souhaitons, troisième mesure, une réforme de l'impôt sur les sociétés pour que les grandes entreprises paient l'impôt sur les sociétés comme les entreprises moyennes.
Nous proposons de revoir les allégements généraux de charges sur les bas salaires. Cela pourrait rapporter facilement plusieurs milliards par an ; le Gouvernement est trop timide en la matière.
Pour les organismes de sécurité sociale, nous proposons deux choses : transférons les 87 milliards de déficits cumulés 2009, 2010, 2011 dans la CADES et ayons le courage de relever de 0,5 point la CRDS. Nous aurons au moins un système cohérent.
Enfin, pour les collectivités locales, nous expliquerons à nouveau ce que nous proposons en termes d'indépendance c'est-à-dire la création pour les départements d'un budget annexe, regroupant les trois grandes prestations, et d'un fonds de péréquation.
En conclusion, madame la ministre, monsieur le ministre, si vous n'allez pas plus loin que ce que vous nous avez proposé dans le débat d'orientation budgétaire, vous ne redresserez pas les finances publiques et nous serons dans la pire des situations avant deux ans. Alors, de grâce, écoutez-nous, inspirez-vous d'un certain nombre de propositions que nous avons faites, y compris en commission des finances.
C'est ainsi que l'on redressera les finances de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est un débat que nous attendions.
Nous avons souhaité, Pierre Méhaignerie, Gilles Carrez et moi-même, que ce soit un rendez-vous de vérité et que cela nous donne l'occasion, à travers un vote, de marquer un véritable changement dans la politique des finances publiques de notre pays.
Cette inflexion, je ne crains pas de le dire, a du sens compte tenu de la crise économique et financière qui touche le monde en général et plus singulièrement l'Europe.
La crise grecque n'est pas simplement une attaque massive des marchés contre l'euro, comme certains l'ont avancé ; elle est aussi une crise de confiance des investisseurs dans le modèle européen. Ce n'est pas tout à fait la même chose car le message n'est pas le même. Il ne s'agit donc pas simplement de nous mobiliser contre des traders qui auraient voulu, ici ou là, faire de la spéculation à court terme. Certes ce fut bien le cas, mais ce n'est pas le sujet.
Ceux qui ont vocation à investir leurs capitaux dans le monde entier et qui pouvaient avoir des raisons objectives de le faire en Europe nous ont clairement indiqué que nous ne pouvions pas continuer à financer le modèle européen avec des déficits et de la dette…
…et qu'il fallait rapidement substituer un autre modèle à ce système pour pouvoir continuer à financer les dépenses nécessaires afin que ce continent, l'Europe – la France en particulier – demeure la région du monde où on se loge le mieux, où on se nourrit le mieux, où on éduque le mieux les enfants, où on a les meilleurs services publics, les meilleurs transports publics, la meilleure qualité de vie, dans des conditions uniques au monde.
Pour pouvoir continuer de financer ce modèle, nous avons besoin de changer de carburant. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.) Alors que, jusqu'à présent, c'était par de la dépense publique et du déficit, désormais, cela doit être par un autre moteur, autrement plus cohérent avec les valeurs qui sont les nôtres, notamment le travail.
Plusieurs députés du groupe SRC. Travailler plus !
Ce sujet est à mes yeux absolument essentiel et commande la réflexion que nous avons engagée.
Nous devons bien sûr être lucides. La crise grecque vient de l'addition brutale de trente années de petites reculades, de petites lâchetés, que nous payons au prix fort.
Ainsi, au début des années quatre-vingts, avec le deuxième choc pétrolier, la croissance s'est brutalement divisée par deux et, à cette occasion, en France, nous nous sommes payé le luxe de mettre en place la retraite à soixante ans avant d'instaurer, quelques années plus tard, la semaine de trente-cinq heures,…
…au mépris d'une réalité économique que nous aurions dû mesurer, anticiper, et pour laquelle des décisions structurelles auraient dû être prises.
Nous devrons donc, je le confirme, réorienter notre politique économique pour tenir compte de ce qui est la première richesse de la France et de l'Europe. Ce ne sont pas les matières premières – nous n'en avons pas – mais les hommes et les femmes qui la composent et qui, par leur travail, leurs connaissances, leur capacité à s'adapter – c'est le modèle européen deux fois millénaire qui en est la démonstration –, sont capables de rester demain à la table des grandes affaires du monde, afin que nous ne soyons pas spectateurs du G2, États-Unis et Chine, mais que nous fassions de notre propre G2 – France et Allemagne – le moteur premier de l'Europe, et, de l'Europe, un acteur majeur pour l'avenir du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La France doit naturellement être présente à ce rendez-vous et, pour cela, il lui faut travailler la main dans la main avec l'Allemagne. (Approbations sur les bancs du groupe UMP.)
Ainsi que cela a été souligné récemment lors de notre débat sur l'Europe, l'Allemagne a accompli depuis dix ans les efforts que nous aurions dû faire en matière de réduction des dépenses publiques, de diminution du coût du travail, de compétitivité, d'innovation et d'exportation. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.) Là où notre modèle est exclusivement adossé à la consommation, c'est-à-dire à la dépense publique, les Allemands ont, pour l'essentiel, fondé leur croissance sur les exportations, l'investissement, l'innovation.
(M. Marc Le Fur remplace M. Marc Laffineur au fauteuil de la présidence.)
Aujourd'hui, ils nous demandent, à juste titre, de donner des gages. C'est tout l'objet du rendez-vous budgétaire qui nous est désormais fixé.
Avec Pierre Méhaignerie, Gilles Carrez et Yves Bur, nous avons mené depuis plusieurs semaines un travail approfondi de réflexion pour formuler, avec le Gouvernement, des propositions très concrètes. Il n'y aura pas d'un côté le méchant Gouvernement qui présenterait des propositions de rigueur budgétaire et, de l'autre, les députés, en tout cas ceux de la majorité. Je ne sais pas, en effet, si, dans ce domaine, les députés socialistes ou communistes nous suivront spontanément, encore que le petit geste sur la burqa m'a paru aller dans un meilleur sens que le cinéma que nous avons entendu au début de l'après-midi.
Nous devons mettre les pieds dans le plat en disant ensemble, Gouvernement et majorité parlementaire, que nous allons assumer et revendiquer – je le fais d'ailleurs à cette tribune – la politique de rigueur. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Le moment est venu, en effet, de l'annoncer, avec une idée simple : la rigueur n'est pas l'augmentation des impôts ; c'est tout l'inverse. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.). Le vrai courage politique, ce n'est pas d'augmenter les impôts, c'est de diminuer les dépenses publiques.
Plusieurs députés du groupe SRC. Vous l'avez fait !
Tout parti politique est capable, un jour ou l'autre, de prendre une telle décision. C'est le pire des messages, c'est une culture qui, il faut bien le dire, est socialiste (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC) mais qui, de temps en temps, démange ma famille politique.
Fort heureusement, nous sommes quelques-uns, dans ces cas-là, à l'en empêcher.
Cela est vrai pour les impôts et les taxes, mais c'est vrai aussi pour les réglementations, cher Pierre Méhaignerie. Si, jeudi après-midi, le cas se pose, nous nous ferons un plaisir de ne pas adopter un éventuel amendement tendant à introduire des mesures de pouvoir syndical et patronal pour de très petites entreprises, lesquelles ont d'autres chats à fouetter.
Le rendez-vous budgétaire commande que, plutôt que de nous occuper d'augmenter les impôts, nous fassions un véritable travail pour baisser les dépenses.
Cette réduction des dépenses doit être systématique et, sans vouloir être redondant avec ce qui a été dit tout à l'heure très justement, pour la partie sociale, par Pierre Méhaignerie et Yves Bur et, pour ce qui concerne l'État et les collectivités locales, par Gilles Carrez, je veux résumer les choses de la manière suivante : cher François Baroin, pour dire les choses très simplement, il n'y a rien de tel qu'une bonne vieille règle de trois pour que tout le monde s'y retrouve. J'ai compris qu'il fallait 100 milliards en trois ans, donc 33 milliards par an pendant trois ans. Il s'agit donc, globalement, sur les trois années, que l'État, la sécurité sociale et les collectivités locales économisent un tiers chacun. En effet il ne saurait être question que seul l'État fasse seul l'effort et que l'on regarde les collectivités locales continuer d'accroître leurs dépenses de fonctionnement, de personnel et de communication sans compter,…
…uniquement pour que certains puissent dire : « Quelle horreur, l'État ne fait pas son travail ! » (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
L'État consent des efforts rigoureux, dont vous avez rappelé la philosophie et que nous soutenons totalement. Pour ce qui est des collectivités locales, je demande que l'on passe avec elles un pacte de stabilité parfaitement clair : celles qui baisseront leurs dépenses auront plus de dotations ; celles qui les augmenteront en auront moins. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Quant à la sécurité sociale, dans les rendez-vous de courage, il y a bien sûr à assumer une politique hospitalière moderne. Soyons clairs, comme l'a souligné très courageusement Jean Leonetti : un hôpital dont l'activité est réduite est dangereux pour les patients.
Nous savons les uns et les autres qu'il faut concentrer l'effort, réorganiser notre réseau hospitalier au bénéfice de la qualité du service public de santé.
Dans le domaine de la sécurité sociale, nous devons poser les problèmes avec courage et lucidité. Quid des affections de longue durée ? C'est un sujet qu'il faudra avoir le courage d'aborder. Quid de l'aide médicale d'État, destinée aux étrangers en situation irrégulière qui sont soignés gratuitement sur le territoire français ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.) Peut-on imaginer demain de faire participer ces patients, comme d'autres, à la solidarité nationale dès lors qu'ils en bénéficient ?
Que de gros mots ai-je prononcés là ; j'en conviens volontiers ! Que d'habitudes faudra-t-il changer ! Que de politiquement corrects auxquels il faudra renoncer ! Je l'assume.
Nous ne pouvons pas continuer ainsi, et ce pour une raison simple, mes chers collègues, c'est que nous n'avons pas d'autre choix car il s'agit de l'avenir de nos enfants, même si, ici ou là, il peut y avoir des arbitrages différents. Je pense par exemple qu'il ne faut en aucun cas remettre en cause les investissements et les dépenses de fonctionnement et d'intervention au service des personnes handicapées. Il est quelques sujets sur lesquels nous avons vocation à nous retrouver.
