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Intervention de Jean-Claude Sandrier

Réunion du 17 octobre 2011 à 17h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2011 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Sandrier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, en 2008, la Belgique et la France avaient dû se résoudre à recapitaliser à hauteur de 6,4 milliards d'euros la banque franco-belge Dexia, née de la fusion et de la privatisation, en 1996, sous le gouvernement Balladur, du Crédit communal de Belgique et du Crédit local de France.

À l'époque, nous avions contesté de la façon la plus vigoureuse les modalités scandaleuses de ces recapitalisations, et nous avions eu raison. Car votre prétendu plan de sauvetage, adopté en catastrophe, ne prévoyait aucune contrepartie réelle. Avec vous, les chèques signés sont toujours en blanc quand il s'agit des banques et des nantis.

Vous aviez alors tenté de vendre ce projet à nos concitoyens en expliquant que les prêts à intérêt accordés par l'État permettraient de dégager une plus-value. Or le rapport publié en mai 2010 par la Cour des comptes sur les concours publics aux établissements de crédit était à cet égard édifiant. Il indiquait que « si les concours publics avaient généré des recettes ponctuelles, ils avaient aussi engendré des coûts permanents ».

Et ce n'est pas le plus grave, car vous n'avez accompagné ce plan de sauvetage d'aucune mesure de régulation nouvelle, d'aucun projet de restructuration du système bancaire, ce qui est scandaleux.

À l'exception de l'élaboration laborieuse de nouvelles règles prudentielles lors du G20 d'avril 2009, rien n'a été entrepris pour renforcer le pouvoir des contrôleurs de risques au sein des banques ou pour remettre en cause leurs activités dans les paradis fiscaux. Rien n'a été envisagé non plus pour freiner la perpétuation des rémunérations exorbitantes. Malgré les timides protestations exprimées lors du G20, les rémunérations des dirigeants des principales banques françaises sont demeurées indécentes : François Pérol, dirigeant du groupe Banque populaire-Caisse d'épargne a empoché cette année 1,6 million d'euros, Jean-Paul Chifflet du Crédit Agricole, 1,7 million, Frédéric Oudéa de la Société générale, 4,1 millions, la palme revenant à Baudouin Prot, directeur général de BNP Paribas, qui s'est vu attribuer cette année un bonus de 5 millions d'euros, ce qui porte sa rémunération totale à 6,2 millions, soit près de quatre siècles de SMIC. C'est révoltant et immoral !

Enfin, aucune contrepartie n'a été exigée pour dissuader les banques de rechercher en permanence de nouveaux marchés juteux et les contraindre à se recentrer sur leur coeur de métier, le financement de l'économie, en dehors du grotesque « code de bonne conduite » cher à Mme Lagarde.

Non, ce qui arrive n'est pas à imputer à une mauvaise gestion de Dexia, comme vous voulez le faire croire. Ce n'est pas une dérive. Non, fondamentalement, Dexia a sombré, comme les autres banques et sans doute un peu plus que les autres banques, dans les délices de la financiarisation souhaitée, décidée par les responsables politiques promoteurs du fameux « consensus de Washington ».

Ainsi, c'est le choix de l'État, des responsables politiques, que d'avoir donné le pouvoir aux marchés et aux marchés financiers en particulier.

Aujourd'hui, vous n'êtes pas face à une dérive, mais face à la créature que vous avez créée. S'il y a dérive, elle est politique. Vous avez permis aux banques, y compris Dexia, d'accéder aux marchés financiers et donc de spéculer au détriment des collectivités locales, des entreprises et de l'économie en général.

Assumez vos responsabilités, en faisant payer non pas les peuples, mais les responsables, à commencer par les marchés financiers, les banques et ceux qui, aujourd'hui, mettent leurs liquidités hors du bilan des banques pour mieux demander aux États de recapitaliser celles-ci en justifiant par là même une vaste politique d'austérité.

Vous aviez décidé en 2008 de ne tirer aucune leçon de la crise, de laisser le système en l'état, tant vous étiez persuadés que la crise ne serait qu'une parenthèse, une péripétie, que tout finirait par s'arranger, par la grâce de quelques « stabilisateurs automatiques ».

La suite nous a prouvé le contraire, mais vous croyez encore qu'il est possible de sauver un système à bout de souffle en en faisant payer la facture aux peuples, plutôt que de prendre le pouvoir sur les marchés financiers.

Cette tentative de sauvetage d'un capitalisme financier en déroute vous conduit à improviser et à enchaîner, à chaque panique des marchés, les mesures d'urgence. Le présent projet de loi qui vise à accorder la garantie de notre pays au plan de restructuration arrêté par le conseil d'administration du groupe Dexia le 10 octobre dernier en offre une nouvelle illustration. Ce plan comprend trois opérations d'envergure à réaliser à court terme : vous êtes dans le sauve-qui-peut !

Emportés par votre élan, vous passez sous silence le fait que, en juillet dernier, Dexia annonçait avoir largement réussi les tests de résistance des banques européennes. Les conclusions de ce test étaient catégoriques : « Il apparaît que Dexia n'aurait pas besoin de fonds propres supplémentaires pour résister au scénario dégradé à deux ans, y compris en cas de nouveau choc lié aux dettes souveraines. » Nous mesurons aujourd'hui la fiabilité de ces prétendus tests de résistance. Je vous propose d'organiser plutôt la résistance aux tests, la résistance aux agences de notation et la résistance aux marchés financiers. C'est sans doute plus difficile, mais le résultat serait largement meilleur que celui qui consiste à se présenter la corde au cou devant les marchés financiers.

Vous indiquez en second lieu que « les gouvernements français, belge et luxembourgeois se sont engagés à apporter leur garantie au groupe Dexia afin de restaurer la confiance des investisseurs et à donner l'assurance à ses clients, dont les déposants et les collectivités locales, ainsi qu'à ses créanciers, que Dexia sera en mesure de continuer à honorer ses engagements ». Vous accordez une nouvelle fois la priorité au rétablissement de la confiance des spéculateurs et des fauteurs de crise. Vous êtes dans la fuite en avant.

La création en France d'une nouvelle banque pour les collectivités locales, adossée à la Caisse des dépôts et consignations et à la Banque postale, pourrait représenter une avancée, mais le fait de garantir les titres les plus toxiques de Dexia, hérités de ses opérations les plus spéculatives et cantonnés dans une structure de défaisance, pose problème. Nous le savons, les parlementaires qui composent la commission de surveillance de la Caisse des dépôts ont cherché à éviter de reprendre les créances risquées, soit les obligations d'État grecques et italiennes et les crédits toxiques distribués par Dexia aux collectivités locales. Huit instances judiciaires sont en cours et, en cas de victoire des communes, départements, ou hôpitaux concernés – ce qui ne serait que justice –, les pertes pourraient se solder en milliards d'euros.

Je suis d'ailleurs étonné de la prise de position de notre rapporteur, Gilles Carrez, demandant que les juges renvoient les élus locaux et directeurs d'hôpitaux face à leurs responsabilités : c'est confondre les victimes avec les coupables. Qui a inventé et laissé faire la politique des emprunts toxiques ? C'est à cette question qu'il faut répondre !

Nous ne nous satisfaisons pas de la logique de socialisation des pertes à l'oeuvre dans ce projet. À tout le moins renforce-t-elle notre exigence de disposer réellement d'une véritable banque publique des collectivités locales, d'un outil de financement performant dont la politique du crédit cesserait d'être animée par la seule rentabilité financière.

Nous militons depuis des années, vous le savez, pour que soit créé un grand pôle financier public. Vous vous êtes de fait trouvés contraints d'en poser la première pierre à l'occasion de la restructuration de Dexia. Nous avons aujourd'hui la possibilité, autour de la Caisse des dépôts et de la Banque postale avec ses 322 milliards d'euros d'encours, non seulement de créer une banque qui financerait les communes et les départements, mais également de mettre en place un pôle bancaire susceptible de mobiliser l'épargne populaire au profit du tissu économique, de proposer des prêts à taux réduits pour les entreprises afin de favoriser la création de richesses réelles, l'investissement créateur d'emplois, d'accompagner les entreprises dans leur transition écologique.

Vous agissez aujourd'hui en reculant, vous êtes sur la défensive, pris dans la logique d'un sauve-qui-peut face à la pression croissante des marchés financiers.

Dans ces circonstances, et parce que vous n'avez tiré aucune leçon de la crise de 2008 et de l'ouverture aux marchés financiers, alors que, actuellement, les banques ne prêtent pas aux collectivités, ni aux PME, qu'aucune garantie pour 2012-2013 n'est apportée aux collectivités pour financer leurs investissements, que rien n'est arrêté sur les emprunts toxiques sur lesquels il faudrait pour le moins un moratoire, que la banque nouvelle est à la fois sous-dimensionnée face à l'ampleur de la crise et que ses critères de fonctionnement ne sont pas en conformité avec l'objectif affiché, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche ne pourront que rejeter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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