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Intervention de Jean-Claude Sandrier

Réunion du 6 juillet 2010 à 15h00
Orientation des finances publiques pour 2011 — Débat et vote sur une déclaration du gouvernement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Sandrier :

C'est ce que vous avouez par cette formule qui est tout un programme : « Cette réforme constitue l'un des étages de la fusée de la maîtrise de la dépense publique ». Les spéculateurs vous remercient pour ce geste – comment dites-vous ? – courageux.

Mais vous vous attaquez aussi aux ressources des collectivités locales en gelant les concours de l'État. Vous bloquez les crédits d'investissements pour les infrastructures de même que vous allez réduire les crédits d'interventions, y compris pour l'emploi et le logement.

Enfin, non seulement vous prévoyez la suppression de 100 000 emplois de fonctionnaires – des emplois en moins pour l'école, pour les hôpitaux, pour l'ensemble des services publics –, mais vous prévoyez aussi de bloquer les salaires en 2011.

En commission des finances, je vous ai demandé, monsieur le ministre, si vous aviez estimé ce qu'allait coûter en emplois, non seulement publics, mais aussi privés, cette politique d'austérité. Vous n'avez pas répondu. Les Français sont en droit de connaître les conséquences de vos choix sur leur emploi. Vous devez nous dire aujourd'hui combien d'emplois privés seront supprimés de 2010 à 2013, en plus des emplois de fonctionnaires, du fait des réductions budgétaires qui vont toucher et les investissements et le pouvoir d'achat de millions de nos compatriotes. Et je ne parle même pas ici des augmentations en cours et à venir de prix et de tarifs dans les transports, le gaz, l'électricité, les assurances, les mutuelles, etc.

À quoi sert de raboter des niches fiscales à hauteur de 8 milliards d'euros, quand vous les avez augmentées de 40 milliards d'euros, sinon à tenter de dissimuler la nocivité de vos choix pour mieux les faire avaler par nos concitoyens ?

Comme le répètent les économistes les plus responsables, « les politiques de rigueur constituent une grave erreur pour des raisons évidentes, car elles vont déprimer la demande intérieure, en particulier dans la zone euro, et rendre tout compte fait encore plus difficile le retour progressif à un équilibre des dépenses publiques ».

Votre cible n'est pas la bonne. En effet ce n'est pas la dépense publique qui est responsable du déficit de la France. Ce ne sont ni les enseignants ni les infirmières qui ont creusé les déficits, ce ne sont pas eux qui nous coûtent cher. Ceux qui coûtent cher à la France nous les connaissons, vous les connaissez ! Ce sont ceux qui détournent l'argent vers les paradis fiscaux, c'est l'évasion fiscale, donc le vol ! Ce sont ceux qui cachent leurs îles au trésor, ceux qui font exploser les dividendes et autres intérêts versés aux banques qui représentaient 25 % de la valeur ajoutée, il y a dix ans et en représentent 36 % aujourd'hui – c'est-à-dire une augmentation de 44 % en dix ans – cela au détriment non seulement des cotisations pour les retraites et la sécurité sociale, mais aussi de l'emploi et des salaires ! Ceux qui coûtent cher à la France, ce sont ces 500 plus grosses fortunes françaises qui, il y a dix ans, représentaient 6 % de notre produit intérieur brut et en représentent, aujourd'hui, 14 %. Il y a trente ans, les revenus des grands patrons étaient au maximum de quarante fois le SMIC ; ils s'élèvent aujourd'hui à 500 fois le SMIC. Ce qui coûte cher, c'est aussi un bouclier fiscal qui permet de rembourser à une des plus grandes fortunes de France l'équivalent de 1200 postes d'infirmières sur un an.

La Cour des comptes a, à sa façon, mis l'accent sur les deux causes essentielles du déficit budgétaire colossal de notre pays. Pour un tiers, il provient de la crise, c'est-à-dire de ceux qui l'ont provoquée, mais ce n'est pas à eux que vous demandez de payer ! Pour les deux tiers restants, ce déficit provient, pour l'essentiel, des cadeaux fiscaux qui ont plombé les recettes de l'État et l'ont appauvri. En dix ans, les recettes de l'État auront reculé de 4,2 points de PIB, soit plus de 80 milliards d'euros, et cela non seulement sans aucun résultat pour l'emploi, mais en concourant à accroître la masse d'argent détournée vers les placements financiers, ce qui a provoqué la crise que l'on sait.

Pour combattre le déficit du budget, il faut s'attaquer aux deux causes que je viens de rappeler et, ainsi, en finir avec les cadeaux fiscaux aux plus riches et avec la mainmise sur l'économie des spéculateurs et des marchés financiers, responsables de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Nous devons nous attaquer aux gaspillages privés, à la spéculation, aux privilèges d'une caste et non à la dépense publique utile aux Français.

Ce monde doit être remis à l'endroit. Son but ne peut pas être la course à l'argent, au record de comptes dans les paradis fiscaux, il doit être seulement la satisfaction des besoins de l'humanité.

Cette crise du capitalisme appelle à un changement de civilisation. L'urgence est de prendre des mesures allant dans ce sens, c'est-à-dire : supprimer les paradis fiscaux ; taxer les transactions financières ; plafonner les rémunérations du capital ; taxer les revenus financiers des entreprises à même hauteur que les salaires ; établir une échelle des revenus décente et juste ; créer un pôle public et bancaire en France et en Europe pour orienter l'argent vers l'emploi, les salaires et les besoins sociaux et non vers les dividendes et les spéculations. Il faut s'attaquer à ce fléau innommable du dumping salarial, social, fiscal et environnemental. Nous devons rétablir une fiscalité progressive et juste, abroger le bouclier fiscal, symbole de l'injustice de votre système, taxer fortement les mouvements rapides de capitaux.

Les députés communistes, républicains, parti de gauche, verts et ultramarins du groupe GDR ne voteront pas les choix que vous faites de sacrifier les revenus du travail, l'emploi et la protection sociale aux revenus du capital.

Vous dites vouloir moraliser le capitalisme, mais c'est une mission totalement impossible, car on ne moralise pas un système dans lequel l'homme est un moyen et non une fin. Vous dites vouloir réguler le capitalisme, mais si le capitalisme se laissait réguler, ça se saurait depuis longtemps et, surtout, ça ne serait plus le capitalisme ! Nous sommes à la croisée des chemins, la situation le prouve clairement, aujourd'hui : une autre société est à construire.

En guise de conclusion, je citerai cet extrait de la Charte de l'Appel des appels : « Décidés à combattre une idéologie de la norme et de la performance qui exige notre soumission et qui augure d'une civilisation inique et destructrice de l'humain, nous voulons réinventer une société de libertés, de droits, de justice et d'hospitalité ».

(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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