S'agissant de la part d'emprunts douteux sur les 77 milliards, vous pensez qu'elle s'élève à 10 milliards, mais sans certitude. Il est vrai que cela dépend du seuil à partir duquel on utilise le mot « douteux », mais en tout cas vous n'êtes pas du tout sûr de la somme. De plus, concernant ces 10 milliards, le risque de défaut n'est pas quantifié. Il me semblait pourtant qu'après le discours de Toulon, les autorités de contrôle seraient en mesure de connaître la nature, le volume et les destinations des engagements des organismes bancaires, particulièrement de ceux qui avaient déjà dû appeler au secours. Dans un tel contexte, vous comprenez que la confiance n'y est pas.
Quels sont nos objectifs ? Quelles sont nos obligations devant une pareille situation et un pareil texte ?
Premièrement, il s'agit de protéger les intérêts de la Caisse des dépôts et consignations. Là-dessus, nous sommes tous d'accord. L'attachement à la Caisse des dépôts, notamment à la commission des finances mais aussi sur la plupart des bancs, est tout à fait partagé. Chacun sait en effet que c'est un outil important et solide qui permet de financer, outre le logement social, sa mission la plus connue, d'autres missions d'intérêt général. J'ai ainsi vu avec intérêt qu'elle était prête à s'engager dans des opérations concernant les personnes âgées et la dépendance. Il y a dans ces domaines des pistes de travail intéressantes. Notre commission reçoit régulièrement ses dirigeants et nous devons protéger la Caisse.
Avec son brio habituel, le président Cahuzac a évoqué la différence existant entre ces fameux 10 milliards d'euros et les 6,65 milliards d'euros promis en cas de défaut, et en tout cas garantis par l'État. Nul besoin d'être agrégé de mathématiques pour constater que ce différentiel atteint 3,35 milliards d'euros. La Caisse des dépôts risque d'être privée de cette somme – peut-être pas tout de suite, c'est vrai, car on repousse le tas comme en 2008 et à plusieurs reprises –, ce qui est inacceptable.
C'est la première raison qui nous porte à considérer que ce texte ne garantit pas les intérêts de la Caisse des dépôts et consignations.
Nous sommes un peu plus nuancés à propos du deuxième objectif : continuer à permettre le financement des collectivités territoriales. Il est sain qu'un nouveau véhicule – pour utiliser le jargon financier – ou qu'une nouvelle banque publique – pour parler simplement – soit créée et adossée à la Caisse des dépôts et la Banque Postale, avec pour mission de faciliter le financement des collectivités territoriales. Les banques classiques, privées, ne vont plus facilement sur ce marché où les marges sont généralement plus faibles. C'est donc plutôt une bonne chose que de créer une telle banque.
Cependant, monsieur le ministre, pourquoi obliger ce nouvel outil ainsi créé au service des collectivités territoriales à reprendre les 77 milliards d'euros d'actifs dont une dizaine de milliards d'euros d'actifs douteux ? Cela ne favorise pas l'opération et accroît le risque.
La durée de la garantie qui court jusqu'en 2021 peut aussi poser problème et pas seulement en cas de défaut de paiement. Le texte dit en substance que l'État se substituera à Dexia pour assumer les charges liées aux engagements de cette dernière. Non seulement l'État devra couvrir les défauts de paiement, mais il devra aussi assumer les charges engendrées par les procédures judiciaires, si Dexia venait à être condamnée au profit des collectivités territoriales.
Désolé de vous le dire, monsieur le ministre, mais ce texte est présenté dans des conditions extrêmement floues sur les chiffres et sur les contenus, mais aussi sur les montants des transactions envisagées. Personne n'a été capable de nous donner le coût du rachat de Dexia par la nouvelle structure – on parle de quelques centaines de millions d'euros. Vous allez invoquer des raisons de confidentialité, me dire qu'il s'agit là de sociétés cotées et de transactions qui sont en cours de négociation. Certes, mais s'agissant d'outils aussi structurants pour l'État et les collectivités territoriales, il est quand même curieux de nous demander de légiférer dans une telle incertitude.
Vous n'allez pas manquer de me demander : quelles sont vos propositions ? Après vous avoir dit tout le mal que nous pensons de ce texte, j'en viens à ce que nous aurions fait si, par hasard, nous avions été conduits à la découvrir comme vous.
Je le répète : nous restons favorables à la création d'un nouvel organisme, un peu sur le modèle de ce qui s'appelait la CAECL ou le Crédit local de France, il fut un temps. Mais nous souhaitons que cet outil soit réservé au flux des nouveaux emprunts que les collectivités locales pourraient souscrire.