La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à la défense (n° 2857, annexes 10 et 11, nos 2961, 2862).
La parole est à M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour la préparation de l'avenir.
Monsieur le président, monsieur le ministre de la défense, mesdames et messieurs les députés, la force d'un pays est d'abord économique, ensuite diplomatique et, bien entendu, militaire. Lors des universités d'été de la défense, brillamment organisées par la commission de la défense et le ministère en septembre dernier, le président de la commission de la défense britannique à la Chambre des Communes a déclaré que l'intervention du Président Sarkozy pendant la crise géorgienne, en août 2008, avait été « extrêmement efficace ». La diplomatie française est reconnue, la France doit rester une grande puissance économique, diplomatique et militaire.
Militairement présente sur de nombreux théâtres d'opérations, la France joue un rôle majeur, par sa contribution au maintien de la paix, dans de nombreuses régions du monde. Son industrie de défense, performante et moderne, lui permet de jouer un rôle moteur dans l'économie nationale et d'être présente sur le marché des exportations de matériels de défense.
L'ensemble du budget de la mission « Défense » s'élèvera, en 2011, à 41,9 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et à 37,4 milliards d'euros de crédits de paiement, ce qui correspond à une stabilisation par rapport à l'année dernière. Ainsi que le développera dans son propos mon homologue Louis Giscard d'Estaing, ce niveau de ressources est fondé sur des estimations de recettes exceptionnelles sur lesquelles nous devons rester vigilants.
Le ministère de la défense poursuit la mise en oeuvre de son plan de modernisation, qui se traduit par un recentrage intelligent de ses moyens humains, techniques et financiers sur ses priorités opérationnelles. Il s'agit d'un effort qui ne trouve de comparaison dans aucune des autres administrations du pays, ce que l'on peut d'ailleurs regretter.
Surtout la France reste, avec les États-Unis et le Royaume-Uni, la seule puissance présente militairement de manière permanente sur les cinq continents, du fait de ses départements et territoires d'outre-mer, de ses forces prépositionnées dans des pays alliés ou d'opérations extérieures en cours.
N'oublions pas qu'une proportion élevée des sommes investies dans le secteur de la défense revient ensuite à l'État sous forme fiscale et sociale. Je vous rappelle en effet que, dans notre pays, la dépense publique représente 57 % du PIB. Les crédits investis n'alimentent pas seulement une industrie tournée vers le militaire : la plupart des grands entrepreneurs du secteur – EADS, Thalès, Dassault, Safran – développent des activités duales, à la fois militaires et civiles. Tout euro investi dans la recherche militaire conduit immanquablement à des progrès techniques qui sont, la plupart du temps, transposables dans le civil.
Cette technologie duale, qui s'applique, par exemple aux avions ou aux hélicoptères, bénéficie ensuite aux projets civils, lesquels profitent des progrès accomplis en matière de matériaux composites ou d'avionique ; c'est aussi le cas pour les satellites et les lanceurs, le réseau Internet à très haut débit, les observations climatologiques, les techniques du laser, les nanotechnologies et bien d'autres domaines. Les Américains l'ont bien compris, qui « arrosent » généreusement Boeing de crédits destinés à des programmes militaires, dont les résultats alimentent directement la branche civile. Je rappelle que l'aéronautique, qui n'est pas sans lien avec la défense, représente le premier secteur exportateur français.
Élément essentiel de la défense et de la sécurité de la France, notamment dans la lutte contre le terrorisme, la recherche du renseignement est l'action qui bénéficiera, en 2011, comme cela avait été le cas en 2009 et 2010, de la plus forte hausse de ses moyens financiers et humains. En 2011, le renseignement militaire – DGSE, DRM et DPSD – disposera de 652 millions d'euros de crédits de paiement contre 624 millions en 2010, soit une hausse de 5 %.
Notre défense doit s'adapter aux risques nouveaux et aux nouvelles technologies opérationnelles comme la surveillance et la militarisation de l'espace, la défense informatique, le renseignement moderne, la lutte contre le terrorisme et la prolifération nucléaire, les armes chimiques et biologiques.
J'ai appelé l'attention de notre commission sur le rôle très particulier des drones en matière de renseignement. Le Livre blanc souligne l'importance des drones, placés au service de la nouvelle action « Connaissance et anticipation ». Si le renseignement stratégique relève de moyens satellitaires, le renseignement opératif relève des drones en complément des aéronefs pilotés équipés de capteurs embarqués.
Devant les chiffres et les propos contradictoires avancés par les industriels, les militaires, la DGA et le pouvoir politique en matière de drones, j'ai décidé d'approfondir cette question et de mener un contrôle, qui m'a demandé une quarantaine d'heures de travail.
J'ai donc rencontré l'amiral Guillaud, M. Bajolet, le patron de la DGSE, le Premier ministre en personne, M. Morin, le DGA, les conseillers industriels des cabinets et nos trois grands industriels Un deuxième contrôle a eu lieu à l'ETEC avec Louis Giscard d'Estaing, qui y reviendra dans son propos.
Il en ressort que la France va manquer, dès 2013, de drones de moyenne altitude et longue endurance, ces appareils qu'on désigne sous l'acronyme de drones MALE. Pour éviter une rupture capacitaire préjudiciable à nos forces en opérations, l'achat de nouveaux systèmes de drones s'impose, au moins dans l'attente qu'une nouvelle génération, annoncée pour les années 2018-2020, parvienne à maturité.
Il semblerait que l'état-major des armées préfère acquérir le drone américain Predator, appareil éprouvé, déjà choisi par plusieurs pays. Acheter américain peut en effet sembler rassurant, dans la mesure où les Predator sont produits en grande série et semblent donner satisfaction sur le plan technique. Cependant c'est oublier que le taux de pertes, annoncé par le ministère de la défense américain lui-même, avoisinerait 45 % sur cinq ans.
L'achat du Predator pose également la question des restrictions à l'emploi qui risquent d'être imposées par le fabricant. Nos amis anglais, qui utilisent le Predator depuis plusieurs années, ont admis que, de fait, les militaires américains exerçaient un contrôle sur le drone.
Dernière difficulté : en privilégiant l'offre américaine – soit une perte sèche de 500 à 700 millions d'euros pour la filière franco-européenne – notre pays financerait la recherche et l'investissement des sociétés concurrentes de nos champions nationaux que sont EADS, Dassault, Thalès et Sagem. Il serait pour le moins paradoxal, en pleine guerre mondiale économique, qu'un pays qui dispose de quatre entreprises capables de concevoir et fabriquer des drones soit obligé de se tourner vers un pays certes allié mais néanmoins rival sur le plan commercial.
Face à General Atomics, EADS propose, dans un premier temps, une version évoluée de son drone Harfang, actuellement en service dans l'armée de l'air, dans l'attente de la mise au point, d'ici à 2018-2020, d'un nouvel appareil aux potentialités bien supérieures : le Talarion.
La solution d'EADS aurait l'avantage de promouvoir et d'encourager la filière franco-européenne de drones, favorisant la recherche, l'investissement et l'emploi dans ce secteur de très haute technologie, ce qui irait dans le sens des efforts que nous faisons sur le crédit impôt recherche, lequel coûte très cher.
Dassault, associé à British Aerospace sera également présent sur ce créneau à l'horizon 2018-2020, avec son drone Mantis, très compétitif. Enfin, la société Thalès, unanimement reconnue pour son expertise dans le domaine de l'optronique, pourrait être associée à certains de ces projets.
Plusieurs centaines d'emplois hautement qualifiés sont en jeu à court terme dans notre pays, et bien plus à moyen et long terme, car c'est l'avenir d'une partie de la filière aéronautique qui dépend de la décision qui sera prise. N'oublions pas qu'un marché énorme, militaire mais aussi civil – surveillance des feux de forêt, des côtes, des frontières, sécurité routière – s'ouvre aux drones et générera d'ici à quelques années des sommes colossales.
C'est la raison pour laquelle votre rapporteur spécial a demandé, lors de l'adoption des crédits de la mission « Défense », que soit organisée une réunion avec tous les acteurs de la filière, afin que les arguments des uns et des autres soient examinés. La réunion demandée s'est tenue le 27 octobre, sous l'égide du ministre de la défense, que je remercie ici.
Je souhaite enfin rappeler l'importance de l'intelligence économique. La guerre actuelle n'est pas militaire, elle est économique ! Elle nous impose d'assurer la sécurité et la protection de nos entreprises. Ne soyons pas dupes ni naïfs : les contrats internationaux ne s'obtiennent jamais sans l'aide des services de l'intelligence économique. Autant, donc, être à la hauteur de nos concurrents, tout en respectant les règles éthiques. Qui sait livrer l'information stratégique au bon moment et à la bonne personne obtient un avantage compétitif décisif.
Je vous rappelle que le marché mondial de la sécurité représente 250 milliards d'euros et croît de 10 % par an. Il faut donc donner un coup de pouce à nos industriels dans ce secteur ; nous devons les aider à accroître leur compétitivité.
Je vous rappelle également que le budget de la nation n'est pas branché sur Lourdes, mais dépend de l'activité de nos entreprises. Il faut donc aider ces dernières autant que nos soldats. Ce qui sauvera nos entreprises, c'est l'innovation. Dans cette guerre économique mondiale, c'est d'une relance par l'innovation et l'investissement productif dont nous avons besoin. Même si notre pays est l'un de ceux au monde qui croit le moins en l'économie de marché, c'est pourtant cette formule qui peut lui permettre de retrouver les ressources qui lui permettront de rembourser ses dettes, de réduire son déficit et de sécuriser ses retraites à long terme. Dans la situation économique actuelle, priorité doit donc être donnée à l'identification des marchés à forte croissance sur lesquels nos entreprises bénéficient d'un avantage concurrentiel.
L'argent public destiné à soutenir nos entreprises ne doit pas être saupoudré ; il doit être consacré aux secteurs d'excellence, et, en la matière, l'industrie de la défense de notre pays ne manque pas d'atouts.
La France est en train de réussir la transformation et la modernisation de ses armées. Les budgets sont certes tendus, la population peut paraître sceptique sur notre engagement en Afghanistan – inutile de nous voiler la face ; il s'agit d'ailleurs d'un sentiment que l'on constate dans tous les pays impliqués –, mais la France est bien moins impactée par les restrictions budgétaires que l'Allemagne, par exemple, laquelle s'apprête à mettre en oeuvre une revue de programmes qui va probablement s'avérer déchirante.
En comparaison de ses voisins européens, notre pays s'est plutôt mieux sorti de la crise économique puisque, selon les dernières prévisions, près de cent mille emplois auront été créés en 2010.
Le projet de budget qui nous est présenté préserve la recherche de nos entreprises, même si l'effort consenti pourrait être encore plus important. Si l'on tient compte du crédit d'impôt recherche, des études amont et du plan de relance, il faut constater que l'on n'aura jamais autant investi dans les entreprises de défense. L'investissement industriel s'est maintenu à un niveau très élevé grâce au plan de relance, ce dont nous nous félicitons.
En 2010, la volonté politique de la France et de ses partenaires a rendu possible le sauvetage du projet d'Airbus militaire A400M, ce dont nous nous félicitons. Cet avion, désormais techniquement au point, poursuit ses essais pour des premières livraisons à l'armée de l'air à partir de 2013.
Pour conclure, je veux rappeler que le PIB de l'Union européenne s'élève à 18 000 milliards de dollars contre seulement 14 000 milliards de dollars pour les États-Unis. Cela signifie que nous sommes la première puissance économique mondiale. Peut-être, nous objecte-t-on, mais l'Europe est moins bien coordonnée que ne le sont les États-Unis. Cela est vrai, répondons-nous, mais qu'en sera-t-il alors lorsque l'Union européenne sera coordonnée ?
Si les principales composantes politiques et industrielles de l'Union européenne voulaient bien coopérer davantage, on imagine sans peine la puissance qu'aurait l'Europe sur les plans économique, diplomatique et militaire.
La survie de l'Europe passe par l'amélioration de la coordination de nos entrepreneurs entre eux, mais aussi par leur coopération avec la DGA et les politiques. Compte tenu de son étroite imbrication avec l'État, le secteur de la défense doit être exemplaire sur ce plan, sous peine de ne pas résister à la concurrence extra-européenne toujours plus forte. Aujourd'hui, monsieur le ministre, ce n'est pourtant pas le cas, même si ce secteur a développé d'autres qualités.
Le budget qui nous est proposé pour 2011 permettra à notre armée de conserver son rang, ses savoir-faire largement reconnus et ses capacités d'intervention. La commission des finances a adopté les crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial de la commission des finances et du contrôle budgétaire, pour le budget opérationnel de la défense.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission de la défense et des forces armées, mesdames, messieurs les rapporteurs, chers collègues, le programme « Préparation et emploi des forces » est le plus important des quatre programmes de la mission « Défense », puisqu'il recouvre tous ses aspects humains et opérationnels : le recrutement, les rémunérations et les charges sociales, mais aussi l'entraînement, la projection, la disponibilité des forces et des matériels ainsi que les opérations extérieures.
Après la hausse substantielle, de 6,3 % en autorisations d'engagement et de 2,4 % en crédits de paiement, enregistrée en 2009, les crédits de ce programme connaîtront, en 2011 comme en 2010, une phase de stabilisation. Les autorisations d'engagement, d'un montant de 22,6 milliards d'euros, seront en baisse de 1,1 %, mais les crédits de paiement, d'un montant de 21,5 milliards d'euros, seront en hausse de 1,8 %.
Cette évolution s'inscrit dans le contexte général de stabilisation budgétaire et dans le plan de modernisation de la défense, inscrit dans la loi de programmation 2009-2014, qui, en six ans, doit permettre une réduction de 54 000 postes des effectifs civils et militaires de la mission « Défense ». En 2011, ce seront près de 8 000 postes qui seront ainsi concernés. Malgré cela, à structure constante, la masse salariale devrait continuer à augmenter jusqu'en 2012, en raison principalement du grand nombre d'agents demandant à bénéficier du droit à pension et des charges induites par ces pensions.
Les moyens financiers du programme 212 « Soutien de la politique de la défense » connaîtront une très forte hausse en 2011 : les autorisations d'engagement sont portées à 4,38 milliards d'euros, soit une hausse de 45 % par rapport à 2010, tandis que les crédits de paiement sont portés de 2,5 à 3 milliards d'euros, en augmentation de 20 %. Ces hausses correspondent essentiellement à des dépenses liées aux restructurations et à la création des bases de défense.
Or des dépenses substantielles qui n'étaient pas inscrites en loi de programmation doivent être financées. Il s'agit, d'une part, de la réintégration de la France au sein du commandement intégré de l'OTAN qui va se traduire par un coût de 60 millions d'euros en 2011, et de 100 millions d'euros par an par la suite, mais aussi, d'autre part, de financer le fonctionnement de l'implantation française dans les Émirats arabes unis dont le coût devrait avoisiner 75 millions d'euros en année pleine. Des économies devront donc encore être recherchées : la réduction du format de la base de Djibouti permettrait, par exemple, de compenser le coût engendré par le développement d'Abou Dhabi.
Cependant pour élaborer ce budget des recettes exceptionnelles très élevées ont été prévues.
Elles sont fixées à 2,3 milliards d'euros sur la période 2011-2013, dont 850 millions d'euros en 2011.
Déjà annoncées en 2009 et 2010 à un niveau équivalent, ces recettes qui reposent sur la cession de fréquences hertziennes à des opérateurs de téléphonie mobile, sur la cession d'usufruit de satellites militaires et sur des aliénations de biens immobiliers, ne se sont pas concrétisées jusqu'à présent. En tant que rapporteur spécial et co-rapporteur de la mission d'évaluation et de contrôle qui s'est penchée sur ce sujet, je dois souligner le fait que les crédits de report ayant été quasiment épuisés, ces recettes devront impérativement être réalisées afin que le contrat opérationnel puisse être préservé.
Mon propos portera principalement sur les trois points suivants : la problématique des recettes exceptionnelles et de l'immobilier ; le financement des opérations militaires extérieures et le coût de nos bases prépositionnées, avec le contrôle sur pièces et sur place réalisé, avec mon collègue Jean-Michel Fourgous, auprès de l'escadron de transport d'entraînement et de calibration, l'ETEC.
Sur le premier sujet, l'audition du chef d'état-major des armées, l'amiral Guillaud a confirmé ce que le récent rapport de la mission d'évaluation et de contrôle, que j'ai remis au mois de juin avec ma collègue du groupe socialiste de la commission de la défense, Françoise Olivier-Coupeau, avait déjà mis en évidence. Ces recettes exceptionnelles doivent désormais se concrétiser sous peine de remettre en cause en profondeur les dispositions inscrites dans la loi de programmation 2009-2014.
Le rapport de la MEC auquel je viens de faire allusion a mis en évidence la surévaluation de certaines de ces recettes. Or de nouveaux montants, quelquefois encore plus élevés, sont prévus sur la période 2011-2013.
Ils proviennent tout d'abord de l'aliénation d'ondes hertziennes. La libération de certaines fréquences hertziennes par les armées va permettre une extension de services de téléphonie mobile existants, qui se fera peut-être même dans le cadre de l'attribution d'une quatrième licence. La vente de ces fréquences pourrait, selon l'ARCEP, rapporter plusieurs centaines de millions d'euros au ministère de la défense.
Les premières ressources qui étaient prévues d'abord en 2009, puis en 2010, ne devraient pas être perçues avant 2011. Le Gouvernement, qui tablait dans un premier temps sur 600 millions d'euros de recettes semble, au vu des premiers échanges avec les opérateurs concernés, disposer d'informations selon lesquelles la somme désormais attendue par l'aliénation des fréquences hertziennes serait très largement supérieure aux estimations d'origine.
Par prudence et pour préserver les intérêts bien compris de l'État dans ses négociations, je n'avancerai pas de chiffre. Toutefois, instruit par l'expérience des annonces prématurées et parfois surestimées des deux précédents exercices, j'exercerai une vigilance toute particulière sur ce sujet en vous interrogeant, monsieur le ministre, sur vos propres hypothèses.
Ensuite, ces recettes sont issues de la cession d'usufruit des satellites de télécommunications.
Le ministère de la défense s'apprête à céder l'usufruit du système de communications par satellites Syracuse III qui comprend les deux satellites purement nationaux Syracuse 3A et 3B déjà en orbite, ainsi que la partie française du satellite franco-italien Sicral 2 qui reste à construire et à lancer. Le ministère louera ensuite les capacités qui lui seront nécessaires, soit environ 90 % des ressources du système.
En supposant que l'opération aboutisse en 2011, ce dont la DGA n'est pas certaine compte tenu des réticences du ministère des finances, les armées devront payer leurs communications à l'opérateur, ce qu'elles ne font pas actuellement, étant propriétaires des satellites. Le coût de cette location de capacités, pas plus que les prévisions de recettes, n'est aisé à calculer. Ce coût de location devra être défalqué des 400 millions d'euros attendus pour juger de l'intérêt de l'affaire ; il conditionne évidemment le lancement ou l'abandon de l'opération.
Si l'opération est décidée, et dès lors que le cahier des charges sera transmis par la DGA – monsieur le ministre, j'espère que vous êtes en mesure de nous annoncer une excellente nouvelle à ce sujet –, son résultat final ne sera probablement pas exceptionnel. En revanche, elle peut légitimement permettre au ministère d'engranger plusieurs centaines de millions d'euros de trésorerie, qui lui sont nécessaires lorsqu'il s'agit de faire face à d'importantes dépenses immédiates.
Au titre des aliénations d'ondes hertziennes et de la cession d'usufruit des satellites de télécommunications, 2 milliards d'euros sont inscrits sur la période 2011-2013, dont 850 millions pour la seule année 2011.
Enfin, il faut compter avec les cessions d'actifs immobiliers.
La loi de finances pour 2010 prévoyait un montant de recettes de 700 millions d'euros provenant principalement de la vente des principales emprises parisiennes. Or les prévisions d'encaissement sont désormais évaluées à environ 100 millions d'euros seulement d'ici à fin 2010, en raison de l'échec de l'opération Vauban, un projet qui consistait à vendre en bloc à un consortium toutes les emprises parisiennes du ministère qui seront libérées lors du regroupement des services à Balard.
En effet, compte tenu de l'offre proposée, le Gouvernement a décidé de renoncer au montage prévu entre la SOVAFIM et la Caisse des dépôts et consignation et de vendre les biens séparément. Certes, en raison de la reprise du marché de l'immobilier, à Paris, il semble qu'il aurait été regrettable de vendre des biens de grande valeur dans un contexte déprimé. Cependant, cela signifie que le ministère de la défense devra encore patienter pour bénéficier de cette recette immobilière exceptionnelle qui lui fait cruellement défaut depuis deux exercices.
Pour l'année 2011, ce sont 150 millions d'euros de recettes exceptionnelles immobilières qui sont attendues grâce, principalement, à des aliénations de biens en régions et, peut-être, à celle de la caserne Lourcine à Paris.
Au total, la loi de finances pour 2010 prévoyait que ces trois sources de recettes exceptionnelles devaient rapporter 1,702 milliard d'euros d'ici au 31 décembre 2010. Si l'on prend en compte une centaine de millions d'euros de biens immobiliers effectivement réalisés et environ 440 millions d'euros redéployés au sein des différents programmes de la mission « Défense », il manquera donc encore plus de 1,16 milliard d'euros par rapport à la somme inscrite en loi de finances initiale. Je crois, monsieur le ministre, que vous connaissez malheureusement ce chiffre.
Comme souvent en pareil cas, c'est l'équipement des forces qui risque de pâtir principalement de cette « anticipation approximative » pour reprendre le titre du rapport de la MEC.
Ainsi, la loi de programmation militaire pour les années 2009-2014 prévoyait 95,3 milliards d'euros au titre des années 2011, 2012 et 2013. Or la programmation budgétaire triennale pour ces trois années fixe un total de 91,7 milliards d'euros. La différence concernant les seuls crédits budgétaires est donc de l'ordre de 3,6 milliards d'euros courants sur les trois années à venir.
Cet écart serait atténué par les recettes exceptionnelles attendues sur 2011-2013 que le ministère de la Défense estime désormais à 2,3 milliards d'euros sur la période. En conséquence, le différentiel global de ressources entre la programmation militaire d'une part et les prévisions budgétaires triennales d'autre part ne serait plus que de 1,3 milliard d'euros, dont 50 millions d'euros seulement en 2011.
D'ores et déjà, des mesures ont été prises afin de réaliser des économies sur la période 2011-2013, notamment en matière de fonctionnement, et sur les programmes d'armement. Monsieur le ministre, concernant ces derniers, il faut que vous nous rassuriez en affirmant qu'il ne s'agit que d'un décalage dans le temps de certaines opérations et non d'abandons.
Compte tenu des aléas budgétaires auxquels est confronté son budget, votre ministère accélère et accentue sa réforme.
Les bases de défense qui étaient supposées être mises en place durant l'ensemble de la programmation, seront finalement toutes opérationnelles dès le début de l'été 2011. Leur nombre a été revu à la baisse dans un même souci d'économie et de rationalisation. Elles devaient être quatre-vingt-dix au début de la réforme ; elles ne seront finalement plus que cinquante et une.
Une autre mesure d'économies que je salue a résulté de la création d'un commissariat unique interarmées qui remplace, depuis le 1er janvier 2010 les différents commissariats d'armées.
Enfin, une des mesures les plus porteuses d'économies et des plus attendues résultera du regroupement de tous les services centraux du ministère à Balard : d'importantes économies d'échelle devraient être ainsi réalisées et de nombreux doublons pourront être supprimés, notamment, par exemple, en matière de communication.
Les responsables du projet auditionnés m'ont confirmé que le dossier progressait selon le calendrier initial. Je rappelle que ce projet s'autofinance grâce à un partenariat public - privé : en contrepartie d'un loyer annuel payé par le ministère, le bâtiment sera concédé pour trente ans au consortium qui remportera l'appel d'offres.
Si je me suis attardé sur les aspects budgétaires, c'est parce qu'ils conditionnent le respect du contrat opérationnel inscrit dans la loi de programmation et issu du Livre blanc sur la défense et la sécurité. Ce contrat concerne au premier chef les forces qui servent à l'extérieur de nos frontières.
L'armée française compte en permanence près de 15 000 de ses soldats servant à l'étranger : 10 200 en moyenne annuelle servent en opérations extérieures, tandis que 4 700 sont prépositionnés dans des pays alliés avec lesquels nous avons signé des accords de défense. Les effectifs des forces servant en OPEX sont ajustés en permanence, en fonction des menaces. C'est ainsi que, en 2010, les effectifs stationnés au Kosovo, en Côte d'Ivoire et au Tchad ont été réduits, parfois de manière sensible. En revanche, les effectifs stationnés en Afghanistan ont été légèrement renforcés.
L'évolution du financement des OPEX mérite d'être salué. Les crédits inscrits en loi de finances initiale continuent leur hausse : ils s'élèveront à 630 millions d'euros en 2011. Cela correspondra à un taux de couverture prévisionnel d'environ 75 %, ce qui est d'autant plus remarquable qu'en 2006, le montant inscrit en loi de finances s'élevait à peine à 175 millions d'euros, ce qui ne correspondait même pas au tiers de dépenses. Le travail conjoint des commissions des finances et de la défense a bien porté ses fruits.
Je tiens également à évoquer nos implantations prépositionnées à l'étranger, notamment celles d'Abou Dhabi et de Djibouti où je me suis rendu au mois de février.
L'implantation française aux Émirats arabes unis n'avait pas été budgétairement prévue en loi de programmation militaire. Il a donc fallu faire face à une dépense nouvelle. Si la construction matérielle de la base a été entièrement financée par la partie émirienne, le fonctionnement de l'implantation reste à la charge du ministère français de la défense pour un coût d'environ 75 millions d'euros.
L'objectif de l'état-major des armées est de financer le fonctionnement de cette nouvelle implantation en réduisant le format, l'activité et, donc, le coût de fonctionnement de notre base de Djibouti, désormais surdimensionnée. Les effectifs devraient ainsi être ramenés de 2 900 militaires à environ 1 900. Dans le même temps, les effectifs de la base d'Abou Dhabi passeraient de 300 à 600, à terme, dont 50 % de personnels permanents et 50 % de tournants.
Cependant, toute modification du régime des forces françaises de Djibouti suppose des négociations avec les autorités locales, qui doivent se féliciter, comme nous, de la colocalisation de l'opération européenne Atalante sur notre base. L'évolution de l'indemnité annuelle de 30 millions d'euros est en discussion, ainsi que le devenir de l'hôpital militaire Bouffard, qui devrait être inclus dans la négociation avec l'État djiboutien, car la valorisation des actes médicaux au profit des forces armées djiboutiennes et de la population locale mérite d'être prise en compte.
Je souscris pleinement aux objectifs qui sont les vôtres, monsieur le ministre, et ceux de l'état-major des armées de parvenir à une meilleure adéquation de nos implantations, en particulier sur le continent africain, pour que les armées puissent remplir le contrat opérationnel au meilleur coût budgétaire.
Enfin, je ne veux pas terminer mon propos sans évoquer le contrôle sur pièces et sur place que Jean-Michel Fourgous et moi-même avons effectué, le 17 mai 2010, auprès de l'escadron de transport d'entraînement et de calibration – ETEC – de l'armée de l'air, basé à Villacoublay.
Alors que le pouvoir de contrôle du Parlement a été renforcé par la réforme de la Constitution de 2008 et dans une période où l'État se doit d'être irréprochable en matière de dépense publique, il était naturel que les rapporteurs spéciaux s'intéressent au fonctionnement de cette unité, chargée principalement du transport aérien des membres de l'exécutif français.
Depuis le début de l'année 2009, à la suite des demandes des rapporteurs spéciaux de la commission des finances de l'Assemblée nationale et dans le but d'améliorer la transparence, les vols à bord des appareils de l'ETEC sont facturés par le ministère de la défense aux autorités prescriptrices. L'instruction ministérielle IM 120 régit l'utilisation des moyens aériens de l'ETEC et fixe les principes du remboursement par les utilisateurs des moyens de l'armée de l'air. Il incombe donc aux parlementaires de contrôler l'application de cette instruction, de vérifier que les prestations de l'ETEC font bien l'objet d'une facturation et, éventuellement,…
…d'aider le ministère de la défense à recouvrer les sommes en question.
Merci de vos encouragements, monsieur le ministre. Nous y sommes sensibles.
Le tarif facturé aux membres du Gouvernement est fonction de plusieurs paramètres, notamment du type d'appareils et du nombre d'équipages utilisés, puisque, pour les trajets les plus longs, un second équipage est parfois requis. Globalement, le tarif de facturation est un peu moins élevé que le coût de revient réel des missions. Cette différence se justifie, dans la mesure où l'ETEC a un coût de revient plus élevé que les compagnies de transport privées. En effet, les contraintes de disponibilité qui pèsent sur l'escadron sont sans commune mesure avec celles pesant sur le secteur commercial. Disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, toute l'année, l'ETEC est susceptible de transporter partout dans le monde les plus hautes autorités du pays avec un préavis d'une heure.
De la même manière, les avions de l'ETEC se doivent de pouvoir évacuer de n'importe quel point du monde un soldat français blessé. Les évacuations sanitaires sont prioritaires sur toute autre mission. Il s'agit là d'une assurance-vie que la République offre à ses militaires et que seuls deux ou trois autres pays peuvent proposer à leurs soldats.
Le coût de ce service est impossible à chiffrer, mais ses retombées sur le moral des forces sont inestimables.
Au total, le contrôle sur pièces et sur place n'a pas révélé d'anomalie majeure. Vous trouverez dans mon rapport un état des remboursements, ministère par ministère, à la date de fin décembre 2009. Il convient de veiller à ce que la saine habitude des remboursements se poursuive.
Au cours de cette visite, notre attention a été attirée sur une règle surprenante qui s'applique au remboursement par les ministères de leurs frais de transport aérien. En effet, 30 % des sommes remboursées sont prélevés par le Trésor.
En conclusion, je souligne que, dans le monde nouveau né de la crise financière de 2008, l'endettement des États et les graves déséquilibres des finances publiques obligent les gouvernants à repenser leurs politiques et à revoir leurs priorités. La défense de la France, difficilement financée aujourd'hui et qui le sera plus encore demain, ne doit pas s'exempter de choix stratégiques. Il s'agit de construire un modèle d'armée moins complet mais plus performant, moins autonome mais plus européen, coordonné avec nos alliés.
Je terminerai mon propos, monsieur le président,…
…en me félicitant du prometteur accord de coopération militaire, annoncé le 2 novembre entre le Président de la République et le Premier ministre anglais. Il montre à l'ensemble des pays de l'Union européenne la direction à prendre pour bâtir un modèle d'armée qui justifiera, par sa cohérence et sa capacité à assurer la sécurité de notre continent, le coût croissant de son entretien.
La commission des finances a adopté les crédits de la mission « Défense » et je vous invite, mes chers collègues, à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, je vous invite à respecter vos temps de parole.
La parole est à M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission « Défense » pour l'année 2011 s'inscrit dans un paysage stratégique dont la mutation s'accélère brutalement. Les conséquences concrètes de la crise financière, de la paralysie de l'Europe de la défense et du déplacement du centre du monde vers la zone Pacifique guident toutes nos décisions.