Cela dit, l'essentiel, c'est d'expliquer à nos compatriotes que nous sommes en train de changer d'époque. Nous avons vis-à-vis d'eux un devoir de vérité sur la gravité de la situation économique et sur les pistes pour changer d'époque. Nous avons trois rendez-vous à honorer : un rendez-vous de courage par rapport à la question du travail ; un rendez-vous de rassemblement, parce que ce sont des sujets qui doivent être traités dans un esprit de consensus, chacun étant entendu et respecté ; enfin, un rendez-vous d'ouverture au monde. La France n'est pas une île : rappelez-vous le nuage de Tchernobyl, qui ne devait pas passer par la France.
La France est confrontée aux mêmes défis que les autres pays d'Europe. Ce qui fera la différence entre les responsables politiques, c'est le courage qu'auront certains, au-delà des différences politiques, d'assumer devant les Français la seule politique possible, celle qui vise à transformer notre modèle de telle sorte que notre pays puisse continuer à assurer une qualité de vie, des services publics, à permettre aux uns et aux autres de donner le meilleur d'eux-mêmes (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), bref à faire la synthèse entre les réussites individuelles et les réussites collectives.
C'est pour cet avenir-là que nous travaillons et, je le dis simplement, c'est d'abord pour cela que nous avons choisi l'engagement politique au service de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois n'est pas coutume, je vais d'abord partir de ce qui nous rassemble.
La situation de nos finances publiques est exceptionnellement grave, et il n'y a pas besoin d'accumuler les chiffres, deux ou trois suffisent : notre déficit public dépasse 8 % du PIB, du jamais vu depuis la fin de la guerre ; notre dette publique dépasse 80 % du PIB, processus que chacun imagine éminemment dangereux ; le déficit de l'État atteint 140 milliards, peut-être davantage, et celui de la sécurité sociale sera de 27 milliards en 2010.
Deuxième constat qui pourrait lui aussi nous rassembler : ce déficit n'est pas simplement le produit de la crise. Il l'est pour partie, à l'évidence, pour le tiers, selon la Cour des comptes ; je vous accorde 40 %. Cela signifie que tout le reste est un déficit structurel, qui est essentiellement apparu à partir de 2002, le gouvernement de Lionel Jospin ayant laissé, à la fin de 2001, un déficit à peine supérieur à 2 %.
Troisième constat : nous sommes sous la contrainte extérieure, celle des marchés. Ne le nions pas. Les deux tiers de notre dette sont souscrits par de l'épargne étrangère. Nous subissons donc la pression des marchés, qui, loin de diminuer, s'est encore exacerbée depuis la fin de la crise. Ces marchés que nous voulions les uns et les autres, de bonne foi, réguler sont aujourd'hui plus forts que les États.
Comment juger la politique que vous proposez à l'aune de ce triple constat : déficit, dette, contrainte extérieure ?
Le seul jugement que l'on puisse porter ne concerne pas votre objectif, car chacun ici est conscient qu'il faut réduire le déficit, pour des raisons à la fois de soutenabilité – à défaut de quoi les charges d'intérêt finiront par devenir le premier poste budgétaire du pays – et de souveraineté : nous voyons bien combien la pression des marchés sera forte, quel que soit le président élu en 2012, et peut-être même avant cette date.
Nous sommes également conscients qu'il suffira, même si nous sommes des gens responsables, qu'une agence de notation, un jour, une nuit, avant ou après 2012, dégrade notre note pour que la charge d'intérêts progresse à un rythme supérieur.
Votre plan est-il adapté aux circonstances ?
L'objectif, dites-vous, est un déficit de 3 % du PIB en 2013. Pouvons-nous atteindre cet objectif ? Je prendrai trois critères.
Est-il crédible de fixer 2013 comme année ultime pour que le déficit passe sous la barre des 3 % ? Regardons la croissance telle que vous l'imaginez : 2,5 % en 2011. On voudrait vous croire, y compris sur les bancs de la majorité ! Je veux bien admettre que, comme vous l'affirmez, les économistes de place ne vous contredisent pas, mais qui peut penser que nous attendrons 2,5 % de croissance en 2011 ?
Qui peut imaginer, surtout après les mesures que vous allez prendre, que la consommation des ménages en 2011 augmentera de près de 3 % ? Qui peut croire à une augmentation de l'investissement privé supérieure à 4 %, comme vous l'écrivez dans votre plan ? Qui peut imaginer que la contribution du commerce extérieur sera positive, alors que les deux tiers de nos échanges se font avec les pays de la zone euro et que l'influence de la parité sera donc nulle ?
Est-il crédible de penser limiter la dépense publique à 1 % en volume ? Est-il crédible de vouloir limiter les dépenses sociales de l'ONDAM à moins de 3 % ? Est-il crédible, de même, de penser que la réforme des retraites, sur laquelle nous pouvons avoir nos divergences, produira des effets en 2011 ? Nul ne le croit !
Je le dis donc ici, sans intention de charger encore le fardeau : nous n'atteindrons pas en 2013 l'objectif d'un déficit de 3 % de la richesse nationale.
Seconde question qu'il faut se poser : ce que vous proposez est-il juste ?
Est-il juste de considérer qu'il faudrait « raboter » – c'est le mot à la mode – 10 % des dépenses de fonctionnement et d'intervention ? C'est sans doute la méthode la plus simple, mais est-ce la plus efficace ? Il faudrait plutôt être sélectif, mais peut-être n'en a-t-on pas le temps. Je veux croire, quant à moi, que nous en avons encore la possibilité ; si nous ne sommes pas capables de faire le tri entre les dépenses utiles et celles qui le sont moins, entre les dépenses fiscales qui sont encore nécessaires et celles qui ne le sont plus, comment donner un sens, une cohérence à la politique que nous suivons ?
Vous envisagez de réduire les niches fiscales, et c'est tant mieux. Tant de niches ont été créées, notamment depuis 2002 : on en compte plus de 400, représentant 73 milliards ou 74 milliards d'euros, nul ne le sait. Or si vous rabotez les niches fiscales, annoncez aussi que vous allez augmenter les impôts. Cela se traduira en effet par davantage d'impôt sur le revenu pour nos concitoyens. Vous augmenterez donc l'impôt sur le revenu en 2011. Je ne vous en fais pas le reproche ; c'est la réalité.
Sur ces questions de fiscalité, vous êtes devant deux contradictions.
La première : au-delà de l'idéologie, comment expliquer à nos concitoyens qui bénéficient de niches fiscales que les seuls qui ne supporteront aucune conséquence de la diminution de ces niches, sont ceux qui sont abrités par le bouclier fiscal ? C'est impossible. Cela constitue un exercice que vous ne pourrez jamais faire, au plan pédagogique.
La seconde – mesure très difficile à assumer pour vous – c'est la baisse de la TVA à 5,5 % dans la restauration. Le ministre du budget a affirmé que l'on regarderait peut-être en 2012 ce qu'il faudra faire en la matière ainsi que pour d'autres taux réduits. Faites-le tout de suite ! Puisque vous vous apprêtez à demander des efforts, faites au moins en sorte que, sur une niche fiscale contestée, vous soyez en capacité de changer.
Enfin – c'est ma dernière question –, est-ce cohérent ? Ce que vous proposez s'inscrit-il dans une stratégie que chacun puisse comprendre ?
Il a été signalé avant moi que votre plan comporte des subterfuges, en particulier sur le remboursement de la dette sociale. Franchement, porter encore trois ou quatre ans le remboursement de la dette sociale, pour aller jusqu'en 2025, alors que nous avions convenu ici les uns et les autres – nous ne savions pas qui serait au gouvernement en 2007 – que, en cas de déficits, et il y en a, nous augmenterions la CRDS, impôt injuste, impôt sur tous les revenus ! Nous avions convenu de cela pour nous inciter à serrer la gestion de la sécurité sociale. Or que faites-vous ? Vous envoyez le pire des signaux, en renvoyant aux générations futures le soin de payer, non seulement pour leurs dépenses sociales, leurs retraites, leurs maladies, leurs familles, mais aussi pour les nôtres !
Au-delà du subterfuge, y a-t-il une cohérence entre ce qui a été dit en 2007 et ce que vous faites aujourd'hui ?
J'ai entendu M. Copé parler du travail. C'était effectivement le pari de 2007 ; on pouvait le contester mais il avait une certaine signification au moment où le Président de la République se présentait devant les Français. L'hypothèse d'une croissance, d'une activité, d'une offre de travail fortes était encore permise, mais qui peut affirmer aujourd'hui que le travail sera la condition pour sortir de la crise ?
À un certain moment, toujours très douloureux – nous l'avons connu nous aussi –, il faut dire que le monde a changé, que les circonstances ont changé, et il est indispensable de changer de politique. À défaut de quoi l'on n'est pas cru, donc pas suivi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
En 2012, celui ou celle qui sera appelée aux responsabilités aura en héritage plus de dette et peut-être plus de déficit encore que ceux que nous connaissons aujourd'hui. Je souhaite donc vivement que nous ayons, au-delà de la question des dépenses – qu'il faut sans doute comprimer, et pas uniquement dans le budget de l'État –, un débat essentiel. Ce n'est pas de savoir si certains proposeront des augmentations d'impôts et les autres non, car nous serons de toute manière confrontés à des augmentations d'impôts. Le grand sujet – et c'est un sujet noble – sera de savoir si ces augmentations interviendront sur la TVA ou la CSG, comme certains le proposent au sein de la majorité, ou s'il doit y avoir une réforme des impôts directs.
Je prends donc date. Je considère qu'il n'y aura pas d'acceptation d'un nouveau plan de redressement de nos comptes publics sans réforme fiscale. Et il n'y aura pas de réforme fiscale acceptée par nos concitoyens si elle ne porte pas sur les impôts directs : CSG, impôt sur le revenu. À charge ensuite, pour la gauche et la droite, de se prononcer sur le niveau minimal d'imposition et sur la progressivité.
Un dernier mot : oui, madame la ministre, il faut de la confiance. Un redressement des finances publiques n'est pas possible sans confiance, confiance en l'avenir mais aussi en ceux qui gouvernent. Le problème auquel vous êtes confrontés aujourd'hui, c'est que non seulement les Français n'ont pas confiance dans l'avenir, dans l'environnement dans lequel ils vivent, mais qu'ils n'ont pas non plus confiance dans le Gouvernement. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la ministre, monsieur le ministre, je vous parlerai des collectivités locales.
Je tiens tout d'abord à vous remercier pour l'effort consenti par l'État vis-à-vis de ces dernières. Dans une période extrêmement difficile, avec des recettes de l'État qui ont baissé en 2009 de 20 %, les dotations aux collectivités locales ont en effet été maintenues.
Je crois que tous les élus locaux se rendent compte qu'ils seront obligés de participer à l'effort national et devront faire en sorte de maintenir leurs budgets avec des dotations qui n'augmenteront pas.
Dans le même temps, vous avez, madame la ministre, réalisé des choses importantes dans le budget pour 2010. Vous avez en cela tenu votre parole, notamment sur les droits de mutation, avec un fonds de péréquation qui, pour la première fois dans notre pays, a permis une péréquation horizontale.
Je veux, à ce propos, vous poser quelques questions.
Ce fonds pour les droits de mutation a augmenté, sur les quatre premiers mois de l'année, de 600 millions pour les départements, passant de 1,5 milliard à 2,1 milliards. Ceux qui contribueront à ce fonds sont ceux qui touchent 75 % de plus que la moyenne nationale des droits de mutation. Parce que c'est votre parole et celle du Gouvernement qui sont en jeu, je ne voudrais pas qu'une modification soit apportée à la loi. Celle-ci prévoit qu'elle doit être effective à partir du 1er janvier 2010, donc qu'elle entrera en vigueur, s'agissant de cette péréquation, en 2011. J'aimerais des éclaircissements sur ce point.
Par ailleurs, vous nous avez demandé, à moi-même et à quelques autres parlementaires, d'examiner les conséquences de la réforme de la taxe professionnelle. Nous avons formulé des propositions de péréquation et je souhaite savoir si vous en tiendrez compte.
Les différences de richesse entre régions vont d'un à deux. Nous vous demandons de modifier la loi votée pour 2010 car, même s'il y a eu une volonté de péréquation entre collectivités, il s'agit d'une péréquation très faible, de l'ordre de 3 % de diminution des inégalités en cinq ans. Nous vous proposons de prélever 50 % sur l'augmentation de la valeur ajoutée des régions bénéficiant d'un potentiel fiscal supérieur à la moyenne. Retiendrez-vous cette proposition ?
Nous faisons à peu près la même proposition pour les départements. Il faut, là aussi, modifier la loi en proposant de prendre 50 % de l'augmentation de la valeur ajoutée, de l'augmentation et non du stock, comme cela a été proposé dans la loi, car ce serait totalement inefficace. En tiendrez-vous compte dans le prochain budget ? Cela permettrait de diminuer les inégalités de façon très importante par rapport à ce qui avait été proposé.
Enfin, les différences de richesse entre communes représentent un écart d'un à mille. Avec la réforme de la taxe professionnelle, les choses seront extrêmement chamboulées ; des communes riches le seront beaucoup moins, tandis que d'autres qui avaient des ressources plus faibles se retrouveront avec des ressources bien plus élevées.
C'est la raison pour la quelle il faut repenser le potentiel fiscal par habitant de toutes les collectivités concernées en prenant en compte le FNGIR – le Fonds national de garantie individuelle des ressources – et les dotations de l'État. Ainsi, il sera possible de faire de la péréquation entre les intercommunalités. C'est très important. Dans la péréquation, il faudra aussi prendre en compte la présence d'industries polluantes pour que les communes et les intercommunalités acceptent encore d'en accueillir.
Madame la ministre, monsieur le ministre, j'attends vos réponses sur tous les sujets que j'ai évoqués. C'est dans une période difficile qu'il faut pouvoir se réformer pour que les collectivités continuent à investir.
C'est tout cela qui sera en jeu dans la prochaine loi de finances. Je suis persuadé que l'on peut aider ceux qui en ont vraiment besoin dès lors qu'il y a la volonté politique. Je suis sûr que vous avez une telle volonté et que vous saurez ne pas faiblir devant les sirènes, devant les demandes des uns et des autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Marisol Touraine.
(M. Marc Laffineur remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, il est absolument évident que le défi que constituent le montant de la dette sociale et l'ampleur des dépenses sociales est tout à fait considérable, et ce pour au moins deux raisons.
La première, c'est qu'il y va de l'avenir de notre pacte social, selon la capacité que nous aurons à maintenir des politiques sociales fortes à un moment où, nous le savons, les besoins ne vont pas cesser d'augmenter, en particulier en raison du vieillissement de la population et des nouvelles exigences en matière de santé. Nos concitoyens attendent donc que l'on réponde de manière plus vigoureuse aux besoins qui se révèlent.
La seconde, c'est qu'il y va de la confiance des jeunes générations dans la capacité de notre modèle social à perdurer. C'est pourquoi nous ne devons pas hésiter à interroger l'utilité sociale de chaque euro dépensé dans les politiques que nous mettons en oeuvre au service de nos concitoyens, en particulier de ceux qui ont le plus besoin de la solidarité nationale.
À cet égard les réponses que vous apportez, madame la ministre, monsieur le ministre, sont-elles pour nous acceptables et efficaces ? La réponse est négative car ce que vous proposez en matière de gestion de la dette sociale et de mise en oeuvre des futures politiques sociales est à la fois irresponsable et injuste.
Irresponsable parce que vous faites le choix, assumé de surcroît, de remettre en cause l'avenir des jeunes générations en les sacrifiant sur l'autel de la mauvaise gestion, la vôtre depuis au moins 2007. Celle-ci vous conduit à expliquer à nos concitoyens que les plus jeunes d'entre eux vont devoir demain assumer la dette que nous fabriquons aujourd'hui. J'ai eu l'occasion de le souligner, au nom de l'opposition socialiste, au sein de la commission pour la dette sociale : il est absolument inacceptable pour nous que vous ayez fait le choix de prolonger de quatre ans la durée de vie de la CADES, remettant ainsi en cause un pacte, à savoir l'engagement du Gouvernement de ne pas toucher à la loi organique qu'un de vos gouvernements précédents avait lui-même exigée en 2005. C'est une première irresponsabilité que de transmettre aux générations futures la dette accumulée.
Irresponsable aussi parce que vous manifestez la volonté de sacrifier, dans la réforme des retraites, le fonds de réserve qui avait été mis en place pour permettre aux jeunes d'aujourd'hui de tabler sur le versement garanti de leur retraite demain. Non seulement votre réforme des retraites n'est pas complètement financée puisqu'il manque 15 milliards et que l'on ne sait pas très bien où vous allez les trouver, mais vous n'arrivez à afficher un équilibre à l'horizon 2018 qu'en sacrifiant le fonds de réserve des retraites. Cela signifie que nous allons nous retrouver, en 2018-2020, face à un défi démographique qui, lui, n'aura évidemment pas disparu, et face à des besoins de financement accrus que personne – quels que soient ceux qui seront alors en responsabilité –, ne sera à même de satisfaire en raison du travail de sape que vous aurez accompli.
Vos propositions pour l'avenir du budget et pour celui de nos politiques sociales sont donc profondément irresponsables au regard des besoins à venir, mais elles sont aussi injustes.
Je ne veux pas revenir sur la question des retraites car nous aurons évidement l'occasion, dès la semaine prochaine, d'engager le débat à fond en commission. Je me contenterai de rappeler que, même si l'on s'en tient aux chiffres du Gouvernement, il demeure un profond déséquilibre puisque, pour un effort de 30 milliards d'euros demandé aux salariés du privé et du public, on ne demande qu'un effort de 2 milliards d'euros aux plus hauts revenus.
Je tiens à exprimer mon inquiétude sur l'avenir de nos politiques de santé. Il n'y a en effet aucune mesure structurelle qui nous permettrait d'assumer l'augmentation inévitable des dépenses de santé. Les quelques petites mesures organisationnelles qui avaient été prises dans la loi HPST ont été biffées d'un trait de plume, il y a quelques jours, par la ministre de la santé. Celle-ci a en effet annoncé que ce qui avait été voté ici ne serait pas appliqué. C'est extrêmement choquant, notamment pour les parlementaires. De plus, aucune mesure de substitution n'a été prévue.
Ce n'est pas à coup de déremboursements, de franchises médicales, de mesures financières qui ciblent en particulier les plus modestes, que l'on arrivera à quoi que ce soit.
Nous avons besoin de politiques justes qui prennent en charge les besoins sociaux. Il faut avoir le courage de reconnaître que des recettes nouvelles seront nécessaires et qu'elles devront provenir de la mise à contribution des revenus du capital.
C'est parce que, au nom de vos dogmes, vous refusez l'augmentation des prélèvements obligatoires et la mise à contribution des revenus du capital et que vous imposez une cure d'austérité, que les plus modestes et ceux qui ont besoin de la solidarité nationale vont devoir demain en subir les conséquences. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, à l'heure où les Français sont de plus en plus préoccupés par l'état des finances publiques, je crois qu'il ne faut pas avoir peur de leur dire la vérité.
S'il est bien un constat sur lequel nous serons tous d'accord, c'est le danger imminent que constitue désormais l'état de délabrement de nos finances publiques. Jamais, en période de paix, les finances de notre pays n'avaient été aussi dégradées. Nous savons tous qu'avec un déficit public supérieur à 8 % du PIB et un endettement proche de 80 %, il y a un risque réel pour notre pays de tomber en faillite. Au rythme auquel vont les choses, ce qui paraissait inenvisageable voilà encore quelques mois prend soudain un caractère plausible. Le seuil critique à partir duquel sa note sera déclassée et où il sera confronté à des taux d'emprunt plus élevés se rapproche dangereusement. Voilà pourquoi il nous faut agir vite, dès le prochain budget, pour faire de la rigueur non pas un principe d'austérité, mais un cadre vertueux dans lequel chaque euro sera pensé avant d'être dépensé.
