Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement nous présente ses premières orientations pour le prochain budget. Ce débat n'est pas anodin ; je dirais même qu'il est majeur.
Madame la ministre, monsieur le ministre, vous et le Gouvernement voulez vous présenter comme des réformateurs courageux, qui mettraient fin à une période de « trente ans d'accumulation des déficits » – pour reprendre les termes du rapport – et feraient face à un changement d'époque, comme l'a dit Jean-François Copé. À vous entendre, les gouvernements qui vous ont précédés seraient, avec la crise, les seuls responsables de la situation désastreuse de nos finances publiques.
Jean-François Copé, toujours lui, nous appelait tout à l'heure à la vérité. Eh bien parlons-en !
Votre présentation s'apparente à une stratégie de défausse qui ne trompera personne. Contrairement à ce que vous voulez nous faire croire, la crise est loin d'être l'unique ou même la principale responsable du creusement abyssal du déficit et de l'explosion de la dette depuis 2003, plus encore depuis 2007.
Revenons à l'essentiel, c'est-à-dire à ce dont parlait François Hollande : l'efficacité et la justice, qui ne sont ni l'une ni l'autre présentes dans votre politique.
Ce n'est pas la crise qui explique que notre déficit structurel atteigne plus de 5 % du PIB, soit les deux tiers du déficit actuel de l'État ; ce n'est pas la crise qui a engagé la France dans une spirale d'endettement public insupportable : c'est en grande partie la politique que vous menez.
Ce n'est pas non plus la crise qui explique la baisse préoccupante des recettes fiscales, à hauteur de 100 milliards d'euros en dix ans : ce sont les cadeaux fiscaux massifs auxquels vous avez consenti depuis huit ans et, surtout, la politique clientéliste que vous menez depuis 2007. La liste en est très longue : baisse de l'impôt sur le revenu des plus riches, bouclier fiscal, défiscalisation des heures supplémentaires, suppression de l'imposition sur les grosses successions, baisse de l'ISF, baisse de la TVA dans la restauration – mesure que vous avez raison, monsieur le ministre, de juger contestable – et déremboursements sociaux. Tout cela ne résulte pas de la crise, mais bel et bien des choix économiques du Gouvernement et, surtout, du Président de la République, choix à contre-cycle et, on le voit aujourd'hui, à contresens.
Votre politique d'hier est injuste et vos propositions d'aujourd'hui le sont tout autant. L'analyse du rapport révèle en effet que vous voulez faire payer votre laxisme budgétaire à tous ceux que votre politique défavorise. Vous continuez ainsi à réduire les effectifs et les budgets de fonctionnement des services publics, via cette RGPP qui est vraiment la rigueur généralisée des politiques publiques puisqu'elle entraîne la suppression de cent mille postes ; vous mettez en cause les dépenses d'intervention publique nécessaires à la cohésion sociale, rognez la protection sociale, qui a pourtant contribué à amortir les effets de la crise, et asphyxiez les collectivités locales, qui assument pourtant 73 % de l'investissement public.
Force est de constater que vous êtes toujours plus prompts à entreprendre des coupes dans les aides aux moins favorisés. Pas plus tard que ce matin, monsieur le ministre, vous avez annoncé une baisse de la revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés qui ne sera que de 3 % en 2011 – contre 4,5 % prévus initialement –, l'interdiction du cumul des aides personnalisées au logement et de la demi-part fiscale pour enfant à charge, l'exonération de cotisations patronales pour les associations et la réduction de 400 000 à 340 000 emplois aidés. Pendant ce temps, les plus grands bénéficiaires du bouclier fiscal, qui ne sont évidemment pas concernés par les niches fiscales que vous voulez supprimer ou raboter, peuvent dormir tranquillement sur leurs deux oreilles. C'est simple : vous demandez des efforts, mais toujours aux mêmes et toujours aux autres.
La réalité est que vous menez une politique de rigueur sans précédent, et même, aujourd'hui, une politique d'austérité que ne dissimulera pas l'intéressant néologisme inventé pour l'occasion par Mme Lagarde, « ri-lance » : on voit d'où vient le préfixe « ri », mais l'on se demande où est la relance ! Cette politique est entêtée – je vous reconnais au moins le mérite de la constance –, et elle aggrave vos choix antérieurs ; elle ne pourra pas désendetter l'État ; elle asséchera le carburant de la croissance et affaiblira la cohésion sociale.
Je n'ai pas le temps de développer mes idées beaucoup plus longtemps, mais je ne puis laisser dire qu'il n'existe qu'une politique possible. Nous sommes convaincus que les vraies réponses sont ailleurs. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.). Nous sommes persuadés que la rigueur généralisée n'est pas la solution : l'Europe doit définir un sentier de croissance qui permette de sortir du piège de la dette, mais ce n'est pas la stratégie que vous avez retenue.
Il nous semble évident que vos choix budgétaires et fiscaux pour l'année prochaine – et pour les années suivantes – ne rééquilibreront en rien les finances de l'État, puisque vous refusez de modifier le cap d'une politique économique et fiscale qui – François Hollande l'a dit – n'est ni crédible, ni efficace, ni juste.