…et des rapporteurs, des échanges de fond, certes, mais aucune évolution sur le fond.
Dès lors, comment porter une appréciation différente de celle que j'ai présentée au début des débats, dans le cadre de la motion de renvoi en commission ?
Vous proposez au vote de la représentation nationale un texte bricolé, tantôt troué de quelques confettis, tantôt habillé de quelques post-it collés à la va-vite. Un texte sans ambition fondamentale pour notre politique alimentaire et agricole, que les deux chambres ne pourront pas améliorer, conformément aux souhaits du chef de l'État et du Gouvernement.
Les quelques outils de marché qui sont développés, je pense à la libre contractualisation, à la libre assurance sur les risques, ne résoudront rien des problèmes que rencontrent aujourd'hui les exploitants. Avec le remaniement des organisations de producteurs et des interprofessions, c'est au contraire une nouvelle poussée de concentration et de spécialisation agricole que vous nous promettez avec, comme corollaire, la suppression de plusieurs dizaines de milliers d'exploitations dans les années qui viennent.
Monsieur le ministre, votre survol législatif visait à répondre à la colère et au désarroi du monde agricole. Il est aussi fugace et fallacieux que celui du Président de la République entre Sud-Cantal et Nord-Aveyron, la semaine dernière. Comme il avait été pris la main dans le sac des discours copiés-collés à Poligny, le Président s'en est tenu, cette fois-ci, à flatter la France des terroirs, dans le même temps où nous était imposé un projet de loi l'abandonnant un peu plus chaque jour. J'ai le sentiment que, sur le plan agricole comme sur beaucoup d'autres sujets, ce gouvernement a perdu la boussole des fondamentaux, a perdu le cap et vogue désormais benoîtement dans le sens du courant libéral dominant. Je ne sais vers quelle grève cette attitude va mener les 600 000 agriculteurs et agricultrices de notre pays, mais ce dont je suis certain, c'est que les temps qui viennent leur seront douloureux. À la dérive, votre « bateau ivre » s'en remet toujours plus aux forces d'argent, c'est-à-dire ici aux géants de l'agro-alimentaire, de la distribution et du secteur bancaire et assurantiel.
Ce texte anticipe surtout la nouvelle purge budgétaire convoquée pour l'automne par Bruxelles avec les grandes lignes de la future PAC pour 2013. À budget communautaire lourdement amputé, supprimant les derniers outils de gestion de l'offre, vous répondez « adaptation aux demandes du marché », « compétitivité », « assurance privée ». À contresens, monsieur le ministre, de ce que vous aviez courageusement engagé il y a quelques mois auprès des partenaires européens, vous appuyez aujourd'hui sur l'accélérateur libéral au moment même où le moteur s'emballe, c'est-à-dire au moment où la majorité de nos agriculteurs éprouvent les pires difficultés à sauver leur outil de travail, leur exploitation.
De surcroît, alors que vous livrez les agriculteurs aux lois du marché, vous poursuivez aussi le démantèlement de notre système de santé publique vétérinaire et de contrôle sanitaire entamé avec la révision générale des politiques publiques. De quoi rassurer sans doute nos concitoyens sur le contenu de leur assiette après certaines révélations télévisées. Vous adoptez la même démarche pour notre système de formation avec l'enseignement agricole public.
J'ai également égrené mardi dernier la longue liste des absences de ce texte : recherche, diffusion des pratiques culturales durables, réduction de la dépendance aux importations, filières de qualité, régime social agricole, retraites… Je n'y reviens pas.
Dans ces conditions, les députés du groupe GDR voteront contre un texte de renoncement de ce gouvernement à une autre ambition agricole que celle que nous promet la Commission européenne.
Ils voteront contre un texte muet sur les questions fondamentales des prix et des revenus, de l'installation, des pratiques agricoles, de la recherche, et en recul sur les questions environnementales.
Ils voteront contre un texte inquiétant au regard de l'état actuel de l'agriculture européenne et nationale, contre un texte qui tourne le dos aux enjeux alimentaires. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)