Quels sont les moyens d'action dont nous disposons ? J'en vois trois.
Le premier, c'est évidemment la réduction des dépenses publiques puisque notre pays s'illustre déjà par son taux de prélèvements obligatoires particulièrement élevé.
Nous ne devons pas avoir peur d'étudier une à une les pistes d'économies, à condition de cibler de manière pertinente les secteurs concernés. Chaque réduction d'impôt, chaque baisse de TVA doit faire la preuve de son efficacité. Ainsi, si l'on prend l'exemple du bâtiment, il est clair que le secteur n'est pas sorti de la crise et qu'une augmentation de la TVA handicaperait fortement la relance. En revanche les 70 milliards de niches fiscales et sociales sont-ils tous justifiés ? C'est une question à laquelle nous n'échapperons pas lors de l'examen du projet de loi de finances.
Nous devrons également aborder la question de notre participation au budget de plusieurs organisations internationales. Ainsi, nous venons d'apprendre que la construction du nouveau siège de l'OTAN à Bruxelles, dont le montant s'élève à un demi-milliard d'euros, va être financée à hauteur de 18 % par la France alors que l'alliance compte vingt-sept pays. Voilà un geste pour le moins généreux quand on connaît l'état de nos finances publiques et qu'on se demande toujours si notre participation à cette organisation profite vraiment à notre pays ! De même, il serait urgent d'enrayer l'augmentation croissante de notre contribution au budget de l'Union européenne. Dans la loi de finances pour 2010, le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne est de plus de 18 milliards d'euros. En retour, le total des aides européennes perçues par notre pays, politique agricole comprise, est de 14 milliards d'euros. Ce sont donc 4 milliards d'euros qui, cette année, manqueront aux contribuables français.
La rigueur devra également passer par la réduction du train de vie de l'État. L'exemple qu'a donné le Président de la République en supprimant la traditionnelle garden party du 14 juillet…
…est certes anecdotique, mais il a le mérite de montrer la voie. En tout cas, les Français ont besoin de tels exemples, et je crois qu'il ne faut pas négliger leur portée symbolique.
Parce que la réduction de la dette est devenue une urgence nationale et une préoccupation essentielle des Français, nous n'avons pas le droit de donner à nos concitoyens l'image d'un État dépensier et gaspilleur ; parce que l'argent public est l'argent de tous les Français, il est du devoir des parlementaires de veiller avec la plus grande vigilance à son utilisation.
Le deuxième moyen d'assainir la situation budgétaire, c'est l'obligation constitutionnelle de voter le budget en équilibre, du moins pour les crédits de fonctionnement. Cette réforme, l'Allemagne l'a faite en 2009. Cet exemple mérite d'être suivi. L'adoption de règles plus contraignantes s'agissant du solde budgétaire et du niveau des dépenses publiques ne serait certes pas suffisante pour résorber entièrement le déficit, mais elle y contribuerait largement.
En revanche, je ne crois pas qu'il soit de la compétence de l'Union européenne de contrôler les projets de budget des États membres, comme la Commission vient de l'exiger dernièrement. L'élaboration du budget est le droit fondamental du Parlement dans toutes les démocraties. Il est donc indispensable de ne pas se laisser aller à un nouvel abandon de souveraineté qui viendrait retirer aux États leur dernier espace de liberté.
Enfin, nous ne pourrons pas mener à bien une quelconque politique de rigueur si nous restons soumis à la pression d'une concurrence internationale déloyale. Si l'on veut rendre crédible la pertinence d'un marché européen, il faut redonner des frontières claires à l'Europe et les protéger autant que possible. C'est la condition fondamentale pour que l'activité économique puisse se reconstituer à l'intérieur et favoriser le retour de la croissance, et pour que les Français soient réellement protégés de la concurrence des pays à faible coût de main-d'oeuvre et à faible protection sociale.
Pour y parvenir, il faut commencer par briser le cercle vicieux de la mondialisation sauvage qui pousse nos entreprises à délocaliser, augmente le chômage et exerce une pression générale en faveur de la déflation salariale. En brisant ce cercle vicieux, nous pourrons enfin mener les réformes structurelles dont notre pays a tant besoin ; nous pourrons enfin mener des réformes audacieuses, efficaces et pérennes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le débat d'orientation budgétaire s'ouvre dans un contexte marqué par trois principaux défis que la nation se doit de relever.
Le premier concerne une économie de marché mondialisée où les pays émergents ambitionnent de détrôner les nations occidentales. Dans ce contexte de guerre économique où la concurrence fait rage, nous ne pouvons nous satisfaire d'une économie dont le principal moteur repose sur la consommation quand la production nationale souffre des délocalisations.
Notre compétitivité, liée au positionnement géostratégique exceptionnel de notre sol, à notre savoir-faire et à nos équipements, doit être renforcée par une réforme de notre fiscalité et de nos prélèvements sociaux fondée sur des produits issus d'une assiette large et lisible – CSG et TVA– mâtinée de progressivité et de quotient familial afin de nous situer en dessous de la médiane européenne. Les lois sur le crédit d'impôt recherche et la taxe professionnelle s'inscrivent d'ailleurs dans cette perspective.
Il sera nécessaire de compléter ce dispositif par l'instauration d'une véritable « flexisécurité » à la française pour permettre la sécurisation des parcours professionnels ainsi qu'une meilleure adaptabilité de nos entreprises à l'économie de marché. À ce propos, je vous rappelle que la mission d'information, dont j'ai eu l'honneur d'être le président rapporteur, préconisait la création d'une assurance professionnelle par redéploiement des crédits et réorganisation des structures éparpillées.
Le deuxième défi est celui de la crise économique mondiale que nous subissons depuis près de deux ans.
L'instabilité financière en matière de liquidité et de solvabilité, après avoir affecté la sphère privée, a en effet contaminé le domaine public. Tous les gouvernements ont pratiqué avec raison une politique de relance en tentant de coordonner leurs efforts et de mettre en place des règles opposables afin d'encadrer cette anarchie financière, ce qui nécessitera du temps. En la matière, le Président de la République a joué un rôle moteur incontestable.
De surcroît, ne négligeons pas le danger des mouvements spéculatifs internationaux, déclenchés au millionième de seconde par des logiciels qui échappent à tout contrôle, qui jettent des peuples dans la rue et la misère. Il est essentiel que la technologie soit au service de l'homme et non pas un outil d'asservissement.
En outre, le risque de récession auquel nous sommes toujours exposés peut constituer des opportunités pour les pays émergents de racheter nos fleurons industriels à vil prix, accélérant ainsi les délocalisations.
Le troisième et dernier défi tient à l'état de nos comptes publics et sociaux : 1 535 milliards d'euros de dette dont le service annuel absorbe le produit de l'impôt sur le revenu ; 85 milliards d'euros de déficits sociaux cumulés pour les années 2009, 2010 et 2011, transférés à la CADES.
Ces chiffres résument nos finances au titre des charges qui risquent de remettre en cause la qualité de notre signature auprès des organismes financiers créanciers.
Le Gouvernement doit à la fois mener une politique de relance – en engageant à juste titre des dépenses en faveur de l'investissement – et prendre des mesures impératives d'économies destinées à résorber nos déficits, sans freiner la consommation. Toute la difficulté est de savoir positionner le curseur entre ces deux pôles, tout en étant enfermé dans un impératif de temps.
En ce qui concerne notre système assurantiel, le financement du stock de la dette transférée à la CADES s'inscrit dans ce principe de réalisme, même s'il eût été préférable de trouver une ressource plus lisible comme la majoration de la CRDS. D'ailleurs, j'apporte mon soutien à la réforme ambitieuse et raisonnable des retraites, destinées à les sécuriser.
Dans le domaine de l'assurance maladie, la MECSS – que j'ai l'honneur de coprésider – a formulé des préconisations sur le fonctionnement interne de l'hôpital, afin de générer des économies. Ces préconisations doivent impérativement se matérialiser dans un délai d'un an au maximum, afin que l'efficience médico-économique puisse assurer à nos concitoyens un égal accès à des soins de qualité, expression la plus aboutie du pacte républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Merci, monsieur Morange, d'avoir respecté scrupuleusement votre temps de parole.
Monsieur le ministre, en parlant de la marge de 2 % de baisse du déficit, vous avez souligné que cela était sans précédent, que c'était du jamais vu. En général, on réserve cette formule aux constats, pas aux prévisions. Ce qui ne s'est jamais vu depuis 2002, c'est un programme de stabilité qui ait été respecté.
Depuis 2002, vous envoyez régulièrement à la Commission européenne des prévisions de réduction du déficit d'un demi point par an…
…et, chaque fois, vous ne les réalisez pas. Au contraire, les déficits augmentent.
Pourquoi choisissez-vous un demi point de réduction par an ? En fait, c'est parce que, de 1997 à 2001, pendant quatre ans, la réduction du déficit a effectivement été de cette ampleur, mais ce n'était pas vous qui étiez au pouvoir.
Ce qui ne s'est jamais vu, c'est un déficit structurel de cinq points de PIB. En effet, le déficit de 8 % est structurel pour les deux tiers.
Madame la ministre, monsieur le ministre, je sais que vous avez contesté ce partage. Je remarque que le rapporteur général le mentionne dans son rapport : il indique en effet que le déficit structurel est de l'ordre de 5 % du PIB. Un peu embarrassé de reconnaître que les politiques de ces dernières années ont conduit à ce déficit, il invente une réduction d'impôt appliquée par tous les gouvernements depuis l'an 2000.
Il est vrai que les impôts ont été réduits. Cependant, quand la gauche a réduit les impôts en 2000 et 2001….
… elle avait d'abord ramené le déficit à 1,5 % du PIB.
D'une certaine façon, le rapport Carrez nous rend un formidable hommage. À droite, vous ne cessez d'associer la gauche aux impôts. Eh bien non ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La gauche au pouvoir a permis la baisse des déficits, la réduction de la dette et la diminution des impôts. Quel hommage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Vous nous proposez un plan d'austérité sans précédent, basé sur une prévision de croissance de 2,5 %, mais aucun institut ne vous suit sur ce terrain. Tout le monde sait que l'application d'une politique d'austérité aveugle comme celle que vous envisagez conduira à une perte de croissance que certains instituts comme l'OFCE évaluent à 1,5 point de croissance par an. Notre rapporteur général écrit qu'il y a peu de chance d'atteindre ces 2,5 % de croissance, au vu des prévisions des instituts étrangers.