Certains de mes collègues traiteront en détail des données financières de votre budget, monsieur le ministre. Celui-ci s'élève à 38,4 milliards d'euros, avec une baisse programmée de 3,6 milliards sur trois ans et, pour cette année, 1 milliard de recettes exceptionnelles, auxquelles personne ne croit trop.
Je rappelle qu'en 2010, 100 millions ont été réalisés sur les 700 promis ; les prestidigitateurs de la direction des affaires financières du ministère sont encore passés par là. La réalisation de ce budget sera extrêmement tendue en fin de période.
Toutefois, et c'est là l'important, cette situation serait presque anecdotique comparée à celle de nos voisins : le budget militaire de la Grande-Bretagne baisse de 8 % et celui de l'Allemagne de 8,6 milliards d'euros sur quatre ans, soit une diminution de 12 %. Inversement, les États-Unis réalisent 50 % des dépenses militaires mondiales. Quant à la Chine, elle augmente chaque année son budget militaire de 15 à 30 %, de sorte que celui-ci devrait égaler celui des États-Unis dans dix ans.
S'agissant de la France, autant dire que la loi de programmation militaire et le Livre blanc sont obsolètes, puisque, pour l'application de celui-ci, il manquera quelque 25 milliards d'euros d'ici à 2020. Il n'y a donc plus de programmation ni de Livre blanc. Cela étant il ne faut pas que la logique financière domine les choix stratégiques, sinon ce seront les programmes non engagés, et peut-être les plus utiles, qui seront abandonnés ; les programmes de production assécheraient définitivement tous les programmes de recherche.
Depuis l'aventure koweïtienne de Saddam Hussein, on sait que les guerres d'États n'auront plus lieu. L'arme nucléaire et l'organisation de la communauté internationale nous font définitivement changer d'époque. Nous n'aurons plus à traiter que des conflits asymétriques lointains visant à sécuriser la planète et nos approvisionnements, ce qui implique de refonder totalement nos choix d'équipements. Cette action est déjà engagée ; elle mérite d'être approfondie, voire radicalisée. Souplesse et rapidité de production d'équipements adaptés aux crises telles qu'elles se présentent, mise à jour de nos doctrines d'emploi et prise en compte des outils nouveaux – renseignement, espace, drones, cybernétique, projection, précision – doivent être les critères absolus de la définition des programmes futurs.
La ressource financière se faisant rare, un meilleur arbitrage doit intervenir pour veiller à l'équilibre entre trois facteurs fondamentaux : le nombre d'hommes bien équipés que l'on peut protéger, des spécifications réalistes des matériels produits et le ciblage de la recherche et développement sur des technologies que l'on veut préserver du décrochage. Ces trois questions ne peuvent se résoudre au niveau national. Une certaine faillite de l'Europe de la défense nous impose donc de conclure des accords bilatéraux avec les pays d'Europe qui le veulent, et avec d'autres si la nécessité s'en impose. Il ne peut plus y avoir de tabous dans ce domaine.
Comment ne pas constater la panne de l'Europe de la défense ? Celle-ci va mal : l'Agence européenne de défense est en hibernation et la mécanique bureaucratique des coopérations structurées permanentes aboutit de façon prévisible au néant. Les institutions européennes sont inaptes à traiter la question de la défense. Le symbole le plus exemplaire de cette situation est sans doute le veto chypriote, qui bloque depuis des années le dialogue nécessaire entre la politique européenne de défense et l'OTAN.
Le secteur industriel de la défense souffre évidemment de cette raréfaction des moyens et de ce blocage de l'Europe. Nous avons connu ainsi, ces dernières années, la crise d'EADS, celles de l'A400M, des hélicoptères militaires et du drone européen. Finalement, seuls les secteurs de l'espace, du nucléaire et des missiles se maintiennent au sommet, avec des rapports coût-efficacité tout à fait impressionnants comparés aux équivalents américains.
Aujourd'hui, se pose la question du secteur des avions de combat. La commande de onze rafales, pour 800 millions d'euros, ne résout que pour trois ans la question de la pérennité de notre aviation militaire. Cela se fait au prix de réductions capacitaires : les programmes Scorpion, MRTT et la modernisation du Mirage 2000D sont encore repoussés. La faiblesse des crédits de recherche et développement produit inévitablement des pertes de compétence industrielle que la remise en cause du mécanisme du crédit d'impôt recherche amplifie.
Ces décisions vous étaient imposées par la conjoncture. Une telle situation impose de redéfinir les priorités nécessaires à une nouvelle double cohérence : celle d'un nouveau modèle d'armée et celle d'un nouveau modèle industriel.
À cet égard, les accords bilatéraux France-Grande-Bretagne annoncés mardi vont dans le bon sens,…
…tant sur le plan industriel qu'opérationnel. C'est du bon travail. Il était temps : l'absence de progrès dans le domaine de la défense européenne depuis des années devenait très préoccupante, oppressante même. Faute de coopération européenne, vive donc les coopérations en Europe !
Il est évident que les traditions gaulliste et mitterrandiste, fondées sur l'indépendance nationale, l'Europe et l'axe franco-allemand, doivent être profondément revisitées. Cela peut plaire ou déplaire ; ce n'est plus la question. Se payer de mots serait irresponsable et nous ferait perdre du temps. Cette révision est inéluctable ; il faut s'en saisir en intégrant toutes les données stratégiques, industrielles et financières du monde nouveau.
Une nouvelle définition du concept stratégique de l'OTAN s'impose, mais sera-t-elle au rendez-vous de Lisbonne ? Rien n'est moins sûr. Je n'aurai pas la cruauté de m'étendre sur le bilan de notre nouveau positionnement dans l'OTAN. Le retrait unilatéral par les Américains du JFCOM de Norfolk vide évidemment l'ACT de toute sa substance.
Monsieur le ministre, le déménagement du général Abrial vers Washington est une urgence, si nous voulons échapper à une situation qui pourrait devenir humiliante. Il ne faut plus s'attacher à des positionnements symboliques et tolérer une bureaucratie coûteuse et quelquefois incompétente. Il convient de dégraisser avec brutalité cet appareil et de remettre le pouvoir politique à sa place.
Du chemin reste à faire, monsieur le ministre.
Les partenaires de Lisbonne sont-ils en situation de trancher entre une OTAN purement défensive ou expéditionnaire, militaire ou civilo-militaire, capable d'affronter les nouveaux risques cybernétiques et énergétiques ?
La seule décision concrète qui risque d'être prise à Lisbonne est celle de la défense antimissile, mais personne n'en connaît le contenu exact ou, plus exactement, tout le monde en devine les desseins. La question du système antimissile est un enjeu politique majeur pour l'avenir. Le porte-parole du Pentagone – je parle évidemment de M. Rasmussen, dont le bruit court qu'il est aussi secrétaire général de l'OTAN (Sourires) – tente de vendre aux opinions européennes l'idée qu'une somme de 110 millions d'euros sur dix ans leur permettrait de se protéger de missiles balistiques les menaçant. Ce discours trompe les opinions publiques. Passons sur le fait qu'un récent rapport du Pentagone démontre les constants échecs techniques de ces missiles, et que, s'ils fonctionnaient, ils ne résisteraient pas à une frappe saturante. Quiconque est habituée aux programmes de défense sait qu'une telle somme ne financerait même pas les études amont. Évitons de nous poser la question de savoir qui engagerait le feu : évidemment, ce seraient les Américains. Constatons, enfin, que ce concept est en contradiction totale avec le concept français ou britannique de dissuasion.
Les Américains veulent intégrer l'Europe dans leur système de défense ; c'est aussi simple que cela. Cette proposition n'est donc qu'un remake de l'IDS des années 80 ou du GPALS des années 90. Faut-il pour autant la rejeter en bloc ? Non, il nous faut, sous peine d'assécher nos budgets de défense, n'en retenir que la partie relative à l'alerte avancée, qui peut être commune à l'Union européenne et à l'Amérique et qui ne froisse pas le principe de dissuasion, lequel nécessite une désignation certaine de l'agresseur.
M. Obama est un homme sympathique, pour lequel j'ai la plus haute estime,…
…mais comment peut-il parler d'un monde sans arme nucléaire, lui qui peut en déclencher 5 000 – nous 250 – et qui a procédé, il y a trois mois, à un essai nucléaire sub-critique dans le désert du Nevada, quelques semaines après la signature du traité de non-prolifération ? La France, qui a signé des nombreux traités d'interdiction des essais et de fabrication de matière fissile et qui a démantelé l'une de ses composantes, n'a aucune leçon à recevoir dans le domaine de la non-prolifération
En conclusion, rarement une période n'aura connu un contexte aussi mobile. Jamais les choix stratégiques nécessaires n'ont été si nombreux, urgents, novateurs. Monsieur le ministre, votre budget pour 2011 a les apparences de l'équilibre ; sa réalisation va être périlleuse. La commission des affaires étrangères, dont j'ai le devoir et l'honneur d'être le rapporteur pour avis, approuve les aspects positifs de votre budget et le votera.
L'opposition, critiquant les aspects négatifs de ce budget, s'y opposera : chacun joue le rôle qui lui revient, mais dans ce débat de qualité qui honore notre Parlement, chacun sent bien que c'est l'influence future de notre continent qui se joue. Cet enjeu dépasse nos personnes, nos partis politiques et, sans doute, notre nation.
L'essentiel réside dans notre ambition, dans la défense de nos valeurs, et je crois notre peuple profondément rassemblé pour la réaliser. Oui, il y a encore, heureusement, une légitimité en France pour proposer des dépenses de défense. (Applaudissements sur divers bancs.)
La parole est à M. Yves Fromion, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour l'environnement et la prospective de la politique de défense.
Monsieur le président, monsieur le ministre, on ne peut naturellement pas évoquer le budget de la défense, quels qu'en soient les aspects, sans avoir une pensée pour nos soldats engagés en Afghanistan, et je ne doute pas que chacun, sur ces bancs, partage cette pensée, car c'est bien à eux, finalement, qu'est dédié le travail que nous effectuons en ce moment.
Le programme 144, dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur, est doté cette année de 1,79 milliard d'euros, ce qui représente une croissance de 0,68 % en crédits de paiement et de près de 5 % en autorisations d'engagement. Il faut reconnaître que, dans le contexte difficile que traverse notre pays, donc le budget de la défense, c'est une évolution satisfaisante, et je ne peux qu'engager mes collègues à confirmer l'avis positif qui a été donné en commission de la défense.
J'évoquerai essentiellement deux points : le renseignement et la recherche technologique.
Le renseignement bénéficie d'une croissance de 4,5 % en crédits de paiement, conformément au Livre blanc, ce dont nous devons nous féliciter. Nos services de renseignement connaissaient un certain nombre de difficultés structurelles que vous connaissez bien. L'effort qui a été consenti en leur faveur à la suite des décisions du Livre blanc a permis de les ramener à un niveau d'efficacité qui les place au même rang que les services de renseignement des plus grandes nations.
À cet égard, je tiens à formuler une observation au sujet de l'incident d'Arlit, qui a heurté un certain nombre d'observateurs.
J'ai consulté nos services de renseignement afin de tenter de comprendre pourquoi nous ne faisons pas un effort plus important pour assurer la protection des intérêts majeurs de notre pays et de ceux de nos concitoyens qui les servent à l'étranger, au service de la nation. Il me semble qu'il serait justifié d'assurer des missions préventives, afin qu'au moins les insuffisances en matière de sécurité soient clairement identifiées dans les endroits présentant un risque certain, ce qui est le cas d'Arlit. Personne ne peut se satisfaire que ce site ait été défendu par un gardien armé d'un simple bâton. Au-delà de la détection des insuffisances, il conviendrait sans doute également d'étendre les missions de nos services, qui ont la compétence pour être des prescripteurs en la matière. Évidemment, il reste ensuite aux personnes responsables à prendre leurs responsabilités.
En ce qui concerne la recherche technologique, le bilan est malheureusement moins satisfaisant, du moins en termes de bilan nominal, comme vous le savez, monsieur le ministre. Les études amont sont dotées de 646 millions d'euros, ce qui représente une diminution de 0,86 %, tandis que le soutien, sous forme de subventions aux organismes de recherche, est doté de 335 millions d'euros, soit une réduction de 2,4 %. Dans le contexte actuel, on ne peut dire qu'une chose : c'est insuffisant.
Ainsi, l'ONERA, qui effectue pratiquement 25 % des recherches en matière aérienne et spatiale grâce au travail de 2 000 collaborateurs de très haut niveau, et qui s'autofinance à plus de 60 % au moyen de contrats extérieurs, va connaître cette année une baisse – peut-être pas énorme, mais tout de même significative – de son budget. Comment les chercheurs et les responsables de cet organisme vont-ils accueillir la décision de diminuer leur dotation, alors même qu'ils font des efforts exemplaires pour assurer leur propre fonctionnement en décrochant des contrats, y compris aux États-Unis ? Nous devons être conscients du fait que cette décision est difficile à comprendre.
Certes, monsieur le ministre, il y a le grand emprunt et le CIR, ce qui doit nous amener à nuancer l'expression brute des chiffres figurant dans votre projet. Néanmoins, vous savez bien qu'il y a là un vrai problème et que, dans le domaine de la recherche amont, nous sommes en deçà de ce qu'il faudrait : alors que chacun s'accorde à dire qu'un milliard d'euros de crédits constituerait un montant acceptable – comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer dans le rapport que j'ai rendu en 2005 –, il manque encore plus de 300 millions d'euros pour atteindre cette somme. C'est un fait, on piétine, sans que l'on puisse dire si cela est dû au manque d'argent ou à l'incapacité d'utiliser l'argent ; à cette question aussi, il faudrait essayer de répondre.
Les conséquences de cette situation sont connues. Des décrochages sont à déplorer en ce qui concerne les technologies de base, et la défense est de plus en plus dépendante de l'industrie civile. Aujourd'hui, les industriels se lancent dans des recherches directement utiles à la production d'équipements civils, et les militaires n'ont d'autre choix que de s'adapter. Ainsi, faute de disposer d'équipements spécialement étudiés pour un usage militaire, ils sont obligés d'utiliser les mêmes ordinateurs de bord que ceux équipant les avions civils, c'est-à-dire des matériels frappés d'obsolescence au bout de trois ou quatre ans. Il va sans dire que cette obsolescence est source de graves problèmes pour le fonctionnement des équipements de défense. Dans ce domaine comme dans d'autres, monsieur le ministre, nous devons être beaucoup plus attentifs et actifs.
Cette année, la recherche spatiale va être dotée de 17 millions d'euros seulement. Comment cette somme pourrait-elle être suffisante dans un secteur d'une telle importance ? À l'évidence, cela nous empêche de participer à certains programmes.
À ce sujet, je dois vous poser une question, monsieur le ministre.
Les Américains viennent de lancer une initiative qui peut sembler intéressante au premier abord : l'Operationally Responsive Space, ou ORS, un nouveau système consistant à lancer de petits satellites destinés à fournir des renseignements et des images en cas de crises survenant en des endroits de la planète où une autre forme d'intervention est difficile à mettre en oeuvre. Naturellement, les Américains nous ont proposé de nous joindre à ce dispositif. Allons-nous commettre la même erreur que celle ayant consisté à entrer dans le programme du F-35,…
… erreur qui a eu pour conséquence d'assécher une partie des fonds de recherche de nos alliés européens ?
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser quelle est la position de la France par rapport à cette proposition des Américains ?
Nous savons que, aujourd'hui, les coopérations européennes et internationales, quel que soit leur intérêt, n'apportent que des réponses très sectorielles aux problèmes qui nous sont posés. Nous ne pouvons donc pas faire abstraction de notre effort national : il est évident que cet effort devra se poursuivre durant des années.
Je pense, monsieur le ministre, que nous devons réfléchir à l'effort qui doit être accompli en matière de recherche et technologie. Sans doute devrions-nous définir un objectif qui ne soit pas simplement le résultat des aléas de conjoncture d'une loi de finances à une autre loi de finances.
Nous souhaitons l'élaboration d'un plan pluriannuel s'inscrivant dans la loi de programmation militaire et définissant les objectifs retenus en matière de recherche et les dotations financières qui y sont affectées. Pour le moment, nous avons un peu l'impression que la recherche de défense constitue une sorte de variable d'ajustement. Pourtant personne ne peut nier qu'elle supporte l'essentiel de la course à la suprématie technologique. Or cette course est inscrite au coeur du conflit global évoqué dans le Livre blanc de la défense.
Chaque loi de finances est donc, pour notre défense, soit une bataille gagnée, soit une bataille perdue, selon que la recherche aura obtenu ou non la dotation qui lui est nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Philippe Nauche, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour le soutien et la logistique interarmées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget « Soutien et logistique interarmées » est, chaque année, l'occasion d'étudier la mutation du ministère de la défense. Le plus éclairant me semble donc de suivre l'évolution des principaux dossiers couverts par cet avis budgétaire : les cessions immobilières, le projet de Balard, l'évolution des systèmes d'information, la création des bases de défense, mais aussi la situation de services interarmées plus anciens, tels que le service de santé des armées ou le service des essences des armées. Enfin, je conclurai en quelques mots au sujet de nos engagements extérieurs.
En ce qui concerne la politique immobilière, je constate que, en 2010, le Gouvernement a, une nouvelle fois, construit un projet de budget sur des prévisions de ventes immobilières excessivement optimistes. En deux années, alors que près de 1,4 milliard d'euros ont été annoncés, seulement 170 millions d'euros de cessions ont été réalisés, auxquels s'est opportunément ajoutée la soulte de la société nationale immobilière, ce qui nous laisse bien en deçà des 500 millions d'euros. Pour 2011, les projections semblent moins hasardeuses, mais je constate qu'un gain de près d'un milliard d'euros est attendu pour les trois prochaines années. Or les épisodes survenus précédemment posent clairement le problème de la confiance que l'on peut avoir dans ces prévisions, voire dans leur sincérité.
À cet égard, monsieur le ministre, pourriez-vous clarifier les perspectives de cession de l'usufruit de l'hôtel de la marine ? On a entendu évoquer toutes sortes de projets, parfois peu en phase avec la dimension historique et culturelle du bâtiment. La quête de revenus fonciers ne justifie pas, en effet, que l'on méprise le patrimoine. Le critère financier ne doit pas être le seul retenu : il importe de considérer à la fois l'intérêt national, l'intérêt culturel et l'intérêt patrimonial. Je souhaite donc que la commission de la défense et des forces armées soit tenue précisément informée de l'évolution de l'appel à projet et de la nature des candidatures concernant l'hôtel de la marine.
J'en viens maintenant au projet de Balard, qui doit regrouper les sites parisiens du ministère de la défense sur un site unique à l'horizon 2014. Pour des raisons budgétaires, le Gouvernement a retenu un mode de financement s'appuyant sur un partenariat public-privé. Même si le projet est construit de façon intéressante, l'État contracte une dette implicite auprès de partenaires privés de près de 900 millions d'euros sur trente ans.
Autre grand chantier : les systèmes d'information et de communication. Cette année a vu la mise en place du logiciel Chorus. Il sera commun à tous les ministères et celui de la défense a été désigné pilote pour le mettre en oeuvre. Le ministère a relevé le défi, mais avec des retards de paiement massifs au détriment de bon nombre de PME. On sait maintenant qu'il faudra débourser plusieurs dizaines de millions d'euros d'intérêts moratoires ; on parle de 30 millions d'euros pour la seule année 2010. À mon sens, il serait normal de faire jouer la solidarité interministérielle, le ministère de la défense ayant assumé un rôle d'éclaireur utile à tous. Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, dans quelle mesure le Gouvernement a prévu de se montrer solidaire de votre ministère pour prendre en charge ces intérêts moratoires ?
Le point suivant concerne le rapprochement interarmées.
Les bases de défense doivent se généraliser le 1er janvier prochain, alors même que nous ne disposons toujours pas d'évaluations précises des économies qu'elles ont permises, ni même d'indicateurs pour étudier les expériences en cours.
Tout cela donne le sentiment d'une réforme conduite à l'intuition et j'observe que ce processus inquiète les armées. Si le montage intellectuel de la masse des dépenses peut se concevoir, s'apprécier, voire être partagé, les critères d'évaluation de la réussite – ou la non-réussite – d'un certain nombre d'expériences sont quasiment inconnus.
Lorsqu'on interroge les personnes en charge de ce dossier, il apparaît que, si elles sont incapables de fournir une évaluation précise sur le plan financier et sur celui de la gestion des moyens, elles ont en revanche le souci – et c'est bien normal – de faire en sorte que l'opérationnel puisse être aussi bien géré que par le passé. Cela engendre parfois de petites difficultés. On sent bien que, s'il n'y a pas d'opposition à la mutualisation des moyens, chacun semble se soucier d'une dégradation des moyens affectés au soutien, notamment à l'entretien des bases, dont beaucoup pensent qu'elles serviront de variables d'ajustement. Pourriez-vous nous rassurer sur ce point ?
Les services interarmées que sont le service des essences et le service de santé des armées ont, eux aussi, connu une année riche. Je note avec satisfaction que la politique d'achat de produits pétroliers pourrait enfin s'assouplir, ainsi que nous le recommandons depuis plusieurs années.
Pour ce qui concerne le SSA, l'année 2010 a vu la Cour des comptes produire un rapport relativement critique sur le coût de fonctionnement de ses hôpitaux militaires, même s'il était élogieux pour le reste. Au fond, ce rapport met en lumière l'inadaptation de la T2A à l'activité hospitalière militaire.
Le système tel qu'il est pratiqué aujourd'hui est-il d'ailleurs adapté au fonctionnement des hôpitaux publics ? Il semblerait que non.
Vous verrez cela avec Mme Bachelot !
C'est encore plus flagrant pour les hôpitaux militaires.
Ce rapport pose surtout la question de l'insertion du SSA dans les réseaux sanitaires civils, en particulier dans ses relations avec les agences régionales de la santé. Face aux inquiétudes qu'il a soulevées, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer quelles suites le Gouvernement entend donner pour améliorer le fonctionnement du SSA tout en préservant la spécificité de notre médecine militaire, qui fait chaque jour la preuve de son excellence au service des troupes engagées ?
Quelques mots enfin sur les opérations extérieures, pour souligner que la forte croissance des moyens projetés en Afghanistan, notamment en hommes, annule les quelques économies permises par la réduction de nos engagements sur d'autres théâtres.
Pourriez-vous justifier politiquement l'augmentation du nombre de nos soldats en Afghanistan, ainsi que celle du coût de ce théâtre ? Comment expliquer également nos difficultés à nous retirer complètement de théâtres où notre présence militaire n'est plus véritablement indispensable, ne serait-ce qu'au vu du potentiel engagé ?
Je vous remercie, monsieur le ministre, de l'ensemble des éclaircissements que vous voudrez bien nous apporter.
En tant que rapporteur, j ‘en avais appelé à la sagesse de la commission de la défense et des forces armées. Celle-ci a émis le 27 octobre dernier un avis favorable au budget soutien et logistique interarmées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour les forces terrestres.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2011, l'armée de terre va continuer sa réorganisation tout en remplissant les missions qui lui sont confiées. L'intégration dans les bases de défense se poursuit, mais j'estime le recul insuffisant pour porter une appréciation sur l'intérêt du dispositif et il conviendra de s'assurer ultérieurement que les résultats sont bien là.
Les réformes engagées se traduisent par une réduction du périmètre du BOP « Préparation des forces terrestres ». Les crédits réservés à l'armée de terre à ce titre baissent de 9,17 % en autorisations d'engagement et de 6,13 % en crédits de paiement. Dans les deux cas, ils passent sous le seuil symbolique des 9 milliards d'euros, les autorisations d'engagement s'élevant à 8,374 milliards d'euros et les crédits de paiement à 8,378 milliards d'euros. Les dépenses de personnel diminuent de 4,98 %. En revanche les crédits de paiement réservés à l'entretien programmé du personnel enregistrent une hausse de 23 %. Cette progression traduit la volonté de poursuivre la montée en puissance des équipements du combattant nécessaire pour adapter le paquetage de combat aux conditions durcies d'engagement auxquelles sont confrontés nos soldats, en particulier en Afghanistan.
L'armée de terre poursuivra ses efforts de réduction des effectifs. Elle perd 7,7 % de ses emplois. L'effectif des militaires de l'armée de terre passe pour la première fois sous le seuil symbolique des 110 000 hommes ; il s'établit à 108 829.
Les personnels civils enregistrent la plus forte baisse avec une diminution de 27,4 % d'emplois par rapport à 2010. Deux objectifs difficilement conciliables sont poursuivis : la réduction des effectifs et l'allongement de la durée des engagements.
S'agissant des équipements, je relève la livraison d'une centaine de VSCI – ces blindés sont projetés en Afghanistan – et le début de la livraison des VHM. La fin de l'année 2011 se caractérisera par la livraison tant attendue du premier hélicoptère de manoeuvre NH90. Je me félicite des premiers retours d'expérience très positifs de l'engagement du Tigre sur le théâtre afghan. Le processus du programme SCORPION est pour l'instant décalé d'une année. Ce programme est un modèle de conduite de projets coordonnés. Si, le cas échéant, la contrainte budgétaire impose que ses ambitions soient revues à la baisse, il ne doit en aucun cas être démantelé sauf à revenir à une juxtaposition de programmes dont la coordination sera particulièrement compliquée.
La protection des soldats reste une préoccupation majeure et je me félicite de la mise en service opérationnel du système FELIN. Dans le cadre du programme CARAFE l'armée de terre se dote de moyens pour lutter contre les engins explosifs improvisés.
L'armée de terre est très sollicitée en opérations extérieures et dans les missions intérieures. Elle conduit aujourd'hui vingt-quatre missions hors métropole. Les trois théâtres majeurs sont l'Afghanistan, le Liban et la Guyane. Le désengagement progressif de certains théâtres permet de diminuer le nombre de personnes projetées en OPEX ; il s'établit à 21 214 personnes en 2010.
Au cours de mes travaux, j'ai constaté l'évolutivité des menaces. Les orientations du Livre blanc sont toujours d'actualité mais j'estime que celui-ci pourrait être adapté pour que les objectifs visés et les moyens mis en oeuvre restent en adéquation avec le contexte stratégique et sécuritaire. Dans cet esprit, j'invite à reprendre la réflexion sur l'avenir des forces françaises du Cap-Vert auprès desquelles je me suis rendu. Dakar est une base de soutien essentielle dans une zone touchée par deux arcs de crise, le premier est côtier et le second est l'axe sahélo-saharien. Elle est aussi une escale maritime et aérienne indispensable. Ce serait, me semble-t-il, un meilleur choix que Libreville, dont les possibilités portuaires sont nettement moins performantes ; les capacités de soutien aux opérations y seront donc certainement moindres.
En conclusion, le budget 2011 devrait permettre à l'armée de terre de disposer des ressources que je qualifierais de strictement nécessaires.
La commission de la défense a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 178 et 146 consacrés aux forces terrestres. Je demande à l'Assemblée de se prononcer dans le même sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Marguerite Lamour, rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour la marine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la marine, comme les autres armées, s'est pleinement engagée dans le processus de transformation initié par le Livre blanc, la révision générale des politiques publiques et la loi de programmation militaire.
Les auditions auxquelles j'ai procédé, et les échanges que j'ai pu avoir avec des personnels civils et militaires de tous grades m'ont confirmé l'engagement des marins dans les réformes en cours.
J'ai senti également poindre parfois une certaine inquiétude. Celle-ci est due à la réforme des retraites, ce qui est légitime, mais aussi à la crainte de perdre leur identité dans un grand ensemble kaki car les marins – et c'est une fille de marin qui vous parle, monsieur le ministre – se définissent toujours comme marins avant d'être militaires, et sont très attachés à leurs spécificités.
Allez-vous constituer un Parlement breton ? (Sourires.)
Si les bases de défense de Brest, Toulon et Cherbourg montent en puissance sans trop d'encombres, je crois qu'il faut garder à l'esprit la particularité de la vie embarquée, qui occupe une centaine de jours par an et développe chez le marin un fort sentiment d'autonomie. Il faut donc veiller à ce que l'interarmisation n'aboutisse pas à la mise en place de nouveaux tuyaux d'orgue des services de soutien qui rendraient difficile la vie de nos équipages.
Les crédits de préparation et d'emploi des forces navales du programme 178 s'élèveront en 2011 à 4,22 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une baisse de 0,48 % par rapport à 2010, après une baisse de 6 % l'année précédente.
Ces chiffres pourraient laisser à penser que la marine est relativement épargnée par l'important effort de réduction du déficit public auquel contribue la défense. Cela n'est pas exact.
Certes, les grands programmes d'équipements définis par le Livre blanc et la LPM se poursuivront dans les années à venir. Ainsi, 2010 a vu l'admission au service actif du quatrième sous-marin nucléaire lanceur d'engins de nouvelle génération, Le Terrible. Il a été équipé du nouveau missile nucléaire mer-sol M51 dont les deux tirs et la salve réalisés cette année ont confirmé les remarquables performances. Ce système d'armes sera progressivement installé sur les trois autres SNLE d ici à 2015.
Le programme Barracuda de six sous-marins d'attaque se poursuit ; le troisième SNA sera commandé en 2011.
S'agissant des bâtiments de projection et de commandement, les BPC, le troisième de la série, né du plan de relance voulu par le Gouvernement, le Dixmude, va être mis a flot en décembre ; il devrait ensuite être admis en service actif en 2012.
Le programme franco-italien de frégates Horizon se poursuit malgré un retard de deux ans. L'admission au service actif du Forbin a été prononcée le 14 octobre dernier et celle du Chevalier Paul est prévue pour mars 2011.
Le programme des FREMM, après sa réduction de dix-huit à onze l'année dernière, ne connaît pas d'inflexion cette année. Les onze frégates sont aujourd'hui commandées en tranche ferme et leur livraison sera étalée sur la période 2012-2022.
Deux Rafale Marine devraient être livrés en 2011. Le premier hélicoptère NH90, version NFH, rebaptisé Caïman marine, a été livré en mai dernier.
Ce rapide panorama signifie-t-il que la marine ne connaît pas de problèmes d'équipements ? Non. L'essentiel de la modernisation des équipements est prévu pour la période 2015-2020, et des ruptures capacitaires sont à craindre dans plusieurs secteurs : celui des frégates anti-sous-marines ou du groupe aérien embarqué, par exemple. Les bâtiments de souveraineté et ceux participant aux missions de sauvegarde maritime sont également vieillissants. Cela est préoccupant parce que ces bâtiments assurent notre présence sur toutes les mers du monde, pour les premiers, et sont confrontés au gigantisme des flottes de commerce actuelles, pour les secondes.
Si la marine est relativement épargnée au niveau de ses programmes d'équipement, cela n'est pas tout a fait identique pour les crédits d'entretien. Les crédits d'entretien programmé du matériel, les EPM, baissent sensiblement pour 2011. Cela signifie que toute l'activité prévue par la LPM ne pourra être financée. Cela signifie également que la marine ne disposera pas de marge de manoeuvre et que tout aléa matériel – panne – ou opérationnel – mission non programmée – nécessitera d'annuler une mission ou de revoir à la baisse le niveau d'entraînement. À terme, les bâtiments vieilliront donc plus vite.
