La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix-sept heures.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue, est reprise à dix-sept heures trente.)
La séance est reprise.
La parole est à M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, dans le prolongement de l'accord intervenu entre les gouvernements belge, luxembourgeois et français, j'ai l'honneur de vous présenter le projet de loi de finances rectificative autorisant le Gouvernement à accorder deux garanties à la banque Dexia.
Ce soutien fait l'objet d'un collectif particulier, car la situation financière de Dexia nécessitait de réagir très rapidement et de façon coordonnée. Dexia a présenté un plan global de redressement pour revenir sur les marchés dans de bonnes conditions. Ce plan requiert le soutien de la France, de la Belgique et du Luxembourg. Le Gouvernement s'est, vous le savez, immédiatement mobilisé. Comme l'a rappelé devant vous le Premier ministre, il s'agit d'un sujet sérieux, qui concerne non seulement les collectivités locales françaises, mais aussi les déposants belges et luxembourgeois. L'intervention des États s'inscrit dans le cadre du plan de restructuration ordonnée de Dexia. Ce plan poursuit deux objectifs : d'une part, garantir aux déposants, aux créanciers et aux collectivités locales la sécurité qu'ils sont en droit d'attendre et, d'autre part, redonner à Dexia de meilleures conditions d'accès aux liquidités, ce dont elle a besoin.
Le dispositif que nous vous proposons témoigne du soutien déterminé des gouvernements au plan proposé par Dexia. Il nécessite une traduction législative adaptée. Je tiens à remercier votre Assemblée et tout particulièrement sa commission des finances, son président et son rapporteur général, pour la rapidité dont ils ont fait preuve dans l'examen de ce projet. Je connais les conditions de travail du Parlement, surtout à la veille de la présentation du projet de loi de finances et je leur suis très reconnaissant, au nom du Gouvernement, d'avoir eu la gentillesse d'examiner en début d'après-midi les tenants et les aboutissants de cette proposition.
Notre action dans ce dossier – et je dis « notre action », puisqu'il s'agit d'une action collective des États belge, luxembourgeois et français – est en cohérence avec l'objectif rappelé samedi dernier par les ministres des finances du G20 réunis à Paris : préserver la stabilité des systèmes bancaires et des marchés financiers. C'est, dans un premier temps, une condition essentielle pour restaurer la confiance et, dans un second mouvement, pour soutenir la croissance.
Cette réunion nous a aussi permis de décider du renforcement très substantiel de la régulation du secteur financier en élargissant, notamment, l'ensemble des principes déjà décidés en matière de produits dérivés financiers aux marchés dérivés de matières premières dès 2012. Nous nous sommes mis d'accord pour accroître considérablement la transparence de ces marchés, afin de décourager la spéculation. Des accords ambitieux en matière de régulation financière ont été préparés pour le G20 des chefs d'État de novembre : un accord-cadre sur la gestion des flux de capitaux pour contenir les effets les plus néfastes de la libre circulation des capitaux et un renforcement du rôle de surveillance du FMI pour coordonner de manière plus efficace les politiques macroéconomiques. Vous le voyez, d'importants résultats ont été atteints. Ils témoignent tout simplement – et c'est pourquoi j'ai rappelé l'action que nous avons menée ce week-end – de la volonté concertée, coordonnée et organisée des États et du rôle actif de la France pour apporter les meilleures réponses à la crise. Le dispositif de soutien à Dexia s'inscrit dans cette volonté, mais ne pourra être mis en oeuvre qu'après votre approbation, que j'espère, et après l'accord absolument nécessaire de la Commission européenne au titre de la réglementation sur les aides d'État ; il permettra de porter sur les fonts baptismaux un projet qui porte sur trois axes essentiels.
Je ferai, car je pense que ce n'est pas inutile, un bref rappel historique. Depuis 2008, Dexia avait engagé un redressement rendu nécessaire par l'échec du modèle de financement qu'elle avait choisi. Je le rappelle, Dexia a été entraînée par l'évolution des marchés depuis la sortie de l'été, mais ses difficultés qui en font un cas particulier, proviennent du modèle spécial de son fonctionnement et notamment d'un besoin considérable de liquidités au quotidien pour financer ses opérations. Pendant vingt ans, ses dirigeants ont acquis des actifs de long terme en les finançant à court terme, qu'il s'agisse de leur portefeuille obligataire, des diverses structures de prêts aux collectivités locales ou même des actifs toxiques américains. Ce modèle de financement a généré un besoin régulier de liquidités de l'ordre de 260 milliards d'euros, soit l'équivalent des deux tiers de la dette publique grecque.
On reviendra sur la surveillance. Je l'ai dit et répété en commission, mais je répondrai avec la même sincérité à vos questions.
Le resserrement de l'accès aux liquidités observé sur les marchés en 2008 a grandement fragilisé ce modèle, c'est le moins que l'on puisse dire ! C'est la raison pour laquelle les États belge, français et luxembourgeois sont intervenus à cette époque, pour permettre à Dexia de franchir ce cap difficile. Ils ont renforcé son capital et ont apporté leur garantie. Dans ces circonstances, l'équipe dirigeante de la banque a été profondément renouvelée et a pris les décisions nécessaires dans un esprit de responsabilité. Avec l'appui des États et sous le contrôle de la Commission européenne, cette nouvelle équipe a réduit significativement la taille du groupe. Son action a permis de diminuer le besoin de financement à court terme de 164 milliards d'euros et d'abaisser fortement l'encours de financement auprès des banques centrales. La cession d'actifs non stratégiques a contribué, en moins de trois ans, à réduire le bilan de 651 à 518 milliards d'euros. Enfin, depuis cet été, la banque a cédé les 15 milliards de dollars qu'elle avait investis dans des subprimes américains, comme on le sait les actifs les plus risqués. Toutefois, la crise de la zone euro cet été n'a pas laissé à l'équipe dirigeante de Dexia le temps de mener cette restructuration indispensable à son terme.
Deux éléments ont particulièrement affecté le groupe depuis le début de l'été 2011 : d'une part, on craint pour sa solvabilité du fait de son exposition aux risques souverains, alors même que Dexia détient des actifs de qualité et, d'autre part, les conditions de marché plus défavorables ont dégradé de 20 milliards d'euros sa situation de liquidités. Face à cette réalité, les Gouvernements belge, français et luxembourgeois soutiennent le schéma proposé par Dexia pour lui permettre de stabiliser au plus vite sa situation. Alors que la situation de liquidités se détériorait chaque jour davantage, Dexia a voulu restaurer la confiance auprès de ses investisseurs, de ses clients et de ses créanciers. Son plan nécessite une garantie de refinancement des trois États.
Cette garantie figure au I de l'article 4 du projet de loi que vous examinez aujourd'hui. Quelles en sont les modalités ? La garantie est partagée entre les trois États. Selon la clé de répartition établie en 2008 et qui reste inchangée, la Belgique en assumera 60,5 %, la France 36,5 % et le Luxembourg 3 %. La garantie portera au maximum sur un montant de 90 milliards d'euros au total, soit, pour la France, un plafond de 32,85 milliards d'euros. C'est principalement la dette nouvellement émise qui sera garantie pendant une durée limitée à dix ans. Une partie des 90 milliards d'euros sera utilisée pour rembourser la dette garantie dans le cadre du programme de 2008. Le Gouvernement souhaite aussi garantir une part de la dette existante, pour un montant limité. Je précise également que nos trois gouvernements n'envisagent pas de garantir des titres dont la maturité serait supérieure à dix ans, bien que la loi ne fixe pas la durée maximum de la dette garantie. Et, comme en 2008, l'État n'accordera pas, bien entendu, cette garantie à titre gracieux. Elle sera tarifée selon des modalités conformes aux règles européennes.
Autre question que l'on est en droit de se poser : à quoi servira cette garantie de financement ? D'abord, elle permettra à Dexia de réaliser son plan de restructuration ordonnée, qui se déclinera en trois opérations d'envergure. La filiale Dexia Municipal Agency sera adossée à la Caisse des dépôts et consignations, qui en aura la responsabilité et la gestion. Pour assurer la pérennité des financements aux collectivités locales, un consortium formé par la Caisse des Dépôts et La Banque Postale sera créé. Deuxième opération d'envergure, l'État belge fera une offre de rachat de Dexia Banque Belgique. Enfin, troisième opération d'envergure, Dexia engagera la négociation avec le Luxembourg et un investisseur international pour la cession de sa filiale, la Banque internationale à Luxembourg.
J'en viens maintenant à la question de la garantie des prêts structurés aux collectivités locales détenus par Dexia. Vous vous posez, sur ce point, de bien légitimes questions. Il s'agit des produits les plus complexes dont l'encours est de 10 milliards d'euros. La Caisse des Dépôts a souhaité être protégée par Dexia contre les risques que ces prêts pourraient représenter. Dans la mesure où ces prêts concernent des collectivités locales françaises, nos partenaires belge et luxembourgeois ont souhaité limiter leur participation à cette charge. C'est pourquoi la France a proposé de garantir cet engagement de Dexia vis-à-vis de la Caisse des dépôts, selon des modalités qui permettent d'en limiter les conséquences pour l'État.
Autre question : Comment fonctionnera cette garantie ? Elle interviendrait au-delà d'une franchise de 500 millions d'euros. Au-delà de ce montant, 70 % des pertes seraient à la charge de l'État et 30 % resteraient à la charge de Dexia. Cette garantie donnée par l'État sera, bien sûr, rémunérée.
Ce dispositif concernant les prêts structurés témoigne de l'engagement déterminé du Gouvernement en faveur des collectivités locales et de l'avenir de leur financement, engagement qui est au coeur de ce projet de loi de finances rectificative.
La première opération du plan de restructuration de Dexia annoncé le 10 octobre en est un bon exemple. Il s'agit avant tout d'offrir à nos collectivités locales un nouvel acteur public solide, familier, qui leur fournira des produits de crédit simples et transparents. C'est ce qu'elles attendent. Elles souhaitent également que le marché des prêts aux collectivités locales soit stable, les interrogations sur Dexia ayant diminué leurs capacités à emprunter pour financer leurs programmes d'investissement. Cette opération devrait permettre de revenir dans les semaines qui viennent à un système normal.
Cette société commune, spécialisée dans le financement des collectivités locales, créée par la Banque postale et la Caisse des dépôts, sera opérationnelle dans les prochains mois.
D'ici là, comme l'a annoncé le Premier ministre, un dispositif temporaire de financement sur fonds d'épargne a été ouvert, à hauteur de 3 milliards. Il permettra de prévenir tout manque éventuel de liquidités sur le marché des collectivités locales françaises.
Ce projet de loi de finances rectificative vous est soumis dans des délais extrêmement contraints, j'en suis conscient. Au nom du Gouvernement, je vous renouvelle mes remerciements pour votre grande disponibilité.
Adopter ce collectif, c'est faire preuve de responsabilité. Les clients de Dexia, comme ses créanciers, doivent avoir la certitude que les États respecteront leur parole. Nos collectivités, pour leur part, doivent pouvoir s'appuyer sur ces dispositifs pour poursuivre leurs investissements au bénéfice de l'activité économique et du développement durable des territoires. Enfin, Dexia doit revenir rapidement sur les marchés financiers dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet qui nous est soumis cet après-midi est malheureusement inévitable car, sans un tel texte, la faillite de Dexia est certaine,…
…dans des délais très brefs. L'exemple de Lehman Brothers en septembre 2008 a prouvé l'on ne peut pas courir le risque d'attendre et, dans ces cas-là, on se tourne comme toujours vers l'État.
Ce texte comporte deux mécanismes de garantieLe premier apporte une garantie globale, partagée avec l'État belge et le Luxembourg pour permettre le refinancement de la structure Dexia, qui n'arrive pas à se financer pour faire face à ses créances à long terme. Le second consiste à transférer une grande partie des créances à la Caisse des dépôts, l'État apportant une sorte de contre-garantie sur ces actifs transférés, compte tenu de leur mauvaise qualité ou des risques de contentieux.
Je tiens à souligner, monsieur le ministre, la rapidité avec laquelle le Gouvernement nous propose ce texte et son souci de transparence. Comme la matière est complexe et les délais extrêmement brefs, un grand nombre de mes collègues se sont interrogés à juste titre sur l'ensemble du montage et les risques qu'il faisait courir à l'État ou à la Caisse des dépôts, c'est-à-dire, in fine, également à l'État, mais, je souhaiterais qu'il n'y ait pas de procès d'intention. Nous travaillons les uns et les autres dans des conditions extrêmement difficiles. Vos collaborateurs au cours des derniers jours et encore pendant tout le week-end nous ont permis de travailler. Vous ne disposez de mon rapport, mes chers collègues que depuis quelques minutes, et j'en suis désolé, mais j'ai passé une partie du week-end à essayer de comprendre cette mécanique. Je vous invite donc à faire preuve d'un peu d'indulgence en lisant les quelques éléments que je peux vous donner et que je vais résumer dans ma courte intervention.
Le premier engagement, la garantie globale, est indispensable pour rééquilibrer un bilan de Dexia totalement artificiel et extrêmement dangereux depuis longtemps, parce que le mal date de quinze ou vingt ans.
Il est donc nécessaire d'opérer un retrait en bon ordre. Je n'aime pas le mot « démantèlement ». Vous avez utilisé tout à l'heure en commission des finances, monsieur le ministre, une expression que vous m'autoriserez, j'espère, à réutiliser : restructuration ordonnée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Une restructuration ordonnée, cela veut dire que, grâce à cette garantie, l'on se donne du temps pour que les actifs possédés par Dexia soient réalisés dans de bonnes conditions sans subir trop de moins-values, car, si les cessions se passent mal, les moins-values vont s'accumuler…
…et cela va atteindre évidemment les actionnaires. Qui sont les actionnaires ? Il y a d'abord l'État, depuis 2008, à son corps défendant.
Il a dû intervenir pour un milliard d'euros à travers la société de prise de participation de l'État. Puis il y a un actionnaire historique, la Caisse des dépôts. Cela rappelle de vieux souvenirs aux plus anciens d'entre nous, la CAECL puis le Crédit local de France. Nous devons donc avoir le temps nécessaire pour réaliser ces différents actifs.
La seconde garantie intervient sur une partie de l'actif transféré à une filiale de Dexia, Dexia Municipal Agency. Il va d'ailleurs falloir franciser son nom au plus vite, monsieur le ministre, et je propose que l'on revienne à la dénomination Crédit local de France,…
…le Crédit local de France ayant laissé de bons souvenirs. Une entité qui va prêter avant tout aux collectivités territoriales françaises doit retrouver un nom français.
Vous avez tout à fait raison, monsieur Soisson. On n'aurait jamais dû abandonner cette structure.
La garantie sur cette partie d'actifs dits toxiques a pour caractéristique de n'engager que l'État français puisqu'il s'agit uniquement de créances au titre des collectivités locales françaises. Je souligne d'ailleurs que Dexia n'est pas la seule banque à avoir consenti des prêts à des collectivités locales,…
…dans des conditions qui se révèlent moins avantageuses qu'elles ne l'étaient lorsqu'elles ont accepté de signer.
Cette garantie porte sur 10 milliards, mais elle est en réalité plafonnée à 6,65 milliards.
Monsieur le ministre, nous vous avons posé tout à l'heure en commission des finances une question à laquelle nous n'avons encore de réponse précise, il nous en faut une.
Si j'ai bien compris, dans ces 10 milliards, il n'y a que des créances françaises mais il n'y a pas que des créances sur des collectivités locales. Il semble qu'il y en ait sur des hôpitaux, des bailleurs sociaux, voire d'autres. Il est important que nous ayons des précisions sur l'actif avant la fin de cette discussion.
Vous nous avez indiqué que l'on partait de la classification dite Gissler. Certains de nos collègues qui n'y sont pour rien, les malheureux, je pense à Claude Bartolone et à Henri Plagnol, ont à se préoccuper de ces prêts toxiques et savent parfaitement ce que signifie le Gissler 3E, 4E, 5E. J'ai appris qu'il y avait aussi du « hors Gissler ». Pourrez-vous nous dire ce que c'est précisément ? Il nous faut le montant et les caractéristiques précises de ces différentes créances.
Point très important, pourquoi cette sorte de contre-garantie de l'État est-elle mise en oeuvre ? Est-ce pour permettre aux collectivités locales intéressées de se sortir d'un mauvais pas ? Non. Est-ce pour permettre à la Caisse des dépôts de reprendre, sans détériorer son bilan et sans prendre de risques inutiles, le portefeuille de créances d'environ 80 milliards d'euros ? Oui. C'est bien l'objectif. Nous avons d'ailleurs adopté, contre l'avis du rapporteur, un amendement de notre excellent collègue Michel Bouvard qui vise à aller au-delà de la garantie dite stop loss.
Je ne sais pas le traduire en français !
Je voudrais, pour terminer, parler des collectivités territoriales. Charles de Courson, à travers un amendement que nous avons rejeté, a soulevé un problème et je partage sa philosophie. Ce qu'il craint, c'est que la garantie de l'État spécifique à ces créances douteuses ne crée un environnement d'irresponsabilité. Comme c'est l'État qui intervient, ne sera-t-on pas tenté de se dire,…
…que, tant pis, le contribuable national viendra au secours des collectivités locales ayant signé des contrats qu'elles n'auraient pas dû signer ? Ce serait une très mauvaise évolution. Nous, responsables d'exécutifs locaux – je parle avec ma casquette de maire –, nous ne pouvons pas revendiquer en permanence la responsabilité, la libre administration de nos collectivités, en vertu de l'article 72 de la Constitution, et, lorsqu'il y a des problèmes, en appeler à la solidarité nationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
Je sais parfaitement, monsieur Plagnol, monsieur Bartolone, que vous n'êtes pour rien dans ce qu'ont signé vos prédécesseurs, mais, lorsque Deutsche Bank, Dexia et un grand nombre de banques ont proposé à de grandes collectivités des conditions d'emprunt fantastiques, sans intérêt, en tout cas jusqu'aux prochaines élections,…
…les exécutifs se sont dits « après nous le déluge », est-il normal que la solidarité nationale vienne au secours de ces collectivités ?
Monsieur Bartolone, vous présidez la commission d'enquête : je comprends parfaitement votre volonté de trouver des solutions, mais je pense qu'elles doivent laisser subsister la responsabilité des élus.
Cette responsabilité, ce n'est pas seulement d'assumer ce que l'on a soi-même signé, mais aussi, quand on est candidat à une élection, d'accepter un éventuel héritage. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Il faut se présenter aux élections en connaissance de cause. Il serait détestable qu'une garantie de l'État crée un sentiment d'irresponsabilité. (Mêmes mouvements.)
Je conclurai sur un élément du montage qui me paraît très important, à savoir la création d'une nouvelle structure qui aura pour actionnaires la Banque postale et la Caisse des dépôts et qui prendra en charge la gestion et la commercialisation des nouveaux prêts aux collectivités locales. Il faut être bien conscient que les conditions d'accès au crédit sont en train de se restreindre pour nos collectivités. Tous les banquiers que nous avons rencontrés nous le disent : les critères de type « Bâle 3 » vont être en partie désincitatifs car une collectivité locale n'est pas forcément un bon client au regard de ces critères.
D'une part, le prêt est long et, d'autre part, s'il n'y a pas de défaut, il n'y a pas de commission. Il n'y a pas de business avec une collectivité locale. Dans ces conditions, nous risquons d'assister à un désengagement.
Revenir aux fondamentaux que nous avons connus, à une sorte de Crédit local de France bien contrôlé et qui ne s'aventure pas dans des opérations hasardeuses pour son propre compte, c'est la voie de l'avenir. Elle est plus indispensable que jamais.
Mes chers collègues, je vous invite donc à voter ce texte. Nous devons agir d'urgence. Hors la garantie de l'État, point de salut : a faillite de Dexia risquerait d'entraîner des problèmes incommensurables. Par ailleurs, une solution se dessine, que je crois intéressante pour nos collectivités, pour le financement de leurs nouveaux emprunts.
Je forme le voeu que nous tirions un enseignement de ce qui se passe et que nous n'entrions pas dans des polémiques inutiles sur le passé. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) Dans le cas contraire, cela m'obligerait à rappeler que c'est en 1999 qu'a été autorisée la fusion de Dexia France et Dexia Belgique…
…qui a entraîné l'établissement dans une spirale de banque universelle, puisque Dexia Belgique était également une banque de dépôt, et que c'est en 2000 qu'a été autorisé ce qui est à la base de la perte de Dexia aujourd'hui, à savoir l'aventure américaine par le rachat du rehausseur de crédit FSA. Tout cela, je n'ai pas envie d'avoir à le dire… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mais vous l'avez dit ! Vous avez gagné : nous voterons contre ce texte !
J'espère donc que nous examinerons ce texte avec une grande sérénité et que nous l'approuverons. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, au-delà des appréciations sur l'action des uns et des autres, nous pouvons tomber d'accord sur au moins deux points. Le premier est la condamnation du modèle économique sur lequel Dexia a pu prospérer pendant plusieurs années. Le second est la nécessité pour les États d'éviter un défaut qui, par les risques systémiques qu'il comporte, provoquerait, non la survenue d'une crise économique et financière – nous y sommes déjà –, mais l'aggravation de celle-ci, ce dont nous n'avons nul besoin.
Premier constat : le modèle économique qui a longtemps prévalu n'était pas durable. Plus exactement, il ne pouvait l'être qu'en l'absence de toute crise de liquidités. Le postulat même sur lequel était fondé ce modèle était qu'il n'y aurait jamais de crise de liquidités, que celles-ci étaient inépuisables. C'est parce que cela n'a pas le cas qu'il a fallu que les États secourent Dexia une première fois en 2008, et c'est parce qu'il y a eu de nouveau une crise de liquidités cet été que les États sont amenés une seconde fois à venir au secours de cette banque ; nous examinons le texte qui en découle.
Second constat : Dexia étant inscrite parmi les banques présentant un risque systémique, il n'est pas possible, quelles que soient l'incompréhension et même l'exaspération de nos concitoyens devant l'action des gouvernants, de laisser Dexia faire défaut, car nous savons que les conséquences en seraient pires que celles auxquelles nous sommes exposés en décidant de garantir ce que Dexia a souscrit.
Toutefois, si ce constat me semble nécessaire, nous devons aussi comprendre l'exaspération ou l'incompréhension de nos concitoyens. À ceux qui, à la tête de ces établissements bancaires, portent une écrasante responsabilité, il n'est demandé aucun compte. Les États qui volent au secours de ces institutions ne veulent pas voir qui est responsable ou, quand ils sont obligés de le voir, ils ne prennent pas les décisions qui s'imposeraient et qui permettraient de mieux faire accepter les engagements d'argent public auxquels l'Assemblée nationale s'apprête majoritairement à consentir.
Les responsables de la déconfiture de Dexia sont connus. Certains se sont retirés des affaires fortune faite. Cette fortune a été en partie consacrée en 2008 quand, en violation des engagements pris par le Gouvernement français, Mme Lagarde a accepté, par exemple, que le principal dirigeant de cette banque bénéficie pendant vingt ans d'une retraite chapeau de 600 000 euros par an.
M. Pierre Richard bénéficie d'une retraite chapeau de 600 000 euros par an pendant vingt ans, et les sommes ont été provisionnées à cet effet.
Dès lors qu'en 2008 les États sont venus au secours de cette banque, il était souhaitable et probablement possible qu'ils conditionnent leurs actions à la suppression de ces avantages indus. J'évoquerai aussi le parachute doré de M. Axel Miller. Certes, ce dernier a reçu moins que ce à quoi il prétendait, mais une rémunération de 800 000 euros cette année-là reste excessive, compte tenu de la responsabilité qui fut la sienne dans cette déconfiture.
Ces cas ne sont malheureusement pas isolés. La rémunération des dirigeants de banques reste un problème. Pendant trois ans, nous avons eu dans cette enceinte des débats en vue d'encadrer ces rémunérations, afin qu'elles s'établissent à des niveaux plus raisonnables. Pendant trois ans, certains l'ont constamment proposé, tandis que d'autres le refusaient systématiquement.
Je crois que cette dernière attitude était une erreur et qu'il n'est plus possible aujourd'hui d'accepter que ces rémunérations perdurent, quand on mesure les efforts demandés à nos concitoyens, qui n'ont pas tous, tant s'en faut, ce niveau de revenus.
