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Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 6 juillet 2010 à 15h00
Orientation des finances publiques pour 2011 — Débat et vote sur une déclaration du gouvernement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Le chef de l'État ignore ce mot, le Premier ministre s'est vu interdire de le prononcer et Mme Lagarde a été obligée, pour l'évoquer, de créer cet affreux néologisme de « rilance », un terme qui veut tellement peu dire qu'il peut inquiéter, car bien peu comprendront ce qu'elle a voulu dire : il est rare que l'on mène à la fois une politique de rigueur et de relance. Tournant autour du pot, probablement par crainte d'enfreindre quelque consigne élyséenne, vous nous expliquez que la politique menée sera celle de la « rilance » quand, en réalité, la rigueur est, en France comme chez nos principaux partenaires européens – pour ne pas dire tous –, la politique qui sera désormais mise en oeuvre.

Cinq mois, donc, avant que nous ayons enfin ce débat ! Je voudrais remercier le rapporteur général de la commission des finances, puisque c'est simultanément – conjointement, serais-je tenté de dire – que nous avons obtenu du pouvoir exécutif que ce débat soit organisé, afin de permettre à la représentation nationale d'être enfin informée des nouvelles politiques que le Gouvernement s'apprête à mettre en oeuvre, le cas échéant avec le soutien de sa majorité. L'article 50, alinéa 1er, de notre Constitution, qui fonde notre débat, permet que celui-ci se conclue par un vote n'engageant pas la responsabilité du Gouvernement. Je me permettrai de revenir sur cette spécificité à la fin de mon intervention.

Du haut de cette tribune, beaucoup ont déjà cité cette phrase que je rappellerai cependant une fois de plus, tant elle me paraît juste, en France comme ailleurs : « Des comptes en désordre sont le signe d'une nation qui s'abandonne. » Le moins que l'on puisse dire est que nos comptes sont en désordre ! En 2009, le déficit public a été de 7,5 %, et j'ai cru comprendre que les membres du Gouvernement, après avoir longtemps bataillé, de manière bien compréhensible, ont fini par se rendre aux arguments de la Cour des comptes et de la Commission européenne, pour admettre que sur ce taux, 5 points étaient imputables aux politiques menées, et seulement 2,5 points étaient dus à la crise. Prétendre, comme le font certains, que le déficit est dû à la crise, est un manque de lucidité – tout comme prétendre, à l'inverse, qu'il n'est dû qu'aux politiques menées. En réalité, on sait que le déficit est dû à ces deux causes à la fois. Plutôt que de débattre interminablement sur ce point, il me semble qu'il serait aussi sage que lucide de s'en remettre à l'arbitrage de la Cour des comptes, qui s'est basée sur des travaux de l'INSEE et de la Commission européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

La dette de notre pays s'est élevée à plus de 80 % du PIB en 2009 et sera de plus de 87 % du PIB en 2012 : en un peu plus de dix ans, ce sont trente points de PIB de stock de dette que notre pays aura accumulés. Il faudra évidemment rembourser cette dette un jour ou l'autre, et même si l'inflation est censée nous aider à le faire, il vaut mieux ne pas y compter. Le règlement de la facture risque d'être particulièrement douloureux pour la France, car, si Mme la ministre a eu raison de souligner que la récession fut moins importante dans notre pays qu'ailleurs et que le plan de relance y fut probablement pour quelque chose – un plan moins important qu'ailleurs en pourcentage de PIB –, le fait que notre déficit public se soit aggravé dans les mêmes proportions qu'ailleurs signifie que, structurellement, nos finances publiques sont beaucoup plus détériorées que celles de l'Allemagne ou du Royaume-Uni. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C'est donc que la rigueur devrait être beaucoup plus forte dans notre pays qu'ailleurs, si le Gouvernement et la majorité qui le soutient souhaitent vraiment rétablir les finances publiques.

Si je ne doute pas de la sincérité des ministres qui m'ont précédé à cette tribune, il me semble que nous pouvons tirer quelques enseignements des chiffres. Au cours des dix dernières années, la dépense publique a progressé en moyenne de 2,3 %. En 2009, elle a augmenté de 2,7 % ; en 2011, elle devrait être limitée à 0,6 % et concerner uniquement la sécurité sociale et les collectivités locales – alors qu'en 2009, la sécurité sociale a connu une progression de sa dépense de 1,2 % et les collectivités locales de 0,7 %. Toutes les bonnes paroles, toutes les mesures annoncées à grands roulements de tambour ne pourront jamais remplacer ce qui manque – comme l'indique le rapporteur général dans son rapport sur la loi fiscale, que je vous engage à lire, mes chers collègues –, à savoir les recettes fiscales qui ont été abandonnées de manière excessive au cours des dix dernières années.

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