Concernant les effectifs, la réduction se poursuit selon la trajectoire fixée par la LPM pour que la marine atteigne le format de 44 000 militaires et civils en 2014.
Je suis, comme la commission de la défense nationale et des forces armées, favorable a l'adoption de ces crédits.
Pour conclure, monsieur le ministre, je vous interrogerai sur deux sujets.
Vous avez décidé, à raison, de rouvrir l'école des mousses à Brest ; la députée de cette ville que je suis vous en est reconnaissante. Après une année de fonctionnement, les premiers résultats sont plus qu'encourageants. L'école se heurte cependant à certaines restrictions concernant l'activité des mineurs, restrictions qui sont peu compatibles avec les exigences de l'apprentissage du métier de marin.
Envisagez vous de prendre les décrets nécessaires au bon fonctionnement de cet apprentissage de la vie de marin ?
S'agissant de l'accord de défense franco-britannique du 2 novembre dernier, la mutualisation en matière de porte-avions signifie-t-elle l'abandon de notre deuxième porte avions auquel je suis, auquel nous sommes tous particulièrement attachés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Claude Viollet, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l'air.
Le projet de loi de finances pour 2011 soulève de nombreuses inquiétudes en ce qui concerne la mission « Défense », en particulier pour notre armée de l'air.
En ce qui concerne la flotte de combat, la livraison des Rafale va se poursuivre à la suite de la passation à la fin du mois de décembre 2009 de la commande globale n° 4 et une gestion dynamique de ce programme qui nous conduit à revenir au rythme de onze avions par an, l'absence de contrats à l'export remettant en cause l'étalement des livraisons prévu par la loi de programmation militaire. Cette décision entraîne une dépense en avance de phase qui appelle un rééquilibrage au sein de la mission « Défense » dans la mesure où l'économie escomptée par l'étalement des livraisons a profité à toutes les armées alors que la dépense supplémentaire pèse, en l'état, sur la seule armée de l'air.
Au-delà, et toujours à propos de la flotte de combat, je m'inquiète du report après l'année 2013 de la rénovation mi-vie des Mirage 2000D qu'il était prévu d'engager en 2011. Cette rénovation, qui faisait partie des arbitrages forts rendus dans le Livre blanc, devait rendre ces avions multirôles afin que nous disposions, en 2018, d'une flotte homogène de Rafale et Mirage 2000D. Le report signifie de facto que l'on renonce à cet objectif.
Or la montée en charge des Mirage 2000D rénovés devait compenser la sortie des autres flottes, en particulier des Mirage F1 qui auront été totalement retirés du service en 2014. En l'état actuel des choses, nous perdrons la capacité de renseignement électronique que possèdent les Mirage F1CR seuls à avoir l'emploi du pod ASTAC. De ce fait, nous serons pénalisés dans notre capacité d'entrée en premier pendant au moins cinq ans.
C'est la raison pour laquelle j'ai proposé à notre commission, qui l'a adopté, un amendement permettant d'engager une rénovation a minima des Mirage 2000D pour intégrer cette fonction.
Je dois également attirer l'attention de notre assemblée sur les conséquences du report de la mise en oeuvre de SCCOA 4, qui pénalise nos capacités de surveillance de notre espace aérien. Là encore, je souhaite que le Gouvernement engage les évolutions a minima, en particulier sur nos radars de défense, pour préserver l'essentiel de ces capacités.
Dans le domaine de l'aéromobilité, malgré de bonnes nouvelles concernant l'A400M et la commande de huit CASA 235 notifiée en mars dernier, l'état de notre flotte tactique ne cesse de se dégrader et le processus de perte de compétences que j'avais déjà décrit l'an passé se poursuit dangereusement.
Quant au renouvellement de nos ravitailleurs, qui participent à la mise en oeuvre de la composante aéroportée de notre dissuasion, il se fait toujours attendre et la question de la disponibilité de ces ravitailleurs est préoccupante. Considérant que le temps est venu de prendre des décisions, nous avons, avec François Cornut-Gentille, proposé un amendement à notre commission, qui l'a adopté. Il tend à l'acquisition d'une première capacité d'avions de transport multirôles, ce qui permettrait, dès à présent, de soulager nos flottes. Ils pourraient être transformés en ravitailleurs sitôt les premières livraisons d'A400M, en attendant un véritable plan de renouvellement.
Il est également urgent de décider dans le domaine des drones. Avec Yves Vandewalle, nous avons souligné le risque d'une rupture capacitaire et présenté les principales options de renouvellement. Nous avons évoqué cette question à de nombreuses reprises en commission et encore lors de la réunion qui s'est tenue le 27 octobre dernier à votre initiative, monsieur le ministre.
Je le redis simplement : l'acquisition de drones américains serait, à mon avis, une erreur, a fortiori après l'accord conclu à Londres le 2 novembre, gros de coopérations prometteuses entre nos deux pays, dans l'esprit même du Livre blanc. La solution la plus raisonnable, particulièrement si l'on tient compte de l'enveloppe très réduite dont nous disposons, est sans aucun doute de compléter a minima notre parc Harfang en remédiant aux principales obsolescences. J'observe d'ailleurs que c'est précisément le chemin pris par nos amis allemands qui ont conclu avec l'un de leurs industriels nationaux un contrat de leasing qui porte sur des drones de modèle Héron 1, base de notre Harfang. Cela me conforte dans l'idée que cette solution est tout à fait soutenable, avec un partenaire industriel aujourd'hui ouvert à la discussion.
J'aurais souhaité évoquer aussi les difficultés rencontrées par l'ensemble du ministère de la défense nationale, retenue comme pilote pour la mise en place du logiciel Chorus. Ces difficultés se traduisent, malgré les efforts déployés, par une augmentation préjudiciable des intérêts moratoires. Cela m'a conduit, monsieur le ministre, à proposer, lors de l'examen des crédits par notre commission, la mise en place d'une mission d'évaluation et de contrôle sur ce sujet.
De même, j'aurais voulu souligner l'action du SIAé, le service industriel de l'aéronautique, et de la SIMMAD, la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense, qui a permis de gagner en disponibilité tout en réalisant de substantielles économies, y compris sur les parcs les plus vieillissants.
Las, le temps me manque.
Je veux simplement vous dire, monsieur le ministre, que l'année 2011 pourrait être celle de la rupture. Faute d'engager la modernisation initialement prévue de certains de nos systèmes d'armes majeurs, la France de la fin de la décennie pourrait se trouver durablement déclassée.
C'est pourquoi, si notre commission, à la sagesse de laquelle je m'en étais remis, a adopté les crédits « Air » du programme 178 « Préparation et emploi des forces », je ne saurais conclure sans inviter notre assemblée à continuer d'agir. Nous le pouvons, ensemble, de tous ces bancs, dès lors qu'il s'agit de la défense et la sécurité de la France. Nous le devons à ces femmes et à ces hommes, militaires et personnels civils, dont l'engagement nous oblige et auxquels je veux rendre ici l'hommage qu'ils méritent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. François Cornut-Gentille, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l'équipement des forces et la dissuasion.
Je ne reviendrai pas sur les commandes et les livraisons qui viennent d'être détaillées par Marguerite Lamour, Jean-Louis Bernard et Jean-Claude Viollet. Je souhaite plutôt mettre les choses en perspective sur quelques années, analyser l'effort très conséquent fourni en matière d'équipements et signaler, suivant quelque peu les pas de Jean-Claude Viollet, les points de tension que l'on voit apparaître pour 2011 et peut-être, encore plus, pour 2012 et 2013, avant de conclure en vous proposant un certain nombre de pistes de nature à apaiser ces tensions que l'on voit poindre.
Entre 2002 et 2007, mais aussi de 2007 à 2010, il y eut moins rupture que continuité dans les efforts fournis pour accorder la priorité aux équipements. Notre pays en a effectivement consenti de considérables pendant ces sept ou huit années pour préserver les équipements dans un contexte budgétaire qui, s'il a été aggravé par la crise, a toujours été difficile.
Quelles sont les étapes de ces efforts ?
Au cours d'une première période, il s'est agi de s'opposer aux mécanismes d'une régulation budgétaire à laquelle nous nous étions peut-être tous trop bien habitués sans réagir et d'en limiter les effets. Ce combat de plusieurs années s'est plutôt soldé par une victoire, grâce aux efforts de tous, ministres successifs et commission de la défense. C'est, à mon avis, une bonne chose pour nos armées et leurs équipements. Un combat très dur a été mené, et gagné.
Dans la continuité de ce premier combat, un autre, que l'on peut considérer comme quasiment gagné a porté sur la maîtrise des dépenses d'OPEX. Les efforts en la matière, s'ils ont été plus fournis ces deux dernières années, n'en avaient pas moins été engagés depuis un certain temps. La budgétisation de ces OPEX a également été l'objet d'un effort particulier et la situation est désormais normale. Nous avions trop longtemps accepté quelque chose qui n'était pas normal, et cela n'était pas bon pour nos équipements.
Une réorganisation très forte de l'export a également eu lieu. On a notamment repris un certain nombre de suggestions de mon collègue Yves Fromion. Nous avons réfléchi, nous nous sommes organisés et nous nous sommes mobilisés pour accomplir, en cette matière également, un geste fort sur les équipements.
Un autre effort, que l'on peut resituer dans la durée, a consisté en une organisation de l'industrie de défense. GIAT est maintenant une vieille histoire, et l'on pourrait aussi parler de DCN, qui devient DCNS, et de toutes les rationalisations que l'on tente aujourd'hui au niveau des actifs de Thalès, Safran et MBDA. Un travail de fond s'effectue pour rationaliser toutes les actions.
La réforme que vous avez engagée en 2008, monsieur le ministre, est elle-même un effort en faveur des équipements. Son objectif principal est de compacter le modèle, pour qu'il soit plus efficace. Ainsi l'action en faveur des équipements, prioritaire s'est trouvée intensifiée à cet égard aussi.
La crise pouvait compromettre tout cela et l'année 2009 a d'ailleurs été très difficile, mais le plan de relance et l'autorisation de consommation des crédits de report ont permis de garder le cap.
J'insiste sur tous ces éléments, car ils montrent qu'il s'agit d'un effort continu, ancien, accentué, y compris en période de prise, qui a été fourni et dont les résultats sont tout à fait considérables et satisfaisants. Ainsi nous sommes parvenus, pour les équipements, à un pic de consommation tout à fait exceptionnel en 2009. Il faut à la fois s'en réjouir et être attentif à un certain nombre de points de tension, qui ont déjà été évoqués à plusieurs reprises.
Tout d'abord, si les recettes exceptionnelles sont attendues, on ignore encore à quel rythme et pour quel montant. L'enjeu est de plus en plus crucial, tout le monde en est bien conscient.
Nous avons lutté contre les reports de crédits et l'utilisation des reports de crédits comme moyen de régulation. Si nous avons réussi à consommer les crédits, nous risquons de nouveaux reports de crédits à l'horizon 2011-2012. Le spectre de la régulation peut donc revenir. La direction des affaires financières du ministère de la défense prétend que ce n'est pas le cas ; j'espère avoir tort.
Ensuite, un certain nombre de signes montrent des difficultés qui touchent au retour des intérêts moratoires.
Par ailleurs, mon collègue Philippe Nauche a évoqué le problème de Chorus. Je ne suis pas du tout un coupeur de têtes, mais j'estime que, dans cette affaire, il faut montrer qui est responsable de quoi. Une mission d'évaluation et de contrôle qui établirait un diagnostic du problème et prendrait des décisions ne me paraîtrait pas saugrenue. Ce serait même utile, à mon avis, à notre défense.
S'agissant du débat sur la reconstitution ou non d'une « bosse » et sans entrer dans une querelle de chiffres, reconnaissons que des questions se posent, notamment en ce qui concerne le report, pour l'heure modéré mais susceptible de s'aggraver, d'un certain nombre de programmes majeurs : le MRTT, Scorpion, SCCOA 4, la rénovation du Mirage 2000.
Ces tensions nous obligent à réfléchir et sans doute à faire un certain nombre de choix, sans attendre 2012 ou 2013, car il faut envisager dès maintenant les moyens de résoudre les difficultés qui pourraient se poser alors.
Cette réflexion doit nous inciter à aller plus loin dans trois domaines, et j'aimerais, monsieur le ministre, savoir ce que vous inspirent ces suggestions.
Premièrement, la réforme doit être poussée plus avant. Peut-être a-t-on trop laissé entendre que la réforme de 2008 avait pour aboutissement tel format, tel nombre de bases. Le moment est peut-être venu de rappeler que la réforme est un processus qui doit se poursuivre. Lorsque l'on interroge les chefs d'état-major respectifs de la marine et de l'armée de terre, ils considèrent n'avoir franchi qu'une étape. Il faut, y compris pour préserver les crédits, se poser un certain nombre de questions et montrer que l'on ira plus loin, notamment sur certaines fonctions centrales. Sommes-nous prêts à assumer ce discours ? Ce serait souhaitable, pour éviter de susciter faux espoirs et déceptions. Il existe une dynamique de la réforme qui doit être entretenue.
Il convient également d'aller plus loin dans nos choix capacitaires, nos choix de mutualisation et de complémentarité. Je me réjouis que l'on abandonne les chimères d'Europe de la défense, qui ne fonctionnaient pas. La coopération bilatérale, au contraire, est vraiment porteuse d'espoirs, notamment avec nos amis britanniques.
L'accord du 2 novembre est tout à fait formidable, mais c'est pour l'instant un accord de diplomates, un grand accord de diplomates comme l'était l'accord de Saint-Malo. On a ouvert une perspective ; il faut désormais enclencher très vite – avant la contrainte des années 2012-2013 – une dynamique, avec des crédits, des coopérations, des interdépendances. On doit passer un cap.
Si, en matière de coopération avec les Britanniques, nous ne franchissons pas des étapes irréversibles, alors Saint-Malo peut se répéter. Il est donc décisif de mettre rapidement en chantier les drones – sans lesquels nous en resterons au Predator américain – et les successeurs de l'Eurofighter et du Rafale. Si nous n'arrivons pas à enclencher ces processus, je ne suis pas très sûr de la suite.
Enfin, je reprendrai les propos de mon ami Yves Fromion sur le développement, la recherche, les études en amont, car il a raison : il faut aller plus loin. Je ne compléterai ses propos que sur un seul point : pour l'export, le transfert de compétences est de plus en plus important ; cela suppose un effort de recherche démultiplié.
Je voudrais que l'on s'engage dans cette voie, mais ce n'est pas vraiment ce que nous faisons.
Je conclus sur la dissuasion : dans le naval, dans l'aérien, dans la simulation, on a passé des caps décisifs ; nous les avons passés discrètement, mais avec un succès total. Il fallait le souligner. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Guy Teissier, président de la commission de la défense et des forces armées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la défense qui nous est soumis est audacieux, clairvoyant et pragmatique, ce qui ne m'empêchera pas d'exprimer quelques inquiétudes légitimes.
Ce budget doit beaucoup à l'audace du Président de la République, sans lequel les très récents et ambitieux accords franco-britanniques n'auraient pu être signés. Le hasard des calendriers fait que notre débat s'ouvre deux jours à peine après ce sommet. Il me semble indubitable que ces accords n'auraient pu être envisageables sans la confiance que la France a su créer par la décision prise par le Président de la République de revenir dans l'organisation militaire intégrée de l'OTAN ; j'étais pourtant pour ma part plutôt sceptique.
Permettez-moi aussi de vous faire part de ma conviction que ces accords permettront aux deux pays de réaliser des économies tangibles, qu'il s'agisse de la coopération sur la sécurisation des armes nucléaires – ce qui témoigne d'une confiance sans équivalent –, de la mutualisation des moyens de formation et de soutien – pour laquelle, vous le savez tous, je plaide depuis plusieurs années –, ou du rapprochement de nos groupes aéronavals et de notre future coopération en matière de drones. Ces accords permettront à nos deux pays de rester des puissances globales à un coût maîtrisé.
Dans le contexte qui prévaut depuis la fin de l'année 2008 avec la crise financière, il me semble que nous devons saluer la clairvoyance du Gouvernement et son courage politique ; je pense même que l'opposition pourra s'y associer. La décision de maintenir l'effort de défense dans un tel contexte n'était pas facile à prendre. Je me félicite de voir maintenus le budget d'équipement et surtout celui de la recherche et développement.
Le chef de l'État a eu le courage de demander à toutes les administrations de participer aux efforts de maîtrise des déficits publics. En tant que chef constitutionnel des armées, il a posé clairement la question essentielle de savoir dans quelles proportions la défense pouvait participer à l'effort sans remettre en cause la cohérence et l'équilibre de notre outil militaire, alors même que nos armées sont engagées dans de profondes réformes depuis de nombreuses années déjà. Cette question est d'autant plus importante que la crise économique et financière qui nous frappe s'est déclenchée au plus mauvais moment envisageable, compte tenu de notre endettement.
Il y a quelques mois, certains dans cet hémicycle imaginaient déjà que le Livre blanc serait oublié. Or il n'en est heureusement rien.
Ce projet de budget est pragmatique. Nous savons, monsieur le ministre, combien vous êtes attentif à ce que nos forces aient les moyens non seulement de remplir leurs missions mais aussi de poursuivre la nécessaire modernisation de notre outil de dissuasion : ce double objectif est atteint.
L'une des plus grandes forces de notre pays est la volonté de préserver sa liberté.
Depuis les efforts du général de Gaulle, cela fait de la France un pays différent des autres. Cela a naturellement un prix.
Nos concitoyens l'ont accepté et, en cette période de crise, ils veulent que nous poursuivions cet effort ; en contrepartie, nous avons le devoir de rechercher tous les moyens d'optimiser notre budget de défense.
Le projet de budget qui nous est présenté permet d'assurer l'accompagnement de la modernisation des armées, avec notamment un réel effort pour le personnel. L'amélioration de la condition militaire répond à un engagement du Gouvernement ; je me réjouis qu'il soit tenu. Les civils de la défense méritent aussi cet effort : leur engagement aux côtés de nos militaires est constant et leur attachement à la communauté de défense est particulièrement solide, comme nous l'avons maintes fois constaté. Les contraintes de mobilité imposées aux civils de la défense par les restructurations sont prises en compte par le ministère, y compris financièrement ; il nous faudra toutefois maintenir un regard sur la mise en oeuvre de ces mesures.
Je tiens également à saluer les efforts du Gouvernement qui vont au-delà des ressources budgétaires de la défense. Ainsi, les recettes exceptionnelles qui seront affectées à la défense, le plan de relance gouvernemental, qui a effectivement contribué à une création d'emplois industriels nets, et le grand emprunt voulu par le chef de l'État, qui permettra de développer l'avance technologique de notre industrie aéronautique, sont autant de signaux politiques forts qu'il faut rappeler.
Ce projet de budget a besoin du soutien de la représentation nationale ; il le mérite. C'est ainsi que nous pourrons garantir notre indépendance stratégique.
Néanmoins, je dois exprimer ici quelques inquiétudes. En effet, nous sommes confrontés à la nécessité de maintenir en même temps un effort majeur d'équipement et de soutien des troupes et des matériels, l'effort de recherche et la modernisation des infrastructures rendue nécessaire par la restructuration territoriale, le tout dans un contexte très difficile.
Quelques points méritent que nous nous y attardions.
Pour l'armée de l'air, notre rapporteur Jean-Claude Viollet a justement souligné les risques de pertes de capacités que le report de la rénovation des Mirage 2000 D nous fait courir ; je pense notamment à la guerre électronique, au fur et à mesure que seront retirés du service les Mirage F1 CR. La France pourrait perdre sa capacité d'entrée en premier sur les théâtres extérieurs pendant plusieurs années. Cela me paraît tout à fait impensable.
Les travaux de notre rapporteure Marguerite Lamour ont souligné le risque que la marine ne puisse assurer ses missions de surveillance dans tous nos espaces de souveraineté, soit 11 millions de kilomètres carrés. Nous ne pouvons négliger le potentiel de la marine qui, même si elle est globalement bien dotée, n'aura bientôt plus que trente-quatre Rafale : le groupe aérien de la marine est en dessous du seuil critique.
Pour ce qui est de l'armée de terre, dont les effectifs représentent 85 % des militaires engagées en opérations extérieures, notre collègue Jean-Louis Bernard a appelé notre attention sur la nécessité d'apporter à ses soldats tout ce dont ils ont besoin. Le taux de fidélisation est tombé très bas : 35 % seulement des engagés volontaires signent un deuxième contrat ; c'est un symptôme qu'il faut souligner.
Nous connaissons tous l'importance de l'espace pour l'avenir. Je ne peux que me rallier à notre rapporteur Yves Fromion, qui a très bien montré qu'avec la chute des crédits de recherche de 17 millions d'euros, nous prenons le risque d'hypothéquer l'avenir.
Je souhaite enfin vous faire part de deux autres préoccupations.
D'une part, comme l'a rappelé notre collègue François Cornut-Gentille, l'écart croissant entre les crédits de paiement et les autorisations d'engagement obère les capacités futures d'évolution et se traduit par le décalage de programmes. Nous avons donc devant nous des choix stratégiques ; c'est pourquoi il faut lancer au plus vite le débat pour éviter de décider, comme cela arrive trop souvent, dans l'urgence et sous la contrainte.
D'autre part, le ministère de la défense va devoir débourser plusieurs dizaines de millions d'euros d'intérêts moratoires du fait des défaillances du système Chorus. Je me rallie bien volontiers à l'idée des députés Jean-Claude Viollet et Philippe Nauche : il est nécessaire de faire jouer la solidarité interministérielle, car la défense a été désignée ministère pilote pour mettre en oeuvre cette interface qui sera commune aux différents services gouvernementaux.
En l'état actuel, c'est vous, monsieur le ministre, qui paieriez la note, alors que ce n'est pas vous qui avez passé la commande : cela me paraît inopportun.
Depuis quelques années, nous nous sommes donné une ambition plus grande. Nous avons en effet approuvé à deux reprises, en septembre 2008 et en janvier 2009, l'engagement de nos forces dans des opérations lointaines.
Cette année 2010 aura été celle qui nous a fait franchir le cap des cinquante morts en Afghanistan. Au-delà de ce symbole tragique, permettez-moi de l'exprimer avec force : nos militaires montrent tous les jours qu'ils sont prêts au sacrifice suprême, et nous avons l'obligation morale de leur assurer les moyens dont ils ont besoin pour réussir la mission que nous leur avons confiée.
Leurs efforts commencent à être couronnés de succès : l'Afghanistan s'engage dans un processus de stabilisation. Nous ne sommes pas les seuls à le dire, puisque le général Petraeus a fait récemment des déclarations en ce sens. Si une élection présidentielle peut aujourd'hui se tenir en Côte-d'Ivoire, l'action stabilisatrice de notre armée y est pour beaucoup. Je pourrais multiplier les exemples de résultats concrets de ses engagements.
J'aurais bien sûr préféré voter ce projet de budget en ayant connaissance de toutes les orientations qui seront retenues pour la programmation triennale. En effet, pour les trois années à avenir, je m'attends à ce que nos marges de manoeuvre soient limitées. C'est précisément cette restriction qui est à l'origine de ma préoccupation.
Nous ne pouvons que difficilement envisager d'aller plus loin dans la réduction d'effectifs sans réviser le contrat opérationnel de nos armées. Nous ne pouvons aisément aller plus loin dans la réduction du nombre de jours d'activité, déjà proche des limites basses des standards alliés. Et l'on ne peut réduire les moyens des activités, qu'il s'agisse de munitions, de carburants ou de simulation, sauf à accepter d'hypothéquer la capacité opérationnelle de nos forces, voire la sécurité du personnel.
L'un des enjeux essentiels de notre débat, c'est le rôle que la France doit jouer sur la scène internationale. Notre responsabilité particulière au sein du conseil de sécurité des Nations unies et les attentes que nous avons suscitées dans la communauté internationale ne nous permettent pas de diminuer notre effort.
Notre engagement aux côtés de nos alliés justifierait à mes yeux que nous débattions, dans cet hémicycle, des orientations stratégiques qui auront été retenues au prochain sommet de Lisbonne dans le cadre de l'Alliance.
Nous avons par ailleurs une obligation morale vis-à-vis de nos partenaires européens. À partir du moment où nous les entraînons dans la construction d'une Europe de la défense, nous devons donner l'exemple par un budget que je qualifierais de responsable.
Il y va aussi de notre capacité à être « nation-cadre » lorsque nous souhaitons tenir un tel rôle.
Nous allons immanquablement être confrontés à la nécessité de trouver de nouvelles sources d'économies, alors même que les mesures décidées dans le cadre de la RGPP n'auront pas encore toutes été mises en oeuvre. Il nous faudra donc réfléchir à des solutions nouvelles pour dégager des marges de manoeuvre, tout en ayant une vision exhaustive de leurs conséquences. Nous devrons donc être créatifs et ne pas hésiter à remettre en cause des habitudes.
C'est ainsi, par exemple, que nous pourrions étudier une réduction des volumes de certains parcs de matériels grâce à une forte amélioration de la disponibilité en engageant – enfin – une réforme du code des marchés publics pour favoriser systématiquement la réactivité, tout en respectant bien entendu le principe d'égal accès à la commande publique.
Nos partenaires européens peuvent nous aider à dégager de nouvelles économies. Monsieur Myard, vous voyez que je parle de partenaires européens !
Il nous faudra pour cela aller plus loin dans la mutualisation. La crise économique et financière nous oblige à explorer toutes les approches communes possibles, dès lors qu'elles nous permettent de réaliser des économies.
En conclusion, je veux rappeler une fois encore que, dans un pays comme le nôtre, avec son histoire, avec ses traditions, le budget de la défense témoigne avant tout de la considération que nous devons à la communauté militaire.
Ce budget, plus encore que par le passé, est attendu avec inquiétude par les militaires et les civils de la défense, comme par nos industriels. Il sera aussi examiné avec attention par nos partenaires européens, que nous souhaitons convaincre de bâtir une Europe de la défense pour parachever cette grande oeuvre qu'est la construction européenne.
Nous devons donc donner l'exemple.
Ce budget conditionne l'avenir de notre défense et de notre capacité à tenir nos engagements internationaux ; vis-à-vis de nos militaires, nous nous devrons d'être particulièrement vigilants sur son exécution. Notre défense nationale a besoin d'un consensus. C'est notre devoir.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite bien entendu à voter ce budget sans réserve. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le ministre, si j'avais su que le président de notre commission allait s'exprimer en ces termes, je n'aurais probablement pas éprouvé le besoin de prendre la parole.
Je parlerai quand même parce qu'il n'y a aucune raison que l'opposition n'use pas pleinement du temps de parole qui lui est très aimablement imparti par la présidence de l'Assemblée nationale.
Je voudrais d'abord souligner que, depuis plusieurs exercices budgétaires, nous sommes engagés dans un exercice au long cours qui nous conduit, annualité après annualité, à examiner les conditions dans lesquelles votre réforme se met en oeuvre et en même temps les conditions dans lesquelles vous déclinez dans le temps la loi de programmation militaire que vous avez proposée et qui a été adoptée par notre assemblée.
Avant de vous faire part des interrogations que suscite ce budget, je voudrais évoquer la cohérence globale du dispositif que vous aviez présenté à notre assemblée il y a de cela trois ans. Par-delà ce qui nous différencie dans cet hémicycle, si nous voulons être efficaces dans la critique juste que nous devons porter sur votre budget pour vous aider à faire mieux l'an prochain – nous espérons en effet que vous serez toujours en situation de répondre à nos questions, l'an prochain mais pas au-delà (Sourires.) – nous devons juger de façon endogène votre budget, c'est-à-dire à partir de la capacité qu'il vous offre d'atteindre les objectifs que vous vous étiez fixés.
D'abord, je veux souligner la belle cohérence du dispositif que vous nous avez présenté il y a de cela trois ans. Après que le Président de la République, porte de Versailles, a annoncé les grandes orientations du Livre blanc, vous nous aviez indiqué que, pour mettre tout cela en oeuvre, il convenait de réformer le ministère de la défense et de lui faire subir une cure d'amaigrissement comme jamais il n'en avait connue jusqu'à présent – même au lendemain de la guerre d'Algérie, le général de Gaulle n'avait pas osé aller si loin.
En meilleur élève de la révision générale des politiques publiques, vous avez diminué de 54 000 emplois les effectifs du ministère de la défense. Vous en escomptiez une économie globale de 4 milliards. Déduction faite du coût des mesures sociales d'accompagnement et du coût des infrastructures à réaliser pour réaménager la carte militaire, cette diminution des effectifs devait permettre d'économiser quelque 2,7 milliards d'euros, que vous proposiez de réinvestir dans nos équipements de manière à atteindre l'objectif que vous avait fixé le Président de la République et que loyalement vous vous proposiez d'atteindre, celui d'une armée plus svelte, davantage projetable et mieux équipée.
Sauf que cette année, au moment des arbitrages budgétaires qui ont été rendus, ni le Président de la République ni le Premier ministre n'ont témoigné de la moindre reconnaissance à votre égard pour l'excellence du travail que vous aviez accompli puisqu'ils vous ont taxé de 3,5 milliards d'euros.
La taxation qu'ils ont imposée à votre ministère vous conduit à manger un milliard de plus que les économies que vous avez réalisées en imposant cette cure d'amaigrissement à votre ministère.
Facile d'après vous, mais parfois les arguments les plus simples sont aussi les plus pertinents. En l'occurrence, il s'agit d'arguments arithmétiques difficilement contestables.
Je voudrais revenir sur les conditions dans lesquelles, monsieur le ministre, vous rétablissez les équilibres après la mauvaise manière qui vous a été faite.
Vous rétablissez les équilibres en ressortant les 3,5 milliards d'euros de recettes exceptionnelles que, au cours des trois derniers exercices budgétaires, vous aviez systématiquement inscrites et dont nous avions constaté, à regret, qu'elles n'étaient jamais réalisées.
Nous vous avions interrogé à l'époque sur les raisons pour lesquelles ces recettes n'étaient pas réalisées et nous nous étions inquiétés des conséquences que pouvait avoir leur non-réalisation sur les équilibres globaux et la réforme et de la loi de programmation militaire.
Votre réponse, je m'en souviens car vous l'avez maintes fois réitérée, consistait à dire que tout ce que nous vous disions était intéressant mais n'avait pas fondamentalement d'importance puisque les 3,5 milliards d'euros de recettes exceptionnelles n'étaient pas dans le modèle de la réforme du ministère de la défense et que vous pourriez faire sans.
Or, voilà que, par un tour de prestidigitation, par un jeu de bonneteau, dans lequel vos collaborateurs et votre ministère excellent, vous nous représentez les 3,5 milliards d'euros de recettes exceptionnelles dans le modèle en usant d'un argument d'une subtilité ciselée selon lequel ce qui n'était pas dans le modèle de la réforme était dans le modèle de la loi. La loi n'étant rien d'autre que la déclinaison pluriannuelle de la réforme elle-même, j'ai un peu de mal, intellectuellement et politiquement, à accepter cet argument qui voudrait que ce qui n'est pas dans le modèle de la réforme soit dans le modèle de la loi de programmation militaire.
Ces 3,5 milliards d'euros de recettes exceptionnelles, dont Louis Giscard d'Estaing a détaillé les différentes lignes, sont plus qu'aléatoires à nos yeux et je voudrais en quelques mots vous expliquer pourquoi.
D'abord, je ne vois aucune raison pour que ce qui a été impossible pendant trois années devienne subitement possible et facile au cours des trois années suivantes. Sauf à considérer que la difficulté a, chez vous, une vertu particulièrement salvatrice qui décuple votre capacité d'énergie et fait que, avec vous comme avec d'autres, tout devient possible (Sourires.), je ne vois pas comment vous réaliserez ces recettes exceptionnelles. Je prendrai quelques exemples.
Vous ne pouvez pas nier, monsieur le ministre, que, sur le volet immobilier, vous êtes confronté à trois types de difficultés, qui étaient sur le métier hier, et qui le demeureront demain.
La vente de certains biens est relativement complexe à réaliser en raison des prérogatives particulières qui s'y attachent ; je pense notamment aux biens de la rue Royale, dont vous avez pu constater vous-même qu'il était extraordinairement complexe de les vendre dans les conditions que vous aviez envisagées initialement. Cela vous a d'ailleurs conduit à envisager un dispositif de bail emphytéotique, qui permettrait à l'État de garder la propriété du bien, tout en assurant la cession par des dispositifs juridiques complexes. Nous pourrions prendre d'autres exemples du même type.
Une autre difficulté résulte du processus très difficile de dépollution, qui vous contraint et qui augmente parfois le coût de ces cessions.
Enfin, je voudrais prendre l'exemple des cessions à l'euro symbolique, en regardant tout simplement ce qui s'est passé au cours du dernier exercice budgétaire. Sur les vingt-six cessions à l'euro symbolique qui ont été réalisées, six cessions ont été faites à titre onéreux et le reste à titre gratuit. Je constate d'ailleurs avec regret que, dans une période de vaches maigres pour le ministère, celui-ci cède à l'euro symbolique, au nom d'une logique d'aménagement du territoire, des emprises qui devraient être payées par d'autres. Cela fait peser sur le seul ministère de la défense une charge qui ne devrait en aucun cas lui incomber.
Pour vous prouver que ce que je dis est vrai, je vais prendre un exemple encore plus concret. Vous aviez un bâtiment à Sourdun, que vous avez cédé pour faire un établissement d'excellence qui relève désormais de la tutelle de l'éducation nationale et vous l'avez fait à titre gratuit alors que vous auriez dû demander soit au ministre de l'aménagement du territoire, soit au ministre de l'éducation nationale, de payer son tribut. Il n'est pas normal que le ministère de la défense paie pour les autres alors qu'il est lui-même dans une situation extraordinairement contrainte.
Le deuxième sujet que je voudrais évoquer, c'est l'affaire des fréquences. Vous nous expliquez cette année que vous allez réaliser l'opération qui ne l'a pas été la dernière fois. D'ailleurs, sur les 850 millions d'euros de recettes exceptionnelles que vous inscrivez, il y a 150 millions pour l'immobilier, le reste résultant de la réalisation des actifs qui concernent les fréquences et les satellites de télécommunications.
Le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle qui a été rédigé par M. Louis Giscard d'Estaing et Mme Olivier-Coupeau suscite chez moi quelques interrogations quant aux modalités de réalisation de cette cession. En effet, il est indiqué que vous financerez les dégagements au terme de la cession de ces fréquences. Normalement, les dégagements doivent être financés par l'acquéreur des fréquences. Or ils représentent un montant de 185 millions d'euros, sur une cession globale qui représente à peu près 500 millions. Cela signifie que vous allez payer en frais de dégagement un montant qui n'est pas négligeable au regard du montant global de la cession, plus de 20 %. Si ces informations sont exactes, je me pose la question de savoir pourquoi, dans un contexte aussi difficile, vous acceptez une telle libéralité. Je n'invente rien, je parle de ce que je l'ai lu dans le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle.
Enfin, monsieur le ministre, je voudrais dire quelques mots sur le « Balard gone » et les retraites.
Pour ce qui concerne le Balard gone, je note d'abord que les terrains sur lesquels vous allez réaliser l'opération sont inondables. Les sujétions en termes de construction sont donc particulièrement contraignantes, à tel point que la somme de 600 millions d'euros initialement envisagée a été réévaluée à hauteur de 900 millions d'euros. Cet abondement de 300 millions d'euros – sur une enveloppe initiale de 600 millions d'euros, ce n'est pas l'épaisseur du trait – serait dicté par la prise en compte par l'investisseur des contraintes liées au caractère inondable du terrain et notamment à la nécessité d'installer des équipements informatiques dans de bonnes conditions. Ces 900 millions d'euros font l'objet d'une provision dans votre budget pour 2011 de 977 millions d'euros à peu près.
Tout ce que je vous dis est exact, monsieur le ministre. Vous pouvez le vérifier.
En plus des 900 millions d'euros qui correspondent au coût de l'opération, vous avez en effet 40 millions d'euros qui correspondent à ce qui reste à financer pour démolir, plus quelques éléments concernant l'équipement informatique. Le ministère du budget vous a demandé d'ailleurs de provisionner ces sommes, qui sont une partie des 2,7 milliards de loyer que vous aurez à payer au terme des vingt-sept ans du PPP. C'est la règle budgétaire qui vous a été imposée.
Je souhaiterais savoir si ce montant de 900 millions d'euros est maîtrisé dans la mesure où l'enveloppe a déjà augmenté sensiblement. De plus, le loyer à acquitter annuellement sera de 100 millions d'euros. Quelles garanties avez-vous que le loyer qui va être demandé au ministère de la défense sera bien de ce montant ?
La comparaison entre le montant du loyer que vous aurez à acquitter et ce que vous payez déjà est intéressante. Les chiffres communiqués par votre ministère montrent que ce que vous payez déjà, c'est 143 millions d'euros, c'est-à-dire 120 millions d'euros pour les emprises que vous occupez déjà, plus 15 millions d'euros pour les emprises de Balard. S'y ajoutent à peu près 140 millions d'euros de fonctionnement induits, c'est-à-dire l'ensemble des services que vous avez à financer. Mais sur les 280 millions d'euros que vous payez au titre des loyers des services, il y a 80 millions d'euros de recettes budgétaires puisque ce sont des loyers que vous payez à l'État. Dans la situation particulière des finances publiques que nous connaissons, personne ne considérera ici que ce qui est bon pour le ministère de la défense peut être mauvais pour l'État. Nous sommes comptables des équilibres budgétaires globaux auxquels la nation est confrontée.
Vous vous proposez en réalité d'engager une opération extraordinairement risquée pour un gain d'économies potentielles, si tout se passait au mieux, d'à peu près 100 millions d'euros alors même, monsieur le ministre, que vous n'êtes pas sûr de réaliser la vente des actifs de l'îlot Saint-Germain. Sans cette vente, Balard serait un véritable gouffre pour le ministère de la défense. Pouvez-vous nous indiquer si vous souhaitez aller au bout de cette opération et si oui, pouvez-vous préciser les chiffres qui président à votre décision en la matière ? Aller plus loin dans la réalisation du PPP sans la réalisation de la vente des actifs de l'îlot Saint-Germain est une opération à haut risque.
Enfin, il semble que cette opération de Balard concerne des services nouveaux, comme une piscine, une crèche… Nous sommes en droit de nous demander si, dans la situation budgétaire qui est la nôtre, tout cela est bien nécessaire. Nous avions compris que « la piscine » est depuis longtemps rattachée à vos services (Sourires.), donc je comprends que vous fassiez publicité du sujet, mais si vous ouvrez la piscine aux riverains du XVe arrondissement, donc au public, ce serait un élément de rupture politique qui mériterait d'être relevé.
Enfin, je voudrais dire quelques mots sur l'affaire des retraites.
Vous avez déclaré devant notre commission, monsieur le ministre, que la réforme des retraites, qui fera passer de quinze à dix-sept ans la durée de cotisations à partir de laquelle on a la possibilité d'accéder à la retraite, fera l'objet pour votre ministère d'un surcoût dont vous n'êtes pas en situation, pour l'instant, d'évaluer l'enveloppe exacte.
Si vous gardez pendant deux ans de plus des militaires dans vos services, il s'ensuivra une augmentation du glissement vieillesse-technicité, dont je voudrais connaître le montant. Cette conséquence de la réforme des retraites à laquelle a procédé le Gouvernement se traduira par une augmentation très sensible des dépenses de personnel, ce qui affectera une partie des 4 milliards d'euros que vous aurez engrangés grâce à la déflation des effectifs.
Voilà qui s'ajoutera à l'injustice de cette réforme, une injustice qu'a d'ailleurs soulignée le président de la commission de la défense en faisant observer que les petites pensions, celles des militaires du rang, passeront de 600 à 550 euros. Et dire que vous vous étiez fixé pour objectif de revaloriser la condition militaire !
Par ailleurs, tout cela s'ajouterait à d'autres mesures qui concernent les ressources humaines dans votre ministère, qu'il s'agisse du sort réservé aux personnels civils, dont vous aviez indiqué qu'ils ne représenteraient pas plus de 25 % de la déflation des effectifs alors qu'on en est aujourd'hui à 33 %,…
…ou qu'il s'agisse encore de la suspension des décrets salariaux des ouvriers d'État. Ce sont là, avec d'autres mesures, autant de sujets qui perturbent les relations sociales au sein de votre ministère.
Monsieur le ministre, j'espère que le débat qui va suivre sera l'occasion pour vous de répondre précisément à chacune de ces questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, cher président Teissier, mes chers collègues, en ce qui concerne la défense, les budgets se suivent et se ressemblent.
Vos discours se suivent et se ressemblent aussi !
Vous comprendrez, par conséquent, que mon propos soit sensiblement de la même teneur que celui de l'année dernière, mais je ne compte pas me répéter, je vous rassure !
Surtout, je ne voudrais pas trop banaliser l'exercice. En effet, nous sommes dans une période d'intenses changements, dont l'ampleur est comparable à ce qu'ont représenté la fin de la conscription et la professionnalisation des armées.
La colère est grande chez les personnels civils du ministère. La RGPP aveugle et dogmatique se poursuit. Elle avait été critiquée par Philippe Séguin quand il était premier président de la Cour des comptes.
S'appuyant à nouveau sur des recettes virtuelles, le projet de la mission « Défense » supprime 8 250 emplois à temps plein, dont 2 051 sont des emplois civils.
Les objectifs de la loi de programmation militaire, inspirés par le Livre blanc, sont respectés, afin de gonfler les dépenses d'armement.
Derrière ces chiffres, une question de fond est posée : jusqu'où iront le recentrage sur le « coeur de métier » des armées et la liquidation du soutien ? Nous n'avons pas la réponse à cette question.
Pour ma part, pour qualifier la RGPP, je parlerai de machine infernale, qui touche de manière uniforme tous les ministères et toutes les administrations. Dans la défense, c'est particulièrement inquiétant pour la sécurité de nos soldats engagés en opération.
Au plan territorial, cette pseudo-modernisation se traduit par la création des bases de défense. Celles-ci sont imposées sans évaluation ni retour d'expérience sérieux des sites pilotes. Tout au plus la représentation nationale est-elle informée du fait que ces bases ne doivent pas être trop petites, pour que puissent véritablement jouer les économies d'échelle. En réalité, nous sommes priés d'entériner la généralisation de ces bases sans évaluation véritable, ou du moins sans évaluation indépendante du ministère.
Au lieu de fermer des bases chez nous, de dissoudre des unités, des régiments et des escadrons, de brader le patrimoine immobilier de l'armée – lequel pourrait servir utilement pour le plus grand nombre – et d'abandonner certains objectifs d'aménagement du territoire national, nous ferions mieux de commencer par fermer toutes nos bases militaires permanentes à l'étranger.
Celles-ci constituent autant d'atteintes à la souveraineté des pays concernés. Il faudrait, bien entendu, fermer la base récemment inaugurée aux Émirats arabes unis, dans laquelle les Américains stationnent en masse et dont l'un des buts est de préparer une participation française à une possible attaque contre l'Iran.
Il faudrait aussi fermer les bases permanentes à Djibouti, au Gabon et au Sénégal. Et que l'on n'avance pas l'existence du terrorisme islamique au Sahel pour justifier notre présence permanente en Afrique !
Les interventions de nos troupes doivent toujours se faire en appui des forces souveraines locales.
Par ailleurs, il faut bien comprendre que notre influence économique et linguistique dans ce continent ne dépend pas de la présence de nos baïonnettes, mais de notre soutien aux forces démocratiques africaines.
Concernant la réduction du soutien, celui-ci va de pair avec des externalisations de plus en plus nombreuses au bénéfice du privé. Les organisations syndicales nous alertent constamment sur le risque de coûts globaux supérieurs aux coûts initiaux.
Le recours au privé peut s'avérer beaucoup plus onéreux. C'est l'amère expérience qui a été faite dans de nombreux pays. C'est pourtant le privé qui a les faveurs du Gouvernement, pour des raisons idéologiques, même si, bien entendu, le ministre s'en défend.
Il est donc urgent de repenser et de renforcer le contrôle a priori et a posteriori sur l'exécution des programmes, afin de rechercher la meilleure efficience budgétaire possible.
Symbole spectaculaire de la montée en puissance du recours à des prestations privées : le titanesque projet Balard. Réalisé sous forme d'un contrat de partenariat, dernier rejeton de la famille des PPP – les partenariats public-privé –, ce projet immobilier va coûter très cher.
Je ne veux pas discuter de l'opportunité de regrouper physiquement l'administration centrale, les directions civiles et militaires et les états-majors.
Un regroupement peut effectivement dégager des économies de fonctionnement, je ne le conteste pas, monsieur le ministre. Mais pourquoi avoir recours à un contrat de partenariat et non à la procédure classique de marché public ?
Car qui dit partenariat avec le privé dit encaissement accru de bénéfices, que l'on imagine colossaux vu la complexité du projet.
Actuellement, l'État dispose du terrain, a défini le programme de l'opération et son calendrier et va confier à un opérateur la conception, la réalisation et 1'entretien de l'ensemble immobilier pour trente ans.
La fourniture de l'eau et de l'électricité, ainsi que les services de gardiennage, de maintenance informatique, de nettoyage ou de restauration seront assurés par l'opérateur, qui, en contrepartie, recevra de l'État un loyer annuel.
On nous dit que cette redevance couvrira l'ensemble des coûts en question, mais elle couvrira aussi de confortables bénéfices.
Alors, bien sûr, sur l'ensemble de la mission budgétaire, il est prévu tellement de suppressions de postes que des économies seront tout de même dégagées.
Une petite partie des économies dégagées par les réductions d'effectifs servira à l'amélioration catégorielle de la condition militaire. Mais comment peut-on présenter cela comme une avancée pour les personnels civils alors que, dans le même temps, sont décidés le gel du traitement des fonctionnaires et la suspension des décrets salariaux des ouvriers de l'État ?
Et surtout, la baisse des effectifs est utilisée pour continuer la course aux armements.
En effet, 16 milliards d'euros seront consacrés aux équipements en 2011, puis 16,8 milliards en 2012 et 17,4 milliards en 2013.
Parmi ces dépenses, je ne veux pas cibler particulièrement les matériels qui servent le commandement et la maîtrise de l'information. Je veux cibler le matériel d'attaque, notamment la dissuasion nucléaire.
Si l'on prend en compte les études, les opérations d'armement, l'entretien programmé du matériel et l'infrastructure liée à la dissuasion, ce sont 3,4 milliards par an, soit près de 10 millions d'euros par jour, qui sont consacrés à l'arme nucléaire. Cela représente 21 % des crédits d'équipement.
La dissuasion nucléaire emploie directement 4 000 militaires de la marine nationale et de l'armée de l'air. Elle est devenue notre nouvelle ligne Maginot !
Pendant ce temps, la France souffre de la comparaison avec les autres armées au plan de l'armement conventionnel.
Je le dis et je le répète, il faudrait faire progressivement l'économie de l'arme nucléaire, même potentielle, car son utilisation aurait des conséquences irrémédiables sur l'humanité et sur les écosystèmes.
La réduction de la composante aéroportée est insuffisante, même s'il faut se réjouir du passage de trois à deux du nombre d'escadrons de chasse en 2011.
Les arsenaux nucléaires sont inadaptés à la réalité des conflits contemporains et à la prévention des attaques terroristes. Non, le nucléaire n'est pas l'assurance vie de la nation, il est un vestige de la guerre froide !
Attention à ne pas jouer avec le feu nucléaire, comme le fait le Président de la République, qui a ouvert la voie, dans son discours de Lorient, à l'utilisation irresponsable de l'arme nucléaire à l'encontre de pays qui en sont dépourvus.
Attention, aussi, à ne pas braquer certaines nations déclarées hostiles, avec des gadgets aussi coûteux et inefficaces que la défense antimissile balistique, par exemple. Un tel bouclier serait apparemment dressé à l'encontre de pays comme l'Iran, la Chine ou la République populaire démocratique de Corée.
S'agissant de la Chine, je crois savoir que ses rapports avec la France sont très corrects.
Quant à la Corée du Nord, ce pays représente la quatrième puissance militaire mondiale, forte de plus d'un million de militaires actifs et de l'arme nucléaire.
Je pense qu'un dialogue non condescendant, un traité de paix et une reconnaissance diplomatique seraient plus efficaces qu'un bouclier antimissile, pour lequel l'OTAN fait le forcing, au service des industries américaines de défense.
Au passage, cette organisation militaire, qui n'est pas réformable dans ses buts et qui coûte déjà très cher en elle-même, risque de grever encore plus nos finances.
Notre pays est un des principaux contributeurs de l'OTAN, le quatrième aux plans financier et humain. Nous sommes aujourd'hui totalement insérés dans l'ensemble des dispositifs de l'OTAN, et la contribution de la France est passée de 160 à 230 millions d'euros.
Notre retour dans les structures du commandement intégré, loin ne nous apporter un quelconque avantage, nous conduit à devoir accepter une défense antimissile dont nous ne voulons pas et dont on chiffre le coût à plusieurs centaines de millions d'euros par an.
Le stationnement de soldats dans l'administration de l'OTAN représente à mes yeux un surcoût et prive notre armée de nos meilleurs éléments.
Voilà des sources d'économie : dissoudre l'OTAN et arrêter de céder aux caprices des industries de défense !
Ce dernier point nécessite de constituer un pôle public des industries de défense, regroupant tous les acteurs, sous le contrôle de l'État, actionnaire à 100 % des activités.
Nous préconisons ainsi l'exact opposé de la politique industrielle gouvernementale, qui brade les activités publiques, comme elle l'a fait pour la SNPE.
Un tel pôle public serait au contraire un outil qui préserverait le concept de défense nationale, garantirait notre indépendance et sécuriserait les approvisionnements, à l'inverse de l'ignoble marché de canons européen en construction.
Le commerce des armes ne devrait pas être dépendant des profits des actionnaires, c'est une évidence. Les armes ne sont pas des marchandises comme les autres ; nous refusons catégoriquement les directives européennes de libération du marché.
Si nous ajoutons, enfin, les crédits en constante augmentation pour les opérations extérieures, notamment en Afghanistan, nous pouvons dire que ce budget est un véritable budget de guerre.
Le Gouvernement voudrait nous faire croire que l'effort de défense important est le révélateur d'une volonté de peser de manière autonome dans le monde, de sortir d'un protectorat américain.
C'est l'inverse qui se passe, avec la réintégration dans le commandement de l'OTAN, qui marque la fin d'une organisation de la sécurité européenne, et l'alignement, en ce qui concerne tous les sujets majeurs, de la diplomatie française sur la diplomatie états-unienne.
Les députés communistes, républicains, du Parti de Gauche, ainsi que leurs collègues Verts et ultramarins, tout en saluant le courage et le dévouement des militaires dans l'exécution de leur mission, voteront contre les crédits de la mission « Défense » inscrits dans le budget pour 2011.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission de la défense, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, avant d'examiner plus en détail le budget 2011 de la défense, j'aimerais rendre un hommage appuyé à nos compatriotes militaires qui, chaque jour, risquent leur vie pour le respect de nos engagements internationaux ou la préservation des intérêts vitaux de la nation.
J'aimerais ainsi redire l'importance de cette mission et la spécificité du rôle des militaires, dont le sacrifice est souvent immense, parfois ultime. Ce n'est pas le député de Castres et de son prestigieux 8e RPIMa qui vous dira le contraire.
Mes chers collègues, comme vous le savez, le budget de la défense n'échappe pas au processus de redressement de nos finances publiques. Notre groupe a trop alerté le Gouvernement sur la dérive de nos finances publiques pour ne pas comprendre qu'un tel effort soit partagé par l'ensemble des ministères.
Néanmoins, parce que cette fonction régalienne, j'allais dire l'une des plus régaliennes de l'État, n'est comparable à nulle autre, nous devons impérativement veiller au maintien de l'effort, ainsi qu'à l'exception budgétaire de cette mission. Tout euro gagné sur les dépenses de fonctionnement doit rester dans le périmètre de la défense pour financer les investissements.
Ainsi, ce PLF prévoit, pour le ministère de la défense, 31,2 milliards d'euros pour l'année 2011. L'effort consenti pour ce secteur stratégique est d'ailleurs partiellement financé par des recettes exceptionnelles générées par la vente de biens immobiliers et de fréquences.
Rappelons également que les crédits alloués à cette mission sont, par rapport à la loi de programmation militaire 2009-2014, en diminution d'environ un milliard d'euros sur trois ans. Cette somme doit être rapprochée des 95 milliards d'euros dont va bénéficier la mission « Défense » sur la période 2011-2013.
Il faut ici souligner le fait que le ministère de la défense n'a pas attendu les décisions de la RGPP pour mettre en oeuvre la rationalisation de notre outil stratégique de défense. Les bons élèves ne doivent pas être doublement sanctionnés.
Ce budget, tout en étant responsable, est malgré tout respectueux des grands équilibres définis par le Livre blanc de la défense.
Je tiens ici à saluer l'action et l'implication personnelle du ministre de la défense dans la préparation de ce budget, puisque, à des contraintes financières, il faut ajouter un contexte international difficile.
Cette véritable impasse budgétaire est d'ailleurs d'autant plus difficile à résoudre que nous devons tenir compte des impératifs industriels, et de tous les enjeux afférents à la préservation de l'emploi, d'une capacité de recherche-développement et au maintien d'un certain savoir-faire en cette période de crise.
Au nom du groupe Nouveau Centre et apparentés, j'aimerais ici faire trois remarques : premièrement, je me réjouis que la priorité en faveur de l'effort d'équipement soit maintenue dans ce budget. En effet, ces crédits d'équipement atteindront ainsi 16 milliards d'euros en 2011 pour s'élever à 16,8 milliards d'euros dès 2012 et atteindre 17,4 milliards d'euros en 2013, en cohérence avec l'évolution définie par la loi de programmation militaire. Je vous rappelle en effet que la moyenne de la LPM 2003-2008 était de 15 milliards d'euros. De plus, nous devons souligner les mauvaises surprises que réservent parfois certains matériels nouveaux, notamment en raison d'un coût plus élevé pour le maintien en condition opérationnelle.
Deuxièmement, j'aimerais souligner les progrès considérables qui ont été réalisés depuis 2008 dans le financement des opérations extérieures, puisque celui-ci ne repose plus, comme vous le savez, sur des ponctions sur les crédits d'équipement comme nous en avons connu au cours des précédentes LPM.
Troisièmement, j'aimerais saluer l'effort qui est fait en faveur de l'amélioration des conditions du personnel dans un contexte de déflation des effectifs, puisque le ministère maintient son engagement en faveur des ressources humaines, à hauteur de 95 millions d'euros au profit de l'amélioration de la condition du personnel, et à hauteur de 238 millions d'euros au titre du plan d'accompagnement des restructurations, dont 58 millions d'euros de mesures nouvelles. Au-delà, la défense reste l'un des premiers employeurs de l'État, avec plus de 22 000 recrutements l'an prochain. Cet effort est d'ailleurs d'autant plus important à souligner que le recrutement de la défense a souvent une vocation de promotion sociale.
Néanmoins, mes chers collègues, je crois que les conditions contraignantes d'élaboration de ce budget posent une question plus large, à savoir : quelle défense voulons-nous pour notre pays ? Quel rôle voulons-nous que la France joue dans un monde à vocation multipolaire ?
Je vous le dis clairement : si nous voulons demeurer une grande puissance, ou tout au moins une puissance globale capable de tenir ses engagements internationaux, si nous voulons assurer nos droits et nos devoirs en qualité de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, si nous voulons tout simplement assurer notre souveraineté globale – et non exclusivement métropolitaine – notamment sur nos DOM, COM et territoires, qui représentent 90 % de notre zone économique exclusive, il faut nous en donner les moyens.
Le courage et la lucidité nous imposent de prendre acte de cette situation, dans un contexte où l'Europe baisse la garde, et où l'Europe de la défense est au point mort. En effet, l'effort de la nation pour la défense n'est que de 1,6 % du PIB, hors pensions, alors qu'il était de 6 % au début des années soixante, et qu'il est de près de 5 % aujourd'hui aux États-Unis et de 10 % en Chine !
Pire encore, c'est l'ensemble des États européens qui ont un niveau de dépenses militaires insuffisant. Depuis les années 2000 en effet, les budgets militaires ont augmenté partout, sauf en Europe occidentale, qui a connu une régression de près de 5 % depuis 2006.
Cette indigence de moyens est à ce point inquiétante que la question doit aujourd'hui se poser en ces termes : notre perspective européenne doit-elle être de devenir un continent indépendant, qui mène sa propre politique en général – de défense en particulier –, ou bien de devenir d'ici quelques décennies un protectorat américain ou chinois ?
Je pense ici à la montée en puissance de notre onéreuse implication dans l'OTAN bureaucratique, pour laquelle j'ai émis à titre personnel, vous vous en souvenez, de nombreuses réserves ; elles sont d'ailleurs loin d'être levées aujourd'hui.
Vous remarquerez, monsieur le ministre, que je ne fais que reprendre vos propos dans une entrevue au quotidien La Tribune, dans laquelle vous déclariez : « Nous sommes en train de renoncer à être un acteur majeur sur la scène internationale où l'on pèsera de moins en moins sans une construction politique européenne. » J'ajouterais : une construction militaire européenne.
Cette question, je le crois, mérite d'autant plus d'être posée que le mal français, en matière de défense, après avoir sanctuarisé le nucléaire, notamment dans sa dimension stratégique, c'est de ne pas choisir, alors que les conflits dans lesquels nous sommes engagés sont de plus en plus asymétriques.
Mais le mal français, c'est aussi parfois de ne pas savoir tirer les leçons du passé : avons-nous, en effet, tiré toutes les leçons de l'exemple du GIAT, qui fait qu'un programme a été poursuivi contre toute logique et que nous avons aujourd'hui plus de quatre-vingt-dix chars Leclerc sous coque, donc inutiles, alors que l'armée de terre a tant de besoins en petits équipements et matériels pour la protection des forces.
Sur la partie « Matériels », il y a en effet de réelles interrogations. Je pense ici au fameux programme « Rafale », meilleur avion de combat au monde, dont il est légitime de demander si faute d'exportation il ne vampirise pas les autres priorités de l'armée de l'air, notamment en matière de transport avec les retards de l'A400M, et notre retard en matière de drones.
Comment ne pas évoquer également ici les questions relatives à la marine ? Il est légitime de se demander si la composante océanique stratégique n'est pas la belle coque qui cache certains vieux rafiots !
Sans revenir sur le grand débat du second porte-avions, après s'être félicité de l'avancée des programmes FREMM, de nouvelles interrogations se posent sur l'état des bâtiments de souveraineté outre-mer et sur notre capacité à assumer nos responsabilités sur le deuxième domaine maritime au monde.
Mes chers collègues, vous l'aurez donc compris, mes interrogations premières ne portent pas précisément sur l'avenir proche de notre outil de défense, mais sur sa situation à moyen et long terme.
Il nous appartient, en tant que responsables politiques, de trouver des voies autres que la voie budgétaire afin de conserver un outil de défense efficace, moderne et soucieux de la condition de ses personnels.
La mutualisation des moyens avec nos partenaires européens est certainement l'une de ces voies. À ce titre, je ne puis que me féliciter du traité bilatéral que nous venons de signer avec nos alliés britanniques, puisqu'il est porteur d'importantes coopérations opérationnelles et techniques.
Mais j'aimerais néanmoins vous dire que si le renforcement de cette relation bilatérale est bien entendu indispensable elle ne doit être que la première étape d'une construction de l'Europe de la défense.
Mes chers collègues, monsieur le ministre, vous ne serez donc pas surpris que le groupe Nouveau Centre et apparentés vote les crédits alloués à cette mission. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Nous examinons ce jour le second budget de la défense depuis l'adoption par notre Assemblée, le 16 juin 2009, de la loi de programmation militaire concernant la période 2009-2014.
Malgré la crise qui touche notre pays et conformément à la trajectoire financière définie par la loi de programmation militaire, les ressources de la mission « Défense » sont maintenues en volume sur la durée.
Notre effort de défense demeure aux environs de 2 % du produit intérieur brut, ce qui représente un peu plus de 700 euros par habitant consacré aux dépenses militaires. Cela démontre que la défense figure parmi les priorités du gouvernement, ce dont le groupe UMP se félicite.
Plus de 31 milliards d'euros y seront consacrés cette année. Je souhaite le rappeler à l'occasion de ce budget : assurer la défense de notre pays et la sécurité de nos concitoyens nécessite des moyens considérables.
C'est une réalité que la plupart de nos concitoyens ignorent ou ne comprennent pas forcément en ces temps où notre sol et notre continent – du moins l'Union européenne – sont préservés par les conflits.
La menace terroriste s'est rappelée à nous il y a une semaine. Ces récentes menaces visant plus particulièrement notre partenaire américain démontrent la capacité d'adaptation de nos adversaires qui s'attaquent, de l'avis de tous les experts, au point faible du transport aérien : le fret. Le fait que ces potentiels attentats aient été déjoués démontre aussi, s'il en était besoin, le travail minutieux des différents services.
Nous le savons, notre pays est menacé. Plusieurs de nos concitoyens sont otages aux mains de groupuscules, plus ou moins identifiés, proches ou dépendants directement de la mouvance d'al-Qaïda. Je pense bien sûr aux deux journalistes de la rédaction de France 3, mais n'oublions pas nos compatriotes employés d'Areva dont l'enlèvement au Niger a démontré, s'il en était besoin, la dangerosité de cette zone, ni l'un de nos agents actuellement détenu en Somalie.
Nous savons que le Gouvernement oeuvre pour leur retour à tous dans les plus brefs délais et dans les meilleures conditions possibles. Et je profite de l'occasion qui m'est donnée à cette tribune pour les assurer de tout notre soutien.
Je souhaite par ailleurs, au nom du groupe UMP et de toute la représentation nationale, rendre hommage à nos armées et tout particulièrement aux milliers d'hommes engagés dans les OPEX.
Répondre à de tels enjeux implique que les efforts consentis par la nation en matière de défense soient utilisés au mieux, dans le cadre de la défense de nos intérêts.
Notre outil de défense a été très sollicité ces dernières années, et le ministère a consenti à des efforts de réformes et de restructurations très importants.
Le ministère de la défense prendra sa part à l'effort considérable de réduction des déficits publics engagé avec courage et fermeté par le Gouvernement. Sur la période 2011-2013, ses crédits budgétaires seront réduits de 3,6 milliards d'euros par rapport à la trajectoire définie par la loi de programmation militaire.
Vous le savez monsieur le ministre, ces annonces ont suscité des craintes de la part de nos militaires, déjà très engagés dans des efforts importants, mais également de nos industriels du secteur, inquiets des conséquences éventuelles d'un non-respect par l'État des engagements pris en matières de renouvellement des équipements.
Vous vous êtes efforcé, monsieur le ministre, de nous rassurer ces derniers mois et le budget que vous nous présentez aujourd'hui le fait en grande partie.
Je ne reviendrai pas sur les différents programmes fort bien décrits par les rapporteurs. Je souhaite néanmoins insister sur quelques points qui me paraissent particulièrement importants : en premier lieu, les efforts majeurs de modernisation mis en place par le ministère. Depuis de nombreuses années déjà, le ministère de la défense a entamé un processus de modernisation et d'adaptation de ses structures et de son fonctionnement aux nouvelles réalités issues, entre autres, de la professionnalisation.
Depuis trois ans maintenant, dans le cadre de la RGPP puis du plan de modernisation de la défense présenté en 2008 par le Premier ministre, notre défense connaît des restructurations sans précédent. À terme, en 2014, plus de 54 000 postes civils et militaires seront supprimés. Pour l'année 2010, 8 400 emplois seront supprimés. Depuis 2008, ce sont plus de 31 000 postes qui ont été supprimés.
Malgré tout, la défense reste l'un des premiers recruteurs de l'État puisque le recrutement de plus de 21 000 militaires et 1 000 civils est prévu cette année.
Comme un certain nombre de mes collègues, je m'interroge sur la capacité d'attractivité de notre défense à un moment où l'on parle de restructurations et de suppressions d'emplois.
Nous n'avons aucun problème de recrutement.
Le chef d'état-major des armées l'avait évoqué lors de son audition en commission de la défense l'année dernière. Il avait parlé d'une « manoeuvre concernant les ressources humaines particulièrement délicate à conduire ». Cette année, il a évoqué devant nous « une année 2010 difficile marquée par une très forte mobilité interne » et parle pour 2011 d'une année encore plus difficile.
Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez nous rassurer sur cette question, même si je constate avec satisfaction les efforts consentis de nouveau cette année pour améliorer les conditions du personnel, puisque 58 millions d'euros de mesures nouvelles y seront consacrés.
Je ne reviendrai pas sur les dépenses d'équipement qui ont été fort bien décrites par nos rapporteurs.
Je ne reviens pas non plus sur les recettes exceptionnelles escomptées par votre ministère, nous en avons tant entendu parler que ce n'est pas la peine d'en rajouter.
Je crois que vous allez nous répondre sur ce point tout à l'heure.
L'année 2011 verra la poursuite de livraisons importantes et attendues de nos forces : des moyens renouvelés et rénovés de maîtrise de l'information consacrent la nouvelle fonction connaissance et information prônée par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Je ne rappellerai pas non plus le programme des livraisons, qui ont été largement publiées dans nos rapports parlementaires et dans le fascicule que vous nous avez fourni pour ce budget.
Parmi les commandes, je souhaite souligner celle du sous- marin nucléaire d'attaque de type Barracuda.
Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous fassiez un premier bilan de notre retour au sein du commandement intégré de l'OTAN. C'est un retour que nous avons souhaité et soutenu. Le chef d'état-major, lors de son audition a indiqué que notre montée en puissance au sein de cette structure se poursuivait selon le calendrier prévu et qu'elle devait s'achever en 2012.
Pourriez-vous nous indiquer combien d'hommes seront à terme impliqués dans cette participation pleine et entière ? Où en sommes-nous de la réforme ? Arrivons-nous réellement à peser comme nous le souhaitions sur cette réforme ?
Nous étions l'année dernière le cinquième contributeur en termes d'effectifs engagés, nous sommes aujourd'hui le quatrième, cela démontre notre engagement total.
Je souhaite enfin revenir sur le financement du surcoût des opérations extérieures. Notre pays est actuellement engagé dans des dizaines d'opérations extérieures à travers le monde. Ces opérations se font dans différents cadres : sous l'égide de l'ONU, de l'Union européenne, de l'OTAN ou à titre purement national. Près de 9 000 militaires français au total sont engagés.
Par définition, une large part d'incertitudes marque ces opérations extérieures. Lorsque nous avons voté ces crédits l'année dernière, il était acquis que notre présence en Afghanistan ou dans l'opération Atalante allait se poursuivre. En revanche, rien ne laissait présager le terrible séisme à Haïti, où nos forces présentes en outre-mer se sont mobilisées avec beaucoup de rapidité et d'efficacité.
Compte tenu de notre implication dans les recherches après la catastrophe du vol Rio-Paris, pouvez-vous nous donner des indications sur le montant des dépenses ?
Comme pour les années précédentes le montant de ces surcoûts sera imputé non sur les crédits d'équipement de la défense, mais sur la réserve de précaution interministérielle.
Avant de conclure, je souhaite, monsieur le ministre, me féliciter des propositions du sommet franco-britannique du 2 novembre qui constitue une nouvelle étape importante dans la coopération entre nos deux pays. Étant donné l'importance de cette initiative, pourrions-nous envisager un débat, soit en commission, soit en séance publique à l'Assemblée sur cette question ?
Monsieur le ministre, quelles sont les conséquences en matière budgétaire sur le budget de la défense des modifications envisagées du traité de Lisbonne ?
Mes chers collègues, je tiens à le répéter : le budget que nous examinons aujourd'hui est – dans un contexte difficile de sortie de crise et d'effort budgétaire sans précédent – un bon budget.
Certes, mais ce budget est d'une telle importance qu'il est difficile d'être bref.
Ce budget est, pour nos militaires, très difficile. Mais nous savons que l'on peut compter sur eux et qu'avec eux pour paraphraser Bernard Cazeneuve, « tout devient possible ».
Monsieur le ministre, le groupe UMP votera sans aucune réserve ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
« Défense »
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant toute chose, j'aimerais associer mon collègue Francis Hillmeyer à mes propos. Il ne peut malheureusement être présent parmi nous puisqu'il se trouve en ce moment même en mission parlementaire.
J'aimerais également saluer l'action du ministre de la défense, qui a eu la délicate mission de préparer ce budget 2011 dans un contexte particulièrement contraint puisque, comme vous le savez, le ministère de la défense n'échappe pas à l'indispensable redressement de nos finances publiques.
Cette tâche est d'ailleurs d'autant plus difficile que la défense nationale n'a pas attendu 2011 pour optimiser à la fois son fonctionnement et la gestion de ses effectifs grâce à la réforme de la carte militaire.
Force est de constater que vous êtes parvenu, monsieur le ministre, à respecter au travers de ce budget les grands équilibres définis par le Livre blanc de la défense.
Néanmoins, les contraintes budgétaires actuelles nous imposent de remettre en perspective la place que nous accordons à la défense dans le périmètre d'action d'un État moderne.
En effet, si la situation de nos crédits militaires est préservée au moins jusqu'en 2012, en sera-t-il de même pour l'avenir ? Cette situation est d'ailleurs d'autant plus délicate que l'ensemble des pays européens ont aujourd'hui un niveau de dépenses militaires insuffisant pour faire face aux nouvelles menaces qui pèsent sur les démocraties occidentales.
Dans le même temps, et partout ailleurs dans le monde, les crédits alloués à la défense augmentent. Ce différentiel de moyens entre l'Europe et le reste du monde n'est pas soutenable à long terme.
Je sais, monsieur le ministre, qu'il s'agit là d'une de vos préoccupations constantes, sur laquelle vous avez, à maintes reprises, alerté vos homologues européens. En effet, si l'Europe de la défense ne prend pas forme, nous glisserons alors, comme vous l'avez rappelé « doucement et confortablement, … vers un condominium sino-américain. »
Au Nouveau Centre, nous avons toujours plaidé en faveur d'une véritable Europe de la défense, une Europe qui mutualise ses forces au service de la liberté et de l'indépendance de sa gouvernance.
Le renforcement de notre relation bilatérale avec les Britanniques ne doit être que la première étape d'un tel projet, un projet qui n'a de sens que s'il est porté par une véritable ambition politique. En effet les gains réalisés par la mutualisation de nos moyens ne sont pas seulement financiers, ils sont aussi, et peut-être avant tout, diplomatiques et stratégiques.
Imaginez un seul instant que l'Europe soit capable de parler et d'agir d'une seule voix dans la résolution des conflits internationaux ! Imaginez un instant quelle serait la force stratégique de notre continent capable d'intervenir partout dans le monde avec l'appui d'une armée unique !
L'Union européenne – nous en sommes convaincus au Nouveau Centre – est aujourd'hui en mesure de répondre aux attentes que nous plaçons en elle.
À cet égard, l'énergie déployée par le Président de la République à l'occasion de la crise russo-géorgienne de l'été 2008 aura sans doute marqué un tournant décisif dans l'émergence d'un acteur européen global sur la scène internationale.
En août 2008, les troupes russes stoppaient leur progression à quelques dizaines de kilomètres seulement de Tbilissi, après que les vingt-sept gouvernements européens s'étaient mobilisés, en quelques heures, pour permettre à la Géorgie de sauvegarder son indépendance.
Il nous appartient à présent de tout faire pour que l'histoire interprète cette crise non comme un épisode isolé, mais comme l'heure où l'Europe a, enfin, joué pleinement son rôle sur la scène internationale.
Mes chers collègues, la force de l'Union européenne, c'est d'avoir réussi la paix. Contre le cours de l'histoire, l'Union européenne a su créer les conditions d'émergence d'un monde nouveau dans lequel l'esprit guerrier des nationalismes n'a plus sa place.
Il nous appartient à nous, responsables politiques, de donner une nouvelle impulsion à cet élan pour que l'Europe soit reconnue comme un acteur stratégique à part entière. Le Nouveau Centre votera donc les crédits alloués à la mission « Défense ».
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi en premier lieu d'avoir une pensée pour les femmes et les hommes de toutes les armes qui, en ce moment même, oeuvrent sur les théâtres de crise où nos forces sont engagées et exercent leur mission avec courage, force et détermination au péril de leur vie.
Nous voilà réunis pour analyser le budget 2011 de notre défense et de nos forces armées, un budget qui s'inscrit dans une période difficile, mais où nous voyons enfin poindre quelques signaux indiquant que la sortie de crise est proche. Ce budget hors pension d'un montant de 31,19 milliards d'euros est en recul de 3 % par rapport au budget 2010 qui était de 32,20 milliards. Les différents rapporteurs nous ont minutieusement détaillé, en commission comme dans l'hémicycle, l'impact des réductions budgétaires sur chacune de nos forces, que ce soit en Front Office ou dans le soutien. Cela me conduit à quelques réflexions.
La mise en oeuvre du nouveau concept stratégique et du nouveau concept d'emploi de nos forces – fixés en 2008 dans le Livre blanc et son corollaire dans la RGPP – représentait une enveloppe financière de 377 milliards d'euros pour les douze ans à venir afin d'assurer le principe de stricte suffisance, si cher à notre Président de la République.
Tout cela était fidèlement décliné dans la loi de programmation militaire 2009-2014 avec une enveloppe dédiée de 186 milliards et une progression des crédits au rythme de l'inflation réévalué d'un point à partir de 2012.
Tempérant notre enthousiasme de l'époque, nous avions bien sûr apprécié cet effort louable, mais nous avions dénoncé le fait que la moindre réduction de crédits pendant cette période pourrait entraîner des difficultés pour conserver un outil militaire efficace. Depuis, la crise est malheureusement passée par là et nous oblige à réduire la voilure. C'est donc légitimement que nous sommes aujourd'hui très inquiets des conséquences des restrictions budgétaires annoncées car notre enveloppe réelle nous semble définitivement trop petite pour couvrir les ambitions de la loi de programmation militaire, en dépit du ballon d'oxygène apporté par le plan de relance.
Durant nos auditions, nous avons entendu les craintes de tous les chefs d'état-major. Le chef d'état-major des armées lui-même, l'amiral Édouard Guillaud, n'hésite pas à déclarer dans une revue de défense : « Nous avons pour l'instant des armées cohérentes, mais nous sommes au seuil. Si l'on devait connaître une coupe supplémentaire, il faudrait se poser la question du modèle et peut-être changer ce modèle parce qu'il pourrait devenir déséquilibré. Les militaires vivraient mal l'incohérence entre l'ambition et l'effort. »
D'autres nations européennes voient aussi leur défense touchée par le syndrome de la peau de chagrin. La Grande-Bretagne vient de réduire son budget de défense de 7,5 %. ; l'Allemagne annonce une économie de 8,3 % sur quatre ans ; l'Espagne a réduit ses dépenses militaires de 9 %. Cette vague de contraction contraste avec ce qui se passe hors d'Europe.
Selon le Stockholm International Peace Research Institute ou SIPRI – je vous conseille la lecture de ses très intéressantes publications –, les dépenses militaires dans le monde ont atteint 1531 milliards de dollars en 2009, soit une augmentation de 6 % en un an et de 49 % depuis l'an 2000.
Sur cette période, elles ont augmenté de plus 105 % en Russie, plus de 75 % aux USA, plus de 67 % en Inde et plus de 38 % au Brésil.
En Chine – et nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui son président de la République –, la croissance des dépenses militaire atteint plus de 217 % en dix ans ! Il s'agit donc d'une véritable démilitarisation de l'Europe. Les pays y consacrent en moyenne moins de 1,5 % de leur PIB et, seuls, six pays atteignent les 2 % en périmètre OTAN, qui englobe les pensions et la gendarmerie. La France y consacre 2,35 % et le Royaume-Uni 2,28 %.
La volonté de développer une véritable Europe de la défense se heurte aux réticences des pays européens les plus atlantistes, majoritaires au sein des vingt et un pays qui appartiennent à la fois à l'Union européenne et à l'Alliance atlantique, à développer des instruments de coopération proprement européens.
Ces pays sont opposés aux « deux D » – Découplage EuropeÉtats-Unis et Duplication des moyens OtanUnion européenne – et souhaiteraient plutôt associer l'OTAN à toute initiative européenne.
L'Europe a donc besoin d'un nouveau discours sur la raison d'être de ses forces armées au risque d'être marginalisée sur la scène mondiale. Cette alliance européenne doit donc se construire au sein d'un pilier européen de l'OTAN.
À elles seules, la Grande-Bretagne et la France représentent près de 50 % des dépenses de défense européenne et deux tiers des dépenses militaires de recherche et développement. Il est donc tout à fait juste de penser qu'une coopération militaire accrue avec le Royaume-Uni – notre partenaire naturel en matière militaire –, suivie d'une plus grande intégration dans les structures supranationales de l'OTAN, soit à même de répondre à l'impasse budgétaire dans laquelle nous sommes en train de nous engager.
Le traité de coopération militaire signé avant-hier constitue la première étape de cette nécessaire évolution. Le 2 novembre 2010 restera dans l'histoire comme le jour où la France et la Grande-Bretagne ont fait un pas de géant dans le rapprochement de leurs deux armées. Ce traité est bien sûr aussi l'occasion de faire des économies et de traduire les paroles en actes ; je ne doute pas que les contraintes financières aient joué un rôle d'accélérateur dans ce processus. Oui, la mutualisation, les économies d'échelle ainsi que l'interdépendance sont des éléments positifs car les économies ainsi réalisées pourront être réinjectées dans des secteurs qui souffrent actuellement des diminutions de crédits.
La dissuasion est un poste très lourd pour nos armées et représente 32 % des dépenses d'équipement. La coopération dans le domaine du nucléaire est l'élément symbolique de cet accord et montre que les deux plus grandes puissances militaires européennes ont compris que si elles ne s'entraidaient pas, elles périraient séparément.
En ce sens, le partage des essais nucléaires, de la mise en condition opérationnelle et de la recherche et développement en ce qui concerne l'arme nucléaire, peut-être demain le partage de la permanence à la mer des SNLE ainsi que l'hypothèse d'une force aéronavale partagée, généreraient de substantielles économies.
Le domaine des drones, en particulier les MALE – moyenne altitude longue endurance – et celui de la cyberdéfense sont aussi abordés dans le traité. Ce choix est très judicieux car il est plus facile de coopérer sur de nouveaux projets plutôt que sur ceux qui présentent déjà un passif !
En ce qui concerne nos entreprises, il existe deux options : resserrer l'activité des entreprises ou se regrouper dans de grands groupes européens.
Mes chers collègues, les lignes commencent, enfin, à bouger en Europe et nous pouvons être fiers de constater que la France en est la locomotive. Je suis convaincu que cette « entente formidable » selon l'expression même de David Cameron peut être le déclencheur d'un type de nouvelles alliances par spécialisation permettant à chacun de se concentrer sur ses points forts.
C'est à la lumière de cette évolution que nous devrons ensuite, en vue de la prochaine loi de programmation militaire, repenser un modèle d'armée assurément moins complet, mais qui justifiera par sa cohérence, son réalisme face à la menace et sa capacité à assurer la sécurité des Français au XXIe siècle, le coût croissant de son entretien.
Nous devons toujours avoir en tête les mots de Frédéric le Grand : « La diplomatie sans armes, c'est comme la musique sans instruments ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous sommes effectivement dans « l'encoche », selon l'expression consacrée, de la loi de programmation militaire ; 2011 devait être son point bas, nous y sommes. À y regarder de plus près, ce n'est pas une encoche, mais une entaille. Dois-je rappeler que nous sommes à un moment de profonde mutation et que, pour y faire face, la programmation est indispensable ? Il est vital de s'y tenir de manière qu'à l'instant « T », les outils de souveraineté, quels qu'ils soient, puissent être à notre disposition. Cette entaille a un impact sur la programmation triennale : décalage du programme SCORPION, décalage du programme de surveillance et de commandement des opérations aériennes, décalage de la rénovation des Mirage 2000D ; report du CERES, système clé dans l'effort de renseignement que nous devons accomplir ; report du MRTT qui va entraîner une utilisation complémentaire de nos C-135FR qui risquent au final de connaître quatre générations de pilotes.
S'ajoute à cette inquiétude sur les programmes et donc sur la fragilité d'un outil de défense en pleine mutation, une perplexité sur la construction budgétaire puisque nous y voyons un milliard de recettes exceptionnelles. Nous avons un doute légitime, et je ne reviendrais pas sur ce qui s'est passé l'année dernière.
S'agissant des personnels qui méritent notre reconnaissance, je ne vais évoquer, dans les cinq minutes imparties, qu'une chose simple, infime dans la masse budgétaire : l'amendement que nous avons de nouveau déposé pour la prise en compte des deux années de scolarité des anciens élèves des trois premières promotions de l'école d'Issoire. Nous avons un consensus sur le principe ; les coûts ont été arrêtés. Que cette mesure soit désormais appliquée ne serait que justice : c'est à la portée du budget. Faites-le, monsieur le ministre.
Enfin, je veux revenir sur notre positionnement d'abord pour dire qu'il faut clarifier. Nous sommes dans une période de mutation qui nécessite une adaptation de notre outil de défense. Par nature, les radicaux ne s'inscrivent pas dans la logique qui consisterait à s'installer sous le parapluie d'une autre puissance. Nous avons défendu la dissuasion, nous continuons de la défendre. C'est pourquoi j'avais favorablement accueilli les réserves du Gouvernement sur la participation à un éventuel bouclier antimissile, énième successeur du Ballistic Antimissile Boost Interceptor – dit « Bambi » – des années soixante.
Il se trouve que les dernières déclarations du Président de la République tournent le dos à cette logique puisque j'ai lu que nous serions « prêts à y apporter notre contribution ». À ce gage supplémentaire donné à l'OTAN, j'oppose deux arguments.
D'abord, la crise. Nos amis britanniques ont annoncé une réduction de 8 % d'ici à 2015 de leurs dépenses militaires. Nos amis allemands ont décidé de diminuer leurs effectifs et, probablement, leurs équipements en quatre ans. Je viens d'évoquer la situation de la France. Il est donc temps d'évoquer, au niveau européen, une mise en commun des moyens et des efforts, voire une véritable ambition stratégique commune au service d'une certaine autonomie stratégique et d'une capacité de se protéger.
Ensuite, nous savons tous que la relativité de la puissance américaine devient une évidence et Washington, inquiet d'un monde où les cartes se redistribuent très vite et de la situation financière de l'Union, recherche de nouveaux partenaires dans le domaine de la sécurité, qui ne sont pas réellement compatibles avec les impératifs de défense européens.
Nous sommes donc là dans une situation tout à fait particulière. Les militaires disent souvent que sur un théâtre d'opération, l'intelligence consiste à faire d'une contrainte une opportunité. Sur la défense européenne, je forme le voeu que nous soyons intelligents ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'entrerai pas dans le détail des crédits de la mission « Défense », que mes collègues rapporteurs ont parfaitement présentés. Je me contenterai de constater, pour m'en réjouir, que, si la Défense nationale contribue à l'effort de redressement de nos comptes publics, elle demeure une priorité, comme l'atteste la stabilisation en valeur des crédits qui lui sont consacrés, respectant ainsi globalement la loi de programmation militaire.
Il est bon de le rappeler. Tout les ministères voient leurs crédits baisser, sauf le nôtre.
Au sein de l'Union européenne, seul le Royaume-Uni consacre des moyens comparables à ses dépenses militaires.
C'est, d'ailleurs, la coopération entre la France et le Royaume-Uni en matière de défense que je souhaiterais d'abord évoquer, sujet d'actualité au lendemain du sommet franco-britannique qui s'est tenu mardi, à Londres, et de la signature d'un accord historique entre les deux États.
Les caractéristiques communes à nos deux pays les conduisaient naturellement à jouer un rôle moteur dans la construction de l'Europe de la défense. Le sommet de Saint-Malo, en 1998, a constitué un temps fort dans la construction de ce projet. Toutefois, les réalisations n'ont pas été à la hauteur des ambitions.
Aujourd'hui, le contexte apparaît particulièrement favorable à une relance de la coopération franco-britannique. Sur le plan budgétaire, nos deux pays doivent faire face à une impérieuse nécessité de redressement de leurs comptes publics. Sur le plan diplomatique, la France a fait son plein retour au sein de l'OTAN, et le Royaume-Uni est amené à reconsidérer sa « relation spéciale » avec les États -Unis.
La coopération franco-britannique est, du reste, indispensable pour échapper à un condominium sino-américain ; vous l'avez souligné, monsieur le ministre, et Marc Vampa vient de le rappeler. L'Union européenne est en effet menacée d'un véritable décrochage.
L'accord signé cette semaine doit d'abord permettre une coopération accrue en matière industrielle. Cette coopération a une longue histoire, qui va de l'avion de combat Jaguar et des hélicoptères Puma et Gazelle, dans les années 1960, aux travaux du high level working group, créé en 2006 à l'initiative du président Chirac et du Premier ministre Blair pour améliorer la coopération en matière de recherche et de défense.
Monsieur le ministre, quelles leçons tirez-vous des succès et des échecs du passé ? Comment permettre à ce nouvel élan du partenariat franco-britannique de donner toute sa mesure ? Cela ne supposera-t-il pas une détermination et un suivi politique sans faille, à long terme ?
Les mutualisations attendues, en particulier en termes de capacités opérationnelles, seront génératrices d'économies. Ces économies peuvent-elles d'ores et déjà être quantifiées ? Est-il envisageable de les réaffecter aux dépenses militaires, de même que le ministère de la défense a conservé l'intégralité des économies générées par sa modernisation ?
Enfin, la coopération franco-britannique doit-elle être une fin en soi ? Quelles sont les perspectives pour une véritable politique européenne de sécurité et de défense, alors que les dépenses militaires ont, dans de nombreux États européens, servi de variable d'ajustement, et que les Britanniques demeurent vivement hostiles à l'idée d'une armée européenne ?
Si, en termes de défense, nous avons bien des points communs avec nos alliés britanniques, il n'en va pas de même en matière de santé des armées : contrairement au Royaume-Uni, notre pays a fait le choix d'un dispositif hospitalier autonome.
Maire de Saint-Mandé, où est implanté l'hôpital d'instruction des armées Bégin, je connais les compétences et le dévouement des personnels du service de santé des armées. La Cour des comptes vient néanmoins de rendre un rapport alarmant sur le sujet. Elle y reconnaît que le service de santé des armées accomplit sa mission opérationnelle, mais se montre critique quant à son insertion dans la politique publique de santé, et en appelle donc à un adossement des hôpitaux militaires au dispositif de santé publique, sous peine de devoir remettre en cause l'existence même de ce type d'établissement.
Ce tableau me paraît sévère. Le soutien aux militaires, partout où ils sont engagés, est la mission prioritaire des hôpitaux d'instruction des armées. Cet élément n'a peut-être pas été assez pris en considération par la Cour : cette activité régalienne fausse les critères appliqués aux hôpitaux publics.
Cela étant, l'hôpital Bégin assure une importante mission de concours au service public. Son activité d'hospitalisation ne cesse de progresser ; ainsi, sa maternité pratiquera près de huit cent cinquante accouchements en 2010. II joue un rôle important en matière de formation et d'information. Il exerce sa mission en partenariat avec les autres établissements du bassin de santé, gérant, par exemple, les urgences avec l'hôpital de Montreuil. Il a passé des conventions avec plusieurs établissements médico-sociaux ou médico-sanitaires. Il apparaît donc parfaitement intégré au territoire de santé et aux réseaux de soins développés dans le cadre de l'agence régionale de santé. Bégin pourrait même servir d'exemple en la matière.
Monsieur le ministre, je peux témoigner qu'une évolution équilibrée et raisonnée du service de santé est possible ; mais je vous demande de veiller à ce que le remède n'affecte pas la condition particulière du médecin militaire, dont le domaine de compétence est si spécifique et qui est si indispensable pour soutenir le moral de nos soldats.
Je voudrais enfin vous poser deux brèves questions.
Lors de l'examen de la LPM, nous avions adopté un amendement qui préservait les petits programmes de cohérence opérationnelle en sanctuarisant les crédits qui leur sont alloués. Cette disposition a-t-elle été respectée, s'agissant notamment des éléments de protection individuelle ?
D'autre part, la LPM, dans le prolongement du Livre blanc, avait insisté sur l'importance du renseignement. Les moyens dont nous disposons, qu'il s'agisse de nos effectifs ou de nos capacités techniques et opérationnelles, sont-ils suffisants à long terme pour faire face à une menace terroriste protéiforme et exponentielle, qui s'exerce aussi bien sur le territoire national qu'à l'égard de nos ressortissants à l'étranger, sur tous les continents ?
Je souhaite enfin rendre hommage aux hommes et aux femmes de la défense nationale engagés en France ou sur des théâtres d'opérations extérieures pour assurer notre sécurité et défendre la liberté là où elle est menacée.
C'est avec détermination que je voterai votre budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jacques Myard. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
De Fachoda ! (Même mouvement.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les temps sont durs, nous le savons. Mais lorsqu'il s'agit d'assurer notre défense, c'est-à-dire la sécurité du pays et des Français, le point de vue comptable n'est pas acceptable.
Je regrette donc que votre budget ne respecte pas les objectifs de la loi de programmation militaire – qui n'avaient rien d'extraordinaire, du reste – et que l'on vous demande de nouvelles économies, que nous risquons de payer cher.
Nous consacrons à notre défense 1,55 % du PIB de la nation, alors même que le budget militaire de certains États explose, qu'il s'agisse des États-Unis ou de pays émergents comme la Chine, l'Inde ou le Brésil. D'autres l'ont souligné.
Sans m'attarder sur les chiffres – je laisse ce soin à nos collègues de la commission de la défense –, je veux dire l'inquiétude que m'inspire la baisse de 658 millions d'euros des crédits du programme 146, « Équipement des forces ». Je doute fort qu'après cette baisse, vous puissiez revenir à 12,153 milliards d'euros en 2013, comme vous envisagez de le faire.
Je souhaite d'autre part m'interroger sur les menaces internationales et sur les choix stratégiques qui en découlent à mes yeux. La France, n'en déplaise aux déclinologues, est une puissance mondiale ; nous sommes tous d'accord sur ce point. Mais ses intérêts ne sont pas mis en cause de la même manière sur tous les continents. Ainsi, la France peut et doit avoir une position diplomatique sur les conflits en Amérique latine, mais elle se gardera bien d'y intervenir, même si, comme le disait Clemenceau à cette tribune le 11 novembre 1918, « elle sera toujours le soldat de l'idéal ».
Soyons précis. S'il était légitime de soutenir les États-Unis attaqués sur leur sol le 11 septembre 2001 par des commanditaires installés en Afghanistan, nous n'avons aucune vocation à nous maintenir dans ce pays, monsieur le ministre. La sécurité de la France ne se joue pas en Afghanistan.
En revanche, l'évolution de certains pays africains du Sahel est manifestement susceptible de porter directement atteinte non seulement à nos intérêts économiques et politiques, mais également à notre sécurité nationale – je songe à AQMI, pour ne pas le nommer.
Pour le dire clairement, et tout en saluant le courage, que dis-je ? l'abnégation, l'engagement de nos soldats : quand allons-nous quitter l'Afghanistan ? Quand allons-nous comprendre que nous devons nous occuper en priorité de notre Sud, puisque nos moyens sont limités ? Puisque nous ne saurions tout faire, puisque nous devons faire des choix, l'Afrique, la Méditerranée, le Proche-Orient doivent passer avant l'Extrême-Orient.
Mais savoir faire des choix géostratégiques, c'est aussi savoir choisir son armement. De ce point de vue, je ne peux que m'inquiéter du bouclier anti-missiles proposé par les États-Unis aux Européens, invite à laquelle certains de nos industriels seraient tentés de céder.
Prétendre que ce bouclier permettrait de se protéger contre l'Iran relève à mes yeux d'une véritable manipulation. D'abord, la réalité de la menace iranienne est éminemment discutable. Ensuite, il est illusoire de croire qu'une défense anti-missiles pourrait constituer un bouclier efficace. Le seul véritable bouclier, c'est la dissuasion nucléaire : l'atome rend sage.
En réalité, l'objectif des Américains est politique : garder le contrôle sur l'Europe et faire financer leur recherche-développement par des Européens naïfs. J'aimerais connaître votre position sur ce point, monsieur le ministre.
Eh bien, vous allez la rappeler, en essayant de ne pas vous contredire ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)
Savoir choisir son armement, c'est aussi savoir faire des choix en matière de coopération. Nous avons tous salué, il y a quelques jours, le rapprochement franco-britannique. Mais – car il y a un mais – nous devons rester entièrement maîtres de nos moyens, indépendants et capables de décider seuls, sans être tributaires d'États dont les intérêts ne sont pas identiques aux nôtres, fussent-ils nos alliés.
Monsieur le ministre, les États n'ont pas d'amis. C'était vrai hier, cela reste vrai aujourd'hui et cela le sera toujours demain. Souvenez-vous-en !
Je souhaiterais donc savoir si, dans votre esprit, ce rapprochement vise à réduire encore la voilure en transférant à d'autres tout ou partie de notre défense – ce serait une faute impardonnable – ou au contraire à nous permettre d'étudier ensemble la manière d'accroître nos moyens.
Car une très longue histoire nous enseigne qu'en matière de défense, nous devons d'abord compter sur nous-mêmes, pour nous-mêmes comme pour montrer le chemin aux autres, notamment aux nations européennes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la hausse des crédits que ce budget alloue à la gendarmerie n'est qu'apparente. En réalité, les crédits hors pension pour 2011 diminuent de 0,4 %. En d'autres termes, la hausse ne résulte que de l'évolution des pensions de retraite ; quant aux crédits dévolus aux rémunérations des actifs et aux missions de la gendarmerie, ils diminuent sensiblement.
À la restriction des moyens s'ajoute une perte qualitative des effectifs. La situation de la gendarmerie nationale devient ainsi préoccupante : elle enregistrera 10 065 départs à la retraite contre 9 108 embauches, ce qui représente en fait 957 suppressions de postes.
Et ce n'est pas tout : 5 140 embauches concerneront des volontaires des armées, soit près de 59 % des recrutements prévus. Or que se cache-t-il, monsieur le ministre, sous le vocable « volontaires » ? Des personnels recrutés par des contrats précaires d'un an, renouvelables quatre fois et sans conditions de qualification. S'agira-t-il en réalité d'emplois jeunes remis au goût du jour ?
Le gouvernement entend donc remplacer des gendarmes officiers de police judiciaire ou spécialistes du maintien de l'ordre par des personnels moins qualifiés, qui ne pourront assumer les différentes missions dévolues aux gendarmes. La gendarmerie est-elle à son tour promise à une déqualification et à une précarisation croissantes ? Je regrette sincèrement ce budget de rigueur qui touche durement la défense en général, et la gendarmerie en particulier.
Les coupes sombres pratiquées dans les effectifs se traduiront sur le terrain : au-delà des chiffres, c'est le quotidien des forces de gendarmerie qui sera altéré. Les délais d'intervention s'allongeront encore en zone rurale ; dans les petites villes, les gendarmes renoncent déjà à verbaliser les automobilistes pour stationnement irrégulier. Monsieur le ministre, comment des gendarmes de moins en moins nombreux pourraient-ils accomplir de plus en plus de tâches administratives – je songe notamment aux procurations de vote et aux enquêtes judiciaires ? En outre, qu'en sera-t-il des transfèrements judiciaires de plus en plus nombreux et de plus en plus longs, dont la responsabilité devrait incomber à la justice et non à la gendarmerie ?
Mais ce n'est pas tout : les crédits d'investissement devraient diminuer de 13 % en 2011. Là encore, les gendarmes en subiront les conséquences. Ils manquent déjà de moyens informatiques performants et de véhicules pour accomplir leurs missions. Dès lors, comment peut-on leur demander de lutter efficacement contre une délinquance qui se déplace des villes vers les campagnes, où les forces de l'ordre sont moins présentes – un gendarme pour mille habitants en zone rurale, un policier pour huit cents habitants en zone urbaine ? Comment pourront-ils lutter contre les problèmes croissants liés à l'alcoolisme ou aux stupéfiants ?
La baisse des crédits laisse d'autre part augurer des fermetures en zone rurale et des constructions de nouvelles gendarmeries au rabais, les loyers d'équilibre autorisés ne permettant pas de construire des garages ou des remises pour les familles, ce qui est pourtant indispensable dans cette profession.
Le manque de disponibilité des gendarmes oblige en outre de nombreuses communes à se doter d'une police municipale afin d'aider la gendarmerie à accomplir ses missions.
À mes yeux, monsieur le ministre, ce budget trahit le manque cruel de moyens alloués aux personnels de gendarmerie, malgré leur dévouement et la qualité de leur travail. Il confirme en outre l'abandon de la ruralité par les services publics et l'absence de volonté politique du Gouvernement lorsqu'il s'agit d'assurer à nos territoires une sécurité pourtant indispensable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre, pour ma part, je ne vous parlerai pas de la gendarmerie nationale, même si j'étais rapporteur du projet de loi dont elle a fait l'objet.
Mais M. Boisserie est député de la Haute-Vienne !
Du reste, nous en avons discuté la semaine dernière avec le ministre de l'intérieur à propos de la mission « Sécurité ».
Permettez-moi d'abord d'adresser mes pensées les plus chaleureuses à nos soldats engagés en opérations extérieures dans des zones difficiles et dangereuses, confrontés à une guerre sournoise menée par des individus qu'anime un fanatisme religieux poussant au terrorisme ; ils risquent leur vie pour la sécurité de notre pays et pour nos libertés.
Ayons également une pensée pour nos otages journalistes et leurs accompagnateurs en Afghanistan.
Avec 37,4 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 0,74 % – elle est même de 7 %, pour ce qui est des autorisations d'engagement –, ce budget est relativement bien traité.
Toutefois, comme l'ensemble des domaines concernés par les arbitrages budgétaires, la défense ne peut s'affranchir de l'effort indispensable à la réduction des dépenses et de la dette, dans un contexte économique particulièrement difficile.
Elle reste un corollaire historique de la souveraineté de l'État et il est bien naturel que la question de son financement soit sensible. Celui-ci prend place dans un contexte économique et financier précis : les règles budgétaires introduites par la loi organique relative aux lois de finances et la révision générale des politiques publiques ont et auront une incidence sur son budget et ses finances.
Monsieur le ministre, ce budget soulève plusieurs questions sur lesquelles je souhaite appeler votre attention.
Les contraintes budgétaires vont inévitablement conduire à faire des sacrifices : quels seront les programmes touchés entre 2011 et 2014 ? Pouvez-vous nous préciser, pour chacun d'entre eux, quelle sera l'ampleur de la réduction et quelles seront les conséquences en termes de calendrier de mise en oeuvre et de contenu ? Je pense, entre autres, aux programmes de renseignement spatiaux MUSIS et CERES, aux drones ou à la surveillance de l'espace.
L'une des pistes explorées afin de réduire nos dépenses est la mutualisation comme le démontrent les deux accords signés ce 2 novembre entre la France et le Royaume-Uni. Nous ne pouvons que saluer cette avancée historique après qu'en 2009, deux sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, l'un britannique, l'autre français, sont entrés en collision, ignorant leurs trajets respectifs, symptôme, s'il en était, du manque de concertation et de mutualisation entre deux nations voisines et alliées.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rappeler les termes de ces accords et la manière dont ils vont se traduire dans les mois et les années à venir ? Pouvez-vous nous préciser s'il est possible d'étendre cette mutualisation à d'autres secteurs et à d'autres partenaires ?
Enfin, en tant que rapporteur pour avis du programme 152 relatif à la gendarmerie nationale, je suis très attentif aux missions militaires de cette force sur les théâtres extérieurs,…
… notamment en Afghanistan, où devraient être présents deux cents de nos gendarmes d'ici à la fin de l'année. Je tiens à les féliciter pour leur professionnalisme et leurs compétences, unanimement reconnus, autant sur le territoire national qu'en OPEX.
Quel bilan tirez-vous de leur action sur place ? Quel est aujourd'hui le calendrier d'engagement et de désengagement de nos forces dans ce pays ? Et quel en est l'impact sur le budget ?
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour toutes les réponses que vous pourrez nous apporter. Soyez assuré que je voterai ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, alors que nous examinons le budget de la défense, qu'il me soit permis d'appeler votre attention sur le phénomène sans cesse croissant de la piraterie maritime. S'il est un fait que l'opération Atalanta, engagée par la France et notre Président dans le golfe d'Aden, a permis de juguler les actes de piraterie et de montrer que l'Europe pouvait en certaines occasions unir ses forces dans le domaine de la défense, il n'en demeure pas moins que nous ressentons aujourd'hui les limites de cet exercice.
Après une pause relative, on assiste, en effet, à une recrudescence de ces actes, commis par des pirates de plus en plus hardis, n'hésitant pas à parcourir mille kilomètres, voire plus, pour accomplir leurs forfaits, descendant désormais jusqu'au canal du Mozambique, approchant les côtes des Seychelles et se dirigeant vers l'Inde. Ces pirates sont également mieux renseignés, mieux armés, mieux organisés, tant et si bien que nous nous trouvons souvent en face, non de pauvres hères, comme on voudrait nous le faire croire, mais de véritables groupes mafieux.
Nul ne contestera les conséquences engendrées par ce phénomène : risque pour les navigants, retentissement économique du fait de l'allongement des trajets, augmentation des primes d'assurance, entre autres.
Si dans le détroit de Malacca, les trois pays riverains – Malaisie, Indonésie, Singapour – ont pris les choses en main, en créant des patrouilles communes et en jugulant ainsi sérieusement les actes de piraterie, il n'en est malheureusement pas de même pour le golfe d'Aden, la Somalie et une partie des pays côtiers de l'Océan Indien : les États de cette zone sont bien souvent dénués de potentiel de défense et la Somalie, pour une bonne partie de son territoire, n'est plus un État de droit.
Ceci est très grave car le phénomène a valeur d'exemple. Regardez donc ce qui se passe dans le golfe de Guinée où se multiplient les exactions contre les plates-formes pétrolières et les bateaux qui en assurent la maintenance.
Les raisons de tels actes sont avant tout mafieuses même si elles sont masquées par des revendications politiques qui, bien souvent, ne trompent personne. À cela s'ajoute une corruption généralisée, affectant tous les milieux.
Le danger est d'autant plus grand dans toutes ces régions que le terrorisme n'est pas loin. Somalie, corne de l'Afrique, golfe de Guinée : il est aujourd'hui à proximité immédiate. Et si les preuves nous manquent pour établir l'existence d'une synergie entre piraterie et terrorisme, on est aujourd'hui autorisé à penser qu'il y a, dans certains cas, en dépit de leur antinomie, certaines convergences. C'est dire l'urgence qu'il y a à trouver des solutions.
Or à quoi assistons-nous ? À la multiplication de colloques, de conférences internationales, de conférences régionales. Bref, rien n'avance : l'Europe piétine, le monde piétine. Aucun acte concret n'est décidé. Pourtant la solution existe, elle est à terre.
Dans notre pays, des entités se sont organisées, et non des moindres. Elles ont conjugué leurs forces et sont en mesure de présenter aujourd'hui, pour la corne de l'Afrique, une solution vertueuse, dépassant le domaine militaire, qui ne nuit nullement à nos accords diplomatiques ou à nos relations internationales. Malheureusement, monsieur le ministre, vous le savez comme moi, les choses sont loin d'être simples en France.
Cela fait un an que je travaille, avec d'autres, sur ce projet, qui a pour nom « SEAPHORA » et nous ne levons les obstacles que peu à peu alors qu'il y a urgence et que des solutions innovantes et simples s'offrent à nous. Je vous lance donc aujourd'hui un appel : analysez vite nos propositions pendant qu'il est encore temps ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la défense est, comme d'autres, confronté à une impasse budgétaire qui conduit à faire des choix. Parmi ceux-ci, il en est un qui m'apparaît dommageable pour notre pays : la restriction progressive de la marine nationale à son seul rôle d'armée de mer.
De livre blanc en plan bleu, de loi de programmation en RGPP, de loi de finances en contrats opérationnels, le format de la marine est abaissé : réduction du nombre de bateaux, concentration sur ce qui est considéré comme son coeur de métier, à savoir la préparation de la guerre. Or nous espérons échapper à la confrontation armée. Certes, il faut tenir les équipements prêts. Mais il ne faut pas perdre de vue que les missions civiles s'imposeront à nous à coup sûr.
Prenons un exemple. Il revient à la marine nationale d'assurer notre souveraineté étatique sur l'espace maritime de notre pays, qui est le deuxième au monde par sa taille. Or ce budget pour 2011 ne prévoit ni commandes ni livraisons pour nos forces de souveraineté.
L'arrestation fort heureusement réussie des preneurs d'otages du Ponant en 2008 s'est faite avec des bateaux gris de vingt-sept ans d'âge en moyenne et des hélicoptères qui, pour moitié, étaient d'une génération remontant à un demi-siècle.
Trois jours après le séisme du 12 janvier 2010 à Haïti, le BATRAL Francis Garnier appareillait depuis Fort-de-France. Celui-ci est aujourd'hui désarmé et les trois BATRAL restant doivent subir le même sort d'ici à 2014. Mais peut-être prolongera-t-on leur durée de vie jusqu'en 2020 afin d'attendre la construction des unités du programme BIS.
La rupture capacitaire est toutefois bien là. L'Audacieuse, La Boudeuse, La Glorieuse de la classe des P400 sont désarmés : la marine y perd non seulement des noms poétiques mais aussi des moyens d'intervention car le jeu des chaises musicales consistant à envoyer des navires de métropole vers l'outre-mer ne pourra durer jusqu'à la mise en place du programme de remplacement BATSIMAR prévu entre 2018 et 2025.
Plus de BATRAL, plus de patrouilleurs P400 – les neuf bâtiments en service doivent être retirés du service actif d'ici à 2016 –, plus de patrouilleurs du service public : ce ne sont pas seulement les bateaux qui seront désarmés, mais les moyens de la France !
Devant notre commission, le chef d'état-major des armées a indiqué que le nouveau schéma de l'outre-mer engendrera une réduction de 23 % des effectifs des forces de souveraineté d'ici à 2020. Où est la logique dans tout cela alors que la France veut placer 20 % de ses eaux sous souveraineté sous le statut d'aires marines protéges faute de pouvoir assurer la défense de ces espaces ? N'oublions pas qu'en mer, le droit ne renvoie pas seulement à la possession, mais surtout à la capacité d'agir.
Dans ces conditions, comment défendre nos droits souverains acquis depuis que la convention de Montego Bay a consacré, en 1982, la patrimonialisation des ressources maritimes ?
Sous prétexte de réorganisation et de redistribution des moyens, c'est une lourde diminution de nos capacités d'agir, de notre possibilité de montrer pavillon, qui se profile, en contradiction totale avec les objectifs affichés par le Président de la République dans son discours du Havre de 2009 où il insistait sur l'importance géostratégique de la mer.
Il faut réagir pour éviter de perdre, sur notre territoire maritime, notre statut de « grande puissance moyenne » dont parlait le président Giscard d'Estaing.
Je me méfie de ces réorganisations génératrices de pseudo-économies. Je citerai un autre exemple pour illustrer mon propos.
Depuis le 1er janvier, les services des commissariats de la marine, de l'armée de terre et de l'armée de l'air ont disparu au profit d'un service du commissariat des armées, le SCA. On peut comprendre cette évolution dans la mesure où l'enjeu des réformes actuelles est de substituer une logique de défense globale à la traditionnelle logique d'armées. Toutefois, je ne trouve pas acceptable l'évolution prônée depuis la mi-juillet : la massification et la banalisation des formations ne sont pas une solution. Les commissaires de la marine choisissent autant la mer que l'administration, autant le soutien aux capacités opérationnelles maritimes qu'un métier de gestion des hommes, des matériels et des denrées. L'importance de la motivation et de la proximité avec le milieu que l'on sert n'a pas échappé aux évolutions récentes des ressources humaines à l'oeuvre dans le privé.
Si je peux faire une suggestion, monsieur le ministre, je vous dirai qu'il serait bon de rechercher une solution tenant compte, pour la formation, la gestion ou les affectations, des deux phases de carrière des miliaires : la première, proche du terrain et du milieu opérationnel ; la deuxième, plus proche des états-majors et des centres de décision.
C'est ainsi que l'on pourra préserver, me semble-t-il, à la fois l'efficacité collective, la motivation individuelle et l'identité de chaque armée. Merci d'y songer, monsieur le ministre.
C'est vrai que vous connaissez bien le commissariat de la marine !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est un beau symbole pour moi que de tenter de vous livrer quelques réflexions, malgré une attaque virale qui me rend quasiment aphone, en ce jour où notre pays reçoit sur son sol le représentant de la première puissance démographique, grande dévoratrice de matières premières dont nous aurons tant besoin dans le monde à venir, qui, il y a plus d'un an, a décidé unilatéralement de diviser de moitié ses exportations de terres rares.
Nous vivons dans un monde où faute de moyens démographiques et financiers, mais aussi parfois faute de volonté de se confronter aux réalités de la guerre, de la vie et de la mort, les nations occidentales ne sont plus capables de mener une opération terrestre continentale de manière continue pendant plusieurs années. Nous allons ainsi nous replier d'Afghanistan avec, malgré le travail de nos hommes, des résultats qui ne sont pas ceux que certains de nos alliés escomptaient il y a encore quelques années.
Nous devons tirer de cet engagement une leçon : il nous faut tout faire pour être mobiles, pour pouvoir frapper fort et vite. Dans ce cadre, le bouclier de la nation pour les vingt ans à venir sera certainement la marine avec sa flotte. Tout doit être fait pour soutenir l'aéronavale, engager la construction d'une deuxième coque, plus simple sans doute que celle du Charles-de-Gaulle – le bien nommé –, afin de disposer de cette capacité de puissance et de projection des forces. Tout doit être fait pour ne pas nous laisser à nouveau enliser dans des conflits au sol, dont les forces vives de la nation n'ont, malheureusement, parfois plus la volonté : plus le service avance, plus grande est la difficulté à supporter les morts.
Au niveau continental, le moment est venu de réfléchir sérieusement à sortir l'effort de défense des critères de Maastricht. Un effort de défense véritable serait, nous le savons bien, de l'ordre de 2 %, et non pas inférieur à 1,6 %. Or je crains qu'à nouveau nos voisins allemands, alliés et concurrents principaux, profitent de l'effort important de défense que feront la France et le Royaume-Uni pour, en désarmant massivement, réinvestir dans les biens de consommation. Je souhaite que notre pays conserve sa souveraineté et la possibilité pour le chef de l'État, chef des armées, d'agir.
Enfin, le primat ultime de la dissuasion doit être rappelé au moment où j'entends quelques-uns, dans certaines familles politiques, s'imaginer pouvoir maintenir la garde en diminuant le nombre de têtes nucléaires. Il est essentiel que tout soit fait au niveau industriel, y compris dans nos plus petites PME, pour conserver cette souveraineté essentielle. Nous devons veiller à ne pas nous laisser obnubiler par des partenariats qui seraient, au bout du compte, à sens unique. J'ai parlé de nos voisins allemands, cela vaut aussi pour les services de Sa Majesté auxquels nous ne devons pas sacrifier nos soeurs latines, Italie comprise, qui nous lancent quelques messages.
Par conséquent, un effort de recherche doit être poursuivi dans un domaine qui ne doit pas obérer la dissuasion nucléaire : celui de la défense antimissile balistique, pour lequel la marine a des atouts extrêmement sérieux à faire valoir.
Je voudrais conclure en rappelant que rien ne remplacera le patriotisme, la transmission aux générations futures des grandes valeurs de la nation, de nos ancêtres, les commémorations des grandes victoires. Je le répète encore à cette tribune : je souhaite que la France cesse de ne plus commémorer les grandes victoires comme Austerlitz. Aller à Trafalgar, c'est très bien, mais, monsieur le ministre, même si cela vous semble anodin, il nous incombe, à nous responsables politiques, d'inculquer à nos enfants les valeurs de la patrie et de la nation. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'indépendance d'un pays se mesure à l'aune de ses capacités économiques et militaires. C'est pourquoi la réduction du déficit budgétaire est impérative. Elle s'impose pour conserver notre autonomie de décision en matière économique et financière, et exige des économies drastiques. Dans ce contexte, il faut souligner les remarquables efforts consentis au profit du budget de la défense, même si l'on peut légitimement s'interroger sur notre capacité à respecter, à l'avenir, les objectifs du Livre blanc.
II est vrai que nous n'avons guère le choix. Cet effort budgétaire est nécessaire pour renouveler les équipements de nos armées, des équipements dont certains, vieux d'une quarantaine d'années, sont à bout de souffle. Des avions ravitailleurs aux avions de transport tactique, en passant par les véhicules de l'avant blindés et les hélicoptères, la liste est longue. Sans parler des nouveaux matériels, comme les drones ou les moyens de défense antimissile dont il faut se doter pour l'avenir. Y renoncer serait renoncer à notre indépendance nationale et placer notre sécurité sous la dépendance de l'étranger, dans un monde instable où les risques et menaces sont bien réels, comme l'actualité nous le rappelle très régulièrement. C'est, bien évidemment, inacceptable pour des raisons de principe, ni même vraisemblable, car l'Europe de la défense est toujours aussi inconsistante, tant politiquement que financièrement, et les États-Unis n'ont plus la suprématie d'antan.
Pour autant, il ne faut pas désespérer de l'Europe, et nous n'avons plus les moyens d'agir seuls. Nous devons donc aller de l'avant avec les pays européens qui le souhaitent et qui font les mêmes efforts que la France. C'est pourquoi j'approuve les accords du 2 novembre entre la France et le Royaume-Uni, qui font à eux deux presque la moitié de l'effort budgétaire et engagent 70 % des crédits de recherche-développement de l'Union européenne, alors que beaucoup d'États ne font pour l'heure que de la figuration.
La multiplication des coopérations et la mutualisation des moyens que vous préconisez, monsieur le ministre, est une démarche pragmatique et rationnelle que je soutiens.
Les coopérations doivent aussi porter sur la préparation de l'avenir, je veux dire les études amont et le développement. Avec d'autres, notamment mon collègue Yves Fromion, je plaide depuis plusieurs années pour relever les crédits d'études amont à 1 milliard d'euros par an : ils sont malheureusement encore en baisse, à près de 700 millions. D'autant que les investissements à consentir pour préparer l'avenir de la dissuasion, indispensables lorsqu'on travaille à plusieurs décennies, amputent d'autant les crédits destinés aux autres moyens. Il convient toutefois de pondérer cette observation par les effets positifs du crédit d'impôt recherche que nous avons maintenu et amendé récemment dans un sens plus favorable à la recherche industrielle.
Nous devons veiller à conserver des compétences qui, une fois perdues, seraient très longues et très coûteuses à reconstituer. Des compétences qui font partie de nos domaines d'excellence industrielle, presque toujours duales, comme dans le domaine aérospatial.
C'est désormais par des coopérations bilatérales ou multilatérales avec d'autres pays européens que l'on peut espérer résoudre l'équation budgétaire, si nécessaire, en encourageant d'inévitables regroupements industriels. Le futur drone MALE en offre une belle occasion. J'espère que la France s'engagera rapidement dans cette voie pour être au rendez-vous avant 2020, car le marché des drones est très prometteur pour de larges applications tant civiles que militaires. Je m'en tiendrai là, car ce point a déjà été fort bien développé par mes collègues Fourgous et Viollet. (Sourires.)
Enfin, je voudrais vous interroger, monsieur le ministre, sur deux points précis.
Premièrement, considérez-vous que nos moyens en matière de renseignement – certes en augmentation mais il n'empêche – soient performants et suffisants, en particulier face à la menace terroriste qui ne se relâche pas ?
Deuxièmement, êtes-vous toujours aussi optimiste sur l'évolution de l'armée afghane, et a-t-on enfin réglé la question des rémunérations ? La stratégie actuelle permet-elle d'entrevoir une issue au conflit ?
En conclusion, je tiens à saluer le dévouement et le professionnalisme de nos armées qui sont, il faut le dire, très sollicitées, peut-être même trop. La dégradation de certains indicateurs – le président de la commission en a évoqué un – ne mérite-t-elle pas attention ? Cet hommage à nos armées n'est pas une clause de style. Il est le fruit d'un constat tiré de mes visites dans les unités, un constat que je sais partagé par une grande majorité de nos concitoyens qui sont conscients de la nécessité de défendre nos libertés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission « Défense », qui traduit la volonté politique de la majorité et de la nation, est la conséquence du Livre blanc sur la sécurité et la défense nationale et de la révision générale des politiques publiques. Le projet de loi de finances pour 2011 est dominé par la nécessaire maîtrise des déficits publics, véritable priorité nationale dans laquelle doit aujourd'hui s'inscrire le budget de la défense.
Doté de 31,2 milliards d'euros hors pensions, ce budget est quasiment conforme au plan budgétaire triennal. Toutefois, cette programmation s'appuie sur la récupération de recettes exceptionnelles auxquelles il faudra, monsieur le ministre, être extrêmement attentif tant celles-ci sont, par nature, aléatoires.
Je me réjouis de constater que les crédits liés aux équipements, donc à la modernisation de notre outil de défense, restent à un niveau soutenu – 15 milliards d'euros –, permettant le renouvellement de la composante dissuasion avec la mise en oeuvre du M 51 et des missiles ASMPA qui viennent d'entrer en service actif. Je n'oublie pas l'amélioration des moyens de renseignement grâce à la mise en service de la constellation Pléiades, ainsi que l'investissement au profit des moyens de protection et de combat pour nos forces engagées.
L'objectif d'assainissement des comptes publics de la nation passe par la déflation des effectifs qui s'élèvera, hélas ! à 8 415 équivalents temps plein, dont 7 742 pour la mission « Défense ». À cet égard, je souhaite souligner qu'il est impératif de maintenir une ressource humaine suffisante qualifiée et surtout motivée. Si le budget de la défense doit contribuer au rétablissement des comptes de la nation, il faut se garder de sacrifier sur l'autel de la RGPP nos compétences humaines.
Le projet de loi de finances pour 2011 permet de répondre au plus près au fonctionnement de l'activité opérationnelle. Il faut toutefois être extrêmement vigilant pour maintenir un niveau suffisant afin d'éviter la dégradation en termes de maintenance des matériels, qui a déjà été soulignée, et la réduction trop drastique des stocks. Soulignons le maintien de la provision pour les opérations extérieures, qui passe de 570 millions à 630 millions.
Au-delà du simple aspect comptable et budgétaire de la mission « Défense », il nous faut nous projeter à longue échéance. Le Livre blanc a redéfini l'arc de crise entre Atlantique et océan Indien, de Dakar à Kandahar, rendant par là même obligatoire une force de projection sur des théâtres d'opérations extérieures. Aujourd'hui, le nombre de nos militaires déployés hors métropole est important, avec notamment 9 000 engagés en OPEX ou en opérations de maintien de la paix. À ces troupes, s'ajoute l'impérieuse nécessité d'avoir un matériel projetable ainsi que les fonctions soutien et logistique correspondantes.
Cette évaluation du risque, ajoutée à la menace terroriste, nous oblige à avoir une force préparée à assumer ses nouvelles missions. Depuis la guerre du Golfe et la fin de la conscription, nos forces armées sont passées d'une logique quantitative à une logique qualitative et ciblée. Toutefois, nous savons tous que les matériels existants sont encore trop souvent anciens et que le taux de disponibilité reste à améliorer nettement. Ce manque capacitaire, souvent pointé du doigt, rencontre et rencontrera encore des difficultés dans l'avenir en raison de l'impasse budgétaire nationale.
Troisième budget de l'État après l'éducation nationale et le paiement des intérêts d'emprunt, il ne faudrait pas que la mission « Défense » en soit la variable d'ajustement. Pour ma part, je ne pense que la défense soit soluble dans la lutte contre les déficits publics. Rappelons que, dans le cadre de l'OTAN, les pays membres se sont engagés à consacrer à la défense au moins 2 % de leur PIB. Aujourd'hui, l'investissement de notre pays est évalué à 1,6 % selon la classification OTAN.
Alors, quelles solutions mettre en oeuvre ? À l'issue du sommet de Saint-Malo, il y a maintenant douze ans, la France et le Royaume-Uni avaient décidé de lancer la politique européenne de sécurité et de défense. Cette décision historique a permis, très progressivement, d'asseoir l'autonomie de l'Union sur la scène internationale. La France et la Grande-Bretagne sont les deux pays qui fournissent la moitié de l'effort total de l'Europe en matière de défense. Le poids de ces deux nations, dotées en outre de l'arme nucléaire, pèse donc très lourd au niveau de la politique européenne de sécurité et de défense commune. L'accord de coopération signé mardi dernier dans le cadre du sommet franco-britannique peut être, doit être, le début d'une coopération bilatérale renforcée entre nos deux nations. Mais il ne faut pas oublier non plus les autres pays européens, et notamment nos amis allemands, leur permettant ainsi de réduire leur effort en matière de défense, tendance que l'on voit malheureusement se dessiner.
Pour conclure, cette coopération doit se faire dans les règles de souveraineté de chacun et doit être arrimée au cadre européen. Entente cordiale de la défense, c'est à ce prix uniquement que nos budgets de défense pourront répondre vraiment, même si imparfaitement, à la menace des conflits. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, vous l'avez tous dit chacun à votre façon, la politique de défense doit reposer sur des projections à long terme, parce qu'elle met en oeuvre des investissements complexes et coûteux, qu'elle s'appuie sur des compétences longues à acquérir, difficiles à maintenir et plus difficiles encore à recouvrer si nous les abandonnons.
C'est la raison pour laquelle notre budget s'appuie sur le Livre blanc et la loi de programmation militaire qui constituent les référentiels de notre action.
L'ampleur de la crise économique nous a conduits à mettre en place un plan de relance que nous avons déjà tous oublié, alors qu'il a permis au ministère de la défense de bénéficier de 2 milliards d'euros de crédits d'équipement supplémentaires, c'est-à-dire près de 50 % de l'effort budgétaire de l'État.
Ce plan de relance a été exécuté en totalité par le ministère de la défense en 2009 et 2010.
La dégradation de nos comptes publics liée à la crise systémique de 2009 a ensuite imposé un effort de redressement, auquel la défense a contribué en révisant les annuités 2011 à 2013 et en programmant des mesures d'économie par rapport au référentiel initial.
Permettez-moi de rappeler que la comparaison avec l'Europe a du bon. Nos partenaires étrangers ont vécu les mêmes événements et ont pris des décisions qui ne sont pas comparables, puisqu'elles sont beaucoup plus lourdes, comme l'a souligné M. Vitel. Ainsi, le Royaume-Uni prévoit de réduire de 8 % son budget consacré à la défense pour les quatre prochaines années, ce qui signifie l'abandon pur et simple de toute une série de programmes. Quant à l'Allemagne, qui consacre un peu plus de 1 % de son PIB à sa défense, elle a encore prévu de diminuer ses crédits de 8 milliards d'euros sur les quatre prochaines années, ce qui représente une réduction de 14 %. Le budget militaire de la France progresse, pour sa part, de 3 % sur les trois prochaines années, alors que nous avons révisé le référentiel par rapport au Livre blanc et à la loi de programmation militaire.
(M. Marc Le Fur remplace M. Marc Laffineur au fauteuil de la présidence.)
Vous avez été nombreux à souligner que ce contexte a facilité le rapprochement franco-britannique scellé lors du sommet du 2 novembre dernier, rapprochement salué notamment par M. le président Teissier.
Je tiens à souligner qu'il s'agit d'une avancée historique. Contrairement à ce qu'a dit François Cornut-Gentille, ce n'est pas un accord de diplomates. En effet, il est le fruit d'un travail approfondi mené par les deux ministères de la défense et les deux états-majors. Il repose non seulement sur la construction de programmes capacitaires nouveaux, comme celui du drone MALE futur, mais aussi sur une conception profondément différente et novatrice basée sur l'idée d'interdépendance et de mutualisation.
Je pense que nous avons là un champ considérable et un fort potentiel, nous permettant à la fois de réaliser des économies et de favoriser les restructurations industrielles. Par exemple, les évolutions conjointes que nous avons décidées, s'agissant du missile antinavires léger notamment, ou en matière de technologie sous-marine, nous permettront de réorganiser en profondeur l'industrie de défense européenne.
Monsieur Moyne-Bressand, le champ des coopérations encadrées par le traité bilatéral est très étendu, comme je viens de le dire. M. Voisin a évoqué l'idée d'un débat. Je suis tout à fait prêt à venir devant la commission de la défense pour évoquer très précisément l'ensemble des sujets de coopération.
S'agissant par exemple du domaine nucléaire, qui fait l'objet d'un accord spécifique et qui marque légitimement les esprits puisqu'il touche au coeur de la souveraineté des États, notre coopération portera sur la modélisation de la performance de nos têtes nucléaires afin d'en assurer la viabilité et la sûreté à long terme, au sein d'une installation commune située à Valduc. Comme vous le savez, il s'agit du programme EPURE. Cette installation fait partie du programme français de simulation qui comprend aussi la simulation numérique et le laser mégajoule. La mise en commun de ces installations, qui seront complétées par un centre de développement technologique au Royaume-Uni, nous permettra de réaliser plusieurs centaines de millions d'euros d'économies.
Pour l'heure, je souhaiterais concentrer mon propos sur l'année 2011, qui sera une année charnière pour nos armées, et répondre aux très nombreuses questions posées ou aux observations formulées. D'avance, je vous demande de me pardonner si je ne réponds pas à toutes vos interrogations.
Comme vous le savez, les annuités prévues par la loi de programmation militaire pour la période 2011-2013 étaient devenues incompatibles avec le cadrage imposé pour redresser nos finances publiques. Il y va de la souveraineté à long terme de notre pays. Redresser les comptes de la France, c'est assurer notre sécurité à long terme. Il est donc logique que nous participions à un effort de redressement des comptes publics, et je crois que les militaires sont, mieux que personne, capables d'entendre ce message.
La défense a donc contribué à la maîtrise des dépenses, puisqu'elle a décidé de réduire ses dotations budgétaires d'un montant cumulé de 3,6 milliards sur la période 2011-2013, soit 3,7 % des 95 milliards prévus par la loi de programmation militaire. Comme l'a rappelé M. Folliot, la défense demeure néanmoins une priorité de l'État car ses crédits budgétaires augmenteront de 3 % entre 2011 et 2013, alors que l'ensemble des dépenses de l'État sera stable sur cette période et que de nombreux ministères verront leurs crédits diminuer.
J'ajoute que nous avons bénéficié, dans le cadre de la réorganisation du ministère, d'un arbitrage du Président de la République extrêmement favorable puisque 100 % des économies que nous réalisons sur le fonctionnement du ministère de la défense sont recyclés dans l'agrégat équipement, alors que tous les autres ministères doivent rendre 50 % des économies qu'ils effectuent pour redresser les comptes publics.
Merci, monsieur Soisson !
À ces crédits s'ajouteront des recettes exceptionnelles, pour un montant de 3,3 milliards pour les années 2011-2013. La perte de recettes nette, entre ces recettes exceptionnelles complémentaires et les recettes budgétaires inférieures à celles prévues par la loi de programmation, se situe à un niveau légèrement supérieur à 1 %, à comparer aux 96 milliards d'euros prévus sur cette période.
Si l'on s'attache à la seule année 2011, on constate que nous bénéficierons de 30,16 milliards d'euros de crédits budgétaires auxquels s'ajoutera un milliard de recettes exceptionnelles, soit un total de près de 31,19 milliards. L'écart avec ce qui était prévu dans la loi de programmation militaire est donc très exactement de 40 millions d'euros. Je souhaitais faire les comptes devant vous, car j'ai entendu M. Cazeneuve et M. Boucheron nous expliquer que les comptes n'y étaient pas.
Et comme M. Cazeneuve ne veut pas comprendre quel est le contenu des recettes exceptionnelles, je veux revenir sur ce sujet, même si j'ai eu largement le temps de vous l'expliquer lors de mon audition par la commission de la défense.
Du reste, heureusement que vous étiez là, monsieur Giscard d'Estaing, pour rappeler un certain nombre de critères.
Le produit des cessions immobilières s'élève à 150 millions d'euros, conformément aux propositions de la mission d'évaluation et de contrôle que vous avez menée avec Mme Olivier-Coupeau. Je tiens à votre disposition la liste des emprises qui seront cédées en 2011 – Reuilly, Saint-Cloud et un certain nombre d'emprises régionales – ou qui donneront lieu à un paiement au titre d'une cession antérieure – je pense, par exemple, à Issy-les-Moulineaux.
Certains prétendent que nous ne touchons rien de la cession des emprises vendues à d'autres administrations de l'État ; c'est faux. Vous avez cité le site militaire de Sourdun, transformé en internat d'excellence. Pour ma part, j'évoquerai la caserne Lourcine, dont une partie a été vendue au ministère de l'enseignement supérieur, ce qui nous permettra de percevoir 60 millions d'euros.
Le produit des cessions de fréquences s'élève à 850 millions d'euros, englobant le produit de la cession d'usufruit des satellites de télécommunication dont le cahier des charges vient d'être envoyé aux deux candidats retenus,…
…ainsi que le premier versement de la cession des bandes RUBIS et FELIN dont l'ARCEP a fixé désormais le calendrier, garantissant une conclusion avant le mois de juillet 2011. Je vous donne donc rendez-vous à cette date.
Je confirme à l'attention de M. Cazeneuve que ces montants sont nets des coûts de réaménagement du spectre, celui-ci étant financé par les opérateurs de télécommunication.
L'équation pour 2011 est donc simple, très proche du scénario de la loi de programmation militaire.
Je sais qu'il faudra procéder à des arbitrages en 2012 et en 2013, comme l'ont dit un certain nombre d'entre vous. Ces choix, s'ils sont internes au ministère de la défense, devront être, comme vous l'avez dit, monsieur Dhuicq, les choix de la nation, et refléter la volonté que la France veut porter sur la scène internationale.
J'en viens maintenant aux dépenses. La loi de programmation militaire est consacrée aux équipements, et nous visons toujours un objectif de 17 milliards d'euros par an. Je me permets de vous rappeler que l'agrégat « équipement » représentait 15 milliards par an sur la période 2002-2007. Vous le voyez, nous sommes largement au-dessus du niveau de la loi de programmation militaire. Je vous rappelle que l'année 2009 a été exceptionnelle, puisque les crédits d'équipement ont représenté 18 milliards d'euros. En euros constants, le niveau des dépenses d'équipement est donc comparable à ce qu'il était au début des années 1990, c'est-à-dire juste après la chute du mur de Berlin.
Notre objectif pour 2010 est de 17 milliards d'euros. Je reconnais qu'il sera difficile à tenir, non parce que nous aurions bénéficié d'arbitrages mauvais ou de gels budgétaires, ni parce que nous ne serions pas en capacité à dépenser, mais parce que CHORUS nous a handicapés très lourdement dans le paiement de nos dépenses.
S'agissant des intérêts moratoires, nous ne connaissons pas encore leur montant, mais il est probable qu'ils seront plus importants en 2011 qu'en 2010. Monsieur Nauche, monsieur le président Teissier, je considère, comme vous, que le ministère de la défense est fondé à demander un financement externe dans la mesure où CHORUS a été géré avec talent par le ministère de l'économie et des finances.
Pour les années qui viennent, nos objectifs concernant l'agrégat « équipement » sont simples : 16 milliards pour 2011, 16,8 milliards pour 2012, 17,4 milliards pour 2013.
Si l'on veut bien regarder les choses objectivement, il faut revenir sur la situation antérieure reconnaître les progrès considérables que nous avons faits et que certains ont salués – mais pas assez à mon sens, puisque vous l'avez déjà oublié – s'agissant du financement des opérations extérieures qui ne reposent plus sur la ponction des crédits d'équipement.
M. Louis Giscard d'Estaing s'est livré à cet exercice dans l'un de ses rapports. Je rappelle que, sur la période 1998-2007, c'est la bagatelle de 2,8 milliards qui a été ponctionnée, au titre des opérations extérieures, sur les crédits d'équipement, soit 280 millions par an en moyenne.
Si le ministère de la défense s'est montré capable de réaliser 280 millions d'euros d'économies par an pour parvenir à financer ces opérations extérieures, nous devons être en mesure de supporter l'effort que la nation nous demande pour participer au redressement des comptes publics.
Nous continuerons, en 2011, à augmenter la provision pour les OPEX : elle s'élèvera à 630 millions d'euros contre 570 millions en 2010. Nombre d'entre vous ont rappelé, en 2009 comme en 2010, que c'est la réserve de précaution interministérielle qui a financé l'ensemble des surcoûts.
Plusieurs députés, notamment Jacques Myard, m'ont interrogé sur l'évolution du théâtre afghan. Des évolutions positives importantes ont été constatées. Guy Teissier rappelait, certes, que cinquante de nos soldats sont morts en Afghanistan mais, au-delà du sacrifice humain et de la peine qu'il peut représenter pour chacun d'entre nous, je retiendrai aussi les progrès considérables réalisés sur le terrain, qu'il s'agisse de la montée en puissance de l'armée nationale afghane ou, dans une moindre mesure, de la police, même si la gendarmerie effectue un travail exceptionnel. Quant à la justice et à la gouvernance régionale, les progrès, il est vrai, restent à accomplir.
Reste que les progrès réalisés nous permettent, au sein de l'Alliance atlantique, de considérer que nous pourrons commencer, au cours de l'année 2011, à transférer la responsabilité de certaines zones aux Afghans, comme nous l'avons déjà fait pour Kaboul. Je précise que transférer ne signifie pas retirer et que l'effort, pour nous, devra continuer à porter sur la zone de Kapisa, plus difficile que celle de Surobi, plus stable et plus sûre, et qui, nous l'espérons, fera partie des zones transférées en 2011. Après cela, nos efforts porteront en priorité sur la zone de Kapisa et sur la formation des forces afghanes.
Les années 2011 et 2012 seront essentielles pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, et l'on ne peut pas soutenir, comme je l'ai entendu dans la bouche de Jacques Myard, que notre sécurité ne se joue pas en Afghanistan : il suffit d'évoquer le terrorisme pour avoir conscience qu'on ne peut pas considérer qu'une part de notre sécurité ne se joue pas en Afghanistan.
C'est d'autant plus vrai que deux des pays frontaliers de l'Afghanistan sont l'Iran et le Pakistan, dont on sait, surtout pour le second, qu'il est lui-même en proie à de puissants facteurs d'instabilité.
L'année 2011 sera donc celle d'un rendez-vous avec une opinion publique qui, certes, doute, mais qui doit comprendre que la lutte contre le terrorisme ne se mène pas seulement à nos frontières : elle se mène aussi là où il naît et se développe.
M. Vandewalle m'a interrogé sur la question délicate des soldes de l'armée afghane. Il semble que le problème soit en passe d'être réglé, puisque les forces de l'Alliance et le gouvernement afghan ont mis en oeuvre un programme de revalorisation salariale augmentant la solde de base et rattrapant le décalage entre les soldes des militaires et celles des policiers.
En ce qui concerne l'opération Atalante, je salue l'engagement personnel de Christian Ménard. Je vous confirme, monsieur le député, du haut de la tribune de l'Assemblée, que nous sommes en train d'examiner vos propositions dans le cadre du projet Seaphora que vous animez, propositions qui ne sont donc pas tombées aux oubliettes.
Sur le terrain, et au-delà des OPEX, nous percevons très concrètement les effets des livraisons de matériels majeurs, parfois attendus depuis longtemps, dans des quantités significatives, et je remercie les rapporteurs de l'avoir souligné, je pense notamment à M. Bernard pour l'armée de terre, à M. Viollet pour l'armée de l'air et à Mme Lamour pour la marine. Je ne reprendrai donc pas l'énumération des matériels commandés et livrés. J'ajouterai seulement quelques éléments.
Monsieur Voisin, vous m'avez interrogé sur l'intervention de l'armée pour tenter de retrouver l'épave puis la boîte noire du vol Rio-Paris. Cet effort a été considérable puisqu'il a coûté environ 9 millions d'euros.
Madame Lamour, la coopération avec les Britanniques sur le groupe aéronaval ne préjuge pas les choix qui seront faits en 2012 par la France quant à la commande du deuxième porte-avions. Reste que la décision que nous avons prise au sujet du groupe aéronaval est stratégique et porte donc sur le long terme, puisqu'elle nous permettra d'approcher d'une permanence à la mer.
Voici comment les choses se sont passées : mon homologue britannique, Liam Fox, m'a téléphoné pour me demander si, dans l'hypothèse où il choisirait le porte-avions par catapulte, nous pourrions tenter de construire en commun quelque chose qui nous permettrait, à l'horizon 2020 ou 2022, de disposer de groupes aéronavals, de porte-avions interopérables, avec des moyens maritimes entourant et protégeant le porte-avions commun aux Français et aux Britanniques, enfin d'accueillir des avions britanniques sur le Charles-de-Gaulle – sous réserve d'améliorations mineures – et de permettre aux Rafale d'apponter sur un porte-avions britannique. Il s'agit donc bien d'une sorte de permanence à la mer, même si la question d'un second porte-avions se posera pour la France en 2012 ou 2013.
Pour ce qui est de l'École des mousses, qui m'est chère puisque, vous le savez, c'est moi qui ai décidé sa réouverture, je vais étudier la possibilité de consentir les dérogations que vous évoquez afin de permettre aux mineurs issus de cette école d'assumer pleinement leurs missions au sein des équipages.
MM. Viollet et Fourgous, notamment, nous ont fait part de leurs fortes convictions sur les drones MALE. Je n'ose rappeler le nombre de réunions que nous avons eues sur le sujet, soit en commission, soit à l'hôtel de Brienne.
Les choses progressent et vous aurez remarqué, monsieur Viollet – et M. Vandewalle pourrait l'approuver – qu'ouvrir le débat sur un achat sur l'étagère a tout à coup rendu les industriels français beaucoup plus créatifs.
Je le répète…
Je souhaite par ailleurs préciser un certain nombre de points.
Nous avons un besoin capacitaire qui reste la priorité du ministre de la défense : nous devons faire en sorte que nos armées disposent d'un drone. Nous devons avoir une garantie quant à la robustesse des solutions intermédiaires dans l'attente de la probable coopération franco-britannique prévue par l'accord signé mardi dernier. Je vous signale que Français et Britanniques ont d'ores et déjà décidé de consacrer, sur les deux prochaines années, 50 millions d'euros aux études dédiées au drone MALE.
Une coopération industrielle peut dès lors se dessiner entre Dassault-Aviation et BAE Systems.
J'ai néanmoins d'autres obligations, messieurs Viollet et Fourgous : le respect des enveloppes financières de la loi de programmation militaire. Je ne souhaite pas être le ministre de la défense qui reconstitue la « bosse ». Sur la totalité de la période, 700 millions d'euros sont consacrés au drone, somme grâce à laquelle nous devons trouver la solution intermédiaire qui nous conduira au drone MALE, et grâce à laquelle nous devons financer les études sur le drone du futur. Nous devons donc faire des choix qui m'amèneront à poser des questions claires et précises, notamment sur l'aptitude d'EADS à assurer jusqu'en 2020 – et probablement un peu au-delà – un drone répondant aux besoins de nos armées.
Cette question ne m'empêche pas de continuer à dialoguer avec nos amis américains car, permettez-moi d'y insister, c'est le meilleur moyen de faire progresser le débat.
Pour en finir avec le drone, il s'agit de maintenir et de développer les compétences critiques de notre industrie de défense, grâce aux crédits que nous consacrerons dès 2012 au drone du futur. Je réitère donc ce que j'ai indiqué devant la commission de la défense : je m'engage à vous informer et à continuer à travailler avec vous. Je ne vois pas pourquoi l'on écarterait la représentation nationale du débat.
Je vous propose d'aborder plus tard la question des MRTT et celle de la rénovation des Mirage 2000 D, puisque vous êtes plusieurs à avoir déposé des amendements sur ces sujets.
Je puis par ailleurs vous confirmer, monsieur Vandewalle, que nos moyens de renseignement progressent car nous avons consenti un effort considérable : la loi de programmation militaire prévoit une augmentation de 700 unités des effectifs de la DGSE ainsi que des moyens supplémentaires en termes d'équipement, moyens dont je ne peux naturellement pas donner publiquement le détail.
Monsieur Bernard, vous avez évoqué le programme Scorpion, programme majeur – j'allais dire emblématique – de l'armée de terre pour les prochaines années. Les mesures prises dans le cadre de la programmation triennale ont en effet conduit à décaler d'une année l'engin de reconnaissance et de combat, mais à préserver le calendrier du successeur du véhicule de l'avant blindé, à savoir le VBMR. J'ai cependant besoin d'un certain nombre d'assurances de la part de l'industriel concerné avant d'engager les études d'architecture.
Nous assumons aussi la préparation de l'avenir à travers le maintien des flux d'études amont avec un volume de 700 millions d'euros. Jean-Michel Fourgous et Yves Fromion sont longuement revenus sur le sujet, mais cette somme doit être comparée aux 2 milliards d'euros du grand emprunt qui concerneront de près ou de loin – souvent de très près – les futurs programmes du ministère de la défense, ou du moins les programmes d'études dont les retombées se révéleront importantes pour nos programmes futurs.
Quand M. Fourgous nous suggère de consacrer davantage de moyens aux études amont, je suis bien d'accord, mais quels programmes sont visés ? En effet, l'enveloppe budgétaire du ministère de la défense répond à une priorité : faire en sorte que nos armées soient opérationnelles sur le terrain. Voilà l'idée que le ministre de la défense doit toujours garder présente à l'esprit. Ensuite, il doit faire en sorte qu'on maintienne notre base industrielle et technologique. Il s'agit donc d'un grand écart permanent entre les nécessités de l'industrie de demain et les nécessités opérationnelles d'aujourd'hui. Mais si vous souhaitez que davantage de moyens soient accordés aux études amont, je vous propose de vous livrer à cet exercice : trouvez les 300 millions d'euros nécessaires et indiquez-nous les programmes concernés !
Le domaine spatial, monsieur Fromion, a bénéficié de 2007 à 2009 de montants très significatifs, du fait de la préparation du programme MUSIS. La baisse conjoncturelle prévue pour 2011 illustre simplement le fait que nous passons à la phase de développement, de réalisation de MUSIS, puisque j'ai décidé de commander deux satellites optiques – je n'attends pas les Allemands qui n'ont pas encore pris leur décision – afin de pouvoir assurer la continuité avec Hélios 2B.
J'ajoute que le domaine spatial, essentiellement dual, bénéficie de 500 millions d'euros dans le cadre du grand emprunt. Quant à l'ONERA, il s'agit du seul établissement public, ou presque, qui ne supprime pas d'emplois. Mais, sur un budget de plus de 100 millions d'euros, on lui demande de réaliser 1,5 million d'euros d'économies de fonctionnement.
Je pense qu'il doit être possible de trouver 1 % d'économies sur une structure comme celle-ci, sachant que ce sont, dans le cadre du grand emprunt, 1,5 milliard d'euros qui seront affectés aux travaux menés par l'ONERA.
Monsieur Boucheron, vous avez évoqué la défense antimissile et le sommet de Lisbonne. Sur cette question, vous connaissez ma position. La dernière réunion des ministres de la défense de l'Alliance atlantique a entériné l'accord de principe sur le passage d'une défense antimissile de théâtre à une défense antimissile de territoire et de protection des populations.
Je me permets de vous rappeler qu'il s'agit d'une décision de principe, préalable à de nombreux rendez-vous et points d'étape, devant permettre aux États de continuer à contrôler le développement et les coûts de ce système. La France considère sur ce point que ne doit être intégrer dans le financement commun que le « C2 », c'est-à-dire le commandement et le contrôle, ce qui représente une centaine de millions d'euros. Ce sont de premières estimations, et je suis le premier à dire à nos amis américains qu'il nous faut plus de précisions.
J'ajoute que la contribution de la France sera d'abord une contribution en nature, qui portera à la fois sur les systèmes que nous avons développés, comme le SAMPT, et sur les systèmes que nous développons dans le cadre de la loi de programmation militaire et que vous avez appelés de vos voeux, comme l'alerte avancée.
Comme vous, je considère que la défense antimissile ne peut être que le complément de la dissuasion et qu'elle ne peut en aucun cas la remplacer.
Par ailleurs, je pense comme vous qu'il faut être vigilant sur le développement des coûts, car il est essentiel, les budgets étant contraints, que le financement ne se fasse pas au détriment des capacités opérationnelles dont nous avons besoin tous les jours. En Afghanistan, c'est d'équipements pour nos soldats, d'hélicoptères et de drones que nous avons besoin pour assurer les missions que la communauté internationale nous confie. Et penser que la sécurité d'un territoire peut-être assurée par une défense antimissile serait une grossière erreur.
Cet effort d'équipement ne peut se faire que grâce aux économies dégagées par ailleurs. Ainsi, nous poursuivons notre politique de maîtrise de la masse salariale, grâce aux réductions d'effectifs. Nous prévoyons une réduction de la masse salariale de l'ordre de 250 millions par an sur les années 2011 à 2013 – et je vous rappelle que nous réaliserons, à l'issue de la réorganisation du ministère, 1,6 million d'euros d'économies de fonctionnement chaque année, somme que nous pourrons réinjecter dans l'équipement.
Le processus de modernisation du ministère continue donc. Je répondrai ici à M. Le Bris à propos du service du commissariat, sujet qui me tient à coeur. J'ai décidé en effet la création d'un service unifié. C'est un premier pas, mais il y en aura d'autres. J'ai entendu plus que quiconque les débats vigoureux qui ont opposé le commissariat de la marine, le commissariat de l'armée de terre et le commissariat de l'armée de l'air, et je sais à quel point les commissaires de la marine tiennent à préserver leur spécificité.
Mais j'ai pris la décision de mettre en place une école commune aux trois commissariats. Il n'y a aucune raison que nous ayons une école de l'armée de terre, une école de la marine et une école de l'armée de l'air : l'ENA propose bien un tronc commun de formation à l'issue duquel certains élèves sortent à l'Inspection des finances, d'autres au ministère du travail, d'autres enfin au Conseil d'État ou dans un tribunal administratif, où ils exercent des métiers différents. On peut donc parfaitement envisager une base de formation commune, suivie d'une spécialisation qui permette à la marine, monsieur Le Bris, de conserver un corps de commissaires dont tout le monde reconnaît l'excellence et la qualité exceptionnelle.
Je voudrais également évoquer Balard. 2011 sera l'année de la signature du plus gros contrat de partenariat public-privé jamais réalisé en France, qui permettra le regroupement des états-majors et de l'administration centrale à Balard.
Ce projet est d'abord emblématique d'une gouvernance profondément repensée. Le ministre, le chef d'état-major des armées, les chefs des trois états-majors, le délégué général pour l'armement, le secrétaire général pour l'administration et l'ensemble des directions de l'administration centrale travailleront désormais ensemble dans le même immeuble, comme ils travailleront ensemble, je l'espère, dans les bases de défense et sur l'ensemble du territoire pour ce qui est du soutien et de l'administration.
Ce projet nous permet en outre d'économiser la bagatelle de 2000 postes en administration centrale. Enfin, il contribue à la déconcentration. J'ai en effet souhaité que nous regardions très précisément quels services devaient absolument demeurer à Paris et lesquels pouvaient être déconcentrés en province. Car, avec la solde d'un militaire du rang ou d'un sous-officier, ou avec le salaire d'un personnel civil de la défense, vivre en province, où les conditions de logement sont beaucoup plus facile, permet d'améliorer son pouvoir d'achat. (Approbations sur les bancs du groupe UMP.)
Enfin, ce contrat de partenariat, au-delà du produit de la cession des immeubles parisiens, évalué entre 600 et 700 millions d'euros, nous permettra de réaliser une économie sur les loyers, monsieur Cazeneuve, puisque nous acquittons aujourd'hui 130 millions d'euros de loyers pour les infrastructures que nous utilisons à Paris.
Prenons un exemple simple : l'état-major de l'armée de terre avait décidé, en 2005 ou 2006, de construire un site dédié au sein de l'École militaire, pour un montant de 50 ou 60 millions : c'est autant d'économies effectuées aujourd'hui ! Si vous ajoutez à cela les frais d'entretien inhérents à chaque emprise, ce projet, qui intègre non seulement l'amortissement de l'immeuble, mais aussi l'ensemble des services associés, représente un gain substantiel pour le ministère de la défense et améliore considérablement les conditions de travail d'une grande partie du personnel : certes, l'hôtel de la Marine est un lieu magnifique, mais on y travaille dans des conditions qui ne sont pas dignes.
J'en terminerai par le Service de santé des armées, évoqué tout à l'heure par Patrick Beaudouin. Un regard extérieur sur le sujet peut nous être profitable ; c'est le cas du rapport de la Cour des comptes, dont je pense néanmoins qu'il est, sur plusieurs points, injuste et lapidaire.
J'ai réaffirmé, le 20 octobre dernier, devant l'ensemble des cadres du SSA réunis par le directeur central, mon attachement au rôle essentiel de ce service. J'ai encore en mémoire la mode qui, au début des années 1990, consistait à penser que nous n'avions plus besoin d'un service de santé des armées. Je souhaite aujourd'hui que nous nous inscrivions au contraire dans une démarche qui consiste à faire évoluer le SSA, pour répondre notamment aux critiques justifiées émises sur les niveaux d'encadrement administratif. Mais cette évolution ne doit pas l'empêcher de demeurer, dans de nombreuses spécialités médicales, une référence européenne. Je n'entends nullement tirer ce service vers le bas au nom d'impératifs comptables !
Bien sûr ! 70 % des actes réalisés par le SSA sont réalisés pour nos concitoyens.
Que nous ayons, en revanche, une vraie réflexion avec les agences régionales de santé pour contribuer à une meilleure complémentarité de l'offre de soins me semble pertinent, et la Cour des comptes a raison sur ce point. Mais cela ne se fera pas au détriment d'un service de santé reconnu dans le monde entier.
Mesdames et messieurs, compte tenu des contraintes très fortes pesant sur nos finances publiques, je pense en toute objectivité que ce projet de budget de la défense est satisfaisant et qu'il nous permettra de franchir des jalons irréversibles dans l'importante réforme que nous menons. Dans une Europe caractérisée par la réduction importante des budgets de défense, y compris dans des pays traditionnellement ambitieux dans ce secteur, j'estime que ce projet de loi de finances démontre que la France ne renonce pas à ses obligations de puissance militaire, dont je vous sais les gardiens vigilants. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Nous en arrivons aux questions.
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Les opérations en Afghanistan représentent la moitié des sommes consacrées aux opérations extérieures. Près de 4 000 militaires français, gendarmes compris, sont embourbés dans ce conflit sans fin, dont le coût annuel est estimé pour chaque militaire à 100 000 euros.
La participation française représente chaque jour un surcoût d'1,3 million d'euros, si l'on intègre les dépenses supplémentaires comme l'augmentation des soldes, des frais de transport, les nouveaux équipements ou les munitions consommées.
Comme le dit le général Desportes, que son courage a contraint à quitter le service actif, il s'agit d'une guerre américaine dans laquelle la France n'a pas le droit à la parole. J'estime au passage qu'il serait temps de réfléchir à un statut démocratique et citoyen des miliaires. Il est insupportable que la sanction se fasse toujours à sens unique, l'obligation de réserve valant uniquement lorsque les hautes stratégies sont critiquées.
Monsieur le ministre, vous avez raison d'affirmer que la sécurité des Français dépend de ce qui se passe à 7 000 kilomètres de chez eux, en Afghanistan. En revanche, vous avez tort quand vous négligez le fait que la relation fonctionne en sens inverse. En effet, en raison de la présence de nos soldats dans ce pays, le risque s'accroît pour ceux qui sont engagés sur place – vous l'avez dit, cinquante Français sont morts depuis 2001 –, pour les civils afghans, victimes par milliers, et, désormais, pour notre territoire national où existe un risque terroriste selon les déclarations du chef d'al-Qaïda.
Les opérations sur place nourrissent le terrorisme d'inspiration djihadiste. Une bonne partie de la propagande sécuritaire du Gouvernement se fonde d'ailleurs sur l'agitation du risque terroriste et vise ainsi à susciter la peur. Ainsi, outre leur coût intrinsèque, les opérations extérieures en Afghanistan génèrent aussi des dépenses au travers du dispositif Vigipirate terrestre qui déploie quotidiennement 750 militaires sur le territoire national.
Monsieur le ministre, plusieurs pays de la coalition quittent l'Afghanistan : il y a urgence à ce qu'un débat ait lieu au Parlement pour décider du retrait définitif ou progressif de nos troupes. Pouvez-vous nous donner votre avis à ce sujet ?
Monsieur Candelier, j'ai déjà répondu à cette question lors de mon intervention.
Ce débat a eu lieu. Je suis venu à plusieurs reprises m'exprimer devant la commission de la défense sur ce sujet…
Ce débat a eu lieu. C'est la première fois dans l'histoire de la Ve République que le Parlement a été amené à voter.
Chacun a eu l'occasion de s'exprimer, et il me semble que l'on a déjà beaucoup progressé pour ce qui est de l'implication du Parlement dans l'envoi de nos forces en opération extérieur. Elles ont toutes fait l'objet d'un vote du Parlement, et le Premier ministre en personne s'est adressé à vous lors du débat qui a précédé.
Il s'agit de doter les sous-actions 10-01, « Accompagnement social des restructurations », et 10-03, « Accompagnement économique des restructurations », d'un surcroît de crédits de paiement. Nous considérons en effet qu'il existe un déséquilibre entre les besoins et les moyens.
Ces amendements n'ont pas été examinés par la commission des finances.
Dans les deux cas, la somme en jeu n'est pas « modeste », contrairement à ce qui est indiqué dans les exposés sommaires. Elle est même significative puisqu'il s'agit de prélever deux fois 50 millions d'euros.
Je m'arrête tout d'abord sur un petit problème de forme. Le dispositif de l'amendement transfère une partie des crédits d'une sous-action inscrite au programme 144, « Environnement et prospective de la politique de défense », alors que l'exposé sommaire prétend le faire à partir du programme 178, « Préparation et emploi des forces ».
Au-delà de cet argument, je souligne que la somme de deux fois 50 millions d'euros, qu'un amendement suivant du groupe socialiste vise à prélever sur les crédits liés à la réintégration par la France du commandement intégré de l'OTAN, correspond précisément au coût de la participation de notre pays à cette organisation. Autrement dit, si nous adoptions ces amendements, nous n'aurions plus les moyens de financer les postes à responsabilité qui nous ont été confiés par elle. Cela serait non seulement contraire aux intérêts de la France mais aussi à ceux de la communauté militaire qui ne serait plus en situation d'exercer ses responsabilités.
Je relève en outre que ces deux amendements sont contradictoires avec l'amendement en question, qui préconise de transférer 5 millions d'euros dans l'autre sens, du programme 212 au programme 178.
En ce qui concerne les crédits du programme 212, je rappelle que les autorisations d'engagement progressent de 45 % en 2011 par rapport à 2010, tandis que les crédits de paiements augmentent de 20 %. Les autorisations d'engagement de la seule action « Restructurations » augmenteront en 2011 de 5,9 % et les crédits de paiement de 35,8 %.
Pour des raisons de forme comme de fond, je ne puis donc que donner un avis défavorable à ces deux amendements.
Vous demandez que l'on donne plus d'argent au Fonds pour les restructurations de la défense et à l'accompagnement social des restructurations, alors que nous n'arrivons malheureusement pas à consommer la totalité de la dotation. Le FRED n'a consommé à ce jour que 1,2 million d'euros sur les 14,4 millions qui lui ont été affectés pour 2010 ; des crédits supplémentaires ne sont donc pas franchement nécessaires. De la même manière, nous ne parvenons hélas pas à consommer la totalité des crédits dédiés à l'accompagnement social des restructurations.
En conséquence, je demande à l'Assemblée de rejeter ces deux amendements, à moins que leurs auteurs ne veuillent bien les retirer.
(Les amendements nos 31 et 30 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. François Cornut-Gentille, rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement n° 38 .
, rapporteur pour avis. Le report régulier de la décision concernant les MRTT, les avions multirôles de ravitaillement en vol et de transport, ne rend pas ce problème moins urgent.
Cet amendement que j'avais déposé en commission de la défense avec mon collègue Jean-Claude Viollet a été adopté par l'ensemble des commissaires, tant il semble relever du bon sens.
Nous proposons une solution extrêmement prudente, qui n'est pas très coûteuse et qui ne déséquilibre en aucun cas le budget de la défense. En effet, actuellement, le coût de l'heure de vol se situe autour de 13 000 euros, alors que le contrat de location avec option d'achat d'appareils de type A333, que nous proposons de souscrire, le ramènerait environ à 3 000 euros. Cet amendement permet donc de faire des économies.
Monsieur le ministre, peut-être envisagez-vous de me répondre en évoquant l'existence d'un accord franco-britannique, mais je me suis laissé dire que le contrat avec les Britanniques n'était pas très intéressant. Si un contrat mirifique nous liait aux Britanniques, je serais enthousiaste, mais il est clair que ce n'est pas le cas et que nous n'avons pas de solution alternative efficace.
Il n'y a donc que des avantages à voter cet amendement.
Pour conclure, permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que j'ai été très sensible à vos arguments concernant les drones. Vous avez brillamment expliqué comment la pression américaine a permis de faire évoluer la situation ; j'espère que la pression de la commission peut faire évoluer le Gouvernement. (Rires et approbations sur de nombreux bancs.)
Pour ce qui est du transport aérien, le ministère de la défense va commander huit Casa supplémentaires et faire rénover une dizaine de Transall dans l'attente de l'A400M, ce qui bénéficiera au plan de charge de l'atelier industriel de l'armée de l'air qui se trouve à Clermont-Ferrand.
Le budget du programme 178 est déjà très contraint ; lui retirer 20 millions d'euros – sans compter que tous les amendements dépensiers déposés sur cette mission viennent ponctionner les mêmes programmes 178 et 212 – risquerait de mettre en difficulté le fonctionnement courant des unités qui sont déjà en pleine réforme.
Cela étant, nous comprenons le sens de cet amendement. Il a été adopté par la commission de la défense…
Dans ces conditions, nous nous en remettons à la sagesse de l'Assemblée.
Je rappelle que la commission de la défense a en effet voté cet amendement à l'unanimité.
Le montant concerné, soit 20 millions d'euros, représente un millième du chapitre concerné.
Monsieur le ministre, à quoi servirait-il que nous consentions des efforts aussi importants en matière de nucléaire, à hauteur de 20 %, de notre budget, si l'une des deux composantes devait rester au sol ? Nos KC-135 sont à bout de souffle ; nous ne pouvons pas prendre le risque que nos avions soient immobilisés parce qu'ils ne pourraient pas être ravitaillés en vol.
La solution anglaise n'apporte aucune réponse à la question posée, ni pour aujourd'hui ni pour demain.
J'exprime donc un avis très favorable au nom de la commission de la défense.
Monsieur Cornut-Gentille, si je ne me trompe pas, vous nous demandez de louer des A333 afin de soulager les KC-135, qui font du « brouettage » même s'ils ont une fonction de ravitaillement, en attendant que nous disposions de nos MRTT.
Actuellement, le ministère de la défense travaille sur des solutions de leasing concernant des A440. Selon nous, ces gros-porteurs correspondent davantage à nos besoins que les A330.
Vous avez raison, j'allais vous parler de la solution britannique. Il est vrai qu'à ce stade les études que nous avons mené avec nos amis anglais montrent que l'opération ne serait pas très rentable. Nous poursuivons donc nos discussions avec le ministère des finances britannique, qui joue un rôle pilote en la matière.
Je précise que, pour le transport, nous disposons déjà de solutions avec les moyens européens – je pense à l'EATC et à la mutualisation –, mais aussi avec le programme SALIS qui nous donne accès aux Antonov mutualisés de l'Alliance atlantique.
Monsieur Cornut-Gentille, nous avons évidemment regardé de près votre proposition. Nous lui trouvons un défaut : elle est chère. Nous estimons qu'elle coûterait entre 40 et 50 millions d'euros, ce qui est loin d'être compensé par les 20 millions d'euros dont vous suggérez de ponctionner les crédits d'entraînement des force, crédits qui sont déjà, reconnaissons-le, à peine suffisants – certains députés l'ont d'ailleurs dit au cours du débat.
Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement…
M. Soisson se réveille… (Sourires.)
Je vous propose de travailler sur une solution palliative de la même manière que nous l'avons fait sur les drones. Sur ce dernier sujet, j'ai travaillé à livre ouvert avec les députés de la commission de la défense. Je ne m'engage pas à la légère : je vous propose que la commission associe à ce travail les parlementaires qu'elle souhaite ; si la solution qui s'impose est celle que vous défendez, le ministère de la défense l'adoptera, mais, en l'état des analyses et des discussions en cours avec EADS, nous estimons que la mesure que vous proposez est trop coûteuse et nous lui préférons l'opération de leasing portant sur les A440.
Avant de répondre au Gouvernement, je tiens à saluer l'atmosphère dans laquelle nous travaillons au sein de la commission de la défense et je veux en remercier sincèrement son président. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.) Ces conditions de travail ont permis que soient adoptés deux amendements, dont celui-ci, à l'unanimité.
Monsieur le ministre, nous courons un risque de rupture capacitaire dans les domaines du ravitaillement et du transport. S'agissant du transport, je n'indiquerai pas, ici, le pourcentage du contrat opérationnel qui est honoré, mais il n'est pas satisfaisant. J'ajoute, mais vous le savez aussi bien que moi, que nous avons perdu, de ce fait, des compétences, notamment pour le largage à très faible hauteur ou le vol sous JVN. Nous les avons utilisées en 2001, pour prendre le terrain en Afghanistan ; je ne suis pas certain que nous le puissions encore aujourd'hui. En outre, les difficultés posées par la rénovation du C130, destinée à augmenter ses capacités tactiques et sa mise aux normes OACI, mettent à mal d'autres compétences, notamment l'intervention en zone hostile ; je pense au parachutage et au transport de matériel.
Nous rencontrons les mêmes problèmes s'agissant du ravitaillement en vol. Outre qu'il est la composante aéroportée de la dissuasion, le ravitaillement en vol détermine toute capacité de projection, y compris à partir du Charles-de-Gaulle car, lorsque celui-ci est déployé, nous sommes tenus – peut-être plus encore qu'à partir de bases prépositionnées – d'assurer une capacité de ravitaillement en vol. Or, l'état actuel des KC-135 est tel que le moindre problème de structure clouerait la flotte au sol. Le coût de l'heure de vol est aujourd'hui de 23 000 euros, dont plus de 10 000 euros au titre du maintien en condition opérationnelle ! Nous ne pouvons plus continuer ainsi.
Cet amendement vise donc à amorcer la pompe, en quelque sorte. En effet, non seulement les A330 présenteraient l'avantage de pouvoir être immédiatement configurés en version cargo, et donc de soulager ainsi nos capacités de transport, mais, dès que les premiers A400M arriveront – le premier en 2013, huit en service actif à la fin de 2014 –, ils pourront être « rétrofités » en ravitailleurs. J'ai même soumis l'idée qu'un partenariat soit conclu entre l'industriel et le service industriel de l'aéronautique, qui a fait la preuve de ses capacités, afin que ce dernier puisse être qualifié en maintenance sur les futurs ravitailleurs.
Telle est la démarche que traduit cet amendement, et je me félicite qu'elle fasse l'unanimité. Bien entendu, monsieur le ministre, votre proposition de travail est acceptée par avance, car nous avons toujours plaisir à faire évoluer les choses de manière positive. Nous le faisons déjà à propos des drones et des ravitailleurs et nous le ferons pour d'autres grands programmes, notamment Scorpion, qui doit être réalisé, pour des raisons d'efficacité, d'économie et d'opérationnalité de nos forces à terre.
Je souhaite donc que l'amendement soit adopté. Il nous servira de base de travail et nous aurons au moins marqué notre volonté de ne plus attendre. Car je vous rappelle que le programme ravitailleurs est sur l'établi depuis avril 2007 !
Je préfère que l'on prévoie le redéploiement au sein du programme 146, plutôt que de retrancher 20 millions d'euros au programme 178. Celui-ci est en effet consacré à l'entraînement des forces, et la situation est déjà difficile dans ce domaine.
Je vous propose, monsieur Cornut-Gentille, de retirer votre amendement – il n'y a pas d'autre choix –, compte tenu de l'engagement du Gouvernement de travailler dans le sens que vous souhaitez. Le contrôle parlementaire permet aux rapporteurs spéciaux de vérifier que la volonté du Parlement est respectée.
Si vous votez cet amendement, vous ôtez 20 millions d'euros aux crédits alloués à l'entraînement des forces !.
Monsieur le ministre, en dépit du caractère très courtois de notre discussion, il ne me paraît pas raisonnable de retirer cet amendement. Il s'agit d'un problème de fond. Guy Teissier a rappelé, tout à l'heure, l'enjeu que représente cet amendement pour la crédibilité de notre dissuasion, et Jean-Claude Viollet a souligné les difficultés auxquelles nous sommes confrontés actuellement.
Certes, vous avez ouvert des discussions au sujet de l'A340 et du contrat anglais. Mais, si j'apprécie votre amabilité et votre sérieux, je m'inquiète que vous trouviez encore le moyen de gagner du temps. Il me semblerait donc sage de voter cet amendement, ce qui n'empêche pas de discuter dans un climat favorable avec le ministère, par la suite. Donc, je maintiens l'amendement.
Sans interférer sur le fond, je tiens à informer l'Assemblée qu'il est possible au Gouvernement, s'il le souhaite, de déposer un sous-amendement afin de modifier l'origine des fonds, ce qui résoudrait une partie du problème évoqué.
La parole est à Mme Marylise Lebranchu.
Monsieur le ministre, puisque vous venez de dire qu'il est possible de trouver une solution pour ces 20 millions, déposez donc un sous-amendement. Vous aurez ensuite le temps d'affiner votre proposition avant la discussion au Sénat. Cela s'est déjà fait.
Le redéploiement au sein du programme 146 que j'ai évoqué relève de la gestion budgétaire. Si, en revanche,l'Assemblée vote aujourd'hui le transfert de 20 millions d'euros du programme 178 vers le programme 146, ces 20 millions d'euros manqueront pour l'entraînement des forces.
Je comprends très bien l'insistance de François Cornut-Gentille, mais je préfère l'engagement du Gouvernement de mettre de côté 20 millions d'euros, en gestion, pour étudier un éventuel leasing concernant les A330 à un prélèvement de 20 millions d'euros sur l'entraînement des forces.
Faites comme vous voulez : le Parlement est souverain. Mais il serait plus raisonnable d'agir ainsi. Monsieur Cornut-Gentille, vous pourrez, en tant que rapporteur, vérifier que le Gouvernement prévoit bien les 20 millions dans le cadre du programme 146. Encore une fois, si vous décidez de prélever les 20 millions nécessaires sur le programme 178, c'est fini : ce sera gravé dans le marbre budgétaire.
Monsieur le ministre, l'entretien des ravitailleurs coûte 55 millions d'euros par an.
Si l'on peut faire voler des avions plus récents sur un certain nombre de missions de transport logistique, ils tourneront à un coût horaire qui, comme le disait François Cornut-Gentille, nous permettra de dégager des ressources pour le MCO.
Ceux de nos collègues qui travaillent depuis plus longtemps que moi sur ce budget – je pense à Jean-Louis Bernard – pourraient le dire, nous devons retrouver une gestion dynamique des parcs, en fluidifiant la gestion de ces derniers. C'est une responsabilité partagée, monsieur le ministre. Certains de nos avions ont quarante-six ans et certains hélicoptères frisent la cinquantaine. Moi qui ai cinquante-neuf ans, je sais l'usure que cela signifie… (Sourires.) Il nous faut repartir du bon pied, et c'est ce que permet cet amendement. S'il faut modifier le budget en cours d'exercice, nous serons à vos côtés pour vous y aider.
Monsieur le ministre, que l'Assemblée vote un tel amendement en première lecture serait un signe fort. Vous pourrez ensuite, avant la discussion budgétaire au Sénat et la deuxième lecture à l'Assemblée, nous prouver par tous moyens votre bonne volonté, non en paroles, mais en actes. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs.) Soit, donc, vous déposez un sous-amendement pour modifier la contrepartie, soit nous votons l'amendement. Celui-ci a été adopté à l'unanimité par la commission de la défense, après que nous en avons longuement débattu, passant en revue les conditions techniques et les modalités, et je ne vois pas les raisons pour lesquelles nous changerions d'avis en séance publique.
Pour ma part, je propose donc que nous votions l'amendement qui nous est proposé. (Applaudissements.)
Je souhaite apporter une précision technique. Si l'amendement venait à être voté, 20 millions d'euros, ainsi que le ministre l'a rappelé, disparaîtraient du programme 178 « Préparation et emploi des forces » pour abonder le programme 146 « Équipement des forces ». Or, le ministre s'est engagé à trouver ces 20 millions au sein du programme 146. Si nous adoptons l'amendement, nous devrons trouver 20 millions d'euros d'économies dans le programme « Préparation et emploi des forces ».
Monsieur le ministre, entendez-vous déposer un sous-amendement afin de modifier le programme dont seraient issus ces 20 millions d'euros ?
Monsieur le président, il n'y a pas trente-six programmes, il y en a trois : le programme 146, le programme 178 et le programme 212. Ce dernier est consacré aux infrastructures ; or, nous avons absolument besoin de crédits dans ce programme, compte tenu des restructurations.
Je comprends la pugnacité de François Cornut-Gentille et la volonté de l'Assemblée de confirmer le vote de sa commission de la défense, mais je prends l'engagement de dégager les crédits nécessaires en gestion. Encore une fois, je préfère un redéploiement à l'intérieur du programme 146 à un prélèvement sur le programme 178.
(L'amendement n° 38 est adopté.)
La parole est à M. Jean-Claude Viollet, rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement n° 37 .
Cet amendement a trait à la rénovation à mi-vie des Mirage 2000D, soit 77 appareils en parc actuellement. Cette rénovation devait être engagée en 2011, pour satisfaire aux objectifs du Livre blanc de disposer, à terme, d'un parc homogène de 300 avions polyvalents air et marine, dont 270 en ligne. Cette rénovation était d'ailleurs mentionnée dans la loi de programmation militaire, la livraison de cinq appareils étant prévue au titre de la loi 2009-2014 et de 72 au titre de la prochaine.
Il s'agit de transformer un appareil mono-mission – le Mirage 2000D actuel – qui a été conçu au moment de la guerre du Golfe pour un scénario de haute intensité, avec un système d'armes articulé autour de capacités air-sol, en avion multi-rôles, capable d'intervenir dans des conflits de basse intensité ou de « contre-insurrection », comme on dit chez nos alliés, en Afghanistan par exemple, pour assurer un appui à des troupes au sol lorsqu'elles sont au contact et pour participer à la police du ciel dans le cadre de la posture permanente de sécurité.
Ces missions nécessitent des moyens de communication avec les troupes au sol, des armements qui puissent être coordonnés avec précision, un nouveau pod de désignation laser – afin de réduire les risques de tirs fratricides –, un nouveau radar, pour détecter une cible aérienne, ce que ne permet pas l'actuel radar de pointe avant du 2000D, optimisé pour le suivi de terrain qui était sa mission première.
Ces évolutions sont possibles, puisqu'elles ont été réalisées dans l'urgence, avec des fonctionnalités partielles et sur une partie de la flotte, sur le théâtre des opérations afghan, où six appareils ont été engagés. Elles sont nécessaires, l'évolution de notre flotte d'avions de combat conduisant à la sortie de service des Mirage F1 – les derniers sortant en 2014. Le Mirage F1-CR est doté de deux capacités : l'une de renseignement images, avec le pod Reco NG aujourd'hui intégré sur le Rafale, l'autre de renseignement électronique, avec le pod ASTAC, que le F1-CR est seul à posséder. Le pod ASTAC permet d'établir l'ordre de bataille adverse, c'est-à-dire de repérer la situation des systèmes de défense de l'adversaire et de programmer nos propres systèmes de contre-mesure électronique. C'est là tout l'enjeu : la capacité d'entrer en premier.
Je sais que l'on va m'objecter qu'il existe aujourd'hui d'autres systèmes de mesure électronique. Mais l'avion de chasse – le F1-CR aujourd'hui, le Mirage 2000D demain – présente un avantage unique, celui d'être capable à la fois de monter assez haut pour disposer d'une couverture lointaine et d'entrer à très basse altitude et à très grande vitesse pour forcer l'ennemi à sortir ses systèmes d'illumination et de poursuite, ce qui permet de recueillir le maximum de renseignements avant l'entrée en premier. C'est l'enjeu de la présence du pod ASTAC sur le Mirage 2000D rénové : une capacité indispensable non seulement pour entrer en premier, mais aussi, comme je l'ai dite en commission, pour les besoins de la mise à jour des bases de données de la direction du renseignement militaire.
Si nous ne dotons pas nos avions de ce pod, nous allons perdre pour au moins cinq ans les capacités que je viens de décrire. L'idée est d'amorcer la rénovation du 2000D – ce qui ne nécessitera pas les 700 ou 800 millions d'euros prévus initialement – en équipant un certain nombre d'appareils 2000 D du pod ASTAC, afin qu'en 2014, à la sortie de service des derniers Mirage F1-CR, nous gardions la capacité, en attendant d'être en mesure d'envisager une rénovation plus complète du 2000D. Je ne sais pas si vous en ferez la proposition, monsieur le ministre, mais je suis tout à fait disposé à prendre part à une réflexion sur cette question dans les mois à venir.
Cet amendement tend à prélever les crédits nécessaires sur les programmes 178 et 212, ce qui est un peu embarrassant. Cela étant, la production des pods fait, à juste titre, la fierté de l'ingénierie française et il y a dans ce secteur un potentiel d'exportation extrêmement important. Par ailleurs, la rénovation complète des Mirage 2000D est prévue après 2013. La mesure proposée comporte des éléments positifs et négatifs, mais pour ma part, j'estime qu'elle constituerait un facteur très favorable à la compétitivité d'un secteur industriel à gros potentiel d'exportation. Nous sommes donc favorables à cet amendement.
Monsieur Viollet, je veux vous dire que nous avons prévu des crédits d'études destinés à lever le risque industriel que vous avez évoqué. Comme vous le savez, si nous avons retardé la rénovation du Mirage 2000D, c'est parce qu'il a fallu augmenter les commandes de Rafale. Les députés socialistes nous ont expliqué que cette décision avait été prise en guise de remerciements et vous avez été le seul, monsieur Viollet, à dire en commission de la défense que cela n'avait aucun rapport.
J'ai entendu le président de votre groupe, M. Ayrault, l'affirmer au cours d'une interview à la radio.
Comme vous le savez, pour maintenir la chaîne de production du Rafale, nous devons en commander un par mois, soit onze par an. Nous avons dû trouver des crédits pour cela, ce qui a nécessité de retarder la rénovation du Mirage 2000D, puisque le Rafale arrivera plus rapidement dans les forces. Conformément à ce que vous souhaitez, nous avons décidé de préserver au moins une chose, à savoir le pod. À cet effet, nous mènerons en 2011, grâce à 4 millions d'euros inscrits dans le budget, l'étude permettant la levée de risques qui nous permettra d'acquérir la certitude que ce pod est le bon choix pour équiper les Mirage 2000D. Compte tenu de ces éléments, je vous demande de retirer votre amendement.
Monsieur le ministre, vous savez que j'ai toujours mis un point d'honneur à parler et à voter librement au sein de cette assemblée, et que je suis fidèle à des valeurs partagées par des députés siégeant sur différents bancs. Tout ce qui m'importe est de travailler dans l'intérêt de notre pays, de sa défense et de sa sécurité. Les choix que nous faisons actuellement auront des conséquences bien au-delà du mandat que nous terminons. De ce point de vue, c'est l'un des intérêts de la commission de la défense que de nous amener à prendre de la hauteur sur les sujets dont nous débattons – ce que j'apprécie particulièrement.
Nous devons amorcer la pompe pour la rénovation du 2000D, et notre assemblée doit montrer sa volonté en ce sens. C'est une question d'équilibre : j'entends ce que vous dites au sujet du Rafale, mais il ne faut pas perdre de vue que l'économie que nous avions réalisée dans la loi de programmation, en étalant les livraisons de Rafale, a profité à l'ensemble des forces. Dès lors, il n'est pas question que l'armée de l'air paie seule la facture du retour à onze ! L'économie qui a profité à tout le monde engage tout le monde sur la dépense supplémentaire, et il revient aux chefs d'état-major des armées, responsables en la matière, de trouver le bon équilibre.
Le fait que nous disposions de deux parcs équilibrés – les Mirage 2000D et les Rafale – est une exigence du Livre blanc : à défaut, nous ne tiendrons pas. Je ne vais pas vous sortir les courbes, que vous connaissez aussi bien que moi : si nous ne rénovons pas le 2000 D, nous tomberons, compte tenu de la sortie de tous les autres Mirage – les Mirage 2000-5 et 2000N en 2018 ; les Mirage 2000C et 2000B en 2020 ; le Mirage 2000D, s'il n'est pas rénové avant 2022 –, à un effectif de 150 avions de combat, et encore faudrait-il même, pour maintenir ce niveau, c que soit passée la cinquième commande de Rafale, ce qui n'est pas acquis cette année, puisque ce n'est prévu que dans le cadre de la future loi de programmation ! La rénovation du 2000D est donc une assurance-vie sur notre flotte de combat.
La représentation nationale doit s'engager sur l'intégration du pod ASTAC, afin de soutenir la rénovation du Mirage 2000D. La somme que nécessite ce programme n'est pas énorme, et nous ne sommes même pas obligés de rénover la totalité de la flotte des 2000D : l'essentiel est que nous puissions disposer, avant 2014, de 2000D équipés de l'emport en guerre électronique permettant de prendre des mesures électroniques et de programmer des contre-mesures, afin que la direction du renseignement militaire puisse travailler – ce qu'aucun autre moyen que l'avion ne permet. C'est pourquoi je vais maintenir cet amendement, monsieur le ministre, non pas pour le plaisir de vous contrarier, mais au contraire pour être constructif, afin de nous permettre de continuer à travailler ensemble.
(L'amendement n° 37 est adopté.)
Alors que nous parlons le plus souvent de construction, nous allons évoquer, avec cet amendement, la déconstruction. Chacun se souvient de la saga de la coque déclassée du porte-avions Clemenceau, qui a fait le tour du monde avant de revenir à Brest. Après avoir été retiré du service, le croiseur Jeanne d'Arc est lui aussi retourné du côté de Brest. À l'heure actuelle, nombre de navires déclassés servent de digue flottante ou de brise-lames : on peut en voir un grand nombre à Landévennec et en d'autres points de la côte finistérienne.
Le problème de la déconstruction n'est d'ailleurs pas spécifique au matériel naval : il touche également le matériel terrestre et aérien. Au terme de bons et loyaux services, les matériels militaires déclassés, dont certains ont servi en Irak, se retrouvent dans des aires d'attente. Puisque j'évoque le conflit irakien, j'en profite pour rappeler qu'en 1991, le président Mitterrand avait demandé que le Parlement se prononce sur l'engagement des forces en Irak, avant que cet engagement ne soit effectif. Ce n'est donc pas au sujet de l'Afghanistan que cela a été fait pour la première fois.
Pour en revenir à l'amendement n° 29 , nous souhaitons que l'on intensifie et que l'on élargisse très rapidement les opérations de déconstruction. À cet effet, nous proposons de prélever sur le programme 212 la somme relativement modeste de 5 millions d'euros, afin de montrer très nettement notre volonté de nous engager en ce sens. C'est d'ailleurs, je le souligne, l'opportunité économique pour la France de devenir un pôle d'excellence en matière de déconstruction de matériel militaire.
La déconstruction des navires de guerre est une vraie question – comme vous l'avez dit, monsieur Le Bris, on se souvient des problèmes soulevés par le désamiantage du Clemenceau. Il y a là à la fois un enjeu en termes de développement durable, pour lequel l'État se doit d'être exemplaire, mais aussi la perspective de mise en place d'une filière industrielle. Néanmoins, et même si l'amendement porte sur une somme relativement modeste, la commission est défavorable à cet amendement.
Nous avions déjà évoqué, lors du débat sur la loi de programmation militaire, la fin de vie des équipements. Je constate avec plaisir que cet enjeu est désormais pris en compte dès le développement des programmes, conformément à la nouvelle instruction. Nous sommes plutôt d'accord avec ce qu'a dit M. Le Bris, mais il me semble qu'il subsiste des obstacles – de nature réglementaire plus que financière – à la mise en oeuvre de la mesure proposée. J'ajoute que notre collègue Michel Grall, qui présentera, en début d'année prochaine, un rapport d'information sur le sujet, aura certainement des propositions à nous faire en ce sens. J'émets donc un avis défavorable à l'amendement.
Dans la mesure où nous augmentons de 27 % le budget de démantèlement des matériels, il me semble que votre amendement est largement satisfait, monsieur Le Bris. Par conséquent, je demande à l'Assemblée de le repousser.
(L'amendement n° 29 n'est pas adopté.)
La parole est à M. le président de la commission de la défense, pour soutenir l'amendement n° 36 .
Mes chers collègues, je compte sur votre sens de la justice et de l'équité pour accepter le présent amendement, qui vise à mettre enfin un terme à la différence de traitement existant entre les sapeurs-pompiers professionnels civils et les marins-pompiers de Marseille.
Depuis le terrible incendie des Galeries Lafayette à Marseille, cette ville est dotée d'un dispositif militaire de lutte contre le feu : les marins-pompiers, qui sont des soldats du feu. Or, il existe une différence de traitement entre les sapeurs-pompiers professionnels civils et le bataillon des marins-pompiers de Marseille en ce qui concerne l'intégration de la prime de feu dans le calcul des pensions.
Si la loi du 13 août 2004 a octroyé un supplément de pension aux marins-pompiers de Marseille, ceux d'entre eux ayant pris leur retraite avant cette date ne peuvent pas prétendre à cet avantage. Aujourd'hui, environ 500 retraités du bataillon des marins-pompiers – qui, je le précise, sont recrutés dans toute la France, seuls 10 % étant provençaux – sont exclus de cette mesure et voudraient que justice soit faite. Les données transmises à ce titre font état d'un besoin de 1,36 million d'euros pour étendre cette mesure aux personnes concernées.
Le présent amendement avait déjà été adopté en 2009 dans les deux chambres du Parlement, mais les textes n'ont pas changé par la suite. Je vous propose donc à nouveau d'adopter cet amendement, auquel la commission de la défense a émis un avis très favorable, afin que justice soit enfin rendue à nos soldats du feu.
Elle n'a pas eu l'occasion d'examiner cet amendement, qui a pour effet de faire passer 1,36 million d'euros du programme « Soutien de la politique de la défense » au programme « Préparation et emploi des forces ». En tant que rapporteur spécial de ces deux missions, je m'en remettrai à la sagesse de notre assemblée et à la position du Gouvernement.
Monsieur le président de la commission, le million d'euros que vous réclamez ne pourra pas être dépensé sans modification de l'article L. 55 du code des pensions. Certes, on peut, comme vous le demander, inscrire la somme au budget, mais le dispositif législatif et réglementaire ne permettra pas de satisfaire votre requête. En revanche, le million d'euros que vous allez prélever sur le fonctionnement du cabinet et des organismes rattachés entraînera une réduction de 29 % des crédits du cabinet. Une paille !
Je réfute cet argument. L'an dernier, au même endroit et à la même date, le même problème s'est posé. Si le ministre avait eu la volonté de réformer entre-temps le code des pensions, il aurait eu tout loisir de le faire, et il ne nous apporterait pas aujourd'hui la réponse qu'il vient de nous apporter. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
M. Teissier découvrira peut-être un jour que, lorsqu'on est membre du Gouvernement, on est lié par le principe de la collégialité et soumis aux arbitrages du Premier ministre. En l'occurrence, celui-ci a été très clair et le code des pensions n'a pas été modifié sur ce point dans le cadre de la réforme des retraites.
Je le répète donc, le million d'euros en question ne sera pas consommé.
Monsieur le ministre, cet amendement a déjà été adopté l'année dernière. On invoque souvent le respect du Parlement, mais pourquoi le ministre s'oppose-t-il à cette mesure, qui n'est pas essentielle et dont le coût n'est pas important ? Vous vous abritez derrière l'arbitrage du Premier ministre. Eh bien, faites en sorte qu'un autre arbitrage soit pris (Sourires) ! Demandez-lui – si vous restez au Gouvernement – de nous soutenir pour qu'enfin, sur un point mineur, la volonté du Parlement soit respectée ! (Applaudissements.)
Monsieur le ministre, nous vous avons suivi sur tout, et nous avons reconnu que votre budget était plutôt bon. Donnez-nous au moins satisfaction sur les miettes ! (Applaudissements et rires sur de nombreux bancs.)
En l'occurrence, il ne s'agit pas de « miettes » pour le fonctionnement du cabinet du ministre de la défense et des organismes rattachés, puisque les crédits en question représentent la bagatelle de 29 % de l'ensemble ! Quel que soit le sort qui m'est réservé, je me sens solidaire du futur ministre de la défense, qui aura besoin d'un cabinet pour travailler !
Par ailleurs, je respecte plus que vous la volonté du Parlement puisque, dans le cadre de la réforme des retraites qui vient d'être adoptée par le Parlement lui-même, le code des pensions n'a pas été modifié.
Je ne fais donc que confirmer la volonté du Parlement, telle qu'elle vient d'être clairement affirmée, il y a quelques jours, par le vote solennel de la réforme des retraites.
(L'amendement n° 36 est adopté.)
Je mets aux voix les crédits de la mission « Défense », modifiés par les amendements adoptés.
(Les crédits de la mission « Défense », amendés, sont adoptés.)
Je mets aux voix l'article 69 du projet de loi de finances rattaché à cette mission.
(L'article 69 est adopté.)
La parole est à M. Bernard Cazeneuve , pour soutenir l'amendement n° 52 portant article additionnel après l'article 69.
Il est défendu.
(L'amendement n° 52 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Prochaine séance, vendredi 5 novembre à neuf heures trente :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2011 :
Crédits relatifs au sport, à la jeunesse et à la vie associative des sports.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures vingt.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma