Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la hausse des crédits que ce budget alloue à la gendarmerie n'est qu'apparente. En réalité, les crédits hors pension pour 2011 diminuent de 0,4 %. En d'autres termes, la hausse ne résulte que de l'évolution des pensions de retraite ; quant aux crédits dévolus aux rémunérations des actifs et aux missions de la gendarmerie, ils diminuent sensiblement.
À la restriction des moyens s'ajoute une perte qualitative des effectifs. La situation de la gendarmerie nationale devient ainsi préoccupante : elle enregistrera 10 065 départs à la retraite contre 9 108 embauches, ce qui représente en fait 957 suppressions de postes.
Et ce n'est pas tout : 5 140 embauches concerneront des volontaires des armées, soit près de 59 % des recrutements prévus. Or que se cache-t-il, monsieur le ministre, sous le vocable « volontaires » ? Des personnels recrutés par des contrats précaires d'un an, renouvelables quatre fois et sans conditions de qualification. S'agira-t-il en réalité d'emplois jeunes remis au goût du jour ?
Le gouvernement entend donc remplacer des gendarmes officiers de police judiciaire ou spécialistes du maintien de l'ordre par des personnels moins qualifiés, qui ne pourront assumer les différentes missions dévolues aux gendarmes. La gendarmerie est-elle à son tour promise à une déqualification et à une précarisation croissantes ? Je regrette sincèrement ce budget de rigueur qui touche durement la défense en général, et la gendarmerie en particulier.
Les coupes sombres pratiquées dans les effectifs se traduiront sur le terrain : au-delà des chiffres, c'est le quotidien des forces de gendarmerie qui sera altéré. Les délais d'intervention s'allongeront encore en zone rurale ; dans les petites villes, les gendarmes renoncent déjà à verbaliser les automobilistes pour stationnement irrégulier. Monsieur le ministre, comment des gendarmes de moins en moins nombreux pourraient-ils accomplir de plus en plus de tâches administratives – je songe notamment aux procurations de vote et aux enquêtes judiciaires ? En outre, qu'en sera-t-il des transfèrements judiciaires de plus en plus nombreux et de plus en plus longs, dont la responsabilité devrait incomber à la justice et non à la gendarmerie ?
Mais ce n'est pas tout : les crédits d'investissement devraient diminuer de 13 % en 2011. Là encore, les gendarmes en subiront les conséquences. Ils manquent déjà de moyens informatiques performants et de véhicules pour accomplir leurs missions. Dès lors, comment peut-on leur demander de lutter efficacement contre une délinquance qui se déplace des villes vers les campagnes, où les forces de l'ordre sont moins présentes – un gendarme pour mille habitants en zone rurale, un policier pour huit cents habitants en zone urbaine ? Comment pourront-ils lutter contre les problèmes croissants liés à l'alcoolisme ou aux stupéfiants ?
La baisse des crédits laisse d'autre part augurer des fermetures en zone rurale et des constructions de nouvelles gendarmeries au rabais, les loyers d'équilibre autorisés ne permettant pas de construire des garages ou des remises pour les familles, ce qui est pourtant indispensable dans cette profession.
Le manque de disponibilité des gendarmes oblige en outre de nombreuses communes à se doter d'une police municipale afin d'aider la gendarmerie à accomplir ses missions.
À mes yeux, monsieur le ministre, ce budget trahit le manque cruel de moyens alloués aux personnels de gendarmerie, malgré leur dévouement et la qualité de leur travail. Il confirme en outre l'abandon de la ruralité par les services publics et l'absence de volonté politique du Gouvernement lorsqu'il s'agit d'assurer à nos territoires une sécurité pourtant indispensable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)