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Intervention de Philippe Tourtelier

Réunion du 10 juin 2009 à 15h00
Grenelle de l'environnement — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Tourtelier :

En attendant que nous ayons trouvé ces éventuels produits de substitution, il est indispensable, dès maintenant, de se projeter dans l'avenir. Il est urgent de corriger notre comptabilité quantitative de type PIB, qui ne concerne que les flux, par une comptabilité patrimoniale permettant d'optimiser la consommation de toutes les ressources actuellement non renouvelables. Une production durable implique la prise en compte des limites liées à la disponibilité des matières premières.

De même, pour être durable, notre consommation doit respecter la capacité de notre planète finie à éliminer ou à recycler nos déchets. Parallèlement à la crise d'épuisement accéléré des ressources naturelles, nous vivons une crise d'élimination de nos déchets, en particulier avec le changement climatique, car la quantité des émissions de gaz à effet de serre dépasse la capacité de notre planète à les recycler.

Nous connaissons les conséquences potentiellement dramatiques, sur le plan social, économique et politique, d'une élévation excessive des températures. Sans sombrer dans le catastrophisme, nous ne sommes pas à l'abri de phénomènes de rupture qui pourraient emballer le processus de réchauffement climatique.

Je ne prendrai qu'un seul exemple car, malheureusement, comme Chantal Berthelot vient de le rappeler, vous avez refusé nos amendements sur ce sujet : le risque de disparition, à terme, de ce que l'on appelle parfois le « poumon vert » de la planète, je veux parler de la forêt amazonienne. Actuellement, la densité de la végétation entretient une humidité suffisante pour provoquer les précipitations qui assurent, dans un effet rétroactif vertueux, la pérennité de cette densité. Il faut trouver l'équilibre que Chantal Berthelot appelle ses voeux, et qui passe par des mesures économiques et sociales. La progression sauvage de la déforestation affaiblit le système, provoquant feux de forêt, sécheresse et baisse des précipitations. Ajoutons à cela que, selon le GIEC, un réchauffement supérieur à 2,5 ou 3 degrés provoquerait un changement majeur de l'équilibre écologique de notre planète. Les puits de carbone végétaux deviendraient des sources nettes d'émissions de CO2 et « l'Amazonie se transformerait en savane, ce qui entraînerait un réchauffement supplémentaire du climat de un degré ».

Vous comprenez donc pourquoi nous avons, en première lecture, proposé un amendement, que vous avez accepté, sur l'urgence de la mise en place des politiques du Grenelle et sur l'importance de la mobilisation de nos concitoyens.

Mais le changement culturel nécessaire à la mobilisation de tous ne se fera que si la notion de limite, imposée par la crise écologique, se retrouve dans les domaines économiques et sociaux. Ces derniers temps, de nombreux écrits sont parus s'interrogeant sur la capacité du capitalisme à répondre à la crise, voire sur son avenir. Dès 2004, André Comte-Sponville écrivait que le capitalisme est « amoral » plutôt qu'« immoral ». Et il ajoutait : « Si l'on entend par “moraliser le capitalisme” le fait de lui imposer, de l'extérieur, un certain nombre de limites qui le rendraient moralement moins choquant, c'est évidemment nécessaire ». Il poursuivait : « L'économie n'est pas seulement tendue vers le bien-être ou la richesse, mais vers la cupidité, qui est une passion comme telle subjective, déraisonnable et démesurée. » Des limites à cette démesure liée à la cupidité sont nécessaires, en particulier en matière de rémunérations ou d'accumulation de richesses. La réponse à cette demande sociale de plus en plus forte ne réside évidemment pas dans le décret du Gouvernement limitant les rémunérations des patrons de la dizaine d'entreprises qui ont reçu une aide de l'État.

La crise appelle une redéfinition générale de nos systèmes. La perception et l'acceptation, par nos concitoyens, de limites dans le domaine écologique, sont liées à l'établissement de limites dans le domaine de l'économie et des inégalités sociales. M. le ministre d'État a dit tout à l'heure que la transition ne posait pas de problème, mais celle-ci n'a pas eu lieu : nous sommes seulement dans un processus vers une transition.

La nécessaire mobilisation collective ne pourra pas se faire sur fond d'injustices sociales. C'est aussi vrai en France qu'au niveau international. Lorsque l'on constate des gains individuels aussi faramineux qu'injustes, alors que 900 millions d'êtres humains ne mangent pas à leur faim, on ne peut que souscrire au jugement d'Hervé Kempf datant de février dernier : « L'avidité obscène de cette oligarchie sans morale a fini par menacer la société humaine, puisque le bouleversement économique et écologique menace de nous plonger dans le chaos. »

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