Dans vos prévisions de réduction du déficit, vous tablez sur un rebond, sur un rattrapage de la crise, sur une croissance plus forte que la croissance potentielle. Or, dans vos prévisions à long terme sur le déficit des retraites, vous dites exactement le contraire ! Dans ce cas-là, vous estimez que la crise n'est pas rattrapable et que l'on restera en dessous de la croissance potentielle.
Cette incohérence s'explique : dans un cas, vous voulez prouver que vous pourrez réduire les déficits sans prendre des mesures importantes ; dans l'autre cas, vous voulez alarmer les Français sur les déficits à venir des retraites.
Sur les niches fiscales comme sur les dépenses, au lieu de procéder à des réformes structurelles et à une révision générale, vous appliquez le rabot. Quelle va être la conséquence ?
Lors du débat sur le plafonnement des niches fiscales, nous avions déjà souligné cette conséquence. Vous en souvenez-vous ? Si vous plafonnez ou rabotez les niches fiscales, une seule catégorie de Français ne sera pas concernée : celle qui bénéficie du bouclier fiscal.
Votre politique est marquée par l'injustice, qu'il s'agisse des cadeaux fiscaux que vous avez accordés ou du programme d'austérité d'aujourd'hui. Il faudrait avoir le courage de prévenir les Français de ce qui les attend.
Monsieur le ministre, le débat que nous avons eu sur l'élasticité des recettes fiscales à la croissance n'est pas technique. D'ailleurs, étant l'un de ses lecteurs attentifs, je remarque que le rapporteur général explique que cette élasticité n'a jamais été de 1,6 %, en tout cas pas trois années de suite. Pourquoi donc avez-vous retenu cette élasticité ? Tout simplement pour cacher le fait que, derrière les deux points d'augmentation des prélèvements obligatoires que vous avez dans vos prévisions depuis quatre mois, il y a des augmentations d'impôts.
Le courage serait de dire aux Français que vous serez amenés à augmenter les impôts, ce que vous faites déjà.
Le courage serait de le dire !
Je conclus en soulignant que, quelle que soit la réduction de déficit que vous obtiendrez, la dette de la France aura doublé en dix ans : alors qu'elle se situait à moins de 900 milliards d'euros à l'été 2002, elle atteindra vraisemblablement plus de 1 800 milliards à l'été 2012. Le rapport de la Cour des comptes indique que les intérêts de cette dette représenteront alors plus de 3,5 % du PIB, c'est-à-dire plus d'une fois et demi le déficit des retraites.
Eh bien, dans cette situation, il faudra du courage politique. Il consisterait à rétablir la justice fiscale dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
Madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, le débat sur l'orientation de nos finances publiques est redoutable Il l'est d'autant plus que le choix de ne pas aborder les mesures de recettes avant plusieurs semaines limite la visibilité du redressement de nos finances publiques.
Je ne reviendrai pas sur les choix passés, singulièrement sur ceux qui nous ont conduits, mes chers collègues, à retarder les mesures de redressement de nos finances sociales.
Sans revenir sur les choix du passé, je veux cependant souligner à cette tribune que ce retard nous place dans une situation préoccupante de surexposition au risque de financement. L'ACOSS se trouve dans une position paradoxale : elle gère une trésorerie qui, pour moitié, est en réalité un déficit. Dans ce contexte, nos créanciers pourraient, à l'avenir, nous poser des questions fort embarrassantes.
Évidemment, monsieur le ministre, la décision d'une reprise de dette s'impose, mais elle arrive bien tard. Surtout, elle n'intervient que pour le déficit passé. Il faudra, vous le savez bien, envisager des mesures symétriques pour les déficits futurs de nos finances sociales qui progressent à raison de quelque 30 milliards d'euros par an, dans des hypothèses de croissance particulièrement favorables.
J'ai bien entendu la modération du Gouvernement qui n'envisage qu'un report limité, dit-on, de la durée de vie de la CADES. J'ai bien entendu, le raisonnement sur le bon usage à court terme du fond de réserve des retraites. Cela étant, si ces deux choix nous tirent aujourd'hui d'une situation pour le moins contrainte, ils nous exposeront demain. Ils exposeront les Français à qui l'on demandera de travailler plus longtemps et de régler sans garantie les déficits actuels.
Monsieur le ministre, vous nous avez décrit une solution française au redressement de nos finances publiques qui conjuguerait modèle social et vertu budgétaire. Aussi, est-ce avec un peu d'étonnement que j'ai découvert ce matin les mesures que vous avez présentées à la presse ; les choix me semblent contredire l'esprit de cette solution française. Pourquoi les bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé ? Pourquoi les étudiants et leurs familles ? Pourquoi prendre le risque de déstabiliser l'emploi dans le secteur encore émergent des services à la personne ?
Sur tous ces points, je ne m'étendrai pas.
Ces illustrations que vous avez livrées à la presse font curieusement écho à une situation particulière de notre pays où certains de nos compatriotes, parce qu'ils ont le choix, peuvent épargner et se protéger des coups du sort, faire face à l'avenir. Ce sont ces Français qui développent des capacités d'épargne élevées.
Monsieur le président Méhaignerie, tout à l'heure, vous avez évoqué cette situation particulière de l'épargne en France. Naturellement, ces Français anticipent l'évolution des temps. Cette épargne excessive freine notre économie. Toutefois, en France, il y a aussi tous ceux qui n'ont pas le choix d'épargner ou de partir, et dont le revenu disponible réduit les préoccupe à chaque fin de mois.
Ces mesures, pour efficaces qu'elles soient en matière de réduction des déficits, ne permettront cependant pas de mobiliser l'épargne des uns et de contribuer au déficit des autres, alors que ce sont là des moteurs respectables de la croissance.
La solution française repose sur un triptyque solidaire.
D'abord, elle repose sur la confiance par la lisibilité. Puisque les temps sont difficiles pour la confiance, ne renonçons pas à la lisibilité.
Ensuite, elle repose sur la dépense vertueuse par la dépense utile. Il faut affiner cette ligne de partage qui n'est encore qu'esquissée et qui risque de disparaître sous l'effet de la méthode rabot.
Enfin, elle repose sur la recette juste par sa progressivité. Sur ce plan, tout est à faire à commencer par une vraie progressivité de l'impôt qui se concentre anormalement sur le travail et qui doit, par une réforme fiscale courageuse, être rééquilibrée afin de mieux prendre en compte le capital et ses revenus.
Ce triptyque, mes chers collègues, ce n'est rien d'autre que le socle d'une équité qu'il nous faut retrouver. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat d'orientation des finances publiques pour 2011 concerne d'abord les actions de l'État telles que le Gouvernement les envisage ; mais il concerne aussi celles des collectivités territoriales, qui, dans notre système, sont tributaires des propositions du Gouvernement en matière fiscale et des crédits inscrits au budget de l'État, qu'il s'agisse des dotations ou des compensations prévues par la loi au regard des compétences transférées.
Or, en matière de fiscalité locale, nous sommes face à une grande inconnue. Personne ne peut dire précisément comment, en 2011, les assemblées locales pourront équilibrer leur budget, ni sur quelle fiscalité elles pourront s'appuyer. En matière de compensation au titre des compétences transférées par l'État au fil des années, le compte n'y est pas ; et n'invoquez pas la décentralisation, qui, selon vous, devrait permettre aux assemblées et aux exécutifs locaux de trouver, par je ne sais quel miracle, les recettes correspondant aux dépenses qui leur sont imposées. La décentralisation, vous êtes justement en train de la mettre à mal avec la réforme des collectivités locales.
Quant aux dotations, la rigueur est de rigueur ! Je fais bien entendu référence aux déclarations du Premier ministre, aux vôtres, madame la ministre, monsieur le ministre, et à celles du rapporteur général du budget tout à l'heure.
S'agissant des moyens dont disposeront les collectivités en 2011, nous sommes dans une grande incertitude. Les collectivités territoriales comprennent trois niveaux, parfaitement adaptés aux besoins de nos concitoyens : communes, départements, régions ; mais c'est la situation des départements qui est la plus préoccupante, pour ne pas dire la plus dramatique. Plusieurs d'entre eux sont en effet en cessation de paiement : dix, selon le rapport Jamet commandé par la Gouvernement ; vingt-cinq, selon l'Association des départements de France.
Il semble que le Gouvernement ait pris conscience de ces difficultés. Le Premier ministre a reçu, le 1er juin dernier, l'Association des départements de France ; les préfets s'intéressent à la situation des départements, en particulier des conseils généraux. On reconnaît enfin la différence notoire qui existe entre les dépenses obligatoires et les recettes dites de compensation, nettement insuffisantes. Cela, d'ailleurs, atténue la portée des propos accusatoires tenus il y a quelques mois par le Premier ministre lui-même et par certains membres du Gouvernement, propos selon lesquels les collectivités territoriales seraient à l'origine des dépenses publiques excessives. De fait, elles ne sont pas responsables de l'augmentation de la dette publique, puisque leur part dans celle-ci a diminué entre 2008 et 2009. Les collectivités, on l'a dit, ne peuvent établir des budgets incluant des déficits de fonctionnement. Malgré ces accusations, malgré le transfert massif d'agents de l'État, les dépenses de personnels se sont stabilisées en 2009, ce qui montre bien que les collectivités sont capables de gérer des situations difficiles.
Ces difficultés n'empêchent d'ailleurs pas le Gouvernement de solliciter, encore et toujours, les collectivités pour financer des dépenses relevant de la responsabilité de l'État : je pense au plan Campus, aux routes nationales, aux voies navigables ou aux lignes de TGV.
Vous avez indiqué, monsieur le ministre, qu'il fallait un cadre équitable pour protéger les plus faibles. Nous ne pouvons, bien sûr, que vous approuver, d'autant que ce cadre équitable existe, avec le revenu de solidarité active, l'allocation personnalisée d'autonomie, la prestation compensatoire du handicap, précisément destinées aux plus faibles ; encore faut-il pouvoir verser ces allocations, dont le caractère obligatoire ne laisse aucune marge de manoeuvre aux exécutifs départementaux, lesquels, en réalité, ne font qu'exécuter les décisions du Gouvernement.
En matière de solidarité, l'État fixe les règles ; à charge, pour les départements, de trouver les moyens financiers de les appliquer. Les départements voient augmenter les dépenses obligatoires en matière sociale, dépenses directement liées au vieillissement de la population et à la détérioration de la situation sociale.
Je conclus, monsieur le président, en m'adressant à Mme la ministre, dont le cabinet fut associé au rapport qu'évoquait Pierre Méhaignerie – qui voulait sans doute parler du rapport Ginesta –, rapport dont je suis coauteur. Nous y préconisions notamment qu'une colonne budgétaire soit réservée, sur la feuille d'impôt, aux SDIS et au financement de la sécurité civile, afin que nos concitoyens sachent ce que celle-ci leur coûte. Merci, madame la ministre, monsieur le ministre, de mettre cette disposition en oeuvre, puisqu'elle semblait vous intéresser. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite vous adresser quelques mots au sujet de nos dépenses pour la défense.
La contribution du ministère de la défense à la réduction de nos déficits publics, à savoir environ 1,5 milliard d'euros sur trois ans, apparaît inférieure à l'annonce initiale. C'est heureux et responsable, non seulement compte tenu des efforts que nous demandons à nos forces armées sur les théâtres extérieurs où elles sont engagées, mais aussi au regard de nos voisins européens, comme la Grande-Bretagne, l'Allemagne et d'autres pays, où les forces armées deviennent la variable d'ajustement des politiques de réduction des déficits. Vos choix, donc, sont sévères mais responsables.
Il faudra néanmoins réfléchir aux points d'application concernés par les réductions budgétaires. Je veux à cet égard rappeler une anecdote assez calamiteuse.
Ici même, le 12 novembre 1997, le ministre de la défense de l'époque, M. Alain Richard, nous annonçait que le budget de la défense serait réduit de 3,2 %. Il s'agissait de financer les emplois-jeunes. Soit : c'était un choix politique, mais le problème était le ciblage des points d'application concernés par les réductions ; et je dois dire à nos collègues socialiste que le résultat ne fut guère miraculeux : si nos forces armées, cette année, sont obligées d'acheter des missiles Spike aux Israéliens et des missiles Hellfire aux Américains pour équiper nos soldats en Afghanistan, c'est tout simplement parce que, en 1997, les crédits de recherche et développement dédiés aux missiles Trigat construits par MBDA ont été annulés, alors que ces missiles devaient nous permettre de rester un pôle d'excellence mondiale en la matière.
Afin d'éviter des conséquences aussi fâcheuses, madame la ministre, monsieur le ministre, il faut bien définir ce sur quoi porteront les réductions budgétaires. Vous avez dit à ce sujet, madame la ministre, qu'il convenait de maintenir les dépenses utiles. Celles-ci, en matière de défense, concernent la recherche et le développement, l'espace et l'aéronautique, domaines d'excellence industriels. En définitive, il faut préserver tout ce qui touche à la haute technologie, elle-même liée à nos exportations : si elles n'exportent pas, nos industries ne pourront plus faire face ; et sans haute technologie, nous ne pourrons pas davantage maintenir l'équipement de nos forces armées au niveau qui est actuellement le leur.
Vous avez déclaré à juste titre, madame la ministre, que la réduction des déficits publics était une exigence pour la souveraineté nationale ; nos soldats contribueront donc eux aussi à préserver cette souveraineté économique et budgétaire, mais il ne faut pas oublier qu'ils sont déjà les garants de la souveraineté nationale, parfois au prix de leur sang. C'est pourquoi il était juste et responsable, monsieur le ministre, que le ministère de la défense soit relativement préservé des efforts que vous imposez aux autres ministères. En matière de protection de la souveraineté nationale, on ne peut en effet demander à nos soldats de payer deux fois. Bref, vos choix sont équitables et je les soutiens pleinement.
Pour terminer, au moment où tous les pays européens connaissent les mêmes difficultés budgétaires, sont confrontés aux mêmes exigences d'économies et voient leurs programmes remis en cause, il serait souhaitable qu'une coopération et une mutualisation de leurs dépenses militaires soient mises en oeuvre de façon efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement nous présente ses premières orientations pour le prochain budget. Ce débat n'est pas anodin ; je dirais même qu'il est majeur.
Madame la ministre, monsieur le ministre, vous et le Gouvernement voulez vous présenter comme des réformateurs courageux, qui mettraient fin à une période de « trente ans d'accumulation des déficits » – pour reprendre les termes du rapport – et feraient face à un changement d'époque, comme l'a dit Jean-François Copé. À vous entendre, les gouvernements qui vous ont précédés seraient, avec la crise, les seuls responsables de la situation désastreuse de nos finances publiques.
Jean-François Copé, toujours lui, nous appelait tout à l'heure à la vérité. Eh bien parlons-en !
Votre présentation s'apparente à une stratégie de défausse qui ne trompera personne. Contrairement à ce que vous voulez nous faire croire, la crise est loin d'être l'unique ou même la principale responsable du creusement abyssal du déficit et de l'explosion de la dette depuis 2003, plus encore depuis 2007.
Revenons à l'essentiel, c'est-à-dire à ce dont parlait François Hollande : l'efficacité et la justice, qui ne sont ni l'une ni l'autre présentes dans votre politique.
Ce n'est pas la crise qui explique que notre déficit structurel atteigne plus de 5 % du PIB, soit les deux tiers du déficit actuel de l'État ; ce n'est pas la crise qui a engagé la France dans une spirale d'endettement public insupportable : c'est en grande partie la politique que vous menez.
Ce n'est pas non plus la crise qui explique la baisse préoccupante des recettes fiscales, à hauteur de 100 milliards d'euros en dix ans : ce sont les cadeaux fiscaux massifs auxquels vous avez consenti depuis huit ans et, surtout, la politique clientéliste que vous menez depuis 2007. La liste en est très longue : baisse de l'impôt sur le revenu des plus riches, bouclier fiscal, défiscalisation des heures supplémentaires, suppression de l'imposition sur les grosses successions, baisse de l'ISF, baisse de la TVA dans la restauration – mesure que vous avez raison, monsieur le ministre, de juger contestable – et déremboursements sociaux. Tout cela ne résulte pas de la crise, mais bel et bien des choix économiques du Gouvernement et, surtout, du Président de la République, choix à contre-cycle et, on le voit aujourd'hui, à contresens.
Votre politique d'hier est injuste et vos propositions d'aujourd'hui le sont tout autant. L'analyse du rapport révèle en effet que vous voulez faire payer votre laxisme budgétaire à tous ceux que votre politique défavorise. Vous continuez ainsi à réduire les effectifs et les budgets de fonctionnement des services publics, via cette RGPP qui est vraiment la rigueur généralisée des politiques publiques puisqu'elle entraîne la suppression de cent mille postes ; vous mettez en cause les dépenses d'intervention publique nécessaires à la cohésion sociale, rognez la protection sociale, qui a pourtant contribué à amortir les effets de la crise, et asphyxiez les collectivités locales, qui assument pourtant 73 % de l'investissement public.
Force est de constater que vous êtes toujours plus prompts à entreprendre des coupes dans les aides aux moins favorisés. Pas plus tard que ce matin, monsieur le ministre, vous avez annoncé une baisse de la revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés qui ne sera que de 3 % en 2011 – contre 4,5 % prévus initialement –, l'interdiction du cumul des aides personnalisées au logement et de la demi-part fiscale pour enfant à charge, l'exonération de cotisations patronales pour les associations et la réduction de 400 000 à 340 000 emplois aidés. Pendant ce temps, les plus grands bénéficiaires du bouclier fiscal, qui ne sont évidemment pas concernés par les niches fiscales que vous voulez supprimer ou raboter, peuvent dormir tranquillement sur leurs deux oreilles. C'est simple : vous demandez des efforts, mais toujours aux mêmes et toujours aux autres.
La réalité est que vous menez une politique de rigueur sans précédent, et même, aujourd'hui, une politique d'austérité que ne dissimulera pas l'intéressant néologisme inventé pour l'occasion par Mme Lagarde, « ri-lance » : on voit d'où vient le préfixe « ri », mais l'on se demande où est la relance ! Cette politique est entêtée – je vous reconnais au moins le mérite de la constance –, et elle aggrave vos choix antérieurs ; elle ne pourra pas désendetter l'État ; elle asséchera le carburant de la croissance et affaiblira la cohésion sociale.
Je n'ai pas le temps de développer mes idées beaucoup plus longtemps, mais je ne puis laisser dire qu'il n'existe qu'une politique possible. Nous sommes convaincus que les vraies réponses sont ailleurs. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.). Nous sommes persuadés que la rigueur généralisée n'est pas la solution : l'Europe doit définir un sentier de croissance qui permette de sortir du piège de la dette, mais ce n'est pas la stratégie que vous avez retenue.
Il nous semble évident que vos choix budgétaires et fiscaux pour l'année prochaine – et pour les années suivantes – ne rééquilibreront en rien les finances de l'État, puisque vous refusez de modifier le cap d'une politique économique et fiscale qui – François Hollande l'a dit – n'est ni crédible, ni efficace, ni juste.
Nous avons tous conscience qu'il est indispensable de réduire la dette et les déficits, mais nous pensons que, pour ce faire, vos choix sont mauvais : nous les refusons et nous les combattrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, mesdames, messieurs, permettez-moi de vous apporter quelques éléments de réponse et de réflexions complémentaires à ce que Christine Lagarde et moi-même avons déjà dit en ouverture de ce débat sur l'orientation des finances publiques qui, s'il est rendu singulier par le vote qui se déroulera dans quelques instants, ne rentre pas dans la logique du débat budgétaire.
Nous nous sommes efforcés d'être précis, sérieux, méthodiques, mais nous regrettons de n'avoir pu encore vous convaincre, mesdames et messieurs les députés de l'opposition. Il nous reste toutefois l'été pour nous reposer – surtout vous, nous un peu moins - et nous nous retrouverons à l'automne. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
L'objectif de réduction des déficits suppose des mesures difficiles. Nul ne le conteste. Il faut une grande détermination pour réussir et le Gouvernement interviendra sans faiblesse. Par le triptyque qu'il a développé, François Hollande a résumé, avec le talent qui est le sien, l'état d'esprit de tous ceux qui, au sein de l'opposition, se sont exprimés sur le sujet.
Notre politique est-elle crédible ? Oui, ne vous en déplaise, car, si nous avons des ambitions en matière de développement et de croissance économique, nous sommes également pragmatiques.
Ainsi que Christine Lagarde et moi-même l'avons souligné, nous adapterons le dispositif de réduction des dépenses complémentaires en fonction de l'évolution des perspectives de croissance.
Notre politique est-elle sincère ? Aller sur ce terrain-là, c'est nous faire une mauvaise manière. Nous sommes absolument sincères dans ce que nous voulons engager : protéger les publics fragiles et faire partager cet effort – car c'est bien d'un effort qu'il s'agit – à l'ensemble de la population et, pour qu'il soit accepté, le faire porter un peu plus sur ceux qui en ont davantage les moyens.
À propos de la protection des publics fragiles, je vais reprendre les trois exemples cités par Pierre Moscovici.
L'allocation adulte handicapé va continuer d'augmenter en valeur et en volume, mais ce ne sera pas possible au rythme calendaire initialement prévu : peut-on vraiment dire qu'il est injuste de proposer une augmentation de 25 % en six ans alors qu'elle devait à l'origine s'étaler sur cinq ans ? On peut prendre le problème dans tous les sens : ce public est épargné, il sera accompagné, l'allocation augmentera.
En ce qui concerne l'aide à la personne, il existe un double dispositif d'accompagnement : un dispositif fiscal d'exonération comportant un plafond et un dispositif d'exonération de cotisations sociales à hauteur de 15 points. Nous proposons de toucher à ce dernier, car, au départ, ce complément avait été conçu pour amorcer le dispositif et le rendre pertinent, notamment, dans la lutte contre le travail au noir. Il y a eu une augmentation de 40 % en trois ans, ce qui représente aujourd'hui un volume de 6 milliards. Qu'auriez-vous dit si nous n'avions pas touché à ce dispositif ?
Quant à la question de l'aide au logement des étudiants, il n'est pas étonnant que, dans un premier temps, les commentaires fixent une posture d'indignation. Cependant, quand on examinera le détail, on verra qu'il reste un avantage au choix des familles : soit l'APL pour les étudiants, soit l'avantage fiscal de la demi-part pour les parents. Nous continuerons donc bien de mener une politique d'accompagnement pour les étudiants en matière de logement.
Vous verrez donc, détail après détail, que les choix ont été opérés de manière méthodique, précise et rigoureuse – le mot s'impose dans ce cadre-là –, pour écheniller chacune des mesures que nous vous proposerons.
Vous avez soulevé une troisième question, plus large, M. François Hollande, en considérant que l'on ne s'en sortirait pas sans un Grand Soir fiscal. Tout ce que vous dites suppose un débat et mérite attention.
La question de la pertinence de la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG se posera. Vous prenez date pour la présidentielle de 2012 et je ne doute pas que la question sera sur la table lors du grand rendez-vous avec les Français. Toutefois nous divergerons alors probablement sur son évolution. Puis-je me permettre de vous rappeler que sur 36 millions de foyers fiscaux seulement 15,6 millions paient l'impôt sur le revenu, ce qui ne représente même pas un sur deux, et que 500 000 foyers paient 43 % des 50 milliards qui arrivent dans les caisses de l'État au titre de cet impôt ? J'en conclus que notre modèle de redistribution fonctionne et qu'il faut réfléchir à la question avec sagesse. Pour vous, en raison de son caractère proportionnel, la CSG est l'alpha et l'oméga. Nous aurons un débat de fond sur ce sujet.
De même, je veux, devant la représentation nationale, souligner votre courage à propos de la TVA. Peut-être prenez-vous date pour la suite. C'est possible. Il faut beaucoup de courage pour dire cela maintenant, mais je vous trouve bien seul, au sein de votre formation politique, pour assumer un tel choix.
Nous, au contraire, nous avons choisi d'agir d'abord et avant tout sur la dépense. La facilité, c'est vrai, serait d'augmenter les impôts. Ainsi pour le Gouvernement, compte tenu de l'obligation de réduire les déficits, la solution de facilité aurait été de proposer une augmentation de la TVA et une augmentation de l'impôt sur le revenu. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Elle aurait été – pourquoi pas ? – de faire sauter le bouclier fiscal, d'en exclure la CSG et la CRDS. Peut-être auriez-vous accepté ces mesures, mais nous les avons rejetées pour ne pas casser la croissance.
Le chemin que nous empruntons est le plus difficile : c'est un chemin de crête, mais il est plus vertueux, plus méthodique et plus responsable pour la suite.
Je tiens aussi à remercier tous les orateurs de la majorité, à commencer par le rapporteur général, le président Pierre Méhaignerie, le rapporteur Yves Bur, pour toutes leurs remarques sur le plan budgétaire et sur les relations avec les collectivités territoriales – je crois que, en la matière, nos points de vue convergent –, autant que sur la réflexion concernant les niches et les dépenses sociales. Je rappelle que la moitié des plus de 1 000 milliards d'euros de dépenses publiques a une vocation sociale. Il est normal qu'elles soient prises en compte dans un plan général de réduction des déficits.
Enfin, en ce qui concerne la question de la CADES et de la dette sociale, personne, au sein du Gouvernement, ne porte en bandoulière l'idée de l'allongement de la CADES. Nous sommes parfaitement conscients que c'est une mesure difficile, qui ne correspond pas tout à fait à ce que la représentation nationale a voulu, mais nous ne souhaitions pas non plus ni la crise ni l'aggravation de ces déficits. Nous sommes donc, là aussi, en face d'un choix de responsabilité, que nous assumons.
Je veux dire au président Copé que son soutien et celui de toute la majorité nous seront précieux. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Nous savons pouvoir compter sur lui et sur le groupe UMP. Nous savons pouvoir compter aussi sur la qualité du débat à propos de la réduction des niches fiscales qui nous attend à la fin de l'été et qui prolongera celui-ci. Nous prendrons alors le temps qu'il faudra pour essayer de convaincre l'Assemblée, un peu plus et un peu mieux, que l'esprit de responsabilité peut être partagé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur divers bancs du groupe NC.)
François Baroin ayant évoqué les principaux sujets je me bornerai à répéter que le Gouvernement est absolument déterminé à respecter les engagements du pacte de stabilité et de croissance qu'il a pris vis-à-vis de nos partenaires au sein de l'Union européenne et de la Commission. Nous tiendrons l'engagement de revenir à un déficit à 3 % du PIB en 2013 et nous suivrons, pour ce faire, une trajectoire parfaitement identifiée.
Je veux cependant vous répondre personnellement, monsieur le président de séance, puisque vous m'avez interpellée sur deux sujets qui sont un peu techniques mais qui nous concernent tous et qui s'appliquent notamment à la péréquation quant au principe et quant à son champ d'application.
Oui, nous honorerons, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2011, le débat que vous avez largement enrichi par le rapport que vous avez rendu le 30 juin, dans lequel vous proposez d'amplifier les mécanismes de péréquation déjà inclus dans la réforme de la taxe professionnelle, remplacée par la contribution économique territoriale. Nous examinerons les propositions de péréquation que vous avez formulées avec vos collègues missionnés par le Premier ministre pour l'examen de l'évolution de la suppression de la taxe professionnelle.
Je puis ainsi vous confirmer que la mesure contenue dans votre amendement qui concernait la péréquation en matière de droits de mutation à titre onéreux sera appliquée à compter du 1er janvier 2011. Comme votre amendement, qui a été adopté, prévoyait la mise en place d'une année de référence, la mesure s'appliquera à compter du 1er janvier 2011, la première année de référence étant l'année 2011 pour l'application à compter de 2012.
Mes services examinent ce dispositif et je ne doute pas que nous passerons les prochaines semaines à travailler sur la manière d'appliquer cet amendement dans les meilleures conditions. Je reste à votre disposition pour que nous le fassions ensemble, dans le même esprit de coopération qui a présidé à nos travaux. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Exigeant, équitable, soutenable, dit votre document budgétaire. Le déficit budgétaire et le poids de la dette sont indéniables, mais nous avons un désaccord sur les causes de la dégradation de ces deux paramètres. Certes, la crise est responsable pour un tiers, mais un tiers seulement.
Quelle est l'origine de la crise financière ?
Les organismes financiers, dont les banques, ont spéculé. Leurs avoirs pourris ont été garantis par les États – en France spécifiquement – sans contreparties. La dette privée est devenue une dette publique et, dans le même temps, le Gouvernement français a conduit une politique constante et obstinée de baisse des recettes par l'empilement des dispositifs d'exonérations fiscales et sociales, responsables pour deux tiers de la dette.
Face à cette situation, que proposez-vous ? La sauvegarde à tout prix des privilèges de vos amis du Fouquet's et du Bristol. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous voulez donc limiter les dispositifs dits de guichet. Vous les avez finalement pris par masse budgétaire : AAH, rabotée ; APL, rabotée ; intéressement dans le cadre de l'ASS, rabotée ; missions locales et maisons de l'emploi, moins financées ; places d'hébergement en CHRS, non augmentées ; 11 % des équivalents temps plein de l'État supprimés ; gel du point d'indice des fonctionnaires.
Finalement, qu'est-ce qui est concerné par vos mesures ? L'emploi et les publics les plus en difficulté. Qui ne l'est pas ? Les entreprises – cela a été souligné par quelqu'un qui ne siège pas vraiment sur les bancs de l'opposition – et les contribuables les plus riches, notamment à cause du fait que les niches fiscales sont très peu touchées.
Votre budget n'est donc ni juste, ni soutenable, ni exigeant. Nous refusons la mise sous tutelle du budget national par la Commission européenne…
…tout comme nous refusons que le débat budgétaire ait le monopole des mesures fiscales, car cela revient tout bonnement à priver une fois de plus le Parlement de débats globaux sur les projets ou sur les propositions de loi.
Nous allons d'ailleurs le voir à l'occasion du débat sur les retraites, qui sera coupé en trois morceaux : un morceau en septembre dans le projet de loi proprement dit ; un deuxième morceau dans le projet de loi de finances ; un dernier morceau dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, avec des mesures fiscales et sociales. Ainsi, il n'y aura plus de débat général.
Les députés du Parti communiste et du Parti de gauche voteront donc contre votre proposition d'orientation budgétaire pour les trois années à venir. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat marque un tournant majeur dans la politique budgétaire du Gouvernement.
Depuis trente ans, la classe politique a cru bon de marginaliser les tenants de l'orthodoxie budgétaire, les femmes et les hommes responsables, qui refusent la vision à court terme et savent que les décisions budgétaires d'aujourd'hui engagent l'avenir du pays. Deux faits majeurs concourent à faire du retour à l'équilibre de nos finances publiques une priorité absolue : d'une part, l'impact de la crise économique et financière ; d'autre part, la menace d'une déflagration en matière de dette souveraine.
Au Nouveau Centre, nous n'avons pas attendu que cette double crise vienne menacer la stabilité de la zone euro et l'indépendance même de notre gouvernance économique pour dénoncer l'irresponsabilité de ces trente années au cours desquelles tous les gouvernements, de droite comme de gauche, ont choisi de gaspiller les marges de manoeuvre dont nous disposions.
Faisons donc preuve de courage et de détermination pour inverser la tendance. Gel des dépenses de l'État, nouvelles règles d'équilibre budgétaire, coup de rabot sur les niches fiscales : les temps ont donc changé pour que les propositions faites depuis trois ans par le Nouveau Centre deviennent aujourd'hui incontournables aux yeux du Gouvernement. Nous n'en faisons pas un motif de satisfaction car la question de l'endettement public n'est pas une question politicienne ; c'est une question d'équité entre les générations ; c'est une question vitale, pour que notre pays ne décroche pas, notamment par rapport à l'Allemagne et à l'Angleterre, qui ont montré la voie. Simplement, après l'époque où seul le mirage de la croissance laissait espérer l'équilibre budgétaire, il faut changer de logiciel et adresser un signal fort aux marchés et à nos partenaires économiques en définissant une perspective réaliste pour 2013.
Force est de constater que, sous la pression des marchés et de la Commission européenne, le Gouvernement prend enfin la mesure des enjeux auxquels nous sommes confrontés. Nous soutiendrons son action, mais les hypothèses qu'il défend, selon lesquelles nous reviendrons aux critères de Maastricht en 2013, ne sont pas à la hauteur des enjeux, pour trois raisons très bien énoncées par Charles de Courson.
Tout d'abord, le gel en valeur des dépenses de l'État sur trois ans n'est pas un gel strict. Il n'inclut effectivement ni les charges d'intérêts de la dette ni les pensions, qui représentent plus de 4,5 milliards d'euros.
Ensuite, l'hypothèse d'une croissance annuelle de 2,5 % pour les années 2011 à 2013 n'est pas une hypothèse réaliste. Christine Lagarde l'a d'ailleurs reconnu ce matin même.
Enfin, le relèvement très probable des taux d'intérêt va durablement alourdir notre charge d'intérêts, l'État ayant choisi de recourir plus massivement à des emprunts à court terme.
Il nous faut donc aller plus loin. Au Nouveau Centre, nous l'affirmons avec force : le déficit structurel de la France pèse pour la moitié dans les déficits publics. Il faut donc lancer maintenant une véritable politique de maîtrise des dépenses publiques. Nous sommes attachés à l'inscription dans la Constitution d'une véritable règle d'or, fixant un niveau limite d'endettement fonctionnel pour le pays, comme l'ont fait nos partenaires allemands. Nous nous battrons pour l'obtenir, comme nous continuerons à nous battre pour faire respecter les règles de bonne gouvernance de nos finances publiques, qui, si elles existent déjà, demeurent insuffisamment appliquées.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre approuvera cette déclaration gouvernementale. Si nous avons souhaité qu'il y ait un vote, c'est d'ailleurs parce qu'elle s'inscrit dans une dynamique vertueuse. Cependant, disons-le avec la plus grande des fermetés, nous saurons être vigilants et nous ferons entendre les réserves que nous venons d'exprimer, au moment où une chance que je qualifierai d'historique nous est enfin donnée de devenir responsables, courageux et audacieux. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
S'il y a ces explications de vote, c'est parce que l'article 50-1 de la Constitution permet un tel débat suivi d'un vote ; c'est la dernière révision constitutionnelle qui a introduit cette disposition. En l'occurrence, la situation se prête particulièrement bien au débat.
C'est en quelque sorte une épure nouvelle qui nous est proposée. En effet, pour la première fois, nous allons nous engager dans une réduction très importante du déficit budgétaire, et nous allons le faire dans des circonstances exceptionnelles et de manière contracyclique. C'est en effet au moment où nous avons besoin de maximiser la relance et l'investissement devant entraîner l'investissement privé que nous nous engageons dans cette démarche. Certains prétendent que cela nous est dicté par les marchés ; pour ma part, je dirai qu'il s'agit tout simplement de réaffirmer ainsi notre attachement à un modèle social exceptionnel, fantastique, unique au monde – comme le disait tout à l'heure Jean-François Copé –, qui permet une qualité de vie que beaucoup nous envient, et de le faire perdurer. C'est pourquoi, si nous nous engageons sur la voie d'une gestion particulièrement rigoureuse de la dépense publique, celle-ci ne va pas sans la relance.
François Baroin et Christine Lagarde ont fait preuve de sincérité et de détermination dans leur volonté de traduire les orientations budgétaires dont nous avons débattu en solutions concrètes qui seront précisées lors de la discussion du projet de loi de finances. Le groupe UMP s'associe pleinement à cette volonté et soutient le Gouvernement dans cette démarche, non sans prendre la mesure de la responsabilité qui incombe à la majorité : il s'agit de veiller à ce que cette volonté se traduise dans les faits, notamment sous la forme de réductions significatives et non symboliques de la dépense publique dans le projet de loi de finances pour 2011. Oui, il s'agit effectivement de parvenir, pour la première fois depuis trente ans, à une réduction significative du déficit public, non seulement pour les marchés mais, surtout, pour les générations futures. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ce rendez-vous était attendu, car c'était un rendez-vous important. Au fond, le sujet compte parmi les plus importants que les Français – et, par conséquent, les responsables politiques de l'opposition et de la majorité – ont aujourd'hui à regarder en face. Comment réduire le déficit de nos finances publiques ?
Je vous le dis, au fond, à contrecoeur : malheureusement, bien que des choses importantes aient été dites, que vous n'avez pas voulu entendre, madame la ministre, monsieur le ministre, choses dites non seulement par des orateurs de l'opposition mais par le rapporteur général, le rapporteur de la commission des affaires sociales, par les présidents des deux commissions, vous avez raté ce rendez-vous. Pourquoi donc ?
Tout d'abord, quoi que vous en disiez, vos propositions manquent profondément de crédibilité. Cela ne veut pas pas simplement dire que nous ne vous croyons pas lorsque vous affirmez que la croissance sera de 2,5 % en 2011 ou lorsque, comparant la situation à d'autres crises pourtant sans rapport, vous affirmez que l'élasticité des recettes va augmenter à une vitesse absolument considérable – que nous ne le croyons pas n'est pas si grave –, cela signifie aussi que les observateurs et prêteurs extérieurs ne vous croient pas non plus. Vous tenez de tels propos pour rassurer les marchés, mais vous manquez de crédibilité.
Ensuite, vos propositions manquent d'efficacité. Je peux comprendre, madame la ministre, que vous fassiez preuve d'optimisme à propos de la conjoncture économique, car le rôle d'un ministre de l'économie et des finances est davantage de rassurer que d'inquiéter. Cela dit, malgré tout, nous sommes encore en crise économique, et la question de la croissance nous est posée, comme à toute l'Europe et au monde entier, quels que soient aujourd'hui les taux de croissance chinois, indien et brésilien. Nous ne sommes pas sortis de cette crise de la croissance. Par conséquent, chaque fois que vous supprimez ou diminuez une dépense, il vous faut vous demander quel effet cela aura sur la croissance. Or l'effet principal de vos diminutions aveugles de dépenses sera un effet récessif, ce qui réduira les recettes et augmentera donc, in fine, les déficits.
Enfin, s'agissant des recettes ou – disons le mot – des impôts, il y a chez vous un manque de courage. Vous ne cessez de marteler que l'augmentation des impôts serait une facilité, mais écoutez donc M. Carrez, lisez donc son rapport ! Vous verrez alors que la facilité résidait dans des baisses d'impôts financées par davantage d'emprunt, donc payées par les générations suivantes. Le courage est justement de regarder en face la question des recettes pour revenir sur des baisses d'impôts qui ont montré leur inefficacité, qui ont montré leur injustice et qui sont en grande partie responsables du déficit de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Oui, nous avons besoin de lucidité et de crédibilité ! Oui, nous avons besoin d'efficacité économique ! Oui, nous avons besoin de courage ! Pour votre part, vous aurez manqué de tout cela. C'est pourquoi nous voterons contre vos orientations budgétaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous en venons au vote, qui se déroulera dans les salles voisines de la salle des séances.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. Il est ouvert pour une durée de quarante-cinq minutes.
La séance sera reprise à vingt et une heures vingt-cinq.
Explications de vote
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quarante, est reprise à vingt et une heures vingt-cinq.)
La séance est reprise.
Le scrutin portant sur la déclaration d'orientation des finances publiques pour 2011 a été clos à vingt et une heures vingt.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 515
Nombre de suffrages exprimés 510
Majorité absolue 256
Pour l'adoption 316
Contre 194
L'Assemblée a adopté la déclaration du Gouvernement relative à l'orientation des finances publiques pour 2011. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :
Discussion du projet de loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt et une heures trente.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma