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Intervention de Jean-Paul Chanteguet

Réunion du 10 juin 2009 à 15h00
Grenelle de l'environnement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Chanteguet :

Monsieur le ministre d'État, vous en conviendrez, nous assistons aujourd'hui à une course de lenteur. Alors que l'on essaie de faire croire à nos concitoyens que les textes législatifs déclinant les 270 engagements du Grenelle de l'environnement ont été votés, nous n'en sommes en réalité qu'à l'examen en deuxième lecture du texte sur la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, texte qui n'est que d'orientation, voté par le Sénat il y a quatre mois et dont l'adoption définitive n'interviendra peut-être pas avant la fin de la session extraordinaire en juillet.

À ce jour, au-delà des trente-cinq mesures fiscales vertes inscrites dans le projet de loi de finances pour 2009 et le projet de loi de finances rectificative pour 2008, aucun texte législatif n'a été définitivement adopté, ni celui que nous examinons actuellement ni celui portant engagement national pour l'environnement, qui constituait, comme vous l'avez indiqué, la troisième brique du processus législatif du Grenelle et qui, après avoir fait l'objet d'un dépôt sur le bureau du Sénat en janvier 2009 et d'une déclaration d'urgence, ne serait, nous dit-on, inscrit à l'ordre du jour de la Haute assemblée qu'au quatrième trimestre 2009.

Monsieur le ministre d'État, nous connaissons la donnée nouvelle que constitue l'apparition de la crise financière mondiale. Nous pouvons déjà en mesurer très concrètement l'impact sur l'endettement de la France de même que sur son déficit budgétaire, qui devrait plus que doubler en 2009. Mais nous comprenons aussi l'impatience de nombreuses associations qui furent des acteurs des comités opérationnels du Grenelle de l'environnement.

J'ai lu que, d'ici à 2020, 440 milliards d'euros devraient être au total dépensés, dont 23 milliards pour la biodiversité ; mais j'ai du mal à croire que de tels objectifs puissent être atteints alors qu'à ce jour seulement 7,3 milliards d'euros ont été engagés pour la période 2009-2011, dont seulement 162 millions pour la biodiversité.

La lutte contre le changement climatique et celle pour la préservation de la biodiversité se situent au premier rang des priorités. Il s'agit bien de deux défis liés et d'égale importance dans la mesure où les effets des changements climatiques sont plus ou moins forts selon les modifications qu'ils induiront ou non au niveau de la biodiversité, laquelle, en sens inverse, est susceptible de moduler l'ampleur de ces changements.

Le projet de loi que nous examinons en deuxième lecture est totalement muet sur un point : il n'explique pas pourquoi nous devons protéger la biodiversité. La raison en est simple, mais il est utile de la rappeler.

La biodiversité et les écosystèmes au sein desquels elle s'exprime fournissent un grand nombre de biens et de services qui soutiennent la vie humaine : fourniture des aliments, des combustibles et des matériaux de construction, purification de l'air et de l'eau, stabilisation et modération du climat de la planète, modération des inondations, des sécheresses, des températures extrêmes et des forces éoliennes, génération et renouvellement de la fertilité des sols, maintien des ressources génétiques contribuant à la variété des cultures et à la sélection des animaux, des médicaments et d'autres produits, sans oublier des avantages culturels, récréatifs et esthétiques.

À l'échelle globale, la biodiversité doit être considérée dans ses rapports avec les enjeux majeurs que constituent, entre autres, la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire, l'approvisionnement en eau potable, l'énergie ou l'évolution du climat. C'est pourquoi les Nations unies, à l'occasion de leur journée internationale de la biodiversité, ont adopté comme slogan : « La biodiversité, une assurance vie pour notre monde en changement ». Ainsi, la biodiversité n'est plus uniquement perçue à travers le prisme de la conservation de la nature pour elle-même ou de la sauvegarde de certaines espèces emblématiques.

Nous connaissons les raisons de l'érosion de la biodiversité à l'oeuvre depuis de nombreuses années : modification et fragmentation des habitats, pollution, introduction d'espèces envahissantes, surexploitation. Agir sur ces facteurs est urgent, prioritaire, les changements climatiques risquant à l'avenir d'accroître encore les pressions qui s'exercent aujourd'hui sur cette biodiversité.

Monsieur le ministre d'État, le 16 mai dernier, vous avez mis au défi la journaliste du Monde qui vous interrogeait de citer une mesure, sur les 270 que compte le Grenelle, qui n'ait pas été engagée. Je ne vous demanderai pas de nous faire un point précis sur la mise en oeuvre de chacune d'entre elles ; j'en évoquerai seulement deux.

La trame verte et bleue d'abord, dont nous nous félicitons qu'elle avance à bon train : à ce jour, sous la responsabilité du sénateur Paul Raoult, le COMOP a déjà rendu un rapport général de problématique et d'orientation, proposé un projet de texte législatif, contenu dans le projet de loi portant engagement national pour l'environnement, et formalisé des orientations nationales, avec la rédaction de trois projets de guides, dont les deux premiers sont actuellement soumis à l'avis des Français dans le cadre d'une consultation publique.

En revanche, la mise en oeuvre de plans de lutte contre les espèces exotiques envahissantes se limite, à croire ce qu'en dit le site de votre ministère, à inviter tous les citoyens à « s'informer et agir pour éviter la prolifération et limiter l'impact de ces espèces »… Avec des plans pareils, les espèces exotiques envahissantes ont de beaux jours devant elles !

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