Il s'agit, par ce texte, de restructurer de façon ordonnée la banque Dexia. Si l'on fait masse des opérations proposées au Parlement, 90 milliards d'euros seront affectés à une structure, logée au sein de Dexia et en Belgique, de reprise d'actifs, dont certains sont bons, d'autres moins bons, d'autres très mauvais, certains pire encore. Ces actifs doivent être refinancés par les États, qui apportent leur garantie à Dexia à cet effet.
Tous les actifs ne sont pas mauvais, mais tous ne sont pas bons. Dès lors que les États garantissent ce refinancement jusqu'en 2021, il faudra faire les additions dans dix ans et, comme il est hautement probable que tous les actifs n'auront pas atteint leur maturité, des pertes devront être constatées. Ce sont les actionnaires qui devront les supporter, à raison de leur participation au capital de Dexia, soit, pour la France, entre la Caisse nationale de prévoyance, la Caisse de dépôts et l'État, environ 25 %.
Je ne vous demanderai pas, monsieur le ministre, à combien vous estimez ces pertes, pour la simple et bonne raison que vous ne pouvez répondre, tant il est impossible de prévoir ce que seront les évolutions des valeurs de ces actifs sur dix ans. Toutefois, nous voyons d'ores et déjà que les finances publiques de notre État sont engagées à moyen ou long terme dans le cadre de cette première enveloppe.
La seconde partie de cette restructuration ordonnée tient, pour 77 milliards d'euros, à des prêts aux collectivités locales françaises – 50 milliards – et belges et italiennes – entre 15 et 20 milliards –, le solde étant relatif à d'autres collectivités, notamment suisses. On peut s'étonner que la Caisse des dépôts accepte d'être la structure d'adossement pour des prêts consentis à des collectivités qui ne sont pas toutes françaises. J'imagine que cela fait partie des accords conclus entre la France, la Belgique et le Luxembourg ; permettez-moi tout de même de m'interroger sur la légitimité de l'adossement de ces prêts à notre Caisse des dépôts.
Outre cette question de la nationalité des dettes, la difficulté réside dans la qualité de ces actifs, car, sur 77 milliards de prêts aux collectivités que la Caisse des dépôts accueillera dans son bilan, on compte 18 milliards de prêts structurés, dont 10 milliards sont risqués à un point tel qu'ils représentent un risque non chiffrable.
Nous avons l'habitude des risques non chiffrables puisque, hélas, nous en avons débattu. J'invite ceux qui douteraient de cette qualification à se rapprocher des spécialistes de la Caisse des dépôts et des responsables de l'administration.
Sur ces 10 milliards, une partie bénéficiera d'une garantie spécifique. C'est d'ailleurs parce qu'ils représentent un risque non chiffrable qu'ils ont besoin d'une garantie supplémentaire des États.
Pour la première masse de 90 milliards d'euros, une garantie de refinancement est prévue jusqu'en 2021, dont un peu plus de 30 % pour l'État français et le solde pour la Belgique et le Luxembourg. Pour la partie de 77 milliards d'euros, dont les 10 milliards d'actifs toxiques, l'État assure une garantie supplémentaire, à hauteur de 70 % et pas au-delà. Étant entendu qu'une franchise de 500 millions d'euros a été consentie, cela signifie que, pour un temps illimité, l'État garantit 70 % de 9,5 milliards, d'où les 6,65 milliards présents dans le projet de loi.
Reste 3,35 milliards d'euros de risque non chiffrable qui ne sont pas garantis par l'État dans le cadre de cette garantie supplémentaire et qui le sont par conséquent dans le cadre de la première garantie, c'est-à-dire jusqu'en 2021. C'est là que réside une difficulté que beaucoup, sur tous les bancs, ont vue, notamment les parlementaires qui siègent au conseil de surveillance de la Caisse des dépôts.
À partir de 2021, cette dernière ne bénéficiera plus de la garantie de refinancement des États et n'aura plus pour seul interlocuteur, en cas de difficulté, que Dexia, ou ce qu'il en restera. Ce risque de 3,35 milliards d'euros risque donc de peser, à l'échéance de dix ans, sur la Caisse des dépôts. Or celle-ci ne doit pas l'assumer seule. Non que je préfère que l'État l'assume, mais la Caisse remplit des missions d'intérêt général, telles que le financement du logement social ou la rénovation des hôpitaux et des universités, qui justifient l'emploi d'une épargne populaire défiscalisée mais certainement pas le fait d'assumer des risques non chiffrables engendrés par les dirigeants d'une banque privée, dont j'ai déjà dit qu'ils s'étaient retirés fortune faite dans des conditions contestables.
Il faut donc, monsieur le ministre, que le Gouvernement évolue dans ce qu'il propose au Parlement, s'agissant de ces 3,35 milliards d'euros qui risquent d'échoir à la Caisse sans garantie d'État et alors même que Dexia ne serait plus un interlocuteur solvable. Cela me semble être le problème majeur que pose le projet de loi de finances rectificatives que vous nous proposez.
Mes chers collègues, nous connaissons ce que le ministre lui-même a appelé en commission « une réplique de la crise » – à supposer, dans le meilleur des cas, que celle-ci se soit jamais terminée. On peut regretter que, pendant trois ans, si des efforts et des tentatives ont été effectués pour régulariser un certain nombre de situations, pour réguler le capitalisme et pour que n'importe quoi cesse de faire norme, ils n'aient pas pleinement abouti, loin s'en faut puisque cette réplique existe. J'ai indiqué ce qu'il en était des rémunérations invraisemblables de certains dirigeants de grandes entreprises, notamment bancaires ; constatons au vu des errements, qu'il s'agisse des paradis fiscaux ou des risques pris par certains avec des sommes qui ne sont pas les leurs, que la régulation fut absente au point que, trois ans après, les États, encore eux, c'est-à-dire les contribuables, sont appelés à la rescousse d'un établissement mis en déconfiture par l'action totalement irresponsable de certains. Ceux qui sont responsables ne sont pas appelés à rendre des comptes. Ceux qui n'y sont pour rien, en revanche, devront contribuer par leurs impôts à apurer les dettes laissées par les premiers. Convenons, mes chers collègues, que dans ces conditions, on peut comprendre et l'exaspération, et l'incompréhension de nos concitoyens. Craignons cette exaspération et cette incompréhension. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(M. Jean-Christophe Lagarde remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Christian Eckert.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de revenir sur les conditions d'examen de ce texte. Certes, il y a urgence, mais tout de même, monsieur le ministre, il faut évoquer ici, encore une fois, les conditions difficiles dans lesquelles nous examinons un collectif budgétaire. Certes, nous sommes disponibles, certes nous avons envie de servir le pays et l'intérêt général, mais travailler dans des conditions de temps et de délais d'information aussi serrés ne favorisent pas le bon travail. Je vous prie donc de m'excuser du caractère un peu moins structuré que d'habitude de mon intervention, …
…qui a été préparée dans un temps extrêmement court pour pouvoir tenir compte des quelques éléments d'information qui nous ont été fournis ces dernières heures.
Le premier point que je veux évoquer a déjà été abordé par M. le rapporteur général : la responsabilité des uns et des autres. Je crains, monsieur Carrez, que ce débat ne dérape si vous reprenez les propos que vous avez eus sur les maires et des autres responsables d'exécutifs locaux. Vous les avez présentés, et c'est limite, comme responsables ou en tout cas coresponsables d'une situation dont nous connaissons trop bien les vrais responsables. Certes, des exécutifs locaux ont souscrit aux contrats en question et d'autres les assument, mais il n'empêche que des consignes très claires ont été données aux commerciaux de certaines banques, particulièrement à ceux de Dexia, pour vendre des produits qui ont conduit aux difficultés que nous connaissons aujourd'hui. Cela est avéré. Il ne s'agit pas de dire que tout le monde est responsable ou coupable de la même façon : les politiques commerciales ordonnées par les dirigeants de Dexia ont conduit aux situations auxquelles doivent faire face un certain nombre d'exécutifs locaux.
Comment en est-on arrivé là ?
En 2008, le Gouvernement nous a demandé, déjà en urgence, en catastrophe, d'autoriser le déblocage d'un milliard d'euros et à la Caisse des dépôts d'apporter 2 milliards pour permettre à Dexia de poursuivre son activité. Que sont devenus depuis ces 3 milliards d'euros ? Monsieur le ministre, vous avez eu la franchise de répondre en commission qu'ils avaient disparu.
Tout à fait.
Vous pouvez me dire que tant qu'on n'a pas vendu, on n'a pas perdu, mais la valorisation de ces actifs est aujourd'hui très proche de zéro puisque l'on a d'ores et déjà enregistré comme pertes et profits près de 3 milliards d'euros.
Le Gouvernement nous a dit à l'époque : « On n'y reviendra plus. On n'a besoin de cette somme, mais vous allez voir ce que vous allez voir, grâce aux mesures que l'on va prendre, tout va aller bien, cela va rouler. » En plus, il nous avait demandé à l'époque d'autoriser le cautionnement d'un certain nombre d'actifs de Dexia. Certes, celui-ci a été rémunéré et a donc apporté des recettes à l'État, de l'ordre de 500 millions d'euros nous avez-vous précisé – j'avais plutôt entendu parler de 800 millions. Mais ces 500 millions d'euros payés par Dexia l'ont forcément été par ses clients, et je crains que, depuis 2008, ils n'aient finalement été payés par les collectivités territoriales.
Il y a dans cette affaire une question de morale. J'y insisterai un peu moins que prévu parce que ce point a déjà été évoqué et que tout le monde a entendu les chiffres considérables qui illustrent les fortunes faites par les dirigeants de Dexia, responsables pour avoir organisé les politiques commerciales en cause : 600 000 euros de retraite-chapeau, des rémunérations faramineuses… J'avais cru comprendre après le discours de Toulon que tout cela changerait, force est de constater que tout a continué et que l'État n'a pas joué son rôle au sein des organismes où il siégeait de façon à interdire ou à limiter ce genre de pratiques. Quand les choses se passent bien, de telles pratiques peuvent passer inaperçues, mais quand les politiques commerciales conduisent à des dérives comme celles auxquelles nous avons à faire face, c'est encore plus inacceptable.
Toujours dans le domaine de la responsabilité, monsieur le ministre, je m'interroge sur le rôle des autorités de contrôle. Il y a l'AMF, mais je ne veux pas oublier l'ACP – l'Autorité de contrôle prudentielle.
Il est tout de même extravagant que l'ancienne commission bancaire, devenue l'ACP par la fusion avec une entité qui n'avait d'ailleurs pas du tout le même rôle, l'ACAM – l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles –, n'ait pas été dotée de moyens suffisants pour déceler à temps des pratiques complètement anormales. Je l'ai dit ici à propos de l'affaire Kerviel, et je le répète : comment peut-on…
Je rappelle que la Commission bancaire n'avait rien provisionné sur le Crédit lyonnais en décembre 1992 ! Si on doit remonter dans le temps, qu'on remonte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'accepte volontiers, sous l'autorité du président, que vous m'interrompiez, monsieur le rapporteur général, mais je ne crois pas qu'il faille faire de l'archéologie administrative pour remonter aux origines des défauts des uns ou des autres jusqu'à la nuit des temps.
La majorité a mis en place une autorité de contrôle prudentielle qui devait contribuer à éviter des dérives extravagantes. Or il n'y a pas d'autre mot pour qualifier le fait qu'un seul trader puisse engager l'ensemble des fonds propres d'une organisation bancaire. C'est absolument extravagant. On a évoqué tout à l'heure 250 milliards de besoin de financement à court terme pour la banque Dexia, et sans que les autorités de contrôle n'aient été en mesure de déceler ce qui est reconnu par tous comme des risques extravagants et de donner l'alerte. Monsieur le rapporteur général, vous avez pu à ce titre dénoncer certaines choses, mais nous, nous avons appelé l'attention de l'exécutif sur le sujet : nous pensons que l'Autorité de contrôle prudentielle doit être dotée de moyens à la hauteur de ses missions et avoir à sa disposition des spécialistes pris dans la nouvelle génération, capables de contrôler les algorithmes et les méthodes mises en place, lesquels sont complètement hors de portée de la plupart des banquiers traditionnels. Aujourd'hui, il faut trouver une nouvelle génération et se doter des moyens, y compris financiers, pour la recruter.
Les élèves de Normale Sup ou de Polytechnique vont à l'heure actuelle plus facilement dans les organismes bancaires et financiers que dans les entreprises, voire que dans la recherche.
Il faut donc réfléchir sur l'organisation de nos organismes de contrôle, et savoir qu'ils n'y viendront que si on les paye.
On nous dit que les stress-tests n'étaient destinés qu'à tester la solvabilité et en aucun cas la liquidité. J'ai un peu de mal à comprendre parce que cela fait des mois que l'on nous explique qu'il ne s'agit pas d'une crise de la solvabilité mais d'une crise de la liquidité : mettons alors en place des stress-tests qui portent sur la liquidité.
Il y a pire encore, et c'est pourquoi aujourd'hui nous n'avons plus confiance, et nous ne sommes pas les seuls d'après ce que j'ai entendu en commission. M. Pierre Mariani, l'administrateur délégué de la banque, qui a fait son possible pour redresser les choses – personne ici ne le remet en cause pour ce qu'il a fait, même si ce n'était pas complètement à titre gratuit –, disait au mois d'août devant la commission des finances qu'il n'y avait pas de problème, que tout allait très bien et que Dexia renouerait probablement avec les bénéfices au dernier trimestre. Mais quand on a eu besoin de 3 milliards en catastrophe en 2008 et sachant ce qu'on a en portefeuille – car j'ose espérer que ces gens-là au moins le savent –, tenir de telles affirmations devant la représentation nationale ne peut inspirer confiance. Comprenez donc qu'aujourd'hui, pour nous, la confiance n'y est pas.
Monsieur le ministre, malgré votre bonne volonté et votre disponibilité, tout à l'heure, en commission, vous étiez tout de même quelque peu emprunté pour préciser les chiffres en cause. On ne sait pas clairement de combien on parle.
Je suis là pour vous répondre.
S'agissant de la part d'emprunts douteux sur les 77 milliards, vous pensez qu'elle s'élève à 10 milliards, mais sans certitude. Il est vrai que cela dépend du seuil à partir duquel on utilise le mot « douteux », mais en tout cas vous n'êtes pas du tout sûr de la somme. De plus, concernant ces 10 milliards, le risque de défaut n'est pas quantifié. Il me semblait pourtant qu'après le discours de Toulon, les autorités de contrôle seraient en mesure de connaître la nature, le volume et les destinations des engagements des organismes bancaires, particulièrement de ceux qui avaient déjà dû appeler au secours. Dans un tel contexte, vous comprenez que la confiance n'y est pas.
Quels sont nos objectifs ? Quelles sont nos obligations devant une pareille situation et un pareil texte ?
Premièrement, il s'agit de protéger les intérêts de la Caisse des dépôts et consignations. Là-dessus, nous sommes tous d'accord. L'attachement à la Caisse des dépôts, notamment à la commission des finances mais aussi sur la plupart des bancs, est tout à fait partagé. Chacun sait en effet que c'est un outil important et solide qui permet de financer, outre le logement social, sa mission la plus connue, d'autres missions d'intérêt général. J'ai ainsi vu avec intérêt qu'elle était prête à s'engager dans des opérations concernant les personnes âgées et la dépendance. Il y a dans ces domaines des pistes de travail intéressantes. Notre commission reçoit régulièrement ses dirigeants et nous devons protéger la Caisse.
Avec son brio habituel, le président Cahuzac a évoqué la différence existant entre ces fameux 10 milliards d'euros et les 6,65 milliards d'euros promis en cas de défaut, et en tout cas garantis par l'État. Nul besoin d'être agrégé de mathématiques pour constater que ce différentiel atteint 3,35 milliards d'euros. La Caisse des dépôts risque d'être privée de cette somme – peut-être pas tout de suite, c'est vrai, car on repousse le tas comme en 2008 et à plusieurs reprises –, ce qui est inacceptable.
C'est la première raison qui nous porte à considérer que ce texte ne garantit pas les intérêts de la Caisse des dépôts et consignations.
Nous sommes un peu plus nuancés à propos du deuxième objectif : continuer à permettre le financement des collectivités territoriales. Il est sain qu'un nouveau véhicule – pour utiliser le jargon financier – ou qu'une nouvelle banque publique – pour parler simplement – soit créée et adossée à la Caisse des dépôts et la Banque Postale, avec pour mission de faciliter le financement des collectivités territoriales. Les banques classiques, privées, ne vont plus facilement sur ce marché où les marges sont généralement plus faibles. C'est donc plutôt une bonne chose que de créer une telle banque.
Cependant, monsieur le ministre, pourquoi obliger ce nouvel outil ainsi créé au service des collectivités territoriales à reprendre les 77 milliards d'euros d'actifs dont une dizaine de milliards d'euros d'actifs douteux ? Cela ne favorise pas l'opération et accroît le risque.
La durée de la garantie qui court jusqu'en 2021 peut aussi poser problème et pas seulement en cas de défaut de paiement. Le texte dit en substance que l'État se substituera à Dexia pour assumer les charges liées aux engagements de cette dernière. Non seulement l'État devra couvrir les défauts de paiement, mais il devra aussi assumer les charges engendrées par les procédures judiciaires, si Dexia venait à être condamnée au profit des collectivités territoriales.
Désolé de vous le dire, monsieur le ministre, mais ce texte est présenté dans des conditions extrêmement floues sur les chiffres et sur les contenus, mais aussi sur les montants des transactions envisagées. Personne n'a été capable de nous donner le coût du rachat de Dexia par la nouvelle structure – on parle de quelques centaines de millions d'euros. Vous allez invoquer des raisons de confidentialité, me dire qu'il s'agit là de sociétés cotées et de transactions qui sont en cours de négociation. Certes, mais s'agissant d'outils aussi structurants pour l'État et les collectivités territoriales, il est quand même curieux de nous demander de légiférer dans une telle incertitude.
Vous n'allez pas manquer de me demander : quelles sont vos propositions ? Après vous avoir dit tout le mal que nous pensons de ce texte, j'en viens à ce que nous aurions fait si, par hasard, nous avions été conduits à la découvrir comme vous.
Je le répète : nous restons favorables à la création d'un nouvel organisme, un peu sur le modèle de ce qui s'appelait la CAECL ou le Crédit local de France, il fut un temps. Mais nous souhaitons que cet outil soit réservé au flux des nouveaux emprunts que les collectivités locales pourraient souscrire.
C'est le texte de loi !
…mais c'est ce que j'ai cru comprendre à l'écoute de vos explications.
Plus généralement, monsieur le ministre, je me permets de rappeler ici que le groupe socialiste fait régulièrement des propositions pour éviter ce qui arrive actuellement à Dexia et à d'autres organismes bancaires en France, en Europe et dans le monde.
Nous vous avons régulièrement proposé – et nous le referons encore demain et après-demain à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2012 – des dispositions de nature à éviter que tout cela ne se reproduise.
Premièrement, nous n'avons cessé de plaider en faveur de la séparation des banques de dépôts et des banques d'affaires.
Qu'une banque de dépôts fasse son métier classique avec les dépôts de ses clients ne pose pas de problème. Cela existe depuis longtemps, les banquiers savent le faire même s'ils ont tendance à l'oublier de temps en temps, et cela peut leur permettre de vivre, s'ils s'organisent tout à fait normalement.
Les banques d'affaires peuvent exister, il n'y a pas de souci. Elles peuvent spéculer avec l'argent de ceux qui ont conscience de jouer au casino où, comme chacun sait, il y a des gagnants et des perdants.
Globalement, on sait que tout le monde perd, ne serait-ce que parce que l'État prélève un peu.
Il n'y a pas de raison d'interdire à quelqu'un de jouer dans une banque d'affaires, s'il le fait avec son propre argent. En revanche, que les banques de dépôts ne soient pas liées aux banques d'affaires, que les unes ne financent pas les autres, cela nous paraît d'une évidence rare et vous n'avez jamais voulu l'entendre.
Deuxièmement, nous vous avons toujours proposé de taxer les rémunérations qui choquent à juste titre nos concitoyens, surtout quand tout va mal et quand elles atteignent les proportions citées tout à l'heure. Nous vous avons toujours proposé de les taxer fortement voire de les interdire lorsqu'elles atteignent les proportions extravagantes que nous avons quantifiées.
Notre troisième proposition concerne l'imposition des banques. Nous vous avons souvent proposé de majorer fortement l'impôt sur les sociétés pour les organismes bancaires. Tout le monde a voté contre, bien sûr, y compris ceux qui le proposent désormais dans des amendements similaires. Monsieur le ministre, plus qu'hier encore, vous nous répondez : on ne peut pas taxer les banques dans la situation où elles sont.
Demain ou après-demain, suivant l'ordre du jour, nous vous proposerons un amendement un peu différent visant à majorer la part d'impôt sur les sociétés des banques sur les bénéfices qu'elles distribuent. Rien d'anormal à ce qu'elles fassent des bénéfices, s'ils ne sont pas extravagants. Qu'elles utilisent ces bénéfices pour se recapitaliser au moment où tout le monde considère qu'elles en ont besoin, pas de problème. À ce propos, notons que celle qui prétendait, à ce même pupitre, que les banques françaises n'avaient pas besoin d'être recapitalisées semble inspirée par l'air de Washington pour, tout d'un coup, déclarer le contraire.
Que les banques fassent des bénéfices et qu'elles en profitent pour se recapitaliser, pas de problème ; qu'elles distribuent des dividendes, cela me semble complètement anormal. Il faut donc taxer les dividendes pour dissuader les banques d'en distribuer et pour les inciter à se recapitaliser.
Enfin, dernière remarque générale : les produits structurés qui existent et dont le volume et la nature dépassent tout entendement doivent être strictement limités, voire interdits pour certains d'entre eux. Nos collègues allemands ont interdit les ventes à découvert de certains produits, notamment des CDS. Nous ne l'avons jamais fait. En matière de convergence franco-allemande, certains exemples vous inspirent mais pas ceux-là.
C'est trop facile de dire que tout le monde est responsable, monsieur le rapporteur général.
C'est trop facile ! Vous êtes au pouvoir avec cette majorité depuis dix ans ! Vous aviez les moyens de contrôler les errements qui ont été commis, y compris dans Dexia, et vous ne l'avez pas fait.
Vous pouvez toujours appeler cela une restructuration ordonnée plutôt qu'un démantèlement. Pour ma part, je considère que cela ne change rien. En matière de banque et de finance, y compris pour Dexia, vous êtes dans un désordre créatif où je vois plus de désordre que de créativité.
Vous comprendrez donc que le groupe socialiste n'envisage pas de voter en faveur de ce texte, sauf à ce que des amendements significatifs…
Les responsabilités, mon cher collègue, nous les connaissons ! N'utilisez pas ces mots car ils vous reviendraient en boomerang.
Nous ne voterons pas pour ce texte, à moins qu'à la lumière de nos arguments, vous n'acceptiez des amendements significatifs. Mais j'ai cru comprendre que ce n'était pas vraiment à l'ordre du jour.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe UMP.
Au cours de ce débat, il serait prudent de ne pas tout confondre. Nous ne sommes pas dans une situation de faillite ou de dépôt de bilan de la banque Dexia. Il n'en est pas question et ce n'est pas le sujet.
La banque Dexia est dans cette situation parce que la crise des dettes souveraines est passée par les marchés financiers cet été.
Comparons le bilan de Dexia au 31 décembre 2010 et au 31 décembre 2008. Nous observons que l'équipe de direction de Dexia, sous la conduite de Pierre Mariani, a réussi à réduire de 100 milliards d'euros, le volume du gap de besoin de liquidités. Cela représente un effort considérable en l'espace de deux ans. Jean-Pierre Balligand a raison et la critique ne porte pas sur ce point, je le mets au crédit de l'opposition.
Chacun conviendra que la banque Dexia était en voie de redressement et de stabilisation de façon incontestable.
Puis, cet été, est survenue la crise des dettes souveraines. En conséquence, les marchés financiers doutent de la capacité des collectivités publiques à rembourser leurs emprunts et ils doutent aussi des banques qui portent ces emprunts, notamment de Dexia dont l'essentiel des placements de son activité financement public concerne des collectivités publiques françaises, mais aussi italiennes et espagnoles notamment.
Dexia se trouve donc face à un assèchement de ses liquidités financières qui la place dans une situation d'urgence : elle a besoin, le plus rapidement possible, du soutien des États, en l'occurrence de l'État français qui est son actionnaire comme l'État belge et les provinces belges. Voilà la situation.
Quelles en sont les conséquences ? Il ne s'agit pas d'un démantèlement – Gilles Carrez a raison de le souligner – mais d'une spécialisation des métiers. L'origine principale du métier du financement des collectivités territoriales se situait en France : le Crédit local de France avait apporté son activité lors du rapprochement avec Dexia en 1996. Cette activité de financement des collectivités territoriales va revenir dans le giron français à travers la holding qui va être construite avec la Caisse des dépôts et la Banque Postale.
Voilà ce dont il s'agit aujourd'hui…
…avec une sécurisation à court terme nécessaire à travers la garantie, de telle sorte que les marchés refassent normalement confiance à Dexia et que soit ainsi assurée la poursuite de ses activités.
C'est la raison pour laquelle le groupe UMP s'opposera à la motion défendue par M. Eckert.
Notre collègue Christian Eckert a eu raison de revenir sur la crise financière de 2008 dont l'épisode Dexia que nous vivons actuellement n'est que l'un des soubresauts.
Tous sur ces bancs, en tant que parlementaires, nous vivons ces interrogations, et pas seulement depuis cet après-midi. Nous ne sommes que le relais de nos concitoyens qui s'interrogent sur la gestion de ce pays, sur sa situation dans le monde, et sur nos responsabilités collectives face aux dérives du monde financier.
Je pense que Christian Eckert a insisté à juste titre sur deux points majeurs : notre volonté de protéger la Caisse des dépôts et consignations et la mission d'intérêt général de celle-ci. Il a souligné à juste titre le risque qui pèse encore, qui représente un montant de 3,35 milliards d'euros.
Il a aussi affirmé la volonté de continuer de permettre le financement des collectivités territoriales. Certes, nous partageons tous cette ambition, mais il a insisté sur le risque que font peser ces 10 milliards d'euros d'actifs douteux qui figurent au menu du transfert qui nous est proposé.
Défendant la motion de rejet préalable, notre collègue a rappelé nos propositions. C'était bel et bien l'occasion de montrer ce qui fait la différence entre la politique qui est la vôtre et celle que nous appelons de nos voeux, inscrite dans tous les amendements que nous proposons à vos projets de loi de finances successifs. Séparer les banques de dépôt et les banques d'affaires ; taxer les rémunérations extravagantes ; majorer l'impôt sur les sociétés pour la part des bénéfices redistribuée sous la forme de dividendes : voilà un certain nombre de pistes auxquelles les Français prêteront attention dans les débats à venir.
Christian Eckert a également suggéré, à la lumière de l'exemple de Dexia, que les stress tests portent également sur le niveau des liquidités.
Enfin, je pense que le paragraphe sur la morale et la confiance n'était pas le moins important du discours de notre collègue.
Les retraites chapeaux et les bonus n'ont pas disparu depuis 2008, malgré toutes les intentions affichées par le Président de la République dans son discours de Toulon.
Si nous ne sommes pas à la croisée des chemins, le débat d'aujourd'hui n'en est pas moins important et je pense, monsieur le ministre, que vous devez, pour que nous ne rejetions pas ce texte, nous donner des assurances supplémentaires. Nous en avons besoin, malgré le débat qui s'est tenu en commission, car il ne nous a pas complètement rassurés. Nous avons besoin d'informations supplémentaires pour affiner notre vote et notre position. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Notre groupe votera cette motion de rejet préalable. Dexia était en faillite en 2008. Dexia – j'ai bien entendu le rapporteur général – est en faillite en 2011. De cela, vous ne tirez aucune leçon, aucune ! Vous courez derrière les événements sans jamais chercher à maîtriser la situation. Vous êtes dans la politique de l'urgence, ce qui n'est jamais bon. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Ce qui s'est produit après 2008 risque donc de se produire après 2011.
Il est normal que vous réagissiez comme vous le faites, car ce qui se passe est la conséquence d'une logique très claire, la logique d'un système politique et économique. Vous avez effectivement remis, il y a un certain nombre d'années, pour ne pas dire de décennies, les clés de notre pays et d'un certain nombre d'autres pays…
…aux marchés financiers. Il ne faut donc pas s'étonner de ce qui arrive.
Il faut au moins reconnaître que vous avez, de temps en temps, un moment de lucidité. L'exposé des motifs de l'article 4 du projet de loi de finances rectificative l'indique : « Les spécificités du groupe Dexia, héritées du passé, l'ont rendu particulièrement vulnérable à la volatilité des marchés financiers. » « La volatilité des marchés financiers » : c'est votre langage.
C'est joliment dit, en effet, mais comment appelle-t-on, en fait, cette « volatilité des marchés financiers » ? La spéculation !
La solution que vous proposez n'en est pas une, puisqu'elle ne porte pas sur le fond – on est dans l'urgence. Elle est même pire que la précédente, la recapitalisation. Celle-ci était parfaitement discutable, et nous y étions opposés, mais c'est maintenant pire : il s'agit d'offrir une garantie portant sur 10 milliards d'euros, et, par définition, une garantie, ce n'est pas garanti !
Si le contribuable ne fait que donner sa garantie, il faudra tout de même que vous vous en expliquiez, car donner sa garantie n'offre que la possibilité de perdre, jamais celle de gagner. Il faudra que vous l'expliquiez au contribuable !
Qui va donc payer pour la garantie ? Qui va payer pour les emprunts toxiques ? Qui va payer pour les prêts aux collectivités ?
Il faut s'attaquer aux racines du mal, et il s'agit évidemment de la volatilité des marchés financiers. Mais, pour vous, les marchés financiers sont intouchables, vous les avez même sacralisés : nous ne sommes donc pas près d'obtenir de vous une solution.
On le voit bien aujourd'hui, à l'heure où l'on tente de créer une banque publique en rapprochant la Caisse des dépôts et la Banque postale, la solution serait de créer un véritable pôle bancaire public, très large, non seulement avec ces deux banques, mais aussi, probablement, en nationalisant BNP Paribas. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Qui, en effet, détient le record des profits ? BNP Paribas est deuxième au hit-parade des profits, son PDG est premier au hit-parade des rémunérations. Il est donc nécessaire de réagir si nous voulons trouver une solution.
Nous faisons trois propositions.
Tout d'abord, nous voulons taxer les dividendes des actionnaires des banques pour créer un fonds de garantie pour les emprunts toxiques.
Ensuite, nous souhaitons prendre sur les 100 milliards d'euros d'épargne réglementée mis à la disposition des banques commerciales – car, vous le savez, nous avons protesté contre cela.
Enfin, nous suggérons de prendre sur ceux dont on ne parle pas, qui mettent un pactole hors du bilan des banques. Lisez Les Échos : il y a, en Europe, 400 sociétés qui ont récemment mis 3 000 milliards d'euros hors du bilan des banques.
De l'argent, il y en a : dans les banques, hors des banques, dans les paradis fiscaux. Il suffit d'aller le chercher pour que le crédit soit enfin utile à notre économie et aux collectivités locales, et pas pour la spéculation et les paradis fiscaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Notre collègue Eckert a formulé d'excellentes questions, que se posent toutes les personnes de bon sens, de même que la commission bancaire belge ou les conseils d'administration, où siègent – je me permets de le rappeler – des représentants de la Caisse des dépôts. Ainsi, il demande qui est responsable. Il s'agit d'une vraie question ; j'y reviendrai tout à l'heure.
D'autre part, il s'interroge sur la protection de la Caisse des dépôts, qui n'est pas un puits sans fonds. Que deviennent les fameux 3,3 milliards d'euros, montant qui sera probablement diminué des deux tiers,…
…puisque le problème ne se posera qu'en 2021 ? On pourrait récupérer cela en révisant les prélèvements de l'État sur la Caisse des dépôts. Nous pouvons donc, à mon avis, trouver des solutions sur ce deuxième point, que vous soulevez à juste titre.
En revanche, vous avez tort de demander le rejet préalable. Premièrement, ces mesures sont urgentes. On ne peut tout de même pas continuer comme cela. Deuxièmement, j'en appelle à votre solidarité internationaliste socialiste : vous ne pouvez pas faire cela à vos camarades socialistes belges, d'autant que c'est le leader du parti socialiste wallon qui va devenir Premier ministre. Par solidarité socialiste, camarades socialistes, rejetez le rejet ! (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
J'éprouve un vrai regret. Vous avez déposé cette motion, et je respecte la procédure parlementaire : mais je déplore vraiment cette position qui, pour moi, n'est qu'une posture. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C'est en fait un vote politique. Au lendemain de la primaire…
…vous voulez profiter de l'élan qu'elles vous ont donné, mais, non, vous ne pouvez pas écarter d'un revers de la main, comme une mouche pendant l'été, cette question essentielle qui nous concerne tous, une question de responsabilité gouvernementale et d'État : la protection des dépôts de particuliers en Belgique. À cet égard, l'argument de la solidarité internationale socialiste développé par Charles-Amédée de Courson nous convainc tous. S'il ne fallait retenir qu'un argument, ce serait celui-ci qui devrait vous permettre d'accompagner le Gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous ne pouvez pas faire fi de l'activité de prêt aux collectivités locales. Le dépôt de cette motion de rejet, c'est le refus de la responsabilité ! C'est prendre le risque d'une chute de charge de cette activité. C'est, une fois de plus, prendre le risque, par l'inaction, par la facilité de langage, par la posture politique, de compromettre notre activité économique que soutiennent les collectivités locales, alors que leurs investissements représentent 75 % de l'investissement public.
Rien dans ce que vous avez fait, rien dans vos propos, rien dans vos propositions même, n'aurait dû vous amener à cette position politique, si ce n'est le fait que nous sommes au lendemain de la primaire !
La mise en place de la structure de la Caisse des dépôts et de la Banque postale figure presque dans votre projet.
Il est d'ailleurs assez fascinant, monsieur Eckert, de constater comme on peut traverser le spectre politique. Il se trouve que Mme Le Pen a utilisé les mots mêmes que vous avez employés à la tribune sur le thème de la nécessité d'une banque publique pour garantir l'activité de prêt aux collectivités locales. Si même l'extrême droite vous rejoint, qu'est-ce qui vous amène, ce soir, à voter contre le texte du Gouvernement ?
C'est un texte de circonstance, dites-vous, mais ce sont les circonstances qui ont amené le Gouvernement à prendre ses responsabilités !
Ce sont les circonstances qui ont amené les États belge, français et luxembourgeois à donner une réponse rassurante et immédiate – rassurante pour les marchés, pour les particuliers et pour les collectivités locales.
Je veux répondre point par point. Nous souhaitons éviter le défaut et nous avons tiré les leçons d'une double et douloureuse expérience. C'est tout d'abord l'expérience du Crédit Lyonnais. Je ne veux pas alimenter la polémique, je n'y reviens pas, vous savez tous ce que l'on en pense – j'espère que vous-mêmes avez fait votre autocritique sur ce qui s'est passé – et nous en avons tiré les leçons.
La deuxième expérience est celle de Lehman Brothers. Ce qui s'est passé alors, c'est le contraire de ce que nous vous proposons. Pour le dire autrement, Dexia, c'est la leçon constructive que nous tirons de ce qui a été fait par l'administration américaine. Celle-ci a voulu faire un exemple, se disant : « Ceux-là, clouons-les au pilori, et les autres vont réfléchir ! » Las, le système est tellement interconnecté que cela a embrasé le système financier.
Dexia, c'est beaucoup plus important que Lehman Brothers, c'est le prêt aux collectivités locales, c'est la protection des dépôts de particuliers, c'est une activité de banque au Luxembourg. Cette solidarité d'États justifiait pleinement la coordination des décisions pour éviter le défaut.
Voter votre motion, c'est accepter le défaut. Rejeter le texte du Gouvernement, c'est accepter un autre Lehman Brothers, c'est accepter le risque systémique. Encore une fois, vous n'avez tiré aucune leçon de ce qui s'est passé en 2008 !
La posture vous conduit dans une impasse. La pure logique, la simple responsabilité politique n'était pas de dénoncer l'action du Gouvernement qui, au fond, constate la situation,…
…qui essaie de remettre en perspective une situation que nous avons connue, que nous avons intégrée et dont nous souhaitons qu'elle n'appartienne plus qu'à un passé révolu.
Il faut donc être précis sur l'ensemble de ces dispositifs et nous allons dire les choses. Le président Cahuzac, dont je salue le retour à nos côtés mais dont je sais qu'il suit nos débats avec beaucoup d'attention même quand il n'est pas en séance, a soulevé le problème des 3,35 milliards d'euros de garanties de Dexia à la Caisse des dépôts et de l'échéance de 2021. Beaucoup d'entre vous s'interrogent.
Je l'ai rappelé, je le dis et je le redis, notamment à l'attention de M. Bouvard : les États, la France feront, à cet égard, ce qu'il faut pour que Dexia respecte tous ses engagements. Il est incontestable que, en 2021 une très large partie du problème sera réglée. À défaut, il n'est pas contestable que les gouvernements auraient alors à faire face à leurs responsabilités, comme le gouvernement actuel fait face aux siennes et à la situation qui découle de l'évolution des marchés.
Le moment n'est pas venu et nous garantissons Dexia jusqu'en 2021, sous réserve de l'acceptation de la Commission européenne. Sur ce point, je suis convaincu qu'il y a un chemin – étroit, escarpé, mais praticable.
En adoptant ce projet de loi, le Parlement donnera la garantie de l'État et permettra la poursuite de la cession des actifs de Dexia, qui ne sont pas tous toxiques, qui sont en fait d'inégale valeur. Certains sont de bonne qualité, d'autres sont plus difficiles à gérer, et leur cession nécessitera plus de temps ; cela implique de pouvoir attendre un retour à meilleure fortune.
Le rapporteur général m'interroge sur les 10 milliards de prêts structurés qui font actuellement l'objet de discussions entre Dexia et la Caisse des dépôts. Cela fait l'objet d'une contre-garantie figurant au titre II du projet de loi. Ces 10 milliards d'euros sont exclusivement composés, je le rappelle, de créances sur des contreparties françaises. Il s'agit pour moitié d'actifs hors charte Gissler et pour moitié d'actifs cotés E3, E4 et E5. Je le dis pour que cela figure au Journal officiel, mais aussi pour les élus locaux, qui savent désormais pratiquer la typologie de la charte Gissler, et pour que l'on sache bien ce qui est dangereux et très dangereux ou qui se situe en dehors d'un champ dont le périmètre a déjà été défini.
La garantie de l'État porte sur 8 milliards d'euros pour les collectivités locales, 1,5 milliard pour les établissements de santé et 500 millions pour les bailleurs sociaux. Voilà qui répond à la question que m'a posée M. Eckert.
S'agissant du regard que vous portez sur l'action du Gouvernement qui a lancé le plan de sauvetage en 2008, si l'on est honnête – je ne doute pas que vous le soyez au fond de vous-même – et objectif, on doit reconnaître que l'équipe dirigeante est allée aussi loin que possible pour céder un maximum de ces actifs qui ont été à l'origine de ce virus invraisemblable, qui a modifié le modèle économique, en faisant en sorte que, pour financer des activités à long terme, on aille rechercher sur le marché 260 milliards de liquidités à court terme ! Ce modèle économique s'étant effondré, l'équipe dirigeante a été rattrapée par le temps, par l'instabilité de la zone euro et par l'apparition, dans l'esprit des marchés, du risque souverain. Or, si l'on revient trois ou quatre années en arrière, un risque souverain était la meilleure des signatures pour les établissements bancaires tandis que le risque de collectivité locale n'existait pas : une collectivité locale ne pouvait pas faire faillite et un État apparaissait comme ce qu'il y avait de plus solide… Notre pensée économique à tous s'est bâtie sur l'idée qu'un État était gagé pour l'éternité. C'est précisément parce qu'il existe désormais ce double doute sur les meilleures signatures d'hier qu'il y a des interrogations pour demain.
Et c'est pourquoi, dans ce dossier comme dans tous les autres, notre stratégie consiste à apporter les réponses les plus solides même si la situation est difficile, ce que personne ne conteste.
Il est assez gonflé, monsieur Eckert, de critiquer l'inaction de la nouvelle Autorité de contrôle prudentiel sur les prêts structurés alors qu'elle n'existe que depuis 2010 et que ces prêts sont antérieurs. Choisissez donc un autre angle d'attaque : contestez la direction de l'époque, regrettez que les uns et les autres se soient engagés dans cette voie à corps perdu, mais ne vous en prenez pas à l'Autorité…
…dont la création est précisément une des conséquences des errements de Dexia : chacun se souvient des débats que nous avons eus alors.
Vous critiquez, par le sous-entendu, l'action de l'actuel dirigeant, qui a apporté une solution et qui a réduit de 60 % le gap de financement à court terme – ce qui marque un véritable effort.
Chacun partage le malaise de M. Cahuzac et de M. Eckert quant à la rémunération des dirigeants de l'ancienne équipe. Je rappelle toutefois qu'elle a été attribuée en 2006 aux dirigeants d'une société belge – 60,5 % du capital étant détenus par l'État belge et 36,5 % par l'État français. Qui plus est, à l'époque, l'État français n'était pas représenté.
S'agissant du parachute doré, je rappelle également que les dirigeants ont renoncé à leurs droits extravagants – très bien ! – et que, si le conseil d'administration leur a attribué une indemnité de départ – que beaucoup d'entre nous pouvons contester –, le représentant nouvellement installé de l'État français a voté contre cette décision. Là aussi, il faut resituer les faits et rappeler le calendrier et la position des différents acteurs.
J'aurai l'occasion de revenir sur bien d'autres points lors de la discussion générale en répondant aussi précisément que possible aux orateurs. Mais je voulais, à l'occasion de cette motion, regretter avec sincérité – ce ne sont pas des larmes de crocodile que je verse – que vous n'ayez pas décidé d'accompagner le Gouvernement sur ce sujet. Cela ne vous aurait en aucun cas lié à ses résultats ni à sa politique globale ; cela n'aurait nullement amoindri la portée de la victoire de François Hollande sur Martine Aubry ; cela n'aurait en rien nui à la qualité du débat que nous aurons, à l'occasion de l'élection présidentielle, sur les programmes et sur les projets. Sur ce dossier, vous auriez pu dire oui au Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
M. le ministre vient fort bien de le rappeler, nous parlons aujourd'hui d'un sauvetage rendu nécessaire non pas par la gestion de l'équipe de direction actuelle de Dexia et par des imprudences qu'elle aurait pu commettre…
…mais par des errements passés, sur lesquels le rapporteur général et d'autres sont revenus, et surtout par la crise de la dette souveraine. En effet, cet été, cette crise a asséché les possibilités de la banque Dexia d'accéder aux marchés et, ce faisant, a mis en grande difficulté l'opération de restructuration que conduisait l'équipe dirigeante depuis 2008, date à laquelle cette banque a été reprise de façon extrêmement énergique par les États belge, français et luxembourgeois.
Ce sauvetage est urgent parce que la crise de la dette souveraine a accéléré les besoins de refinancement dans de bonnes conditions de cette banque, qui a ainsi sollicité le soutien des États français, belge et luxembourgeois afin d'assurer la fluidité de son financement à court terme, son besoin de financement à moins d'un an étant d'environ 150 milliards d'euros, ce qui nécessite une mobilisation extrêmement importante des marchés, et donc l'appui des États afin que l'engagement financier des marchés – et plus précisément des investisseurs – soit garanti.
Ce projet de loi de finances rectificative a donc cet objet et cette responsabilité : apporter la garantie de l'État français mais aussi conduire à la réorganisation de la banque Dexia, à travers la localisation de l'ensemble des activités de financement des collectivités territoriales au sein d'une structure adaptée, dont les actionnaires seront la Caisse des dépôts et la Banque postale. Cette structure permettra de faire face non seulement aux engagements financiers liés aux prêts consentis aux collectivités territoriales françaises et européennes, mais aussi à leurs besoins de financement à court et à moyen terme. En effet, l'État a décidé d'augmenter de 3 milliards d'euros la garantie à ce titre : il ne s'agit pas d'avances ou de dotations, mais bien d'un volume de prêts consentis afin que les collectivités puissent réunir les financements à court et moyen termes et procéder de la sorte à leurs investissements.
Bref, l'objectif est bien de stabiliser l'avenir de Dexia ainsi que les financements des collectivités territoriales.
Plusieurs idées approximatives ayant été jusqu'ici émises, il me semble important d'y revenir, afin que toute la lumière soit faite sur ce à quoi nous allons procéder.
En ce qui concerne tout d'abord le contrôle de Dexia, je rappelle qu'il s'agit d'une banque de droit belge, la France n'étant actionnaire, de façon directe ou indirecte, qu'à hauteur d'un peu plus de 25 %. C'est donc l'autorité de contrôle belge qui est légitime et non l'Autorité de contrôle prudentiel française, que notre collègue Eckert a évoquée à tort. Créée il y a deux ans, elle fera la preuve de son efficacité dans les années à venir, mais elle n'avait pas compétence s'agissant de Dexia.
Il a été dit par ailleurs que les actifs de la banque – en l'occurrence les prêts consentis aux collectivités territoriales et autres que l'on trouve dans son bilan – étaient très fortement dévalorisés et présentaient de grands risques. Comme cela est souligné en page 12 du rapport, parler d'actifs « non chiffrés » ne signifie pas qu'ils ne peuvent pas l'être parce que le coût de réduction de la valeur est considérable, mais simplement que l'on n'est pas en mesure de chiffrer très précisément leur plus-value ou leur moins-value d'actifs. Autrement dit, en l'absence de capacités réelles de précision quant à la valeur des actifs, on considère qu'ils sont « non chiffrables ». À ce titre, ils peuvent représenter un risque, mais sans que ce dernier ne soit avéré pour autant. Toutefois, dès lors qu'il existe et même s'il peut ne jamais se révéler, il doit comme tout autre risque être garanti face aux investisseurs afin qu'ils continuent à investir dans ces produits.
Comment fonctionne aujourd'hui Dexia pour la partie relative au financement des collectivités territoriales ? Par le truchement d'une société de crédit foncier qui permet à la banque de se refinancer sur les marchés internationaux. Et il est amusant de constater que cette société est aujourd'hui cotée AAA, c'est-à-dire considérée comme absolument sûre. Cela tient à la façon dont ses actifs sont structurés et pondérés, qui permet de garantir cette note.
Telle est la situation actuelle de la société de crédit foncier, dont les actifs, que les agences de notation observent avec beaucoup de vigilance, sont considérés comme de très bonne qualité. Si on les garantit, si on leur assure la protection des États français, belge et luxembourgeois, c'est pour bien montrer notre confiance dans les crédits qui ont été accordés aux collectivités territoriales, notamment françaises, mais aussi pour apporter la sécurité de la caution de l'État français. Cette caution, qui est de nature à rassurer les marchés, n'est pas gratuite : elle coûtera de l'argent à Dexia, comme les cautions en ont coûté aux banques françaises lorsque l'État les leur a apportées en 2008.
Telles sont toutes les raisons qui font que nous pouvons avoir confiance dans la capacité de la banque Dexia, non seulement de se ressaisir et de poursuivre son activité, notamment dans le domaine des prêts aux collectivités territoriales, mais aussi, comme le ministre l'a souligné, de modifier sa structure de financement de telle sorte que la contrepartie du financement à moyen et long terme puisse succéder à la partie trop forte de financement à court terme pour des prêts à long terme. Autrement dit, il faut retrouver un équilibre dans le financement des prêts aux collectivités territoriales de telle sorte que Dexia gagne peut-être moins d'argent sur la différence entre son financement et les prêts qu'elle attribue, et en faisant en sorte d'offrir une plus grande sécurité aux actionnaires de la banque mais aussi, finalement, aux collectivités territoriales qui pourraient, le cas échéant, être appelées en responsabilité. De cela, il n'est évidemment pas question aujourd'hui : il s'agit simplement d'assurer un avenir à une banque essentielle au financement des collectivités territoriales.
Quel sera l'avenir à court et moyen termes de la banque Dexia ? Tout à l'heure, le rapporteur général a proposé de revenir au nom de Crédit local de France. Pourquoi pas, d'autant que ce dernier avait pour actionnaire la Caisse des dépôts et consignations ? La boucle serait ainsi bouclée et l'on reviendrait aux fondamentaux. La CAECL, la Caisse d'aide à l'équipement des collectivités locales, avait d'ailleurs également la Caisse des dépôts pour actionnaire et l'on retrouverait donc là aussi une longue lignée de financements des établissements publics locaux et des collectivités territoriales par la Caisse, ce qui est tout à son honneur. Revenir à ce métier qui fut celui du Crédit local de France et de la CAECL me semble tout à fait approprié et c'est ce vers quoi se dirige cette nouvelle banque Dexia franco-française, qui rendra un service pour l'investissement de proximité tout en assurant, aux niveaux français et européen, le financement via la garantie accordée par les États belge, luxembourgeois et français.
Tels sont, mes chers collègues, tous les points qu'il me semblait nécessaire d'éclaircir, afin que – je l'espère – le groupe socialiste puisse rejoindre la majorité et voter ce projet de loi de finances rectificative, pour marquer notre confiance dans le redressement de la banque Dexia et dans la pérennité de son activité de financement des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, en préambule, répondre au rapporteur général. J'ai en effet l'honneur, comme d'autres collègues ici présents qui président ou ont présidé le comité de surveillance, de bien connaître la Caisse des dépôts. Le groupe Dexia est né, en 1996, d'une alliance entre le Crédit communal de Belgique et le Crédit local de France, société anonyme à caractère commercial, issue de la privatisation de la CAECL en 1987. Ainsi, la crise a aussi des vertus, en faisant renaître une banque publique : je trouve ça formidable !
J'étais présent dans cet hémicycle en 1987, lorsque M. Balladur, alors ministre de l'économie, lança sa grande opération de privatisation, et je peux le dire à un ministre dont je considère qu'il lui reste dans les veines quelques gouttes de sang gaulliste : il a fallu bien des batailles, alors, pour éviter la privatisation de la Caisse des dépôts. Je salue ici notre ancien collègue Jean-Pierre Delalande, gaulliste qui sut, au sein du RPR, lutter avec nous contre l'offensive sévère des libéraux qui voulaient liquider tous les biens publics !
Il ne faut donc pas réécrire l'histoire. Retenons deux grandes dates : 1987 et 1996. Je ne polémiquerai pas sur le rôle qu'a pu jouer, ensuite, la grande vague de déréglementation que l'on sait, car il me semble que, en ce qui concerne les carences dans le suivi des banques, tout le monde a sa part de responsabilité. Quelle que soit leur appartenance politique, de nombreux dirigeants se sont laissés embarquer dans la grande aventure libérale, parée, à leurs yeux, de toutes les vertus. Mais je ne fais pas partie de ceux qui jugent qu'il faut instruire le procès des uns et des autres.
En second lieu, monsieur le ministre, cher Jérôme Chartier, il n'y a nulle raison de faire ici le procès des socialistes. La position de notre groupe est claire…
…etregrettable !
Nous sommes pour la création de la joint-venture qui réunit la Caisse des dépôts pour 35 % et la Banque postale pour 65 %, celle-ci prenant par ailleurs une participation de 5 % dans DexMA, la Caisse des dépôts en détenant une part substantielle avec 65 %.
Nous sommes ici pour approuver un dispositif qui ne devrait pas poser de problème majeur. Il est en effet urgent que les collectivités puissent compter sur une nouvelle banque publique, après le désengagement de nombreux établissements. En 2010, en effet, la part des collectivités locales dans l'investissement public en France ne représente plus que 63 %, contre 73 ou 75 % auparavant : à force de réformer les moyens des collectivités locales, leur capacité d'investissement a substantiellement baissé.
Le rôle dévolu à la Caisse des dépôts nous pose cependant problème. Nous sommes trois – deux députés de l'UMP et un député socialiste – au sein de notre commission des finances à être, avec nos deux collègues de la commission des finances du Sénat – un membre de la majorité et notre collègue Nicole Bricq –, les garants, en votre nom, de la protection des valeurs patrimoniales de la Caisse. Et il nous faut faire ici attention au II de l'article 4 de votre projet de loi. En effet, je ne discute pas du I, à savoir les 32,85 milliards d'euros sur 90 garantis par l'État français. En revanche, le II fait référence aux fameux prêts douteux et suscite de ma part une réelle interrogation. Sur les 10 milliards autour desquels s'organise le dispositif – admettons que ce chiffre soit exact, ce qui ne se vérifie pas aisément –, la contre-garantie de l'État ne porte en effet que sur 70 % avec, de surcroît, une franchise de 500 millions d'euros. Ce qui veut dire que sur 10 milliards, il y en a 3,3 qui sont susceptibles de ne pas être honorés, auquel cas ce serait à la Caisse de supporter les pertes.
En 2008, nous avions approuvé la recapitalisation de Dexia, l'État versant 1 milliard d'euros et la Caisse des dépôts 2 milliards. Mais, aujourd'hui, la création de ce nouveau véhicule qui intègre la Banque postale exige beaucoup d'argent. Or je vous rappelle que les capitaux propres de la Caisse des dépôts s'élèvent à 18 milliards d'euros. Prenons garde, donc, de ne pas nous comporter comme des sapeurs-pompiers qui utiliseraient chaque jour la Caisse pour éteindre des incendies dans lesquels cette structure qui oeuvre à des missions d'intérêt général n'est pour rien.
Je m'interroge donc sur ces 3,3 milliards d'euros non couverts, Michel Bouvard ayant, quant à lui, déposé un amendement adopté par la commission pour que la Caisse des dépôts n'ait pas à affronter un défaut de paiement.
Admettons en effet – hypothèse farfelue de Jean-Pierre Balligand – que Dexia n'existe plus après 2021, puisque la garantie ne court que sur dix ans ; qu'en lieu et place nous ayons à faire à une sorte de CDR, une structure de défaisance : qui paiera alors, en cas de défaut de paiement, si les actifs – les fameux 10 milliards contre-garantis à 70 % par l'État – n'ont pas été cédés ? Nous sommes ici responsables collectivement, puisque la Caisse des dépôts est placée sous le contrôle des parlementaires.
Il me paraît donc essentiel d'être prudent sur cette question. Non pas que vous soyez aventureux, mais le Gouvernement doit donner des garanties à la Caisse des dépôts, qui se voit sans cesse déléguer des missions nouvelles, ce qui s'explique fort bien vu la crise actuelle du capitalisme : on socialise généralement les pertes, tandis que l'on privatise les profits…
Enfin, je voudrais aborder la situation des collectivités locales. Si nous avons donné notre accord au véhicule qui allie la Banque postale et la Caisse des dépôts, c'est que M. Pérol, patron des Caisses d'épargne, explique qu'il leur faut diminuer leurs 40 % de parts de marché, du fait notamment des exigences en termes de liquidités posées par les accords Bâle III. C'est ainsi que, en région, les Caisses d'épargne tronçonnent leurs prêts et que le Crédit agricole commence à ne plus vouloir financer les collectivités, même en milieu rural. Dexia, quant à elle, ne pourra assurer les nouveaux flux. Il y a donc urgence à créer cet établissement.
Cela ne nous dispensera pas, par ailleurs, de créer l'Agence de financement pour les collectivités, sans quoi nous ne parviendrons pas à couvrir leurs besoins de financement. Reste, monsieur le ministre, que l'urgence des urgences, c'est de créer cet établissement et de lui donner des moyens.
En tant que membre de la commission de surveillance, j'ai naturellement appuyé le fait que la Caisse finance directement sur le court terme les collectivités à hauteur de 1,5 milliard pour leur permettre de boucler leur année, somme à laquelle s'ajoutera 1,5 milliard octroyé aux banques, afin qu'elles puissent leur consentir des prêts.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour assurer le fléchage de ces crédits qui doivent aller aux collectivités et non servir à renflouer le bilan des banques. En effet, à l'époque de Mme Lagarde, nous avons vu comment le fait de ne pas centraliser les fonds du livret A n'avait pas permis d'assurer un financement optimum des PME, la ministre n'étant pas toujours en mesure de dire comment avait réellement été utilisé l'argent.
Mes propos sont, me semble-t-il, mesurés. Ils reflètent les positions du groupe socialiste et les questions que nous nous posons sur la garantie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, en 2008, la Belgique et la France avaient dû se résoudre à recapitaliser à hauteur de 6,4 milliards d'euros la banque franco-belge Dexia, née de la fusion et de la privatisation, en 1996, sous le gouvernement Balladur, du Crédit communal de Belgique et du Crédit local de France.
À l'époque, nous avions contesté de la façon la plus vigoureuse les modalités scandaleuses de ces recapitalisations, et nous avions eu raison. Car votre prétendu plan de sauvetage, adopté en catastrophe, ne prévoyait aucune contrepartie réelle. Avec vous, les chèques signés sont toujours en blanc quand il s'agit des banques et des nantis.
Vous aviez alors tenté de vendre ce projet à nos concitoyens en expliquant que les prêts à intérêt accordés par l'État permettraient de dégager une plus-value. Or le rapport publié en mai 2010 par la Cour des comptes sur les concours publics aux établissements de crédit était à cet égard édifiant. Il indiquait que « si les concours publics avaient généré des recettes ponctuelles, ils avaient aussi engendré des coûts permanents ».
Et ce n'est pas le plus grave, car vous n'avez accompagné ce plan de sauvetage d'aucune mesure de régulation nouvelle, d'aucun projet de restructuration du système bancaire, ce qui est scandaleux.
À l'exception de l'élaboration laborieuse de nouvelles règles prudentielles lors du G20 d'avril 2009, rien n'a été entrepris pour renforcer le pouvoir des contrôleurs de risques au sein des banques ou pour remettre en cause leurs activités dans les paradis fiscaux. Rien n'a été envisagé non plus pour freiner la perpétuation des rémunérations exorbitantes. Malgré les timides protestations exprimées lors du G20, les rémunérations des dirigeants des principales banques françaises sont demeurées indécentes : François Pérol, dirigeant du groupe Banque populaire-Caisse d'épargne a empoché cette année 1,6 million d'euros, Jean-Paul Chifflet du Crédit Agricole, 1,7 million, Frédéric Oudéa de la Société générale, 4,1 millions, la palme revenant à Baudouin Prot, directeur général de BNP Paribas, qui s'est vu attribuer cette année un bonus de 5 millions d'euros, ce qui porte sa rémunération totale à 6,2 millions, soit près de quatre siècles de SMIC. C'est révoltant et immoral !
Enfin, aucune contrepartie n'a été exigée pour dissuader les banques de rechercher en permanence de nouveaux marchés juteux et les contraindre à se recentrer sur leur coeur de métier, le financement de l'économie, en dehors du grotesque « code de bonne conduite » cher à Mme Lagarde.
Non, ce qui arrive n'est pas à imputer à une mauvaise gestion de Dexia, comme vous voulez le faire croire. Ce n'est pas une dérive. Non, fondamentalement, Dexia a sombré, comme les autres banques et sans doute un peu plus que les autres banques, dans les délices de la financiarisation souhaitée, décidée par les responsables politiques promoteurs du fameux « consensus de Washington ».
Ainsi, c'est le choix de l'État, des responsables politiques, que d'avoir donné le pouvoir aux marchés et aux marchés financiers en particulier.
Aujourd'hui, vous n'êtes pas face à une dérive, mais face à la créature que vous avez créée. S'il y a dérive, elle est politique. Vous avez permis aux banques, y compris Dexia, d'accéder aux marchés financiers et donc de spéculer au détriment des collectivités locales, des entreprises et de l'économie en général.
Assumez vos responsabilités, en faisant payer non pas les peuples, mais les responsables, à commencer par les marchés financiers, les banques et ceux qui, aujourd'hui, mettent leurs liquidités hors du bilan des banques pour mieux demander aux États de recapitaliser celles-ci en justifiant par là même une vaste politique d'austérité.
Vous aviez décidé en 2008 de ne tirer aucune leçon de la crise, de laisser le système en l'état, tant vous étiez persuadés que la crise ne serait qu'une parenthèse, une péripétie, que tout finirait par s'arranger, par la grâce de quelques « stabilisateurs automatiques ».
La suite nous a prouvé le contraire, mais vous croyez encore qu'il est possible de sauver un système à bout de souffle en en faisant payer la facture aux peuples, plutôt que de prendre le pouvoir sur les marchés financiers.
Cette tentative de sauvetage d'un capitalisme financier en déroute vous conduit à improviser et à enchaîner, à chaque panique des marchés, les mesures d'urgence. Le présent projet de loi qui vise à accorder la garantie de notre pays au plan de restructuration arrêté par le conseil d'administration du groupe Dexia le 10 octobre dernier en offre une nouvelle illustration. Ce plan comprend trois opérations d'envergure à réaliser à court terme : vous êtes dans le sauve-qui-peut !
Emportés par votre élan, vous passez sous silence le fait que, en juillet dernier, Dexia annonçait avoir largement réussi les tests de résistance des banques européennes. Les conclusions de ce test étaient catégoriques : « Il apparaît que Dexia n'aurait pas besoin de fonds propres supplémentaires pour résister au scénario dégradé à deux ans, y compris en cas de nouveau choc lié aux dettes souveraines. » Nous mesurons aujourd'hui la fiabilité de ces prétendus tests de résistance. Je vous propose d'organiser plutôt la résistance aux tests, la résistance aux agences de notation et la résistance aux marchés financiers. C'est sans doute plus difficile, mais le résultat serait largement meilleur que celui qui consiste à se présenter la corde au cou devant les marchés financiers.
Vous indiquez en second lieu que « les gouvernements français, belge et luxembourgeois se sont engagés à apporter leur garantie au groupe Dexia afin de restaurer la confiance des investisseurs et à donner l'assurance à ses clients, dont les déposants et les collectivités locales, ainsi qu'à ses créanciers, que Dexia sera en mesure de continuer à honorer ses engagements ». Vous accordez une nouvelle fois la priorité au rétablissement de la confiance des spéculateurs et des fauteurs de crise. Vous êtes dans la fuite en avant.
La création en France d'une nouvelle banque pour les collectivités locales, adossée à la Caisse des dépôts et consignations et à la Banque postale, pourrait représenter une avancée, mais le fait de garantir les titres les plus toxiques de Dexia, hérités de ses opérations les plus spéculatives et cantonnés dans une structure de défaisance, pose problème. Nous le savons, les parlementaires qui composent la commission de surveillance de la Caisse des dépôts ont cherché à éviter de reprendre les créances risquées, soit les obligations d'État grecques et italiennes et les crédits toxiques distribués par Dexia aux collectivités locales. Huit instances judiciaires sont en cours et, en cas de victoire des communes, départements, ou hôpitaux concernés – ce qui ne serait que justice –, les pertes pourraient se solder en milliards d'euros.
Je suis d'ailleurs étonné de la prise de position de notre rapporteur, Gilles Carrez, demandant que les juges renvoient les élus locaux et directeurs d'hôpitaux face à leurs responsabilités : c'est confondre les victimes avec les coupables. Qui a inventé et laissé faire la politique des emprunts toxiques ? C'est à cette question qu'il faut répondre !
Nous ne nous satisfaisons pas de la logique de socialisation des pertes à l'oeuvre dans ce projet. À tout le moins renforce-t-elle notre exigence de disposer réellement d'une véritable banque publique des collectivités locales, d'un outil de financement performant dont la politique du crédit cesserait d'être animée par la seule rentabilité financière.
Nous militons depuis des années, vous le savez, pour que soit créé un grand pôle financier public. Vous vous êtes de fait trouvés contraints d'en poser la première pierre à l'occasion de la restructuration de Dexia. Nous avons aujourd'hui la possibilité, autour de la Caisse des dépôts et de la Banque postale avec ses 322 milliards d'euros d'encours, non seulement de créer une banque qui financerait les communes et les départements, mais également de mettre en place un pôle bancaire susceptible de mobiliser l'épargne populaire au profit du tissu économique, de proposer des prêts à taux réduits pour les entreprises afin de favoriser la création de richesses réelles, l'investissement créateur d'emplois, d'accompagner les entreprises dans leur transition écologique.
Vous agissez aujourd'hui en reculant, vous êtes sur la défensive, pris dans la logique d'un sauve-qui-peut face à la pression croissante des marchés financiers.
Dans ces circonstances, et parce que vous n'avez tiré aucune leçon de la crise de 2008 et de l'ouverture aux marchés financiers, alors que, actuellement, les banques ne prêtent pas aux collectivités, ni aux PME, qu'aucune garantie pour 2012-2013 n'est apportée aux collectivités pour financer leurs investissements, que rien n'est arrêté sur les emprunts toxiques sur lesquels il faudrait pour le moins un moratoire, que la banque nouvelle est à la fois sous-dimensionnée face à l'ampleur de la crise et que ses critères de fonctionnement ne sont pas en conformité avec l'objectif affiché, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche ne pourront que rejeter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement nous propose aujourd'hui de garantir pour des montants maximaux considérables – 39 milliards d'euros – une partie des actifs et des passifs du groupe Dexia.
En effet, par ce projet de loi de finances rectificative, il nous est proposé de valider un dispositif qui reviendrait à garantir les futures émissions de Dexia pour un plafond de 32,85 milliards d'euros, et ce jusqu'en 2021, puis à garantir une partie des 10 milliards de prêts toxiques accordés essentiellement aux collectivités territoriales à hauteur d'un maximum de 6,3 milliards.
Je voudrais faire quatre grandes observations.
En premier lieu, les gouvernements français, belge et luxembourgeois devraient se retourner contre les dirigeants du groupe Dexia d'avant 2008. Dexia a déjà coûté 6 milliards aux peuples français, belge et luxembourgeois. Rappelez-vous ; nous avons voté une première fois, en 2008, une injection de capital de 3 milliards pour la France, 3 milliards pour la Belgique, 500 millions pour le Luxembourg. Et nous avons souscrit à une augmentation de capital avec une valeur des actions de 9,90 euros. Savez-vous aujourd'hui combien valent ces actions ?
Grosso modo, le peuple français a déjà perdu 2,8 milliards. Heureusement, la garantie du passif accordée pour aider à la cession de FSA, filiale américaine de rehaussement de crédit, n'a pas joué et se trouve aujourd'hui éteinte. Ce fut la deuxième phase, que tout le monde a oubliée.
Nous sommes aujourd'hui dans la troisième phase, mais le peuple qui a parfois plus de bon sens que les grands technocrates…
…se pose une question très simple : qui est responsable de l'effondrement de Dexia ? La réponse est dans le rapport de notre rapporteur général. Par une stratégie incroyable, irresponsable, deux groupes bancaires – les seuls en Europe –, Dexia et Northern Rock, ont joué à accorder des prêts à moyen et long terme mais à les financer à court terme. Quel moyen formidable de s'assurer des rentabilités extraordinaires : 17, 18, 20 % de rentabilité des capitaux propres ! Jusqu'au moment où les marchés se sont retournés et ont précipité leur chute.
Les a-t-on sanctionnés ? Qu'a fait la commission bancaire belge ? C'était elle, puisque le groupe était belge, qui était chargée de le contrôler.
Dernière question : qu'ont fait les actionnaires siégeant au conseil d'administration de Dexia, et en particulier les directeurs généraux successifs de la Caisse des dépôts ? Ont-ils attiré l'attention en appelant à mettre fin à cette folle stratégie ? Nullement.
Seule la Direction du Trésor, au sein du conseil de surveillance de la Caisse des dépôts, a mis en garde contre les effets indirects qui pourraient se faire sentir en France.
Monsieur le ministre, répondez à une question simple : les deux anciens responsables, un Belge et un Français, sont partis bien tranquillement, car, même s'ils ont renoncé à leur indemnité de départ, ils ont eu droit, malgré l'opposition du représentant du Gouvernement français, à leur retraite chapeau – oh, bien modeste, 50 000 euros par mois ; c'est peu, pour un banquier.
Comment faire pour payer ses impôts sur le revenu avec une chute aussi considérable de ses ressources ? Il faut faire un peu de social tout de même.
Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à demander que s'interrompe le paiement de la retraite chapeau pour ces deux anciens co-présidents et que soit reversée l'indemnité de départ de 800 000 euros du dirigeant belge ?
Sinon, que pourraient penser les peuples ? J'ai toujours appris que de hauts revenus rémunéraient ceux qui assumaient de hautes responsabilités, mais que, dès lors que ces responsabilités n'étaient plus assumées, ces hauts revenus n'avaient plus lieu d'être.
Deuxième observation : le Gouvernement a raison de recréer une banque des collectivités territoriales françaises, mais il doit davantage l'encadrer. Les collectivités territoriales commencent à souffrir du credit crunch. Seuls ceux qui ne gèrent pas les collectivités territoriales l'ignorent. Lorsqu'une collectivité, qui a besoin de 3, 10 ou 100 millions, s'adresse à une banque, elle s'entend désormais répondre qu'on ne peut lui prêter que 20 à 30 %.
Autrefois, quand la collectivité était solvable et bien gérée, il n'y avait pas de problème. Aujourd'hui si, après le retrait de la Société générale, de la BNP et du Crédit agricole – qui ont bel et bien réduit leurs interventions dans ma région –, Dexia disparaît, imaginez les conséquences ! Le Gouvernement a donc raison : il faut recréer une banque des collectivités territoriales françaises.
Pour autant, faut-il garantir 10 milliards de prêts toxiques – 8 milliards pour les collectivités territoriales, 1,5 milliard pour les hôpitaux et un solde de 500 millions d'euros ? Une telle garantie présente de très graves risques. Le premier est un risque de contentieux fondés – de façon légitime d'ailleurs – sur le défaut de conseil de Dexia. Si nous accordons la garantie, même sur une base de 500 millions, mais à hauteur de 70 %, les avocats plaideront que l'État a ainsi reconnu la responsabilité du groupe Dexia puisqu'il a fait voter une loi prenant en charge une partie du passif. Nous prenons là un premier risque juridique considérable, car la Cour de cassation ne pourra que leur donner raison, le Parlement ayant, par sa délibération, reconnu implicitement une responsabilité indirecte de l'État. C'est extrêmement dangereux.
Le deuxième risque tient à la façon dont les dirigeants de la future entité – que, par facilité, j'appellerai Crédit local de France – géreront les conséquences de cette garantie. Ne seront-ils pas tentés d'être moins stricts, par exemple sur les critères de remboursement des prêts en question, en raison de la contre-garantie qui leur est apportée par l'État français ?
Enfin, le troisième et dernier risque concerne les collectivités locales elles-mêmes. Certes, l'immense majorité des élus locaux ont refusé ce type de prêts, mais quelques-uns avaient dû fumer la moquette – passez-moi l'expression – lorsqu'ils ont cru qu'ils allaient obtenir des prêts comportant une prime la première année et des remboursements à des taux de 0,5 à 1 % seulement ? N'ouvrent-ils jamais les journaux ? Ne connaissent-ils pas le prix de l'argent à court terme ? Comment ont-ils pu croire que de telles conditions allaient durer ?
Aujourd'hui, ils se retrouvent avec des prêts à 17 ou 18 % : ils s'en étaient tenus à l'idée qu'ils ne paieraient que des intérêts insignifiants, sinon nuls, les premières années, avec un taux actuariel a posteriori de 5 ou 6 % seulement. On rencontre d'ailleurs parmi eux tous les profils : il y a notamment ceux qui ont joué au loto, pour ne pas dire à la roulette russe, en misant sur les parités de change : mais il y a toujours un moment où il faut payer.
Nous, les centristes, avons toujours défendu la décentralisation et le principe de responsabilité consubstantiel à la liberté : on ne peut demander la liberté et ne pas assumer les conséquences de ses bêtises. Liberté va de pair avec responsabilité. Nous avons, à ce propos, déposé un amendement. On me dira que certaines collectivités territoriales ne pourront pas rembourser. Mais combien sont dans ce cas ? En tout état de cause, que prévoit la loi française si un budget de fonctionnement est voté en déséquilibre ? La chambre régionale des comptes est saisie, un dialogue s'engage avec les élus et, généralement, on aboutit à un compromis avec une augmentation des impôts et une diminution des dépenses. Si l'on n'y arrive pas, il reste une dernière ligne de défense : une dotation du ministère de l'intérieur peut bénéficier de façon exceptionnelle, pendant quelques années, aux collectivités en question pour leur permettre de redresser leurs finances. Voter ce qui nous est demandé conduirait à atténuer le principe de responsabilité. Ce serait une erreur de la part du Gouvernement.
Quant à la Caisse des dépôts, il faut la protéger des risques liés au démantèlement du groupe Dexia. Il est en effet une question à laquelle nous n'avons toujours pas de réponse, celle du montant des fonds propres qu'il faut apporter au futur Crédit local de France. On nous dit que le milliard en capitaux propres détenu par Dexia Municipal Agency suffirait. Ce n'est pas vrai. Dois-je rappeler que le marché des prêts aux collectivités territoriales s'élève à 14 ou 15 milliards annuellement ? Cela signifie que, sur la base d'une part de marché de 30 à 40 % – ce qui serait le minimum pour continuer à alimenter les collectivités territoriales à hauteur de 4 à 5 milliards –, aucune banque ne pourrait le faire dans la durée en ne disposant que de 1 milliard, sans compter les prêts qu'elle continuerait à gérer par ailleurs. Il convient donc de dire la vérité : il faudra augmenter les fonds propres de ce Crédit local de France afin qu'il respecte les ratios bancaires. Le président de la commission de surveillance nous a dit qu'il faudrait à peu près 12 milliards d'apports en liquidités. Mais la Caisse des dépôts ne dispose pas de ressources illimitées. Le Gouvernement ne peut tout lui demander.
Quant aux 3 milliards de prêts promis, cette caisse des collectivités locales ne sera pas prête rapidement.
Il faudra donc plus de 3 milliards pour faire le lien entre aujourd'hui et la date à laquelle elle fonctionnera.
J'en viens rapidement à l'État. Si la garantie de 36,5 % sur les 90 milliards d'actifs – et son refinancement – est incontournable, est-il prudent de maintenir pendant dix ans le plafond de garantie à 32,5 milliards ? Pourquoi ne pas envisager une réduction dans le temps ? Je ne suis pas insensible aux arguments du Gouvernement selon lesquels il ne faudrait pas le faire sur les cinq premières années. Mais pourquoi ne pas le prévoir à partir de la sixième année ? Croit-on que les 90 milliards disparaîtront soudain en 2021 et qu'il n'y aura alors plus rien à garantir ? Ce n'est pas raisonnable. Mieux vaut concevoir un système en sifflet.
Nous avons – et ce sera ma conclusion – déposé trois amendements qui répondent à toutes ces questions.
Tout d'abord, nous proposons que le plafond d'encours garantis pour le passif de Dexia soit réduit d'un dixième par an jusqu'en 2021. Même si cela ne peut se faire que de la sixième à la dixième année, une telle réduction permettrait à l'État de se désengager progressivement tout en responsabilisant tous les acteurs. Ensuite, nous souhaitons que soient retirées les dispositions prévoyant une garantie sur les prêts toxiques accordés aux collectivités territoriales. De telles dispositions nous semblent en effet dangereuses alors que le risque final est faible.
Enfin, nous demandons que le Gouvernement rende compte de la mise en oeuvre de cette loi tous les ans avant la présentation du projet de loi de finances au Parlement.
C'est au vu de la réponse apportée à ces trois amendements par le Gouvernement et l'Assemblée que le groupe Nouveau Centre précisera son vote sur le texte.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me bornerai à quelques observations sur le texte qui nous est présenté, en soulignant d'abord que, s'il n'y avait pas eu la loi organique relative aux lois de finances, nous n'aurions même pas eu à délibérer de cette question de la garantie de l'État. C'est là un acquis important de la loi organique.
Mes observations porteront sur trois points. Après un rappel historique, je reviendrai sur la période 2008-2011, avant de traiter du sujet qui nous préoccupe, celui de la garantie de l'État dans le cadre du dispositif mis en place.
Mon rappel historique sera bref. En effet, je ne retracerai pas tout le processus qui a transformé un établissement public administratif géré par la CDC qui avait la charge des prêts aux collectivités territoriales en une espèce de gigantesque hedge fund. C'est en 1987 que la CAECL est devenue le Crédit local de France, avec un capital réparti entre l'État, pour 25,5 %, la CDC à hauteur de 25 % et la partie privée dont, déjà, le Crédit communal de Belgique, pour 49,5 % – cette dernière précision est importante pour comprendre le lien avec la Belgique. En 1991, l'État profite de la mise en bourse pour céder 17 % de ses parts, la CDC voyant sa part de capital ramenée de 13 à 12 %. En 1996, on assiste à l'alliance entre le Crédit communal de Belgique et le CLF, le premier étant toujours actionnaire du second, pour conduire à la naissance de Dexia. Puis, en 1999, intervient la fusion des deux entités, avec une introduction en bourse conjointement à Paris, Bruxelles et Luxembourg. La CDC est d'ailleurs un actionnaire qui, au fil du temps, est devenu de plus en plus minoritaire. Aussi, en septembre de la même année, alors qu'elle aurait dû être diluée à 6 %, la Caisse réinvestit 2,5 milliards de francs à la demande des autorités pour limiter sa dilution et pour rester à 10 % du capital. En 2000, c'est l'achat du rehausseur de crédit américain FSA, avant que n'apparaissent, en 2008, alors que Dexia était devenue leader mondial de services financiers aux collectivités locales, la crise de la liquidité bancaire et la fragilisation du modèle Dexia.
La Caisse des dépôts a alors fait son devoir d'actionnaire en participant à une recapitalisation, dans le respect des risques qu'elle pouvait supporter. Certes, le comité d'investissement instauré cette même année au sein de la commission de surveillance par la loi de modernisation de l'économie pour les opérations d'investissement portées par la Caisse de manière à contrôler les propositions émanant de la direction générale, n'était pas encore en place. Mais nous avons alors jugé, avec le directeur général, que le risque maximum que pouvait supporter la Caisse à l'époque était de 2 milliards d'euros, soit 10 % des risques qu'elle pouvait supporter. C'est ainsi qu'elle n'a pas investi plus de 2 milliards, l'État étant appelé de son côté à apporter 1 milliard.
Ce milliard – comme ceux de la Caisse – n'a pas été inutile. D'une part, il a permis d'acquérir au sein de Dexia la minorité de blocage au titre du droit belge, ce qui nous a permis de peser à nouveau sur la gouvernance de la banque, ce qui n'était plus le cas, pour la partie française, depuis bien des années. D'autre part, il a favorisé un changement de l'équipe dirigeante avec la nomination de Jean-Luc Dehaene et de Pierre Mariani. J'en profite d'ailleurs pour démentir les propos que notre collègue Christian Eckert a tenus la semaine dernière lors des questions au Gouvernement : la direction générale de la Caisse, lors du conseil d'administration du 13 novembre 2008, a bel et bien voté contre les indemnités de départ qu'il s'agissait d'octroyer à M. Miller, le représentant de l'État ayant voté de façon identique.
J'arrive ainsi à la période 2008-2011, pendant laquelle l'équipe dirigeante n'a pas dit que tout allait bien. Nous avons d'ailleurs eu l'occasion, au sein de la commission de surveillance, d'auditionner Pierre Mariani à trois reprises – en octobre 2008, en janvier 2009 et en octobre 2010 –, afin de nous assurer du suivi du plan prévu pour assainir la situation de Dexia. Il faut rendre hommage au travail effectué alors, qu'il s'agisse de la cession de la filiale américaine FSA – qui comportait la plus grande partie des risques, ainsi que cela a été rappelé –, de la réduction du bilan pendant la période de 651 à 518 milliards ou de la diminution à 96 milliards d'euros du besoin en fonds propres à court terme alors qu'il était monté jusqu'à 255 milliards. Dans une période ordinaire, un tel travail aurait permis de ramener Dexia sur les voies de la normalité. On sait ce qu'il en a été avec le rattrapage par la crise concernant, d'une part, la dette souveraine que portait Dexia et, d'autre part, la problématique de l'adéquation entre les ressources et les emplois en raison du décalage existant.
J'en viens, enfin, à ce qui est demandé à la Caisse des dépôts. S'agissant, tout d'abord, de la mise en place d'un nouvel outil de prêt aux collectivités territoriales, le sujet fait consensus tant au sein de la commission de surveillance qu'entre nous. Le moyen dont nous disposons à cet effet réside dans la structure DMA, filiale de Dexia, mais il faut en même temps, pour reprendre les équipes, pour assurer de plus grandes facilités à Dexia pour l'avenir et pour lui dégager de la liquidité, reprendre ce qui est porté dans DMA. C'est là, aujourd'hui, que sont les enjeux pour la Caisse des dépôts.
J'ai eu l'occasion de le souligner en commission des finances cet après-midi, ce besoin de garantie nous est nécessaire pour trois raisons.
Première raison : la loi oblige la Caisse des dépôts à se conduire en investisseur avisé, dans le respect de ses intérêts patrimoniaux. Dans le cas contraire, la Caisse des dépôts ne peut pas investir. Nous devons donc respecter cette obligation.
Deuxième raison : la valeur d'entrée à laquelle nous allons reprendre DexMA, et la consommation de fonds propres correspondant à cette opération dépendent entièrement de la garantie accordée par l'État. Si nous devons inscrire des fonds propres en risques, l'opération ne sera évidemment plus possible, d'autant que la commission de surveillance est aujourd'hui chargée de définir le modèle prudentiel de la Caisse et le niveau des fonds propres. Aujourd'hui, les fonds propres de la section générale de la Caisse des dépôts, qui porteront la totalité de cette opération, sont déjà tendus dans la situation actuelle des marchés financiers et compte tenu des dépréciations qu'il a fallu constater sur les marchés actions dont la Caisse est un des acteurs principaux.
Troisième raison : il est hors de question que la Caisse des dépôts supporte des risques liés à la gestion passée, c'est-à-dire aux éventuelles restructurations et condamnations pouvant intervenir sur les prêts structurés ou aux risques de taux pour les prêts accordés. De ce point de vue, une fois n'est pas coutume, je ne partage pas, à mon grand regret, les préconisations de Charles de Courson.
Monsieur le ministre, nous avons besoin d'une garantie pérenne. Pour une partie de cette garantie, il y a une échéance en 2021. Or la fiabilité de cette garantie suppose un engagement explicite et clair de l'État pour le cas où le besoin existerait au-delà de l'échéance qui, je le sais, est liée à des obligations communautaires. La pérennité de la garantie conditionne l'impact sur les fonds propres et le risque que supportera le groupe Caisse des dépôts, au-delà même de la garantie apportée sur une partie des actifs et au-delà de la mécanique de stop-loss.
Sur ce point, monsieur le ministre, nous avons besoin d'une réponse claire au-delà des contraintes communautaires qui s'imposent à tous et dont je suis conscient qu'elles peuvent poser un problème. Cela concerne en particulier l'amendement dont je suis l'auteur, qui a été adopté tout à l'heure par la commission des finances – ce qui montre bien le consensus qui la réunit quant au rôle de protection de la Caisse des dépôts qu'il lui revient d'exercer.
Pour conclure, je veux aborder un dernier problème. Nous pouvons faire une opération en capital dès lors que nous avons des garanties sur le fait qu'il n'y aura pas d'impact sur le fonds propre ; il n'en demeure pas moins qu'il y a un besoin en liquidités. La section générale de la Caisse des dépôts a été fortement mobilisée en liquidités au cours des derniers mois, y compris en souscrivant des émissions de plusieurs des grandes banques françaises dans l'opération de soutien à la liquidité bancaire. Nous comprenons ce besoin de liquidités, mais la Caisse des dépôts ne peut pas à elle seule supporter durablement 12 milliards d'euros de liquidités dans le fonctionnement de DexMA.
Nous souhaitons donc que cet apport soit réparti entre les différents opérateurs parties prenantes de l'opération de constitution d'un nouvel outil de prêt aux collectivités territoriales, c'est-à-dire entre la Caisse et la Banque postale. Nous souhaitons également que tout soit mis en oeuvre pour limiter l'impact que peuvent avoir actuellement les swaps qui existent du côté de Dexia sur le besoin de liquidité que la Caisse des dépôts devra consentir à sa nouvelle filiale.
La contrainte est très forte. Le risque systémique est réel. La Caisse des dépôts est un actionnaire historique de Dexia, qui n'a pas de raisons de se dérober. Le financement des collectivités territoriales est effectivement une mission d'intérêt général. Encore faut-il que les garanties soient au rendez-vous pour permettre au directeur général de remplir son mandat fiduciaire et à la commission de surveillance de respecter l'engagement qui est le sien au nom de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour ne rien vous cacher, j'ai préféré le ton adopté par le ministre à la tribune à celui employé par le rapporteur général. Le ministre m'a semblé plus mesuré.
Il est d'autant plus gênant de faire le genre de remarques qui furent les vôtres que les dates que vous avez citées étaient fausses.
Je remercie Jean-Pierre Balligand d'avoir rétabli les choses en rappelant un certain nombre d'évidences qui semblent avoir échappé à beaucoup.
Monsieur le ministre, vous avez dit ne pas comprendre notre position. Rassurez-vous, pour notre part, nous comprenons parfaitement la vôtre ! Nous comprenons que la nécessité ne vous laisse pas le choix et que, étant aux responsabilités non seulement depuis 2007, mais depuis 2002, vous soyez dans l'obligation de faire ce que vous faites aujourd'hui.
Si vous voulez comprendre notre position, il vous faut vous souvenir que, depuis quelques mois, les collectifs budgétaires se succèdent. Mais manifestement, d'un collectif à l'autre, vous ne vous souvenez pas du tout de ce que nous avions dit lors du précédent. Pourtant, je me souviens, lors du collectif de la fin du mois de juin, d'être monté modestement à cette même tribune pour vous dire ce que je pensais du plan de sauvetage de la Grèce. Je me souviens de vous avoir expliqué ce que j'en pensais : 21 % – en fait, 14 % pour les banques et 7 % pour l'État avec la diminution de l'impôt sur les sociétés –, ce n'était pas crédible pour les acteurs financiers.
Que s'est-il passé par la suite ? Il y a eu de nouveaux troubles durant tout l'été, et, si nous sommes aujourd'hui en train de discuter de Dexia en urgence, c'est bien en raison de cette tourmente financière estivale. Elle n'est d'ailleurs pas terminée : je constate aujourd'hui que les bourses ne donnent pas le sentiment de saluer comme il convient la réunion de préparation au G20.
À ce sujet, je ne sais pas ce qui se dit vraiment au G20, mais je suis vraiment très étonné. Les réunions préparatoires au G20 se succèdent comme les G20 eux-mêmes, mais je n'entends jamais évoquer le fond du problème. Ni au G20, ni au FMI, ni à la Banque mondiale, ni ailleurs, je n'entends parler des 600 000 milliards de dollars en circulation sur les marchés dits OTC. Les plus pessimistes parlent même de 700 000 milliards de dollars. Mes chers collègues, cela représente dix à douze années de PIB mondial ! Vous avez été banquier monsieur Goulard…
C'était il y a longtemps.
Au passage, monsieur de Courson, sachez que les socialistes n'ont aucun mal à voir un socialiste présider une banque nationalisée. Je vous remercie d'avoir lancé un appel à l'Internationale bancaire en réponse à ce cher tonton Marx mais, à l'évidence, il y a une légère confusion. (Sourires.)
Vous ne comprenez pas notre position. Il n'était peut-être pas très adroit d'y mêler la primaire – j'ai décidément l'impression qu'elle vous pose un problème : ça passe mal…
Ne mélangez pas tout !
Chère madame, ce n'est pas moi qui en ai parlé : je ne fais que répondre, puisqu'on nous a expliqué que notre position était dictée par la primaire. Ce n'est pas le cas.
Elle est plutôt dictée par l'incompréhension et l'exaspération de l'opinion publique. Nos concitoyens ont désormais la certitude que les politiques ont perdu la main et que ceux qui décident sont les acteurs financiers – on peut les appeler ainsi, si l'on veut être très aimable, ou parler plutôt de lobbies bancaires. Depuis le début du mois de juin, il était évident que ce qui avait été mis en place ne fonctionnerait pas, et il était tout aussi évident que cela provoquerait de très fortes turbulences. À l'occasion de l'une d'entre elles le problème Dexia est apparu.
Monsieur le ministre, je suis d'accord avec vous : il est ahurissant que les banques centrales et les organes de contrôles, qu'ils soient belges, français ou même européens, aient pu supporter l'idée qu'il faille assurer 260 milliards d'euros de financement quotidien adossés à des crédits à moyen ou long terme. On expliquerait à n'importe quel apprenti banquier, à n'importe quel stagiaire, qu'on ne finance pas au jour le jour des crédits à dix ou quinze ans !
Si ce n'est pas au jour le jour, c'est à très court terme, vous le savez bien ! Le ministre lui-même a cité le chiffre de 260 milliards d'euros.
Cela donne la mesure de la perte de contrôle des autorités politiques, quelles qu'elles soient, sur le système financier. Nous ne contrôlons plus grand-chose. La commission d'enquête sur la spéculation financière, que je présidais, a formulé des recommandations à l'issue de ses travaux : pratiquement aucune n'a été suivie d'effet. Nous avons auditionné une dame brillante, qui est, en quelque sorte, la mère de tous les merveilleux opérateurs travaillant sur les marchés financiers : c'est elle qui a inventé les algorithmes appliqués à la finance. Elle nous a confié son sentiment profond : aujourd'hui, on ne contrôle plus rien.
Nous sommes prêts à prendre nos responsabilités, mais pas à voter un plan grec, puis un deuxième plan grec, puis un troisième plan grec et, aujourd'hui, un plan pour Dexia, alors que rien ne bouge par ailleurs. Comme le disait Charles de Courson, absolument rien n'est fait à l'encontre des dirigeants de Dexia responsables de cette situation qui peuvent parader tranquillement aujourd'hui. Monsieur le ministre, monsieur Bouvard, je veux bien vous croire lorsque vous affirmez que l'État n'a pas voté leurs indemnités de départ, mais elles ont bien été accordées. On se demande qui les a votées, si ce n'est l'État.
Nous étions minoritaires !
Où est le pouvoir ? Le Gouvernement et la majorité auraient intérêt à donner quelques signes forts pour indiquer où est le pouvoir et à dire à l'opinion publique que, lorsque des dirigeants sont responsables d'une telle catastrophe, ils ont au moins le devoir de rendre les sommes qu'ils ont indûment encaissées. Je ne reprendrai pas le plaidoyer de Charles de Courson qui, pour une fois, me convenait de bout en bout. Monsieur de Courson évolue bien en ce moment. Encore un effort, mon cher collègue, et nous pourrons chanter ensemble la Carmagnole !
Monsieur le ministre, nous avons des doutes. Le président de la commission des finances l'a dit, M. Eckert l'a fait après lui et M. Bouvard vient de tenir le même discours. Nous doutons de l'impact que ce plan peut avoir à terme sur la Caisse des dépôts qui est sollicitée en toute occasion et dans tous les montages financiers. Nous ne comprenons pas pourquoi la garantie n'est pas totale, ni pourquoi elle est limitée à dix ans. Nous nous interrogeons à juste titre sur les conséquences qu'auront ces choix dans l'avenir.
Monsieur le ministre, vous nous répondez que ce sera pour 2021. Mais ce n'est pas si loin : c'est dans dix ans. Vous verrez, cela passe vite, même si cela peut vous paraître très long – encore que vous soyez manifestement sorti de l'adolescence. (Sourires.)
Vous vous tournez vers l'opposition pour lui dire qu'elle doit voter les plans successifs si elle est responsable, mais vous ne faites rien pour séparer banques de dépôt et banques d'investissement. Pourtant, les Anglais avancent sur le sujet. C'est très étonnant : nous aurions pensé qu'ils seraient les plus rétifs. Compte tenu de ce qu'est la City, nous nous attendions à trouver dans ce pays le lobby le plus puissant.
Le modèle des banques anglaises est différent du nôtre : en fait, il est compatible avec cette évolution.
Les Anglais ont pris quelques mesures spectaculaires ; nous sommes loin d'avoir pris les mêmes.
Prenez vos responsabilités ! Prenez-les pour le règlement de la crise ! Je me souviens de M. Alphandéry qui, en 1993, nous expliquait avec emphase et une sorte de mépris pourquoi il fallait que la Banque de France soit privatisée, pourquoi il fallait qu'elle n'intervienne plus jamais dans le financement des dettes de l'État. C'était beau à entendre, mais où en sommes-nous aujourd'hui ? Pour revenir à la Grèce, dans tous les plans que vous mettez en place, que ce soit un mécanisme à 20 %, à 30 % ou à 50 % – ce sera vraisemblablement ce dernier pourcentage, même M. Trichet donne l'impression de l'avoir admis –, il reste la question de la recapitalisation des banques. Comment se fera-t-elle ?
On nous dit qu'elle sera opérée par le Fonds de stabilisation européen. Toutefois, s'il s'agit de passer par une structure européenne pour éviter que les banques ne soient contrôlées par les États, nous ne serons pas d'accord. Quant au portage de la dette elle-même, nous estimons qu'il est insuffisant. On le sait, la menace existe : les agences de notation nous rappellent, jour après jour, que quelques dégradations sont en cours et que nous n'avons pas encore tout vu.
Nous pouvons accepter d'augmenter la capacité du fonds et d'élargir ses missions à la recapitalisation des banques, mais un problème important demeurera. N'oublions pas, en effet, que ce sont les marchés qui font le taux : tant que nous n'aurons pas réglé cette question, mes chers collègues, nous serons toujours à la merci de ces acteurs financiers, qu'ils soient ou non spéculateurs, d'ailleurs. C'est pourquoi il faut permettre à la Banque centrale de les shunter, ne serait-ce que pour les dissuader et les avertir que, s'ils franchissent la limite, ce sera elle, et non plus eux, qui fera le taux. Si nous ne prenons pas une telle décision, nous n'aboutirons à rien.
Monsieur le ministre, nous avons de très bonnes raisons d'être réservés. Respectez nos réserves et agissez, s'il vous plaît ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Mais il y a des choses bien dans ce que vous avez dit !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les dérives qu'a connues la banque Dexia sont, certes, caractéristiques de la très grave crise du système financier que nous connaissons depuis 2008. Mais ce qui s'est passé au cours des trois dernières années ne nous rassure guère. Ainsi, le fait que, en 2010 et 2011 – et ce point n'a pas été évoqué ici –, le groupe Dexia a subi des stress test avec succès montre bien à quel point les outils de régulation bancaire et financière qui ont été créés sont, hélas, encore totalement inadaptés aux difficultés actuelles. L'autorité bancaire européenne, qui s'apparente davantage à une coordination des autorités bancaires nationales qu'à une véritable autorité bancaire, est encore loin de répondre aux enjeux très graves auxquels nous sommes confrontés.
Dans ce dossier, la question essentielle est d'abord celle du périmètre et de la durée des garanties qui sont données aussi bien au groupe Dexia qu'à Dexia Municipal Agency – DexMA. À cet égard, si l'amendement de la commission des finances qui vise à prolonger la garantie de l'État au-delà de 2021 est adopté, nous aurons apporté une grande part des éléments de nature à assurer la sécurité de la Caisse des dépôts auxquels nous sommes tous attachés. Le risque que comporterait pour cette dernière la charge d'une garantie de 3,5 milliards au-delà de 2021 serait, en effet, considérable pour un établissement dont les fonds propres sont de l'ordre de 18 milliards d'euros.
Par ailleurs, plusieurs points continuent à nous préoccuper, sur lesquels nous n'avons pas obtenu de réponses véritablement satisfaisantes. Je pense, tout d'abord, à la part que représentent dans DexMA les collectivités territoriales étrangères. Car si, en France, les collectivités territoriales ont l'obligation de couvrir totalement le remboursement de leurs emprunts, je ne suis pas certain que la même obligation existe et qu'elle soit respectée de la même façon dans tous les pays où cette banque est impliquée. Or il semble qu'une douzaine de milliards d'euros soient en jeu. Nous aimerions donc avoir des précisions à ce sujet.
Par ailleurs, monsieur le ministre, tout à l'heure, lors de la réunion de la commission, vous avez choqué mon collègue René Couanau, lorsque vous avez déclaré que des « trucs » resteraient au terme du processus et qu'une « structure résiduelle » serait nécessaire. Il faudrait que vous nous disiez clairement ce que sera cette structure résiduelle et quelle sera l'ampleur des risques, ou des « trucs », qu'il faudra malheureusement assumer au terme du processus. C'est un point essentiel, pour nous tous.
Je terminerai en reprenant les propos de notre collègue Balligand, qui, tout à l'heure, a souligné à juste titre que nous étions nombreux, sur tous les bancs de cet hémicycle, à défendre la Caisse des dépôts, en ayant le souci que l'on n'accumule pas sur celle-ci des charges successives qui, à terme, risquent de remettre en question certaines de ses missions prioritaires, telles que le logement social ou le financement de l'économie. En effet, si cette nouvelle banque des collectivités territoriales – que l'on se réjouit de voir naître – est adossée à la Caisse des dépôts, cela peut représenter pour cette dernière des charges supplémentaires extrêmement lourdes. Pour nous, c'est un important sujet de préoccupation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Mais je ne suis pas en désaccord avec tout ce que j'ai entendu !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si l'affaire Dexia est le fruit amer de la crise que nous vivons depuis plus de trois ans, elle a des caractéristiques propres.
Premièrement, ses difficultés ont pour origine, non pas, comme cela a été souvent dit au cours de ce débat, un modèle inapproprié, mais une suite d'erreurs qui méritaient condamnation dès avant 2008. Erreur des dirigeants de l'époque, tout d'abord, en termes de liquidités et de solvabilité de l'établissement. Indépendamment de toute crise, celui-ci était fragile, ce qui signifie que les autorités de contrôle – belges, en l'espèce – n'ont pas été à la hauteur. J'observe, du reste, que, si la crise a des causes multiples, celle qui est née en 2008 provient directement d'une défaillance considérable des autorités de contrôle américaines. Il est en effet absolument indispensable que les États contrôlent les établissements financiers.
Deuxièmement, la direction qui a été adoptée depuis 2008, lors de la première restructuration de Dexia, a porté ses fruits. Il faut le dire avec force : le plan stratégique était le bon, les résultats étaient là. Si la crise actuelle – c'est-à-dire la perte de crédibilité et de crédit des États –, qui à la fois amplifie et change la nature de la crise de 2008, n'était pas intervenue, il n'y aurait eu aucune raison que le plan de 2008 échoue. Les bonnes décisions avaient été prises.
Aujourd'hui, la nécessité d'une restructuration de Dexia est impérative et indéniable. Nous ne pouvons pas prendre le risque que la défaillance d'un établissement provoque une nouvelle crise systémique. Nous ne pouvons pas commettre la même erreur fondamentale que les autorités américaines lorsqu'elles ont laissé tomber Lehman Brothers. Si j'en crois les éléments d'information qui sont en notre possession, le plan proposé par les gouvernements, outre qu'il est nécessaire, est logique et cohérent. Au-delà des inévitables incertitudes et des ignorances de ce que peut receler le bilan d'un établissement comme Dexia, il n'y a aucune raison de le contester. J'ajoute que l'urgence est là ; nous savons que les échéances sont à quelques jours. Nous ne pouvons pas nous payer le luxe de contester des mesures qui relèvent de la nécessité.
Enfin, il nous faut également parler de l'avenir, et c'est une autre spécificité de ce dossier. En effet, Dexia n'est pas une banque comme les autres : c'est la banque des collectivités territoriales françaises, et cela mérite une attention particulière. Dans la période actuelle, le retrait des banques du financement des collectivités s'explique évidemment par la difficulté d'accéder aux liquidités. Le prêt aux collectivités locales est consommateur de liquidités ; il avait autrefois une rentabilité qu'il n'a plus aujourd'hui en raison de ses conditions de refinancement. Mais, nous l'espérons, cette situation n'est pas durable. Il n'y a aucune raison, puisque les risques sont extrêmement limités et que les conditions ne seront sans doute pas celles que nous avons connues dans le passé, que les banques ne redeviennent pas des financeurs normaux des collectivités territoriales.
Pour faire face à la situation actuelle, il me paraît absolument indispensable d'agir dans deux directions. Premièrement, et cela a été rappelé par notre collègue Balligand, il faut une agence qui permette aux collectivités locales de faire commodément appel aux marchés. C'est une nécessité technique, et il sera utile et bon de mobiliser notamment l'épargne de proximité à leur profit. Deuxièmement, votre décision, monsieur le ministre, de créer un établissement adossé à la Banque postale et à la Caisse des dépôts est une bonne décision. Nous avons ainsi la structure financière et le réseau de proximité qui conviennent pour que, demain, après une phase transitoire, les collectivités aient un accès normal au crédit.
En conséquence, j'approuve les décisions qui nous sont proposées, qu'il s'agisse du traitement immédiat, dans l'urgence, de cette crise ou des orientations de long terme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collèges, la crise de 2008 a fait de Dexia, après la chute de Lehman Brothers, l'un des établissements les plus fragiles d'Europe, obligeant les États français et belge à entrer à son capital. L'État français détient ainsi, depuis novembre 2008 et le premier plan de sauvetage des banques, 5,73 % du capital, l'autre mode d'intervention ayant consisté en une garantie de financement. Ce sujet de préoccupation majeur, anxiogène, pour nos concitoyens, suscite un certain nombre d'interrogations sur lesquelles je vais revenir.
Actuellement, la pression s'accentue sur les banques pour les forcer à se recapitaliser et leur permettre de supporter des pertes plus importantes qu'attendu sur la dette souveraine des pays les plus fragiles de la zone euro. Dès lors, il s'agit de répondre à d'autres questions sous-jacentes. Tout d'abord, comment l'État pourrait-il assumer cette recapitalisation, sachant que d'autres banques que Dexia sont instables ? Comment évaluer le coût potentiel de cette recapitalisation ? Comment justifier que les participations que l'État a prises ou s'apprête à prendre dans certaines banques ne lui donnent aucun droit de regard sur la politique de ces banques ? Enfin, sachant que l'Union Européenne donne le sentiment de tâtonner en la matière, comment procédera la France si la solution n'est pas européenne, et pour quel coût ?
Le Gouvernement a entrepris, ces dernières semaines, d'adosser le véhicule de refinancement des prêts aux collectivités portés par Dexia ou DexMA à la Caisse des dépôts et consignations, en vue d'alléger ses besoins de liquidités. Là encore, cette initiative suscite quelques inquiétudes, et nous devons être vigilants, ainsi que l'ont rappelé Jean-Pierre Balligand et Daniel Garrigue.
Le nouveau plan qui nous est présenté va-t-il permettre de redonner des marges de manoeuvre suffisantes en termes de liquidité au groupe Dexia ? Est-il à même de restaurer la confiance des investisseurs, de conforter la sécurité des dépôts, des créanciers et, surtout, des collectivités locales ?
Ce qui a guidé cette décision, c'est la nécessité d'alléger de 10 à 12 milliards les besoins en liquidités de Dexia, afin de lui permettre, eu égard à la situation du marché interbancaire, de gagner du temps. Certes, c'était nécessaire, mais il est désormais impératif de s'orienter vers des mesures structurelles plus durables.
Ainsi la question de la responsabilité des ex-dirigeants de Dexia se pose-t-elle et, plus généralement, celle de la régulation des rémunérations exorbitantes des dirigeants et des traders des banques – une question que cette majorité a, jusqu'ici, refusé de traiter.
Le plan de sauvetage mis en place en 2008 reste une opération négative pour les finances de l'État français. À l'époque déjà, la question se posait du choix de la garantie et des contreparties que l'État pouvait en attendre. Alors que l'État a directement injecté 1 milliard d'euros au capital de Dexia à l'automne 2008, à ce jour, la valeur de la participation de l'État représente une perte latente d'environ 920 millions d'euros. La probabilité de voir le cours de l'action se redresser est improbable compte tenu du démantèlement du groupe. Si l'on élargit le champ à la Caisse des dépôts et à CNP Assurances, deux entités parapubliques françaises qui ont, elles, apporté 2 milliards d'euros en octobre 2008, la facture potentielle s'alourdit même de 1,8 milliard. Ce montant n'a pas à être réduit par celui des dividendes, car Dexia n'en a versé que sous forme d'actions, dont la valeur a elle-même fondu.
Il semble qu'aujourd'hui, par un curieux effet de balancier, nous revenions à l'esprit qui avait conduit à la création de la Caisse des dépôts en 1816…
…chargée notamment de ce type de financements « sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative » – ce que M. le rapporteur général a eu l'occasion d'évoquer à la tribune.
Malheureusement, Dexia s'est égarée en élargissant, entre-temps, ses activités à la gestion d'actifs, aux marchés de capitaux, aux assurances, aux services aux investisseurs, jusqu'à vendre aux collectivités des prêts ultra-sophistiqués, variables, structurés et, comme on le voit aujourd'hui, extrêmement toxiques.
Est-ce à dire que nous revenons ainsi aux bases de cette activité, après une quinzaine d'années d'errance dans les affres de la finance ? La question reste posée, tout comme celle du coût que devront assumer les contribuables français. Quoi qu'il en soit, Dexia constitue d'ores et déjà un nouvel exemple de la dérive d'un système bancaire dérégulé, qui nécessiterait que le Gouvernement fasse preuve d'une volonté politique plus forte que celle manifestée jusqu'à présent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite intervenir uniquement pour exprimer les préoccupations des collectivités locales ayant souscrit des emprunts toxiques, parfois pour des montants considérables, auprès de Dexia. Comme cela a été dit, les sommes en jeu s'élèveraient à 8 milliards d'euros.
Je suis maire de Saint-Maur-des-Fossés, une ville du Val-de-Marne comptant un peu plus de 76 000 habitants, dont la Caisse des dépôts refuse de reprendre les emprunts s'élevant à 95 millions d'euros.
Il me semble que l'on n'a pas assez insisté, au cours du débat, sur l'extrême gravité du constat fait par la Caisse des dépôts, qui estime que les pertes potentielles ne sont pas chiffrables. Reprenant le discours officiel du Gouvernement, Gilles Carrez, rapporteur général, et Charles de Courson affirment que la garantie de l'État ne devrait pas jouer, au motif que les élus locaux ayant souscrit les emprunts au nom des collectivités locales sont seuls responsables.
Je suis le premier à considérer avec sévérité les élus ayant entraîné certaines collectivités locales dans des engagements dont la durée atteint parfois trente ans, en signant des emprunts qu'ils ne comprenaient pas : leur responsabilité est gravement engagée.
Toutefois, ce constat ne mène à rien. D'abord, il est simpliste, car il fait peu de cas de la lourde responsabilité des banques, qui ont développé des techniques de marketing très contestables pour vendre des emprunts à des maires qui ne comprenaient pas ce qu'ils signaient.
Ensuite, il ne tient pas compte de la responsabilité indirecte de l'État, soulignée par la Cour des comptes : aucun des systèmes de contrôle existants n'a fonctionné – je pense notamment à la tutelle des banques, évoquée lors du débat.
Surtout, ce constat n'apporte aucune solution. Comment les collectivités locales pourraient-elles prendre à leur charge des pertes dont personne ne peut mesurer l'étendue ? En pratique, monsieur le ministre, ce sont les habitants contribuables des collectivités concernées – c'est-à-dire plusieurs millions de contribuables locaux – qui vont devoir payer ! Comment pourraient-ils accepter que l'État, qui met tant d'argent sur la table pour recapitaliser Dexia – ce que personne ne conteste – n'adresse pas un signal fort aux habitants des collectivités locales concernées en assumant ses responsabilités, ce qui est tout à fait possible ?
Sur ce point, je veux faire deux suggestions. Premièrement, je propose d'étendre le champ de la médiation…
…confiée à un inspecteur des finances tout à fait remarquable, à savoir M. Éric Gissler, qui a fait signer aux banques une charte de bonne conduite qui empêchera que de telles choses se reproduisent à l'avenir. L'État doit étendre le champ de cette médiation afin d'en faire une vraie médiation active, et d'inciter Dexia et les autres banques à faire des efforts pour prendre leur part de responsabilité dans le règlement de ce dossier.
Deuxièmement, je suggère que l'État, contraint par l'attitude de la Caisse des dépôts à garantir les prêts dont il est question, adresse un signal fort et clair aux collectivités locales étranglées par des dettes impossibles à rembourser, en affirmant qu'il prendra lui-même sa part de responsabilité. Affirmer que les collectivités locales doivent se débrouiller pour payer seules, au nom du principe d'autonomie auquel nous sommes tous attachés, ne peut conduire qu'à la multiplication des contentieux.
Cette voie, sur laquelle nous avons commencé à nous engager, est la pire que l'on puisse imaginer pour l'avenir de Dexia, mais aussi pour la garantie de l'État, car cela crée de l'incertitude pour dix, quinze ou vingt ans – or, vous le savez, il n'y a rien de pire que l'incertitude pour les marchés et les investisseurs. C'est aussi la pire des solutions pour les collectivités locales, qui sont tenues, durant le temps du contentieux, de payer les frais financiers sans aucune renégociation possible. Enfin, c'est la pire des solutions pour l'État qui, au bout du compte, devra régler une addition beaucoup plus élevée. Je fais partie des quelques élus qui, depuis deux ans, se mobilisent et tirent la sonnette d'alarme en disant qu'il n'y a pas de solution à l'échelle des collectivités locales. Il est temps, monsieur le ministre, que l'État adresse un signal clair à des collectivités locales qui ont, aujourd'hui, le sentiment d'être abandonnées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais poursuivre le raisonnement que vient d'exposer Henri Plagnol. On a entendu, au sujet des collectivités locales ayant souscrit des emprunts toxiques auprès de Dexia, des remarques qui me paraissent un peu trop faciles.
Au moins notre débat aura-t-il été l'occasion de reconnaître l'existence du problème. Il y a trois ans, j'ai participé, avec d'autres d'élus, à une réunion organisée par Mme la ministre de l'intérieur et Mme la ministre de l'économie et des finances de l'époque : je peux vous dire que les banques présentes s'étaient alors bien employées à minimiser le problème.
Aujourd'hui, je regrette que certains, comme M. le rapporteur général, affirment que les élus ayant signé doivent se débrouiller, alors que c'est l'ensemble de la chaîne de responsabilité qui a failli. De telles déclarations ne sont pas sérieuses : oui, la chaîne de responsabilité a failli, et au plus haut niveau de l'État ! Je rappelle qu'au moment même où Dexia se lançait sur le marché des produits structurés, en Grande-Bretagne, on prenait la décision d'interdire aux collectivités locales de recourir à ce type de produits.
Je rappelle également que Dexia – qui comptait un certain nombre de représentants de l'État au sein de ses différentes instances – a décidé de transformer, en un processus de nature industrielle, tous ses prêts à taux fixes consentis à des collectivités locales en des produits structurés. Ce n'était pas un hasard, mes chers collègues : le marché des collectivités locales venait d'être ouvert à la concurrence et, sur le flux constitué par les emprunts de ces collectivités – un flux réduit en volume du fait de la croissance de la fin des années 1990 – les marges étaient devenues très réduites. Dans ces conditions, Dexia fut la première à dire que l'important n'était plus le flux, mais le stock – et, pour faire face à la concurrence interbancaire, à introduire les produits structurés sur le marché des collectivités locales.
Je veux souligner, mes chers collègues, que l'État était armé pour s'opposer à de telles pratiques. Une circulaire de 1992, hélas non réactualisée au moment où les swaps et autres produits spéculatifs sont arrivés sur le marché, aurait pu permettre à la DGCL de siffler la fin de la récréation. Comme leurs collègues centristes, les députés du groupe socialistes sont favorables à l'autonomie et à la responsabilité des collectivités locales.
Mais, mes chers collègues, ce n'est pas parce qu'on a le permis de conduire que le code de la route n'a plus de raison d'être ! En n'intervenant pas, l'État a failli, et gravement engagé sa responsabilité.
Les premières auditions de la commission d'enquête que je préside ont mis en évidence des faits significatifs. Je peux vous citer deux témoignages, mes chers collègues, à commencer par celui du trésorier-payeur général de la Loire de l'époque, à qui nous avons demandé ce qu'il avait pensé lors de l'arrivée des produits structurés sur le marché : il nous a répondu que ses services n'avaient pas été formés pour identifier la véritable nature de ces produits, et qu'il n'avait aucunement été alerté sur la question.
Plus grave encore – car en l'occurrence, la responsabilité de Dexia est très clairement engagée –, le préfet de la Loire de l'époque, à qui nous avons posé la même question, a admis que le nom même de Dexia avait suffi à rendre impensable l'idée que cet établissement puisse chercher à tendre un piège aux collectivités locales.
D'autres maillons de la chaîne des responsabilités peuvent être mis en cause. Ainsi, le conseil de surveillance de la Banque de France ne pouvait-il pas intervenir ? Un avis aurait, paraît-il, été rendu, aux termes duquel on aurait conseillé que les produits structurés ne représentent jamais plus de 50 % du stock de dettes – sans aller, toutefois, jusqu'à interdire complètement ce type de produits.
Il ne faudrait donc pas que, par facilité juridique ou législative, on se contente de dire que les élus ayant signé doivent se débrouiller.
D'autant plus, mes chers collègues, que Dexia a recouru à des procédés s'apparentant, à mon sens, à de la publicité mensongère. Savez-vous que l'un des emprunts proposés par cette banque, fondé sur la parité entre l'euro et le franc suisse, portait le nom de « Tofix » ?
Un tel procédé répond-il à l'obligation, mise à la charge de toute banque, de fournir à son client un conseil personnalisé et, à tout le moins, les informations de nature à lui permettre de prendre une décision éclairée ? Ne croyez-vous pas que, en se comportant ainsi, Dexia agissait de façon à tromper les responsables des collectivités locales, naturellement portés à faire confiance aux commerciaux qui leur avaient, par le passé, prodigué de bons conseils ?
Pour un bon nombre de responsables de nos collectivités qui se sont retrouvés face à l'un de ces démarcheurs venu leur proposer le produit de l'année, il y a eu réellement défaut de conseil à clients non initiés.
Voilà, mes chers collègues, ce que je tenais à vous dire pour appeler l'attention du ministre sur le financement des collectivités locales.
Cette question devrait être réglée pour alléger les difficultés que vont connaître les collectivités locales – et donc, en bout de chaîne, le citoyen. En effet, comme on l'a rappelé ici même, on sait bien quelles seront les variables d'ajustement : il y aura soit moins d'investissements, soit des services et emplois publics supprimés, soit une augmentation importante de la fiscalité. En bout de chaîne, c'est donc le citoyen qui devra payer.
Je connais, monsieur le ministre, les difficultés qui sont les vôtres et l'urgence qu'il y a à traiter le cas de Dexia. Mais on ne pourra pas régler le problème, en ce qui concerne les 10 milliards prévus dans le fonds de garantie sur les produits les plus toxiques, en se disant : « Après tout, les collectivités ont signé, elles n'ont qu'à payer. » En effet, je suis sûr que, comme en Allemagne, une décision de justice viendra, à un moment ou un autre, déstabiliser ce système de pensée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je voudrais, par respect pour la représentation nationale et compte tenu de l'importance des sujets qui ont été abordés, à gauche comme à droite, apporter quelques éclaircissements, que j'ai déjà largement dévoilés dans ma réponse à la motion de procédure défendue par M. Eckert.
L'urgence de la situation est évidente. Personne de sérieux ne le conteste, pas plus, du reste, que le risque systémique que représente une entreprise comme Dexia et donc la nécessité pour les États en responsabilité – belge, luxembourgeois et français – d'intervenir rapidement. Je me suis déjà excusé auprès de la représentation nationale pour ce calendrier un peu précipité. Nous ne l'avons pas choisi ; il s'est imposé à nous. De la même façon, l'esprit de responsabilité nous imposait de vous présenter ce texte.
Au fond, quand j'écoute les uns et les autres – notamment les orateurs de la gauche –, je me dis qu'il y a des points sur lesquels nous nous rejoignons pleinement. Je pense aux interrogations sur le modèle économique développé, notamment sur l'accès, pendant une période, à des liquidités abondantes. Ce modèle économique a joué sur les taux, profitant en quelque sorte de la faiblesse du contrôle et de la surveillance.
Mais enfin, je me permets de rappeler que Dexia est une société de droit belge, détenue à 60,5 % par l'État belge.
La France, État souverain, mais également État de droit, respecte les règles juridiques imposées dans le cadre d'un État lui aussi souverain. Il ne faudrait tout de même pas inverser la charge de la preuve car c'est sur cette base-là que les choses se sont déroulées.
Vous nous interrogez ensuite sur la situation des dirigeants précédents, notamment sur les conditions de leur départ. Je rappelle qu'avant 2008 l'État français n'était pas au conseil d'administration, où seule la Caisse des dépôts avait des représentants. Lorsque l'État y est entré, à partir de 2008, en étant minoritaire,…
…son représentant, de même que celui de la Caisse des dépôts, a voté contre les dispositifs décidés, notamment les retraites chapeau. Comme ils étaient minoritaires, la décision a néanmoins été prise. Nous le regrettons comme vous.
C'est pour cela que je comprends tous les arguments développés sur ce sujet, à droite comme à gauche. Une partie de la représentation nationale m'ayant alerté sur ce point, j'examine les moyens de droit possibles, mais je crains la forclusion. Cela dit, encore une fois, je ne suis choqué en aucune manière que l'on examine la question du partage des responsabilités. Je dirai même que cela fait partie des orientations que nous souhaitons développer et des discussions que nous avons au niveau international, notamment au sein du G20 Finances : nous cherchons à assurer la responsabilité pour le rétablissement de l'autorité de l'État et de la confiance.
Je le dis à Michel Bouvard et le lui répéterai certainement lorsqu'il défendra son amendement portant sur cette question : en ce qui concerne les garanties, les États – et la France en particulier s'agissant de cette partie – feront naturellement ce qu'il faut pour que Dexia respecte tous ses engagements. Nous ne pouvons pas mettre dans un texte de loi quelque chose qui serait mal perçu par la Commission européenne, avec laquelle nous allons négocier. En revanche, le fait que l'État réponde présent marque une tendance très affirmée ; cela nous emmène jusqu'en 2021, ce qui est déjà très long et au-delà de la moyenne acceptée par la Commission européenne. Cela va certainement au-delà de ce que, en logique pure, nous devrions faire.
Mais je comprends le message. Je ne doute pas que les pouvoirs publics, en particulier le gouvernement de l'époque, feront face à leurs responsabilités dans une dizaine d'années. Ils pourront s'appuyer, pour éclairer leur choix, sur la demande pressante formulée par l'Assemblée nationale à l'instant où nous parlons, et sur la position de notre Gouvernement qui, face à ces responsabilités et dans l'urgence, a pris un engagement au nom de l'État. La continuité de l'État doit vouloir dire quelque chose, quelle que soit la difficulté de résoudre les crises que nous avons à traiter.
J'ai déjà répondu à Gilles Carrez, mais je le répète : les 10 milliards du fonds de garantie couvrent exclusivement des risques sur des signatures françaises. Ils sont composés pour moitié d'actifs hors charte Gissler cotés E3, E4 et E5. Cela concerne pour 8 milliards les collectivités locales, pour 1,5 milliard les établissements de santé et pour environ 500 millions d'euros des bailleurs sociaux.
Toutes les pratiques contestées ont été arrêtées après le plan mis en oeuvre par les États en 2008. Tout ce qui a pu être vendu l'a été jusqu'à une période récente, à hauteur de 15 milliards de dollars sur la partie la plus toxique, autrement dit la partie américaine. Cela a continué jusqu'à il y a encore peu de temps – avant l'été. Les dirigeants sont allés aussi loin que possible, mais ils ont été rattrapés par un calendrier qui s'est imposé à eux, avec l'instabilité de la zone euro et, par extension, la question, qui se pose dans le monde entier, de la qualité de la signature des dettes souveraines. Encore une fois, ce qui était le plus nocif dans les pratiques préexistantes a été effacé.
Je renvoie M. Eckert au bilan de la période 2008-2011. Il faut regarder objectivement ce qui a été fait. Sans revenir sur ce que j'ai dit, notamment s'agissant des parachutes dorés, je voudrais souligner que nous ne sommes, en réalité, pas si éloignés dans l'analyse de la situation. Nous sommes même très proches. Vous m'avez également interrogé, monsieur Eckert, sur les pertes liées aux 3 milliards injectés dans Dexia en 2008, qui conditionnent en partie votre regard et votre vote sur ce texte. Replaçons-nous dans le contexte de l'époque. L'État a injecté 1 milliard et la Caisse des dépôts 2 milliards, conformément à ce que lui ont permis les instances de gouvernance. La CDC, déjà actionnaire, a ainsi augmenté sa participation. Le cours de l'action ayant baissé, cette participation atteint, en valeur, 300 millions d'euros. Voilà où nous en sommes ; c'est l'évolution des marchés et la réalité de la situation à un instant T.
L'État a également accordé à Dexia une garantie de refinancement de 150 milliards qui a, elle, rapporté 500 millions. Oui, l'État a soutenu le secteur financier. Vous auriez voulu aller plus loin, souhaitant même que l'État devienne l'actionnaire de référence. Vous dites que cela lui aurait fait gagner de l'argent. C'était possible en janvier, mais pas aujourd'hui : regardez donc ce qui se passe !
À l'échelle d'un quinquennat, soit la période pendant laquelle nous sommes en responsabilité, il me semble plus sage d'avoir proposé le plan de soutien au secteur financier, sous la forme que le Gouvernement a choisie et mise en place. Si nous avions retenu les idées que vous aviez défendues à l'époque, cela se serait révélé une très mauvaise affaire pour l'État.
Elle aurait été excellente ! Là, les actionnaires s'en sont mis plein les poches.
C'est la raison pour laquelle on peut se féliciter que le plan de soutien au secteur financier ait rapporté à l'État, ne vous en déplaise, 2,5 milliards, en incluant l'évolution des cours de Dexia.
Vous avez ensuite développé, monsieur Eckert, ce que vous feriez aujourd'hui. Vous interdiriez, dites-vous, de combiner les banques d'affaires et les banques de dépôt. Non seulement cela ne règlerait pas tout, mais en fait cela ne règlerait probablement rien. Je vous en donne deux exemples : Northern Rock, banque de dépôt, a été la seule banque européenne à avoir vu un bank run, c'est-à-dire les gens se précipitant dans les agences pour retirer leurs dépôts, faisant ainsi s'effondrer leur banque ; Lehman Brothers, de son côté, était une pure banque d'affaires. Vos solutions ne régleraient donc rien.
Une fois encore, dans la mesure où vous êtes d'accord sur le principe d'une banque publique, assumant une mission d'intérêt général qui consiste à fournir des prêts aux collectivités locales, je ne vois pas pourquoi vous n'accompagnez pas le Gouvernement. À cet égard, ce qu'ont évoqué Claude Bartolone et d'autres orateurs est assez pertinent. Il est vrai qu'une partie des acteurs se retire de ce marché, qui n'est pas très rentable. Il est donc normal que la puissance publique aille sur ce secteur et que l'on propose cette organisation, qui apparaît comme la plus sûre. C'est une référence utile, ce qu'il y a de plus sérieux et de plus stable.
François Goulard évoquait dans son intervention la réalité du retrait des marchés. Comme les liquidités se raréfient, beaucoup d'acteurs bancaires ont évidemment un intérêt objectif à se retirer de ces positions. Mais ce que propose le Gouvernement permettra de répondre à la demande et, je n'en doute pas, d'équilibrer le secteur. Ainsi, on pourra faire jouer une saine concurrence, mais surtout, ce qui est plus important, les collectivités locales auront un accès au levier financier pour soutenir leurs politiques d'investissements.
Je voudrais également préciser de nouveau le sens du II de l'article 4, qui semble concentrer l'attention de M. Eckert et de bon nombre d'orateurs socialistes, notamment M. Emmanuelli : cette garantie existe car, dans le cadre de la négociation entre Dexia et la CDC, celle-ci a demandé à ce que le risque correspondant soit pris en charge par Dexia. Par ailleurs, dans le cadre de nos négociations d'État à État, il est apparu assez normal que la Belgique et le Luxembourg, qui garantissent le refinancement de Dexia à hauteur de 63,5 % – 60,5 % pour la Belgique et 3 % pour le Luxembourg – ne prennent pas à leur charge le risque représenté par des collectivités locales françaises. Il est normal qu'il y ait au final sur ce point une position de compromis.
Cette disposition est protectrice pour la Belgique comme pour la CDC. Elle est complétée par la garantie de refinancement courant jusqu'en 2021 pour la part qui reste à la charge de Dexia. Bien sûr, l'État veillera à ce que Dexia respecte ses obligations. C'est tout le sens de la durée de la garantie de financement : dix ans, c'est déjà très long. Le fait de l'inscrire dans la loi créera des négociations et des discussions plus longues avec la Commission – je dois à la vérité de le dire et de l'exprimer ici, à cette tribune, devant la représentation nationale.
Monsieur Balligand, vous indiquez que vous défendez les intérêts de la CDC,…
…ce dont je ne doute pas. Vous avez présidé aux destinées du conseil de surveillance de cette institution éminente ; vous connaissez parfaitement la situation et vous êtes un parlementaire engagé. Souffrez que l'État et le Gouvernement aient exactement la même philosophie, la même volonté et qu'ils partagent votre souci de l'intérêt général.
Nous souhaitons défendre les intérêts de l'État, ce que fait ce texte. Nous voulons également défendre la solidité de la Caisse des dépôts dans les missions qui sont les siennes. Elle a aussi à se prononcer dans ces organes de gouvernance, ce qu'elle a fait avec beaucoup de sérieux et de responsabilité.
Vous avez soulevé la question des 3,35 milliards d'euros. J'en ai déjà parlé et n'y reviens donc pas. J'ai pris un engagement et je ne doute pas qu'aucun gouvernement ne laisserait tomber Dexia – et encore moins la Caisse des dépôts. Je n'ai aucune interrogation sur ce point : d'expérience, je sais que le gouvernement, dans dix ans, se replacera dans la situation où nous nous trouvons actuellement. Il reprendra les attendus de la négociation entre les États et se reportera à l'esprit de nos débats. C'est pour cela que je regrette votre vote : s'il était positif, il aiderait sans doute, dans dix ans, à dessiner un consensus. Malgré ce vote, j'ai entendu les propos modérés que vous avez tenus. Je pense que cela favorisera un consensus politique pour le futur gouvernement. S'agissant, enfin, des collectivités locales, nous sommes d'accord.
Monsieur Sandrier, vous avez moqué les tests de résistance que Dexia a passés haut la main. Mais il s'agissait de la solvabilité. En ce qui concerne, d'ailleurs, les fonds propres effectifs, Dexia est très largement au-dessus de la moyenne européenne et même probablement de la moyenne américaine, qui s'était elle-même élevée au lendemain de la crise de 2008. La question n'est pas la solvabilité et les fonds propres ; c'est l'accès aux liquidités.
La raréfaction des liquidités et le retrait des fonds monétaires américains depuis plusieurs semaines ont crée une tension très forte, jusqu'à l'effondrement actuel, qui, compte tenu des difficultés existant précédemment, a justifié notre intervention.
Vous l'avez dit vous-même, seuls huit des trois mille clients de Dexia ont engagé un contentieux, et je vous rappelle que c'est ce Gouvernement qui, grâce à la charte Gissler, a mis un terme à la production d'emprunts toxiques. Vous ne pouvez, d'un côté, lui reprocher de ne s'en tenir qu'à des recommandations préconisées au travers de directives pour expliquer et conseiller les collectivités locales, et de l'autre, lui reprocher d'intervenir. Il faut choisir.
Les collectivités, comme l'a dit M. le rapporteur général, s'administrent librement. C'est cette valeur, de niveau constitutionnel, qui a empêché l'État de leur dire comment faire. En mettant en place la charte Gissler ainsi que des conseils de bonne gouvernance, nous sommes allés aussi loin que nous le pouvions dans l'esprit de la protection constitutionnelle de la libre administration des collectivités locales, d'autant que l'État reste, par ailleurs, disponible par le biais du dispositif de médiation pour les aider dans leurs processus de renégociation.
M. Charles de Courson a fait un rappel utile des différentes responsabilités passées dans cette affaire. Je n'y reviens pas.
Sur la retraite chapeau, je ferai examiner toutes les voies de droit à notre disposition. Je crains qu'il n'en existe que peu désormais. La priorité pour le Gouvernement, vous le comprendrez aisément, est avant tout le sauvetage de Dexia et le maintien de ses activités. Je peux vous garantir, au nom de l'État, que tout le risque lié aux emprunts structurés demeurera fonction du résiduel.
Mais vous allez probablement trop loin dans l'autre sens : l'État français ne peut pas reconnaître des responsabilités implicites et créer un budget pour une renégociation de ce portefeuille. Tout d'abord, ce serait porter atteinte au caractère contractuel des rapports entre une collectivité locale et un emprunteur. Ensuite, ce ne serait pas, à mon avis, la bonne direction à suivre.
J'entends ce que vous dites, et je le comprends ; je suis moi-même un élu local.
Nous avons les uns et les autres, à des degrés divers, été confrontés à ces situations. Mais, je le redis : il n'y a actuellement qu'un million d'euros en refus de paiement d'une collectivité locale sur la totalité des encours à travers les emprunts Dexia. Cela signifie que la médiation mise en place par l'État a plutôt bien fonctionné pour les petites communes. Quant aux grosses communes, très impliquées, elles préfèrent généralement ne pas signer les propositions d'accords contractuels, mais emprunter la voie judiciaire pour aller jusqu'au bout du processus plutôt que de prendre le risque d'assumer une part de responsabilité qui conduirait au paiement de sommes hors de leurs moyens.
Monsieur Garrigue, vous m'avez interrogé sur le périmètre de la banque résiduelle qu'est le groupe Dexia. Vous êtes un parlementaire suffisamment chevronné – et avant cela, votre vie antérieure vous permettait de bien connaître le droit parlementaire – pour savoir que ce que l'on dit dans la facilité de l'exercice en commission, on ne le dira jamais de cette tribune. Je précise toutefois qu'effectivement, nous ne parlons pas de bad bank, parce qu'il ne s'agit pas de cela. Nous ne parlons pas de structure de défaisance parce que, juridiquement, il ne s'agit pas de cela non plus. Nous parlons d'une « banque résiduelle », c'est-à-dire d'une banque qui va poursuivre son activité jusqu'au terme du processus de cession d'actifs, qui est inscrit et intégré dans le dispositif législatif que nous proposons.
À l'intérieur de ces actifs, il est des actifs de qualité ; d'autres sont plus médiocres, et le seront encore plus dans la vente en raison de la situation actuelle des marchés, mais les États mettent tout en oeuvre pour stabiliser les marchés et permettre de revenir à meilleure fortune. C'est à cette occasion que cette banque résiduelle, que cette banque qui devra gérer ces actifs aura, au fil du temps, l'obligation de procéder à leur cession.
Le portefeuille obligataire souverain est, par construction, sain s'il est porté jusqu'au remboursement. En revanche, s'il avait été vendu à la casse et sous la pression d'un besoin de refinancement, il aurait perdu toute sa valeur.
Messieurs Plagnol et Bartolone, pour conclure – pardon d'être un peu long, mais sur ces sujets difficiles, c'est aussi une marque de respect du Gouvernement à l'égard de la représentation nationale – je ne veux pas me prononcer sur la recherche des responsabilités. Tout d'abord, Dexia n'est pas la seule banque à avoir distribué des emprunts structurés. Ensuite, des contentieux sont en cours et il ne faudrait pas que des juridictions s'appuient sur la position du Gouvernement pour prendre telle ou telle orientation. Enfin, le Gouvernement a agi ; c'est lui, je le rappelle, qui a élaboré la charte qui a mis un terme à la distribution de ces produits. Je rappelle également que, dans la nouvelle structure formée de la Caisse des dépôts et de la Banque Postale, sera clairement posée la stricte interdiction de procéder à des propositions d'emprunt aux collectivités locales qui ne reposent pas sur des bases saines, simples et claires.
Je rappelle également qu'avant 2008, l'État n'avait pas d'administrateur au conseil de Dexia.
Ayant insisté très lourdement, je le concède, sur l'ensemble de ces sujets, je considère désormais l'Assemblée pleinement éclairée sur tous les points qui ont été abordés. Je suis à présent à votre disposition pour apporter tout élément complémentaire dans le cadre de l'examen des amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'appelle les articles du projet de loi de finances rectificatif pour 2011.
Je mets aux voix par un seul vote l'article 1er et l'état A annexé et la première partie du projet de loi de finances rectificatif pour 2011.
(L'article 1eret l'état A annexé sont adoptés.)
Sur cet article 2, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous preniez un engagement. En effet, au titre de cet article, est créée la dotation pour dépenses accidentelles ou imprévisibles. Elle est abondée à hauteur des crédits dégagés au titre du prélèvement sur recettes lié au FCTVA, les collectivités locales ayant moins investi que prévu. À ces 590 millions d'euros s'ajoutent quelques millions au titre du prélèvement sur recettes pour l'Union européenne.
Vous affectez ces moyens disponibles à ce programme de provisions aux dépenses accidentelles et imprévisibles, ce que je ne critique pas. Je souhaiterais toutefois que vous preniez l'engagement que l'utilisation de ces 596 millions d'euros se fera, soit dans le cadre du prochain collectif, soit, en cas d'urgence, dans le cadre d'un décret d'avance qui exige un avis de la commission des finances. Sinon, le fait de l'affecter en attente dans ce programme permettrait au Gouvernement de procéder à une répartition des crédits par simple décret sans que la représentation nationale puisse être informée.
Pouvez-vous prendre cet engagement, monsieur le ministre ?
Monsieur le rapporteur général, je n'ai pas d'opposition de principe. Je trouve votre proposition logique et saine.
Vous me permettrez de prendre déjà l'engagement d'en parler à ma collègue du budget. Ayant moi-même été ministre du budget, j'ai le souvenir d'avoir été très attentif à un certain nombre d'engagements pris par d'autres collègues, mais de mon point de vue, compte tenu du sujet, de l'importance et du nombre de collectifs que le Gouvernement vous propose, plus la commission des finances est associée aux modalités d'affectation des différents résultats, mieux c'est pour la fluidité et la traçabilité budgétaire.
La mesure de remboursement anticipé du FCTVA a été une mesure utile, profitable à l'investissement. Elle avait dopé la politique de relance et nous avait évité d'entrer en récession. Après une période de crête d'investissement, nous sommes maintenant dans une période de creux, légèrement amplifié par les difficultés de la crise. Il faut évidemment que, dans la seconde partie des mandats municipaux, l'addition de ces mesures permette, par la suite, aux collectivités locales de reprendre le chemin de l'investissement.
(L'article 2 et l'état B annexé sont adoptés.)
L'article 3 traite des concours financiers, et vous observerez qu'à nouveau, on est conduit à doter de 35 millions de crédits supplémentaires le compte de concours financiers « bonus-malus automobile ».
Cette année 2011, ce compte sera à nouveau déficitaire dans des proportions bien plus grandes que prévu, puisque le déficit représentera 215 millions d'euros comparés aux 170 annoncés.
Ce compte a été déficitaire, c'est-à-dire que le bonus a été supérieur au malus, de 520 millions d'euros tant en 2009 qu'en 2010. En conséquence, monsieur le ministre, la commission des finances a décidé la semaine dernière de supprimer ce compte et elle demande au Gouvernement de lui présenter un équilibre strict du bonus-malus automobile dans le PLF pour 2012. Le déficit global étant de plusieurs dizaines de milliards d'euros, nous ne pouvons avoir des comptes aussi déficitaires.
J'ai moins de difficulté à prendre cet engagement puisque cette suppression est prévue. Votre demande sera donc satisfaite.
La parole est à M. Charles de Courson, inscrit sur l'article 4 pour le groupe NC.
Les centristes avaient formulé trois demandes.
La première était une dégressivité dans le temps de la garantie des 90 milliards, au moins après la cinquième année. Cela a été repoussé en commission. Je le regrette.
Notre deuxième demande était de ne pas donner la garantie sur les 10 milliards d'emprunts toxiques, car c'est cette garantie qui est toxique puisqu'elle va déstabiliser la justice, la responsabilité des élus locaux et déresponsabiliser l'État.
Notre troisième demande a, quant à elle, été votée. Il s'agit d'une amélioration du dispositif d'information du Parlement, afin que nous l'ayons en juin. Un amendement et un sous-amendement ont été adoptés. Si je ne l'ai pas déposé à nouveau, c'est que nous n'étions que deux ou trois de mon opinion mais, comme chacun sait, ce sont toujours les minorités qui in fine ont raison.
Vous laissez beaucoup espérer le groupe GDR par vos propos, monsieur de Courson !
Avant l'examen de cet article, je voudrais non pas reprendre la discussion générale, mais essayer d'avoir quelques précisions et en donner moi-même.
À propos du risque, j'ai entendu certains de nos collègues de la majorité indiquer que les 10 milliards d'euros jugés comme présentant des risques non chiffrables n'étaient pas aussi risqués qu'on voulait bien le dire. Dans ces conditions, je ne comprends pas que l'État apporte sa garantie à une partie de ces risques pour une durée indéterminée, car il me semble que le fait même d'apporter cette garantie pour une durée indéterminée prouve bien que ce risque n'est pas chiffrable, et apporter sa garantie à la Caisse des dépôts est bien le moins que l'on puisse attendre de l'État quand on sait le rôle qu'il demande à la Caisse de jouer.
Mais, et j'ai là un raisonnement à rebours de celui de M. de Courson, puisque ce risque est non chiffrable et que l'Etat refuse de le faire courir à la Caisse des dépôts pour 6,55 milliards d'euros, pourquoi refuser cette garantie pour les 3 milliards et quelque qui restent et dont on sait qu'à partir de 2021, ils ne seront plus garantis par l'État ?
La Caisse des dépôts se retrouvera alors avec pour seul interlocuteur Dexia, ou ce qu'il en restera, car à supposer que cette banque existe encore, on peut craindre quant à sa solvabilité. Une menace pèse donc sur la Caisse des dépôts, non pas cette année, non pas l'an prochain, mais dans dix ans. Bien que cette période puisse paraître longue à certains, je pense qu'il était important que les choses soient dites. Je m'y efforce donc.
De plus, monsieur le ministre, quand vous nous indiquez que la commission refuse, sous peine de la qualifier d'aide d'État une garantie qui aille au-delà d'une certaine durée, je pourrais éventuellement le comprendre pour ce qui est de la garantie apportée par l'État pour le refinancement du stock de 90 milliards d'euros qui va être logé dans Dexia Banque Belgique, mais je ne comprends pas que ce raisonnement puisse s'appliquer à ce que l'État apporterait comme garantie à la Caisse des dépôts et consignation.
Que je sache, la Commission n'a quand même pas à être saisie si l'État français apporte sa garantie à la Caisse des dépôts. Je veux bien accepter ce que vous nous dites pour la garantie apportée à Dexia mais pas qu'on mette en avant un refus de la Commission au motif qu'il s'agirait d'une aide d'État, dès lors que la garantie est apportée à la Caisse des dépôts.
Un point d'histoire, puisque le rapporteur général a jugé utile de préciser que c'est en 2000 que FSA a été achetée par Dexia. Ce ne fut certainement pas la meilleure des décisions qui fut prise. Pour autant, cette entité a été vendue et la garantie d'État qui avait été demandée et accordée n'a pas eu à être mobilisée. Donc l'affaire ne se termine pas mal.
La vérité est que c'est le bilan de Dexia qui a enflé démesurément et qui a amené non pas à son démantèlement mais à sa restructuration ordonnée, puisque telle est l'expression que vous souhaitez que nous utilisions.
C'est cette inflation du bilan qui est responsable de l'éclatement en 2008. Pour votre information, je vous signale que ce bilan était de 257,8 milliards d'euros en 2000, de 350 milliards d'euros en 2002 certes, mais de 650 milliards d'euros en 2008, soit une inflation de 300 milliards d'euros. J'ai tendance à penser, monsieur le rapporteur général, que cette inflation a joué un rôle plus important dans la crise qu'a connue Dexia que l'inflation de 100 milliards d'euros que vous avez dénoncée tout à l'heure à la tribune, même si je peux comprendre l'intérêt qu'il y avait à rappeler l'achat de FSA.
Quant aux dirigeants, je comprends votre argument – Dexia est une société de droit belge, les choses avaient été décidées en 2006, la majorité les avait acceptées – mais quand même, chacun sait qu'en 2008 Dexia ne pouvait « persévérer dans l'être », pour reprendre votre expression...
…qu'à partir du moment où les États apportaient leur aide, 1 milliard pour l'État, 2 milliards pour la Caisse des dépôts. Était-il inimaginable, pour les représentants de l'État qui négociaient au nom de la France, d'envisager de dire clairement que cette aide ne serait versée qu'à la condition que les membres du conseil d'administration de Dexia reviennent sur les libéralités extravagantes consenties et à Pierre Richard et à Axel Miller ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Je rappelle que, pendant vingt ans, M. Pierre Richard recevra 600 000 euros par an.
À l'époque, en 2008, le gouvernement français ne s'y est pas opposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je serai bref puisque le sujet a été largement évoqué en commission et en séance. Je propose, par cet amendement, d'établir le lien entre la garantie accordée par Dexia et Dexia Crédit local SA à Dexia Municipal Agency et, au-delà, de prendre en compte le besoin de garantie de l'État.
L'amendement est volontairement suffisamment imprécis pour ne pas tomber sous le coup de l'article 40, comme cela s'est passé pour les amendements qui ont été déposés par Jean-Pierre Balligand.
De ce fait, il est sans doute insuffisamment précis. J'attends donc avec impatience l'avis du ministre, compte tenu de ce qu'il a évoqué tout à l'heure sur le droit communautaire. Il faut bien qu'au-delà de l'échéance de 2021, on sache si la Caisse des dépôts sera encore couverte par une garantie dès lors qu'un risque persisterait, ceci ayant un impact direct sur les fonds propres en risque qu'il faudra mettre à l'occasion de l'acquisition de DexMA et donc sur la faisabilité de cette opération.
C'est un amendement de la commission mais j'y étais défavorable, pour les raisons que vient d'évoquer M. Bouvard : la rédaction me paraît très incertaine.
On ne sait pas par qui seraient honorés ces engagements et on ne sait pas du tout à quoi renvoient les termes « en toutes circonstances ».
En revanche, pour répondre à la question posée par Jean-Pierre Balligand et Michel Bouvard, je voudrais dire qu'à l'horizon de 2021, certes les 3 milliards ne seront plus couverts par la garantie générale des États, qui permet d'être sûr de la garantie interne du groupe Dexia. Mais nous saurons alors quelle est vraiment la nature du risque parce que les éventuels contentieux auront commencé d'être jugés.
Par ailleurs, les 3 milliards qui restent auront, compte tenu de la maturité des prêts, été réduits probablement des deux tiers. Il restera donc environ 1 milliard, sur lequel la quantification du risque aura été correctement appréciée, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Compte tenu des relations étroites qui existent entre l'État et la Caisse des dépôts, cette question pourra être traitée correctement le moment venu.
Sur ce point, je me suis efforcé de répondre, dans un premier temps, à l'occasion de la motion de procédure défendue par M. Eckert, dans un second temps à la tribune, parce que ce sujet est d'importance et que je souhaitais répondre aux interrogations à la fois de Michel Bouvard et du conseil de surveillance de la Caisse des dépôts sur le caractère pérenne de l'accompagnement de l'État pour que la caisse ne soit pas déstabilisée, « fatiguée »par le processus.
Le Gouvernement a la même position que le rapporteur général. L'engagement que vous demandez, monsieur Bouvard, peut poser des problèmes de constitutionnalité, notamment parce que le Parlement ne peut pas stipuler pour le compte d'autrui. Il s'agit d'une convention passée entre deux sociétés de droit privé, Dexia et DMA.
Je comprends parfaitement votre volonté de vous assurer que Dexia respectera ses engagements à l'égard de la Caisse des dépôts pour le compte de DMA. La garantie de financement y répond en permettant à Dexia d'honorer tous ses engagements à l'égard de tous ses créanciers, y compris DMA et donc à l'égard de la Caisse des dépôts. Au passage, je réponds au président de la commission que ce ne sont pas des garanties données à la Caisse des dépôts, ce sont des garanties données à Dexia.
C'est la raison pour laquelle votre argument tombe en réalité.
La rédaction de l'amendement est, comme vous l'avez vous-même noté, monsieur Bouvard, très englobante et peut poser un problème au regard du droit communautaire.
On peut évidemment discuter mais sachez que je vais aller, au nom du Gouvernement, devant la Commission européenne, en l'occurrence devant M. Almunia, plaider la cause de l'État français. Je ne serai pas le seul, l'État belge plaidera sa cause, l'État luxembourgeois fera de même. Le risque étant systémique, c'est l'argument que nous ferons valoir au nom de l'intérêt collectif. Mais la Commission s'appuie sur le droit, sur ses directives, et donc la discussion sera délicate.
J'ai d'ailleurs rappelé, dans mon discours introductif, que le texte qui sera voté, je l'espère, sera conditionné par l'approbation de la Commission elle-même. C'est normal, nous sommes dans un État de droit. En l'occurrence, il s'agit de faire appel au droit européen sur la requalification des aides de l'État selon les dispositifs particuliers. Nous sommes dans un cas particulier et face à un risque particulier, puisque ce risque est systémique.
Ce qui est en jeu, c'est de s'assurer qu'en 2021, la Caisse des dépôts ne se retrouve pas à supporter des pertes issues d'un défaut éventuel de Dexia. Bien évidemment, nous aurons l'occasion de revoir la question le moment venu, notamment pour apprécier le montant des encours résiduels et les risques qui lui sont associés.
L'engagement que le Gouvernement peut prendre devant la représentation nationale, je vous remercie de comprendre qu'il ne peut pas aller au-delà, est qu'en 2021, si nécessaire, il sera demandé au Parlement de se prononcer sur les moyens donnés à Dexia pour honorer l'intégralité de ses engagements.
Je souhaite que vous soyez nombreux sur ces bancs en 2021 pour voir si l'engagement est tenu ! (Sourires.)
C'est une forme de clause de rendez-vous qui est proposé, pour ne pas dire imposé, par le Gouvernement à ses successeurs pour 2021, de telle sorte que la Caisse des dépôts puisse continuer à avoir l'assurance que l'État restera à ses côtés dans cette affaire.
À la lumière de ces précisions, monsieur Bouvard, peut-être pourriez-vous accepter de retirer votre amendement, le Gouvernement en serait évidemment très honoré.
Je voudrais remercier le ministre pour la précision qu'il a apportée. Il est exact que l'État n'apporte pas sa garantie à la Caisse des dépôts mais se contente d'apporter la contre-garantie à la garantie de Dexia.
C'est en effet Dexia qui garantit à la Caisse des dépôts que celle-ci n'aura pas à assumer les débours liés à ces risques non chiffrables que représentent les produits potentiellement toxiques. À ceci près que la Caisse des dépôts a tellement peu confiance dans Dexia que c'est elle qui a demandé la contre-garantie de l'État, de sorte que si Dexia faisait défaut, ce soit l'État qui soit appelé. Mon argument dès lors ne tombe pas, au contraire : c'est précisément parce que Dexia est très faible et peu fiable que la Caisse des dépôts demande la contre-garantie de l'État.
Au demeurant, on peut comprendre la Caisse des dépôts. Quelle est cette structure Dexia qui garantit les 10 milliards de risques non chiffrables que la Caisse des dépôts et consignations va désormais abriter si, mes chers collègues, vous votez ce projet ? C'est une structure qui se contentera d'abriter dans ses livres 90 milliards d'actifs dont nous ignorons en réalité tout ou presque. Il y a certes des entités comme une succursale en Turquie, probablement de bonne valeur, mais il y a davantage d'actifs dont on ignore en vérité la valeur. C'est tellement vrai que nous devons très clairement envisager que l'État actionnaire de cette structure aura pour le quart, c'est-à-dire sa participation au capital, à assumer les pertes que ces 90 milliards d'euros finiront par laisser aux actionnaires.
Le fait que la Caisse des dépôts ait demandé et ait obtenu la contre-garantie de l'État à la garantie de Dexia prouve bien qu'il ne fallait pas accorder cette contre-garantie à seulement 70 % mais bien à la totalité, sauf à exposer à terme la Caisse des dépôts à des débours qu'elle n'a pas légitimement à assumer.
Je suis en désaccord total avec le président de la commission sur ce point parce qu'il mélange volontairement la question générale de Dexia avec la question particulière de la contre-garantie de l'État.
En fait, une partie des créances, c'est-à-dire des prêts que Dexia a consentis aux collectivités françaises, est placée dans la structure que l'on appelle DexMA. Il conviendra d'ailleurs de changer ce nom parce que s'appeler Dexia Municipal Agency quand on distribue des prêts à des collectivités locales françaises, à des bailleurs sociaux ou à des hôpitaux français, paraît un peu curieux.
Le total des créances françaises pour des organismes français, à peu près 77 milliards d'euros, sont logées dans cette entité DexMA, qu'on appellera, je l'espère, Crédit local de France. Des risques existent sur 10 milliards – ce qu'on appelle des prêts toxiques. Une commission d'enquête, que préside Claude Bartolone et dont le rapporteur est Jean-Pierre Gorge, a été créée pour apprécier le degré de risque et la manière de s'en sortir.
La Caisse des dépôts, qui va devenir l'actionnaire majoritaire de DexMA, dit, à juste titre, qu'elle est prête à reprendre les 77 milliards de créances mais elle veut avoir une garantie sur les 10 milliards qui peuvent poser problème – faute de quoi, cela va lui coûter en fonds propres et dégrader son bilan. La solution, c'est que l'État apporte une contre-garantie sur ces 10 milliards.
Mais c'est là qu'intervient une autre considération. Si l'État apporte une garantie totale sur ces 10 milliards, il risque d'entraîner une déresponsabilisation générale des emprunteurs.
Il peut être tentant, quand on est juge dans le cadre de contentieux, de tenir le raisonnement suivant : puisque c'est l'État qui est derrière et que l'État est toujours solvable…
…au nom de la solidarité nationale, venons au secours de collectivités qui ont signé des contrats, parfois en toute ignorance, et donc, de bonne foi, mais souvent en parfaite connaissance de cause. Car, mes chers collègues, quand un banquier propose un prêt qui, pendant trois ans, jusqu'aux élections, par exemple, produira zéro intérêt, on devrait tout de même se poser la question de savoir ce qu'il risque de se passer ensuite…
La Caisse des dépôts, qui reprend l'ensemble des créances, demande une garantie. L'État ne veut pas d'une garantie à 100 % qui risquerait de déresponsabiliser le débiteur. Une franchise de 500 millions d'euros en cas de contentieux qui prospèrerait est donc proposée, puis, sur chaque opération, une franchise de 30 % du coût de l'opération. De cette façon, la Caisse des dépôts est protégée et nous maintenons un minimum de responsabilisation des emprunteurs qui, parfois, ont signé ce qu'ils n'auraient jamais dû signer. Nous sommes là au coeur de la notion de responsabilité qu'en tant que dirigeants d'exécutifs locaux, nous revendiquons tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
…qui consiste à tout mélanger ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Bien entendu, les emprunts contractés par les collectivités locales et la notion de responsabilité posent problème. Nous en avons parlé tout à l'heure en commission des finances. Mais ce n'est pas le sujet.
Notre collègue Michel Bouvard a rédigé un amendement pour contourner les miens qui figuraient sur le jaune, mais ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 – paraît-il. Ils étaient pourtant passés en commission des finances, mais cela devait être une erreur…
Quoi qu'il en soit, je ne souhaite pas provoquer un incident. Pour ce qui me concerne, je n'ai fait que reculer les dates : au lieu d'une garantie décennale, qui me semblait insuffisante, sur les 70 % des 10 milliards déclarés comme étant à risque, j'ai proposé que l'on recule l'échéance soit à 2031, soit à 2041. Bien entendu, pendant ce temps, on apure. On m'a objecté que ce serait impossible, du fait de la Commission de Bruxelles. Pour ne pas tomber sous le coup de l'article 40, Michel Bouvard a rédigé différemment son amendement. Néanmoins, le ministre lui demande de le retirer.
Monsieur le ministre, je vais vous poser quelques questions précises sur le titre II, concernant Dexia Municipal Agency. Vous annoncez une garantie portant sur les engagements que Dexia aura pu prendre dans le cadre de l'adossement de sa filiale Dexia Municipal Agency. Pourriez-vous nous renseigner sur l'audit de DMA, qui est la Société de crédit foncier du groupe Dexia ? Autrement dit, pouvez-vous garantir actuellement l'ensemble des comptes de Dexia Muncipal Agency, en particulier l'équilibre du bilan, y compris les comptes hors bilan, la qualité des actifs, les hypothèses de gap de liquidité et de maturité retenues ? Faute de quoi, monsieur le ministre, qui sera chargé de cet audit et de la garantie pour l'État des comptes de Dexia Municipal Agency ? Et, dans ce cas, dans quels délais cette expertise sera-t-elle rendue ?
Enfin, si vous avez la connaissance pleine et entière de l'état des comptes de Dexia, qu'en est-il des swaps dans lesquels Dexia Municipal Agency a pu s'engager ? Je vous rappelle que les swaps sont hors bilan.
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous répondiez à ces questions, car notre collège Bouvard va sans doute retirer son amendement – il en parle déjà à l'imparfait ! Nous voulons pouvoir apprécier la nature du risque, qui engendrera à l'évidence des pertes pour la Caisse des dépôts.
Je précise qu'il n'y a plus que deux intervenants inscrits : M. de Courson et M. Emmanuelli.
Ensuite, soit nous passons au vote, soit M. Bouvard nous informe qu'il retire un amendement sur lequel nous débattons depuis un quart d'heure.
M. Bouvard l'a avoué, le véritable objet de cet amendement est de garantir à 100 % la Caisse des dépôts et consignations au-delà de 2021 sur ce qui restera des 10 milliards d'emprunts dits structurés. Voilà le débat. La question est : par qui les engagements seront-ils honorés ? Michel Bouvard ne peut pas le dire, mais il sait bien que c'est par l'État. Par ailleurs, que signifie « en toutes circonstances » ?
Pour ma part, j'ai défendu la thèse inverse : je considère qu'il y a déresponsabilisation si l'on offre une garantie de 70 % ; a fortiori de 100 %.
Il faut, bien sûr, voter contre cet amendement.
Monsieur le rapporteur général, monsieur de Courson, je ne comprends pas votre thèse sur la responsabilisation ou la déresponsabilisation. Cela n'a pas de sens ! Quand on consent un prêt à une collectivité locale, elle le doit. Si le créancier lui demande le remboursement, il ne s'agit ni de responsabilité ni d'irresponsabilité. En tout cas, si ce concept doit s'appliquer, il s'applique au créancier, pas au débiteur.
Ensuite, monsieur le rapporteur général, je ne comprends pas : vous parlez de responsabiliser. Pourquoi, dans ce cas, demander la garantie de Dexia ? Si vous voulez responsabiliser, allez jusqu'au bout de votre raisonnement ! Ne demandez pas la garantie de Dexia ! Mais vous ne pouvez pas dire qu'il n'est pas nocif de demander une garantie, sauf si c'est la garantie de l'État. Cela n'a ni queue ni tête !
Compte tenu de la réponse du ministre, considérant que le risque résiduel constaté en 2021 pourrait faire l'objet d'une prolongation de la garantie, j'estime que l'attente de la Caisse des dépôts est satisfaite.
Je retire donc les deux amendements.
Défavorable.
(L'amendement n° 2 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 4 .
La parole est à M. Charles de Courson.
Il s'agit d'informer le Parlement.
Le Gouvernement a inscrit dans le texte une disposition que nous avons essayé de compléter en demandant que le Gouvernement rende compte annuellement avant le 1er juin, ce qui nous permettra d'investiguer avant de voter la loi de finances.
Je vais faire une suggestion, également en relation avec le précédent amendement de M. Bouvard.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous proposer la même solution qu'en 2008 ? Afin que le Parlement puisse jouer parfaitement son rôle de contrôle et être informé le plus vite possible, le Gouvernement avait accepté, à notre demande, de créer par un décret, paru en décembre 2008, un comité de pilotage, constitué des deux présidents des commissions des finances, des deux rapporteurs généraux, du gouverneur de la Banque de France, du directeur du Trésor et du directeur du Budget. Ayant participé à des réunions de ce comité pendant l'année 2009, nous avions estimé que c'était une bonne formule.
Certes, une telle disposition ne relève pas de la loi, mais du règlement. Toutefois, nous pourrions nous inspirer utilement de l'exemple de 2008.
Monsieur le rapporteur général, je suis très favorable à cette initiative.
Je suis prêt, dès le vote et la promulgation de la loi, à prendre le décret et à mettre en place ce comité de pilotage. J'y vois des vertus en termes d'organisation et de rendez-vous. C'est au minimum une fois tous les six mois. Mais, en réalité, c'est en tant que de besoin. Ce comité de pilotage, dans la composition qui avait été envisagée, est à mon avis le plus pertinent. Il peut être réactivé et nous prendrons un décret s'il en est ainsi décidé.
Je peux même dire que j'aurais été favorable s'il avait fallu l'inscrire dans la loi, car je suis convaincu que le Parlement doit être associé du point de départ jusqu'au point d'arrivée de la procédure d'un dossier tel que celui-ci.
(L'amendement n° 4 est adopté.)
(L'article 4, amendé, est adopté.)
Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi de finances rectificative pour 2011.
Conformément à la décision de la conférence des présidents, nous allons maintenant procéder aux explications de vote et au vote par scrutin public sur l'ensemble de ce projet de loi.
Le projet de loi dont nous venons de débattre illustre deux facettes du débat politique.
La première, c'est que la majorité sait faire face à ses responsabilités par un projet de loi adapté et nécessaire. Il a été fort bien décrit pendant nos débats en commission des finances, ainsi que dans cet hémicycle. Du fait de l'assèchement des marchés financiers et, cet été, de la crise de la dette souveraine, il fallait trouver la capacité de rétablir l'accès aux liquidités de la banque Dexia. C'est ce qui fut fait à travers une restructuration logique et efficace, comme l'a décrite Gilles Carrez, restructuration qui va redonner un nouveau souffle à la banque Dexia et, en l'occurrence, à la banque de financement des collectivités territoriales. Celle-ci servira sur le marché français l'ensemble des collectivités territoriales qui ont besoin de financer leurs investissements. Telle est la première facette de ce texte : la prise de responsabilité du Gouvernement, du ministre de l'économie et des finances, François Baroin, et de la majorité.
La deuxième facette, c'est que, pour ce qui est de l'opposition, nous avons tous un regret. Sur un dossier aussi sérieux, sur lequel nous avons eu tant de discussions, que ce soit, pendant des semaines, avec les présidents des collectivités concernées, ou à travers la mise en place de la mission d'évaluation des risques s'agissant des emprunts supposés toxiques, majorité et opposition savaient faire preuve de responsabilité.
Au fond, chers collègues, nous attendions de vous cette même responsabilité dans un débat qui n'est en rien polémique ou politique. Vous avez d'ailleurs été nombreux à reconnaître la responsabilité de l'équipe actuelle de direction de Dexia, qui a tout mis en oeuvre pour sortir la banque de la situation dans laquelle elle se trouvait. Vous-même, monsieur Emmanuelli, en êtes convenu.
Bref, peu de choses nous opposent sur le fond. À l'exception d'une posture ; une posture politique consistant à dire que Dexia résulte de l'irresponsabilité bancaire, de l'exagération des bonus des uns et des retraites chapeau des autres. Vous pratiquez l'amalgame et c'est ce que nous vous reprochons.
Il faut parfois faire preuve de responsabilité politique et cesser tout amalgame. Il faut faire la part des choses : si Dexia se retrouve dans cette situation, ce n'est pas à cause des retraites chapeau et des bonus, mais à cause de la crise des dettes souveraines et de l'assèchement des marchés financiers.
Il y avait deux possibilités : nous pouvions faire preuve d'une grande responsabilité en votant tous ensemble un projet de loi équilibré et juste ou bien rester chacun sur ses positions. De notre côté, nous avons choisi la responsabilité ; du vôtre, vous avez fait le choix de la politique politicienne. Ce sera notre grand regret de ce soir, mais le groupe UMP votera ce projet de loi avec la responsabilité et le sérieux qui caractérisent notre majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je fais d'ores et déjà annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée.
La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe SRC.
Notre collègue Jérôme Chartier est un peu gonflé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Depuis le début de cet après-midi, nous n'avons cessé de débattre sur des faits, du réel, en posant des questions techniques et n'avons à aucun moment développé de posture politicienne.
Le seul moment où le débat a pris des allures politiciennes, c'est lorsque vous l'avez fait porter, monsieur le ministre, sur les primaires du parti socialiste. Je ne vois pas, en effet, ce que cela avait à faire ici ! Mais vous avez le droit à une erreur dans l'après-midi !
J'en profite pour vous répondre monsieur le ministre, sur plusieurs points. Vous nous avez dit que, voter contre ce texte, c'était se prononcer contre la sécurisation des dépôts des épargnants belges. Mais il n'est pas question de se prononcer sur ce sujet, car seule la partie française est concernée par ce projet ! Vous nous avez traités d'irresponsables parce que refuser ce projet signifiait s'opposer à la sécurisation du fonctionnement du crédit aux collectivités territoriales. C'est faux encore une fois ! Nous n'avons eu de cesse de vous expliquer que revenir à une structure publique, il est vrai adossée à la Caisse des dépôts et à La Banque Postale, qui servira sur le flux à venir des emprunts des collectivités locales, était une belle chose.
Nous allons voter contre ce projet de loi, mon cher Jérôme Chartier, pour trois raisons principales. Tout d'abord, et excusez-moi de l'expression, on ne nous dit pas tout. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
On ne nous dit pas tout, alors que nous posons des questions très précises ! Jean-Pierre Balligand vient d'en poser toute une série et il n'a obtenu aucune réponse dans ce débat ! Mes chers collègues, lorsque l'on s'apprête à faire porter par la Caisse des dépôts une structure comme celle de Dexia, on doit donner toutes les informations sur le contenu du bilan et du hors bilan.
Ensuite, contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur le ministre, nous voulons aussi souligner le défaut de surveillance. Lorsque j'ai évoqué le mauvais fonctionnement de l'ACP, vous m'avez répondu qu'elle n'existait pas avant 2008. Si vous m'aviez écouté attentivement, monsieur le ministre, vous sauriez que j'ai bien précisé que l'ACP a succédé à la Commission bancaire et à l'ACAM…
…– j'y viens, monsieur Bouvard – et que la Commission bancaire était chargée de surveiller les banques. Vous m'avez répondu que Dexia était une banque belge et que l'ACP n'avait pas à intervenir au niveau des banques belges. C'est faux, mes chers collègues ! Tout établissement financier qui exerce une activité en France était, hier, soumis au contrôle de la Commission bancaire et l'est aujourd'hui à celui de l'ACP. Oui, mes chers collègues, pour fonctionner en France, toute banque dépend du code monétaire et financier et est contrôlée par l'ACP !
Enfin, cela a été répété à moult reprises – et vous-même, monsieur le ministre, avez des inquiétudes sur ce sujet – nous dénonçons le recours systématique à la Caisse des dépôts qui n'est pas un puits sans fond et qui ne trouve pas, là, l'intégralité de la garantie demandée et dans le temps, puisque cette garantie est limitée à dix ans, et dans le volume, puisqu'il a été fait à plusieurs reprises allusion à la différence entre les 10 milliards d'euros et les 6,65 milliards d'euros promis en cas de défaut de Dexia, risque important, on le sait.
Voilà, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles le groupe socialiste votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous voterons contre ce texte pour deux raisons.
Il tente, d'abord, de régler une situation certes grave : la faillite ou quasi-faillite d'une banque – Dexia – sans s'attaquer aux causes profondes de cette faillite et en faisant peser sur le dos du contribuable le règlement d'une situation créée par des critères de gestion privée. S'attaquer aux causes n'est pas possible pour vous parce que ce serait s'attaquer à la mainmise totale des marchés financiers sur l'économie, marchés financiers qui ont comme objectif un rendement des capitaux à court terme le plus élevé possible et qui ne reculent pas, pour y parvenir, devant la spéculation.
Monsieur le ministre, vous dites ne pas comprendre le vote contre, car votre proposition de garantie à Dexia serait, je vous cite, « due aux circonstances ». Avouez que cette explication est particulièrement légère.
C'est la meilleure, pourtant !
En effet, il convient de s'interroger – c'est tout de même la moindre des choses – sur ce qui crée les circonstances. Les hommes et les femmes qui font des choix politiques et économiques en sont à l'origine. Ces hommes et ces femmes ont décidé que la croissance du monde était conditionnée par la libéralisation du marché et des marchés financiers en particulier, par la liberté totale de circulation des capitaux et même par une exonération maximum des impôts. Voilà ce sur quoi repose aujourd'hui la théorie économique qui prévaut dans les pays développés, voire d'ailleurs au-delà. Parce que votre projet de loi ne s'attaque pas aux causes et se contente de colmater les dégâts des marchés financiers, non seulement il ne règle pas le problème posé, mais il risque de l'aggraver, ce qui pèsera surtout sur nos concitoyens. Nous n'avons pas à sauver les banques. Nous devons en maîtriser la gestion pour sauver le crédit à l'économie et aux collectivités locales. Ce n'est pas la même chose. L'argent existe, je n'y reviens pas. Il y en a abondamment et il nous faudrait un jour et une nuit pour citer toutes les sources d'argent qui existent dans ce monde et qui pourraient être utilisées autrement. J'ai entendu parler de contrôle. Le problème n'est pas qu'il n'a pas été sérieux, mais c'est qu'il ne pouvait pas l'être. En effet, à l'époque, réaliser des profits sur fonds propres de 15, 20 ou 25 % était considéré comme normal, voire excellent. Aujourd'hui, il faut assumer la financiarisation irresponsable de cette économie. Notre rapporteur général a déclaré que les maires ou les directeurs d'hôpitaux étaient des irresponsables et qu'ils devaient l'assumer. J'affirme, pour ma part, qu'aujourd'hui, c'est la financiarisation de notre économie qui est irresponsable. C'est de cela qu'il faut parler. Nous ne devons pas laisser les collectivités locales seules face à cette situation. Il est tout de même assez extraordinaire de demander aux victimes de payer et de laisser les coupables s'en sortir allègrement !
Nous proposons, en conséquence, pour régler cette question, que soit créé un pôle financier public suffisamment important pour permettre de consentir du crédit à l'économie et aux collectivités locales. Nous avons besoins de cela aujourd'hui et non de banques installées dans des paradis fiscaux qui spéculent et qui nous placent dans les difficultés que nous connaissons !
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons contre ce projet de loi.
Le groupe Nouveau Centre votera ce collectif. En effet, aujourd'hui, la priorité est d'assurer la continuité du financement des collectivités territoriales. Or la création d'un nouveau Crédit local de France va dans la bonne direction. Je pense que tout le monde est unanime sur ce point.
Nous regrettons, en revanche, que l'on soit allé trop loin dans les garanties en prévoyant un plafond de 39 milliards. Nous espérons que la dette publique française ne sera pas aggravée, de ce fait, par une requalification à laquelle Eurostat a procédé un certain nombre de fois et que la notation de notre pays ne s'en trouvera pas fragilisée. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je vous remercie, monsieur de Courson, pour cette intervention dense et courte !
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 75
Nombre de suffrages exprimés 74
Majorité absolue 38
Pour l'adoption 49
Contre 25
(Le projet de loi est adopté.)
Prochaine séance, mardi 18 octobre 2011 à neuf heures trente :
Questions orales sans débat.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt et une heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron