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Intervention de Yves Bur

Réunion du 6 juillet 2010 à 15h00
Orientation des finances publiques pour 2011 — Débat et vote sur une déclaration du gouvernement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Cette dette constitue une faute morale envers notre jeunesse qui peut se désespérer de nos comportements collectifs irresponsables à son égard. Le taux de couverture des charges du régime général par ses produits n'est plus que de 91,6 %. Autrement dit, sur dix euros de prestations versés en 2010, près d'un euro sera financé ultérieurement – par nous-mêmes, par nos enfants ou peut-être encore par nos petits-enfants.

Les recettes tirées de la croissance étant insuffisantes, il faudra s'attaquer à des réformes structurantes pour casser la spirale des déficits sociaux, qui ne doivent plus être considérés comme une fatalité.

En engageant la réforme des retraites, l'objectif est bien d'arriver à un équilibre durable de la branche vieillesse en 2018 et nous aurons l'occasion, avant le débat budgétaire, d'en débattre longtemps pour rendre crédible cet objectif d'équilibre.

Il nous faut agir aussi pour sauvegarder la solidarité face à la maladie, ce qui ne signifie pas que toute action sur la dépense serait illégitime face à l'aspiration à la meilleure santé possible ou face au dévouement des acteurs de la santé dans leur mission sanitaire.

Je suggère qu'un plan stratégique pluriannuel de trois à cinq ans soit adopté afin de redresser durablement les comptes à hauteur de cinq milliards d'euros. Plusieurs mesures pourraient y contribuer. Ainsi, la généralisation des contrats d'amélioration des pratiques individuelles et leur renforcement permettraient de lier davantage l'évolution des revenus des professionnels de santé au niveau et à la qualité de leurs prescriptions.

Grâce à la mobilisation des Agences régionales de santé, l'offre hospitalière pourrait être restructurée plus rapidement et mieux coordonnée à l'offre de soins ambulatoire. Il faudra, de plus, utiliser le patrimoine hospitalier dont la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale affirme qu'il serait d'une surface supérieure à celui de l'État et pourrait être évalué à plusieurs dizaines de milliards d'euros : je plaide pour un recensement exhaustif afin d'en estimer la valeur.

Il faut naturellement optimiser encore la dépense médicamenteuse en élargissant plus vite le répertoire générique et les tarifs forfaitaires de responsabilité qui optimiseront plus rapidement les gains pour l'assurance maladie.

Enfin, est-il encore justifiable pour l'assurance maladie de maintenir une gestion déléguée à des mutuelles ? Cela représente un gaspillage dont le surcoût est évalué entre 250 et 400 millions d'euros.

Pour la branche famille, j'ai remis au Premier ministre le rapport d'une mission qu'il m'avait confiée sur l'évolution du financement de la politique familiale : à cette occasion, j'ai été amené à réfléchir aux dépenses – y compris fiscales – engagées dans ce domaine, afin d'optimiser les dépenses de la branche famille. Selon les ambitions que nous nous fixerons, il est possible d'envisager des économies de 1,5 à 2,6 milliards d'euros, en conservant toujours l'objectif de l'équité.

Pour autant, agir sur la dépense ne nous exonérera pas de rechercher des recettes supplémentaires, qu'il faudra mobiliser avec le souci de l'équité et sous l'angle de l'efficacité économique.

La première piste consiste bien entendu à rechercher parmi les exonérations de cotisations sociales, dont le coût pour les régimes sociaux – certes compensé à 90 % par l'État – est de l'ordre d'un dixième de leurs recettes. S'agissant des allégements généraux, le Gouvernement a d'ores et déjà repris à son compte, dans le cadre de la réforme des retraites, l'une des propositions que j'avais formulée au printemps 2008, et qui consistait à annualiser le calcul des allégements généraux. Toutefois, j'estime possible d'aller plus loin dans ce domaine, en reprenant une autre des propositions de la mission d'information commune : la forfaitisation du plafond de ces allégements, actuellement défini en fonction du SMIC. Si ce plafond était exprimé en euros, l'incidence des allégements serait ipso facto réduite au gré de l'inflation.

L'avantage d'une telle désindexation réside dans son caractère progressif. En outre, la modération actuelle de la hausse des prix rendrait cette mesure initialement peu sensible. Avec une inflation que l'OCDE évalue à 1,7 % en 2010, le gain qui pourrait être engrangé dès 2011 si le plafond de sortie des allégements généraux demeurait inchangé en euros serait de l'ordre d'un milliard d'euros.

Je suis d'avis que les exonérations ciblées bénéficiant à certains secteurs économiques ou à certains territoires doivent consentir le même effort que les niches fiscales, c'est-à-dire faire l'objet, selon l'expression consacrée, d'un « coup de rabot » de 10 %, qui rapporterait donc 300 millions d'euros.

La réforme des retraites présentée par le Gouvernement comporte également des mesures visant à réduire les niches sociales. Mais je considère qu'il est possible, ici aussi, d'aller plus loin.

L'assiette du forfait social que j'avais proposée en 2008 n'a été étendue que de façon marginale, alors qu'en sont encore exclus des montants importants. C'est notamment le cas des contributions au financement de prestations complémentaires de prévoyance, soit une assiette évaluée à 13,5 milliards d'euros pour 2010. Leur assujettissement au forfait social à 4 % rapporterait donc 540 millions d'euros.

C'est également le cas des indemnités de licenciement, dont certaines atteignent des montants qui justifieraient leur inclusion dans le forfait social, ou même leur assujettissement pur et simple aux cotisations et contributions sociales de droit commun. Si 90 % des indemnités de licenciement sont inférieures au plafond annuel de la sécurité sociale, soit 33 276 euros en 2008, et si le montant moyen de l'indemnité atteignait un peu moins de 13 000 euros en 2008, 1 511 indemnités dépassaient six fois le plafond annuel, soit 200 000 euros, pour un total de 506 millions d'euros. Cela représente une indemnité moyenne de l'ordre de 335 000 euros. Je considère que ces très fortes indemnités pourraient être assujetties aux prélèvements sociaux, par exemple à un niveau égal à deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit au-dessus de 69 240 euros, ce qui permettrait d'augmenter les recettes sociales de près de 600 millions d'euros.

Dans la partie de son rapport annuel 2007 consacrée à l'assiette des prélèvements sociaux, la Cour des comptes ne s'est pas seulement intéressée aux niches sociales proprement dites ; elle a également mis en lumière le fait que les cotisations des employeurs publics dérogent au droit commun du régime général. Au moment où nous nous engageons, grâce à la réforme des retraites, vers un alignement des cotisations salariales des secteurs public et privé dans la branche vieillesse, il serait cohérent d'emprunter cette même voie dans la branche maladie concernant la contribution patronale.

Or, la Cour évalue à 2,5 points l'insuffisance du taux de cotisation maladie à la charge des employeurs publics. Outre ce décalage de taux, qui est sans conséquence pour le respect des critères de Maastricht, l'assiette est minorée par la non-prise en compte des primes, soit environ 20 % en moyenne des rémunérations soumises à cotisations. La perte pour l'assurance maladie peut être estimée à 3 milliards d'euros au titre de l'alignement des taux et à 600 millions d'euros au titre de l'harmonisation de l'assiette.

Le montant que l'on pourrait tirer de ces quelques propositions dépasse 6 milliards d'euros. Il vous appartiendra, monsieur le ministre, de puiser dans cette boîte à outils pour préparer le prochain budget, qui sera à l'évidence crucial. Mais je tiens à vous redire que le recyclage des déficits sociaux dans la CADES, sans accroissement de la CRDS – qui devait au moment de sa mise en place en être la seule ressource – mais en se résignant à un allongement de l'amortissement, est certes réaliste, compte tenu de la situation budgétaire, mais n'est guère glorieux. Cela doit nous amener à nous interroger sur la fragilité d'un progrès social financé à crédit sur le dos de nos enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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