La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
La loi du 11 février 2005 a confirmé l'accueil obligatoire des enfants handicapés dans les établissements scolaires. Des auxiliaires et des employés de vie scolaire interviennent auprès des équipes enseignantes pour assurer cet accueil.
Alors que ces personnels ont acquis des compétences, accepté de faire des heures supplémentaires sans être payés, effectué des déplacements sans être remboursés, agi avec conscience et professionnalisme, le contrat de bon nombre d'entre eux arrive à terme à la fin du mois de juin. Sans formation ni qualification proposée durant leur période d'emploi, sans validation d'acquis de l'expérience, sans proposition de reconversion, ils vont se retrouver sur le marché du travail sans solution.
Pourtant, lors du débat sur le bilan d'application de la loi sur le handicap, le 2 juin dernier, Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité a reconnu que se posait la question de la nécessaire reconduction de ces contrats, admettant que si l'État répondait bien à son obligation de résultat en pourvoyant à l'ensemble des postes nécessaires à l'accueil des enfants, il fallait améliorer la qualité de l'accompagnement. Cela ne pouvait passer, indiquait-elle, que par le maintien des postes en place ; aussi attendait-elle les textes qui permettraient à l'État de régler cette situation.
Monsieur le ministre, le temps presse. Il y a urgence à pérenniser les postes d'AVS et d'EVS. Nous vous demandons de prendre toutes les mesures nécessaires pour que ces personnels, qui agissent dans l'intérêt des enfants et des familles, puissent poursuivre leurs missions, tout en bénéficiant d'une réelle professionnalisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.
Ainsi que vous l'avez rappelé, madame la députée, la loi de 2005 sur le handicap a permis d'accélérer fortement la mise en oeuvre de l'accès des enfants handicapés en milieu scolaire ordinaire. Désormais, plus de 10 000 enfants nouveaux par an sont scolarisés en milieu scolaire. Au total, 170 000 enfants handicapés vont désormais à l'école, soit 30 % de plus que lors du vote de la loi de 2005.
Effectivement une interrogation se pose sur notre capacité à accueillir des enfants handicapés à la rentrée scolaire prochaine, et plus particulièrement sur les postes et la pérennité des emplois.
Pour ce qui concerne ces postes d'assistants de vie scolaire, indispensables pour accompagner chaque enfant, nous avons une obligation de résultat du fait de la loi de 2005 : autrement dit, il y aura au moins autant d'AVS, sinon plus, en nombre suffisant en tout cas pour scolariser tous les enfants handicapés.
Comme je l'ai rappelé lors de notre débat sur la politique du handicap, non seulement nous aurons les postes, mais nous allons travailler tous ensemble, sur la base du rapport parlementaire de Marie-Anne Montchamp, avec Xavier Darcos qui a compétence sur le recrutement des assistants de vie scolaire, à un texte législatif qui nous permettra de proposer pour l'avenir, et dès la rentrée scolaire de l'année suivante, un vrai statut à ces professionnels. Ainsi seront pérennisés leurs emplois et valorisés leurs acquis et leurs compétences, dans l'intérêt des personnes handicapées.
Vous le voyez, nous sommes attentifs à cette question, et nous ferons tout pour que les choses se passent dans les meilleures conditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, je prie ceux de vous qui arrivent de regagner leurs places dans le silence. Ce serait plus respectueux pour ceux d'entre nous qui posent des questions et pour les membres du Gouvernement qui leur répondent.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi. Je voudrais évoquer dans cet hémicycle un dispositif que je qualifierai de génial : le contrat de transition professionnelle.
Monsieur le secrétaire d'État, vous savez que nous vivons actuellement une crise sans précédent.
Elle trouve son origine dans une crise financière, laquelle a entraîné une crise économique qui se traduit, pour bon nombre d'entreprises de notre pays, par une baisse des commandes, du niveau d'activité, et donc de leur chiffre d'affaires.
Cela conduit à des demandes de chômage partiel, à des suppressions d'emplois et à des restructurations, qui concernent principalement les grands groupes, mais aussi les petites et moyennes entreprises. Selon votre ministère, quelque 590 000 emplois pourraient être concernés cette année par ce que l'on appelle les suppressions d'emplois. Les bassins industriels sont véritablement touchés.
Or, le contrat de transition professionnelle permet aux salariés de percevoir 80 % de leur salaire brut, et incite très largement à la formation. Entre vingt et vingt-cinq bassins ont été proposés sur le territoire national, mais les disparités sont flagrantes. Dans l'Ille-et-Vilaine, dont je suis l'élu, le bassin de Vitré bénéficie de cette expérimentation, et le maire de Redon a obtenu le contrat de transition professionnelle.
Ma question est simple : le Nouveau Centre souhaite la généralisation du contrat de transition professionnelle. Monsieur le secrétaire d'État, ne peut-on envisager d'étendre son application à l'ensemble du territoire national, au moins pour une période déterminée, par exemple jusqu'à la fin de l'année 2010 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Monsieur le député, vous avez raison : notre obsession, dans cette période où trop de nos compatriotes connaissent un licenciement économique, doit être de leur donner toutes les chances de rebondir et de retrouver un emploi.
Trop souvent, notre politique de l'emploi est restée passive face au licenciement, le prenant comme étant une fatalité,…
…et sans faire en sorte que chaque salarié qui perd son emploi ait le maximum d'outils pour en retrouver un.
C'est toute la philosophie du contrat de transition professionnelle, inspiré par Jean-Louis Borloo : faire en sorte que celui qui perd son emploi puisse avoir tous les outils pour en retrouver un. Si vous avez perdu votre emploi dans le secteur du textile, explorons les possibilités d'en retrouver un dans le secteur du service à la personne. Si c'est dans la vente à domicile, en difficulté dans le Nord-Pas-de-Calais, pourquoi ne pas explorer les passerelles pour retrouver un travail dans un centre d'appel ?
Mais pour cela, il faut du temps, il faut de l'argent pour financer une formation, et il faut un conseiller personnel. C'est justement ce que permet le CTP sur les territoires où il est déployé.
Vous me permettrez, à cette occasion, de rendre hommage aux équipes de Pôle emploi, qui ont la charge d'animer les CTP, et notamment à leur directeur général, Christian Charpy, qui conduit cette réforme avec énergie et compétence dans un contexte difficile. Il a toute la confiance du Gouvernement pour mener à bien sa mission.
Parallèlement à cela, il y a les territoires comme le vôtre, monsieur le député. Je pense notamment à Fougères, où vous souhaitez pouvoir bénéficier du CTP. Les territoires les plus rudement touchés ont pu, à ce stade, en bénéficier, d'autres non – bien qu'ils connaissent aussi la crise.
C'est pourquoi nous avons, avec les partenaires sociaux, amélioré la convention de reclassement personnalisé, aussi bien en termes d'accompagnement que d'indemnisation et de durée.
Ce que je vous propose, c'est de commencer à travailler ensemble, sur le territoire de Fougères, d'examiner ensemble comment utiliser la convention de reclassement personnalisé pour en faire un vrai outil, un vrai droit au rebond pour les salariés licenciés, et d'explorer ainsi la possibilité, à terme, de mieux généraliser à l'échelle du territoire de la République les contrats de transition professionnelle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. André Gerin, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse au Premier ministre.
Les constructeurs français délocalisent à tour de bras en tuant des sous-traitants. Ils profitent de la crise avec les aides de l'État. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est la production made in France qui est en berne ! Pour Renault et Peugeot, qui ne respectent pas leurs obligations, c'est la fuite en avant au détriment de l'industrie nationale. Renault produit moins d'un tiers de ses voitures en France !
L'État doit être volontariste pour défendre nos PME-PMI, alors que des dizaines de milliers d'emplois sont supprimés. Osons produire français ! Ayons la fibre patriotique ! Défendons les fleurons de notre pays ! C'est ce qu'attendent les Français.
Je vais vous en donner un exemple dans le Rhône, celui de la société REP International, leader mondial de la presse à injecter le caoutchouc, dont 70 % de l'activité dépend de l'automobile. Peut-on empêcher les licenciements et limiter la casse ?
Je propose quatre mesures d'urgence.
La première : les fonds stratégiques d'investissement doivent aider au refinancement avec participation de l'État à son capital.
La deuxième : rendre éligible cette entreprise au fonds d'aide à l'automobile.
La troisième : aider massivement la recherche-développement de nouveaux produits, pour gagner en compétitivité et conquérir des marchés.
La quatrième : tenir une table ronde avec tous les partenaires.
REP International a besoin d'un traitement de choc pour rebondir avec la reprise et faire face à ses concurrents. Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement doit tout faire pour défendre cette belle entreprise industrielle de production française. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.
Monsieur le député, vous me permettrez tout d'abord d'excuser le Premier ministre, qui est actuellement à Oradour-sur-Glane, pour commémorer le soixante-cinquième anniversaire de cette tragédie.
Vous m'interrogez sur la crise du secteur automobile et sur les délocalisations. Mais, précisément, si le Gouvernement a mobilisé depuis six mois l'ensemble des acteurs de la filière, c'est pour enrayer la situation que vous avez décrite et qui a conduit, c'est vrai, un certain nombre de constructeurs à produire des véhicules hors de France et à entraîner un certain nombre de sous-traitants dans des pays à bas coûts.
Je vous rappelle que, parmi les conditions d'attribution des prêts que nous avons octroyés aux constructeurs automobiles, figurent des engagements très clairs quant à la pérennité des sites industriels français. C'est très important car ce qui est en jeu, au-delà des emplois directs, c'est la survie des emplois indirects chez tous les sous-traitants de la filière, notamment ceux que vous connaissez dans votre région.
L'entreprise REP International rencontre effectivement des difficultés, puisque son carnet de commandes est aujourd'hui vide. Cette société a déjà eu recours au chômage partiel, et la trésorerie générale lui a déjà accordé des reports d'échéances fiscales et sociales. Elle a cependant dû licencier 84 personnes et se mettre sous mandat ad hoc.
Ce dossier fait l'objet de toute l'attention de nos services, et j'ai demandé au commissaire à la réindustrialisation de votre région de le suivre de très près. Sous réserve, naturellement, de la présentation d'un plan stratégique visant à assurer la viabilité de l'entreprise, un appui pourra lui être apporté, notamment en relation avec OSEO.
Vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement est pleinement mobilisé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Éric Diard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le ministre d'État, alors que nous abordons aujourd'hui en deuxième lecture à l'Assemblée nationale le projet de loi Grenelle 1, vous avez présenté ce matin, avec Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, un Livre blanc sur les conditions de la mise en oeuvre d'une « contribution climat-énergie ». Cette initiative sans précédent, qui place la France à l'avant-garde de la révolution écologique, est conforme aux orientations fixées par le Président de la République le 25 octobre 2007, lors des conclusions du Grenelle de l'environnement, et inscrites dans le projet de loi dit Grenelle 1.
Nous avons pris l'engagement de diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050. L'instauration d'une contribution climat-énergie pourrait faire partie de l'ensemble des dispositifs que nous mettons progressivement en place pour lutter contre le réchauffement climatique, sans qu'il soit pour autant question d'augmenter le taux de prélèvement obligatoire.
Monsieur le ministre d'État, ce Livre blanc est le début d'une grande concertation autour de notre politique énergétique et de la lutte contre le réchauffement climatique. Pouvez-vous nous donner les grandes lignes de ce document et nous préciser les contours et le calendrier de la concertation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le député, la France s'est engagée dans une mutation écologique sans précédent dans tous les domaines de notre activité économique : dans les transports urbains avec une multiplication par cinq, dans les énergies renouvelables qui connaissent une très forte montée en puissance, dans les économies d'énergies comme dans le bâtiment. À tel point que le chiffrage par l'Union européenne de la réduction française des gaz à effet de serre est de près de 25 %, ce qui est tout à fait considérable et dépasse même nos propres prévisions.
Au-delà de ces mesures, nous réfléchissons depuis longtemps à une démarche structurante de nature à organiser, pour les décennies qui viennent, notre consommation et notre production industrielle en tenant compte des énergies, notamment fossiles. Ce pourrait être une nouvelle forme de fiscalité, une contribution sur les industries les plus émettrices de carbone et utilisatrices d'énergies fossiles, qui serait directement restituée aux Français sous forme d'allocation ressources universelles ou de « chèque vert » – une sorte de petit signal qui évoluerait dans le temps.
Depuis quatre mois, avec les équipes de Christine Lagarde, nous avons élaboré un Livre blanc. Une conférence de consensus réunissant des experts internationaux et français a été mise en place. Une première restitution aura lieu début juillet, sous la présidence de Michel Rocard. Il faudra bien que l'ensemble des Français s'approprie cette réflexion, car l'évolution engagée sera extrêmement puissante. Nous avons besoin d'un dispositif de ce type.
La parole est à M. Jean Mallot, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, votre majorité a adopté hier une proposition de loi qui prétend faciliter le maintien et la création d'emplois. En réalité, lever toute condition, en particulier sur la taille des entreprises, pour constituer des groupements d'employeurs en nombre illimité ne créera ni emploi ni activité supplémentaire.
Assouplir le prêt de main-d'oeuvre sans protéger les salariés au sein de l'entreprise emprunteuse n'aboutira qu'à fragiliser ces personnels.
Le recours à une proposition de loi d'origine parlementaire vous avait permis de contourner la phase de consultation préalable des partenaires sociaux, pourtant obligatoire. Or, vous le savez, le patronat et les syndicats de salariés ont entamé aujourd'hui même une négociation sur la gestion sociale des conséquences de la crise sur l'emploi et justement, la question des groupements d'employeurs et celle du prêt de main-d'oeuvre est au programme. Vous connaissiez cet agenda et c'est vous-même qui avez créé cette situation de concurrence entre le travail législatif et la négociation sociale.
Aujourd'hui, les syndicats de salariés vous demandent de suspendre l'examen de la proposition de loi en attendant le résultat de la négociation en cours. Allez-vous, une fois de plus, mépriser le rôle des partenaires sociaux, voire instrumentaliser leurs négociations, comme vous l'avez fait à l'été 2008 en trahissant la position commune sur la représentativité ? Monsieur le Premier ministre, allez-vous écouter les partenaires sociaux ou passer en force ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Monsieur le député, la proposition de loi à laquelle vous faites allusion a été portée notamment par M. Jean-Frédéric Poisson et je veux lui rendre hommage pour le travail qu'il a réalisé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Elle a permis des avancées importantes, notamment sur l'allocation équivalent-retraite, ainsi que sur un meilleur encadrement des stagiaires – sujet sur lequel nous discutions trop depuis trop longtemps –, qui pourront être rémunérés dès le deuxième mois.
Par ailleurs, elle comporte deux dispositions profondément intelligentes et astucieuses.
L'une facilite la création d'emplois en permettant à des entreprises de se mettre ensemble. L'autre permet à une entreprise qui connaît des difficultés de s'appuyer sur des entreprises qui continuent à embaucher, pour éviter les licenciements.
Une proposition de loi ne tombant pas sous le coup de la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social, cela ne pose aucun problème juridique.
Sur le fond, vous soulevez la question de la bonne articulation entre l'initiative parlementaire et le travail des partenaires sociaux. Je vous rappelle que ces derniers se sont saisis du sujet après que M. Poisson a engagé son travail dans le cadre de sa proposition de loi.
Le Gouvernement souhaite que lorsque, dans le cadre de son initiative, le Parlement se saisit d'un sujet qui relève notamment de problématiques de l'emploi, le travail de concertation puisse se faire avec les partenaires sociaux. Ce souhait est d'ailleurs intégré dans la proposition de loi, puisqu'elle prévoit que des accords de branche peuvent intervenir sur les groupements d'employeurs.
Pour finir, j'observe que les partenaires sociaux ne sont pas du tout réticents au sujet, notamment dans le secteur de la métallurgie, puisqu'un accord a été signé le 7 mai dernier par quatre organisations syndicales sur cinq, afin de faciliter la mise en place du prêt de main-d'oeuvre.
Monsieur Mallot, notre obsession est bien d'avancer. Je ne méprise en aucun cas le travail des partenaires sociaux, mais je respecte aussi l'initiative des représentants du suffrage universel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. François Calvet, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille.
La France, pleinement touchée par la crise financière, économique et sociale, est entrée en 2009 dans une période difficile. La situation économique que nous connaissons touche irrémédiablement les foyers les plus modestes.
Pour répondre à leurs besoins, le Gouvernement et la majorité ont engagé des actions concrètes. Je pense notamment à la mise en place, le 1er juin dernier, du revenu de solidarité active, au doublement du prêt à taux zéro, ou encore à l'augmentation de 6,9 % du minimum vieillesse cette année. Il s'agit d'un effort exceptionnel, sans précédent, pour soutenir ceux de nos concitoyens que la crise a rendus plus vulnérables.
Madame la secrétaire d'État, vous avez annoncé hier le versement d'une prime de 150 euros aux familles les plus modestes. Pouvez-vous détailler devant la représentation nationale les modalités de versement et le périmètre de cette nouvelle mesure de solidarité ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Allô, allô !
La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.
Vous avez raison de rappeler, monsieur Calvet que le Gouvernement est entièrement mobilisé pour faire face à cette crise économique qui nous frappe, en prenant notamment des mesures de soutien à l'emploi et à l'investissement.
Le Gouvernement est également très mobilisé en faveur des familles les plus modestes et les plus exposées à la crise. Brice Hortefeux et moi-même étions hier sur le terrain, à la rencontre des familles. Il était à Bordeaux, moi aux guichets parisiens de la Caisse nationale d'allocations familiales, afin d'assister à la mise en oeuvre du versement de cette prime exceptionnelle de 150 euros, qui constitue un « plus » pour les familles modestes. Elle sera versée aux familles qui perçoivent l'allocation rentrée scolaire. Trois millions de familles qui avaient perçu l'allocation scolaire 2008-2009 vont recevoir cette prime exceptionnelle, et ce sans avoir aucune démarche à faire, puisqu'elle sera directement versée par les caisses d'allocations familiales et par la MSA. Cette prime n'est pas imposable et ne peut être prise en compte dans le cadre de remboursements que ces familles devraient effectuer à des créanciers.
Monsieur Calvet, vous auriez pu rappeler également que cette prime s'inscrit, parmi d'autres mesures, dans la démarche globale du « sommet social » voulu par le Président de la République. Je pense notamment à la suppression, pour six millions de foyers, du versement des deux tiers provisionnels de l'impôt sur le revenu, qui représente un avantage moyen de 200 euros pour les familles.
Je pense aussi à la prime de solidarité active, d'un montant de 200 euros, qui a été versée par anticipation le mois dernier. J'étais hier au guichet de la CNAF, qui traite les dossiers du RSA. Le nombre de dossiers traités chaque jour est passé de 150 à 450. De plus, nous avons pu constater que huit millions de connexions ont eu lieu sur le site de la CNAF. Tout cela vise à aider nos concitoyens les plus modestes à revenir vers l'activité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Yves Cochet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. Borloo. Depuis dimanche, à gauche comme à droite, on a l'impression que c'est à qui sera le plus écologiste ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je ne peux que m'en féliciter, mais je tiens à avoir des preuves. Nous allons d'ailleurs en avoir quelques-unes tout à l'heure, puisque nous abordons la deuxième lecture du projet de loi « Grenelle 1 ». Nos concitoyens pourront juger si ce virage est effectif. Il semble que M. le Président de la République lui-même soit désormais considéré comme militant écologiste... Nous allons voir cela dès cet après-midi.
Ma question est très précise et permettra d'avoir un avant-goût de votre sincérité écologiste. À l'alinéa 6 de l'article 5 du « Grenelle 1 », une disposition concerne la rénovation thermique des HLM. Vous prévoyez une consommation énergétique pour ces bâtiments de 150 kilowatts heures par mètre carré et par an.
Toutes les associations écologiques, toutes les associations de consommateurs et nous-mêmes voulons parvenir à 80 kilowatts-heure par mètre carré et par an, de telle sorte que les pauvres économiques ne soient pas aussi des précaires énergétiques. Monsieur le ministre, nous avons déposé un amendement allant dans ce sens. Allez-vous l'accepter ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Comme vous le savez, monsieur Cochet, l'ensemble du programme du Grenelle a été élaboré avec toutes les parties prenantes : les associations écologistes, les syndicats, les fédérations professionnelles, les collectivités territoriales et l'État.
Deux choses sont à distinguer. D'une part, les nouvelles normes, qui sont de 50 kilowatts-heure d'énergie primaire au mètre carré. D'autre part, les programmes de rénovation thermique des bâtiments, que nous avons élaborés avec l'Union des HLM afin que 4,2 millions de logements sociaux soient rénovés sur le plan thermique, en commençant par les 800 000 logements les plus dégradés, qui sont actuellement à plus de 300 kilowatts-heure au mètre carré.
Grâce à une révision de la taxe foncière sur les propriétés bâties, à un prêt bonifié de la Caisse des dépôts et Consignations et à la convention signée entre l'État et l'Union des HLM pour la rénovation thermique des bâtiments les plus dégradés, la consommation énergétique de ces logements pourra être divisée par quatre.
Je suis là pour proposer au Parlement que ce qui a été élaboré raisonnablement par l'ensemble des partenaires soit effectivement opérationnel. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Josette Pons, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Depuis quelques mois, monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, les vignerons et les producteurs de rosé, en particulier ceux du Sud de la France et du département du Var, se sont élevés contre la proposition de la Commission européenne de lever l'interdiction de coupage de vin rouge et de vin blanc pour élaborer du vin rosé.
Le 11 février dernier, je vous avais interrogé sur ce point ; vous m'aviez alors assurée de votre détermination à défendre et à accompagner les efforts de qualité accomplis depuis des années par tous nos vignerons.
Depuis lors, de nombreuses actions ont été entreprises : à votre initiative d'abord, notamment auprès de vos collègues ministres de l'agriculture des autres pays membres pour obtenir une renégociation sur ce problème du coupage ; par les vignerons ensuite, en particulier les vignerons provençaux, que vous avez toujours associés à votre action et aux réunions de travail et de concertation ; par les consommateurs enfin, grâce à une pétition qui a recueilli près de 40 000 signatures.
Vous avez également saisi Mme Fischer-Boel, commissaire européen, chargée de l'agriculture, et obtenu, par deux fois, le report de cette décision.
Lundi 8 juin, nous est parvenue, par communiqué de presse, la décision de maintenir l'interdiction du coupage destiné à la création de vin rosé. L'ensemble de la profession prend acte de cette décision, se réjouit et se joint à moi pour vous remercier vivement, monsieur le ministre, de votre efficace implication dans ce dossier.
Lorsque vous serez installé dans vos nouvelles fonctions, pourrez-vous accompagner ce dossier jusqu'à son aboutissement et veiller à ce que l'annonce de la Commission européenne apporte bien toutes garanties quant aux pratiques oenologiques qui seront adoptées fin juin et applicables au mois d'août prochain ?
La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.
J'ai toujours dit, madame la députée, que la proposition de la Commission européenne, au début de l'année, d'autoriser le coupage de vin blanc et de vin rouge pour faire du faux rosé…
était insensée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Elle heurtait tout ce qui fait notre modèle alimentaire européen : un modèle fondé sur la qualité, la traçabilité, la diversité et les traditions. Qui plus est, elle aurait compromis les efforts accomplis, dans de nombreux vignobles français et européens, dans le sens de la qualité.
Lorsque vous m'aviez interrogé le 11 février dernier, je vous avais répondu que nous étions opposés à cette proposition, que nous étions isolés – nous n'étions que deux pays, la Hongrie et la France –, mais que nous continuions à nous mobiliser pour faire revenir la Commission sur cette idée. C'est ce à quoi je me suis employé : je n'ai fait que mon travail.
Depuis plusieurs mois, comme je m'y suis engagé, monsieur Soisson, avec vous…
et avec les professionnels, nous nous sommes attachés à faire bouger les lignes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Les professionnels de la viticulture ont fait un formidable travail vis-à-vis de leurs collègues comme vis-à-vis des gouvernements. J'ai fait le mien vis-à-vis de mes collègues. Finalement, la Commission a décidé, lundi, de renoncer à cette proposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Cela prouve que lorsqu'on s'y met tous, lorsqu'on parle d'une seule voix à Bruxelles et lorsqu'on dialogue, on arrive à faire bouger les lignes ! Retenez cette leçon pour l'avenir, car il y aura d'autres combats à livrer, madame Pons, d'autres régulations, d'autres batailles pour préserver notre modèle alimentaire. Soyez assurée que, là où je serai, vous pourrez compter sur moi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Germinal Peiro, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Dans deux jours, vendredi 12 juin, à dix heures, les retraités agricoles de France manifesteront devant les préfectures dans tous les départements.
Par cette manifestation, ils veulent une nouvelle fois appeler l'attention du Gouvernement sur la faiblesse du montant de leur retraite – comme peuvent du reste le faire bon nombre d'artisans et de petits commerçants retraités.
Le problème des retraites agricoles n'est pas nouveau. Il faut rappeler le travail du gouvernement Jospin (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), qui a permis, lors d'un plan quinquennal, de relever de 29 % la retraite des chefs d'exploitation, de 49 % la retraite des veuves et de 79 % celle des aides familiaux et des conjoints. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
C'est encore sous le gouvernement Jospin que fut votée la loi instituant un régime complémentaire obligatoire en agriculture, qui jusqu'alors n'existait pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Depuis 2002, depuis sept ans précisément, le dossier des retraites agricoles est en panne alors que vos gouvernements successifs, tous les gouvernements de droite, ont dégagé des milliards de cadeaux fiscaux pour les foyers les plus riches de notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Cela vous gêne, mes chers collègues, mais c'est la vérité.
Les retraités agricoles, pas plus que les retraités artisans, commerçants et l'ensemble des retraités salariés, ne demandent pas l'aumône ! Ils demandent simplement plus de justice sociale et la possibilité de vivre dignement.
Ma question est simple : allez-vous honorer vos promesses et celles du Président de la République ? Allez-vous penser aux plus pauvres des retraités de notre pays, alors que vous déployez tant de zèle pour servir les plus riches ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.- Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.
Oui, monsieur Peiro, nous pensons aux plus défavorisés ! (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.) Le Président de la République lui-même s'est engagé, en février 2008 – j'ai sa déclaration sous les yeux –, à réduire les poches de pauvreté dans lesquelles se trouvent certains retraités.
Nous avons tenu cet engagement. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Permettez-moi de citer deux mesures de revalorisation – auxquelles j'ai travaillé avec M. Xavier Bertrand dans le cadre de ses précédentes fonctions, et que je veux remercier : la création d'un montant minimum de retraite qui s'applique depuis le 1er janvier 2009 et l'extension à toutes les veuves du bénéfice de la réversion de la retraite complémentaire obligatoire de leurs conjoints qui s'appliquera à partir du 1er janvier 2010.
Voilà comment le minimum de retraite permet de garantir aux agriculteurs, aux veuves et aux conjoints un montant de retraite égal au minimum vieillesse pour les retraités à carrière complète et proportionnel à la durée de cotisations pour les carrières incomplètes. C'est une mesure d'équité, monsieur Peiro, qui donne à tous ceux qui ont pris leur retraite avant 2002 les mêmes droits que les autres, qui répond à une forte demande des associations de retraités, dont je salue l'action, et qui améliore le niveau de vie des veuves. Nous allons poursuivre cette action : j'ai également demandé à la Caisse nationale de mutualité sociale agricole de faire l'évaluation de cette première série de mesures et de faire des propositions complémentaires.
Vous avez, à juste tire, monsieur Peiro, rappelé que cette situation est très ancienne. Il faut donc rester humble et déterminé. M. Jospin a pris des mesures importantes ; M. Raffarin aussi en a pris, et a tenu les engagements de M. Jospin ; M. de Villepin en a pris tout comme M. Fillon et nous continuerons à tenir les engagements du Président de la République durant le quinquennat afin de garantir aux retraités de l'agricultures une situation sociale juste et digne. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'agriculture, je souhaite évoquer la crise laitière qui sévit depuis plusieurs semaines dans notre pays comme chez nos voisins européens, et qui frappe avec une violence plus particulière les territoires de moyenne montagne, dont le département du Cantal – j'associe d'ailleurs à cette question mon collègue Jean-Yves Bony.
Je veux rendre compte ici du désespoir des producteurs laitiers et de leur incompréhension légitime devant l'évolution du prix des produits laitiers vendus aux consommateurs, évolution sans commune mesure avec l'effondrement qu'ils subissent. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
L'accord interprofessionnel intervenu le 3 juin, monsieur le ministre, ne peut être jugé satisfaisant. Le prix fixé est insuffisant, compte tenu du niveau élevé des coûts de production dans les zones de montagne.
Plus largement, cette crise renvoie à la question de la régulation du marché européen du lait, en l'absence de laquelle des centaines d'exploitation sont menacées de disparition, dans le Cantal mais aussi, plus largement, dans le Massif central et les territoires de montagne.
Monsieur le ministre, je vous exhorte, dans la perspective de vos nouvelles fonctions, dont je me réjouis, à demander à l'Union européenne de préserver des mécanismes de régulation, des systèmes de maîtrise de la production et des outils de gestion du marché. La situation est fort complexe et il convient de se poser la question de la juste répartition des marges au sein de la filière. Nous devons exiger la transparence et demander une adaptation des règles commerciales, si une évaluation en démontre la nécessité.
Monsieur le ministre, quelles réponses comptez-vous apporter à ces diverses questions ? Comment envisagez-vous de prendre en compte la détresse des agriculteurs ? Enfin, entendez-vous retenir le principe d'une valorisation différenciée du prix du lait dans les zones de montagne ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, NC et GDR.)
La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le député, face à cette situation extrêmement grave qui provoque la désespérance des producteurs laitiers du Cantal et d'autres régions, je dois préciser que l'accord auquel sont parvenus producteurs, coopératives et industriels, encouragés par le Gouvernement, est un compromis. Vous lui reprochez de ne pas être satisfaisant : c'est une évidence, puisque les industriels voulaient payer beaucoup moins et que les producteurs réclamaient d'être rémunérés beaucoup plus. Cela étant, je le dis en conscience, le pire aurait été l'absence d'accord sur un prix d'orientation annuel. Les producteurs laitiers auraient été alors seuls face aux industriels, et contraints de négocier directement, entreprise par entreprise.
Sur le fondement de cet accord, j'ai décidé d'accompagner, avec l'appui du Premier ministre, les entreprises et les exploitations les plus fragiles, grâce à un plan d'environ 30 millions d'euros. Un traitement spécial sera réservé aux jeunes, comme j'aurai l'occasion de le préciser demain dans votre département.
J'ajoute que, dans une région comme la vôtre, les éleveurs pourront bénéficier de mesures de réorientation de la politique agricole commune : une aide supplémentaire sera versée à hauteur de 20 euros les mille litres, ce qui représente, au niveau national, 45 millions d'euros pour les zones de piémont et de montagne, et ce sans compter les aides supplémentaires liées au soutien à la politique de l'herbe.
Enfin, nous allons, avec Mme Lagarde et M. Chatel, nous relancer très activement les travaux de l'observatoire des prix et des marges. Les paysans comme les pêcheurs n'ont pas peur de la transparence.
Nous irons chercher les informations là où elles sont pour établir la vérité des prix et des marges.
Enfin, ces politiques sont dans une très large mesure européennes. La crise elle-même est européenne. Je me battrai, là où je serai, pour préserver les outils de régulation et de maîtrise des marchés, en particulier pour le lait. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Armand Jung, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Au Sri Lanka, monsieur le ministre des affaires étrangères, la « chasse aux Tigres » s'est achevée dans un bain de sang. Selon des témoignages convergents, ce sont près de 20 000 Tamouls qui, depuis le mois de janvier, ont trouvé la mort dans ce conflit qui les oppose depuis plusieurs décennies au pouvoir sri-lankais. Les massacres se sont transformés en véritables pogroms – pour reprendre votre propre expression, monsieur le ministre. Selon les termes mêmes du pouvoir en place à Colombo, les derniers rebelles ont été « achevés ».
La population tamoule a pour seul tort d'être tamoule, de vivre au Sri Lanka et d'avoir fait confiance à des dirigeants extrémistes et irresponsables. Rien ne justifie cette « solution finale », cette guerre sans caméras dont on tente aujourd'hui de museler les rares témoins. La situation humanitaire est catastrophique et les populations civiles en paient le prix fort.
L'issue de ce conflit laisse un goût amer de sang et de larmes, dans l'indifférence quasi générale de l'opinion publique et de la communauté internationales. Le Conseil de sécurité de l'ONU et son triste Conseil des droits de l'homme se sont illustrés par leur impuissance et par un silence terrifiant.
Je voudrais exprimer ma profonde compassion et ma solidarité aux Tamouls qui vivent pacifiquement en France, et qui ont fait preuve d'une très grande dignité durant tout le conflit.
Face à cette situation dramatique, le devoir d'ingérence humanitaire, qui vous est cher, monsieur le ministre, doit aujourd'hui s'appliquer dans toute sa plénitude. Quels moyens supplémentaires la France compte-t-elle mettre à disposition des 300 000 Tamouls actuellement parqués dans des camps de réfugiés ? Au plan diplomatique, la France envisage-t-elle de s'associer à la demande du gouvernement britannique de créer une commission d'enquête internationale pour violation du droit international et crimes de guerre, visant tant l'armée sri-lankaise que les Tigres tamouls ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur Jung, je vous remercie de n'avoir pas confondu les Tigres tamouls et le peuple tamoul. Ce que vous avez décrit est tout à fait exact et je n'ai rien à y ajouter, sinon que la fin du conflit a été plus tragique encore que vous ne l'avez dit.
Qu'avons-nous fait ?
Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Rien ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Je ne peux vous laisser dire cela : nous avons fait plus que d'autres. Nous sommes à l'origine de l'envoi d'un hôpital mobile, qui a pu accueillir 2 500 blessés. Nous avons renforcé notre aide au Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés et avons protesté, de concert avec le ministre britannique, afin qu'un accès soit réservé aux agences des Nations unies et aux ONG. Nous allons continuer en ce sens.
Nous avons soutenu l'initiative d'une déclaration européenne, nous avons également ajouté notre voix à celle des Britanniques pour demander une enquête internationale. Je regrette comme vous que l'action du Conseil des droits de l'homme de Genève ait été bloquée, au prétexte – légitime, d'une certaine façon – qu'il s'agissait d'un conflit intérieur et non d'une guerre internationale. Il est à noter toutefois que, pour la première fois, le Conseil de sécurité des Nations unies a fait une déclaration à ce sujet, même si celle-ci, c'est vrai, n'est pas suffisante.
Que pouvons-nous faire à présent ? Nous devons continuer d'exercer une pression sur le gouvernement de M. Rajapakse. Il faut absolument que les 200 000 à 300 000 réfugiés puissent rentrer chez eux, ce qui exige un effort de reconstruction des villages. Les impératifs liés au déminage sont souvent invoqués comme obstacle à leur retour, mais ce n'est pas vrai partout.
Enfin, je regrette comme vous que la communauté internationale, contrairement à la France, se soit détournée de ce problème gravissime. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. François Cornut-Gentille, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire, comme vous le savez, nous avons examiné cette nuit, en première lecture, le projet de loi de programmation militaire qui va profondément réorganiser notre défense et dégager des moyens considérables pour moderniser nos équipements.
Mais un des aspects de cette réforme vise également à « compacter » notre dispositif, ce qui entraînera la fermeture de nombreux sites sur le territoire. C'est dans ce cadre que le Gouvernement vous a demandé de mettre en place un plan d'accompagnement des restructurations de défense.
Le premier volet de ce plan est bien connu : il s'agit du contrat de redynamisation de site de défense que vous signez avec les collectivités territoriales concernées. Dès le mois de juillet, un certain nombre de sites en feront l'objet. Des contrats ont déjà été signés à Provins, Givet et Barcelonnette.
D'autres mesures ont été adoptées dans le cadre de ce plan, lors de l'examen du projet de loi de finances rectificatif pour 2008 et du projet de loi de finances initiale pour 2009. Il s'agit, soit de dispositifs fiscaux, soit de la possibilité de céder des terrains gratuitement aux collectivités territoriales, soit d'autres types d'aide aux communes.
Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous détailler ce dispositif beaucoup moins connu de la représentation nationale ? Par ailleurs, où en est la mise en oeuvre concrète de ces mesures, tant sur le plan réglementaire que sur le plan opérationnel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.
Monsieur le député, vous évoquez une réforme absolument indispensable, souhaitée par les armées depuis de nombreuses années, que le Gouvernement a eu le courage de mettre en place.
Quatre-vingts sites sont concernés. Nous allons signer vingt-quatre contrats de redynamisation de site de défense, avec une méthode : privilégier la volonté locale.
Je me suis rendu sur l'ensemble des sites concernés pour écouter les élus, les forces vives des territoires et mettre en place des comités de pilotage avec des mesures exceptionnelles : des dotations – 320 millions d'euros –, des mesures fiscales et sociales de l'ordre de 780 millions d'euros, des aides à finalité régionale qui nous permettront de doter quatre-vingts communes complémentaires et 100 000 habitants supplémentaires, sans oublier la création de zones franches qui constitueront une véritable chance pour les sites touchés. S'y ajoute la cession, à l'euro symbolique, de l'ensemble de ces sites aux communes, communautés de communes ou groupements de communes, suivant la volonté locale.
L'ensemble des décrets d'application seront signés avant la fin du mois de juin ; autrement dit, les engagements que nous avons pris sur le terrain seront tenus. Grâce à cette volonté commune, grâce à l'ensemble des élus, parlementaires et élus locaux, nous allons permettre à l'ensemble de ces territoires de se réorganiser autrement.
Cette réforme, qui concerne cinq cents sites militaires et trente bases aériennes, était indispensable. Nous l'avons faite, et dans la concertation la plus totale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Didier Mathus, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, les salariés de Radio France Internationale entrent dans leur cinquième semaine de grève. Ils protestent contre un plan social qui prévoit 206 suppressions d'emplois, c'est-à-dire le quart de l'effectif global.
RFI, c'est notre radio publique à vocation internationale, c'est l'une des radios plus écoutées au monde derrière la BBC et la Voix de l'Amérique. Leader d'opinion incontesté dans toute l'Afrique francophone, elle a joué un rôle essentiel dans de nombreuses crises internationales de l'histoire récente.
Pourtant, la direction de l'Audiovisuel extérieur de la France, qui regroupe désormais RFI et France 24, a décidé d'affaiblir RFI en s'appuyant sur des arguments économiques douteux : qu'est-ce qu'un déficit pour une entreprise à 100 % publique, puisque c'est l'État qui décide chaque année de la dotation dont elle bénéficiera ? Quel sens peuvent avoir des licenciements prétendument économiques lorsque l'État décide seul du curseur des ressources ?
Notre rapporteur général du budget, Gilles Carrez, avait d'ailleurs fait observer, dans son rapport d'octobre 2008, que sans diverses jongleries comptables de Bercy, le résultat de RFI aurait été excédentaire l'année passée.
On comprend l'amertume des journalistes et techniciens de RFI lorsque l'on sait que, dans le même temps, l'épouse du ministre des affaires étrangères a été nommée, dans des conditions assez singulières, à la Direction générale de l'Audiovisuel extérieur de la France et s'est vu attribuer une rémunération de l'ordre de... – non, des oreilles sensibles nous écoutent peut-être ! – en tout cas bien supérieure à celle des autres dirigeants de l'audiovisuel public.
Je vous demande donc, monsieur le Premier ministre, quelles mesures vous entendez prendre pour moraliser de telles pratiques dans une entreprise publique et surtout pour stopper le démembrement de RFI, outil exceptionnel au service de l'influence française dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le député, en effet RFI est un fleuron de notre audiovisuel extérieur.
La situation de RFI s'était dégradée, au sein de l'audiovisuel extérieur, de façon assez incohérente : nous y consacrions autant d'argent que nos voisins européens, mais elle n'avait aucun véritable projet.
Aujourd'hui, la situation est différente puisque RFI dispose d'un projet. Il s'agit d'abord de la conforter là où elle a une forte implantation. Je pense à l'Afrique, où l'on développera les émissions dans les langues vernaculaires. RFI sera également orientée vers d'autres modes de diffusion, comme Internet, où la diffusion est très confidentielle.
Par exemple, à Berlin, songeons que RFI n'est diffusée que par un seul émetteur avec une faible audience.
Il s'agit ensuite de développer des synergies avec France 24 : ainsi le rapprochement en cours des rédactions en langue arabe – l'on sait à quel point c'est stratégique –, avec une seule directrice de rédaction de la diffusion en arabe.
L'État ne se désengage pas puisqu'il a recapitalisé RFI à hauteur de 16,9 millions d'euros. Cela montre bien que nous avons une grande ambition pour elle.
Bien sûr, il faut mener une réforme et mettre en place un plan de sauvegarde pour l'emploi. Nous y sommes très attentifs. Je renouvelle toute notre confiance aux dirigeants de l'Audiovisuel extérieur.
Il y a, en effet, des départs, mais aussi des recrutements pour faire face aux nouveaux défis – numérique, multimédia.
Au total, c'est une plus grande ambition pour l'Audiovisuel extérieur, une plus grande ambition pour RFI. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Roy, je vous demande de bien vouloir cesser, sinon je suspendrai la séance ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Étienne Pinte, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre des Affaires étrangères, les Libanais ont élu, dimanche dernier, leurs députés. Nous nous réjouissons, en particulier tous mes collègues membres du groupe d'amitié parlementaire France-Liban, que ces élections se soient déroulées dans la sérénité et sans incident. Le taux de participation de 54%, le plus élevé depuis longtemps, témoigne de la vitalité de la démocratie libanaise.
Après l'élection, l'année dernière, du Président de la République, Michel Sleimane, ces élections sont une nouvelle étape vers le retour à un fonctionnement harmonieux des institutions libanaises.
Compte tenu de cette situation très encourageante, comment la France compte-t-elle aider le Liban à se reconstruire sur le plan économique et humanitaire ?
Où en est l'utilisation des fonds mobilisés à l'occasion de la conférence de Paris III en faveur du Liban ?
Quelle sera la participation de notre pays aux Jeux de la francophonie et au Festival du livre français, qui doivent avoir lieu prochainement à Beyrouth ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
Je vous remercie, monsieur Pinte, d'avoir salué le résultat de ces élections – des élections démocratiques, contrôlées, non contestées. Même dans nos rêves les plus fous, nous nous attendions à pire ! Et le résultat a été accepté par l'opposition, en particulier par le Hezbollah. Nous nous en réjouissons.
Le Premier ministre a promis au Liban, lors de sa visite en novembre dernier, une aide substantielle. Nous allons continuer. Vous avez parlé de Paris III, mais n'oublions pas que, lors des conférences de Paris I et Paris II, des prêts ont également été accordés et n'ont pas encore été complètement satisfaits.
Nous poursuivons notre action, encouragés par le climat démocratique dans lequel se sont déroulées les dernières élections.
Il convient par ailleurs de saluer la politique de la France à l'égard de la Syrie, puisque les Syriens ont rempli toutes leurs obligations et tenu toutes leurs promesses. Le représentant du gouvernement syrien est en poste à Beyrouth et le représentant libanais est en poste à Damas.
Ce n'est pas grâce à vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Si, justement ! Pour une fois, nous devrions d'ailleurs nous en réjouir, car nous étions tous d'accord ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'en viens au salon du Livre. Vous le savez, 60% des écoliers libanais sont formés en français. Nous allons poursuivre notre effort avec le ministre de la francophonie.
Enfin, nous participerons, avec 3 000 athlètes, aux Jeux de la francophonie qui se tiendront cet automne. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la ministre de la santé, vous répondiez ici même, le 31 mars 2009, à une question d'actualité portant sur le bisphénol A, en vous reposant totalement sur les positions des agences de sécurité alimentaire française et européenne. Vous affirmiez alors que le bisphénol A ne présentait aucun risque pour la santé, en particulier celle des nourrissons, dès lors que la valeur limite journalière fixée par les autorités sanitaires n'était pas dépassée.
Pourtant, de nombreuses voix scientifiques se sont élevées au cours des derniers mois, aux États-Unis, au Japon, en Italie, pour remettre en cause l'innocuité d'une substance chimique que l'on retrouve aujourd'hui dans l'urine de 93 % des Américains. Aux États-Unis, des voix critiques ont dénoncé l'influence de l'industrie du plastique sur les comités d'experts des agences officielles, et le Congrès vient de décider de créer une commission d'enquête sur ce sujet.
Les travaux de l'équipe INSERM du CHU de Nice montrent que le bisphénol A stimule la croissance des cellules humaines du cancer, même à des doses très faibles, très inférieures à la norme européenne actuelle. Ces données résultent de l'expérimentation sur l'animal du Distilbène, dont la formule est proche de celle du bisphénol A.
De surcroît, les études les plus récentes démontrent que le bisphénol A, aux doses auxquelles la population est exposée, diminue l'efficacité des traitements par chimiothérapie du cancer.
Madame la ministre, le réexamen du dossier du bisphénol A par la Food and Drugs Administration des États-Unis et l'interdiction, décidée par l'État du Connecticut, de fabriquer et de vendre des aliments ou des contenants composés de bisphénol A devraient vous inciter à revoir votre position péremptoire.
N'est-il pas imprudent de ne pas appliquer le principe de précaution, en particulier pour les biberons et les jouets utilisés dans les crèches ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Et des franchises médicales ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP, dont de nombreux membres crient « Dehors, Roy ! »)
Le bisphénol A est en effet une substance très utilisée dans la fabrication de matières plastiques en raison de sa bonne résistance mécanique et thermique. Il est présent dans les biberons, la vaisselle en plastique, les canalisations, les bouteilles. C'est une substance reprotoxique de troisième catégorie et un perturbateur endocrinien chez les rongeurs, mais à des doses très supérieures à celles utilisées ou à celles retrouvées dans ces conditionnements après chauffage.
En effet, quelques pays, dont le Canada, ont interdit cette substance dans les biberons, non à la suite d'études scientifiques, mais sous la pression de l'opinion publique et de certaines associations. À la suite de ces interdictions, j'ai saisi les autorités sanitaires de notre pays, notamment l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, qui a rendu le 24 octobre dernier un avis concluant à l'innocuité de ces conditionnements, y compris en cas de chauffage. Les doses repérées étaient très inférieures à celles pouvant avoir un effet toxique. De surcroît, aucune conséquence sur la fertilité des personnels qui fabriquent ces substances en plastique n'a été constatée. Ces données ont été confirmées par un certain nombre d'agences de sécurité sanitaire étrangères.
Inutile de vous dire, Monsieur le député, que je suis cette affaire très attentivement. J'ai créé, voici quelques mois, un groupe de travail sur les perturbateurs endocriniens, et j'ai confié une étude à l'INSERM, de façon à prendre les mesures de gestion appropriées ce sujet.
Seule la sécurité sanitaire de mes concitoyens guide mon action. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Roy, je n'ai pas suspendu la séance lorsque vous avez à nouveau perturbé nos travaux, car la question de M. Bapt soulevait un problème grave qui appelait une réponse. Je n'aurai pas ce scrupule la prochaine fois, et vous porterez la responsabilité d'avoir privé d'une séance de questions nos collègues et les Français. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.
Bisphénol A
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)
J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant de sa décision de charger M. Pierre Lasbordes, député de l'Essonne, d'une mission temporaire auprès de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (nos 1442, 1692).
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, cher Patrick Ollier, monsieur le rapporteur Christian Jacob, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de vous dire tout le plaisir que nous avons, Chantal Jouanno, qui s'absentera quelques instants pour se rendre à la commission des affaires économiques du Sénat qui étudie le texte d'engagement, Dominique Bussereau, Hubert Falco, Christian Blanc et moi-même, de nous retrouver une nouvelle fois dans cet hémicycle pour examiner ce texte que je crois fondateur.
Permettez-moi de remercier très sincèrement le président Patrick Ollier et le rapporteur Christian Jacob, ainsi que tous les membres de la commission des affaires économiques et, au-delà, l'ensemble des parlementaires issus de tous les bancs de cette Assemblée, du travail accompli depuis près de dix-huit mois au sein des groupes de travail, des comités opérationnels, des comités de suivi, des groupes miroirs ou des commissions parlementaires – dix-huit mois de respiration et d'approfondissement en vue de relever le principal défi du XXIe siècle. Le Grenelle de l'environnement est le fruit d'une remarquable concordance entre le temps de la société civile et celui du Parlement, le temps du diagnostic scientifique et celui de la prise de décision politique, entre le temps court et le temps long.
Ce n'est pas, à mes yeux, le fruit du hasard si le temps du Parlement est, à chaque fois, et ce, quelle que soit la forme du débat – débat de politique générale, audition, examen en séance publique ou en commission –, quel que soit le lieu – Assemblée nationale ou Sénat –, quel que soit le moment aussi, un temps de confirmation, d'accélération et surtout d'appropriation, grâce à la représentation nationale, des engagements du Grenelle de l'environnement.
Le débat, qui a eu lieu dans cet hémicycle en première lecture, a été approfondi. Il avait déjà conduit, à l'issue de soixante heures de discussion, à l'adoption de 387 amendements et à l'introduction de nombreuses avancées qui allaient plus loin, dans certains cas, que les conclusions unanimes des cinq collèges du Grenelle de l'environnement d'octobre 2007. Je pense au renversement de la charge de la preuve pour les décisions publiques susceptibles d'avoir une incidence significative sur l'environnement – proposition émise par votre commission –, à l'institutionnalisation du comité de suivi du Grenelle de l'environnement, à l'accélération du programme de rénovation thermique, au retrait total de la vente des lampes à incandescence à compter de 2010 ou à l'introduction d'un principe de modulation très incitatif en matière de déchets.
Ces avancées ont ensuite été confirmées par le Sénat, ce qui a permis de conforter l'idée d'un Parlement français absolument serein face à la mutation écologique et totalement en phase avec les grandes évolutions économiques et sociales de notre temps, contrairement à ce qu'avaient annoncé, non sans une certaine délectation, plusieurs commentateurs.
Mesdames et messieurs les députés, nous entrons dans la dernière ligne droite d'un texte qui nous permettra de rompre définitivement avec un modèle de croissance qui n'était pas viable sur le long terme. Ce sont des secteurs entiers de notre économie qui, à la suite de ce débat, ont volontairement choisi d'anticiper la mutation écologique : je pense à la grande distribution, à l'industrie agroalimentaire, aux professionnels de la publicité, aux artisans du bâtiment, aux agences immobilières ou à l'industrie aéronautique – je fais allusion à toutes les conventions des secteurs professionnels qui ont été signées depuis plus d'un an.
Dans le cadre non seulement de ce texte, mais également du texte sur la responsabilité environnementale ou de la loi de finances pour 2010, la France investira un peu plus de 400 milliards d'euros sur l'ensemble du territoire dans tous les secteurs de la croissance verte, dans la rénovation thermique des bâtiments publics et privés, dans les transports urbains, régionaux et interrégionaux, dans les énergies renouvelables, pour lesquelles nous avions, il faut le reconnaître, un retard important, dans la construction ou dans la recherche. Ce plan d'investissement est plus important que le plan de relance verte de nos amis américains.
Avec ce débat parlementaire, c'est la France qui assume enfin pleinement sa responsabilité de premier laboratoire du vivant et qui redécouvre la richesse exceptionnelle de sa biodiversité ultramarine, c'est la constitution de la trame verte et bleue, c'est la création de dix aires marines protégées, c'est l'arrêt du projet d'orpaillage de la Montagne de Kaw, c'est encore l'annonce, le 5 novembre 2008, de la protection de 24 000 kilomètres carrés d'espaces marins – à savoir soixante-seize nouveaux sites – dans le cadre de Natura 2000.
Ce sont aussi 132 millions d'euros supplémentaires consacrés à la protection de la biodiversité entre 2009 et 2011, la remise, le 29 avril 2009, du rapport du Centre d'analyse stratégique sur l'approche économique de la biodiversité, dont l'un des objectifs est de valoriser les services rendus par la nature, ou le vote de la loi sur la responsabilité environnementale qui reconnaît, pour la première fois dans notre droit, l'existence d'un préjudice écologique totalement déconnecté du préjudice économique. C'est également le plan, en cours d'exécution, de mise en conformité des 146 stations d'épuration françaises qui n'étaient pas aux normes – cela concerne 36 millions d'habitants.
Avec ce débat parlementaire, la France lance le plus vaste chantier thermique jamais engagé dans le secteur du bâtiment, un chantier qui aboutira, dans le neuf, à la généralisation de la basse consommation dès 2010 pour les bâtiments publics et dès 2012 pour les logements privés, et qui, dans le domaine du bâti existant, obligera l'État et ses établissements publics à rénover l'ensemble de ses bâtiments dans un délai de huit ans, avec la rénovation des 4,2 millions logements sociaux – elle commencera par les 800 000 logements les plus dégradés sur le plan thermique.
Ce sont encore, pour les particuliers, la mise en place de l'écoprêt à taux zéro – en huit semaines 10 000 prêts ont déjà été signés –, la possibilité de cumuler celui-ci avec l'avantage fiscal prévu à l'article 200 quater, l'extension du crédit d'impôt développement durable et, enfin, la possibilité pour les ménages français de cumuler ces trois avantages. N'oublions pas non plus une première enveloppe de 1,2 milliard d'euros de prêt à taux bonifiés de la Caisse des dépôts et consignations pour les logements sociaux et la modification de la taxe foncière sur les propriétés bâties, qui permet d'apporter aux organismes sociaux l'équivalent de 20 % de fonds propres de la part de l'État.
Avec ce débat, la France change radicalement de bouquet énergétique, puisque, pour la première fois de son histoire, elle connaîtra une réduction de sa consommation énergétique sur le long terme, accompagnée d'une baisse programmée de sa facture pétrolière de l'ordre de 40 %. La production d'énergie d'origine renouvelable sera doublée en douze ans, grâce à la multiplication par deux du bois-énergie, par six de la géothermie, par douze des réseaux de chaleur et par 400 du solaire photovoltaïque. C'est la France qui a décidé de se doter des infrastructures énergétiques de demain grâce au lancement, le mois dernier, de l'appel d'offres pour la construction d'au moins une centrale solaire par région d'ici 2011, et des trois appels d'offres « biomasse », dont deux sont intégralement souscrits, grâce à la création, au début de cette année, du Fonds chaleur renouvelable, doté d'un milliard d'euros, grâce au renouvellement des concessions de 400 barrages, grâce à la réorganisation de la recherche française sur les énergies renouvelables – le Président de la République était hier à Chambéry en vue de regrouper cette filière autour de l'Institut national de l'énergie solaire –, grâce à la création du fonds démonstrateur doté de 450 millions d'euros, grâce, enfin, au « milliard Grenelle », dédié à la recherche appliquée en énergies renouvelables. Nous voulons doter notre pays d'un pilier énergétique « énergies renouvelables » comme nous l'avons doté d'un pilier « énergie nucléaire ».
Avec ce débat parlementaire, c'est également la France qui lance le chantier de la mobilité durable grâce à la construction de 2 000 kilomètres de lignes à grande vitesse supplémentaires – plus que le double du réseau existant ! – et de 1 500 kilomètres de lignes de transports collectifs : alors qu'il y en existe 329 aujourd'hui, nous avons débloqué il y a un mois le financement nécessaire à la construction de 400 kilomètres afin d'assurer, dans les deux prochaines années, plus que le doublement du parc actuel de mobilité durable, constitué pour l'essentiel par les tramways : à cette fin, 800 millions d'euros ont été affectés à trente-sept villes. En deux ans, nous construirons plus de lignes de transports collectifs qu'au cours des quarante dernières années !
C'est le lancement, le 6 avril 2009, de l'appel à concurrence pour le canal Seine-Nord-Europe qui permettra à terme de transporter 15 millions de tonnes de marchandises par an, soit l'équivalent de 500 000 poids lourds ; c'est la signature de l'appel d'offres pour la ligne TGV Tours-Bordeaux ; c'est la signature des protocoles de financement pour le contournement Nîmes-Montpellier et pour la ligne à grande vitesse Le Mans-Rennes ; c'est le doublement du rythme de régénération du réseau ferroviaire français qui va passer de 400 kilomètres par an à plus de 900 kilomètres par an.
Mais avec ce débat parlementaire, c'est surtout la France qui s'engage dans une réduction de l'émission de gaz à effet de serre. Les données publiées tout dernièrement par Eurostat montrent que la France a d'ores et déjà dépassé les objectifs fixés il y a quatre mois : elle devait réduire de 14 % ses émissions de gaz à effets de serre – compte tenu de la relative faiblesse de son taux d'émission initial, comparé à la moyenne européenne – ; elle atteint déjà le taux de 22,8 %...
… avant toute nouvelle décision de notre part. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mesdames et messieurs les députés, personne ne m'ôtera de l'idée que sans le débat que nous avons eu et que nous avons, sans le Grenelle de l'environnement, sans la validation démocratique de ces engagements, la France n'aurait jamais eu ni la capacité, ni la sérénité nécessaires pour inciter – voire fortement influencer – ses partenaires européens à fixer des objectifs aussi ambitieux que ceux qui ont été adoptés en décembre dernier.
Personne ne m'ôtera de l'idée que sans le « paquet énergie-climat » adopté en décembre dernier, sans le vote quasi-unanime du Parlement européen, sans la volonté des vingt-sept États membres de l'Union européenne de s'engager de façon irrémédiable à réduire leurs émissions, Copenhague serait d'ores et déjà un rendez-vous manqué.
Personne ne m'ôtera de l'idée que sans ce débat parlementaire, sans le Grenelle de l'environnement, sans le « paquet énergie-climat », la France ne serait pas fondée à demander à ses amis américains d'aller au-delà du taux de 3 % ou 4 % seulement sur lequel ils sembleraient vouloir s'engager.
La France ne serait pas plus fondée à proposer un nouveau partenariat à l'Afrique autour des énergies renouvelables et de l'autonomie énergétique. Elle ne serait pas fondée à demander, comme ce fut le cas lors du G8 qui s'est tenu à Syracuse il y a un mois, aux pays développés de financer le programme de développement énergétique de l'Afrique dans le cadre des fonds d'atténuation ou d'adaptation que nous espérons mettre en place pour Copenhague. Elle l'est parce que tout le monde reconnaît désormais l'engagement politique, énergétique et opérationnel sans faille de notre pays.
Personne ne m'ôtera de l'idée que sans ce débat parlementaire sur le Grenelle de l'environnement, sur la trame verte et bleue, sur l'absolue nécessité de préserver sa biodiversité y compris ultramarine, la France ne serait pas fondée à exiger la mise en place rapide de l'IPBES, c'est-à-dire d'un GIEC de la biodiversité au plan mondial, comme elle l'a fait et obtenu récemment à Nairobi, chère Chantal.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, il ne s'agit pas aujourd'hui d'avoir le même débat qu'au mois d'octobre dernier, ni de répéter tout ce que nous avons déjà dit, mais d'aller au terme définitif d'un processus arrivé à maturation dans la société française.
C'est ce qui me frappe le plus, mesdames et messieurs les parlementaires : une mutation aussi importante que la réduction de près d'un quart des émissions de gaz à effet de serre se fait très vite, sans drame, sans incident particulier ou majeur, parce que le processus a été construit par l'ensemble de la société.
Il existe toute une filiation sur ce sujet, et il y a eu un phénomène accélérateur : le pacte écologique proposé par Nicolas Hulot, que tous les candidats à l'élection présidentielle avaient signé. Ce qui a pu passer pour un thème électoral ou politique, à un moment donné, est devenu une préoccupation ancrée au plus profond du coeur des Français.
Ce sont des mesures techniques, une enveloppe de 400 milliards d'euros, des normes, mais aussi un phénomène d'accélération de la prise de conscience de nos compatriotes, quels qu'ils soient dans la société française. Il ne s'agit plus d'un sujet marginal mais structurant. Il en va de notre compétitivité, de l'emploi de demain, et aussi de l'agenda diplomatique des nations.
Le débat présent consiste à montrer que la France est prête à engager la mutation que l'ensemble du corps social réclame et que les générations futures exigent ; qu'elle est prête à tenir son rang politique et diplomatique dans le monde ; qu'elle est prête à assumer sa responsabilité historique, celle d'avoir toujours une révolution d'avance. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Christian Jacob, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de commission, mes chers collègues, à l'occasion de cette deuxième lecture, il est important de voir où en est le processus global du Grenelle.
Loin d'être remis en cause par la crise économique et financière que nous traversons, le Grenelle est plus que jamais d'actualité. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre d'État, il représente un investissement estimé à 440 milliards d'euros sur dix ans, et 15 milliards d'euros de valeur ajoutée par an soit 0,8 point de PIB. Quelque 19 milliards d'euros ont été programmés sur la période 2009-2011 dont 7 milliards d'euros ont déjà été engagés, et plus de 8 milliards d'euros seront consacrés aux énergies renouvelables.
Je rappelle ces chiffres pour montrer qu'il n'y a pas d'incompatibilité – bien au contraire – entre la relance économique, le verdissement de notre économie et le Grenelle.
Depuis l'adoption du présent projet de loi par notre assemblée à la quasi-unanimité des suffrages, d'importantes mesures fiscales, découlant des engagements du Grenelle de l'environnement, ont été insérées dans les projets de foi de finances 2009. Sans être exhaustif, j'en rappellerai quelques-unes montrant que certains engagements pris ont déjà été tenus.
Dans le domaine du bâtiment, citons l'instauration du prêt à taux zéro d'un montant maximum de 30 000 euros pour les travaux de rénovation, le « verdissement » du prêt à taux zéro destiné au primo-accédants. Dans le secteur des transports, l'écoredevance sur les poids lourds devrait rapporter près de 900 millions d'euros par an à l'État à partir de 2011.
Le domaine de l'énergie a aussi fait l'objet de diverses dispositions : application du taux réduit de TVA de 5,5 % pour les réseaux de chaleur, lorsque la fourniture d'ENR est d'au moins 50 % ; exonération d'impôt sur les bénéfices tirés de la vente d'électricité produite par des panneaux photovoltaïques ; exonération de la taxe foncière sur les bâtiments à usage agricole qui servent à la production d'électricité d'origine photovoltaïque.
Au moment de cette deuxième lecture qui intervient après un vote quasi-unanime à l'Assemblée nationale et au Sénat, et un excellent travail réalisé en commission, grâce à vous monsieur le président Ollier…
…et grâce à la présence du Gouvernement et des ministres, tout au long de nos travaux.
Ce n'était pas habituel ; nous l'avons mis en place. Je pense que cela va nous permettre de gagner du temps au cours de la séance plénière, parce que beaucoup d'explications ont été données en commission. À chaque fois que les parlementaires vous ont interrogés, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, vous avez toujours répondu avec beaucoup de précision. Comme le rappelait M. Brottes, je crois que cela va nous permettre de gagner du temps en séance plénière. (Sourires.)
L'objectif est d'avoir un maximum d'articles conformes avec le Sénat afin de passer à l'examen du Grenelle II. Cela étant, les échanges que nous avons eus ce matin en commission montrent qu'il faudra prendre le temps de débattre de certains sujets en séance plénière.
Revenons sur quelques mesures essentielles adoptées en commission. À l'article 5, comme évoqué lors des questions au Gouvernement, nous souhaitons rétablir la notion de marché global supprimée au Sénat, sur le droit de la commande publique, dans le but de réduire la consommation d'énergie.
En matière d'urbanisme, la commission propose d'étendre les possibilités de recours aux PLU simplifiés, et d'accélérer les procédures pour certains projets comme celui du Grand Paris.
Dans le domaine des autoroutes ferroviaires, nous vous proposons de réintroduire le principe d'un audit des infrastructures existantes, avant tout nouveau projet d'extension.
S'agissant des transports routiers, la commission propose de revenir sur le principe, inscrit par le Sénat, selon lequel l'intégralité du trafic de camions devra être basculé vers le rail. Dans un premier temps, il nous semble plus réaliste de prévoir que seul le transit de marchandises qui ne font que traverser notre pays devrait faire l'objet d'une telle politique.
Dans le domaine du transport ferroviaire, la commission propose de supprimer la référence à la mise en place d'un réseau « à priorité fret », insertion qui risque de poser un problème de cohabitation avec le transport de voyageur. Il nous semble plus important de raisonner sur la notion d'octroi de sillons de qualité…
…de façon à ne pas créer de concurrence entre le transport de voyageurs et le fret.
Je pense effectivement que c'est de bon sens.
La commission propose aussi de réintroduire le principe d'une évaluation de l'opportunité des projets d'infrastructures en fonction non seulement des émissions de gaz à effet de serre induites, mais aussi du coût global du projet. Le concept de développement durable conduit, en effet, à prendre en compte cette notion de coût.
Dans le domaine de la biodiversité, la commission propose de revenir au texte initial et aux engagements du Grenelle, s'agissant de la possibilité d'aménager ou d'effacer certains obstacles, afin de favoriser notamment la migration des poissons sur nos rivières.
En matière d'énergies renouvelables, nous proposons de permettre le déplafonnement de la redevance sur le chiffre d'affaires des concessions hydrauliques à l'occasion de leur renouvellement, et de bien inclure les petites éoliennes dans le champ des schémas régionaux des énergies renouvelables. Nous proposons aussi de permettre aux communes qui le souhaitent d'exonérer de taxe foncière sur les propriétés bâties, les entreprises à forts besoins énergétiques qui s'installeraient à proximité d'une unité de traitement de déchets, existante ou en projet, afin de les inciter à valoriser l'énergie de récupération.
La commission est aussi revenue à la notion de biocarburants, sans ambiguïté, la préférant à celle d'agrocarburants, trop restrictive.
Concernant les déchets, nous vous proposons d'harmoniser à cinq ans le délai prévu pour l'instauration d'une part variable de la redevance.
Pour ce qui est de l'exemplarité de l'action de l'État, la commission a supprimé l'obligation de recourir prioritairement à des emballages consignés, considérant que le recyclage était bien souvent préférable à la réutilisation. Elle a admis que l'État réduise « de façon significative » sa consommation de papier, au lieu de l'obliger à respecter un pourcentage de baisse précis.
En matière de gouvernance et de transparence enfin, elle a souhaité que le décret fixant les critères à remplir par les associations et fondations oeuvrant pour l'environnement soit pris en Conseil d'État.
Voilà les principaux éléments sur lesquels nous sommes revenus lors de nos travaux en commission.
En conclusion, vous l'avez compris, nous souhaitons que ce débat en séance publique tienne compte des échanges de qualité qui ont eu lieu en commission, en présence des membres du Gouvernement qui nous ont apporté des réponses précises. La commission a examiné 633 amendements, dont 311 du groupe GDR, 247 du groupe SRC, 92 du groupe UMP et 13 du groupe NC.
Elle a adopté 61 d'entre eux : 10 du groupe SRC, 13 du groupe GDR, 2 du groupe NC et 36 du groupe UMP, soit environ deux tiers pour la majorité et un tiers pour l'opposition.
C'est tout à fait mon avis.
Bref, les débats en commission ont permis un travail de fond, comme cela avait été le cas en première lecture. On pouvait certes s'attendre à ce que les amendements qui avaient alors été rejetés ne soient pas redéposés en seconde lecture,…
… laquelle ne nous fait donc guère gagner de temps. Néanmoins, le très bon travail accompli en commission nous en fera tout de même gagner, je pense, dans la mesure où beaucoup d'explications ont déjà été données.
Nous pourrons ainsi commencer au plus vite les travaux liés au Grenelle 2. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. André Chassaigne pour trente minutes au maximum.
Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État chargée de l'écologie, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, le profond bouleversement qui a affecté ces derniers mois l'économie et la société tout entière était une occasion pour s'interroger en profondeur sur la pertinence d'un mode de développement fondé sur le gaspillage et sur des choix de production non maîtrisés. Or, au vu des réponses prônées par la majorité, ces enjeux sont véritablement passés à l'arrière-plan. Je pose donc d'emblée une double question : y a-t-il, aux yeux du Gouvernement, une opposition entre, d'une part, les réponses à la crise économique et financière et, d'autre part, la lutte pour la protection de l'environnement ? Dans la défense d'un capitalisme purement financier, l'écologie ne serait-elle, dès lors, qu'une variable d'ajustement et le développement durable, un simple outil pour conserver des parts de marché ?
On peut s'interroger sur ce point au vu d'un plan de relance qui, au nom d'un prétendu « capitalisme vert », s'affirme « verdoyant » (« Oh ! » sur les bancs des groupes UMP et NC.). Mais, pour gratter un peu la peinture, je prendrai l'exemple du relèvement annoncé par M. Devedjian du seuil de déclenchement des enquêtes publiques, relèvement qui, à l'évidence, fera plaisir aux industriels peu scrupuleux, mais beaucoup moins aux citoyens attachés à la protection de la nature et aux associations spécialisées.
Il est vrai que ces dernières sont souvent clouées au pilori, un éminent sénateur de la majorité n'hésitant pas à accuser les ONG de pratiquer l'« intimidation » à l'égard des élus : voilà une sorte de Bizet de Judas dans cet exceptionnel élan d'amour pour le greenwashing !
La réalité est qu'une « relance verte » se heurterait de plein fouet aux dogmes libéraux. Elle nécessiterait en effet un investissement public sans précédent, à savoir la rénovation du réseau ferroviaire existant et le renforcement du fret public,…
…une recherche décuplée pour la production de biens « éco-çonçus » (« Nous le faisons ! » sur les bancs du groupe UMP), l'orientation vers une agriculture durable (Mêmes mouvements), la restructuration thermique du parc de logements sociaux (Mêmes mouvements) ou la mise en oeuvre d'instruments locaux harmonisés au sein de plans de développement durable (Mêmes mouvements). Autant d'investissements qui exigent des politiques publiques fortes et des financements adaptés. Or 75 % de l'investissement public est aujourd'hui le fait des collectivités locales, si sollicitées dans le présent texte : quel paradoxe, à l'heure où elles sont asphyxiées financièrement, voire sur le chemin de la suppression de la clause de compétence générale ! Comment, dans ces conditions, les financements pourraient-ils être au rendez-vous ?
Mais votre réponse si peu écologique à la crise se traduit également, et c'est tout aussi grave, par le passage au second plan des textes de loi issus du Grenelle de l'environnement. Alors que la situation économique, financière et sociale imposait de donner la priorité à ces textes, vous avez tardé pour inscrire en deuxième lecture celui dont nous débattons. Quant au Grenelle 2, qui doit suivre, son examen est repoussé à la prochaine session parlementaire. Le Grenelle de l'environnement avance à pas très mesurés, contrairement au calendrier avancé voilà deux ans, lors de son lancement.
Alors, de grâce, après une telle lenteur, ne prétextez pas l'urgence pour réduire d'autant la durée d'examen du texte ! Lorsque je lis dans votre rapport, monsieur Jacob, que vous souhaitez « un maximum d'articles conformes », je crains le pire quant au respect du travail parlementaire.
D'autant que, en première lecture, vous aviez imposé vos vues en réécrivant avec le Gouvernement des articles entiers pour faire tomber tous les amendements. Je ne doute pas que, sur ce point, vous n'apportiez une réponse à la hauteur de votre attachement au travail parlementaire.
Le renforcement du travail en commission, qui a été réel sur ce texte, ne peut servir de prétexte à un amoindrissement de l'examen en séance, laquelle reste, dans notre Constitution, le lieu essentiel de la délibération parlementaire. Ainsi, le projet de loi issu du Sénat mérite d'être amplement amélioré. Des modifications ont en effet été introduites, qui dénaturent un texte sur lequel les députés communistes, républicains et du parti de gauche s'étaient, dans leur majorité, abstenus en première lecture, compte tenu des insuffisances dudit texte, mais conscients des avancées indéniables qu'il permettait sur les questions environnementales.
La principale de ces modifications touche à l'économie même du projet de loi. Ainsi, d'après le Sénat, l'impact des mesures relatives aux finances, à la fiscalité locale et au niveau des prélèvements obligatoires doit respecter le « principe de stabilité de la pression fiscale », principe validé par notre propre commission des affaires économiques. Voilà qui met en lumière l'esprit de votre majorité, à savoir la fiction d'une « écologie à zéro coût » que révèle aussi, comme je l'ai précédemment montré, votre plan de relance. Comment pouvez-vous imaginer financer des mesures ambitieuses sans accroître la fiscalité sur les hauts revenus et les entreprises ?
Vous conviendrez notamment avec moi, je n'en doute évidemment pas, que toute « relance verte » est incompatible avec le bouclier fiscal. Vous avez pourtant refusé de l'abroger il y a deux semaines lors de la niche du groupe GDR.
Mais j'en viens au coeur de mon propos, à savoir les contradictions du texte avec les dispositions de notre Constitution, et en particulier avec les principes énoncés dans la Charte de l'environnement. J'en pointerai deux, essentiels, qui devraient entraîner l'irrecevabilité du texte : le principe « pollueur-payeur » consacré par l'article 4 de la Charte, et le principe d'information et de participation du public, consacré par l'article 7.
Selon l'article 4, « toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi ». Or les principes qui guideront la mise en place de la contribution dite « climat-énergie » ne me semblent pas répondre à cette disposition. Certes, il peut apparaître de prime abord que la taxation des consommations d'énergies fossiles aille d'emblée dans ce sens. Mais – le diable est dans les détails – la manière dont la baisse des prélèvements obligatoires compensera cette taxation ne remplit plus les conditions du principe « pollueur-payeur ». En effet, la compétitivité des entreprises est le postulat qui conditionne la définition de cette compensation. Cela signifie-t-il qu'une entreprise qui pollue se verra, de fait, dispensée de sa responsabilité au nom du maintien de sa compétitivité, ou plutôt de la sauvegarde des profits de ses actionnaires ? On peut le craindre, puisque les prélèvements obligatoires qui seraient réduits pour compenser l'assujettissement à la « taxe carbone » intégreraient fiscalité d'entreprise et cotisations patronales. C'est pourquoi nous proposerons que la compensation s'effectue par la seule réduction des cotisations sociales salariales, et ce afin de ne pas exonérer le monde économique du respect du principe « pollueur-payeur », lequel ne peut pas être à la carte.
Mais au-delà de cette contribution « climat-énergie » à vocation généraliste, c'est l'ensemble du texte, décliné dans ses différents thèmes, qui écarte le principe « pollueur-payeur ». Ainsi, s'agissant de la proposition européenne relative aux droits de péage acquittés par les poids lourds, la nécessaire évolution vers une directive qui ferait porter ces droits non seulement sur les coûts d'infrastructures, mais aussi sur l'ensemble des coûts environnementaux, a été écartée. De même, il a été refusé que la France, dans le cadre de sa politique multimodale intégrée des transports, étudie la faisabilité d'une taxe sur le kérosène applicable sur les lignes aériennes dont l'itinéraire dispose d'une desserte TGV à qualité de prestation comparable. Pour ce qui concerne les déchets, la stricte obligation faite aux producteurs d'internaliser les coûts environnementaux engendrés par le cycle de vie du produit, de sa conception et de sa production jusqu'à son traitement final, a également été écartée. En matière d'emballages, notre proposition visant à mettre à la charge des industriels l'intégralité – et non 80 %, comme le prévoit le texte – du coût d'élimination a aussi été écartée. Il en va de même de la responsabilité des maisons mères, le sous-traitant étant, au bout de la chaîne, seul responsable. Comme on le voit, dans tous les domaines, le principe « pollueur-payeur » est battu en brèche, ce qui constitue à nos yeux une première raison pour déclarer le texte irrecevable.
Le second moyen que je soulèverai est démocratique.
L'article 7 de la Charte dispose que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ». Ce principe désormais constitutionnel n'est autre que la consécration dans notre droit de la Convention internationale signée à Aarhus en 1998.
Celle-ci oblige les États à souscrire à la double obligation d'information et de participation du public en matière environnementale.
Pour ce qui concerne le principe d'information, je note avec plaisir la reprise par le Sénat d'un amendement que j'avais proposé en première lecture, tendant à créer un portail d'accès aux informations sur l'Internet. Mais, là encore, le principe constitutionnel ne me semble, au mieux, qu'appliqué à moitié, l'État choisissant à quelles informations le public a droit et n'organisant pas un véritable droit à obtenir les informations désirées. Ainsi, il a été refusé de mettre à la disposition du public les informations qu'il demande sur l'environnement, sans qu'il puisse faire valoir un intérêt particulier. Pourtant, c'est bien en qualité de simple citoyen que le public doit, selon l'article 7 de la Charte de l'environnement, pouvoir accéder aux informations. De même, la gratuité de l'information n'a pas été inscrite dans le texte, alors qu'une insuffisance de ressources ne devrait pas constituer un obstacle à l'obtention d'une information sur l'environnement. Sans ces précisions, le droit à l'information apparaît donc bien virtuel, et l'article 4 de la Convention d'Aarhus de 1998, pourtant ratifiée par la France, n'est pas respecté.
Quant au principe de participation, le présent projet de loi est loin de remplir les conditions de l'article 7 de la Charte. Pour que ce principe soit respecté, il aurait fallu inscrire dans le texte que, lorsqu'un projet de loi ou de texte réglementaire est susceptible d'avoir des conséquences sur l'environnement, les citoyens pourront préalablement, via un forum, une enquête nationale ou tout autre instrument, donner leur avis. Sans cette précision, le principe de participation restera largement lettre morte.
On aurait pu au moins s'attendre à ce que, dans la continuité du Grenelle, les organisations qui en étaient parties prenantes et qui ont une fonction de représentation des citoyens soient pleinement impliquées dans la décision. Cela aurait été conforme au souhait exprimé par le Président de la République, qui, dans un discours, évoquait la nécessité d'une véritable « co-gestion » des questions d'environnement avec la société civile. Cela aurait également été conforme à l'engagement n° 193 du Grenelle de l'environnement, qui évoque l'indispensable « gouvernance partenariale » dans la mise en oeuvre de l'expertise publique. Or le texte se contente de les associer aux instances publiques, dans un simple rôle de consultation. Pour remplir les conditions de la Charte de l'environnement, il aurait fallu aller plus loin et organiser l'implication de ces organisations dans le processus même de décision. Alors seulement on aurait pu parler de participation. Avec ce texte, nous sommes vraiment dans le moins-disant démocratique !
Le projet de loi en tire d'ailleurs les conclusions qui s'imposent, puisque les associations et fondations reconnues comme représentatives ne seront pas même associées à l'élaboration de la stratégie nationale du développement durable.
Enfin, en ce qui concerne la participation des salariés, je note que la simple mention, dans le rapport annuel aux actionnaires, des avis des instances de représentation du personnel – comité d'entreprise et CHSCT – a été écartée : pourtant, cette proposition n'avait rien de maximaliste.
Mes chers collègues, les motifs d'irrecevabilité que j'ai soulevés ne constituent pas des arguties juridiques. Ils touchent à des principes essentiels qui doivent impérativement gouverner la politique environnementale dans son ensemble. Responsabilisation et démocratie sont en effet les deux piliers de la nécessaire gouvernance écologique et la condition pour que les orientations soient pleinement acceptées par la population, surtout lorsqu'on attend d'elle un effort particulier engageant l'avenir.
C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de voter cette exception d'irrecevabilité, afin que le Gouvernement revoie sa copie au regard du respect des principes constitutionnels présidant aux destinées de notre République. La dernière exception d'irrecevabilité que j'ai défendue – lors de l'examen de la loi sur les OGM – ayant été adoptée, peut-être puis-je espérer que celle-ci le soit également. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
(M. Marc Le Fur remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
J'ai écouté votre plaidoyer avec attention, monsieur Chassaigne : si j'ai entendu des arguments intéressants – et vous êtes tout à fait fondé à les développer –, je n'y ai rien trouvé qui démontre l'inconstitutionnalité du texte.
Si, avec une grande attention, mon cher collègue ! Mais vous avez tort.
Permettez-moi de dire quelques mots sur la méthode de travail adoptée par la commission. Le rapporteur peut en témoigner, nous avons non seulement écouté les arguments de l'opposition, mais nous avons adopté en première lecture un grand nombre de ses amendements – un tiers du total –, non seulement ceux de M. Chassaigne, mais également ceux des autres membres de l'opposition, qu'ils appartiennent au groupe socialiste ou aux Verts, et nous avons refait la même chose en commission la semaine dernière et il y a quelques heures encore, au titre de l'article 88 du règlement. D'ailleurs, le premier amendement que nous avons adopté était un amendement Chassaigne. On ne peut donc pas dire que nous n'avons pas travaillé de concert. Les ministres – Mme Jouanno, M. Borloo et M. Bussereau – assistaient à la réunion de la commission et toutes les questions ont reçu une réponse. Le texte que nous avons construit en commission l'a été de la même manière qu'il l'aurait été dans l'hémicycle. Par suite de la réforme des institutions, les ministres sont tenus de venir plus souvent en commission, d'y venir même en permanence si l'opposition le demande ; nous avons examiné quelque 600 amendements, nous avons fait un travail de fond, en présence du Gouvernement, de l'opposition et de la majorité. Et nous devrions recommencer ? Nous devrions refaire tout cela ? Quand on songe à la manière extrêmement positive dont nous avons construit ce texte, quand on sait que nous avons accepté près d'un tiers d'amendements de l'opposition, n'est-ce pas un abus de procédure, monsieur Chassaigne, que de défendre une exception d'irrecevabilité ? (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Ce n'est pas vous, monsieur Brottes, qui abuseriez de la procédure ! (Sourires.)
Comme le brillant défenseur de cette motion n'a en rien démontré l'inconstitutionnalité du projet de loi, je demande à la majorité de rejeter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous en venons aux explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité.
La parole est à M. Yves Cochet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Je suis un peu scandalisé par les propos de M. le président de la commission des affaires économiques qui, d'une certaine manière, censure les droits de l'opposition alors même que notre nouveau règlement les rabaisse déjà. Où allons-nous si, en plus de cela, nous devons nous faire rappeler à l'ordre par les présidents de commission ? Le droit aux motions de procédure existe : nous l'exerçons. Nous avons tous suffisamment d'expérience pour savoir que ce droit est une valeur fondamentale du débat démocratique dans notre hémicycle.
J'ai beaucoup apprécié l'exposé de mon excellent collègue André Chassaigne qui, comme d'autres, a entamé sa conversion écologique – mais, lui, bien avant dimanche dernier, puisqu'on le voyait déjà, dans le cadre de la commission d'information sur les OGM, se poser des questions très rationnelles et faire évoluer sa position.
Mais venons-en au fond de son exposé. Il a commencé par évoquer les attaques antidémocratiques auxquelles se livre un membre du Gouvernement – non pas, vous, madame la secrétaire d'État chargée de l'écologie, ni vous non plus, monsieur le ministre, mais votre collègue M. Devedjian – contre des procédures qui existent depuis longtemps, les enquêtes publiques. Les citoyens organisés, les associations, doivent pouvoir non seulement remplir les cahiers de doléances qui sont ouverts dans les mairies ou les préfectures, mais aussi introduire des recours contre tel ou tel projet d'infrastructure qu'ils estiment défavorable à la fois à l'emploi, à l'économie et à l'environnement.
D'autre part, je suis d'accord avec M. Chassaigne, même si je m'en plains un peu plus que lui, pour dire que le Grenelle, qui aurait dû être la grande loi de cette législature…
…est surtout celle dont l'examen dure le plus longtemps. Ça traîne, en effet…
parce que, hélas, certains arbitrages au sein de la majorité ne sont pas faits en faveur de l'environnement. Nous le verrons d'ailleurs lorsque nous examinerons les amendements que je défendrai.
Quant aux motifs d'inconstitutionnalité, les deux exemples qu'a cités M. Chassaigne m'ont paru particulièrement éclairants.
D'une part, le principe constitutionnel du « pollueur payeur » n'est pas respecté, notamment en ce qui concerne la justice sociale d'un éventuel projet de contribution énergie climat. Le refus de la taxe intérieure sur le kérosène est aussi un excellent exemple : vous savez en effet, madame la secrétaire d'État et monsieur le ministre, que c'est dans ce domaine que l'augmentation en pourcentage des gaz à effet de serre est la plus rapide ; comme ces gaz, émis à quelque 10 000 mètres d'altitude, sont déjà dans l'atmosphère, ils sont encore plus nocifs que les autres pour le changement climatique. Il ne faut pas simplement prendre en compte la quantité de gaz à effet de serre relâché par le transport aérien, mais l'impact direct qu'il a sur les couches supérieures de l'atmosphère.
D'autre part, notre collègue a eu raison de rappeler le principe d'information du public et de s'appuyer, pour ce faire, sur la convention d'Aarhus.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Louis-Joseph Manscour, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, les députés du groupe SRC ont, en première lecture, voté le projet de loi relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, dit Grenelle 1. Nous l'avons fait en cohérence et en responsabilité, car nous partageons l'orientation générale du texte, qui fixe de grands objectifs pour la préservation de la planète, notamment en matière de changement climatique, d'érosion de la biodiversité et d'impact des pollutions environnementales sur la santé.
Durant les débats, nous avons travaillé dans un esprit constructif, avec l'objectif d'enrichir le texte et de garantir sa fidélité aux conclusions du Grenelle de l'environnement. C'est ainsi que près d'une centaine d'amendements défendus par notre groupe ont été adoptés, ce qui a permis d'améliorer le texte, notamment du point de vue de la reconnaissance de l'urgence écologique, de l'insertion du progrès social dans les objectifs des politiques publiques, de la reconnaissance du rôle et de la place de l'outre-mer en matière d'environnement, de la reconnaissance des services environnementaux.
Tous ces éléments constituent de réelles avancées et ont motivé notre vote. Nous ne devons pas pour autant nous dissimuler certaines insuffisances du texte. Nous les avions pointées du doigt et elles n'ont malheureusement pas été prises en considération par la majorité, en particulier en ce qui concerne l'agriculture et l'eau. De plus, le projet de loi ne se démarque pas assez des logiques libérale et productiviste. La privatisation des biens et services limite l'intervention écologique de l'État, par exemple pour GDF. Enfin, l'aménagement du territoire est affaibli par la casse des services publics.
C'est la raison pour laquelle nous vous avions déjà fait savoir que nous resterions vigilants en seconde lecture.
De plus, les objectifs contenus dans le projet de loi Grenelle 1 doivent être appréciés au regard des engagements budgétaires prévus. Or la programmation pluriannuelle des crédits pour 2009-2011 ne traduit pas les engagements du Gouvernement.
C'est faux !
Il y a une sorte de contradiction entre l'urgence écologique, le calendrier et les moyens budgétaires.
Je ne peux conclure sans évoquer l'outre-mer et la richesse écologique environnementale si importante qu'elle représente pour la France : 80 % de sa biodiversité et 97 % de ses surfaces maritimes. On ne peut que s'en réjouir, ce texte reconnaît la place de l'outre-mer en matière d'environnement.
De même, l'adoption de l'amendement de mon collègue Serge Letchimy favorise la mise en oeuvre d'une véritable gouvernance écologique locale, essentielle à nos territoires ultramarins.
L'article 49 a été, quant à lui, considérablement amendé par les élus de notre groupe et contient de réelles avancées, même si l'on note encore quelques insuffisances. Dois-je rappeler que l'outre-mer est confronté à des risques d'une ampleur considérable et que ce sont nos territoires qui subissent les premiers le dérèglement climatique ? Les aléas climatiques de ces derniers mois – inondations ou cyclones – en attestent.
J'ajoute que le texte du Grenelle 2, qui est censé traduire de manière concrète les engagements du Grenelle 1, ne contient aucun article sur l'outre-mer.
En conclusion, même si nous reconnaissons les avancées qui figurent dans ce texte, nous sommes obligés de dire que nous allons voter l'exception d'irrecevabilité défendue par notre collègue Chassaigne. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – « Ils n'ont rien compris ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Les parlementaires du groupe Nouveau Centre s'opposeront à cette exception d'irrecevabilité et vous témoigneront leur solidarité, monsieur le ministre. Une nouvelle fois, l'opposition est prise en flagrant délit de contradiction. Monsieur Chassaigne, vous avez commencé votre intervention en disant que la procédure n'était pas assez rapide. Lorsque le Gouvernement dépose en urgence un projet de loi ou qu'il n'y a qu'une lecture, vous vous plaignez de ne pas avoir le temps de discuter. En l'occurrence, le sujet est suffisamment important pour que la deuxième lecture permette à chacun des groupes d'apporter sa contribution pour améliorer le texte gouvernemental. Nos amis et collègues socialistes rappellent qu'ils avaient voté le texte en première lecture, mais annoncent qu'ils vont voter l'exception d'irrecevabilité : il faudra qu'ils nous expliquent la logique de cette position. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Au lendemain d'une échéance qui témoigne de l'importance de l'écologie, cette exigence d'environnement et de développement durable que vous reprenez, monsieur le ministre, devrait transcender les traditionnels clivages politiques. Cette exigence s'impose à tous, et votre projet de loi traduit notre volonté politique de la prendre en compte, sous l'impulsion du Président de la République et du Premier ministre. Les députés du Nouveau Centre, notamment leur porte-parole sur ce texte, Jean Dionis du Séjour, entendent contribuer à renforcer les ambitions de votre texte, au service exclusif de la préservation de l'environnement et du développement durable. Notre rapporteur, Christian Jacob, a détaillé quelques-uns de ses objectifs : développement des transports en commun, évaluation préalable des grandes infrastructures, mesures relatives à l'habitat, qui concernent la vie quotidienne de nos concitoyens.
Mesdames, messieurs de l'opposition, interrogez les artisans auxquels l'écoprêt à taux zéro a contribué à donner du travail : ils vous diront quelle est l'importance concrète du texte dont discutons. Décidément, je ne comprends pas votre logique.
Encore une fois, monsieur le ministre, les élus du Nouveau Centre vous assurent de leur solidarité et de leur engagement en faveur d'un texte historique. En effet, on ne pourra pas revenir en arrière. C'est, je l'espère, le début d'une politique qui se poursuivra dans les années à venir. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre, chers collègues, le groupe UMP votera évidemment contre l'exception d'irrecevabilité.
Où en est notre pays en matière environnementale ? Ce que nous faisons dans ce domaine est-il mieux ou moins bien qu'ailleurs ? L'économie française est l'une de celles qui émettent le moins de gaz à effet de serre, puisque l'émission par habitant est inférieure de 16 % à la moyenne internationale et de 20 à 25 % à la moyenne européenne. Nous partons donc sur de bonnes bases.
Deuxième question : les objectifs du Grenelle de l'environnement sont-ils à la hauteur des enjeux ? Nous nous orientons vers une véritable révolution – au sens littéral du terme – au cours des douze prochaines années. Nous nous sommes, en effet, fixés des objectifs bien supérieurs et bien moins éloignés dans le temps que ceux qui ont été définis au plan européen. C'est incontestable. Nous allons donc devenir la vitrine du monde en matière environnementale.
Troisième question : les moyens sont-ils à la hauteur de nos ambitions ? Certes, il faudra attendre le Grenelle 2 pour le savoir, mais force est de constater qu'ils ont été, pour beaucoup d'entre eux, anticipés et qu'ils nous ont permis d'obtenir des résultats concrets. Les mesures du Grenelle de l'environnement contribueront ainsi à réduire de 22 % nos émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2020. Selon un rapport que Jean-Louis Borloo vient de transmettre à la Commission européenne, les programmes opérationnels permettront de les diviser par quatre en 2050. La production d'énergies renouvelables a d'ores et déjà augmenté de 13 % en 2008 : la production de photovoltaïque est multipliée par 2,5 et celle des pompes à chaleur a crû de 20 %. De très nombreuses mesures produisent leurs effets, partout et dans beaucoup de domaines.
Quatrième question : les objectifs sont-ils ou non portés par tous les acteurs dans notre pays et par les spécialistes concernés ? À l'évidence, oui. Le Grenelle de l'environnement fut un exercice de démocratie inédit sous la Ve République. La quasi totalité des 250 accords ont été négociés pendant un an et retranscrits à la lettre dans le projet de loi. On ne peut donc à la fois refuser de voter le texte en l'état et parier sur l'intelligence collective, sur une nouvelle démocratie et sur le renforcement du rôle de l'ensemble des acteurs.
Cinquième question : les objectifs de ce texte ont-ils été revus à la baisse lors de son passage au Sénat ? Quelques points qui méritaient d'être corrigés en commission l'ont été, et je remercie Christian Jacob et Patrick Ollier pour leur soutien. Je veux parler de l'abandon de la variante du canal Rhin-Rhône et du retour au tracé Saône-Moselle, de la suppression de l'expérimentation des très gros camions et du retour au texte initial sur la démocratie environnementale.
Enfin, le Grenelle renforcera-t-il la position de la France au plan européen ? À cet égard, nous ne pouvons qu'exprimer notre fierté d'une France qui entraîne l'Europe et d'une Europe qui tire le monde. C'est la raison pour laquelle je vous demande de ne pas voter l'exception d'irrecevabilité défendue par notre collègue Chassaigne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Il n'y a pas de rappel au règlement pendant les explications de vote. Mais je peux vous donner la parole si, comme il me semble, vous souhaitez apporter un rectificatif au sujet des explications de vote de son groupe.
Monsieur le président, puisque nos travaux ne sont pas encore totalement régis par le futur règlement, je vous demande, sur le fondement de l'article 58, alinéa 3, une très brève suspension de séance afin de réunir mon groupe. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Exception d'irrecevabilité
La séance est suspendue pour cinq minutes.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)
Monsieur Manscour, j'ai exceptionnellement autorisé M. Brottes à solliciter une suspension de séance. Celle-ci était de droit, je la lui ai donc accordée. Mais je ne puis vous donner la parole pour une nouvelle explication de vote. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
(L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Je demande la parole pour un rappel au règlement. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, les arguments avancés par notre collègue Chassaigne sont très pertinents, mais, puisque nous n'avons pas l'intention de déposer un recours devant le Conseil constitutionnel, nous avons décidé de nous abstenir lors du vote sur l'exception d'irrecevabilité. Je regrette que vous ne m'ayez pas laissé l'annoncer avant le vote.
Nous avions bien compris l'évolution de la position de votre groupe, monsieur Manscour.
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Yves Cochet.
La question préalable n'ayant pas pour objet de soulever l'inconstitutionnalité du projet de loi, mes excellents collègues socialistes pourront éventuellement la voter…
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je m'interroge sur la sincérité de l'engagement écologique récent de la majorité.
En effet, les députés Verts ont déposé deux propositions de loi : l'une, en février, sur l'empreinte écologique, l'autre, il y a une quinzaine de jours, sur la transformation écologique de l'économie. Cette seconde proposition s'inscrivait dans le cadre de la campagne pour les élections européennes, qui s'est achevée dimanche avec les résultats que l'on sait.
Or, malgré les discours et l'apparente bonne volonté affichée sur tous les bancs de l'hémicycle, et notamment de la majorité, ces propositions de loi modérées, qui tendaient, du reste, à enrichir le texte du Grenelle 1 que nous examinons en deuxième lecture, ont été rejetées assez violemment par la majorité. Je me souviens en effet des arguments qui nous ont été opposés lors de ces débats, en dépit du discours nuancé du Gouvernement, qui a témoigné de son intérêt intellectuel pour la notion d'empreinte écologique. Certes, celle-ci n'est pas un indicateur parfait, mais quel indicateur l'est ? Certainement pas le PIB, en tout cas, auquel beaucoup d'entre vous continuent pourtant de croire, alors qu'il mélange les biens et les maux, de sorte que, lorsqu'il augmente, on ne sait si c'est le bonheur ou le malheur qui croît. L'avantage de l'empreinte écologique, mes chers collègues, c'est qu'elle n'annonce que du malheur lorsqu'elle croît, que du bonheur lorsqu'elle diminue ! C'est à la fois plus clair et très pédagogique pour nos concitoyens.
Nous pouvons certes avoir un débat scientifique, académique, intellectuel sur le fait qu'un tableau de bord permet d'avoir une vision plus complète qu'un indicateur agrégé. Ce dernier, s'il a l'avantage d'être unique, a l'inconvénient de raboter ou de lisser certaines différences entre telle et telle pollution, tel et tel dommage ou tel et tel risque. Cela étant, un tableau de bord est beaucoup plus compliqué à mettre en oeuvre.
Je vais y revenir, car, monsieur le ministre – ou M. le rapporteur, peut-être – vous avez beaucoup parlé du climat et de l'effort de la France en matière de réduction des gaz à effet de serre. Dans le domaine de l'environnement, il n'y a pas que le climat ou les émissions de gaz à effet de serre, même s'il s'agit d'un domaine extrêmement important, dont nous parlions avec mon ami René Dumont – aujourd'hui, hélas, décédé – lors de l'élection présidentielle de 1974. À cette époque, tout le monde se moquait des émissions de gaz à effet de serre, à droite comme à gauche. Aujourd'hui, cette question est prise au sérieux. Ainsi, le sommet de Copenhague, au mois de décembre, traitera du climat, mais en réalité, il s'agit d'un rendez-vous mondial pour évoquer l'avenir de la planète et de l'humanité. Il faut donc prendre ce sommet très au sérieux et j'espère qu'il sera réussi.
Pour ce qui est du Grenelle de l'environnement, nous nous posons des questions sur le rythme à suivre, comme l'a excellemment fait André Chassaigne. Le Gouvernement, sous l'impulsion du Président de la République, est volontariste. Il propose de nombreux projets de loi. Il y a de plus en plus de sessions extraordinaires, tant au mois de juillet qu'au mois de septembre, pour débattre notamment des lois pénales ou de lois concernant plus généralement la justice ou la sécurité. Dans ces domaines, il y a beaucoup de textes, et cela va très vite ! Depuis 2002, il y en a quasiment deux par an, comme si à chaque fois, une loi devait en pousser une autre, parce qu'un incident plus ou moins grave s'est produit ici ou là. Ce n'est, bien sûr, pas une bonne manière de légiférer.
Le Grenelle de l'environnement a rendu ses conclusions, en ce qui concerne sa phase initiale, que tout le monde a respectée et à laquelle presque tous ont participé, le 25 octobre 2007. Ce n'est qu'un an après que nous en avons eu la traduction législative, que nous avons examinée en première lecture voilà à peu près neuf mois. Il y a donc eu un délai assez long entre les groupes de travail du Grenelle de l'environnement et la traduction législative. Dans d'autres domaines, en revanche, comme je l'ai indiqué à propos de la sécurité ou de la justice, dès qu'il se produit un incident, un projet de loi est proposé en Conseil des ministres la semaine suivante ! Il y a une lenteur législative. Certes le sujet est immense, car l'écologie parle de l'ensemble de la vie. Pour moi, il n'y a pas de différence entre l'écologie, le social et l'économie. L'écologie n'est en rien un sujet partiel qu'il faudrait éventuellement traiter de temps en temps ; c'est une nouvelle vision du monde. Je retrouve en cela des accents du ministre d'État, voire du Président de la République. Cela étant, les modalités que nous proposons diffèrent des vôtres : j'en veux pour preuve que vous avez rejeté nos deux propositions de loi, comme je l'ai indiqué tout à l'heure.
La transformation écologique de notre société va-t-elle enfin avoir lieu ? Vous comme nous, du moins je l'espère, sommes influencés positivement par les résultats des élections européennes de dimanche dernier. Ils nous ont montré que la prise de conscience progressait chez nos concitoyens, grâce au travail de tous, des Verts, d'Europe Écologie, mais aussi de Nicolas Hulot, des associations, de gens de toutes origines, qui sont écologistes depuis des décennies – il y a même des syndicalistes de l'écologie. Pourtant, le Grenelle de l'environnement, qui a commencé mi-2007, n'a pas encore trouvé d'issue législative.
Nous entamons aujourd'hui la deuxième lecture d'un texte d'orientation qui n'a pas d'échéancier clair. Certes, c'est un texte d'orientation, qui a pour objectif de fixer de grandes idées pour la France pour les dix, quinze ou vingt prochaines années. De même, il y a plusieurs années, la loi d'orientation sur l'énergie – n'est-ce pas, monsieur le rapporteur Poignant ? – devait fixer la politique énergétique de la France pour une vingtaine d'années. Nous ne faisons pas de lois d'orientation tous les ans ! Malheureusement, cette loi d'orientation sur l'énergie est déjà, ô combien, dépassée ; nous aurons, hélas, l'occasion d'en reparler au cours de ce débat.
Je crains que le même phénomène ne se produise pour le Grenelle 1, qui est une loi d'orientation, élaborée avec toutes les parties prenantes dans un souci participatif il y a presque deux ans, car la réalité biophysique du monde change très vite. À peu près au même moment, le GIEC – le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat – et le PNUE – le programme des Nations unies pour l'environnement – ont publié de magnifiques rapports, en octobre ou novembre 2007. La préparation du sommet de Copenhague met en évidence le fait que ces rapports onusiens, qui demandent donc un certain consensus, sont en retard – ô combien ! – par rapport à la réalité biophysique de notre monde.
C'est pourquoi nous avons proposé des amendements il y a neuf mois, dès la première lecture. Aujourd'hui, nous proposons des amendements qui visent à faire une mise à jour de votre texte, afin que la France soit, comme le souhaite le Gouvernement, en prise avec le monde actuel.
Une enquête TNS Sofres d'avril dernier – qui a publié dimanche dernier une estimation, assez précise, des votes – indique, dans un grand quotidien du soir que, pour 43 % des personnes interrogées dans dix-sept pays de l'Union européenne, dont la France, « les gouvernements sous-estiment les problèmes environnementaux ».
En France, 92 % des personnes interrogées estiment que l'état de la planète est très mauvais. Lors de nos débats en commission, depuis une quinzaine de jours, des amendements ont été adoptés, d'autres rejetés. Bien entendu, le ministre et le rapporteur nous ont fourni la liste des propositions qui ont été acceptées, mais pas de celles, émanant notamment des groupes de l'opposition, qui ont été refusées.
Mon temps de parole n'étant pas extensible à l'infini, je ne citerai que quelques exemples. Nous devons réfléchir à ce qui a été adopté ou refusé en fonction du mouvement réel de la biosphère, non en fonction des accords entre humains. Contrairement à nous, la nature ne négocie pas. Le taux de CO2 dans l'atmosphère est une donnée objective, et l'atmosphère n'est pas un être juridique : elle se fout complètement de ce qui se passe dans nos négociations, y compris lors des discussions du Grenelle de l'environnement !
Ce qui va se passer autour du Grenelle durant les heures et les jours à venir restera, je le crains, au regard du constat que nous faisons, en deçà des mesures nécessaires. Le Grenelle de l'environnement était louable dans sa méthode, nous l'avons dit moult fois, et ambitieux dans les engagements pris lors des tables rondes. Mais ce processus innovant, qui avait fait naître beaucoup d'espoir, y compris parmi les ONG, commence à susciter des inquiétudes et des regrets. Nous sommes aujourd'hui face à un texte affaibli, par rapport au premier jet du Gouvernement ; il recèle en outre nombre d'erreurs qui sont graves pour l'environnement. Au fil des amendements, on est venu défendre qui sa ligne de TGV – il en faut partout ! – qui son autoroute, sa route, son aéroport, qui encore les agrocarburants, les pesticides, les incinérateurs ou le chauffage électrique. Mis bout à bout, ces éléments nous semblent incohérents avec un projet de société plus écologique, comme parfois le Gouvernement s'en fait l'écho. Toutes ces concessions accumulées nous promettent des effets destructeurs et fatals à l'esprit initial du Grenelle, dont nous estimons qu'il était bon, et c'est ce qui motive cette question préalable : y a-t-il véritablement lieu de délibérer sur un texte légèrement dépassé par rapport à la réalité du monde, imparfait dans son ambition et comportant de graves erreurs d'interprétation ?
Je vais donner quatre ou cinq exemples, pour vous montrer à quel point on peut ne pas se rendre compte de ce que l'on vote lorsque les amendements sont proposés par la majorité !
Mon premier exemple porte sur un amendement que le Gouvernement a laissé passer et qui est, pour nous, inacceptable, en ce qu'il vise à la modulation du seuil énergétique des bâtiments. Cette autorisation est la porte ouverte au chauffage électrique, source de gaspillage et de pollution et à ce que j'appelle, pour plaisanter, le « gang des grille-pain », c'est-à-dire les vendeurs de chauffage électrique. Cet amendement du président Ollier, à l'article 4, est donc maintenu. Nous proposions, à la suite du Grenelle et de ses engagements, un objectif général pour tous les bâtiments neufs de 50 kilowatts-heure par mètre carré et par an à l'horizon 2012. Cette proposition a été refusée. La modulation a été introduite par l'amendement du président Ollier, et ce sont plus de 300 000 familles qui vont solliciter une aide sociale pour régler leur facture d'énergie dans les commissions départementales de surendettement. Et cela va continuer ! Je le regrette, car le chauffage électrique est à la fois une calamité sociale, écologique et économique et, bien entendu, une aberration thermodynamique. Mais qui, dans cet hémicycle, parle de la thermodynamique, alors qu'il s'agit de lois absolument fondamentales sur lesquelles il n'y a pas à discuter ?
Je ne me souviens plus quel ministre a prononcé, sans le vouloir, cette plaisanterie : « Les lois de Kirchhoff sont dépassées, il faut en déposer d'autres ». On ne savait pas alors très bien de quoi l'on parlait !
Mon deuxième exemple concerne la construction de routes et autoroutes. Avec une certaine audace, M. Borloo disait il y a un an : « Le kilométrage global routier et autoroutier doit être arrêté ». Autrement dit, nous avons en France assez de routes et d'autoroutes.
Oui, Jean-Louis Borloo l'a dit. Si vous le voulez, je vous donnerai la référence exacte. C'était dans un grand journal du soir, comme on dit parfois pudiquement aujourd'hui !
Or dans le nouvel article 9 de ce projet de loi, issu des travaux du Sénat et de la commission des affaires économiques de l'Assemblée, le gel de la construction des autoroutes et le moratoire s'y rapportant ne sont plus d'actualité. Pour ma part, je ne peux que déplorer l'archaïsme qui a guidé le maintien de la construction d'autoroutes, alors que l'on prône en même temps, sans apparente contradiction, les mobilités alternatives et les transports en commun – ces derniers points étant positifs.
Au lieu d'affubler le territoire d'un maillage de goudron, pourquoi ne pas rouvrir les petites gares de proximité et développer le fret ferroviaire et les TER ?
Parfois, au cours d'une conférence sur un de mes livres, je projette deux diapositives qui montrent l'état du réseau ferré français, monsieur le secrétaire d'État chargé des transports, l'une en 1921, l'autre en 2008 – celle-ci provenant de RFF. Entre 1921 et 2008, 90 % du réseau ferré a disparu ! La raison en est la folie du « tout-bagnole », du « tout-camion », et l'on voudrait continuer ! Ainsi, en ce moment même, l'industrie automobile est soutenue, sans aucune contrepartie selon les types de véhicules ; on a même autorisé PSA à procéder à 10 000 suppressions d'emplois ! On a beau se dire « écolo », c'est difficile ! Mais vous pouvez y arriver si vous votez nos amendements !
Mon troisième exemple porte sur un amendement anti-éolien, qui contredit les orientations énergétiques du Grenelle.
En effet, un nouvel amendement, déposé en commission, dispose que les petites éoliennes d'une puissance inférieure à 36 kilowatts, car, dans ce cas, il ne faut pas parler de kilowatts-heure…
Vous avez raison, monsieur Ollier ! Et c'est intermittent. Comme pour l'énergie solaire, la nuit, c'est plus difficile !
Quoi qu'il en soit, votre amendement indique que les petites éoliennes de moins de 36 kilowatts de puissance doivent être désormais soumises aux plans régionaux des énergies renouvelables. Cette disposition tout à fait anodine en apparence revient en fait à rendre considérablement plus complexe l'installation de petites éoliennes individuelles. Son caractère dissuasif est en contradiction avec la volonté affichée – par le Président de la République encore hier – de promouvoir les énergies renouvelables. Que le Gouvernement ait pu laisser passer un tel amendement est un signe supplémentaire de son engagement lacunaire et craintif en direction d'une véritable transition énergétique. Il y a quelques minutes, M. le ministre d'État a précisé que des grandes centrales d'énergie renouvelable devaient exister dans chaque région. Non ! Il ne faut pas penser « centralisé », mais « décentralisé », donc à l'échelon le plus fin du maillage territorial, à savoir les familles, les immeubles, les quartiers et les villes. Ne refaites pas de centrales ! On a fait une centrale comme celle que je préconise à Odeillo, voici une quarantaine d'années ; elle ne fonctionne plus. Je le regrette, car, d'un point de vue expérimental et scientifique, ce n'était pas mal. Il faut penser « décentralisé ». Ce type de maillage est évidemment beaucoup plus robuste, beaucoup plus résilient – si je peux me permettre d'être un peu pédant – que des grandes centrales qui, lorsqu'elles tombent en panne, entraînent un black-out sur une grande région. Un réseau de milliers de producteurs d'électricité, de dizaines de milliers d'éoliennes et de dizaines de milliers de capteurs photovoltaïques sur tous les toits de France sera, vous pouvez en être sûrs, très résilient. En cas de panne, le voisin peut vous porter secours. Cela n'est pas possible avec les centrales. Mais, en France, depuis Colbert, Napoléon et Sarkozy, tout doit être centralisé !
Il ne s'agit pas d'un discours purement technique, mais d'aménagement du territoire, voire même d'ingénieur du progrès social ! Quand on est ingénieur du progrès social, comme veulent l'être le Gouvernement et M. Borloo, il ne faut pas simplement…
Il est vrai qu'elle a parfois de bons éléments !
Le Gouvernement ne doit donc pas laisser passer ce type d'amendement scélérat. J'espère que, lorsqu'on discutera de cet article, on reviendra sur ces petites éoliennes de moins de trente-six kilowatts de puissance.
Mon quatrième exemple concerne une négligence tout à fait toxique sur les pesticides. En effet, l'amendement introduit au Sénat par M. Daniel Soulage est très inquiétant. Il consiste à exonérer des réductions de pesticides les cultures dites « mineures ». Le Président de la République, lui-même, avait dit qu'il convenait de diminuer de 50 % en dix ans l'usage des pesticides. C'est d'autant plus nécessaire que la France est championne du monde des pesticides du point de vue de la densité. Je ne parle pas de la quantité globale. Il est toujours plus juste de parler per capita. Et per capita, nous sommes les champions du monde des pesticides. Nous nous étions donc engagés à les diviser par deux en dix ans, même si cela pouvait sembler difficile avec une agriculture productiviste telle que la nôtre. Or un amendement sénatorial tend à exclure les cultures mineures. On ne sait pas très bien ce que sont les cultures mineures. Qui sait ce que sont les cultures mineures ?
Certes, monsieur Herth, puisque vous êtes dans l'agronomie depuis très longtemps !
Les cultures mineures sont, par exemple, les arbres fruitiers. Dieu sait si nous sommes à la pleine saison des cerises, des pêches, que ce soit dans le Vaucluse, dans le sud de la France, ou même dans le nord, car nous avons des pêches et des cerises en Bretagne ! C'est ce domaine, où l'usage des pesticides est très intensif, qui serait exonéré de la réduction de 50 % ! Cet amendement est d'autant plus scandaleux que l'on connaît les conséquences sanitaires des pesticides à haute dose sur les consommateurs, comme le prouvent plusieurs études médicales, scientifiques et sanitaires. Un professeur de Montpellier a souligné que ces pesticides pouvaient entraîner des changements génétiques sur les fils et filles de viticulteurs. C'est tout de même assez inquiétant. Je vous renvoie aussi au livre et au film de Marie-Monique Robin et à d'autres films actuellement projetés dans le monde. Je citerai également le beau film que vous avez tous vu, vendredi dernier, Home de Yann Arthus-Bertrand, où l'on voit des pesticides être utilisés de manière très industrielle et être même « balancés » par avion. C'est évidemment totalement aberrant ! Il ne faut donc pas exempter les cultures mineures de cette division par deux des pesticides. Nous avons donc proposé un amendement dans ce sens. J'espère que le Gouvernement le lira.
Je citerai un cinquième exemple : celui du débat, dont vous me direz qu'il est étymologique, sur les « agrocarburants » et les biocarburants. Les sénateurs, dans leur grande sagesse, comme ils en font parfois preuve, ont dit que ce n'était pas des biocarburants, parce que cela laisserait entendre qu'il s'agit d'agriculture biologique. Ça fait bien, le « bio ». Pas du tout ! L'essentiel des centaines de milliers d'hectares actuellement cultivés, s'agissant des « agrocarburants » vient de la terre. On le constate parfaitement avec l'éthanol et le maïs aux États-Unis ou, ici, avec le lobby des betteraviers et des céréaliers, lesquels ont fini par convaincre l'ancien Premier ministre, M. de Villepin, à l'automne 2005, qu'il fallait absolument développer à hauteur de 10 % les additifs en biocarburants – appelons-les « agrocarburants » – en France. C'est de la folie pour des raisons médicales, sanitaires, pour des raisons de conflit d'utilisation des terres et évidemment pour le bilan énergétique. Mais qui connaît le bilan énergétique, le rapport entre l'énergie investie et l'énergie finale des biocarburants ? On n'en parle certainement pas dans les rapports anciens de l'ADEME et de certains bureaux d'études comme Pricewaterhouse-Coopers où l'on dit que fabriquer un litre d'éthanol était plus intéressant que d'avoir un litre d'essence issue du pétrole. C'est totalement faux ! Le bilan énergétique de toute la filière « biocarburant », notamment l'éthanol, est presque négatif. Le diester est meilleur, mais on a choisi l'éthanol en France. Autrement dit, on met plus d'énergie en amont que l'on n'en retrouve en aval dans un litre de biocarburant. C'est une aberration thermodynamique. Je n'y reviens pas, mais nous devrions parler plus de thermodynamique et moins de lois de l'économie parce que, vous le savez, en matière d'économie, on ne sait pas très bien ce qui va se passer dans quinze jours ! Nous allons, quant à nous, évidemment réintroduire par un amendement le terme « agrocarburants » qui correspond à la réalité actuelle. Cet amendement est pour nous non seulement symbolique, mais très important. Cela nous permettra, en effet, de savoir si vous avez fait votre « conversion écolo » depuis dimanche dernier ! (Sourires.)
En conclusion, nous ne pouvons voter ce texte en l'état. Nous l'avons précisé, il y a neuf mois, en première lecture. Il y a eu une grande campagne européenne. Tous les candidats ont beaucoup parlé d'écologie, et c'est très bien. Je ne peux que m'en féliciter. Maintenant, il faut agir ! Il ne suffit plus d'en parler et de dire : « je suis écolo et plus écolo que moi, tu meurs », il faut le traduire dans les textes législatifs et ensuite dans les actions. Donc, je le répète, nous ne pouvons voter ce projet en l'état. Nous nous étions d'ailleurs abstenus en première lecture pour permettre au Gouvernement de prendre conscience que l'évolution de la planète et de l'humanité se poursuivant, il convenait d'être beaucoup plus audacieux. Cela n'a pas été le cas. Au contraire, ce texte a été raboté par le Sénat et par la commission, ce que nous regrettons. Je ne comprends pas ces contradictions au sein de la majorité entre un discours apparemment volontariste…
Je peux en parler très librement. Mon collègue de Rugy l'a voté en première lecture.
C'est le seul du groupe de la Gauche démocrate et républicaine à l'avoir fait parce qu'il avait confiance dans le volontarisme de M. le président de la commission, des membres du Gouvernement et de vous-même, monsieur le rapporteur ! Il a pensé, comme nos collègues du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche qu'il fallait vous aider. Quelle n'est pas notre déception, neuf mois plus tard ! Aujourd'hui, M. de Rugy, vous le constaterez d'ailleurs,…
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il est là !
Avant que le débat ne commence dans l'hémicycle, M. de Rugy envisage d'opter pour l'abstention parce qu'il est déçu de l'évolution en commission et au Sénat de ce texte relatif au Grenelle de l'environnement.
Le Grenelle ne serait-il, encore une fois, qu'une sorte de greenwashing politique dont le Gouvernement est coutumier ou bien serait-il une étiquette d'affichage, une sorte de caution écologique dans un programme gouvernemental qui, globalement, ne l'est pas ?
Je rappellerai, pour conclure, que les OGM ne figurent pas dans le Grenelle de l'environnement. On a réglé ce problème l'an dernier, vous le savez très bien, monsieur le rapporteur. Même s'il y a la clause de sauvegarde, la loi a tout de même autorisé les OGM.
Le nucléaire est tabou, on n'en parle pas. Le Président de la République a dit qu'il fallait un deuxième EPR, ce qui va évidemment pomper tout le fric destiné aux énergies renouvelables. On dit : un euro pour le nucléaire et un euro pour les énergies renouvelables. Chiche ! Je suis prêt à parier ! Mais il y a du retard. En effet, le nucléaire, depuis le programme Messmer, depuis quarante ans, représente environ 350 milliards d'euros. Si l'on veut égaliser les chances, il faut, avant même de donner un euro supplémentaire au nucléaire, par exemple à l'EPR de Flamanville ou de Penly, consacrer 350 milliards d'euros aux énergies renouvelables ! C'est ainsi que j'ai compris l'engagement, hier, du Président de la République. Je vous attends !
Donc, les intentions initiales ont été sans doute sincères. J'admire M. Borloo et son équipe…
…d'avoir fait ce Grenelle de l'environnement, il y a deux ans. Mais, aujourd'hui, trop d'échappatoires, trop d'entraves, trop d'amendements sont contradictoires avec le bon sens environnemental.
Par conséquent, en l'état actuel du texte, nous ne pourrons pas le voter.
Il reste à discuter des amendements déposés sur les articles. Si des amendements supplémentaires, notamment les nôtres, qui sont particulièrement raisonnables, évidemment « écolos 100 % pur porc », sont adoptés, notre position pourrait miraculeusement évoluer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le président, mes chers collègues, je ne veux évidemment pas interrompre longtemps ce débat fort intéressant sur le Grenelle de l'environnement. Vous savez l'importance que nous y attachons.
Le Conseil constitutionnel vient de prendre une décision très importante. Il a, en effet, censuré l'essentiel de la loi HADOPI. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Si j'interviens pendant ce débat, et par le biais d'un rappel au règlement, monsieur le président, c'est parce que je crois qu'il est utile de rappeler que l'Assemblée nationale doit pouvoir disposer du temps nécessaire pour débattre de tous les projets de loi et, en particulier, des projets de loi importants. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons passé beaucoup de temps sur la loi HADOPI. Il est vrai que ce sera plus difficile avec la réforme du Règlement.
Mais je dirai à ceux qui en doutent que l'opposition sert à quelque chose parce qu'elle est aussi là pour défendre des droits. Parfois, les batailles politiques sont difficiles, parfois, nous sommes caricaturés. J'ai encore lu, voici quelques jours, une tribune de Jean-François Copé qui ironisait sur notre bataille contre la loi HADOPI, eh bien, il est, lui aussi, censuré par le Conseil constitutionnel ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, le Conseil constitutionnel a précisé que seule l'autorité judiciaire – et non une autorité indépendante – pouvait prononcer une sanction à l'encontre d'une personne qui utilise Internet, qui est désormais un droit et une liberté. Nous n'avons cessé de l'expliquer. La ministre nous avait répondu que nous nous trompions complètement. Nous vous avions alors mis en garde en vous rappelant que le Parlement européen – et nous respectons le vote des Français dimanche dernier, lors des élections européennes – avait, dans une deuxième lecture, et à une très large majorité, voté contre une disposition de cette nature. Aujourd'hui, c'est le Conseil constitutionnel français qui va dans la même direction. Nous, qui avons mené cette bataille, parfois ridiculisée, parfois caricaturée, avons tenu bon et proposé des solutions alternatives. Elles sont toujours d'actualité. Mais nous avons eu raison de mener cette bataille. Aujourd'hui, nous en sommes fiers et, je ne vous le cache pas, plutôt heureux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je conclus, monsieur le président. Nous avons proposé des solutions pour résoudre la question du financement de la création culturelle qui n'était absolument pas réglée par cette usine à gaz qui n'existe plus maintenant. Nous savons qu'il faut aller encore plus loin. Nous avons suggéré d'en discuter avec les professionnels, les opérateurs, les artistes, l'ensemble des partenaires concernés.
Nous maintenons donc notre proposition de mettre en place des états généraux de la création culturelle. Voilà le chantier qui s'ouvre maintenant devant nous et auquel les députés de toute la gauche peuvent participer. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous vous proposons aussi de vous joindre à nous, mesdames et messieurs de la majorité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je répondrai simplement à M. Yves Cochet que la question préalable tend à savoir s'il y a lieu à débattre. Je pense que, dans une démocratie, le Parlement doit, à un moment, donner la feuille de route à la nation. La mutation écologique passe par le Parlement. Ce projet de loi embrasse beaucoup de sujets différents, il a donc été complexe à mettre au point. Il s'ajoute à d'autres textes tels que la loi de finances et celle sur la responsabilité environnementale. Considérer qu'il n'y a pas lieu de débattre au Parlement du Grenelle de l'environnement me surprend quelque peu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe du Nouveau Centre.
Permettez-moi d'abord, monsieur le président, un commentaire sur ce que nous venons d'apprendre : la censure par le Conseil constitutionnel de la loi HADOPI. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Moi, je n'en suis pas heureux, mais cette fragilité, je l'avais signalée avec d'autres collègues comme M. Tardy ou M. Vanneste. De temps en temps, chers collègues de la majorité, quand des membres de la majorité présidentielle disent certaines choses à propos de sujets sur lesquels ils ont travaillé, il serait peut-être bon de les entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.) Ce fut une bataille extrêmement dure. Nous avons klaxonné pour avertir aussi le Gouvernement et notre majorité, on n'a pas voulu nous entendre ; le résultat est là ce soir.
Sur le Grenelle, comme toujours, il est intéressant d'écouter Yves Cochet et les écologistes. Globalement, si j'ai bien compris, notre collègue nous fait un débat sur la rupture : on ne va pas assez vite, on ne va pas assez fort. L'exemple des autoroutes est très intéressant : à l'entendre, il faudrait arrêter tout et tout de suite, même les chantiers déjà engagés.
Pour nous, il y a un moment où les choses doivent se mettre en place. Ce débat sur la transition est un vrai débat ; pour notre part, nous plaidons, pour une vraie rupture, mais une rupture intelligente. Nous pensons que la vôtre est violente, nous voulons que la nôtre soit intelligente et douce. Nous en reparlerons à propos des autoroutes.
Sur le fond, si nous allons nous opposer à la question préalable, c'est pour une question de méthode. Nous soutenons la démarche du Grenelle de l'environnement, parce que nous n'en voyons pas d'autre possible. Il y a eu une conférence des parties prenantes, et il y a un relais démocratique au Parlement. Pour une fois, nous avons du temps et le débat a de la tenue. Je ne vois pas ce que pourrait être une démarche de substitution et, honnêtement, je vous trouve un peu à contretemps lorsque vous plaidez pour l'accélération de nos débats.
Le Grenelle a été une vraie innovation démocratique. Certains débats mériteront d'être ouverts – sur les autoroutes, par exemple, ou sur les biocides, notamment les pesticides sur les cultures orphelines ; nous en parlerons, mais nous sommes en opposition de fond sur la méthode : vous, vous voulez une rupture brutale, nette en tout cas ; nous, nous pensons que nous sommes dans la bonne démarche avec le Grenelle. C'est la raison pour laquelle nous nous opposerons à la question préalable.
La parole est à M. Philippe Plisson, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Home, sweet home… Depuis dimanche soir, toute la classe politique est convertie à l'urgence écologique !
…d'autant que, sur ces bancs, ce soir en tout cas, nous nous retrouvons entre convaincus.
Cela dit, le concept politique de développement durable me fait parfois penser à l'auberge espagnole : chacun y trouve ce qu'il y apporte. Ainsi, le Président de la République, toujours prompt à profiter des vents ascendants, a rendu hier en Savoie un hommage appuyé à Yann Arthus-Bertrand et, je le sais, proposé de développer les énergies renouvelables sans abandonner le nucléaire et sans abandonner la croissance. Bonjour le grand écart !
On est là typiquement dans une stratégie de marketing bien connue des spécialistes, dite de greenwashing,…
…où l'on suggère par l'emballage que le produit est bio alors qu'il ne l'est pas.
Yves Cochet a cité l'exemple caricatural de ces prétendus biocarburants que le Gouvernement s'obstine à promouvoir. Une étude de l'ADEME, dont on retarde la publication des résultats parce qu'ils déplaisent aux productivistes, démontre qu'ils n'ont aucun effet bénéfique sur l'environnement.
Oui, clairement et fondamentalement, parce que nous sommes de gauche et que l'humain et la planète passeront toujours pour nous avant le profit et la rentabilité, qui sont l'aune du libéralisme au pouvoir,…
…nous n'avons pas la même conception de la démarche de développement durable, qui ne pourra jamais consister à repeindre en vert les principes de la concurrence libre et non faussée.
Est-ce à dire que nous voterons cette question préalable ? Le groupe SRC, en première lecture et après mûre réflexion, a voté la loi Grenelle 1 parce que, même imparfaite, même perfectible, elle constituait une nécessaire avancée.
Nous nous sommes souvent émus et indignés du retard pris pour son examen au Sénat et, corrélativement, des délais induits pour la mise en discussion du Grenelle 2, dont l'urgence n'est pas moindre…
La pollution, elle, n'attend pas.
Si nous comprenons les arguments d'Yves Cochet et du groupe GDR et partageons une partie de leur analyse, par cohérence et par nécessité, le groupe SRC s'abstiendra sur cette question préalable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC. – « Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Je commencerai moi aussi par évoquer l'information donnée par le président du groupe socialiste. Que n'a-t-on entendu au moment de la discussion de la loi dite HADOPI au sujet des positions prises par les groupes de l'opposition face à la sagesse, disait-on alors, des groupes de la majorité ?
Nous sommes persuadés au groupe GDR qu'un nouveau modèle économique est à bâtir dans le domaine culturel, hors de toute menace, de toute tentative de coercition, de contrôle et, surtout, de sanction à l'égard notamment des jeunes. Le recours au juge me paraît une bonne chose ; mais nous n'en sortirons, je le répète, qu'après avoir mis en oeuvre un nouveau modèle économique.
J'en viens à la question préalable défendue par notre collègue Cochet. On ne peut qu'être surpris, et peut-être satisfait, de la conversion écologique qui se manifeste sur tous les bancs. Le résultat des élections européennes aura sans doute produit des effets rapides sur nos collègues de droite, ainsi que sur le Gouvernement et, si j'en juge par ce qui se passe depuis deux jours, le Président de la République : il s'agite sur un certain nombre de sujets et promet des interventions sur beaucoup d'autres… espérant sans doute faire passer en même temps des dispositions un peu plus lourdes : pendant qu'on parle de ces questions, et il est important d'en parler, la vie du libéralisme reprend son cours, si tant est qu'elle ait jamais cessé.
Si l'application des orientations écologiques annoncées ne met pas en cause le libéralisme et ne s'oppose pas à des dérives antisociales, elle risque fort d'être mal vécue par les salariés, les peuples et les territoires.
J'ai coutume de dire que les premières victimes des pollutions, des mauvaises conditions de travail dans les entreprises, sont les salariés et personne d'autre. Ce sont les premières victimes de la mauvaise qualité de l'air, des mauvaises conditions matérielles dans lesquelles le libéralisme nous contraint à vivre.
Le Grenelle, Yves Cochet l'a dit, tarde à aboutir, et l'on sait que la phase 2, celle qui, concrètement, traduira les orientations du Grenelle 1 dont nous allons terminer l'examen, ne sera pas discutée avant la fin de 2009.
Verre à moitié vide, verre à moitié plein, on ne sait, mais le retard est réel alors que les conclusions de tous les organismes d'experts sont convergentes. Le fait même que le film Home qui nous a été montré la semaine dernière – Home, sweet home, comme disait M. Plisson – ait été regardé par 8 ou 9 millions de personnes montre que ces préoccupations ont franchi les barrières qui se dressaient jusqu'à présent.
Le risque, alors qu'il conviendrait de démocratiser, d'ouvrir, d'entendre, c'est que, plus on en parlera pour faire croire que cela change, plus cela contribuera pour certains à faire en sorte, au fond, que rien ne change.
Nous sommes de ceux qui pensent que la lutte pour l'environnement n'est pas séparable de celle pour la justice sociale, qu'elle va de pair avec la lutte contre la mainmise des marchés financiers, contre la domination de caractère néocolonial sur les ressources du tiers-monde. Nous partageons donc les conclusions d'Yves Cochet et voterons sa question préalable.
La parole est à Mme Nicole Ameline, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur Yves Cochet, qu'avez-vous cherché véritablement à démontrer en demandant le report d'un texte dont vous soulignez vous-même l'importance, l'urgence et la nécessité ?
En réalité, vous vous êtes totalement isolé dans une position intenable, qui va bien au-delà des deux propositions de loi que vous avez vous-même portées et qui est liée à l'effacement progressif de l'initiative dans votre camp sur ce sujet.
Le monde, avez-vous dit, se détériore, et plus vite que l'image que l'on en a. Oui, vous avez raison. Ce qui est incohérent, c'est que vous en tirez la conclusion qu'il faut reporter l'examen d'un texte répondant à une urgence manifeste, exprimée par l'ensemble des associations concernées, des élus, des experts, et par tous ceux qui ont contribué, avec beaucoup d'énergie, à ce débat voulu par le ministre de l'environnement et le Président de la République.
Que faites-vous de leurs attentes, exprimées aussi avec force dimanche dernier par une très large majorité de nos concitoyens ?
Ce projet, vous le savez, c'est le défi de notre siècle. Allez-vous refuser ce progrès, fût-il à vos yeux insuffisant sur certains points ? Parce que certains de vos amendements n'ont pas été repris, allez-vous refuser le tout ? Où serait alors l'intérêt général, où serait l'intérêt de la France, qui s'affirme probablement en Europe comme la nation la plus porteuse d'espoir dans ce domaine, ce dont il faut féliciter le Gouvernement ?
Il faut soutenir cette initiative voulue par le Président de la République, qui porte des valeurs fondamentales mais concilie aussi un modèle de développement nouveau avec les objectifs de croissance dont nous avons besoin pour sortir de la crise économique.
Sur le calendrier, je vous rassure. Le Président l'a annoncé hier, nous pourrons examiner le Grenelle 2 avant la fin de l'année et avant le sommet de Copenhague. Ayez cette échéance à l'esprit pour défendre l'intérêt de la France, qui me paraît beaucoup plus légitime que les observations, fussent-elles pertinentes pour certaines, que vous avez exposées tout à l'heure.
Oui, ce projet est ambitieux. Il est utile et équilibré. Le groupe UMP est résolument engagé aux côtés du ministre de l'environnement dans cette voie et dans cette vision systémique de la société nouvelle.
À quelques mois de rendez-vous européens essentiels, nous n'avons pas de temps à perdre. Le groupe UMP, je le dis avec une certaine solennité, se prononcera sur ce texte, comme sur tous les projets dont il a été saisi, avec l'esprit de responsabilité, de modernité et de réforme dont la France a besoin.
Nous rejetterons naturellement cette motion de procédure. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
La parole est à M. Serge Poignant, premier orateur inscrit dans la discussion générale.
Nous avions, au groupe UMP, très fortement applaudi à la présentation de ce projet de loi de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement lors de sa première lecture dans cet hémicycle, projet très largement adopté sur tous les bancs – par 526 voix, autant dire à la quasi-unanimité.
Au Sénat, après quelques précisions ou compléments, il en a été de même. Je ne doute donc pas qu'au terme de cette seconde lecture, nous soyons en mesure de concrétiser ce qui fut un réel succès préalablement à ce projet de loi, à savoir le Grenelle de l'environnement, initiative exemplaire voulue par le Président de la République et conduite par vous-même, monsieur le ministre d'État, qui a permis de dégager un consensus exceptionnel entre l'État, les territoires, les ONG et les partenaires sociaux.
Au lendemain des élections européennes, nous mesurons combien nos compatriotes – tous nos compatriotes, chers collègues – sont préoccupés par les questions climatiques et environnementales et celle, cruciale, de l'avenir de notre planète.
L'expression de cette préoccupation nous conforte dans l'action déterminée et responsable que nous menons, en coproduction législative, monsieur le président de la commission Patrick Ollier et monsieur le rapporteur Christian Jacob, avec le Gouvernement, avec vous, monsieur le ministre d'État et monsieur le secrétaire d'État, ainsi que les autres secrétaires d'État.
Ce projet de loi, après des décisions financières et fiscales ayant déjà donné des résultats très probants, constitue un véritable cadre d'action, avec une gouvernance nouvelle et pérenne, pour atteindre des objectifs ambitieux et concrets en matière de lutte contre le réchauffement climatique, de protection et de restauration de la biodiversité, de prévention des risques pour l'environnement et la santé.
Action très volontariste sur l'efficacité énergétique, action très volontariste également dans les domaines du bâtiment et des transports, objectifs ambitieux de production d'énergie non carbonée, sans exclusion : vous avez rappelé tout cela, monsieur le ministre d'État, dans vos propos liminaires.
Je tiens à saluer au passage le bilan carbone que le président de l'Assemblée avait fait réaliser pour nos propres locaux ; ce n'était pas rien.
Mes chers collègues, nous avons réaffirmé notre objectif de diviser par quatre d'ici à 2050 nos émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 et de contribuer ainsi à limiter à deux degrés l'augmentation de la température sur notre planète. Nous avons réaffirmé, mesures à l'appui, notre objectif d'atteindre d'ici à 2020 les « trois fois 20 % » du « paquet énergie-climat » européen, paquet proposé par la France, je le rappelle : 20 % d'économie d'énergie, 20 % de réduction des gaz à effet de serre, et 20 %, voire même 23 %, de production d'énergie à partir de sources renouvelables – je pense notamment à l'énergie solaire, monsieur le ministre d'État.
La semaine passée, vous nous avez déclaré, et vous l'avez rappelé aujourd'hui, qu'Eurostat, organisme européen indépendant, prévoyait que cet objectif, au regard des mesures prises et de la situation actuelle, serait atteint par la France, et je m'en réjouis.
Action volontariste encore avec le renversement de la charge de la preuve pour privilégier notre environnement, et en matière de maintien et restauration de notre biodiversité. Monsieur le ministre d'État, le Grenelle de l'environnement trouve tout naturellement son prolongement et son exemplarité dans le domaine de la mer, dont on connaît tant la richesse que la fragilité et l'importance pour l'homme. Je souhaite le même succès à ce Grenelle de la mer que vous organisez aujourd'hui.
Le texte dit « Grenelle 2 » sera examiné en septembre prochain au Sénat. J'appelle de mes voeux sa présentation devant notre assemblée avant la fin de l'année, c'est-à-dire avant la conférence de Copenhague.
J'appelle également de mes voeux l'instauration au plan européen d'une taxe sur les émissions de CO2 aux frontières afin de pénaliser les produits issus des pays peu respectueux de l'environnement.
Je m'interroge en outre sur la création d'une éventuelle contribution climat-énergie dans notre pays, et j'attends les conclusions que les experts rendront à partir du Livre blanc préparé par vous-même avec Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie et des finances.
Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, et avec vous, monsieur Jean Louis Borloo, la France a impulsé une vraie dynamique et obtenu des accords européens qui ont véritablement conditionné la poursuite effective de la feuille de route de Bali de décembre 2007 et permis à la conférence de Poznań, en décembre 2008, d'envisager à Copenhague, en décembre prochain, la signature d'un accord mondial avec les pays développés, dont les États-Unis, les pays en voie de développement, dont la Chine, et les pays pauvres. Oui, il y va de l'enjeu de la vie sur notre planète pour les générations futures.
Monsieur le ministre d'État, monsieur le secrétaire d'État, je m'honore avec vous de l'action de la France pour faire évoluer les comportements et les technologies, de pousser la recherche et l'innovation, de mettre à profit les savoir-faire et de favoriser la création de nouveaux emplois, dans cette inéluctable nécessité de développement durable.
Non, nous n'avons pas opéré notre conversion depuis dimanche dernier, monsieur Yves Cochet ou monsieur Daniel Paul, ou encore monsieur l'équilibriste Plisson ! (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Oui, nous avons l'ambition d'un nouveau modèle de croissance durable, pour la France, pour l'Europe et pour le monde – mais non selon les modalités préconisées par M. Yves Cochet !
Notre ambition est de prendre en considération toutes les dimensions, économiques, environnementales, sociales, territoriales. C'est avec cette volonté et ce réalisme que nous réussirons au plan national et que nous serons crédibles et continuerons à être moteur à l'extérieur. Monsieur le ministre d'État, je salue votre enthousiasme et votre engagement concret, partagé avec vos collègues secrétaires d'État.
Ce projet de loi Grenelle 1 n'est qu'une première pierre à un édifice mondial qui reste à construire ; puisse-t-elle lui servir de base solide. J'espère que, comme en première lecture, nous le voterons à la quasi-unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre d'État, vous en conviendrez, nous assistons aujourd'hui à une course de lenteur. Alors que l'on essaie de faire croire à nos concitoyens que les textes législatifs déclinant les 270 engagements du Grenelle de l'environnement ont été votés, nous n'en sommes en réalité qu'à l'examen en deuxième lecture du texte sur la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, texte qui n'est que d'orientation, voté par le Sénat il y a quatre mois et dont l'adoption définitive n'interviendra peut-être pas avant la fin de la session extraordinaire en juillet.
À ce jour, au-delà des trente-cinq mesures fiscales vertes inscrites dans le projet de loi de finances pour 2009 et le projet de loi de finances rectificative pour 2008, aucun texte législatif n'a été définitivement adopté, ni celui que nous examinons actuellement ni celui portant engagement national pour l'environnement, qui constituait, comme vous l'avez indiqué, la troisième brique du processus législatif du Grenelle et qui, après avoir fait l'objet d'un dépôt sur le bureau du Sénat en janvier 2009 et d'une déclaration d'urgence, ne serait, nous dit-on, inscrit à l'ordre du jour de la Haute assemblée qu'au quatrième trimestre 2009.
Monsieur le ministre d'État, nous connaissons la donnée nouvelle que constitue l'apparition de la crise financière mondiale. Nous pouvons déjà en mesurer très concrètement l'impact sur l'endettement de la France de même que sur son déficit budgétaire, qui devrait plus que doubler en 2009. Mais nous comprenons aussi l'impatience de nombreuses associations qui furent des acteurs des comités opérationnels du Grenelle de l'environnement.
J'ai lu que, d'ici à 2020, 440 milliards d'euros devraient être au total dépensés, dont 23 milliards pour la biodiversité ; mais j'ai du mal à croire que de tels objectifs puissent être atteints alors qu'à ce jour seulement 7,3 milliards d'euros ont été engagés pour la période 2009-2011, dont seulement 162 millions pour la biodiversité.
La lutte contre le changement climatique et celle pour la préservation de la biodiversité se situent au premier rang des priorités. Il s'agit bien de deux défis liés et d'égale importance dans la mesure où les effets des changements climatiques sont plus ou moins forts selon les modifications qu'ils induiront ou non au niveau de la biodiversité, laquelle, en sens inverse, est susceptible de moduler l'ampleur de ces changements.
Le projet de loi que nous examinons en deuxième lecture est totalement muet sur un point : il n'explique pas pourquoi nous devons protéger la biodiversité. La raison en est simple, mais il est utile de la rappeler.
La biodiversité et les écosystèmes au sein desquels elle s'exprime fournissent un grand nombre de biens et de services qui soutiennent la vie humaine : fourniture des aliments, des combustibles et des matériaux de construction, purification de l'air et de l'eau, stabilisation et modération du climat de la planète, modération des inondations, des sécheresses, des températures extrêmes et des forces éoliennes, génération et renouvellement de la fertilité des sols, maintien des ressources génétiques contribuant à la variété des cultures et à la sélection des animaux, des médicaments et d'autres produits, sans oublier des avantages culturels, récréatifs et esthétiques.
À l'échelle globale, la biodiversité doit être considérée dans ses rapports avec les enjeux majeurs que constituent, entre autres, la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire, l'approvisionnement en eau potable, l'énergie ou l'évolution du climat. C'est pourquoi les Nations unies, à l'occasion de leur journée internationale de la biodiversité, ont adopté comme slogan : « La biodiversité, une assurance vie pour notre monde en changement ». Ainsi, la biodiversité n'est plus uniquement perçue à travers le prisme de la conservation de la nature pour elle-même ou de la sauvegarde de certaines espèces emblématiques.
Nous connaissons les raisons de l'érosion de la biodiversité à l'oeuvre depuis de nombreuses années : modification et fragmentation des habitats, pollution, introduction d'espèces envahissantes, surexploitation. Agir sur ces facteurs est urgent, prioritaire, les changements climatiques risquant à l'avenir d'accroître encore les pressions qui s'exercent aujourd'hui sur cette biodiversité.
Monsieur le ministre d'État, le 16 mai dernier, vous avez mis au défi la journaliste du Monde qui vous interrogeait de citer une mesure, sur les 270 que compte le Grenelle, qui n'ait pas été engagée. Je ne vous demanderai pas de nous faire un point précis sur la mise en oeuvre de chacune d'entre elles ; j'en évoquerai seulement deux.
La trame verte et bleue d'abord, dont nous nous félicitons qu'elle avance à bon train : à ce jour, sous la responsabilité du sénateur Paul Raoult, le COMOP a déjà rendu un rapport général de problématique et d'orientation, proposé un projet de texte législatif, contenu dans le projet de loi portant engagement national pour l'environnement, et formalisé des orientations nationales, avec la rédaction de trois projets de guides, dont les deux premiers sont actuellement soumis à l'avis des Français dans le cadre d'une consultation publique.
En revanche, la mise en oeuvre de plans de lutte contre les espèces exotiques envahissantes se limite, à croire ce qu'en dit le site de votre ministère, à inviter tous les citoyens à « s'informer et agir pour éviter la prolifération et limiter l'impact de ces espèces »… Avec des plans pareils, les espèces exotiques envahissantes ont de beaux jours devant elles !
Tels sont, monsieur le ministre d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce que je souhaitais dire dans le cadre de cette discussion générale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous en arrivons donc à la deuxième lecture du projet de loi censé mettre en oeuvre les conclusions du Grenelle de l'environnement, qui s'est tenu, rappelons-le, pendant l'été 2007. Pour y avoir participé, je m'en souviens bien : vous aviez, monsieur le ministre d'État, avec le Président de la République, fixé l'objectif que les conclusions des groupes de travail soient rendues dès la fin du mois de septembre 2007.
Or nous n'en sommes qu'à la deuxième lecture du Grenelle 1, et sans doute devrons-nous encore y revenir dans quelques semaines, sinon dans quelques mois, pour son adoption définitive, car j'imagine que le Sénat ne va pas adopter conforme le texte qui sortira de notre assemblée.
Il aura donc fallu deux ans pour adopter une loi, dite de programmation, mais qui n'est en fait qu'une simple déclaration d'intention. Certes, il n'est pas inintéressant que, dans un premier temps, une loi fixe des objectifs, affirme des intentions. Mais avoir mis deux ans pour cela, c'est tout de même extrêmement long !
M. Christian Jacob a tout à l'heure interpellé mon collègue Yves Cochet au sujet de mon attitude sur le premier vote du Grenelle 1. Comme je l'ai toujours dit, le problème, pour moi, n'est pas le processus du Grenelle, bien au contraire : je l'ai toujours soutenu et j'ai participé avec plaisir à un de ses groupes de travail. Réunir autour d'une table des personnes aux orientations et aux intérêts différents, divergents, parfois même opposés, pour les faire parvenir à des compromis, était une excellente idée. Les Verts ont toujours appelé à une démarche de ce type. Je soutiens donc le Grenelle, dans cet état d'esprit, et j'ai même envie de dire que nous sommes les gardiens, un peu sourcilleux, certes, vigilants, exigeants, des compromis du Grenelle – car il s'agit bien de compromis : si les écologistes avaient dû rédiger ce projet de loi, nous serions évidemment allés beaucoup plus loin dans de nombreux domaines. Mais ce que nous n'acceptons pas, ce sont les reculs par rapport aux conclusions adoptées dans les groupes de travail et qui ne constituaient déjà que des compromis.
Le problème pour moi ne tient donc pas à la démarche de fond, mais à la longueur des délais et à la cohérence du dispositif. Notre collègue Dionis du Séjour a prôné une rupture intelligente, ce qui sous-entendrait que celle proposée par notre collègue Cochet ne le serait pas.
Souvenez-vous de la phrase du Président de la République à propos de Zapatero : « Il n'est peut-être pas très intelligent, mais il gagne les élections. » Si c'est ce que vous vouliez dire, cela nous va très bien : nous ne sommes peut-être pas très intelligents, mais il me semble que nous avons gagné les élections ! (Sourires.)
Cela étant, je crois que le terme « rupture » est très bien choisi. S'il est un domaine où nous aurions aimé que le Président de la République tînt sa promesse de rupture – même s'il l'a lui-même qualifié de « tranquille » par la suite –, c'est bien celui de l'écologie. Nous pensons en effet que pour parvenir à certains changements écologiques, il faut amorcer des évolutions extrêmement fortes qui s'apparentent à des ruptures. À cet égard, la question du temps de mise en oeuvre est primordiale. C'est pourquoi, monsieur le ministre d'État, nous ne pouvons accepter que vous disiez que le vote de dimanche est en partie le fruit du Grenelle : il est d'abord le fruit de la déception des gens devant le temps écoulé entre les déclarations du Grenelle et leur mise en oeuvre : deux ans pour la loi Grenelle 1, sans doute trois ans pour la loi Grenelle 2. Franchement, un tel délai est incompréhensible pour nos concitoyens alors que le Gouvernement n'hésite pas à déclarer l'urgence sur la quasi-totalité de ses projets de loi. Je ne souhaitais pas particulièrement que cette procédure soit appliquée sur ce texte, mais entre l'urgence et deux ou trois ans d'attente, il y avait sans doute moyen de faire un peu mieux !
S'agissant de la cohérence, on ne peut pas prétendre faire le Grenelle tout en introduisant dans la loi même toute une série de dispositions qui affaiblissent le Grenelle. Je n'en donnerai que trois exemples : l'amendement sur le chauffage électrique, adopté en première lecture à l'initiative du président Ollier alors que tout le monde sait que c'est un scandale à la fois écologique, social et économique ; l'amendement du sénateur Soulage sur les pesticides, qui a fait rentrer par la fenêtre ce qui avait été sorti par la porte ; l'amendement sur les incinérateurs de notre collègue Poignant. Nous avions participé à un débat au cours duquel il a déclaré soutenir les réseaux de chaleur. À ceci près que son amendement ne concerne pas les réseaux de chaleur, mais les incinérateurs !
Je finirai en pointant l'incohérence entre le Grenelle et d'autres décisions très fortes du Gouvernement sur les projets routiers et aéroportuaires qui continuent, alors que les projets éoliens, eux, sont freinés. Quant à l'EPR, ce n'est pas seulement un danger eu égard à la pollution des déchets nucléaires particulièrement dangereux, mais il est surtout en totale contradiction avec l'objectif de sobriété énergétique affiché par le Grenelle.
Mes chers collègues, je vous invite à mettre en adéquation vos actes avec vos paroles. Il est encore temps de le faire. Il ne suffit pas de se proclamer, comme le Président de la République, militant de l'écologie – cela a dû faire rire beaucoup de monde –, il faut prendre les décisions idoines !
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous arrivons à la fin de la première étape de la mise en oeuvre du Grenelle. Le chemin est long, et nous nous préparons déjà au Grenelle 2 et à ses 104 articles. Le ministre d'État a choisi – le fait est de plus en plus rare – de ne pas passer ce texte en urgence ; je l'en félicite. Cela nous donne l'occasion de mener un vrai débat sur la rupture et la transition avec nos collègues écologistes. Entre-temps, l'honnêteté intellectuelle commande de reconnaître que, depuis la première lecture, des mesures ont déjà été prises dans la loi de finances 2009. Félicitations au ministre d'État d'avoir, dès la LFI 2009, su gagner les arbitrages budgétaires. Ce n'était pas facile.
Voici donc la deuxième lecture du projet de loi, qui met en musique plus de 200 des 273 engagements pris lors de la phase de concertation préalable. Mais le Grenelle, c'est d'abord une méthode : une méthode de concertation longue qui, fait inédit, a fait participer les grandes associations écologiques à la concertation, ce qui n'avait jamais été le cas auparavant. Or leur présence est souhaitable et légitime en raison, notamment, de leur expertise sur ces enjeux. Désormais, personne ne pourra revenir en arrière. Cette méthode, la conférence des parties prenantes, a créé un climat d'écoute, elle a favorisé déblocage d'impasses lourdes et la construction de compromis audacieux.
Cela dit, pour positive que soit la démarche du Grenelle de l'environnement, ce n'est pas la pierre philosophale. À cet égard, un peu de rigueur dans l'analyse de ce qu'est le Grenelle nous fera du bien, car la démarche ne crée en soi ni vérité, ni légitimité. La méthode du Grenelle – en passe de devenir une véritable marque démocratique déclinée selon des enjeux très variés – n'est pas intrinsèquement un gage de succès. On le voit bien avec les difficultés actuelles du Grenelle des ondes, qui, bien que construit sur le même modèle, n'a pas encore abouti au consensus espéré.
Le Grenelle est une condition nécessaire, mais en aucun cas une condition suffisante. S'il a réussi dans le domaine de l'environnement, c'est bien parce qu'il a trouvé un terreau favorable dans l'opinion publique, une sorte de consensus que les élections européennes ont largement illustré et qu'avaient préparé d'innombrables travaux scientifiques.
C'est donc parce que nous avons soutenu et soutenons toujours avec enthousiasme ce texte que nous pouvons exprimer plusieurs critiques constructives et proposer certaines corrections de trajectoire.
On veut faire du Grenelle un véritable succès de long terme ; très bien. Mais nous devons alors lui donner deux boussoles : celle de la vérité scientifique – dans la mesure où nous pouvons modestement, progressivement, l'approcher – et celle de la légitimité démocratique. Nos propositions de créer une haute autorité scientifique du Grenelle de l'environnement et de soumettre une loi d'évaluation et d'exécution du Grenelle au vote du Parlement tous les trois ans n'ont pas été retenues. Dommage ! Nous sommes persuadés que vous finirez par trouver de l'intérêt à cette proposition de gouvernance.
L'évolution de ce texte dans le temps doit absolument être encadrée scientifiquement et démocratiquement pour en assurer la pérennité. Or les objectifs et les délais qui nous sont proposés dans ce projet de loi sont multiples, hétérogènes et, même s'ils sont complémentaires, ils manquent d'une gouvernance à long terme, pourtant essentielle lorsqu'il y a tant de diversité. Le Grenelle est une innovation démocratique, un véritable changement de mentalité de notre société. Mais c'est ce n'est pas avant 2020-2030 qu'on jugera de son succès : c'est pourquoi la première proposition d'amélioration significative que présentera le Nouveau Centre portera sur la gouvernance à moyen et long terme. Qui se souvient aujourd'hui encore de la loi d'orientation de l'énergie ? Pas grand monde... Nous avons une tout autre ambition pour celle-ci.
Nous avons ensuite une deuxième critique constructive à formuler : pour parvenir à un consensus, le Grenelle a dû faire l'impasse sur certaines questions, notre collègue de Rugy l'a rappelé – ainsi l'énergie électronucléaire et les biocarburants. Soyons réalistes et honnêtes : c'était sans doute le prix à payer pour aboutir à un texte consensuel. Nous le comprenons. Reste que notre nation ne peut durablement faire l'économie de ce double débat, car sa politique énergétique est au coeur du Grenelle. J'ai déjà évoqué l'avenir du nucléaire Français récemment, à cette tribune, lors du débat sur la politique énergétique. Hier, le Président de la République, en affirmant que nous allions faire et le nucléaire, et les énergies renouvelables, nous a clairement incité à ouvrir ce débat. Quelle démarche le ministre d'État propose-t-il à cet effet ?
La question des biocarburants elle aussi est restée en suspens. Il faudra bien pourtant sortir de l'ambiguïté. Une dynamique forte a été impulsée pour développer cette filière, en 2005, avec la loi d'orientation sur l'énergie,…
…et, en 2006, dans la loi d'orientation agricole. Des objectifs ambitieux, au-delà même de ceux fixés par l'Europe, ont alors été fixés. Or lors du Grenelle, nous avons assisté à un certain recul. C'est pourquoi je me félicite, monsieur le rapporteur, que notre commission ait adopté un amendement du Nouveau Centre consacrant la nécessité de réaliser un bilan de chacune des filières de biocarburants et de réaliser une évaluation sérieuse et scientifique de l'efficacité énergétique des biocarburants. Une fois ce bilan fait, il faudra parler clair. Les agriculteurs et l'agro-alimentaire attendent des décisions. Celles-ci devront prendre en compte les investissements très lourds déjà engagés par les entreprises dans ce domaine.
Telles sont mes remarques structurelles sur la gouvernance, le nucléaire et les biocarburants.
Il est vrai que les deuxièmes lectures servent essentiellement à peaufiner un texte – vous aurez remarqué que le Nouveau centre a été discret puisqu'il n'a déposé que treize amendements.
Je vous remercie, mes chers collègues ! Mais il peut y avoir une exception : il peut s'avérer nécessaire d'intégrer une vraie dimension conjoncturelle lorsque de nouveaux évènements se sont produits depuis la première lecture. En l'occurrence, il y en a eu deux : la crise économique et des tempêtes d'une violence exceptionnelle.
La crise économique pose avec force la question du financement, dans la temps, du Grenelle de l'environnement. Certes, je me félicite que le ministre d'État ait gagné les arbitrages budgétaires indispensables au lancement du Grenelle, notamment ceux qui ont permis la mise en place du prêt à taux zéro. Mais la crise économique nous invite à nous interroger sur la pérennité des mesures de financement prévues. Nous sommes actuellement dans une gestion financière néo-keynésienne de la crise, basée sur le déficit budgétaire – 110 milliards sur le budget général et 23 milliards sur celui de la sécurité sociale. Ce déficit est d'ailleurs justifié en partie par le Grenelle et par la croissance verte, source de très nombreuses créations d'emplois. Mais on peut légitimement se demander ce qui se passera pour le Grenelle lorsque la France sortira de la crise, car elle en sortira,…
…mais forcément affaiblie sur le plan budgétaire. Se posera alors inévitablement la question de la fiscalité pour pouvoir poursuivre la démarche du Grenelle. Pour le moment, le dispositif de financement de sortie de crise, à savoir le déficit budgétaire, est séduisant pour tout le monde. Je note qu'à gauche comme à droite, on en est à peu près satisfaits. Mais un tel mode de financement ne pourra pas durer. Nous serons particulièrement vigilants sur les liens entre la pérennité du Grenelle et l'état de nos finances publiques. Lorsque la contribution climat-énergie est annoncée, à l'article 2, comme étant entièrement compensée par une baisse des impôts, nous sommes réservés. Pas de développement durable sans finances publiques durables ! Nous ne nous contenterons pas d'alerter. Nous proposerons d'être audacieux en matière de financement du Grenelle : il faut permettre aux élus locaux qui souhaitent prendre le risque de mettre en oeuvre localement le Grenelle de dégager des ressources financières à cette fin. C'est pour cette raison que nous avons déposé un amendement visant à relever le plafond du versement transport afin que les collectivités locales puissent obtenir des financements pour leurs projets de transport durable.
Une autre de nos propositions a été adoptée en commission, ce dont, naturellement, je me félicite. Elle vise à orienter en priorité le plan pour l'emploi des jeunes, récemment présenté par Martin Hirsch, vers les emplois liés au développement durable. Le Grenelle de l'environnement est, en termes d'emplois, une vraie promesse. Les attentes en matière de créations d'emploi sont fortes. Il est normal que nous orientions les outils de l'emploi – le plan Hirsch en est un – vers le Grenelle.
Je veux terminer en abordant un point qui me tient particulièrement à coeur. Pour légitime que soit la lutte contre le changement climatique, il faut reconnaître que celui-ci a bien lieu. Je suis élu du Sud-Ouest, région qui a le plus évolué au point de vue températures : plus deux degrés, en moyenne, depuis soixante ans ! Il faudra non seulement lutter contre le réchauffement climatique, mais aussi s'adapter aux changements en cours. C'est ici que se posent avec le plus d'acuité les questions relatives à l'eau et à la gestion de cette ressource. Ma région est en voie de méditerranéisation. Il faudra aussi poser la question de l'adaptation à la multiplication de phénomènes climatiques jusqu'ici inconnus sous nos latitudes, tels que les tempêtes.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l'heure où arrive ce texte en seconde lecture, il a déjà largement été affiné. Mais, pour nous, cette deuxième lecture est loin d'être une formalité. Léonard de Vinci ne disait-il pas : « Les détails font la perfection, et la perfection n'est pas un détail. » La cause de l'environnement mérite cet effort.
Monsieur le président, j'ai pris connaissance du rappel au règlement qu'a fait M. Ayrault à la suite de la décision du Conseil constitutionnel annulant une disposition de la loi HADOPI et la protection des droits d'auteur sur Internet. Je l'ai vu se réjouir bruyamment de la décision du Conseil ; pour ce qui me concerne, je me contenterai de quelques remarques.
La première, c'est que cette décision, comme toutes les décisions du Conseil constitutionnel, est éminemment respectable – c'est notre plus haute juridiction. Elle n'appelle donc de ma part aucun commentaire, de quelque nature que ce soit. Nous en prenons acte.
La deuxième remarque que je voudrais faire, c'est que le dispositif que nous avons adopté est empreint d'une philosophie à laquelle nous sommes profondément attachés. C'est parce que des millions de nos compatriotes, le plus souvent sans le savoir, téléchargent sans payer, donc illégalement, que donc des centaines d'artistes, d'auteurs, de créateurs et d'interprètes, aujourd'hui, ne sont pas payés pour le travail qu'ils réalisent. Cette situation n'est pas tenable dans un État de droit.
La loi que nous avons fait adopter a pour objet de prévenir les internautes que le téléchargement illégal, donc sans rémunération de l'auteur, n'est pas autorisé, et pose un principe gradué d'avertissements. Cette partie-là du dispositif a été validée par le Conseil constitutionnel.
En revanche, le Conseil a considéré que le fait qu'une autorité administrative, au bout du bout des avertissements non respectés, coupe l'abonnement n'était pas possible : ce rôle ne peut à ses yeux n'être confié qu'à un juge judiciaire. Il a donc souhaité que la sanction soit aggravée, qu'elle fasse l'objet d'une judiciarisation et non pas d'une décision administrative. Nous nous plierons naturellement à cette exigence du Conseil constitutionnel et nous ferons en sorte, par l'adoption d'une nouvelle loi, de rendre le dispositif conforme à notre Constitution en confiant sa mise en application à un juge judiciaire et non à une autorité administrative. De ce fait, la sanction sera plus lourde, plus sévère que ce que nous souhaitions.
Quoi qu'il en soit, nous nous conformerons à la décision du Conseil constitutionnel.
Le combat que nous menons n'est pas facile. Il est mille fois plus facile d'en appeler, comme l'a fait la gauche, parfois aussi certains du Nouveau Centre,…
…à la liberté totale sur Internet en faisant comme si ce n'était pas un problème.
Le courage politique, c'est d'assumer de protéger le travail d'artistes, d'auteurs et d'interprètes qui sont l'image de la France, qui font le génie créatif de notre pays. D'où la détermination de la majorité pour faire en sorte, aux côtés du Gouvernement, que ce texte puisse être adopté dans notre droit en intégrant la prescription du Conseil constitutionnel.
J'ai, pour ma part, regretté de voir certains députés socialistes se réjouir bruyamment de cette décision. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Ils en oublient que le combat politique n'a aucun sens s'il n'est pas au service de l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous arrivons en deuxième lecture. Nous avons longuement débattu de ce Grenelle de l'environnement et, plutôt que de revenir sur le fond du débat, je voudrais vous faire part de quelques réflexions, ou plutôt de plusieurs ressentis.
Pour commencer – car, honnêtement, c'est d'être toujours le cas de nos discussions parlementaires –, je voudrais saluer la qualité du débat, à la fois dans cet hémicycle en première lecture et en commission. Je veux en remercier le président de la commission des affaires économiques et le rapporteur Christian Jacob. Lors des funestes accords de Munich, Bernanos avait eu cette formule – peut-être la jugerez-vous un peu exagérée au regard de nos débats : « Nous croyons qu'il y a un honneur de la politique. » Autres circonstances, autres temps ; reste que l'invective quasi permanente n'honore pas la représentation nationale. En revanche, lorsque nous débattons au fond, lorsque nous cherchons à anticiper, lorsque nous prenons conscience des enjeux qui sont, chacun a pu le rappeler, des enjeux planétaires, l'enjeu du XXIe siècle, nous sommes dans notre fonction. J'avoue avoir été heureux de participer, fût-ce modestement, à ce que je crois très profondément être une mutation irréversible.
Deuxième ressenti : on parle beaucoup de la faillite du politique, d'une sorte d'impuissance permanente. Eh bien, mes chers collègues, lorsque la volonté politique s'exprime, elle emporte des résultats. C'est là une leçon à méditer.
Des résultats imparfaits, certes, mais qui engagent ce mouvement irréversible qui va permettre de revenir par la suite sur le sujet, de continuer à corriger, à infléchir.
Cette volonté s'est exprimée à deux égards, me semble-t-il.
D'une part, nous avons réussi, et ce n'était pas évident, à réconcilier celles et ceux qui ne dialoguaient pas, qui ne s'écoutaient pas, qui se heurtaient dans une sorte d'opposition frontale permanente : les agriculteurs, les écolos, les chasseurs, les constructeurs, les industriels, les scientifiques. Ce Grenelle a eu le formidable mérite que de permettre à chacun de s'exprimer, d'écouter le point de vue d'autrui et d'arriver, je le crois, à un début de convergence. Une sorte de réconciliation conceptuelle, sans doute imparfaite, mais c'est humain…
D'autre part, nous avons eu le mérite d'aller dans le concret. Certes, les traditionnelles postures politiques – quand on est dans la majorité, tout est formidable, quand on est dans l'opposition, tout est mauvais – ont la vie dure : certains jugent que nous allions trop lentement. Le processus est engagé depuis deux ans, c'est vrai, mais regardons concrètement ce qui se passe : ce Grenelle a d'ores et déjà provoqué des changements de comportement. Ainsi, le ministre d'État a engagé des moyens financiers pour les transports urbains, je peux en témoigner en tant que maire d'une des grandes villes de France ; dans le domaine ferroviaire et des lignes à grande vitesse, un programme très ambitieux a été lancé, même si je pense que, ici ou là, on devrait pourrait éviter de rajouter des autoroutes à des autoroutes…
Bien sûr !
Troisième ressenti, qui me fait bien plaisir, à propos du rôle de la France. Sans verser dans le cocorico ni dans l'autosatisfaction béate et aveugle, force est de reconnaître que le Grenelle a mis la France en position d'influencer fortement l'Union européenne avec le paquet climat-énergie. Cette position pourrait être déterminante à Copenhague. Le ministre d'État l'a rappelé comme vous-même, monsieur le secrétaire d'État : l'enjeu est majeur pour la planète et si nous pouvons porter cette mutation au plan mondial, la France aura tout lieu de s'en honorer. On parle souvent de son message universel ; mais si, pour l'heure, nous pouvons déjà porter une part de cette universalité-là, notre travail n'aura pas été vain. Plus tard, nous pourrons nous dire, le soir à la chandelle, que nous avons fait un petit quelque chose qui était plutôt bien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, aujourd'hui, bien sûr, plus personne ne conteste le diagnostic sur l'état de la planète : crise climatique, crise énergétique, dégradation des écosystèmes. Ce quasi-consensus est le résultat du travail de la communauté scientifique, de personnalités et de nombreuses associations qui ont permis cette large prise de conscience. Sans cette prise de conscience, le principe même du Grenelle n'aurait pas été possible. Maintenant, l'heure est à l'action, tout le monde l'a dit, notamment pour revoir en profondeur l'organisation de notre société.
Point par point, le texte que nous discutons contient des avancées ; c'est pour cela que nous l'avons voté en première lecture. Mais, globalement, ce projet de loi manque cruellement d'ambition.
Le Gouvernement a préféré faire l'économie d'un véritable débat politique et idéologique sur le développement durable. Ce débat, je le regrette profondément, a été noyé dans le détail des mesures discutées. Ainsi, la question de la rupture avec nos modes de production et de consommation n'a pas été tranchée ni même abordée.
Quelle que soit l'issue de ce texte, quel que soit l'intérêt de plusieurs dispositions qu'il contient, je redoute qu'il contribue à masquer des enjeux qui le dépassent.
Je redoute le moment où, lorsque le processus du Grenelle de l'environnement sera clos, que quelques mesures emblématiques auront été appliquées, la pression politique sur la question écologique ne redescende. J'espère que ce ne sera pas le cas. En tout cas, notre responsabilité, en tant qu'opposition constructive, sera de maintenir la pression.
Nous serons là pour montrer que, dans plusieurs domaines, une rupture est nécessaire, bien au-delà de ce projet de loi, à bien des égards beaucoup trop timide.
En effet, le Grenelle aurait pu être le lieu d'un débat de fond sur la réorganisation de notre agriculture, sur des visions à long terme, sur les manières de produire, mais également sur les liens entre la production agricole et la consommation.
Au-delà même de l'agriculture, le Grenelle aurait pu être le lieu d'un débat sur la relocalisation de certaines activités économiques et sur la place de la régulation collective dans notre société.
Car, comme vous le savez désormais, la crise économique nous l'a enseigné, le marché ne conduit pas spontanément à des comportements vertueux. Le marché ne nous conduira spontanément ni vers la sobriété énergétique, ni vers l'écoconception des produits, ni vers des modes de déplacement durables. Pour cela, nous avons besoin d'une refonte de notre système fiscal. Nous avons besoin d'investissements publics. Nous avons besoin d'arbitrages budgétaires cohérents.
Le Grenelle de l'environnement est décidément l'occasion de nombreuses annonces, vite oubliées.
Les débats législatifs de l'année 2008 sur les OGM ont montré les écarts entre des déclarations rassurantes et des décisions qui, au final, permettent la coexistence des cultures transgéniques et des cultures traditionnelles ou biologiques. Pourtant, cette coexistence est une chimère !
La crise a donné l'occasion au Gouvernement d'oublier ses engagements.
Ainsi, comme l'a rappelé notre collègue Chassaigne, le texte que nous examinons pourrait être de nature à nous rassurer sur l'importance accordée à la concertation. Malheureusement, l'annonce récente d'un relèvement du seuil de déclenchement des enquêtes publiques, si elle se traduit effectivement dans la réglementation, permettra d'oublier l'environnement dans de nombreux projets.
Cette crise économique, prétexte à plusieurs renoncements, aurait dû, au contraire, être l'occasion d'engager une révolution écologique. Or le plan de relance français est l'un des plus décevants à cet égard : rien ou presque sur la lutte contre la précarité énergétique ni sur la rénovation thermique des logements, une somme dérisoire pour la rénovation des voies ferrées, aucune contrepartie à l'enveloppe consacrée à l'industrie automobile… Et la liste est longue.
La réponse à la crise était pourtant l'occasion de relever le défi de la sobriété énergétique et de la protection des écosystèmes.
Elle était également l'occasion d'une création massive d'emplois. Ce rendez-vous a été manqué puisque le plan de relance ne se consacre à l'environnement qu'à hauteur de 2,3 %. Il suffisait pourtant de suivre le fil conducteur du Grenelle.
Aujourd'hui, huit mois après la première lecture – on nous explique que cela va très vite mais, en fait, deux ans après le début du processus, nous n'avons toujours pas terminé parce que, entre temps, d'autres textes se sont interposés – cette première étape à laquelle nous avons contribué, nous voulons qu'elle se traduise pas uniquement en paroles et en communication mais en actes et surtout en cohérence avec une politique gouvernementale qui prenne réellement en compte l'urgence écologique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux redire ici, en abordant cette deuxième lecture du Grenelle de l'environnement, la contradiction fondamentale entre les orientations libérales de l'Europe, la « concurrence libre et non faussée » que vous appliquez, et les réponses qu'appellent les défis auxquels nous sommes confrontés.
Chacun sait le poids qu'ont les secteurs des transports et de l'énergie dans les émissions de gaz à effet de serre. C'est dire si des mesures fortes devraient y être mises en oeuvre, avec des politiques coordonnées au plan national et européen.
Or, alors que de grandes entreprises publiques intégrées constituaient des atouts pour développer une politique de coopération globale et cohérente, l'objectif imposé est le développement du marché. Un tel objectif, dans le secteur ferroviaire comme dans celui de la production d'électricité, a des conséquences lourdes, d'autant que les entreprises publiques – ou ce qu'il en reste – se sont pliées aux règles du marché.
Ainsi de la question du wagon isolé, que vous refusez, jusqu'à présent, de qualifier « d'intérêt général ». Nous avons entendu, la semaine dernière, en commission des affaires économiques, M. Blayau, président de Geodis. Pour lui, l'aggravation du déficit du fret justifie que la SNCF consacre ses moyens financiers à d'autres priorités que le wagon isolé, abandonnant celui-ci, de fait, aux « opérateurs ferroviaires de proximité », ou OFP.
Il est vrai que la politique menée depuis plusieurs années, les désindustrialisations successives, les annonces de fermetures de lignes et de gares, le manque d'entretien des voies, les politiques de dumping menées par le transport routier, l'autorisation du cabotage routier, l'endettement de la SNCF, l'augmentation des péages, l'interdiction de toute péréquation, ont concouru à créer une situation extrêmement difficile. La suite est logique : le wagon isolé ne serait plus pour la SNCF, mais pour des OFP plus souples, aux normes sociales moins lourdes, sans doute aussi aux règles techniques un peu allégées...
Et, comme il fut dit lors de cette même réunion, il conviendrait, dans cette hypothèse, que les régions s'impliquent pour permettre l'entrée des OFP. Cela pourrait prendre des formes diverses, dont, naturellement, des subventions. La boucle serait alors bouclée.
Nous n'acceptons évidemment pas la fatalité de telles orientations, qui sont les conséquences directes des premières directives libéralisant le secteur, et nous souhaitons que la SNCF joue pleinement son rôle pour l'intégralité du fret ferroviaire.
Il en va de même pour la production d'électricité.
Nous sommes attachés à la sécurité de nos approvisionnements. Et la diversification de nos sources, dans le cadre d'un mix énergétique, avec des contrats de long terme, est une solution confirmée. Notons quand même que ces contrats sont considérés par la Commission européenne comme « contraires aux règles du marché ». Quant au gaz naturel liquéfié, je rappelle que les navires méthaniers peuvent, au milieu de l'Atlantique, changer de direction pour tenir compte de l'évolution des marchés internationaux, ce que ne peuvent pas faire les gazoducs.
Votre souci d'équilibrer les approvisionnements en gaz en recourant au GNL, dans le cadre de la libéralisation du secteur, a amené de nouveaux opérateurs sur le marché. Personne n'est dupe : ils sont là parce que cela rapporte et ils savent que les orientations actuelles joueront au détriment des opérateurs historiques et en leur faveur.
Alors, ça pousse fort pour que des ports méthaniers fleurissent sur les côtes maritimes de l'Europe, au bénéfice de ces nouveaux opérateurs. On oublie un peu vite que les importations de GNL ont baissé dans la dernière période et que la consommation de gaz est prévue à la baisse en 2020 !
Je pense, pour ma part, qu'un port méthanier est nécessaire sur chaque façade maritime : Fos sur la Méditerranée, Montoire sur l'Atlantique et Dunkerque sur la mer du Nord. Mais comment justifier les deux projets du Verdon et d'Antifer ?
Le Verdon est injustifiable !
Après le forcing du président de Poweo, le projet d'Antifer, comme par hasard, a été déclaré « d'utilité publique » le 24 mars – décision connue seulement fin mai, le maire de la commune de Saint-Jouin-Bruneval n'ayant jamais été informé ! Or, on vient d'apprendre il y a quelques jours, comme par hasard, que le président de Poweo a décidé – mission accomplie, sans doute – de vendre ses parts à l'un de ses partenaires, le groupe Verbund,…
…qui deviendrait, dans cette hypothèse – dans ce cas, car c'est plus qu'une hypothèse –, l'actionnaire de référence du groupe privé constitué pour mener à bien l'opération, maintenant qu'elle a été mise sur les rails.
De qui se moque-t-on ? L'intérêt général serait-il devenu synonyme de l'intérêt financier des actionnaires d'une entreprise privée, j'ai nommé Gaz de Normandie ? Nous ne le pensons pas, et nous ne l'admettons pas.
C'est pourquoi j'ai demandé à M. Borloo, par lettre datée du 5 juin, de réexaminer cette qualification d'intérêt général à la lumière des opérations financières auxquelles ce projet donne lieu et des intérêts réels de notre pays. Rien ne serait plus contraire à une action soutenue pour l'environnement que de laisser faire les intérêts financiers, au détriment d'une maîtrise publique aux niveaux national et européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne vais pas enfoncer plus de portes ouvertes que ceux qui se sont exprimés avant moi, mais certainement pas moins non plus. (Sourires.)
Dimanche dernier, il n'a échappé à personne que les Français ont lancé un signal très fort en exprimant leurs soucis concernant l'avenir de la planète. Le problème, c'est que 60 % d'entre eux ne se sont pas déplacés, comme tout le monde l'a dit. C'est peut-être parce qu'il leur manque des explications, ou qu'ils ne comprennent pas trop.
Je dois rappeler ici que, dans ma circonscription, lors du second tour des dernières élections législatives, qui fut une triangulaire – la seule de France –, 90 % des Basques et des Béarnais avaient pris le chemin des urnes, ce qui avait abouti à un record de participation…
L'avenir de la planète suscite une grande inquiétude, tout comme nos paysages. Mais là où le bât blesse – tant pis, je vais faire de la peine à certains –, c'est que les réponses continuent à être apportées par la haute finance, nationale et internationale, dans les pays les plus riches de la planète, qui sont aussi en déficit.
Je ne parlerai pas de Home, bien entendu. Je ne pense que cela n'honore la démocratie française, ni même la cinématographie. Cela fait certainement du bien à Pinault, à PPR, qui s'offrent la plus formidable opération de propagande jamais faite. Je ne néglige pas le talent de Yann Arthus-Bertrand et de Nicolas Hulot, mais ont-ils vraiment besoin de s'en mettre « plein les fouilles » à ce point pour essayer de faire croire à ceux qui sont souvent les plus déshérités que l'on va sauver la planète ? Personnellement, je ne le pense pas, et j'espère qu'un jour viendra où des enquêtes s'ouvriront, pour que l'on sache d'où viennent ces sommes, qui, derrière tout cela, paie et entretient l'illusion.
Cela étant, il ne faut pas se leurrer. Notre pays, même si Jean-Louis Borloo et vous-même, monsieur le secrétaire d'État, l'avez fait beaucoup avancer – et le Grenelle de l'environnement y a contribué –, est un pays figé. C'est un pays qui n'avance plus. Les réserves d'Indiens – qui sont d'ailleurs, de plus en plus, des réserves sans Indiens, et c'est pourquoi il n'y a plus de débat – sont en train de le disputer aux cages à lapins, c'est-à-dire aux banlieues les plus difficiles à vivre, où il est même devenu pratiquement impossible de vivre.
Mais pour le reste, pour ceux qui sont un peu loin, eh bien tant pis : si l'on n'a pas eu la chance de faire une autoroute à temps, on ne la fera jamais. Tant pis si les femmes mettent deux heures pour se rendre à la maternité la plus proche. Ce n'est pas grave : c'est comme ça.
Et quant aux lignes à grande vitesse, qui doivent apporter tant et tant de réconfort, on n'est pas fichu de faire un plan pour l'une d'entre elles sans qu'il soit aussitôt arrêté, parce que l'on a peur des conséquences. On explique tellement à nos concitoyens qu'il n'y aura que des catastrophes partout que, du coup, on n'ose plus rien faire.
Méfions-nous de notre pays, qui n'avance plus. C'est un peu terrifiant. Je mesure certes ce qu'il y a à faire en France et dans le monde entier, mais j'attends le jour où M. Arthus-Bertrand nous montrera, vue d'avion, la cohorte de ces centaines de milliers d'hommes qui quittent leurs territoires de campagne ou de montagne pour aller s'entasser dans les banlieues. Ce jour-là, nous aurons peut-être fait un grand pas dans la compréhension du message qui nous a été envoyé à tous dimanche dernier.
Combien de temps me reste-t-il ? Trois secondes. Je veux dire ici en quelle estime sont tenus les élus de la nation, lorsque le préfet des Hautes-Pyrénées leur écrit, le 8 juin, par e-mail, pour leur demander de faire acte de candidature avant le 12 juin à dix-huit heures pour figurer dans le nouveau conseil d'administration du parc, l'affaire se terminant par une élection qui se tient le 15 juin à quatorze heures. Moins de huit jours pour sensibiliser 250 élus. Bravo la dignité ! Bravo le sens des responsabilités ! Bravo la conscience ! Ça fait chaud au coeur ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nos concitoyens ont placé cette deuxième lecture au coeur de l'actualité, puisque, par leur vote de dimanche dernier, ils ont été nombreux à exprimer combien la préoccupation de l'environnement était à leurs yeux une priorité, une priorité pour eux mais surtout pour notre Europe.
C'est d'ailleurs précisément le sens de l'action qui a été menée par le ministre d'État et par toute son équipe, monsieur le secrétaire d'État, pendant la présidence française. Chacun se souvient notamment de ce qu'a fait la France pour faire adopter le « paquet énergie-climat ».
Les parlementaires français, et je pense tout particulièrement aux députés, avaient eux aussi souhaité s'impliquer dans une démarche forte. Ce fut le Grenelle de l'environnement, puis le vote de la loi « Grenelle 1 » en octobre dernier, à la quasi-unanimité.
Au moment où nous nous apprêtons, en deuxième lecture, à achever l'examen de ce texte, au moment où nous nous préparons au « Grenelle 2 » après en avoir posé les bases, il est temps de décliner concrètement les mesures qui permettront réellement de protéger notre environnement.
Beaucoup disent que ces délais sont longs. Mais il faut rappeler que beaucoup a déjà été fait. Si ce texte fixe les grandes orientations, il faut maintenant aller plus loin que la simple prise de conscience. C'est la raison pour laquelle je voudrais appeler plus particulièrement votre attention, monsieur le secrétaire d'État, sur l'article 41 et sur la collecte des déchets.
Nombreuses sont les agglomérations qui ont instauré une taxe d'enlèvement des ordures ménagères. Pour autant, l'assiette de cette taxe n'a aucun lien avec le service rendu ni, surtout, avec la quantité de déchets produits par nos concitoyens. D'une certaine façon, ses modalités ne les incitent pas à trier, ni à limiter la quantité de déchets produits.
Je suis l'élue d'une agglomération dont la ville-centre compte 43 % de logements sociaux. La taxe a été instaurée en septembre dernier. Le montant moyen prélevé chaque mois sur les ménages par les organismes bailleurs au titre des charges est de 20 euros, soit 240 euros par an. Pour les logements individuels, on est aux alentours de 400 euros par an.
La première réaction que j'ai entendue de nombre de nos concitoyens, c'est le rejet – et la réflexion que, puisqu'ils paient, ils ne trieront plus. La conséquence, c'est l'anéantissement d'années d'efforts, et surtout le renchérissement du coût, les déchets non triés rendant leur élimination plus compliquée. Or, nous le savons, la réduction à la source est un enjeu majeur de la politique des déchets ménagers. L'ADEME estime que la production annuelle moyenne de déchets augmente actuellement de 1,2 % par habitant. C'est dire s'il est indispensable de trouver les moyens de la réduire.
C'est le sens d'un amendement que j'ai déposé, qui a pour objectif de lier la production de déchets par les ménages au coût payé, en instaurant une part variable. Mme Jouanno, qui était présente en commission, a eu pour cet amendement un regard bienveillant et a accepté de porter le délai de mise en place de cette part variable à cinq ans dans l'habitat collectif aussi bien qu'individuel. C'est une ouverture intéressante, que je salue.
Pour autant, nous devons vraiment être plus volontaristes et apporter des réponses très concrètes. D'où mes questions, monsieur le ministre. Pouvez-vous me confirmer l'implication de l'ADEME dans l'expérimentation, que nous avons évoquée en commission, avec les communes qui seraient volontaires ? Quelle échelle entendez-vous donner à cette expérimentation pour qu'elle crée une vraie dynamique dans notre pays ? Plutôt qu'une agglomération, je pense que plusieurs villes doivent y participer afin que nous puissions en retirer des données fiables permettant de progresser plus rapidement sur l'ensemble du territoire. Introduire une part variable, c'est inciter nos concitoyens à limiter leurs déchets, c'est leur offrir la possibilité de payer moins, c'est surtout l'occasion de se mobiliser pour protéger l'environnement.
Cela fait des années que nous en parlons. En ce moment, se déroule le Grenelle de la mer ; on a parlé d'agriculture raisonnée, de viticulture raisonnée. Il serait grand temps que le Gouvernement mobilise l'industrie agroalimentaire en faveur de l'emballage raisonné. Tous ceux qui font leurs courses savent qu'à la suite d'un marché pour une famille, on remplit une poubelle. Si tous les acteurs du secteur agroalimentaire se mobilisaient sur ce sujet, ils accompagneraient l'expérimentation et aideraient à réduire le volume des déchets. C'est cela, protéger concrètement notre environnement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, lors du forum préparatoire du sommet de Copenhague sur le changement climatique, dit forum des économies majeures, qui s'est tenu fin mai, M. Borloo a déclaré que le destin du monde se jouerait probablement dans la capitale danoise. Il faisait ainsi écho aux prévisions du GIEC, selon lequel nous risquons d'« atteindre un point de non-retour s'il n'y a pas la mise en oeuvre rapide d'une diète carbonique, préfigurant une nouvelle civilisation ». C'est dans le contexte de ce compte à rebours que je voudrais placer mon intervention, en traitant de la gestion durable et de la préservation de la forêt à des fins économiques.
Un des points d'achoppement des négociations internationales demeure le problème du financement, notamment du transfert en direction des pays du Sud des fonds indispensables à leur développement durable. Des propositions existent, je veux citer en particulier celle, émise en 2005, d'un marché du carbone susceptible de donner une valeur monétaire aux ressources environnementales des pays du Sud, puis celle, faite en 2006, d'un fonds pour encourager les démarches volontaires des pays en voie de développement. La conférence de Bali a acté le principe que tout effort visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre issues de la déforestation ou à conserver, voire à augmenter les stocks de carbone forestier, doit être rapidement et effectivement récompensé. Tout récemment, au forum des économies majeures, une convergence de vues s'est faite sur un « fonds vert », abondé par la contribution des pays les plus riches, au prorata de leur PIB et de leurs émissions passées et présentes.
Lors de la conférence sur le climat de Poznań, où j'ai eu la chance, avec d'autres collègues, d'accompagner M. le ministre d'État ainsi que Mme Kosciusko-Morizet, alors secrétaire d'État à l'environnement, des mécanismes de financement ont certes été formalisés, mais leur mode et la faiblesse du montant en limitaient grandement l'impact. Or les besoins sont évalués à plus de 100 milliards d'euros par an d'ici à 2020. Dans son propos introductif, M. le ministre a indiqué que l'une des priorités de Copenhague sera bien cette question. Les pays du Sud, dont la Guyane fait partie du point de vue géographique, mais aussi au vu de critères socio-économiques, comptent sur la France pour agir en faveur de son règlement. Le succès ou l'échec de Copenhague en dépend.
Pour revenir au Grenelle de l'environnement et à notre débat franco-français, je vais vous parler de la forêt guyanaise qui couvre 90 % du territoire du département. Certes, la Guyane est française et européenne, mais nous partageons, à maints égards, les caractéristiques du Sud : elle est confrontée à un véritable décrochage de ses indicateurs socio-économiques ; son indice de développement humain la place au quarante-troisième rang mondial – je n'annonce pas ce classement avec fierté. Comme dans les pays du Sud, l'urgence écologique ne peut donc pas être dissociée de l'urgence socio-économique. Je dirai plutôt, comme M. le ministre, qui a le sens de la formule, que la révolution écologique ne peut pas être dissociée d'une révolution socio-économique,...
…d'autant que la population guyanaise va doubler d'ici à vingt ans.
Compte tenu de ses contraintes de développement, la Guyane a besoin de valoriser l'atout que constitue sa forêt. Nous ne pouvons nous permettre d'en faire une vaste réserve naturelle. Au contraire, nous devons rechercher un équilibre entre sa dégradation inévitable et le développement socio-économique. C'est ce que préconise l'étude « Géo-Amazonia » du Programme des Nations unies pour l'environnement, publiée en février dernier, qui met en cause le modèle de développement de l'Amazonie et ses effets environnementaux et sociaux désastreux.
Selon l'INRA, la forêt de Guyane séquestre près de 15 millions de tonnes de C02 par an et contribue à plus de 20 % de l'inventaire national de C02. Il me semble équitable que la valeur de cette ressource, puisqu'il s'agit bien de cela, contribue à répondre aux besoins de la population guyanaise. J'ai déposé un amendement en ce sens et j'espère qu'il sera adopté par notre Assemblée.
Il y a cent soixante et un ans jour pour jour, le 10 juin 1848, l'abolition de l'esclavage était proclamée en Guyane. Ce jour est important pour les Guyanais, il est férié. En ce 10 juin 2009, la Guyane ne quémande pas ; elle ne demande que la juste rétribution de ses ressources, qui participent à la richesse nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Au mois d'octobre dernier, lors de la discussion générale de la première lecture de ce projet de loi, je commençais mon propos en m'exclamant : « Nous y voilà enfin ! » Nos débats succédaient en effet à la formidable mobilisation des acteurs de l'environnement, voulue par le Président de la République et animée par l'équipe du ministre d'État. Quand ce texte, ainsi que le suivant, seront définitivement votés, et qu'ils pourront produire leurs effets, deux années se seront écoulées. Peut-être a-t-on parfois, au ministère, trouvé le temps long. Sans doute nos compatriotes sont-ils également impatients de voir mise en oeuvre cette nouvelle façon de produire et de créer des emplois, cette croissance durable qui va succéder à celle que nous connaissions avant la crise. Cette impatience explique peut-être qu'ils ne portent pas encore au crédit de la majorité présidentielle les nombreuses mesures de protection de l'environnement dont, pourtant, nos familles politiques historiques ont été les initiateurs. Il faut donc accélérer. C'est tout l'objet de cette révolution que représentent les lois « Grenelle 1 » et « Grenelle 2 ».
Accélérer ne signifie pas courir après d'autres expressions fortes en matière d'environnement. C'est plutôt être capables de rester nous-mêmes, de développer notre propre conception de l'écologie. Je voudrais, en quelques instants, l'illustrer par trois exemples : les énergies renouvelables, les biocarburants et la politique des déchets ménagers.
En matière d'énergie, le Président de la République a rappelé à juste titre, hier en Savoie, que la France a fait le choix du nucléaire et qu'elle n'entend pas y renoncer. Mais il a immédiatement ajouté que, pour un euro investi dans le nucléaire, il faudrait désormais en consacrer un autre aux énergies renouvelables pour tenir notre engagement des 23 % en 2020.
Une fois ce principe posé, on a le droit d'espérer et le devoir de tout mettre en oeuvre pour que ce développement des énergies renouvelables se fasse de manière organisée. Le Président lui-même n'a pas eu peur de le rappeler hier : pour que cette politique soit parfaitement acceptée et partagée par le plus grand nombre, l'existence de filières développées sur notre territoire constitue un élément facilitateur. Les 220 000 emplois espérés pour 2020 dans le secteur du photovoltaïque doivent impérativement se concrétiser chez nous pour que nous ne connaissions pas la même mésaventure qu'avec l'éolien. D'autant que, manifestement, le potentiel dans le secteur du solaire est largement supérieur aux objectifs que nous nous fixons.
Dire que les énergies renouvelables doivent se développer sans oublier la protection de nos paysages, c'est tout simplement le bon sens, et c'est, ni plus ni moins, en favoriser l'acceptabilité par l'ensemble de nos concitoyens. De grâce, cessons de fustiger ceux qui tiennent ces discours responsables, en les considérant comme des « anti-éoliens » ! C'est la raison pour laquelle, lors de la première lecture, j'avais souhaité, avec d'autres collègues, – et le président Ollier avait soutenu cette démarche –, précipiter la réalisation des schémas régionaux des énergies renouvelables. Il y a urgence à les lancer pour déterminer, au regard des potentiels locaux, quel niveau de production il est raisonnable d'envisager et comment le faire. Nous avons déjà perdu beaucoup de temps s'agissant de l'éolien. Si, comme on dit, le temps c'est de l'argent, il n'a pas été perdu pour tout le monde, et nous pourrions être confrontés au même problème avec le photovoltaïque. Il faut donc affirmer clairement que le développement des énergies renouvelables est un élément fondamental de notre politique énergétique, et qu'il ne doit pas être réduit à une sorte de cadeau financier à des particuliers ou de subventions à des collectivités territoriales.
Dans cette politique de l'énergie, il y a une place, modeste sans doute, pour les carburants issus de productions agricoles. Nous savons bien qu'exploiter sans limite pourrait se traduire par la déforestation ou par la remise en cause de la destination prioritaire de l'agriculture, c'est-à-dire l'alimentation. Ce n'est pas notre projet. Faut-il pour autant céder aux jusqu'au-boutistes de la terminologie, comme l'ont malheureusement fait nos collègues sénateurs en transformant les biocarburants en « agrocarburants » ? Je ne le crois pas. Affirmons clairement nos objectifs raisonnables dans ce domaine, conservons les outils fiscaux pour y parvenir, mais ne créons pas inutilement la confusion. Tel est l'esprit des nombreux amendements déposés pour rétablir le terme de « biocarburants » que nous avions retenu voilà neuf mois.
Enfin, un mot concernant la politique des déchets ménagers. Là encore, nos objectifs sont clairs : il faut réduire notre production de déchets. Cela n'est concevable qu'avec la participation active de nos concitoyens, comme l'a dit avant moi Catherine Vautrin. Les mécanismes incitatifs prévus par la loi doivent y concourir. Monsieur le secrétaire d'État, leurs conséquences financières ont-elles été finement évaluées pour les collectivités locales compétentes et, par voie de conséquence, pour les ménages ?
Les investissements à réaliser seront-ils compensés en grande partie par les aides nouvelles accordées ? Ne pourrait-on envisager, par exemple, que les services fiscaux assurent également la collecte des recettes quand les collectivités choisissent la redevance plutôt que la taxe, afin de leur éviter des dépenses supplémentaires en matériels et en personnels ?
En résumé, monsieur le secrétaire d'État, la démarche du Gouvernement, celle qu'a voulue le Président de la République, est évidemment la bonne. Nos compatriotes doivent sentir que nous n'y allons pas à reculons, bien au contraire. Cela ne doit pas nous empêcher de porter un regard lucide sur les difficultés de mise en oeuvre, afin de pouvoir, dans quelques années, célébrer ensemble sa réussite, qui sera alors, sans retenue, attribuée à la volonté politique de la majorité présidentielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La discussion générale est close.
La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je souhaite vous remercier pour ce débat qui nous a permis d'aller au fond des choses et d'aborder l'ensemble des sujets.
Nous sommes tous d'accord avec votre constat, monsieur Cochet : l'écologie est une « vision du monde ». Monsieur Plisson, nous avons adopté cette vision du monde, non pas, comme certains, à l'issue des élections européennes, mais deux ans auparavant, à l'issue de l'élection présidentielle, parce que c'étaient les engagements du Président de la République. Le résultat des élections européennes ne fait que conforter le travail effectué en amont avec vous, avec les commissions parlementaires, avec les associations, avec les élus, avec les syndicats, avec les entreprises, comme le rappelait tout à l'heure Serge Poignant.
Monsieur de Rugy, dix-huit mois pour mener une concertation et une révolution d'une telle ampleur, pour aller au fond des choses, pour faire appel aux compétences de chacun, ne me semblent pas constituer un délai déraisonnable. Au cours de cette période, nous avons construit, autour de Jean-Louis Borloo, un texte cohérent, concerté, se nourrissant de l'expérience de chacun.
Comme le soulignait M. Jean Dionis du Séjour, nous n'avons pas souhaité proposer ce texte en urgence.
C'est un choix que nous assumons et que nous revendiquons.
Permettez-moi également de remercier une nouvelle fois le président Ollier, votre rapporteur Christian Jacob, ainsi que l'ensemble des membres de la commission des affaires économiques pour la qualité du travail en commission, auquel nous avons pu participer pour la première fois, comme vous le souhaitiez.
Monsieur Cochet, les échéanciers sont clairs. Nous voulons diviser par quatre nos émissions de C02, nous voulons qu'il y ait 23 % d'énergie renouvelable dans le bouquet final, moins de 38 % de consommation énergétique dans le bâti existant à l'horizon 2020, moins 20 % d'émissions de C02 dans le secteur des transports, Tout cela n'a pas varié, et figure dans le projet de loi.
Comme le soulignait Serge Poignant, le Grenelle de l'environnement ne se limite pas à un seul mode opératoire, mais concerne une pluralité. Ses 270 engagements ne sont pas tous de nature législative. Nous avons utilisé les outils les plus efficaces : la fiscalité écologique, l'écoprêt à taux zéro, la prorogation et l'extension du crédit d'impôt développement durable. Nous avons essayé de « verdir » tout ce qui était possible de l'être. Il faut aussi mentionner les nombreuses conventions d'engagements volontaires comme celles que vous avez signées, monsieur Grouard, avec l'industrie aéronautique, avec les professionnels de la publicité, avec de nombreux responsables.
C'est la création du bonus écologique. C'est la signature de nombreux protocoles de financement de lignes à grande vitesse. C'est l'accélération du projet de canal Seine-Nord-Europe, cher à M. Gest, grâce à la signature d'un protocole avec les régions. C'est l'enveloppe de 800 millions d'euros consacrée aux transports collectifs, M. Grouard l'a rappelé.
Madame Massat, le meilleur moyen de faire cette rupture, ce n'est pas d'en revenir toujours à des discussions sur des principes, c'est d'essayer d'inscrire les choses dans le concret.
Toutes les avancées introduites par l'Assemblée nationale ont été confirmées et validées par le Sénat. C'est le cas de l'institutionnalisation par la loi du comité de suivi du Grenelle et d'autres décisions encore.
Comme l'a rappelé votre rapporteur Christian Jacob, il n'y a pas d'incompatibilité entre la relance de l'économie et son « verdissement ». Mme Ameline l'a dit également, ainsi que M. Hunault, au nom du Nouveau Centre. Je crois, monsieur Chassaigne, que l'on peut difficilement faire mieux. La France, à elle seule, investit plus dans la croissance verte que les USA.
M. de Rugy doit savoir que 35 % des investissements du plan de relance sont directement consacrés à l'accélération des chantiers du Grenelle. Je pense notamment à la rénovation thermique des bâtiments publics ou à la lutte contre la précarité énergétique. Dans le domaine des transports, nous avons prévu une enveloppe très importante pour le développement des infrastructures de transport, pour l'entretien du réseau, pour la relance des investissements de la RATP et de la SNCF. Le contrat de performance signé avec RFF prévoit, monsieur Paul, un doublement du rythme de régénération de notre réseau ferroviaire. Ce sont des investissements sans précédent depuis près de vingt ans. C'est ainsi que nous développerons le fret ferroviaire : par la qualité du service.
Monsieur Manscour, l'outre-mer est au coeur de nos engagements. Mme Berthelot les a également évoqués. C'est le nouveau schéma minier en Guyane, l'abandon du projet d'orpaillage de la montagne de Kaw. C'est l'article 49 du projet de loi de programme sur le développement des énergies renouvelables. C'est toute une série de mesures.
Dans le Grenelle de la mer, dont les groupes de travail ont rendu compte hier, 12 % des participants étaient issus d'outre-mer ; deux délégations se sont rendues aux Antilles et dans le Pacifique. Le Grenelle de l'environnement et le Grenelle de la mer, c'est aussi un Grenelle ultramarin.
Monsieur Chanteguet, le Grenelle de l'environnement constitue la première politique globale de préservation de la biodiversité : c'est la constitution de la trame verte et bleue, c'est la réduction de 50 % en dix ans de la consommation de pesticides, c'est l'introduction d'objectifs chiffrés dans les documents d'urbanisme pour réduire la consommation d'espace, ce sont les plans d'action pour protéger les espèces menacées sur notre territoire, ce sont les aires marines protégées couvrant 10 % des eaux territoriales, c'est enfin la création de nouveaux parcs nationaux.
Un mot sur les espèces envahissantes. Je rappelle que nous avons interdit la commercialisation de certaines espèces végétales sur notre territoire. D'autres arrêtés, en cours d'élaboration, concerneront bientôt d'autres espèces animales. Nous étendrons ces dispositions aux territoires ultramarins.
En ce qui concerne l'énergie. monsieur de Rugy, il faut cesser d'assimiler l'utilisation d'électricité à la seule question du chauffage électrique assuré par des équipements anciens. Avec le Grenelle de l'environnement, l'électricité dans les bâtiments, ce seront de plus en plus des terminaux efficaces, comme les pompes à chaleur, et des énergies renouvelables comme le solaire ou l'éolien. Nous devons donc tenir tous ces objectifs.
La construction de deux EPR n'est pas en contradiction avec les objectifs de réduction de la consommation énergétique.
MM. Gest et Dionis du Séjour ont évoqué les agrocarburants. Nous souhaitons développer les carburants issus de l'agriculture en fonction de leur pertinence environnementale et énergétique. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'une étude approfondie est réalisée sur l'ensemble des acteurs. C'est pour cela aussi que nous développons la recherche sur les carburants issus de produits non alimentaires, dits de deuxième et de troisième génération. C'est une position claire pour tous.
Madame Vautrin, nous avons bien compris vos préoccupations relatives aux déchets. L'expérimentation menée par l'ADEME dans trente communes a montré que l'on pouvait atteindre une réduction de près de 30 % du des déchets des ménages.
Madame Berthelot, nous croyons beaucoup au travail qui doit être réalisé sur la biodiversité ultramarine. Nous y avons beaucoup réfléchi dans les groupes du Grenelle de la mer. Le projet de loi de programmation prévoit aussi un audit de la fiscalité locale et des concours financiers de l'État, afin d'examiner la façon dont nous pourrions récompenser les politiques locales de préservation de la biodiversité, dont nous connaissons l'importance, en particulier en Guyane.
Monsieur Gest, nous ne développerons les énergies renouvelables que si nous sommes capables de les faire accepter par nos concitoyens et si elles respectent l'environnement. Nous devons y veiller dans ce projet de loi.
Monsieur le président, je crois avoir répondu à chaque orateur.
Monsieur Paul, j'aurai l'occasion de m'adresser à vous à d'autres moments. Je connais votre intérêt pour les sujets concernant les transports.
Mesdames, messieurs les députés, je tiens enfin à vous remercier de votre courtoise attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.
La parole est à M. Philippe Tourtelier.
Monsieur le président, mes chers collègues, nous vivons aujourd'hui, dans notre activité parlementaire, un moment un peu singulier, puisque nous examinons en deuxième lecture un projet de loi qui a été adopté à la quasi-unanimité en première lecture, ce qui est peu fréquent.
Pourtant, cette situation particulière ne paraît pas avoir été prise en compte dans la façon dont vous abordez cette deuxième lecture, que vous semblez considérer comme une simple formalité, votre but étant d'adopter le texte le plus vite possible.
Cet empressement ne doit pas se faire au détriment du consensus élaboré lors de la première lecture, dont on a besoin si l'on veut que notre pays dans son ensemble se saisisse de ces questions dans la durée, au-delà des alternances ou des recompositions politiques.
Le Parlement s'est appuyé sur les consensus du Grenelle pour enrichir le texte et se l'approprier. Pourquoi avoir, en commission, cassé ce mouvement en ne rouvrant à la discussion que certains articles et en nous prévenant – ce qui a toutefois le mérite de la franchise – que nos amendements seraient discutés mais pas adoptés ? Ce faisant, vous ne respectez pas les promesses faites en première lecture, où nous avons accepté de ne pas défendre tous nos amendements sur la deuxième partie du texte pour pouvoir voter celui-ci avant le début de la négociation sur le « paquet énergie-climat ». Mais, surtout, vous édulcorez cette deuxième lecture au détriment de son enrichissement, de sa crédibilité et de la solidité du consensus de la première lecture.
En effet, depuis le mois d'octobre 2008, le contexte a beaucoup évolué à cause de la crise, ou plutôt de la prise de conscience des crises, et le texte aurait donc mérité une véritable seconde lecture. Les analyses se succèdent, la plupart parlant de « crise systémique », c'est-à-dire de remise en cause des modèles sur lesquels nous vivions jusqu'à présent. C'est pourquoi nous nous félicitons que vous ayez accepté en première lecture notre amendement replaçant le Grenelle de l'environnement dans la problématique plus vaste du développement durable.
Encore faut-il passer des discours aux actes. Les plans de relance ont-ils été l'occasion de ces nouvelles approches ? Malheureusement non ! S'il était légitime de répondre d'abord au court terme, ce n'était pas contradictoire avec la préparation d'une sortie de crise par la réorientation de nos économies. D'autant plus que les opinions publiques sont prêtes : une étude internationale de juin 2008 montre que dans les pays développés le lien entre la crise économique et la crise écologique est de plus en plus établi. Mais la même étude ajoute : « La crise a accentué le décalage entre la façon dont les gouvernements posent les problèmes et la façon dont les opinions les perçoivent. Il existe le sentiment que de cette crise globale il pourrait sortir quelque chose de positif, à condition que l'argent public qui est injecté dans l'économie mondiale serve à préparer un autre avenir. »
Or, la question écologique semble reléguée au second plan dans les décisions prises, et il est à craindre qu'avec une sortie de crise non orientée, on ne reparte dans les mêmes errements en aggravant la crise écologique.
Le succès ou l'échec du Grenelle de l'environnement est donc étroitement lié aux décisions politiques, économiques et sociales. Jusqu'ici, celles-ci ne tenaient pas compte de l'écologie. C'est un bouleversement culturel qui est attendu dans nos prises de décisions collectives, avec le renoncement à des modèles de référence ou à des idéologies prétendues justes parce que dominantes à un moment donné,
J'ai eu l'occasion de m'exprimer en première lecture sur le caractère fondamental du passage de la croissance au développement ; je n'y reviendrai donc pas. Je compléterai en évoquant deux nouveaux repères issus de l'analyse des crises : la limite et la proximité.
Il me semble que, pour poser les problèmes, il faut se référer à la notion de limite, et qu'il faut, pour tenter de les résoudre, promouvoir la notion de proximité.
Réhabiliter la notion de limite est, dans nos sociétés de plus en plus individualistes où la défense inconditionnelle de la liberté semble parfois illimitée, un enjeu culturel fort. Cette démesure, cette ubris pour reprendre le terme d'Aristote, vient de s'exprimer mondialement dans la crise financière. Il est urgent de restaurer la notion de limite, donc de régulation, dans notre culture.
Ces limites s'imposent d'abord à nous avec la crise écologique. Nous vivons dans un monde fini et nous devons en tirer dès aujourd'hui toutes les conséquences en termes de production et de consommation.
Le système économique actuel nous conduit, dès ce siècle, à une crise d'épuisement des ressources naturelles qui concerne non seulement les énergies fossiles – ce dont nous commençons à avoir conscience –, mais aussi beaucoup de matières premières indispensables aux technologies actuelles – ce dont nous parlons beaucoup moins.
Penser que les progrès technologiques apporteront toutes les solutions est un pari très risqué. Plus que jamais, il faut investir dans la recherche, car il serait très présomptueux de considérer que nous sommes arrivés au sommet de la connaissance scientifique, d'autant que les progrès actuels abolissent les frontières entre des disciplines autrefois séparées. Les nanotechnologies ouvrent de vastes horizons vers la recherche de techniques permettant de garder ou de retrouver sous d'autres formes certains services dont nous bénéficions dans notre mode de vie actuel. Cela étant, nous n'échapperons pas à une réflexion sociétale sur les risques et sur l'acceptation de ces technologies.
En attendant que nous ayons trouvé ces éventuels produits de substitution, il est indispensable, dès maintenant, de se projeter dans l'avenir. Il est urgent de corriger notre comptabilité quantitative de type PIB, qui ne concerne que les flux, par une comptabilité patrimoniale permettant d'optimiser la consommation de toutes les ressources actuellement non renouvelables. Une production durable implique la prise en compte des limites liées à la disponibilité des matières premières.
De même, pour être durable, notre consommation doit respecter la capacité de notre planète finie à éliminer ou à recycler nos déchets. Parallèlement à la crise d'épuisement accéléré des ressources naturelles, nous vivons une crise d'élimination de nos déchets, en particulier avec le changement climatique, car la quantité des émissions de gaz à effet de serre dépasse la capacité de notre planète à les recycler.
Nous connaissons les conséquences potentiellement dramatiques, sur le plan social, économique et politique, d'une élévation excessive des températures. Sans sombrer dans le catastrophisme, nous ne sommes pas à l'abri de phénomènes de rupture qui pourraient emballer le processus de réchauffement climatique.
Je ne prendrai qu'un seul exemple car, malheureusement, comme Chantal Berthelot vient de le rappeler, vous avez refusé nos amendements sur ce sujet : le risque de disparition, à terme, de ce que l'on appelle parfois le « poumon vert » de la planète, je veux parler de la forêt amazonienne. Actuellement, la densité de la végétation entretient une humidité suffisante pour provoquer les précipitations qui assurent, dans un effet rétroactif vertueux, la pérennité de cette densité. Il faut trouver l'équilibre que Chantal Berthelot appelle ses voeux, et qui passe par des mesures économiques et sociales. La progression sauvage de la déforestation affaiblit le système, provoquant feux de forêt, sécheresse et baisse des précipitations. Ajoutons à cela que, selon le GIEC, un réchauffement supérieur à 2,5 ou 3 degrés provoquerait un changement majeur de l'équilibre écologique de notre planète. Les puits de carbone végétaux deviendraient des sources nettes d'émissions de CO2 et « l'Amazonie se transformerait en savane, ce qui entraînerait un réchauffement supplémentaire du climat de un degré ».
Vous comprenez donc pourquoi nous avons, en première lecture, proposé un amendement, que vous avez accepté, sur l'urgence de la mise en place des politiques du Grenelle et sur l'importance de la mobilisation de nos concitoyens.
Mais le changement culturel nécessaire à la mobilisation de tous ne se fera que si la notion de limite, imposée par la crise écologique, se retrouve dans les domaines économiques et sociaux. Ces derniers temps, de nombreux écrits sont parus s'interrogeant sur la capacité du capitalisme à répondre à la crise, voire sur son avenir. Dès 2004, André Comte-Sponville écrivait que le capitalisme est « amoral » plutôt qu'« immoral ». Et il ajoutait : « Si l'on entend par “moraliser le capitalisme” le fait de lui imposer, de l'extérieur, un certain nombre de limites qui le rendraient moralement moins choquant, c'est évidemment nécessaire ». Il poursuivait : « L'économie n'est pas seulement tendue vers le bien-être ou la richesse, mais vers la cupidité, qui est une passion comme telle subjective, déraisonnable et démesurée. » Des limites à cette démesure liée à la cupidité sont nécessaires, en particulier en matière de rémunérations ou d'accumulation de richesses. La réponse à cette demande sociale de plus en plus forte ne réside évidemment pas dans le décret du Gouvernement limitant les rémunérations des patrons de la dizaine d'entreprises qui ont reçu une aide de l'État.
La crise appelle une redéfinition générale de nos systèmes. La perception et l'acceptation, par nos concitoyens, de limites dans le domaine écologique, sont liées à l'établissement de limites dans le domaine de l'économie et des inégalités sociales. M. le ministre d'État a dit tout à l'heure que la transition ne posait pas de problème, mais celle-ci n'a pas eu lieu : nous sommes seulement dans un processus vers une transition.
La nécessaire mobilisation collective ne pourra pas se faire sur fond d'injustices sociales. C'est aussi vrai en France qu'au niveau international. Lorsque l'on constate des gains individuels aussi faramineux qu'injustes, alors que 900 millions d'êtres humains ne mangent pas à leur faim, on ne peut que souscrire au jugement d'Hervé Kempf datant de février dernier : « L'avidité obscène de cette oligarchie sans morale a fini par menacer la société humaine, puisque le bouleversement économique et écologique menace de nous plonger dans le chaos. »
Malheureusement, en France aussi, nous connaissons cette obscénité, en particulier avec le bouclier fiscal qui, alors que nous sommes en crise, protège non les plus faibles et les plus démunis, c'est-à-dire ceux qui souffrent, mais les plus riches !
La crise vous donne une vraie raison de suspendre cette mesure inique : alors faites-le !
Utilisez plutôt les 450 millions d'euros que vous récupérerez pour faire un « bouclier climatique » pour les plus démunis, en créant un fonds d'aide à la transition énergétique leur permettant, par exemple, de changer leur système de chauffage, ce qui serait beaucoup plus efficace que de les aider de temps en temps, en fonction des prix du baril, à remplir leur cuve de fioul ! Comment demander aux milliers de ménages qui ont des problèmes immédiats pour boucler leurs fins de mois, et qui voient que l'on protège les plus riches qui continuent à gaspiller, de penser aux générations futures et au changement climatique ?
L'enrichissement individuel est légitime lorsqu'il correspond à une juste rémunération. Illimité, il devient injuste et rend impossibles l'émergence et la réalisation d'un projet collectif de transformation de notre société répondant à la crise écologique.
Seul le sentiment de l'effort partagé créera la cohésion sociale indispensable pour réussir les mobilisations individuelles qui permettront la transformation de nos modes de production et de consommation. Sans ces limites, la crise mettra en péril nos démocraties car les décisions s'imposeront de façon autoritaire.
Ce qui est vrai pour notre pays l'est aussi au niveau international. Dès 1987, le rapport Brundtland soulignait que la meilleure façon de parvenir à un développement durable était de lutter contre la pauvreté. Lors de la conférence de Poznań, nous avons constaté que les discussions les plus difficiles étaient celles qui concernaient le montant et la répartition des sommes dégagées par les politiques climatiques pour aider les pays en voie de développement, ceux-ci n'ayant d'ailleurs plus confiance dans les engagements des pays riches, tant ils constatent chaque jour les retards pris dans l'application des Objectifs du Millénaire.
En France, Jacques Chirac avait fait la promesse que notre aide au développement atteindrait 0,7 % du revenu national brut en 2012 – engagement repris par le président Sarkozy lorsqu'il a reçu les ONG en 2008, mais dont l'échéance a été repoussée à 2015. Or nous sommes à peine à 0,4 %. Il faut donc inscrire la promesse de nos présidents dans cette loi d'orientation, en complétant l'alinéa 11 de l'article 42. À défaut, quelle crédibilité aurons-nous à Copenhague lorsque nous promettrons que les politiques pour lutter contre le réchauffement climatique seront l'occasion de ressources nouvelles pour les pays en voie de développement ?
Ainsi, que ce soit au niveau international ou national, la lutte contre le réchauffement climatique passe-t-elle par l'établissement de limites dans les écarts de richesse. Si nous devons retrouver la notion de limite pour poser les problèmes, il nous faut également retrouver la proximité pour tenter de les résoudre.
Il s'agit d'un changement culturel profond, à une époque où l'on ne parle plus que de mondialisation. Nous ne nions pas la réalité de la mondialisation, et nous reconnaissons que, dans certains domaines, elle est positive et irréversible. Mais là encore, que ce soit au niveau international ou dans notre pays, la crise écologique nous oblige à en faire une analyse critique en réhabilitant la notion de proximité. La division internationale du travail oblige à transporter les marchandises d'un bout à l'autre du globe pour les fabriquer dans un endroit, les assembler dans un autre, les conditionner ailleurs, avant de les consommer. Ainsi, le capitalisme contemporain, du fait de son libre-échange généralisé, est énergivore, monsieur le ministre des transports, et constitue l'une des causes importantes de l'explosion des émissions de gaz à effet de serre. La théorie de l'avantage comparatif, qui fonde ces échanges, n'inclut pas les externalités environnementales, comme le dégagement de CO2 ou la déforestation. Les nouveaux liens écologiques et économiques engendrés par la mondialisation doivent être analysés par l'OMC, avec leurs conséquences sociales et environnementales. Alors, nous pourrons établir des règles permettant de garder le meilleur de la mondialisation économique, tout en évitant ses dérives sociales et environnementales. Si la notion de proximité permet de diminuer les coûts énergétiques au niveau international, c'est aussi vrai dans notre pays, dans le domaine économique et social.
Les transports et les déplacements étant les secteurs où nous sommes le plus désarmés, il nous faut revoir nos systèmes de production, de distribution et de consommation, en recherchant les circuits courts et en nous recentrant sur nos besoins plutôt que sur nos désirs. L'analyse du cycle de vie des produits pourra nous permettre, à chaque étape, d'optimiser les coûts en CO2 en recourant au maximum à un approvisionnement de proximité. Il faut aussi développer la production énergétique décentralisée, appuyée sur un réseau national assurant la sécurité de l'ensemble. Nous devons enfin soutenir l'économie sociale et solidaire, dont le but n'est pas un enrichissement des actionnaires qui se fait trop souvent au détriment de l'environnement, mais une production de biens et de services compatibles avec le développement durable.
Dans la mesure où vous ne nous avez pas permis de débattre en commission, monsieur le président de la commission, ayez au moins la courtoisie de m'écouter au lieu de distraire mes collègues de groupe... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Pour la distribution, le système des grandes surfaces périphériques, accessibles uniquement en voiture, semble à terme condamné. C'est pourquoi les orientations de la loi LME ou la régularisation du travail du dimanche sont des contresens.
Il faut développer les commerces de proximité, qui devront aussi servir de dépôts pour les produits commandés par Internet, résolvant ainsi le problème de livraison lié au « dernier kilomètre ».
Quant à la consommation, si on veut qu'elle soit « durable », il faut d'abord là aussi poser des limites à la publicité qui nous incite à consommer toujours davantage, en nous faisant prendre nos désirs pour des besoins.
Il ne sert à rien de voter l'article 48 qui prône l'éducation au développement durable, si l'on laisse en même temps les publicitaires s'approprier le « temps de cerveau disponible » des enfants – qui, en moyenne, regardent la télévision plus de trois heures par jour – pour les inciter à consommer ou, pire, à faire consommer leurs parents, au détriment de leur santé. Pensons aux débats sur la publicité et l'obésité. Les quelques amendements que nous avons déposés dans ce sens ont été refusés, nous le regrettons. Il ne s'agit pas de supprimer la publicité, mais de la réorienter et de la rééquilibrer vers sa fonction d'origine, à savoir l'information.
S'en remettre à la régulation volontaire de la publicité par les professionnels eux-mêmes – article 47 – est très insuffisant et donnera les mêmes résultats que la prétendue autorégulation des marchés. Est-il moral d'autoriser la publicité destinée aux enfants ? Compte tenu des moyens considérables de la publicité, la loi doit davantage définir le rôle qu'elle peut jouer dans l'émergence de cette nouvelle économie compatible avec nos objectifs sociaux et environnementaux. Nous devons passer, en effet, d'une économie de gaspillage à une économie de fonctionnalité. La valeur d'usage reprend le pas sur la valeur de possession. L'économiste Michèle Debonneuil parle de l'émergence d'une économie « quaternaire », remettant en cause nos trois secteurs traditionnels d'analyse – primaire, secondaire, tertiaire – avec l'arrivée de produits qui ne seront « ni des biens, ni des services, mais de nouveaux services incorporant des biens ». Elle ajoute : « Nous passons d'une économie de l'« avoir plus » à une économie de l'« être mieux » ». Or pour cette mise à disposition de nouveaux services incorporant des biens et pour leur maintenance, la proximité jouera un rôle de plus en plus important. Cette nouvelle économie doit également nous amener à raisonner différemment en termes d'emploi et de droits sociaux.
Aujourd'hui, la théorie de l'avantage comparatif s'applique du niveau mondial au niveau local, induisant une production éclatée, avec des conséquences très négatives en termes environnementaux, dues aux émissions de CO2 liés aux transports des produits, mais aussi – on l'oublie trop souvent – des conséquences sociales liées à la remise en cause du droit du travail pour favoriser la mobilité liée à ce type de production, qui conduit beaucoup de salariés à la précarité.
Ainsi, pour un couple dont les deux membres travaillent – ce qui est le cas le plus fréquent –, comment concilier vie de famille et exigences croissantes de mobilité ? Pourquoi l'âge de la mère au premier enfant est-il désormais en moyenne de trente ans alors que, pour notre génération, il se situait entre vingt et vingt-cinq ans ? En fait, la nouvelle génération a légitimement besoin, pour se projeter dans le futur, d'un minimum de sécurité, en particulier dans le travail, qui conditionne les revenus.
L'espérance de vie augmente et les femmes font des études plus longues !
La déréglementation du droit du travail et l'éloge de la mobilité font perdre à notre économie au moins cinq ans, comme en témoignent les délais pour l'installation en couple. Se préparer à l'économie « quaternaire », au retour de la proximité, c'est mettre dès aujourd'hui un terme à la déréglementation du droit du travail et au développement de la mobilité, synonyme de précarité. C'est aussi arrêter le mouvement de concentration et de réduction des services publics, fondé sur des analyses financières et économiques antérieures à la crise. Vous avez refusé notre amendement visant à instaurer un moratoire sur la réorganisation des services publics alors qu'il était la simple application de l'article 42 tel qu'il a été adopté en première lecture au titre IV, « L'État exemplaire » : « L'État doit, comme toute collectivité publique, tenir compte dans les décisions qu'il envisage de leurs conséquences sur l'environnement. ». La réorganisation de la carte judiciaire, de la localisation des casernes, des hôpitaux et cliniques, des missions de services publics comme celles de La Poste relèvent de décisions de l'État. Elles doivent être soumises au principe posé dans l'article 42 si l'on veut que la loi de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement soit crédible et que l'État soit véritablement exemplaire.
Gelez donc ces décisions et évaluez les conséquences environnementales des déplacements supplémentaires qu'elles occasionnent. Vous vous préparerez ainsi au retour de l'exigence de proximité et vous éviterez à vos successeurs de prendre dans moins de vingt ans des décisions contraires, imposées par les contraintes environnementales.
Pour finir (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), je soulignerai qu'entre la première lecture de cette loi, en octobre 2008, et aujourd'hui, les analyses de la crise ont permis de dégager des axes de sortie qui passent par des changements collectifs profonds dans nos analyses et nos comportements, en particulier par le retour des notions de limite et de proximité. Nous nous situons dans un contexte très différent de celui de la première lecture. Pour être crédible à terme, cette loi, dont l'examen a été plusieurs fois différé, doit prendre en compte cette évolution. C'est pourquoi nous vous demandons d'adopter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
J'aimerais apporter quelques précisions sur le travail mené en commission.
En première lecture, les discussions en commission ont duré près de trente et une heures. Le texte a été voté à l'unanimité moins quatre voix par notre assemblée. Le Sénat n'a rien retiré aux dispositions que nous avons votées, et a même fait des ajouts utiles.
En deuxième lecture, nous avons eu plus de douze heures trente de discussions en commission, en présence des trois ministres concernés, que je tiens à remercier. Ils ont pu répondre chaque fois que vous les avez interrogés sur les amendements dont le nombre total s'élève à 850, dont 187 déposés dans le cadre de la procédure de l'article 88. J'ajoute que 84 ont été adoptés, dont un tiers venant de l'opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
J'estime que la commission a fait son travail. C'est pourquoi je vous demande, chers collègues, de bien vouloir rejeter cette motion de renvoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je tiens à remercier la commission qui, pour la première fois, a associé le Gouvernement à ses travaux, lesquels se sont déroulés de manière remarquable ; je confirme que nous avons pu répondre aux sollicitations du président et du rapporteur. Je soutiens donc la position de M. le président de la commission.
Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe du Nouveau Centre.
Monsieur Tourtelier, sachez que j'ai beaucoup apprécié la teneur de votre intervention. Vous avez posé une question essentielle : celle du financement du Grenelle.
Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la discussion des articles.
Cela dit – j'avais pris l'engagement d'être bref auprès du président de la commission, je m'y tiens –, nous ne voterons pas la motion de renvoi en commission car nous estimons qu'il est temps d'achever nos travaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, nous voterons, pour notre part, cette motion de renvoi.
Nous partageons le constat sur lequel repose le projet de loi : le réchauffement climatique constitue le défi majeur du XXIe siècle. C'est un phénomène dont l'évolution est particulièrement rapide : on n'a jamais connu à l'échelle d'un siècle de changements d'une ampleur aussi grande que ceux auxquels nous assisterons dans les décennies à venir. C'est un phénomène global : la totalité de la planète est affectée. Des pollutions émises en Chine ont des répercussions sur tous les continents. C'est surtout un phénomène qui se nourrit d'une grande inertie : l'insouciance d'aujourd'hui se paiera demain et après-demain.
Nous sommes aussi d'accord avec l'objectif des trois fois 20 % : 20 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre, 20 % d'augmentation de l'efficacité énergétique, 20 % d'énergies renouvelables.
Néanmoins, nous n'acceptons pas que certains articles n'aient pu être examinés en commission en deuxième lecture parce que vous n'avez pas voulu en ouvrir la discussion.
Par ailleurs, j'estime que nous avons pris trop de temps. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
À l'urgence écologique s'est opposée la lenteur parlementaire. Le dispositif du Grenelle de l'environnement a été mis en place en septembre 2007, mais sa traduction législative n'a commencé qu'en octobre 2008. Nous sommes en juin 2009 et nous entamons seulement la deuxième lecture. Sur d'autres textes, vous avez su vous montrer plus rapides, même si le Conseil constitutionnel ne vous a pas suivis…
La question des financements reste une question majeure, monsieur le secrétaire d'État. On ne peut se satisfaire de phrases telles que « l'État étudiera la création d'une contribution dite “climat-énergie” ». Nous devons avancer plus vite, trouver des moyens de financement pour la recherche et le développement en particulier s'agissant du stockage de l'électricité, de la filière de l'hydrogène ou du captage du CO2. À cet égard, je regrette que certaines associations aient déposé un recours contre une expérimentation portant sur le stockage et le captage de CO2 dans notre pays.
Je souhaite que nous soyons plus volontaristes et prenions davantage en considération la dimension internationale et les relations Nord-Sud, ainsi que les rapports avec les collectivités territoriales. La TIPP rapporte 25 milliards d'euros par an. Vous vous honoreriez en indiquant qu'une grande part de son produit devrait être mise à disposition de collectivités locales afin de leur permettre de mener une vraie politique de développement durable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Le groupe GDR votera, sans demander de suspension de séance (Sourires), la motion de renvoi en commission défendue par Philippe Tourtelier, dont les arguments nous paraissent pleinement fondés.
Certes, les débats en commission ont été riches et plus approfondis que ceux qu'on a pu connaître pour de précédents textes de loi. Néanmoins, nous ne pouvons nous satisfaire du sort réservé à certains amendements. En première lecture, des amendements avaient été rejetés au motif qu'ils seraient satisfaits par le « Grenelle 2 ». Maintenant que nous connaissons la teneur du « Grenelle 2 », ces arguments ne peuvent plus nous être opposés. Aussi a-t-on prétendu qu'il fallait éviter de rouvrir, comme la boîte de Pandore, la discussion sur certains articles si bien que nous avons été privés de débats extrêmement intéressants. Cette pratique n'est pas tolérable et justifierait à elle seule le renvoi en commission.
Pour citer un exemple, je prendrai le cas de l'un de mes amendements, relatif aux haies, qui était d'une extrême importance. Il posait en effet un problème de fond : savoir si la réponse à la biodiversité devait se limiter à une « trame verte », avec des territoires circonscrits où la biodiversité serait maintenue, ou si, au contraire, elle devait être plus diffuse, avec, entre autres solutions, les haies. Le débat n'a pas eu lieu car cet amendement concernait un article qu'on a refusé de rouvrir à la discussion.
Par ailleurs, l'usage de l'article 40 a été abusif dans certains cas précis, monsieur le président de la commission.
Ainsi a-t-il été opposé à un amendement visant à imposer des exigences thermiques dans le logement social, alors même que le ministre nous fait la démonstration depuis des mois que les dépenses destinées à augmenter l'efficacité énergétique, loin de constituer un coût supplémentaire, seront compensées par un retour sur investissement grâce aux économies d'énergie qu'elles permettront. Ce n'est pas acceptable.
Nous sommes donc en droit de nous poser des questions. Dans un débat aussi important, on ne peut se permettre de rejeter d'un revers de main des amendements appelant des discussions de fond. Demain, nous paierons l'absence de débat que nous subissons aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la deuxième lecture du projet de loi relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures quinze.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma