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Intervention de Louis Giscard d'Estaing

Réunion du 4 novembre 2010 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLouis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial de la commission des finances et du contrôle budgétaire, pour le budget opérationnel de la défense :

Elles sont fixées à 2,3 milliards d'euros sur la période 2011-2013, dont 850 millions d'euros en 2011.

Déjà annoncées en 2009 et 2010 à un niveau équivalent, ces recettes qui reposent sur la cession de fréquences hertziennes à des opérateurs de téléphonie mobile, sur la cession d'usufruit de satellites militaires et sur des aliénations de biens immobiliers, ne se sont pas concrétisées jusqu'à présent. En tant que rapporteur spécial et co-rapporteur de la mission d'évaluation et de contrôle qui s'est penchée sur ce sujet, je dois souligner le fait que les crédits de report ayant été quasiment épuisés, ces recettes devront impérativement être réalisées afin que le contrat opérationnel puisse être préservé.

Mon propos portera principalement sur les trois points suivants : la problématique des recettes exceptionnelles et de l'immobilier ; le financement des opérations militaires extérieures et le coût de nos bases prépositionnées, avec le contrôle sur pièces et sur place réalisé, avec mon collègue Jean-Michel Fourgous, auprès de l'escadron de transport d'entraînement et de calibration, l'ETEC.

Sur le premier sujet, l'audition du chef d'état-major des armées, l'amiral Guillaud a confirmé ce que le récent rapport de la mission d'évaluation et de contrôle, que j'ai remis au mois de juin avec ma collègue du groupe socialiste de la commission de la défense, Françoise Olivier-Coupeau, avait déjà mis en évidence. Ces recettes exceptionnelles doivent désormais se concrétiser sous peine de remettre en cause en profondeur les dispositions inscrites dans la loi de programmation 2009-2014.

Le rapport de la MEC auquel je viens de faire allusion a mis en évidence la surévaluation de certaines de ces recettes. Or de nouveaux montants, quelquefois encore plus élevés, sont prévus sur la période 2011-2013.

Ils proviennent tout d'abord de l'aliénation d'ondes hertziennes. La libération de certaines fréquences hertziennes par les armées va permettre une extension de services de téléphonie mobile existants, qui se fera peut-être même dans le cadre de l'attribution d'une quatrième licence. La vente de ces fréquences pourrait, selon l'ARCEP, rapporter plusieurs centaines de millions d'euros au ministère de la défense.

Les premières ressources qui étaient prévues d'abord en 2009, puis en 2010, ne devraient pas être perçues avant 2011. Le Gouvernement, qui tablait dans un premier temps sur 600 millions d'euros de recettes semble, au vu des premiers échanges avec les opérateurs concernés, disposer d'informations selon lesquelles la somme désormais attendue par l'aliénation des fréquences hertziennes serait très largement supérieure aux estimations d'origine.

Par prudence et pour préserver les intérêts bien compris de l'État dans ses négociations, je n'avancerai pas de chiffre. Toutefois, instruit par l'expérience des annonces prématurées et parfois surestimées des deux précédents exercices, j'exercerai une vigilance toute particulière sur ce sujet en vous interrogeant, monsieur le ministre, sur vos propres hypothèses.

Ensuite, ces recettes sont issues de la cession d'usufruit des satellites de télécommunications.

Le ministère de la défense s'apprête à céder l'usufruit du système de communications par satellites Syracuse III qui comprend les deux satellites purement nationaux Syracuse 3A et 3B déjà en orbite, ainsi que la partie française du satellite franco-italien Sicral 2 qui reste à construire et à lancer. Le ministère louera ensuite les capacités qui lui seront nécessaires, soit environ 90 % des ressources du système.

En supposant que l'opération aboutisse en 2011, ce dont la DGA n'est pas certaine compte tenu des réticences du ministère des finances, les armées devront payer leurs communications à l'opérateur, ce qu'elles ne font pas actuellement, étant propriétaires des satellites. Le coût de cette location de capacités, pas plus que les prévisions de recettes, n'est aisé à calculer. Ce coût de location devra être défalqué des 400 millions d'euros attendus pour juger de l'intérêt de l'affaire ; il conditionne évidemment le lancement ou l'abandon de l'opération.

Si l'opération est décidée, et dès lors que le cahier des charges sera transmis par la DGA – monsieur le ministre, j'espère que vous êtes en mesure de nous annoncer une excellente nouvelle à ce sujet –, son résultat final ne sera probablement pas exceptionnel. En revanche, elle peut légitimement permettre au ministère d'engranger plusieurs centaines de millions d'euros de trésorerie, qui lui sont nécessaires lorsqu'il s'agit de faire face à d'importantes dépenses immédiates.

Au titre des aliénations d'ondes hertziennes et de la cession d'usufruit des satellites de télécommunications, 2 milliards d'euros sont inscrits sur la période 2011-2013, dont 850 millions pour la seule année 2011.

Enfin, il faut compter avec les cessions d'actifs immobiliers.

La loi de finances pour 2010 prévoyait un montant de recettes de 700 millions d'euros provenant principalement de la vente des principales emprises parisiennes. Or les prévisions d'encaissement sont désormais évaluées à environ 100 millions d'euros seulement d'ici à fin 2010, en raison de l'échec de l'opération Vauban, un projet qui consistait à vendre en bloc à un consortium toutes les emprises parisiennes du ministère qui seront libérées lors du regroupement des services à Balard.

En effet, compte tenu de l'offre proposée, le Gouvernement a décidé de renoncer au montage prévu entre la SOVAFIM et la Caisse des dépôts et consignation et de vendre les biens séparément. Certes, en raison de la reprise du marché de l'immobilier, à Paris, il semble qu'il aurait été regrettable de vendre des biens de grande valeur dans un contexte déprimé. Cependant, cela signifie que le ministère de la défense devra encore patienter pour bénéficier de cette recette immobilière exceptionnelle qui lui fait cruellement défaut depuis deux exercices.

Pour l'année 2011, ce sont 150 millions d'euros de recettes exceptionnelles immobilières qui sont attendues grâce, principalement, à des aliénations de biens en régions et, peut-être, à celle de la caserne Lourcine à Paris.

Au total, la loi de finances pour 2010 prévoyait que ces trois sources de recettes exceptionnelles devaient rapporter 1,702 milliard d'euros d'ici au 31 décembre 2010. Si l'on prend en compte une centaine de millions d'euros de biens immobiliers effectivement réalisés et environ 440 millions d'euros redéployés au sein des différents programmes de la mission « Défense », il manquera donc encore plus de 1,16 milliard d'euros par rapport à la somme inscrite en loi de finances initiale. Je crois, monsieur le ministre, que vous connaissez malheureusement ce chiffre.

Comme souvent en pareil cas, c'est l'équipement des forces qui risque de pâtir principalement de cette « anticipation approximative » pour reprendre le titre du rapport de la MEC.

Ainsi, la loi de programmation militaire pour les années 2009-2014 prévoyait 95,3 milliards d'euros au titre des années 2011, 2012 et 2013. Or la programmation budgétaire triennale pour ces trois années fixe un total de 91,7 milliards d'euros. La différence concernant les seuls crédits budgétaires est donc de l'ordre de 3,6 milliards d'euros courants sur les trois années à venir.

Cet écart serait atténué par les recettes exceptionnelles attendues sur 2011-2013 que le ministère de la Défense estime désormais à 2,3 milliards d'euros sur la période. En conséquence, le différentiel global de ressources entre la programmation militaire d'une part et les prévisions budgétaires triennales d'autre part ne serait plus que de 1,3 milliard d'euros, dont 50 millions d'euros seulement en 2011.

D'ores et déjà, des mesures ont été prises afin de réaliser des économies sur la période 2011-2013, notamment en matière de fonctionnement, et sur les programmes d'armement. Monsieur le ministre, concernant ces derniers, il faut que vous nous rassuriez en affirmant qu'il ne s'agit que d'un décalage dans le temps de certaines opérations et non d'abandons.

Compte tenu des aléas budgétaires auxquels est confronté son budget, votre ministère accélère et accentue sa réforme.

Les bases de défense qui étaient supposées être mises en place durant l'ensemble de la programmation, seront finalement toutes opérationnelles dès le début de l'été 2011. Leur nombre a été revu à la baisse dans un même souci d'économie et de rationalisation. Elles devaient être quatre-vingt-dix au début de la réforme ; elles ne seront finalement plus que cinquante et une.

Une autre mesure d'économies que je salue a résulté de la création d'un commissariat unique interarmées qui remplace, depuis le 1er janvier 2010 les différents commissariats d'armées.

Enfin, une des mesures les plus porteuses d'économies et des plus attendues résultera du regroupement de tous les services centraux du ministère à Balard : d'importantes économies d'échelle devraient être ainsi réalisées et de nombreux doublons pourront être supprimés, notamment, par exemple, en matière de communication.

Les responsables du projet auditionnés m'ont confirmé que le dossier progressait selon le calendrier initial. Je rappelle que ce projet s'autofinance grâce à un partenariat public - privé : en contrepartie d'un loyer annuel payé par le ministère, le bâtiment sera concédé pour trente ans au consortium qui remportera l'appel d'offres.

Si je me suis attardé sur les aspects budgétaires, c'est parce qu'ils conditionnent le respect du contrat opérationnel inscrit dans la loi de programmation et issu du Livre blanc sur la défense et la sécurité. Ce contrat concerne au premier chef les forces qui servent à l'extérieur de nos frontières.

L'armée française compte en permanence près de 15 000 de ses soldats servant à l'étranger : 10 200 en moyenne annuelle servent en opérations extérieures, tandis que 4 700 sont prépositionnés dans des pays alliés avec lesquels nous avons signé des accords de défense. Les effectifs des forces servant en OPEX sont ajustés en permanence, en fonction des menaces. C'est ainsi que, en 2010, les effectifs stationnés au Kosovo, en Côte d'Ivoire et au Tchad ont été réduits, parfois de manière sensible. En revanche, les effectifs stationnés en Afghanistan ont été légèrement renforcés.

L'évolution du financement des OPEX mérite d'être salué. Les crédits inscrits en loi de finances initiale continuent leur hausse : ils s'élèveront à 630 millions d'euros en 2011. Cela correspondra à un taux de couverture prévisionnel d'environ 75 %, ce qui est d'autant plus remarquable qu'en 2006, le montant inscrit en loi de finances s'élevait à peine à 175 millions d'euros, ce qui ne correspondait même pas au tiers de dépenses. Le travail conjoint des commissions des finances et de la défense a bien porté ses fruits.

Je tiens également à évoquer nos implantations prépositionnées à l'étranger, notamment celles d'Abou Dhabi et de Djibouti où je me suis rendu au mois de février.

L'implantation française aux Émirats arabes unis n'avait pas été budgétairement prévue en loi de programmation militaire. Il a donc fallu faire face à une dépense nouvelle. Si la construction matérielle de la base a été entièrement financée par la partie émirienne, le fonctionnement de l'implantation reste à la charge du ministère français de la défense pour un coût d'environ 75 millions d'euros.

L'objectif de l'état-major des armées est de financer le fonctionnement de cette nouvelle implantation en réduisant le format, l'activité et, donc, le coût de fonctionnement de notre base de Djibouti, désormais surdimensionnée. Les effectifs devraient ainsi être ramenés de 2 900 militaires à environ 1 900. Dans le même temps, les effectifs de la base d'Abou Dhabi passeraient de 300 à 600, à terme, dont 50 % de personnels permanents et 50 % de tournants.

Cependant, toute modification du régime des forces françaises de Djibouti suppose des négociations avec les autorités locales, qui doivent se féliciter, comme nous, de la colocalisation de l'opération européenne Atalante sur notre base. L'évolution de l'indemnité annuelle de 30 millions d'euros est en discussion, ainsi que le devenir de l'hôpital militaire Bouffard, qui devrait être inclus dans la négociation avec l'État djiboutien, car la valorisation des actes médicaux au profit des forces armées djiboutiennes et de la population locale mérite d'être prise en compte.

Je souscris pleinement aux objectifs qui sont les vôtres, monsieur le ministre, et ceux de l'état-major des armées de parvenir à une meilleure adéquation de nos implantations, en particulier sur le continent africain, pour que les armées puissent remplir le contrat opérationnel au meilleur coût budgétaire.

Enfin, je ne veux pas terminer mon propos sans évoquer le contrôle sur pièces et sur place que Jean-Michel Fourgous et moi-même avons effectué, le 17 mai 2010, auprès de l'escadron de transport d'entraînement et de calibration – ETEC – de l'armée de l'air, basé à Villacoublay.

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