La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Mes chers collègues, c'est avec une profonde tristesse et beaucoup d'émotion que nous avons appris, vendredi dernier, le décès de notre collègue Henri Cuq, député de la neuvième circonscription des Yvelines. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent.)
Député de l'Ariège de 1986 à 1988, puis député des Yvelines, il a été, pendant plus de vingt ans, l'une des grandes figures de notre assemblée et était unanimement apprécié de ses collègues. Il exerça les fonctions de premier questeur, puis celles de ministre délégué aux relations avec le Parlement, de 2004 à 2007.
Je prononcerai son éloge funèbre lors d'une prochaine séance.
En hommage à notre collègue décédé, je vous invite dès à présent à observer une minute de silence. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)
La parole est à M. Philippe Vuilque, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères ou, en son absence, à M. Alain Joyandet,secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.
Il y a quelques semaines, nous avions interrogé M. le ministre sur les difficultés que rencontrent de nombreux couples souhaitant adopter des enfants haïtiens. Il nous avait indiqué, à juste titre, que des vérifications sur la situation familiale de ces enfants étaient indispensables, mais aussi difficiles, et que ses services s'engageaient à traiter ces dossiers le plus rapidement possible afin de donner satisfaction aux familles.
Aujourd'hui, de nombreux couples adoptants sont toujours dans l'attente. Beaucoup nous disent que les dossiers sont prêts, que les vérifications ont été faites et que, à leur connaissance, rien ne s'oppose à l'adoption et à la venue en France de ces petits Haïtiens. De nombreux couples n'en peuvent plus d'attendre et se demandent pourquoi l'administration française tarde autant.
Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous faire le point précis de la situation ? Que comptez-vous faire pour que ces dossiers puissent trouver un aboutissement favorable dans les meilleurs délais ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.
Monsieur le député, depuis le terrible séisme du 12 janvier, le ministère des affaires étrangères, chaque jour, fait tout ce qu'il peut pour accélérer les procédures d'adoption. Nous savons, avec Bernard Kouchner, qu'un certain nombre de familles attendent avec impatience d'accueillir leurs enfants.
Vous me demandez où nous en sommes.
Dans un premier temps, le cas de 591 enfants a été réglé, les jugements ont été obtenus, et ils sont tous aujourd'hui auprès de leur famille.
Dans un deuxième temps, une nouvelle série de dossiers a été traitée, qui concerne soixante-neuf enfants. Aujourd'hui, ils sont presque tous également chez leurs adoptants. Mais je précise que, pour les faire venir, l'administration française n'est la seule responsable en matière de passeports, puisqu'ils s'agit de passeports haïtiens. Notre ambassade fait tout ce qu'elle peut pour accélérer ces démarches.
Plusieurs députés du groupe SRC. Il faut faire plus !
Nous sommes obligés de faire particulièrement attention, car des trafics se développent. Le gouvernement français, sous l'autorité du Premier ministre, est très attentif à ce problème.
Il reste actuellement 445 enfants pour lesquels les démarches sont engagées. L'ambassade est en train d'agir pour que les passeports soient délivrés le plus rapidement possible. Monsieur le député, j'appelle votre attention sur le fait que les délais sont très raccourcis : ils sont d'un mois à trois mois au lieu du délai traditionnel d'un an. Sans le séisme, ces enfants devraient attendre au moins jusqu'en 2011.
La France a des engagements internationaux, qu'elle entend respecter. Ces engagements prévoient, en priorité, l'intérêt des enfants. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean Proriol, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Après le G20 qui s'est tenu le 5 juin en Corée du Sud, arrive, le 26 juin, le G20 de Toronto. Entre-temps, madame la ministre, notre assemblée a voté la semaine dernière le projet de loi de régulation bancaire et financière, que vous avez défendu, comme d'habitude, avec brio. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ainsi la France peut-elle apporter sa contribution positive à ce débat mondial. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe SRC. C'est la brosse à reluire !
Ne soyez pas jaloux !
Plus encore, hier à Berlin, la chancelière Angela Merkel et le président Nicolas Sarkozy se sont retrouvés pour préparer le sommet européen de Bruxelles, pour définir, avec succès, autour de l'axe franco-allemand, le rôle leader de la zone euro et former ainsi ensemble le moteur d'un gouvernement économique européen et crédible des vingt-sept pays membres.
Au-delà de l'Europe, il s'agit, ni plus ni moins, de construire un système financier mondial réglementé, système appelé de leurs voeux par des responsables aussi dissemblables que le directeur du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn, le milliardaire Georges Soros, et même Daniel Cohn-Bendit, que l'on n'attendait pas sur ce terrain ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Comment préparez-vous, madame la ministre, la rencontre décisive du Canada ? Quelle politique allez-vous y défendre et, osons le terme, quelles sont les chances de la réussir ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur Proriol, vous le savez puisque vous avez participé aux débats, votre assemblée a adopté le projet de loi de régulation bancaire et financière le 10 juin dernier, sur l'excellent rapport de Jérôme Chartier.
Ce projet de loi contient des mesures très fortes. Les agences de notation n'étaient pas régulées : dorénavant, elles seront inscrites, agréées, contrôlées et sanctionnées si elles ne respectent pas leurs obligations. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Les ventes à découvert n'étaient pas régulées : dorénavant, elles seront transparentes et l'Autorité des marchés financiers pourra les suspendre en cas de circonstances exceptionnelles. Les CDS – un des instruments de mesure du risque – n'étaient pas régulés non plus : l'Autorité des marchés financiers pourra dorénavant prendre les sanctions boursières applicables notamment en cas de manipulation de cours.
Les sanctions étaient, avouons-le, modestes : dorénavant, les sanctions prononcées par l'AMF seront multipliées par dix et celles prononcées par l'Autorité de contrôle prudentiel par deux, jusqu'à 100 millions d'euros.
Tel est le rôle qu'a joué votre assemblée pour mettre en oeuvre le dispositif adopté par le G20.
Qu'allons-nous faire à Toronto ? Comme l'ont souhaité le Président de la République et le Premier ministre, la France et l'Allemagne marcheront main dans la main en matière de régulation financière. Je citerai deux exemples. Concernant, premièrement, les fonds propres des banques, la France et l'Allemagne s'accordent pour reconnaître qu'il en faut plus et mieux, mais en ne pénalisant ni le financement de notre économie ni le modèle économique de nos banques. S'agissant, deuxièmement, de la prise de risque des banques, nous souhaitons la mesure. À cet effet, la France et l'Allemagne soutiendront ensemble la mise en oeuvre d'une taxation des établissements financiers.
Vous le voyez, la France et l'Allemagne se rendront unies et déterminées au G20 de Toronto. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Après la suppression de 40 000 postes de fonctionnaires de l'éducation nationale en trois ans, le ministère prévoit d'en supprimer encore 16 000 pour la rentrée prochaine. Les conséquences de ces suppressions sont connues : classes surchargées, manque de remplaçants, dégradation des conditions de travail et d'études, sources de violence et d'échec scolaire.
La rentrée 2010 s'annonçait donc déjà difficile. C'était sans compter avec le contenu du document discrètement adressé aux rectorats, qui nous livre votre conception de l'éducation !
S'agit-il d'élever le niveau de connaissances des élèves, de surmonter les retards et les difficultés observées dans les quartiers populaires, notamment ? Non, pas du tout ! Ces sujets ne sont pas au coeur des préoccupations du Gouvernement. Vous n'avez qu'une obsession : réduire les coûts ! Pour cela, vous envisagez la fermeture d'établissements ruraux, la suppression des RASED, ainsi que l'augmentation du nombre d'élèves par classe et la suppression de la scolarisation des moins de trois ans, qui vient d'ailleurs d'être officialisée dans les Hauts-de-Seine.
Et vous osez affirmer que tout cela serait possible, je cite, « sans dégrader les performances globales du système éducatif ». Personne ne croit, évidemment, à ces mensonges en contradiction avec la réalité vécue et même avec l'évaluation commandée par le ministère en 2006, qui démontre l'impact positif de la diminution du nombre d'élèves par classe sur leurs résultats.
Avec l'ensemble des acteurs du système éducatif, je demande au ministre de l'éducation nationale d'abandonner ces projets désastreux pour la qualité de l'enseignement public, qui hypothèquent l'avenir des jeunes de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.
Madame la députée, je vous prie de bien vouloir excuser Luc Chatel, qui est actuellement au Sénat.
Vous me permettrez de rappeler quelques données concernant le budget de l'éducation nationale. Proche de 60 milliards d'euros et premier budget de la nation, il augmente, en 2010, de plus de 1,6 %. Nous comptons pourtant, depuis 1990, 700 000 enfants scolarisés de moins et 50 000 enseignants de plus. Je vous donne ces chiffres afin de vous démontrer que la façon dont vous décrivez la situation ne correspond pas à la réalité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
Cela dit, nous avons, avec Luc Chatel, entrepris une démarche de dialogue et de concertation avec l'ensemble des recteurs pour déterminer au mieux, académie par académie, le remplacement des personnels enseignants en fonction des départs à la retraite. À cet égard, nous sommes dans la droite ligne des préconisations de la Cour des comptes : dans son rapport remis il y a un mois, elle indique très clairement qu'il faut faire une expertise à partir du terrain.
Grâce à cette politique de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux – et vous omettez de le dire, madame –, nous finançons actuellement la « mastérisation » des enseignants pour 200 millions, les primes versées aux nouveaux enseignants, qui s'élèvent globalement à plus de 17 millions d'euros, et les primes pour les proviseurs, qui atteignent 10 millions d'euros. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) C'est ainsi – toutes ces mesures catégorielles le démontrent – que nous pouvons mieux gérer et réaliser des économies, ce qui profite aux enseignants. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Protestations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Ma question s'adresse au ministre du travail et de la solidarité.
Demain matin, le Gouvernement dévoilera les orientations de son projet de réforme des retraites. Le groupe Nouveau Centre juge cette réforme essentielle et salue donc le courage du Gouvernement, qui refuse l'immobilisme irresponsable et la démagogie populiste. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes NC et UMP.)
Parce que le Gouvernement a eu une démarche pédagogique, et parce que nos concitoyens regardent ce qui se passe partout en Europe, quelle que soit la couleur politique des dirigeants, les Français ont compris la nécessité de faire évoluer notre système de retraite afin de le sauvegarder.
Compréhension ne signifie pas pour autant acceptation. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Pour qu'elle soit acceptée des Français, cette réforme doit être fondée sur des principes d'équité, de justice, de transparence et de morale. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe NC.)
Ainsi, les députés du Nouveau Centre sont attachés à l'extinction progressive de tous les régimes spéciaux, y compris le nôtre, mes chers collègues, car il faut savoir réformer par l'exemple.
De même, ils considèrent que la participation des hauts revenus à l'effort collectif est une exigence incontournable. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe NC.)
Au nom des principes de justice, de morale et d'exemplarité, la question des retraites chapeaux est alors clairement posée, monsieur le ministre. Comment concevoir que plusieurs centaines de hauts dirigeants d'entreprise continuent à percevoir ces très généreuses pensions « surcomplémentaires », pouvant atteindre annuellement plusieurs millions d'euros et échappant à toute contribution sociale ? À l'heure des derniers arbitrages sur cette difficile question des retraites, le Gouvernement envisage-t-il oui ou non de mettre fin à ce système d'exception aussi déplacé que dépassé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
Vous avez raison, monsieur le député : pour être acceptée par les Français, la réforme des retraites devra être raisonnable, responsable, juste, équilibrée et efficace. À toutes ces contraintes, nous allons répondre très précisément demain. Ce sont les critères que le Gouvernement s'est fixés pour réformer le système de retraite.
La justice passe évidemment par l'exemplarité, et certains revenus, comme les retraites chapeaux, qui permettent à des dirigeants d'entreprise ou à des cadres de toucher des pensions supplémentaires d'un montant élevé, doivent être concernés. Ces dispositifs ont déjà été réformés par la majorité présidentielle. Dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2010, la taxation est passée à 12, 16 ou 24 % selon les cas, et il y a une contribution additionnelle de l'employeur de 30 % lorsque la rente dépasse un certain montant.
Au moment où nous abordons la réforme des retraites, nous devons aller plus loin par souci de justice. Plusieurs mesures qui seront présentées demain par le Gouvernement iront dans ce sens. J'annoncerai en particulier de nouvelles dispositions pour renforcer la taxation des retraites chapeaux. Après les mesures sur les stock-options et les retraites chapeaux que nous avons déjà prises, c'est ainsi que nous parviendrons à un système de plus en plus juste et de plus en plus équilibré.
Les efforts de chacun doivent être proportionnés, c'est essentiel.
Je note votre appel concernant les retraites des parlementaires. Pour le Premier ministre comme pour moi-même, cela paraît un élément indispensable, et je sais que le président de l'Assemblée pense de même. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
Réforme des retraites
La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Dans quelques heures, monsieur le Premier ministre, vous allez remettre aux partenaires sociaux vos propositions de réforme des retraites. Ils auront quelques jours à peine pour faire leurs remarques, et il en sera alors terminé de la concertation. Le 13 juillet, le conseil des ministres adoptera le projet de loi du Gouvernement, qui sera soumis dès le 20 juillet aux commissions de l'Assemblée nationale, et sera débattu dans l'hémicycle début septembre.
Le Gouvernement a retenu un calendrier de débat qui se superpose habilement, il faut le reconnaître, avec le calendrier de la Coupe du monde de football, les vacances d'été et la rentrée scolaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Sur ce sujet très attendu, le Président de la République s'était engagé à ne pas passer en force. C'était un engagement d'autant plus nécessaire que, sur ce projet, le Président de la République n'a pas reçu de mandat précis des Français, pas plus que sur la suppression de la retraite à soixante ans, il l'avait d'ailleurs lui-même reconnu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le Premier ministre, nous exigeons (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP) que ce débat ne soit pas verrouillé. Nous exigeons que le temps et la forme d'un débat démocratique soient pleinement respectés. C'est pourquoi je demande avec insistance, et solennellement, au nom de tous les députés socialistes, radicaux et citoyens, que la procédure accélérée ne soit pas utilisée par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Nous demandons que l'examen du projet en septembre à l'Assemblée nationale ne soit pas limité à cinquante heures, nous demandons que les débats en commission soient rendus publics, parce que c'est de la commission que viendra le texte examiné par l'Assemblée nationale, pour un débat dans la transparence, projet contre projet (« Où est le vôtre ? » sur les bancs du groupe UMP), proposition contre proposition. C'est la vraie démocratie, c'est la garantie d'une réforme solide, juste et durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
Quand on a des problèmes sur le fond, monsieur le député, ce qui est le cas du parti socialiste avec les retraites (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC), on commence à parler uniquement de forme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Les protestations du groupe SRC enflent et couvrent la voix de l'orateur.)
Cela fait plus de deux mois que l'ensemble des partenaires sociaux et des partis politiques sont consultés sur la réforme des retraites, et vous n'avez que cela à dire ? (Nouvelles protestations.) Vous n'avez que des questions de contrainte ou de contingence parlementaire à poser ? (Protestations continues.) Franchement, la ficelle est un peu grosse.
Le débat parlementaire aura évidemment lieu. Il aura lieu en commission, il aura lieu dans l'hémicycle, selon les procédures qu'a décidées elle-même l'Assemblée nationale.
Il y a la Coupe du monde, il y a les vacances. Si on vous écoutait, il ne faudrait plus réformer en décembre parce qu'il y a Noël (Exclamations sur les bancs du groupe SRC – Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC), il ne faudrait plus réformer en février parce qu'il y a carnaval. Qu'est-ce que c'est que ça ? Il faudrait tout le temps s'arrêter ? On n'arriverait jamais à réformer en France ? Évidemment, nous devons réformer. Croyez-vous que la Coupe du monde empêche les Français de réfléchir de manière responsable à l'ensemble des sujets qui sont les nôtres ? Aujourd'hui, vous n'êtes pas au niveau du débat. (Protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La vérité, monsieur le président Ayrault, c'est que le parti socialiste se moque de la réforme des retraites. (Huées sur les bancs du groupe SRC.) Il ne s'intéresse qu'à une seule chose, la manière dont vont se passer ses primaires. (Huées et claquements de pupitre.)
La vérité aussi, c'est que le parti socialiste n'a toujours été qu'un groupe d'obstruction et jamais un groupe de proposition. C'est la raison pour laquelle l'Assemblée nationale utilisera l'ensemble des outils qui sont à sa disposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.
Le 18 juin 1940, une voix s'élève dans la nuit. Solennelle, impérieuse, elle appelle à poursuivre le combat contre l'Allemagne nazie. Cette voix est celle du général de Gaulle qui, de Londres, invite ceux qui le peuvent à le suivre et à résister.
C'était il y a soixante-dix ans ; c'était le début d'une nouvelle page de notre histoire, qui allait conduire à la victoire.
Certes, l'appel du 18 juin n'a guère été entendu. Un seul officier général s'est rallié à de Gaulle, l'amiral Muselier (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP), et parmi les 15 000 marins alors en territoire britannique, quelques centaines seulement se sont engagés dans les Forces françaises libres.
Néanmoins, cet appel, comme ceux qui l'ont suivi, constitue bien le principal acte fondateur de la Résistance française, dont les forces se sont progressivement affermies et que le général de Gaulle est parvenu à unifier sous son autorité, avec l'aide de Jean Moulin.
Cet anniversaire que nous commémorons avec éclat cette année n'est pas uniquement l'évocation d'un fait du passé. L'appel retentit encore aujourd'hui, nous appelant à résister à nos renoncements.
Alors que nous venons de voter à l'unanimité un nouveau dispositif législatif pour permettre à l'oeuvre des Compagnons de se perpétuer à travers le Conseil national des communes « Compagnons de la Libération », il est de notre devoir de nous souvenir de ceux qui nous ont précédés et sans qui nous ne serions pas là pour faire vivre la démocratie.
Ma question sera donc simple, monsieur le secrétaire d'État. Pouvez-vous nous indiquer les commémorations qui se déroulent actuellement, l'esprit qui devra y présider, et comment vous comptez y associer les jeunes générations ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.
Monsieur le député, vous l'avez souligné, quand l'essentiel est en jeu, la France sait se rassembler.
C'est tout l'esprit du 18 juin.
Dans cet esprit, je veux remercier l'ensemble des députés qui, unanimement, ont voté la proposition de loi du président Bernard Accoyer et de Michel Destot, député-maire de Grenoble, texte qui offre une pérennité au Conseil de l'ordre des Compagnons de la Libération.
Mesdames et messieurs les députés, commémorer le soixante-dixième anniversaire de l'appel du 18 juin, c'est rendre l'hommage qui est dû au général de Gaulle et à ses Compagnons, venus de milieux différents pour assurer la continuité républicaine de la France.
À l'heure où l'histoire et la mémoire se conjuguent, nous voulons transmettre aux plus jeunes cette histoire-là ; elle est aussi leur héritage. À cet effet, avec mon collègue Luc Chatel, nous avons mis à la disposition des enseignants d'importants moyens éducatifs.
Demain sera ouverte à Paris, sur le parvis de l'hôtel de ville, une exposition présentant l'histoire des Compagnons, qui parcourra ensuite de nombreuses villes de France.
Jeudi, nous nous rendrons à l'île de Sein pour saluer le courage des 128 pêcheurs qui ont tout quitté pour rejoindre la France libre.
Vendredi 18 juin, le Président de la République se rendra à Londres aux côtés des derniers valeureux acteurs de cette histoire. Avec le Premier ministre britannique, ils rendront hommage au général de Gaulle et à ceux qui l'ont rejoint. Nous serons bien sûr le soir au Mont-Valérien.
Nous prolongerons bien au-delà de cette date du 18 juin les valeurs et l'esprit de l'appel, par de nombreux ouvrages récemment publiés et des films.
L'esprit de ce message universel porté il y a soixante-dix ans, c'est celui de la liberté. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse à Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports, que je sais particulièrement soucieuse de la bonne santé des établissements hospitaliers.
Il en est un qui se trouve plongé dans des difficultés financières inextricables : j'ai nommé le centre hospitalier universitaire de Fort-de-France.
Le dernier exercice fait état d'un déficit de 36 millions d'euros. Le déficit cumulé atteindrait quant à lui les 70 millions d'euros. Plusieurs raisons sont avancées pour expliquer cette mauvaise passe. En voici quelques-unes.
Le coefficient géographique correcteur serait sous-évalué, d'où un manque à gagner estimé à 10 millions d'euros.
Le stock des créances irrécouvrables s'accroîtrait d'année en année, au rythme de 2 millions d'euros par an en moyenne, et se chiffrerait à 28 millions aujourd'hui.
Les spécialités dites coûteuses entraîneraient un déficit structurel non compensé.
Le recrutement de 200 personnes supplémentaires depuis 2008 aurait engendré en moyenne une dépense de 10 millions d'euros par an.
Devant ce constat somme toute alarmant, qu'est-il envisagé de faire pour résoudre cette équation, tout en sauvegardant la qualité des soins dispensés ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.)
La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.
Monsieur le député, vous interrogez la ministre de la santé et des sports sur la situation du centre hospitalier de Fort-de-France et sur les mesures qu'elle entend prendre pour répondre à ses difficultés. En l'absence de Roselyne Bachelot, que je vous prie d'excuser, je suis en mesure de vous apporter les précisions suivantes.
Oui, la situation financière du CHU de Fort-de-France, avec un déficit de 29 millions d'euros, est préoccupante. Un plan de retour à l'équilibre a été adopté par le conseil d'administration de l'établissement en 2009, prévoyant un retour à l'équilibre des comptes d'ici à 2013.
Le CHU de Fort-de-France bénéficie d'un accompagnement de 2,5 millions destiné à assurer l'équilibre économique de certaines activités, notamment le traitement des grands brûlés et la chirurgie cardiaque. Il bénéficie en outre du mécanisme de coefficient géographique, qui majore les ressources issues de l'activité médicale afin de compenser les surcoûts spécifiques.
De même, il est prévu en 2010 une augmentation de la prise en charge des patients en situation de précarité, qui passera de 2,2 à 3 millions d'euros.
La question des créances irrécouvrables a été prise en compte dans le cadre du plan santé outre-mer, et un effort important a été consenti en 2009, avec l'allocation d'une aide de 3 millions d'euros pour l'ensemble des DOM, dont 630 000 euros pour la Martinique.
Le CHU de Fort-de-France a donc été largement soutenu ces dernières années, et l'État a pris toutes ses responsabilités. Mais il convient, monsieur le député, que le CHU réalise un certain nombre d'efforts, car la situation financière actuelle est aussi pour partie due à des facteurs internes ; vous avez vous-même rappelé que le niveau des effectifs n'a cessé de croître ces dernières années.
En outre, l'établissement doit pouvoir mieux valoriser son activité, dans le cadre de la tarification, pour augmenter ses recettes. C'est une des missions du nouveau directeur général qui prendra ses fonctions.
La parole est à M. Didier Gonzales, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, dans la nuit de dimanche à lundi, le drapeau de la ville de Villeneuve-Saint-Georges a été brûlé sur le parvis de la mairie. Il s'agit d'un acte grave.
Un député du groupe SRC. Halte au feu !
Maillon essentiel de notre République, la commune est le premier espace de démocratie et de services de proximité pour nos concitoyens. À travers cet acte, c'est l'action municipale tout entière, quelle que soit la couleur politique des élus, qui est mise en cause. Cela est choquant et révoltant.
Quel sens donner à cet acte lorsque l'on sait que ce drapeau a été remplacé par celui d'une nation étrangère ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Mais il y a plus grave encore : dans la même commune, cette même nuit, notre drapeau national a aussi été pris pour cible.
Plusieurs drapeaux tricolores ornant un bâtiment public ont en effet été décrochés, éparpillés ou volés.
Rien ne peut justifier de tels agissements. Il est donc nécessaire de répondre avec fermeté pour éviter que de tels outrages se renouvellent. Madame la ministre d'État, je vous demande de faire toute la lumière sur cette affaire car notre République doit montrer qu'elle ne transige pas avec ce type de comportement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Mesdames, messieurs les députés, les drapeaux sont des symboles, et le drapeau français est le symbole de notre République. Il est parfaitement intolérable que l'on puisse s'attaquer à un drapeau, le brûler, le voler, le dégrader de quelque manière que ce soit.
Ce sont des actes inadmissibles aux yeux de tous les vrais républicains. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et sur de nombreux bancs du groupe NC.) Par conséquent, ces faits seront poursuivis et aboutiront à des condamnations. (Mêmes mouvements.) S'agissant de destruction de biens publics, des peines d'emprisonnement et des amendes lourdes – jusqu'à 150 000 euros – sont prévues.
Il me paraît important de rappeler que tous les actes qui portent atteinte au drapeau français, qui visent à l'outrager par l'utilisation qui en est faite, doivent être, eux aussi, réprimés. C'est la raison pour laquelle j'ai préparé un décret visant à sanctionner par une amende toute atteinte à la dignité du drapeau français et au symbole qu'il représente. (Mêmes mouvements.) Ce décret est actuellement au Conseil d'État. Je ne doute pas, monsieur le député, que Gouvernement et républicains, sur tous les bancs, nous veillerons tous ensemble à ce que soient respectées les valeurs et les symboles de la démocratie et de la République française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe NC.)
La parole est àMme Marisol Touraine. pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
Monsieur le ministre, quand on refuse de répondre aux propositions socialistes sur le fond et que l'on n'a que l'invective à manier (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP), quand on appartient à une majorité dont le Président de la République peut, sans se préoccuper de l'effet que cela produit, s'asseoir sur les engagements pris pendant la campagne présidentielle alors qu'il avait déclaré qu'il ne reviendrait pas sur la retraite à soixante ans parce qu'il n'avait pas reçu mandat pour cela (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC), on est mal placé, appartenant à une telle majorité, pour donner des leçons de démocratie à l'opposition. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.) Monsieur le ministre, lorsque vous accepterez de discuter au fond de nos propositions (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP), cela voudra dire que vous aurez accepté de revenir sur le bouclier fiscal, ce que vous n'acceptez pas pour le moment.
Dès lors, nous ne sommes pas prêts à entendre les leçons que vous prétendez nous donner, pas plus qu'à entendre celles de l'UMP qui, ce week-end, nous a expliqué qu'il fallait faire preuve de courage. (« La question ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Qu'est-ce que le courage pour vous ? Consiste-il à demander à des gens qui ont commencé à travailler à dix-sept, dix-huit ou vingt ans de continuer au-delà de soixante ans ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.) Le courage, pour vous, est-ce demander à des femmes qui ont subi le temps partiel et qui n'ont pas de carrière complète de travailler jusqu'à soixante-huit, soixante-neuf, soixante-dix ans ? (Mêmes mouvements.)
Monsieur le ministre, nous, nous n'avons pas la même conception du courage. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce ne sont pas quelques petits prélèvements alibis qui permettront de faire passer votre réforme car elle est injuste et ne prépare pas l'avenir. La seule solution, c'est d'engager une discussion sérieuse sur de véritables prélèvements du capital. Aurez-vous l'audace de dire aux Français que demain leur retraite sera maintenue alors que votre réforme est en train d'en saper les fondements ?
Ou aurez-vous le courage d'opérer véritablement des prélèvements sur le capital ? (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent longuement.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
Madame Touraine, la démagogie du parti socialiste, ce n'est pas du courage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.) J'aimerais bien savoir où se trouve le projet socialiste. Où est votre réforme, madame Touraine ? Je me le demande. Vous avez présenté une pseudo-réforme fiscale, pas une réforme des retraites. Lorsque vous dites que vous avez un projet de réforme en ce domaine, vous mentez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.) Lorsque vous dites que, si vous étiez en situation de le faire, vous reviendriez sur la réforme de 2010 du Gouvernement, vous mentez une seconde fois. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Je ne crois pas que ce soit la meilleure façon d'aborder le débat sur les retraites.
Le parti socialiste souffre d'un enfermement idéologique. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous ne voulez pas convenir que le problème des retraites aujourd'hui, comme dans tous les autres pays du monde, c'est d'abord un problème démographique : lorsque la vie s'allonge, la vie au travail doit, elle aussi, un peu augmenter.
C'est vrai en Italie, en Angleterre, en Allemagne, en Norvège, en Suède, en Belgique, pourquoi cela serait-il faux en France ? Uniquement parce que le parti socialiste le pense, parce qu'il mène un combat d'arrière-garde sur les retraites ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La réforme que nous proposerons sera solide, sérieuse et juste. Nous prendrons en compte les difficultés de la vie : ceux qui auront commencé à travailler tôt pourront partir plus tôt, de même que ceux qui auront eu des carrières pénibles.
Mais le système des retraites sera protégé et préservé grâce au Gouvernement et à la majorité présidentielle ! (De nombreux députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent longuement.)
La parole est à M. Bernard Reynès, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, et j'y associe bien volontiers mon collègue Antoine Herth.
La crise sans précédent que traverse le monde agricole rend encore plus indispensable la solidarité que nous devons tous à nos agriculteurs.
Vous êtes à la manoeuvre, monsieur le ministre : plan de soutien exceptionnel à l'agriculture, plan de développement de nos filières, accord de modération des marges en période de crise, plan de performance énergétique, réduction du coût horaire de l'emploi saisonnier, et, désormais, loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche.
Je suis très surpris par le projet agricole du parti socialiste (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC) tel qu'il a été formalisé hier soir à Cluny.
En effet, il valide – et très largement – la stratégie agricole du Gouvernement.
Agriculture durable, politique alimentaire, sécurité et qualité alimentaire, circuit court, prix rémunérateur, juste partage de la valeur ajoutée, préservation des terres agricoles, et j'en passe : telles sont les propositions du parti socialiste, qui traduisent l'action du Gouvernement et de sa majorité.
J'ai plutôt envie de m'en réjouir et je vous invite à faire preuve de cohérence : soutenez donc sans restriction la stratégie du Gouvernement.
Soyez cohérents et votez avec nous en faveur de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche qui apportera à nos agriculteurs nombre de réponses que vous appelez de vos voeux.
Monsieur le ministre, pourriez-vous rappeler à la représentation nationale ce que sont ces réponses et rassurer le parti socialiste sur le devenir de ses propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur Reynès, je vais vous faire une confidence : je suis un ministre de l'agriculture heureux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Depuis un an, l'agriculture française traverse la crise la plus grave qu'elle ait eu à connaître depuis trente ans ; depuis un an, nous attendons une prise de position et les propositions du parti socialiste sur ce sujet ; depuis un an, quant à nous, nous travaillons au service du revenu des agriculteurs ;…
…et, enfin, le parti socialiste découvre qu'il y a une crise agricole en France. (Protestations sur les bancs du groupe SRC – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Pour notre part, depuis un an, avec le Premier ministre et le Président de la République, nous avons mis en place un plan de 1,8 milliard d'euros pour soutenir la trésorerie des agriculteurs. Lorsque la Commission européenne a voulu réduire de moitié le budget de la politique agricole commune, nous avons lancé, le 10 décembre, l'appel de Paris, afin de revenir à la préservation du budget de la politique agricole commune. Lorsque l'Union européenne s'est engagée sur la voie de la libéralisation, nous avons défendu l'idée de la régulation européenne des marchés agricoles.
Les propositions du parti socialiste, je les connais bien, je les connais même par coeur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Ce sont rigoureusement, mot à mot, les propositions que nous défendons depuis un an dans le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous proposez la régulation des marchés agricoles ; nous la faisons ! Vous proposez des contrats entre les industriels et les producteurs ; nous les faisons ! Vous proposez un meilleur circuit de commercialisation entre les producteurs et les distributeurs ; nous le faisons !
Ce que vous commentez, nous le faisons. Alors, messieurs les socialistes, encore un effort, un peu de cohérence : votez pour le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche que vous propose le Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je vous en prie, seul Jean Glavany a la parole !
Merci monsieur le président.
Monsieur le ministre Éric Woerth, depuis des semaines et des semaines, en notre qualité de parlementaires, nous vous interrogeons sur les projets du Gouvernement en matière de retraites.
Vous ne répondez pas à nos questions. Vous maniez l'invective avec beaucoup de maestria et de démagogie, en nous reprochant de ne pas être à la hauteur ou même de mentir. Tout ce qui vous intéresse, c'est d'attaquer le parti socialiste sur le mode de l'invective.
Si vous le voulez bien, arrêtons ce petit jeu. Devant la représentation nationale, je vais vous poser une seule question et je vous demande d'y répondre précisément. Pour ce faire, je vais produire trois citations du Président de la République.
La première remonte à une vingtaine d'années : « Moi, la retraite à soixante ans, je l'ai votée. » Évidemment, ce n'est pas très crédible puisqu'il n'était pas parlementaire à l'époque. Peu importe.
La deuxième citation, plus récente, date de 2007 : « Je le dis, la retraite à soixante ans, je n'y toucherai pas. »
La troisième citation date de 2008 : « Je le redis, je ne le ferai pas pour un certain nombre de raisons et, en particulier, parce que je n'en ai pas parlé pendant l'élection présidentielle, et donc je n'ai pas reçu ce mandat du peuple. Et cela, vous savez, pour moi, ça compte. » Voyez, je les ai apprises par coeur. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, ma question sera simple : que pensez-vous de cette dévalorisation de la parole publique du Président de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. (« Hou ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je vous en prie, mes chers collègues !
Vous me demandez qui a dit cela ? En tout cas, ce n'est pas Martine Aubry ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
En janvier dernier, Martine Aubry a dit qu'il fallait augmenter l'âge légal de la retraite ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C'est bien elle qui a lancé le débat !
Au mois de janvier, elle a dit qu'il faudrait travailler plus longtemps. M. Strauss-Kahn a dit qu'il faudrait travailler plus longtemps. Un certain nombre de personnes qui sont ici sur vos bancs le pensent aussi.
Je vais y répondre. Ne vous énervez pas comme ça ! Calmez-vous, je vais répondre à votre question, qui est très simple !
Évidemment, le Président de la République veut la réforme des retraites.
La réforme des retraites est nécessaire dans un pays qui vient de traverser la crise la plus grave des cinquante dernières années (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La conséquence de cette crise, monsieur Glavany, c'est que notre système de retraite enregistre actuellement les déficits qu'il aurait dû connaître dans vingt ans. C'est cela la réalité ! (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Un Président de la République doit évidemment en tenir compte, et en déduire qu'il faut réformer les retraites.
Il serait absolument irresponsable de ne pas faire cette réforme. Le Président de la République affronte la situation telle qu'elle est, et il va y répondre.
La réponse à votre question est qu'il faut réformer le système des retraites.
Si nous ne le faisons pas – comme vous le voulez –, il n'y aura plus de système de retraite par répartition en France dans les années à venir.
C'est cela la réalité. Actuellement, nous sommes placés devant cette réalité. Soit nous sommes des hommes et des femmes politiques responsables et nous l'affrontons, soit, comme vous, nous évacuons absolument toutes les questions et fuyons tout débat sur les retraites. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous n'êtes pas intéressés par les retraites. C'est comme cela depuis toujours. Jamais le parti socialiste n'a réformé les retraites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Marcel Bonnot, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, le 9 juin dernier, en fin d'après midi, un orage de grêle d'une violence inouïe s'est abattu sur le Pays de Montbéliard et nombre de localités adjacentes constituant la communauté d'agglomération du Pays de Montbéliard.
Des toitures ont été éventrées, des ouvrants ont volé en éclats, des voitures ont été endommagées et des écoles ont dû fermer. Quant à l'espace économique, il n'a pas été épargné puisque le centre de production PSA Sochaux-Montbéliard a dû fermer deux de ses principaux ateliers. Le bilan est donc catastrophique.
Le préfet de région et le sous-préfet de Montbéliard ont pris toute la mesure de la détresse des victimes, le cabinet du Premier ministre a répondu aux premières sollicitations, et M. le secrétaire d'État Alain Joyandet, maire de Vesoul, s'est rendu sur place pour constater l'étendue des dégâts.
Monsieur le ministre, vous avez été, pour Pierre Moscovivi et moi-même, un interlocuteur particulièrement attentif et de tous les instants. La solidarité nationale, dans une situation comme celle-ci, a toute sa place. Il est vrai que la loi de 1982 relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles recèle quelques subtilités d'interprétation quant à la définition de telles catastrophes. Cependant la détresse des Montbéliardais est grande. Pourriez-vous donc nous indiquer les mesures que le Gouvernement envisage de prendre dans cette situation de catastrophe naturelle ? Celle-ci justifie un arrêté pour assurer la juste et complète indemnisation des victimes, notamment des plus démunis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Mercredi dernier, Météo France a placé dix-sept départements en vigilance orange. Quelques heures plus tard, des pluies violentes et des orages de grêle ont atteint une grande partie de l'Est de la France. Il n'ont heureusement fait aucune victime mais, comme vous l'avez rappelé, monsieur le député, des dégâts importants sont à déplorer sur des toitures, des véhicules et des sites industriels.
L'État a fait preuve d'une grande réactivité : dès le lendemain matin, le préfet de région s'est rendu sur le terrain en compagnie d'élus locaux afin de mesurer l'ampleur des dégâts, ampleur qui a conduit plusieurs dizaines d'élus à demander la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. J'approuve évidemment cette démarche, dont je me suis entretenu avec vous, monsieur le député, ainsi qu'avec Pierre Moscovici.
J'ai donné des instructions pour que l'examen des dossiers intervienne dans les meilleurs délais. Concrètement, la commission interministérielle compétente se réunira le 23 juin ; elle pourra statuer sur ces intempéries et sur les réponses que nous pouvons apporter à nos concitoyens. Soyez donc assuré, monsieur Bonnot, que l'État met tout en oeuvre pour aider et réconforter ceux d'entre eux qui sont touchés par cette catastrophe naturelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur Woerth, vous présentez la réforme des retraites comme une réponse à la crise ; mais, pour celle que vous préparez, il n'en est rien ! Votre réforme est un alibi pour faire oublier toutes les réformes que vous n'avez pas faites (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR) ; un alibi pour faire oublier que notre dette publique aura doublé entre juin 2002 et juin 2012, passant de 900 milliards d'euros à 1 800 milliards, selon vos propres prévisions. Les seuls intérêts de cette dette représenteront, pour les générations futures, 45 milliards d'euros par an, soit l'équivalent du déficit du système de retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Vous parlez de courage, et de la nécessité des prélèvements sur le capital et les hauts revenus. Aurez-vous le courage de supprimer la mesure qui vous conduit à signer un chèque de 1,8 million d'euros aux cent contribuables les plus riches, au titre du bouclier fiscal ? (Mêmes mouvements.) Est-il par ailleurs courageux de repousser l'âge de départ à la retraite, mesure dont on sait qu'elle pèsera sur les salariés entrés tôt dans le monde du travail, et qui, bien que bénéficiant de toutes leurs années de cotisation, devront attendre pour rien ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – « C'est faux ! » sur les bancs du groupe UMP.) Maintenir parmi les actifs des salariés devenus chômeurs, alors qu'ils pourraient partir à la retraite, est-ce du courage ? Non. Les Français le savent, votre réforme est profondément injuste (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), aussi injuste que toutes le mesures du Gouvernement depuis trois ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. (Huées sur les bancs du groupe SRC.)
Mes chers collègues, je vous en prie.
Je suis un peu étonné, monsieur Muet. Vous parlez sans cesse de notre réforme, dont vous avez les grandes lignes et les principales orientations. Mais cette réforme, le Gouvernement l'annoncera demain : attendez donc demain pour la juger ! Peut-être, d'ailleurs, aurez-vous de bonnes surprises (Bruit de bourdon sur les bancs du groupe SRC) ;…
…peut-être la trouverez-vous juste, notamment en ce qui concerne la prise en compte de la pénibilité et la situation de nos compatriotes qui, ayant commencé à travailler plus tôt, pourraient faire valoir leurs droits plus tôt. (Bourdon continu sur les bancs du groupe SRC.)
En 2003, lors du débat sur les carrières longues, le parti socialiste était d'ailleurs aussi désinvolte qu'aujourd'hui avec les retraites des Français. Oui, le parti socialiste est désinvolte dans ses positions et dans sa volonté de réformer notre système de retraites. (Même mouvement.)
En imitant le bruit que l'on entend aujourd'hui dans les stades sud-africains, il s'apparente d'ailleurs à la cigale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) À l'époque où notre pays bénéficiait d'un taux de croissance sans précédent, vous auriez pu, mesdames, messieurs les députés socialistes, le réformer, mais vous avez préféré dépenser sans compter ; c'est pour cela qu'il connaît aujourd'hui de telles difficultés. (Bourdon soutenu sur les bancs du groupe SRC.)
Oui, nous réformerons le système des retraites, dussions-nous le faire contre tous les immobilismes et contre la ringardise dont fait preuve le parti socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Michel Herbillon, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le ministre, les salles de cinéma tiennent un rôle fondamental dans la vie culturelle de notre pays. Pour nombre de nos concitoyens, le cinéma est la principale voie d'accès à la création et à la culture, et par conséquent à la citoyenneté. Il est l'art le plus accessible, créateur de lien social. Nous sommes tous attachés, sur tous les bancs, à la vitalité du cinéma français. Nous souhaitons tous préserver la diversité de l'offre cinématographique et le maillage culturel dense des salles de cinéma sur l'ensemble de notre territoire. Pour que cela soit une réalité, il convient de soutenir la modernisation de nos salles. La numérisation qui a fait irruption dans tous les domaines de la création artistique n'a pas épargné le cinéma et exige des efforts financiers importants pour adapter nos salles à cette nouvelle technologie.
C'est pourquoi j'ai déposé une proposition de loi qui sera débattue demain dans cet hémicycle et qui instaure un dispositif équilibré pour répondre à ce défi. En effet, la diffusion des films sur support numérique permet aux distributeurs de réaliser des économies, mais contraint les exploitants à consentir un investissement significatif. La proposition de loi fixe donc le principe d'une contribution obligatoire des distributeurs dès lors qu'ils livrent leur film sous forme de fichier numérique. Elle est limitée dans le temps, puisqu'elle ne sera plus versée aux exploitants une fois couvert le coût de la transition.
Cette proposition de loi a fait l'objet d'une très large concertation : ce n'est pas un texte partisan, et je l'ai voulu aussi consensuel que possible. Son objectif est de permettre à la profession de s'adapter rapidement. Je souhaiterais, monsieur le ministre, connaître votre appréciation sur le dispositif proposé, qui permet de maintenir la liberté de programmation des exploitants et la maîtrise, par les distributeurs, de leur plan de diffusion des films. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.
Monsieur Herbillon, vous le savez, l'équipement numérique des salles est un processus qui connaît de rapides avancées puisque, en France, sur 5 500 salles, plus de 1 100 sont désormais équipées de projecteurs numériques. Les avantages de cette nouvelle technologie sont connus, comme en a témoigné le récent succès du film en relief Avatar. Elle permet aussi aux distributeurs de réaliser des économies substantielles, en substituant à la copie du film un simple fichier informatique.
Mais ce changement de technologie a un coût et suppose aussi que l'on adapte les règles d'encadrement du secteur de l'exploitation cinématographique, pour que la simplicité d'emploi ne se traduise pas par une concentration des programmes contraire à la diversité de l'offre proposée au public. Je rappelle que la France dispose du premier réseau de salles en Europe et a enregistré plus de 200 millions d'entrées en 2009, un record depuis 1982, qui se confirme d'ailleurs depuis le début de l'année 2010.
Votre proposition de loi, monsieur Herbillon, qui traduit votre engagement pour la culture, pose les principes nécessaires à l'évolution et à l'encadrement du cinéma en salle dans ce nouvel environnement, notamment le principe de la contribution numérique des distributeurs aux frais d'équipement des salles engagés par les exploitants. Avec cette proposition de loi, vous élaborez un modèle économique nouveau et équitable, tout en garantissant à la fois la liberté de programmation des salles et la liberté d'accès des distributeurs aux salles. La disposition qui concerne l'évaluation des loyers appliqués aux salles me paraît également très opportune.
Un ambitieux plan d'aide à la numérisation des salles va aussi être mis en place, dès l'adoption de la loi, par le Centre national du cinéma. Il permettra d'intégrer les cinémas de proximité, voire d'itinérance, garants essentiels du lien social dans les petites villes et les zones rurales. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. François Loncle, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Je pensais offrir au Premier ministre une occasion de s'exprimer, mais voilà qu'il s'est absenté. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Sans doute ma question lui parviendra-t-elle néanmoins.
Qui dirige ? Qui décide de la politique africaine de la France ? Est-ce le Premier ministre ? Est-ce le ministre des affaires étrangères ?
Est-ce tel ou tel chef d'État africain ? Est-ce le secrétaire général de l'Élysée (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC) ou bien quelque conseiller occulte, à l'exemple de cet étrange avocat qui n'a jamais plaidé, sinon la cause de ses propres affaires ?
Le 30 juin prochain, l'ambassadeur de France au Sénégal, M. Jean-Christophe Rufin, diplomate et écrivain renommé, quittera les fonctions qu'il a brillamment exercées. Jean-Christophe Rufin cultive un parler franc et direct qui est tout à son honneur. Il avait osé évoquer le projet de dévolution dynastique caressé par le président sénégalais. Cela n'a pas plu à Dakar. Avec le concours de M. Robert Bourgi, le président Wade a obtenu le départ de notre ambassadeur,…
…ce qui pose un vrai problème de souveraineté.
Cela rappelle étrangement le renvoi, en 2008, du secrétaire d'État à la coopération sur l'insistance de feu le président gabonais Omar Bongo. Chaque fois, ce sont ces réseaux parallèles, ces conseillers officieux de l'Élysée qui, dans l'ombre, déterminent la diplomatie de la France, sous la pression de l'étranger.
Récemment encore, M. Robert Bourgi a insisté auprès de M. Guéant pour que M. Dov Zérah, conseiller municipal de Neuilly, succède à M. Severino à la tête de l'Agence française de développement.
Est-ce de cette manière qu'il faut interpréter ce que le président Sarkozy a qualifié de « relations décomplexées » entre la France et l'Afrique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.
Votre question est pour le moins inattendue, monsieur Loncle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je rappelle que Jean-Christophe Rufin a été nommé ambassadeur à Dakar il y a trois ans et que tous nos ambassadeurs changent d'affectation au bout de trois ans. C'est ainsi qu'un successeur de M. Rufin sera désigné dès qu'il aura reçu l'agrément des autorités sénégalaises, et M. Rufin se verra proposer une autre mission, dont nous discutons actuellement avec lui et Bernard Kouchner. Il n'y a donc là rien que de très normal : c'est de cette façon que, sous l'autorité du Président de la République, le Conseil des ministres nomme les ambassadeurs dans le monde entier, au nom de la France.
Nos relations avec les autorités sénégalaises sont parfaitement bonnes. Un ambassadeur qui représente la France peut émettre certains avis correspondant à la position de notre pays sans que les relations avec celui où il est nommé soient entachées en quoi que ce soit. Il n'y a donc pas de problème dans les relations entre la France et le Sénégal. La procédure de nomination des ambassadeurs s'applique là-bas comme partout dans le monde.
Pour le reste, je veux vous rassurer, monsieur Loncle : la politique étrangère de la France n'est dirigée par personne d'autre que le Président Nicolas Sarkozy. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Politique de la France en Afrique
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)
J'ai reçu, en application des articles L.O. 176-1 et L.O. 179 du code électoral, une communication de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, en date du 11 juin 2010, m'informant du remplacement de M. Henri Cuq, député de la neuvième circonscription des Yvelines, par Mme Sophie Primas.
Au titre des explications de vote, la parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.
Mes chers collègues, les centristes voteront ce texte. (« Ah ! » sur les bancs du groupe GDR.)
Son principal mérite est en effet de répondre à l'injonction, fondée, de l'Union européenne concernant l'ouverture de notre marché de l'électricité à la concurrence.
Encore une fois, l'Europe a raison, et ce à un double titre.
Tout d'abord, la France est aujourd'hui le seul pays de l'Union européenne où l'opérateur historique du secteur de l'électricité n'a pas été contraint de vendre une part significative de ses moyens de production. Aujourd'hui encore, la totalité de nos cinquante-huit tranches de nucléaire sont propriété exclusive d'EDF.
Ensuite, le marché français de l'électricité est aujourd'hui ultra-dominé par EDF, qui contrôle 87 % des abonnés professionnels et 96 % des abonnés particuliers. Nous sommes bien loin, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, d'une situation de concurrence. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Bien entendu, le gouvernement français sait que l'Union européenne a raison dans la procédure qu'elle a ouverte contre lui et qu'il est objectivement sous la menace d'une amende d'un montant exorbitant.
C'est finalement la solution d'un accès régulé à l'énergie nucléaire historique, à hauteur de 25 % de son montant total, qui a été retenue.
Le projet de loi répond donc à son ambition première : mettre la France en cohérence avec ses engagements européens et écarter la menace d'une procédure ouverte aux lourdes conséquences.
Voilà pour l'aspect positif de ce texte.
Pour autant, la nouvelle organisation du marché de l'électricité, dite NOME, crée-t-elle les conditions d'une concurrence effective profitant aux consommateurs, professionnels ou particuliers ?
Nous, centristes, sommes franchement très sceptiques.
La loi crée en effet un système administré, encadré, laissant peu de place à des initiatives en matière de service ou de prix qui inciteraient les consommateurs à choisir le meilleur fournisseur.
Plus importante encore est, au coeur du dispositif instauré, la question du tarif de l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique, l'ARENH. Le texte ne dit rien de précis à ce propos : il se borne à confier au Gouvernement le soin de le fixer, étant entendu – c'est de notoriété publique – que nous nous acheminons vers un tarif proche de 42 euros le mégawattheure, en continuité avec le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché, ou TaRTAM.
Or, aux dires de la Commission de régulation de l'énergie comme des concurrents d'EDF, ce chiffre est bien supérieur au montant de 34 euros le mégawattheure qui semble être le prix de revient le moins contestable. C'est, en tout cas, celui auquel la branche commerciale d'EDF achète en interne son électricité à la branche production de l'entreprise.
Comment feront donc, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, les concurrents d'EDF, qui l'achèteront, eux, à 42 euros, et qui seront tenus d'appliquer les mêmes tarifs de vente qu'EDF ?
Soyons clairs : rien ne sera possible en matière de concurrence tant que la question du prix d'achat de l'électricité, et donc de l'ARENH, ne sera pas traitée de manière équitable.
C'est finalement une histoire bien française.
La loi donne à l'État la responsabilité de fixer le prix de l'ARENH, et ce pendant trois ans. La messe est dite.
Notre assemblée n'a pas voulu faire échapper l'État au conflit d'intérêts dans lequel il se trouve placé. Il est en effet l'actionnaire majoritaire d'EDF, à hauteur de 84,9 %, l'actionnaire, donc, d'une société qui a dégagé 3,9 milliards d'euros de bénéfices en 2009 – ce dont on ne peut que se réjouir ! – et en même temps le régulateur, confirmé dans ce rôle par la présente loi, et chargé de décider d'un prix qui est déterminant pour les résultats d'EDF. Il est donc à la fois juge et partie, deux rôles qui n'ont jamais fait bon ménage.
Le jeu d'influences qui se déroule aujourd'hui autour du prix de l'ARENH n'est pas sain. C'est pourquoi nous, centristes, vous le disons avec gravité : ce texte est lourd de contentieux futurs avec l'Union européenne.
Pour en sortir, le Nouveau Centre vous propose une vision cohérente articulée autour de quatre décisions fondatrices.
Premièrement, il faut installer définitivement la CRE comme régulateur fort en lui confiant le pouvoir de fixer le prix de l'ARENH dès la promulgation de la loi. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Je sais bien, chers collègues du groupe GDR, que nous ne sommes pas d'accord.
Deuxièmement, il faut confier à la CRE l'administration des tarifs réglementés, de manière à pouvoir réguler l'achat et la vente d'électricité dès la promulgation de la loi.
Troisièmement, il faut confier à la CRE la responsabilité de l'observation des marges des distributeurs spécialisés dans l'achat et la revente d'électricité, y compris, bien sûr, l'opérateur historique.
Quatrièmement, il faut donner à la CRE un pouvoir de sanction en cas de marges exorbitantes.
Avant de conclure, je souhaite, au nom de mon groupe, rendre hommage à notre collègue Charles de Courson, qui – c'est une première – a permis la transposition en droit français d'une directive européenne par un amendement de neuf pages sur la taxe locale sur l'électricité.
Je vous remercie de l'applaudir, monsieur de Charette.
La loi NOME va clairement dans la bonne direction, celle de l'Europe, les centristes la voteront donc, mais elle est clairement inachevée. Rendez-vous en deuxième lecture ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Serge Poignant, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
M. le ministre d'État et M. le rapporteur nous ont parfaitement expliqué, lors de la discussion de ce projet de loi, la double raison pour laquelle il nous faut légiférer aujourd'hui en matière d'électricité. Il s'agit, d'une part, de répondre au contentieux qui nous oppose à la Commission européenne à propos de la transposition de la directive et de l'aide de l'État et, d'autre part, d'éviter l'élimination de toute régulation des prix, que ce soit en amont ou en aval.
Après le vote de la proposition de loi relative à la réversibilité et à la prolongation du TaRTAM jusqu'à la fin de 2010, cette dernière, qui devrait alors entrer en vigueur, répond bien à cette double exigence. Elle suit les recommandations de la commission Champsaur, à laquelle participait notre rapporteur Jean-Claude Lenoir, et renforce la spécificité et la lisibilité de notre système français tout en respectant nos obligations européennes.
Je crois pouvoir dire que la discussion, tant en commission des affaires économiques que dans l'hémicycle, a été fort intéressante, parfois technique – la nature du sujet l'implique – et parfois politique, notamment à propos des conséquences, appréhendées diversement sur les bancs de cet hémicycle, de l'ouverture européenne des marchés. Pour ma part, je ne pense pas qu'il faille lier une éventuelle, hypothétique même, augmentation des prix de l'électricité au vote de ce texte.
Au-delà de la question des contentieux européens, que vous n'ignorez pas, chers collègues de l'opposition, le texte permettra, par une construction des prix et une régulation en amont, le maintien de tarifs correspondant aux performances passées et à venir de notre système, tout en garantissant une lisibilité pour le nécessaire investissement des fournisseurs comme pour les consommateurs.
Le système proposé, étroitement contrôlé en temps et en volume, me paraît équitable pour EDF comme pour la concurrence. Les tarifs réglementés sont explicités, confortés et pérennisés pour les petits clients, ménages et professionnels, ce qu'il n'était pas évident de faire accepter à Bruxelles. L'obligation de capacité, tant d'effacement que de production, visant à réduire les risques de rupture, est inscrite dans ce projet de loi.
Un groupe de travail va se mettre en place à l'initiative de M. le président Ollier, pour traiter de la sécurité des réseaux et de leur financement. La décision en a été prise à la suite de la discussion du projet de loi dans l'hémicycle.
Sans polémiquer sur la CRE – chacun a son idée sur cette question –, je vous invite au nom du groupe UMP, mes chers collègues, à voter ce projet de loi. Non seulement il va dans la bonne direction, comme vient de le rappeler notre collègue centriste, mais il est de surcroît indispensable. Il faut qu'il soit mis en application dans les plus brefs délais. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
Je fais d'ores et déjà annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Parce que votre gouvernement a renoncé à se battre au niveau européen pour que la fourniture d'électricité, laquelle est – rappelons-le – un bien essentiel de première consommation, de surcroît non stockable, puisse être reconnue comme un service qui accomplit une « mission particulière ». L'article 106 du traité en vigueur le permet pourtant, et cela donnerait de claires limites à une application débile – pardonnez-moi ce mot – et impossible des règles de la concurrence chères à Jean Dionis du Séjour.
Votre gouvernement s'arc-boute sur la transposition d'une directive énergie qui ne prend en compte ni le paquet « énergie-climat » et ses recommandations en matière d'économie d'énergie, ni la spécificité française d'un mix énergétique à nul autre pareil, compte tenu du poids conjugué du nucléaire et de l'hydraulique.
Vous inventez pour l'électricité une usine à gaz qui fera date dans l'imbroglio des solutions introuvables, avec la création en plein vol – je veux dire : en séance – d'une nouvelle institution que personne ici ne « NOME » encore (Sourires), et qui sera chargée de contractualiser avec les clients masqués et néanmoins concurrents d'EDF.
Après le régulateur, après le médiateur, voici venu le temps de l'« inter-médiateur » : l'opérateur dont on ne sait toujours pas qui il est, et qui sera chargé d'accomplir une oeuvre comparable à celle qui, dans le football – actualité oblige –, consiste à régler les questions délicatement opaques du mercato entre deux saisons.
Pourquoi être équitable quand on peut aggraver les injustices, la précarité énergétique et la désindustrialisation ? Un coup vous augmentez l'abonnement, un coup vous augmentez les tarifs de consommation.
Dans la jungle du « qui perd gagne » – investir pour la production, améliorer le transport et la distribution, financer les obligations d'achat pour l'énergie renouvelable – il y a toujours une bonne raison pour expliquer au consommateur qu'il doit payer plus cher, et même qu'il a de la chance, car nous serions parmi les pays les moins chers d'Europe. C'est d'ailleurs un mensonge, comme l'a expliqué Frédérique Massat, puisque sept pays de l'Union européenne sont moins chers que nous, sans compter la Norvège et d'autres pays ou continents – le Canada, l'Amérique du Sud, l'Australie, l'Afrique du Sud, Taiwan et j'en passe –, et que les délocalisations de nos industries sont nombreuses, alors même que le prix de l'électricité chez nous constituait un atout pour le maintien de l'emploi industriel.
Alors, pourquoi est-ce que les prix augmentent ? Est-ce du masochisme ? Non, c'est simplement que beaucoup d'opérateurs veulent se nourrir sur la bête, que tout est organisé pour que ce secteur de l'énergie soit en tension et que cela tire les prix et les profits vers le haut.
En effet, vous avez renoncé à vous battre sur la question de la pointe de consommation, qui coûte cher et aggrave la pollution, puisque ce n'est plus d'un « accès régulé à la base » qu'il s'agit à la sortie de nos débats, mais seulement d'un « accès régulé à l'électricité nucléaire historique », ce que vous avez baptisé, monsieur le rapporteur, l'ARENH.
Après la jungle des tarifs illisibles et incompréhensibles, voici l'ARENH où les consommateurs, devenus gladiateurs, devront vendre cher leur peau pour se chauffer et s'éclairer ! (Sourires.)
Alors, pourquoi faire cadeau aux Français de la rente nucléaire, qu'ils ont acceptée et financée, en leur vendant une électricité moins chère, alors qu'on peut permettre aux concurrents d'EDF d'en profiter et aux consommateurs français de payer les pots cassés en augmentant leur facture ?
Cette question, qui porte en elle-même la manière dont vous y répondez, est au fondement de notre vote négatif sur ce texte qui, de plus, a failli privatiser, au détour d'un amendement présenté par le président de la commission du développement des profits durables (Sourires), la Compagnie nationale du Rhône ! Il semblerait d'ailleurs que, finalement, le Gouvernement ait choisi d'attendre le passage au Sénat pour commettre cette oeuvre au fil de l'eau de la navette législative.
En conclusion, chers collègues, comme aurait pu l'écrire le poète :
« Sur la lampe qui s'allume
Sur la lampe qui s'éteint
Sur les factures qui augmentent
Sur le service public qui recule
J'écris ton NOME
Liberté... du marché ! » (Rires.)
Si vous en doutiez, je vous le confirme : le groupe socialiste, radical et citoyen votera contre ce texte qui instaure à très court terme une augmentation des tarifs pour tous les consommateurs. (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Yves Cochet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, ce texte est la conséquence directe d'un événement tout à fait considérable qui a eu lieu il y a une quarantaine d'années. Je veux parler de la propagation mondiale de l'idéologie libérale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
En effet, comme l'ont théorisé quelques penseurs tels que MM. Hayek et Friedman, on a cru – et on croit toujours sur les bancs situés de l'autre côté de cet hémicycle – que la main invisible du marché résoudrait tous les problèmes, fussent-ils économiques, sociaux ou environnementaux. Il fallait donc li-bé-ra-li-ser. La Commission européenne elle-même, et l'Europe quasi entière, ont été convaincues par cette pensée magique.
Le projet de loi NOME est une conséquence de cette propagation de la libéralisation et du libéralisme économique. Hélas ! quand on regarde aujourd'hui les conséquences aussi bien économiques que financières, sociales et environnementales, il apparaît évident que cette politique a totalement échoué. Mais l'on continue, avec une sorte d'entêtement dans l'erreur. Cette seule raison nous suffirait pour être contre ce texte ; mais il y en a d'autres, encore que je ne partage pas toutes les positions de mes camarades du groupe GDR.
Premièrement, cette loi tente de résoudre une contradiction existant entre le groupe UMP et lui-même. En effet, une partie de ce groupe se dit qu'il faut prolonger la geste gaullienne du nucléaire totalement étatisé – et, avec le nucléaire, il ne peut en aller autrement, tant il est capitalistique : il demande de très gros investissements, dont le retour se fait forcément à très long terme, alors qu'un investisseur privé choisirait naturellement une turbine à gaz, rentabilisée au bout de deux ans. Une autre partie du groupe, correspondant à la tendance libérale de l'UMP, considère quant à elle qu'il faut au contraire ouvrir : vive le marché ! On a donc créé une sorte de monstre juridique : la future loi NOME, par laquelle on essaye de marier la carpe et le lapin.
Deuxièmement, on crée, comme l'a très bien dit notre collègue François Brottes, une nouvelle institution, un « machin » qui n'a pas encore de nom et dont on ne sait pas comment il va fonctionner, qui aura à contractualiser les rapports entre EDF et ses concurrents, auxquels l'opérateur historique est obligé de céder 25 % de sa production électrique nucléaire de base. C'est la première fois que l'on voit dans l'hémicycle – car cela ne s'est même pas passé en commission – l'émergence d'un « gloubiboulga » dont on ne sait pas comment il va fonctionner. (Sourires.)
Troisièmement – et c'est mon dernier argument, monsieur le président –, le coeur de cette loi aurait évidemment dû être la tarification, qui est actuellement, en France, très inéquitable et très anti-écologique. En gros, elle est en effet dégressive : plus vous consommez et moins vous payez. Le bon sens – puisque l'on parle de « nouvelle organisation du marché de l'électricité » – aurait été de passer à une tarification récompensant la vertu écologique et sociale, et sanctionnant la voracité énergétique et le gaspillage. Eh bien, c'est le contraire que vous faites ! Pour toutes ces raisons, les députés du groupe GDR voteront contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 511
Nombre de suffrages exprimés 506
Majorité absolue 254
Pour l'adoption 294
Contre 212
(Le projet de loi est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)
(M. Maurice Leroy prend place au fauteuil de la présidence.)
M. le président a reçu de M. le Premier ministre une lettre demandant à l'Assemblée nationale d'adopter, en application de l'article 45, alinéa 3, de la Constitution, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi ordinaire relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et de statuer définitivement, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, sur le projet de loi organique relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion de ces deux textes, qui font l'objet d'une discussion générale commune en application d'une décision de la Conférence des présidents (nos 2443, 2563, 2584).
La parole est à M. Charles de La Verpillière, rapporteur de la commission mixte paritaire et de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, mes chers collègues, l'Assemblée nationale est à nouveau saisie d'un projet de loi organique et d'un projet de loi ordinaire visant à l'application du cinquième alinéa, nouveau, de l'article 13 de la Constitution, ainsi rédigé :
« Une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés. »
Le projet de loi ordinaire ne pose pas de problème. La commission mixte paritaire, réunie le 7 avril 2010, a conclu ses travaux par l'adoption d'un texte incluant les deux dispositions ajoutées par le Sénat en deuxième lecture : l'une est relative à la publicité des auditions des personnes dont la nomination est envisagée, l'autre impose un délai de huit jours entre la communication du nom de la personne et son audition.
La commission des lois vous propose donc d'adopter le texte de la CMP.
Sur le projet de loi organique, en revanche, la commission mixte paritaire réunie le 7 avril 2010 n'a pas permis de dégager une position commune, non plus que la nouvelle lecture organisée ensuite dans chaque assemblée.
Le Gouvernement a donc décidé, procédure exceptionnelle, de mettre en oeuvre le dernier alinéa de l'article 45 de la Constitution afin que l'Assemblée nationale statue définitivement sur le projet de loi organique.
Le désaccord porte sur l'article 3, introduit par l'Assemblée nationale, et sur l'article 4, introduit par le Sénat et que l'Assemblée a souhaité supprimer.
L'article 3 vise à interdire les délégations de vote lorsque les commissions compétentes du Sénat et de l'Assemblée sont appelées à émettre leur avis sur la nomination qui leur est soumise.
Pour ne pas fausser les résultats, les règles de vote doivent être les mêmes dans les deux chambres puisqu'elles n'émettent pas deux avis séparés, mais un seul, qui résulte de l'addition des votes recueillis à l'Assemblée nationale et au Sénat. Les votes doivent donc absolument être comptabilisés de la même façon.
Que dirait-on par exemple si, pour l'élection d'un député, le vote par procuration était autorisé dans certaines communes et interdit dans d'autres ?
L'harmonisation indispensable ne peut se faire que dans le sens d'une interdiction des délégations de vote. D'une part, il est opportun que les députés et les sénateurs appelés à voter soient ceux qui ont personnellement participé aux auditions. D'autre part, l'article 27 de la Constitution fait du vote personnel la règle, et la délégation de vote doit donc rester l'exception. J'ajoute que c'est ce même article 27 qui donne compétence au législateur organique pour intervenir en la matière, ce que fait l'article 3 du projet de loi organique en complétant l'ordonnance organique n° 58-1066 du 7 novembre 1958.
Les doutes émis par le Sénat quant au fondement constitutionnel de cet article 3 ont été parfaitement réfutés par le président Warsmann lors de la nouvelle lecture qui a eu lieu le 19 mai. Je vous renvoie donc, sur ce point, à son intervention.
J'en viens maintenant à l'article 4 que le Sénat aurait souhaité insérer dans le projet de loi organique.
Il s'agirait de préciser que la possibilité d'un veto à la majorité des trois cinquièmes s'applique aussi aux nominations effectuées par les présidents des deux assemblées au Conseil constitutionnel et au Conseil supérieur de la magistrature.
Cet article nous semble inutile, les articles 56 et 65 de la Constitution, qui traitent de ces nominations, renvoyant au cinquième alinéa de l'article 13 et, donc, nécessairement à la disposition de cet alinéa relative au veto à la majorité qualifiée.
En outre, à supposer même qu'une disposition explicite soit nécessaire, on ne trouve, dans les articles 13, 56 et 65 de la Constitution, aucun fondement à l'intervention du législateur organique. La suppression de l'article 4 doit donc être maintenue.
En définitive, la commission des lois vous propose de reprendre sans changement le texte adopté par l'Assemblée nationale le 19 mai dernier. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi organique et le projet de loi qui sont une nouvelle fois soumis à votre examen permettront aux assemblées d'opérer un contrôle effectif sur les nominations du Président de la République aux fonctions publiques les plus éminentes pour la garantie des libertés ou pour la vie économique et sociale de notre pays.
Après deux lectures dans chacune des assemblées, la commission mixte paritaire a trouvé un accord sur le projet de loi ordinaire. Le principe de publicité des auditions est ainsi inscrit dans la loi. Par ailleurs, un délai de huit jours devra désormais être respecté entre la communication du nom de la personne proposée et son audition par les commissions permanentes compétentes.
Les deux assemblées avaient déjà adopté en termes conformes les dispositions relatives à la liste des emplois ou fonctions pour lesquels la nomination est soumise au contrôle des commissions parlementaires. Les débats parlementaires ont permis d'enrichir cette liste tout en lui conservant la cohérence qui avait été recherchée lors de sa constitution. Le Gouvernement ne peut que s'en féliciter.
En revanche, la commission mixte paritaire comme la nouvelle lecture n'ont pu mettre fin au différend persistant entre les deux assemblées sur l'article 3 du projet de loi organique, comme vient de le souligner M. le rapporteur. Le Sénat a réaffirmé, à l'occasion des trois lectures, son souhait de ne pas interdire les délégations de vote lors du scrutin destiné à recueillir l'avis de la commission compétente.
Avec la même constance et la même détermination, votre assemblée a souhaité poser un principe d'interdiction des délégations de vote. Votre commission des lois vous propose, une dernière fois, de prévoir, pour cette procédure, un vote personnel.
Les trois lectures réalisées dans chacune des assemblées ont été l'occasion d'un débat juridique et institutionnel très riche sur cette nouvelle procédure. Et je veux à nouveau, mesdames et messieurs les députés, rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui ont participé à ce débat, en particulier au président de votre commission des lois et à son rapporteur, dont les contributions ont été déterminantes.
En faisant usage de la faculté que lui confère le dernier alinéa de l'article 45 de la Constitution, le Gouvernement entend permettre une adoption définitive de la loi organique. Il est souhaitable, en effet, que cette réforme soit pleinement mise en oeuvre dans les meilleurs délais.
Toutefois, il peut être considéré sans mal que, loin de faire obstacle à l'application effective du contrôle parlementaire, l'exigence d'un vote personnel est en accord avec la nature du contrôle réalisé.
Par ailleurs, le Gouvernement ne peut qu'être favorable à la suppression, décidée par votre commission, de l'article 4 du projet de loi organique.
En donnant aux commissions compétentes la possibilité de s'opposer, à une majorité renforcée, aux nominations proposées par les présidents des assemblées au Conseil constitutionnel et au Conseil supérieur de la magistrature, cette disposition dépassait, en effet, l'habilitation que le constituant a donnée au législateur organique.
Mesdames et messieurs les députés, l'adoption définitive de ces deux projets de loi marquera une étape importante dans l'application de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. La mise en oeuvre de cette nouvelle procédure sera une contribution, réelle et équilibrée, à la valorisation du Parlement et à la construction d'une démocratie irréprochable, comme l'a souhaité le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Mais si !
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. François Rochebloine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à cette ultime étape de la procédure, il me suffira, pour justifier le vote du groupe Nouveau Centre, de rappeler notre soutien de principe à la réforme que le projet de loi organique met en oeuvre. Comme l'a déclaré, pour notre groupe, notre ami Jean-Christophe Lagarde, nous approuvons une procédure qui assure une plus grande transparence dans des nominations importantes pour la vie collective de la nation ; nous déplorons que cette volonté de transparence n'ait pas été étendue à la désignation du président de la commission consultative du secret de la défense nationale et aux membres de la Commission nationale informatique et libertés désignés par le Président de la République. Il s'agit sans doute là d'une ultime réaction de prudence devant l'audace de la réforme, dont la pratique de la procédure nouvelle révélera certainement le caractère excessif. Nous aurons l'occasion de reprendre ce débat.
Mais nous ne sommes pas là aujourd'hui pour reprendre le débat de fond sur cette réforme. Nous sommes là en raison de ce que je suis bien obligé d'appeler une inconséquence du Sénat.
Nous voulons, Assemblée nationale comme Sénat, la transparence dans la nomination à des emplois importants. Or, si nous suivions le Sénat, l'intervention des commissions permanentes dans cette procédure ne se ferait pas, elle, en toute transparence.
En effet, l'appréciation des mérites des personnalités pressenties pour une nomination suppose un examen personnel de ces mérites par les députés réunis en commission. Seul cet examen personnel assure le sérieux des votes et en assoit la légitimité.
Cette nécessité n'est pas compatible avec la pratique des délégations de vote lors des scrutins sur les nominations organisés dans les commissions. C'est pourquoi l'interdiction de telles délégations, voulue par notre assemblée, se justifie pleinement.
Le Sénat a bien tort de rejeter cette interdiction. Seules des considérations en quelque sorte corporatistes sont avancées par nos collègues sénateurs, toutes tendances confondues, pour motiver ce rejet. Je ne peux que le regretter.
Le groupe Nouveau Centre votera pour le texte de la commission mixte paritaire concernant le projet de loi ordinaire et pour le projet de loi organique dans le dernier texte adopté par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, voici enfin l'aboutissement d'un long travail parlementaire qui ajoute une pierre à l'édifice à la Constitution de la Ve République.
Ces deux projets de loi ont été examinés, amendés, modifiés pour établir au mieux les nouveaux rapports entre les assemblées et le Président de la République en matière de nomination aux emplois et fonctions qui présentent une grande importance pour la garantie des droits et des libertés ou pour la vie économique et sociale de la nation.
Beaucoup de choses ayant déjà été dites, je me focaliserai sur les points essentiels encore en suspens.
Nul ne peut ignorer la portée ni les enjeux de ces mesures et, somme toute, l'ensemble des groupes politiques sont en accord avec ce principe de contrôle des nominations.
En ce qui concerne les modalités, comme souvent, les points de vue diffèrent.
Tout d'abord, il faut répondre à la thèse selon laquelle la majorité qualifiée viderait le texte de sa substance.
La réforme constitutionnelle de 2008 ne remet pas en cause le pouvoir de nomination au Président de la République, qui reste un de ses pouvoirs propres, mais elle l'encadre en instaurant un contrôle et non une compétence conjointe.
Dorénavant, il appartiendra aux parlementaires, après l'éclairage apporté par l'audition publique des candidats à la direction des plus grandes entreprises publiques et des principales autorités indépendantes de notre République, de juger du bien-fondé de ces nominations.
Il ne s'agit donc pas d'une proposition du chef de l'État revêtue de l'investiture du Parlement, mais d'un avis conforme de celui-ci.
En ce sens, la majorité qualifiée est particulièrement adaptée, car elle évite les blocages intempestifs et les mises en cause politiques tout en préservant la pertinence de la nomination.
De même, certains, au cours de nos débats, se sont offusqués de l'importance des pouvoirs détenus par le Président de la République, et de son pouvoir de nomination en particulier, sans toutefois qu'aucune alternance les ait jamais remis en cause.
Le chef de l'État est élu démocratiquement et dispose d'une très grande légitimité. Il est dès lors raisonnable que les parlementaires puissent effectuer ce contrôle sans pour autant pouvoir ignorer la place prépondérante du Président de la République dans nos institutions.
L'objectif de ces deux textes est d'assurer la pertinence des nominations des principales autorités et entreprises publiques de notre pays, non d'avoir un débat sur un changement de régime.
La discussion en commission et dans l'hémicycle a été particulièrement riche, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale. Malheureusement, si un certain consensus a été trouvé sur la quasi-totalité des dispositions des deux textes, un point de désaccord subsiste néanmoins.
Ce point de désaccord n'est pas une divergence politique entre une majorité et son opposition, mais un désaccord profond entre les deux chambres sur la question de la délégation de vote.
En effet, unanimement, notre assemblée a souhaité interdire cette pratique pour tout scrutin destiné à recueillir l'avis de la commission permanente compétente de chaque assemblée sur une proposition de nomination.
Malheureusement, pour la troisième fois, le Sénat, dont le règlement autorise la délégation de vote, a supprimé l'article 3 du projet de loi organique, que nous avions rétabli lors de la dernière discussion.
Mes chers collègues, je sais que nous sommes tous déçus de la position jusqu'au-boutiste de nos collègues sénateurs qui ne veulent pas comprendre – et c'est dommage – que le droit nouveau prévu au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution doit être exercé de manière identique par les deux assemblées. Pourtant, nos amis sénateurs ne devraient pas voir, dans cet article, une mesure de défiance ni un combat pour défendre ou contester une disposition qui leur est propre.
Si cette disposition est essentielle, c'est pour deux raisons.
D'une part, le vote en commission portant sur les nominations est simultané au Sénat et à l'Assemblée nationale. Il faut donc voir, dans cette procédure, un fondement différent de celui du vote de la loi. L'esprit de ce travail parlementaire est singulier. La procédure se doit donc d'être originale et de répondre aux impératifs qu'exige cette singularité. Devant de tels enjeux, nous devons faire en sorte que ces travaux simultanés se fassent dans la transparence, avec cohérence et pertinence. C'est pourquoi il nous faut harmoniser les procédures. L'interdiction des délégations de vote ne fera que rendre ce projet que plus consistant, car elle nous obligera à être présents et actifs dans l'évaluation de personnalités appelées à jouer un rôle-clé au sein de notre pays. C'est donc dans le sens de l'intérêt général que va cette disposition et, de ce fait, elle me paraît indispensable.
D'autre part, ce parallélisme des formes est nécessaire dans la mesure où un déséquilibre de procédure pourrait provoquer des inégalités entre les deux chambres. Le vote au sein des deux commissions forme un tout, et la distinction bicamérale ne doit pas entrer en jeu. Les effets du vote étant identiques entre sénateurs et députés, les modalités de celui-ci doivent être symétriques.
Encore une fois, notre détermination à faire adopter l'interdiction de délégation de vote doit être regardée non pas comme une atteinte au Sénat et à son règlement, mais simplement comme le traitement identique d'une situation similaire.
Monsieur le ministre, l'ensemble des députés du groupe UMP et, très probablement des autres groupes politiques, sont favorables au rétablissement de l'article 3 du projet de loi organique dans la rédaction retenue en nouvelle lecture par notre assemblée.
Mes chers collègues, après plus de neuf mois de travaux, je crois qu'il est grand temps d'accoucher définitivement d'un texte qui ne fera peut-être pas le bonheur de tous, mais qui nous permettra de donner vie à une nouvelle forme de démocratie à laquelle nous aspirons tous. Le groupe UMP votera donc ces deux projets de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je voudrais commencer mon propos, monsieur le ministre, là où vous avez terminé le vôtre, c'est-à-dire par l'application de la révision constitutionnelle du 28 juillet 2008 – il y a maintenant deux ans – et par les lois organiques qui en découlent. Nous devrons encore discuter de deux autres projets de loi organique dont nous attendons évidemment le dépôt avec beaucoup d'impatience, car cela nous permettra de confronter enfin nos points de vue.
Je fais naturellement référence au projet de loi organique relatif au défenseur des droits, que le Sénat a examiné il y a quelques jours et dont notre assemblée va être saisie. Nous aurons à cette occasion un débat sur ce qui est une création « cannibalistique » du Gouvernement puisqu'elle vise à faire disparaître des autorités administratives indépendantes qui fonctionnent à la satisfaction de tout le monde, mais ce n'est pas mon propos aujourd'hui !
Je fais référence aussi au projet de loi organique visant à appliquer l'article 11 de la Constitution – le référendum dit d'initiative partagé –, dont nous ne cessons de vous demander le dépôt. Dans cet hémicycle, monsieur le ministre, les membres du Gouvernement se sont succédé pour nous répéter que ce texte allait venir, qu'il était en préparation, en négociation, en discussion. Les mois, les semestres s'écoulent et, malheureusement, nous attendons toujours. Que le Parlement ne soit toujours pas saisi d'un projet de loi organique devant donner un pouvoir à nos concitoyens, c'est un bien triste symbole ! Nous y voyons comme l'image de votre révision, une révision destinée à favoriser l'exécutif au détriment des droits nouveaux qu'il prétendait donner à nos concitoyens.
Sur le texte qui nous réunit ce soir, le temps n'est évidemment plus à l'argumentation car nous avons eu plusieurs lectures, plusieurs discussions en commission. Le débat est donc largement clos. J'espère simplement que notre assemblée ne connaîtra pas à nouveau l'infortune du 30 juin 1980, date à laquelle elle devait se prononcer de manière définitive après l'échec d'une commission mixte paritaire et l'application exceptionnelle de l'alinéa 4 de l'article 45 de la Constitution. Le vote était annoncé, mais le président l'a décalé parce que l'adoption devait se faire à la majorité absolue et que celle-ci n'aurait pu être atteinte. Il est vrai que c'était un lundi, que nous étions le 30 juin, à la veille de la fin de la session, et que les parlementaires étaient rentrés dans leurs circonscriptions, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui puisque nous sommes un mardi, en pleine session ordinaire. Ce texte sera donc adopté, nous n'en doutons pas, car c'est, paraît-il, le jour où les parlementaires sont le plus présents.
Puisqu'il n'est pas l'heure de convaincre, je souhaite simplement rappeler les convictions du groupe SRC.
Premier point – j'insiste sur le désaccord que nous avons avec le Sénat –, il nous paraît nécessaire que les règles de vote soient identiques dans les deux chambres. L'article 13 prévoit l'addition des votes pour le calcul des trois cinquièmes. Cette disposition contient implicitement la validation d'un rapport de forces numériques entre les deux assemblées par l'acceptation du poids respectif de leurs commissions. Si les règles de chaque assemblée étaient différentes, cela fausserait ce rapport. En d'autres termes, l'appréciation du Sénat serait décisive, ce qui ne nous paraît pas conforme à l'esprit des institutions.
Deuxième point, l'interdiction de la délégation de vote correspond à l'intention du constituant de 2008. Admettons, pour la clarté de la démonstration, que l'esprit de la réforme constitutionnelle était de mettre en place une procédure nouvelle en vue de mieux encadrer les pouvoirs du chef de l'État et de revaloriser le Parlement. Admettons-le pour la clarté de l'exposé, car chacun sait ici ce que le groupe SRC pense de la réalité du mécanisme qui est ici discuté. Nous sommes persuadés que cela reste un leurre et qu'il aurait fallu une majorité positive des trois cinquièmes pour entériner une nomination, et non ce seuil inatteignable à notre avis, qui rend impossible l'opposition du Parlement, sauf crise au sein de la majorité.
Reste que l'intention louable d'encadrer les pouvoirs présidentiels ne peut s'accommoder que d'une solution dans laquelle les parlementaires joueraient pleinement le jeu de la réforme. Il faut que ceux-ci participent physiquement à la procédure de bout en bout. L'avis que les parlementaires ont à émettre porte en effet sur un homme et non sur un texte. Il s'agit de statuer sur les capacités de l'impétrant à exercer les fonctions auxquelles on le destine et, pour forger cet avis, le constituant a prévu une audition.
Nous sommes donc presque dans la situation d'un jury de grand oral, devant lequel la qualité du candidat s'apprécie non pas seulement par rapport à un sentiment, mais aussi par rapport à une prestation. Il est donc logique que seuls ceux qui ont participé à l'audition puissent se prononcer, sinon à quoi servirait-il de procéder à une audition ?
Troisième point, cette interdiction de délégation est évidemment constitutionnelle. En l'espèce, la compétence du législateur organique est avérée. Nous avons rappelé, au cours des débats antérieurs, la constante et nombreuse jurisprudence du Conseil constitutionnel. L'argument selon lequel la loi organique pouvant, aux termes de l'article 27, alinéa 3, de la Constitution, autoriser exceptionnellement la délégation de vote, elle ne pourrait l'interdire, n'est guère soutenable. Voilà pourquoi le groupe SRC a toujours soutenu, depuis le début, sur ce point, la position du rapporteur. Nous suggérons d'ailleurs très humblement que celui-ci aille devant le Conseil constitutionnel, comme il en a la faculté, pour défendre la position de notre assemblée.
Pour autant, puisque le vote est global, nous sommes contraints de confirmer la position que nous avons adoptée le 29 septembre en première lecture, le 2 février en deuxième lecture, le 7 avril en commission mixte paritaire et le 19 mai dernier en nouvelle lecture. Nous nous abstiendrons donc en lecture définitive. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Dommage !
Sur le vote de l'ensemble du projet de loi ordinaire, je suis saisi par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Pierre Gosnat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, cela fait maintenant un an que le premier jet de ce projet de loi organique relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution a entamé son examen parlementaire. On peut au moins se féliciter d'une chose : le Gouvernement n'a pas usé de la procédure accélérée. Cette procédure, en théorie exceptionnelle, est quasiment devenue la norme depuis 2007, aux dépens des pouvoirs du Parlement.
Ce n'est pas vrai !
Pourtant, en avril 2008, le Premier ministre François Fillon présentait un projet qui devait apporter une nouvelle pierre à un édifice démocratique fissuré de toutes parts. La loi de modernisation des institutions de la Ve République, puisque c'est d'elle qu'il s'agit, visait, entre autres, à « renforcer le rôle du Parlement » : vaste projet !
Mais les députés communistes, républicains et du Parti de gauche ne sont pas dupes. Le débat sur l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, partie intégrante de cette non-réforme, l'aura démontré.
Nous voici donc réunis une dernière fois afin d'examiner un projet censé permettre au Parlement d'exercer un « droit de regard » sur des nominations, jusqu'alors discrétionnaires, du Président de la République et des présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Malheureusement, ce « droit de regard », que beaucoup estiment être un minimum, s'est révélé être un trompe-l'oeil. En conditionnant le rejet d'une candidature proposée par le Gouvernement à un vote négatif des trois cinquièmes des membres de la commission compétente, vous rendez quasi impossible un véritable contrôle parlementaire. Triste constat ! Devant les médias, le chef de l'État annonce de petits progrès en matière de contrôle parlementaire, mais, face aux élus de la nation, ces progrès relèvent en réalité de l'hypocrisie.
Étant donné ce simulacre de réforme, il n'est pas primordial de revenir sur l'article 3 du projet de loi organique, relatif à l'interdiction des délégations de vote au sein des commissions compétentes pour émettre un avis sur les nominations présidentielles, qui a d'ailleurs été supprimé au Sénat en nouvelle lecture. Nous aimerions attirer votre attention sur une pratique beaucoup plus inquiétante.
Tout d'abord, on se souvient que, en novembre 2009, Henri Proglio a été promu unilatéralement à la tête d'EDF. Pour mémoire, cet événement avait conduit le Président de la République et le Premier ministre à se ridiculiser, le premier en affirmant que cela avait été décidé avec l'aval du Parlement, le second en rectifiant cette maladresse qui sonnait comme une nouvelle provocation.
C'est maintenant la nomination du président de France Télévisions qui est inscrite à l'agenda politique. Patrick de Carolis, que l'on sait critiqué par le chef de l'État, est candidat à sa propre succession. Il affirme d'ailleurs, sans aucune naïveté : « Je suis optimiste, car je fais confiance au Président qui a toujours défendu la culture du résultat » – là, il n'a pas tout à fait tort ! Or, la Constitution de la Ve République, dont nous ne sommes pas des ardents défenseurs,…
…dispose qu'il revient au Gouvernement de déterminer et de conduire la politique de la nation. Ce n'est pas vous, monsieur le ministre, qui me contredirez.
Dans les faits, cette loi organique confirme une nouvelle fois que le Président de la République peut se permettre de nommer les dirigeants d'institutions qui jouent un rôle éminent dans la conduite de la politique de la France – la Banque de France, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, EDF, la SNCF – sans aucun contrôle du Parlement ! La nomination du président de France Télévisions, quand on sait le rôle majeur que joue la télévision dans l'opinion publique, en est un nouvel exemple consternant.
Nous, députés communistes, républicains et du parti de gauche, considérerons que toutes les nominations devraient relever du Premier ministre et du Parlement, et être avalisées à la majorité simple par les commissions compétentes des assemblées concernées. Voilà qui serait une véritable avancée démocratique. Au lieu de cela, ce qui est nous est proposé n'est rien d'autre qu'une supercherie. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
D'une part, un ensemble important de fonctions échappe à tout contrôle. Qu'en est-il des emplois les plus importants pour le fonctionnement de l'appareil d'État, à savoir ceux de directeur d'administration centrale, de préfet ou d'ambassadeur ? Avec une procédure aussi peu contraignante, qui rend tout veto parlementaire quasi impossible, il n'aurait pourtant pas été très risqué d'introduire ces emplois dans la loi ordinaire. Ne sont même pas mentionnées les nominations pouvant relever de la commission de la défense nationale et des forces armées. S'agirait-il d'une sous-commission ?
D'autre part, ce projet de loi organique mentionne des postes qui présentent, sur l'« échelle de Sarkozy », un risque élevé de disparaître. Ainsi, au terme d'une procédure rocambolesque qui s'est déroulée au Sénat, la fonction de défenseur des enfants a été supprimée. Dans la nuit du 2 au 3 juin, deux amendements qui préservaient cette fonction spécifique avaient été adoptés par la Haute assemblé. Le chef de l'État, qui n'apprécie pas qu'on le court-circuite au sein même de sa majorité, s'est immiscé une fois de plus dans le champ législatif, faisant fi de notre Constitution. Il a exigé de ses troupes qu'elles reviennent sur leur décision. Résultat, dans l'après-midi du 3 juin, les sénateurs UMP et centristes…
…ont revu leur position et ont réintégré le défenseur des enfants dans le périmètre du défenseur des droits, avalisant ainsi sa disparition.
Qu'en sera-t-il à présent de cette fonction, ainsi que du poste de médiateur de la République, ou de celui de président de la commission nationale de déontologie de la sécurité ? À le voir faire voter une loi dont une partie du contenu est d'ores et déjà caduque, on devine le peu d'estime dans lequel le Président de la République tient le Parlement ! Qu'adviendra-t-il de la liste des postes adoptée par l'Assemblée nationale ?
Avant d'en terminer, je veux rappeler les autres propositions que nous avons faites, au cours des différentes lectures, pour revaloriser les droits du Parlement : le scrutin proportionnel, la parité, la suppression du vote bloqué, de l'article 49, alinéa 3, de l'irrecevabilité financière des propositions de loi.
Plutôt que de discuter un texte qui n'aura aucun effet, il aurait été beaucoup plus utile de débattre ensemble du volet citoyen de la réforme de 2008, comme le référendum d'initiative citoyenne, que nous avons testé avec succès pour La Poste, mais que vous maintenez encore hors-la-loi. Nous voterons contre ce projet de loi organique, car il y va du respect de notre fonction d'élus de la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi ordinaire, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 307
Nombre de suffrages exprimés 221
Majorité absolue 111
Pour l'adoption 202
Contre 19
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
Nous en venons au vote sur le projet de loi organique.
La commission mixte paritaire n'étant pas parvenue à l'adoption d'un texte commun, l'Assemblée est appelée à se prononcer sur le dernier texte voté par elle.
Je vais donc mettre aux voix, conformément à l'article 114 du règlement, l'ensemble du projet de loi organique tel qu'il résulte du texte adopté par l'Assemblée en nouvelle lecture.
Je rappelle que l'article 46, alinéa 3, de la Constitution, exige que ce texte soit adopté à la majorité absolue des membres de l'Assemblée.
Le vote se fera par scrutin public dans les salles voisines de la salle des séances.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Il est ouvert pour quarante-cinq minutes ; il sera clos à 18 h 15.
Ouverture du vote par scrutin sur le projet de loi organique
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, lors des débats en séance publique sur le projet de loi de modernisation de l'économie, dite LME, le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation s'était engagé à « travailler à la convergence du droit de l'urbanisme et du droit de l'urbanisme commercial », et à « revenir devant le Parlement dans les six mois avec un texte permettant de réformer de manière définitive le droit de l'urbanisme commercial ». C'était en 2008 !
Deux ans plus tard, il nous faut bien constater qu'aucun texte n'a été proposé par le Gouvernement. C'est pourquoi, après avoir mené une concertation avec les élus et avec les professionnels du secteur, M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, et plusieurs députés, dont votre serviteur, ont souhaité que soit examinée, dans les plus brefs délais, une proposition de loi relative à l'urbanisme commercial.
La présente proposition de loi vise à réintégrer l'urbanisme commercial dans l'urbanisme général. Il ne s'agit nullement d'une énième modification de la loi de modernisation de l'économie, puisque l'approche urbanistique n'a, précisément, pas été celle de cette loi. Nous souhaitons ainsi mettre fin à cette exception française. L'ordre des mots entre le substantif et l'adjectif a toute son importance : c'est bien l'urbanisme qui doit commander la place du commerce, et non l'inverse.
En effet, le droit de la concurrence ne saurait être l'alpha et l'oméga d'une politique d'urbanisme. Il s'agit bien de l'un des éléments à intégrer, mais ce n'est pas le seul. Ce qui doit guider notre réflexion, ce sont les questions de coeur de ville, de proximité, de développement durable, de ville dense et d'articulation entre les différentes fonctions que sont les déplacements, l'habitat, le travail et les services. Ce sont bien ces critères qui doivent présider à l'élaboration de règles d'implantation commerciale.
Nous avons bien entendu, ici ou là, certaines objections fondées sur le droit européen mais, en la matière, la France doit-elle être plus royaliste que le roi ?
Nous avons, à cet égard, présenté dans notre rapport des exemples européens fort intéressants, comme celui de l'Allemagne. À Düsseldorf, en Rhénanie-Westphalie, des projets remarquables sur le plan de la qualité urbanistique et architecturale ont ainsi vu le jour. Nous pourrions également citer le cas de certaines régions d'Italie comme la Toscane.
Les élus ont la légitimité pour définir une politique d'urbanisme. Plusieurs questions se posent : celle du périmètre, celle du document support, celle de la gouvernance. Il faut également savoir quelle est la bonne adéquation entre surfaces de vente et besoins des habitants.
La proposition de loi tente de répondre à ces questions, en prônant un changement complet de pilotage. Ainsi que les auteurs de la proposition de loi l'ont indiqué dans l'exposé des motifs, le texte initial, loin d'être définitif, avait vocation à être retravaillé. Le président Patrick Ollier l'a d'ailleurs rappelé lors des débats en commission. Finalement, le texte qui est examiné aujourd'hui en séance publique a été construit au fil des discussions, exercice qualifié d' « inédit » par ce dernier.
À l'issue des travaux de la commission des affaires économiques, le périmètre de gouvernance retenu est l'intercommunalité, dans sa dimension de bassin de vie, à l'échelle la plus pertinente possible.
Le schéma de cohérence territoriale, ou SCOT, sera le document maître en matière d'urbanisme commercial. Il déterminera les localisations préférentielles des commerces, pour répondre à plusieurs objectifs d'aménagement du territoire : la revitalisation des centres-villes, la cohérence entre les commerces, la desserte en transports, la maîtrise des flux de personnes comme de marchandises, la consommation économe de l'espace, et la protection de l'environnement et des paysages.
Patrick Ollier a également proposé que les dispositions d'urbanisme commercial du SCOT soient un chapitre bien identifié du document d'orientation et d'objectifs.
Ce chapitre, séparé et intégré à la fois – car cela reste un chapitre –, s'intitulera document d'aménagement commercial.
La commission a complété cette liste pour y ajouter le maintien du commerce de proximité, qui constitue pour nous un élément essentiel de la ville compacte que nous appelons de nos voeux. À cet égard, nous nous inscrivons simplement, mais solidement, dans la continuité du Grenelle de l'environnement.
Qui dit planification ne dit pas nécessairement Gosplan… (Sourires.)
Le SCOT pourra déterminer des centralités urbaines où seul le plan local d'urbanisme, le PLU, réglementera l'urbanisme commercial. En dehors de ces centralités ou centre de quartiers, il délimitera des zones où les implantations commerciales devront faire l'objet d'une autorisation dès lors que leur surface, hors oeuvre nette, atteindra 1 000 mètres carrés.
La proposition de loi initiale se contentait d'indiquer, sans plus de précisions, qu'il revenait au SCOT de fixer ce seuil.
La commission a aussi adopté un amendement précisant que les règles et les seuils fixés par le SCOT en périphérie des centralités urbaines pourront différer dans une même zone selon qu'il s'agit de commerces de détail, de commerces de gros, d'ensembles commerciaux continus ou discontinus. Il sera tenu compte de la fréquence et de l'importance des déplacements induits par les commerces. Il s'agit ainsi de préciser la typologie des commerces visée par la proposition de loi.
Dans l'hypothèse où l'intercommunalité se sera dotée d'un plan local d'urbanisme, ce dernier pourra jouer le rôle du SCOT en matière d'urbanisme commercial. C'est ce que nous avons souhaité et soutenu dans le cadre du Grenelle de l'environnement.
Une intercommunalité non dotée d'un SCOT ou d'un PLU communautaire pourra se saisir de la compétence en matière d'urbanisme commercial et élaborer un document d'aménagement commercial, ou « DAC ».
En résumé, dès lors qu'une intercommunalité se sera dotée d'un document de planification, les autorisations commerciales disparaîtront, et seul subsistera le permis de construire.
Enfin, en l'absence de structure intercommunale, ou lorsque l'intercommunalité ne se sera dotée ni d'un SCOT, ni d'un PLU, ni d'un DAC, les projets de commerce devront être soumis à la commission régionale d'aménagement commercial, la CRAC, dès que leur surface hors oeuvre nette dépassera 300 mètres carrés.
Néanmoins, afin de laisser suffisamment de temps aux collectivités territoriales pour se doter d'un document d'urbanisme adéquat, et de limiter de ce fait le rôle subsidiaire de la CRAC, la commission des affaires économiques propose de ménager une transition de trois ans, pendant lesquels les seuils de la LME resteront applicables. L'instauration de ce délai nous a été demandée avec insistance, ce qui se comprend.
La commission régionale n'aura donc qu'un rôle transitoire à jouer, et la proposition de loi constitue pour les communes une incitation forte à se doter, d'une part, de structures intercommunales, et, d'autre part, de documents de planification couvrant ce périmètre.
La commission des affaires économiques a quelque peu modifié la composition de la CRAC initialement prévue par le texte, afin de renforcer la présence des élus qui ont toute légitimité pour fixer les règles d'urbanisme.
Point important : la proposition de loi supprime la commission nationale et les commissions départementales d'aménagement commercial. Les dispositions de la LME en matière de seuils sont également abrogées au-delà de la période transitoire que nous venons de citer, de sorte que les dispositions d'urbanisme commercial disparaîtront bien du code de commerce. Ce contentieux entrera ainsi dans le droit commun du contentieux de l'urbanisme, qui est un contentieux administratif classique.
Par ailleurs, plusieurs dispositions visent à ménager des transitions dans le temps et dans l'espace.
Dans le temps, la transition est ménagée par des commissions régionales qui ne joueront un rôle que tant que les collectivités territoriales ne se seront pas dotées de l'instrument de planification adéquat. Je rappelle que le territoire national a vocation à être couvert de SCOT à l'horizon 2017. Autrement dit, la règle de la constructibilité s'appliquera, comme prévu dans le Grenelle 2.
Dans l'espace, il reviendra au préfet de jouer un rôle de coordination aux frontières entre deux DAC. De même, les commissions régionales joueront un rôle essentiel pour éviter les logiques de cavalier seul en périphérie des territoires couverts par un DAC.
La commission des affaires économiques a également complété la proposition de loi en adoptant des amendements importants.
L'un de ces amendements permet au règlement du PLU de prévoir des règles visant à maintenir la diversité commerciale des quartiers et à préserver les espaces nécessaires aux commerces de proximité.
Un amendement du Gouvernement habilite ce dernier à codifier par ordonnance les articles 1er à 4 de la proposition de loi. Un autre amendement du Gouvernement crée un observatoire national de l'équipement commercial.
À ce sujet, monsieur le secrétaire d'État, je me permets de préciser que nous souhaitons que cet observatoire se contente bien d'observer.
La commission a également adopté un amendement du Gouvernement réintégrant dans le code du cinéma et de l'image animée les dispositions du code de commerce relatives aux autorisations d'aménagement cinématographique abrogées au I de l'article 5.
Je vous proposerai d'adopter quelques modifications complémentaires.
Tout d'abord, il nous paraît important de préciser la notion de diversité commerciale au niveau du SCOT. Cette notion ne figure aujourd'hui que dans le PLU, alors que le SCOT devient le document maître, ou le document chapeau, en matière d'urbanisme commercial.
Ensuite, il convient de définir la notion d'ensemble commercial dans la loi, et non au niveau du décret.
Enfin, nous considérons qu'il est important que le maire recueille l'avis de l'intercommunalité ayant établi le document d'aménagement commercial, avant de délivrer un permis de construire portant sur un commerce.
En conséquence, chers collègues, et sous réserve de ces quelques modifications, nous vous inviterons à adopter la présente proposition de loi. Je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Il y a deux ans, le vendredi 12 juin 2008, dans cet hémicycle, le Gouvernement prenait l'engagement, lors de l'examen du projet de loi de modernisation de l'économie, de déposer dans les six mois un projet de loi permettant de transférer au code général de l'urbanisme les dispositions relatives à l'urbanisme commercial. C'était une volonté partagée par tous les parlementaires de tous les groupes politiques.
Ne voyant pas venir ce texte,…
…j'ai décidé, avec Michel Piron et une trentaine de mes collègues du groupe UMP auxquels s'est joint M. Dionis du Séjour, de déposer une proposition de loi qui soit de nature à respecter cet engagement.
Je remercie le président Jean-François Copé grâce auquel nous pouvons consacrer cette journée dédiée au groupe UMP à la discussion de cette proposition de loi.
Je tiens également à vous remercier personnellement, monsieur le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, car nous ne serions probablement pas parvenus à élaborer ce texte – même si nous ne sommes pas d'accord sur toutes ses dispositions – sans le travail réalisé en amont avec vous et avec vos services, dont je salue la disponibilité et la compétence. Nous disposons ainsi, malgré certaines divergences, d'une base perfectible qu'il nous revient d'améliorer au fur et à mesure de la discussion.
Comme je l'ai précisé à l'occasion de son dépôt, ce texte a été élaboré dans des conditions de précipitation puisque j'ai souhaité que l'on honore la parole donnée. M. Piron a rappelé que nous avons lancé une vaste concertation, notamment sous l'égide de Mme Vautrin,…
…de M. Poignant, qui a présidé d'autres réunions, ou de moi-même.
Avec Michel Piron, l'excellent rapporteur, nous avons mené cette concertation impliquant l'ensemble des acteurs. Aussi le texte auquel nous avons abouti constitue-t-il un bon compromis entre les positions des uns et des autres, celle du Gouvernement y compris.
Je ne reprendrai pas dans le détail ce que vient de fort bien exposer Michel Piron. Je préciserai simplement que l'exercice consistant à transférer les dispositions d'urbanisme commercial dans le code général de l'urbanisme reste difficile ; c'est pourquoi nous avons perdu beaucoup de temps et pourquoi la présente rédaction n'est pas tout à fait achevée. Nous souhaitons, monsieur le secrétaire d'État, qu'elle serve de base à un texte qui ne sera définitif qu'au terme des lectures successives par les deux chambres.
Le dispositif général n'en reste pas moins bien calé : dans le cas où il existe des schémas de cohérence territoriale, nous avons créé le document d'aménagement commercial, qui permet de préciser les orientations en matière d'urbanisme commercial, et est ensuite décliné pour chaque plan local d'urbanisme. Quand il n'y a pas de SCOT, c'est l'intercommunalité qui est chargée de créer un tel dispositif, dans le cadre du PLU intercommunal – cher à M. Piron, qui n'est toutefois pas parvenu à l'imposer systématiquement.
Dommage !
Quoi de plus simple ?
Dans l'hypothèse où il n'existe ni SCOT ni PLU intercommunal mais un établissement public de coopération intercommunale, nous créons une compétence lui permettant d'établir le fameux document d'aménagement commercial qui rend toujours le même service et que chaque PLU décline à la parcelle.
Ce sont ainsi les élus qui détiennent la clef de l'aménagement commercial de leur commune.
Telle était notre volonté : que les élus assument leurs responsabilités. Nous avons de surcroît pris en compte les souhaits du Gouvernement, qui a raison de nous orienter vers certaines dispositions. L'équilibre que nous avons trouvé est de nature à favoriser le consensus – je pense notamment au seuil des mille mètres carrés de surface hors oeuvre nette au-delà duquel on déclenche le processus de zonage pour les PLU.
Nous allons progresser au cours de la discussion des 113 amendements, monsieur le secrétaire d'État : vous vers nous et nous vers vous.
Certainement, monsieur Brottes, d'autant que nous acceptons certains amendements de l'opposition. Je vous conseille donc de rester pour les défendre car je serais désolé de devoir le faire à votre place.
Au cours des travaux en commission, je n'ai pas perçu, monsieur Brottes, de grandes divergences entre la majorité et l'opposition.
J'ai au contraire senti une volonté unanime des élus de maîtriser l'urbanisme commercial selon les règles de la République, qui ne sont ni de droite, ni de gauche, ni du centre,…
…car il s'agit de règles de bon sens. Un consensus s'est dès lors dégagé puisque vous avez, chers collègues de l'opposition, voté tous les articles sauf deux.
L'exercice auquel nous sommes conviés, monsieur le secrétaire d'état, est original puisque c'est la première fois que nous allons discuter à l'Assemblée nationale d'une proposition de loi inachevée et que nous allons construire tout au long du débat. C'est courageux de votre part de l'avoir accepté. Je salue aussi le courage de la majorité et de l'opposition car il n'est pas évident de mener un travail de commission en séance publique, mais il y va de l'intérêt général.
Pour finir, je souhaite rendre hommage à Jean-Paul Charié. Ses travaux pionniers, sa compétence, sa constance nous ont éclairés.
Je lui avais confié une mission de contrôle de l'exécution de la loi LME. Il a réalisé sa tâche avec M. Gaubert, vice-président SRC de la commission.
M. Charié ayant malheureusement disparu, j'ai dû achever cette mission à sa place. Je dois reconnaître qu'en ce qui concerne l'urbanisme commercial, les résultats n'ont pas été très bons, qu'il y a eu des errements, des contradictions ; j'ai le souvenir d'une commission que j'avais convoquée dans la précipitation à la suite d'une circulaire sortie au mois d'août 2008…
…et qui nous a valu des discussions très difficiles puisque ladite circulaire prenait complètement à contresens la volonté de la représentation nationale.
Nous devons prendre en compte tous ces débats passés ; il nous faut tourner la page des difficultés rencontrées ; il faut que les députés de la majorité comme de l'opposition, mais aussi le rapporteur et le ministre, acceptent de cheminer les uns vers les autres afin d'aboutir à un texte qui soit à l'honneur du Parlement.
J'ai déposé un amendement qui n'est pas en rapport direct avec le texte mais qui doit mettre un terme à une aberration en matière de préemption des baux commerciaux. À travers la préemption des baux commerciaux, j'avais voulu donner aux maires la possibilité de mieux préserver les commerces de proximité des centres-villes et de mieux harmoniser la diversité commerciale. Ainsi, une DIA doit leur permettre d'accepter ou non une implantation avec le droit de préempter.
Or je me suis rendu compte avec l'expérience que la vente des parts sociales de SCI permettait de contourner la loi que nous avions votée. C'est inacceptable ! J'ai donc déposé un amendement qui met un terme à cette aberration.
…car je ne puis accepter que, par des artifices juridiques, on contourne la volonté du législateur.
Monsieur le secrétaire d'État, j'espère que nous parviendrons à nous mettre d'accord pour aboutir à la meilleure proposition de loi possible sur l'urbanisme commercial. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
L'Assemblée s'associe tout entière à l'hommage rendu à la mémoire de notre collègue Jean-Paul Charié.
La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.
Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, après trente ans de textes législatifs successifs, nous sommes réunis pour discuter de la remise à plat des conditions dans lesquelles se développent les activités commerciales sur notre territoire. Je vous épargnerai la litanie des textes qui se sont succédé sur le sujet, mais voilà bien trente ans que nous essayons de trouver le bon équilibre sans, objectivement, y parvenir.
La loi de modernisation de l'économie ne devait être, en la matière, qu'une étape transitoire d'une durée de six mois, comme viennent de le rappeler le rapporteur et le président de la commission. Ces six mois sont devenus deux ans et le Gouvernement, qui s'était engagé à déposer un texte au terme de cette période transitoire, ne l'a pas fait. Je m'en excuse auprès de vous et je suis très heureux que nous discutions enfin de l'urbanisme commercial.
Vous le savez, un double système d'autorisation régit les implantations commerciales : une autorisation commerciale d'un côté, et une autorisation d'urbanisme classique, le permis de construire, de l'autre. Le texte vise à fusionner les deux pour ne plus requérir qu'une seule autorisation d'urbanisme.
L'important, et nous en sommes tous d'accord, Gouvernement comme Parlement, est de reprendre la main dans l'aménagement de nos territoires, d'en finir avec une expansion anarchique. En effet, trop souvent, et vous le vivez tous comme moi sur le terrain, le commerce, notamment en périphérie, s'est développé de façon incontrôlée, avec des règles d'urbanisme insuffisamment contraignantes, au point que les entrées de nos villes sont aujourd'hui défigurées, parfois même au détriment des activités elles-mêmes, mal organisées, mal réparties, au point que se développent des friches commerciales.
L'insertion urbaine des grands équipements commerciaux constitue pourtant un enjeu majeur en matière d'urbanisme, que nous avons traité séparément jusqu'à présent. Ces équipements sont de grands « consommateurs » de terrain foncier, ils génèrent des déplacements importants, et sont le plus souvent mal intégrés à leur environnement immédiat.
Dans la ligne de l'approche que nous avons développée à l'occasion du Grenelle de l'environnement, nous savons combien il est important d'aborder les questions de façon transversale, en intégrant à notre réflexion différents aspects : logements, transports, commerces, espaces verts. C'est avec l'ensemble de ces composantes que nous pourrons bien organiser nos territoires.
Depuis la LME, de nombreux parlementaires se sont saisis du sujet. Je les en remercie, et je m'associe à vous, monsieur le président, pour rendre hommage à Jean-Paul Charié, dont la contribution nous a permis de confirmer nos orientations. Je tiens en outre tout particulièrement à saluer le travail réalisé par le président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, et par le rapporteur, Michel Piron.
Nous avons certes souvent tendance à remercier le rapporteur et le président de la commission pour leur travail. Mais en l'occurrence, si le présent texte n'est pas achevé, un vrai travail de fond a été engagé. Il ne s'agit pas d'une énième petite réforme mais, j'y insiste, d'une vraie remise à plat de l'ensemble de notre urbanisme commercial, avec la fin de cette originalité française prévoyant une autorisation commerciale d'un côté et une autorisation d'urbanisme de l'autre. Laissez-moi vous remercier, une fois encore, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, d'avoir pris, avec Catherine Vautrin et Serge Poignant, vos responsabilités et d'avoir assumé ce texte. Vous l'avez dit : nous ne sommes pas d'accord sur tout ; ce n'est pas grave, cela fait partie de la vie parlementaire. Du reste, nous nous accordons sur l'essentiel, sur la philosophie générale : intégrer le droit commercial dans l'urbanisme de droit commun.
De l'avis de tous, les difficultés d'application de la loi LME se sont rapidement fait sentir et nous avons besoin d'évoluer en la matière.
L'architecture globale de votre proposition me semble juste : à travers la place donnée au SCOT qui assure, comme son nom l'indique, la coordination, à l'échelle des grands bassins de vie, des politiques d'habitat et de transport ; mais aussi à travers des critères uniquement ciblés sur les questions d'aménagement et d'environnement ; ou encore à travers des procédures qui se situent dans la logique des pratiques habituelles en matière d'urbanisme : là où il y a un document de planification à la bonne échelle, il peut énoncer des conditions sur l'intégration de grands équipements, ce qui permet alors de supprimer la double procédure que j'ai évoquée ; en l'absence d'un tel document, il est légitime de maintenir le système actuel tout en le simplifiant pour en éviter les effets pervers.
L'objectif est de donner aux élus et aux collectivités des outils d'aménagement appropriés, tout en respectant la liberté d'entreprendre et le droit de la concurrence.
Le sujet est complexe, compte tenu, comme toujours en urbanisme, de la diversité des situations locales. C'est pourquoi nous avons retenu un principe global : une intégration pleine et entière à l'urbanisme, à l'échelle appropriée, que ce soit avec le SCOT, qui n'examine que les grands équipements dont l'impact porte sur des territoires étendus, ou avec les règles du PLU intervenant, elles, sur tous les projets, comme c'est le cas pour tous les types de construction.
En conclusion, je souhaite qu'au-delà des quelques désaccords qui nous séparent, nous soyons tous conscients qu'il s'agit d'un sujet difficile, aux implications très importantes. Ce n'est pas un hasard s'il nous a fallu tant de temps pour clarifier la situation. Aujourd'hui, notre responsabilité est déterminante et l'enjeu est important. Certes, comme l'a dit M. le président de la commission, le texte est perfectible, mais je pense très sincèrement que nous sommes sur le bon chemin et que nous finirons par sortir des errements que nous avons connus depuis de trop nombreuses années. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ce débat commence sous le signe du consensus et j'espère qu'il se terminera de la même façon, mais je dois avouer, monsieur le secrétaire d'État, que je n'en suis pas complètement convaincu.
Allons, ne soyez pas défaitiste !
Le problème avec vous, c'est que vous commencez toujours par avoir une attitude d'ouverture, jusqu'au moment où vous fermez violemment la porte au nez de vos interlocuteurs, comme vous l'avez fait en commission !
Nous espérons que vous avez eu le temps de réfléchir et que, si vous ne pouvez vous empêcher de fermer la porte, vous le ferez moins violemment, en vous rendant à certains des arguments exposés par les députés – de l'opposition comme de la majorité – sur ce sujet sensible.
Nos analyses respectives de la situation convergent. À l'issue de trente années d'hésitations et de contradictions, on se retrouve avec des entrées de ville systématiquement défigurées par les zones commerciales et des centres-villes complètement dénaturés, où les seuls commerces en activité sont les banques et les agences immobilières – ainsi que les magasins de souvenirs dans les villes touristiques. Bien souvent, la zone fonctionnelle qui devrait se trouver au coeur de la ville a complètement disparu.
En revanche, il me semble que vous n'avez pas tiré toutes les conséquences de la LME. Vous semblez découvrir que cette loi n'a pas été une réussite sur le plan de l'urbanisme commercial, alors que nous vous avions prévenus lors des débats : nous vous avions dit en particulier – et même si vous n'étiez pas encore au Gouvernement, monsieur Apparu, j'imagine que vous êtes solidaire de vos prédécesseurs –,…
Oui, j'étais sur ces bancs !
…nous vous avions dit qu'en ouvrant de nouvelles surfaces commerciales sans compléter le dispositif, vous risquiez de connaître de grandes désillusions. C'est le cas ! Le président Ollier a évoqué une interprétation abusive de la part des services du ministère, une erreur qui, si elle a été corrigée rapidement, a eu des conséquences. On ne les mesure pas très bien mais, si l'on en juge par ce que l'on a constaté dans certains départements, ce sont probablement 5 à 7 millions de mètres carrés qui ont été ouverts durant cette période. M. Novelli s'en tient à 3 millions, mais il a sans doute intérêt à le faire.
Par ailleurs, le Gouvernement de l'époque a fait des promesses qui n'ont pas été tenues : alors que nous devions avoir une loi dans les six mois, il a fallu que le président Ollier se saisisse de la question, vingt-quatre mois plus tard, pour que les choses avancent. Au vu de votre attitude en commission, nous avons eu le sentiment que le Gouvernement se serait bien accommodé de ne rien changer à la LME.
Vos supputations vous conduisent à une interprétation erronée !
Je porte donc au crédit du président Ollier d'avoir remarqué qu'une promesse n'avait pas été tenue.
Cela étant, l'esprit de ce texte nous satisfait, même s'il reste à savoir ce qu'il en adviendra. Je crois que j'ai été le premier à dire dans cet hémicycle, au nom du groupe SRC, qu'il était temps d'intégrer l'urbanisme commercial à l'urbanisme en général – en tenant compte, évidemment, d'un certain nombre de paramètres. J'ai constaté avec satisfaction que nombre de nos collègues, notamment de l'UMP, ont fait leur devoir de parlementaires en écoutant notre proposition et en considérant qu'il s'agissait d'une bonne solution.
Si nous sommes d'accord pour intégrer l'urbanisme commercial au SCOT, il reste à savoir à quoi doit servir ce schéma. Il doit délimiter les zones en fonction de l'habitat, du transport, bref de tous les paramètres d'organisation de nos villes, mais également permettre de définir ce que l'on met à l'intérieur des zones. C'est sur ce point que nous commençons à avoir des divergences, sur les surfaces concernées comme sur les commerces qui peuvent s'y implanter.
Pour ce qui est des surfaces, le débat a déjà eu lieu en commission. Le rapporteur a réussi à faire adopter un amendement fixant à 1 000 mètres carrés de surface hors oeuvre nette le seuil au-delà duquel le SCOT doit autoriser les implantations commerciales. Je suis tenté de dire que l'on peut s'en satisfaire pour les zones commerciales situées en dehors des agglomérations. En revanche, il est impossible de retenir ce seuil dans les centres villes, où les cellules sont généralement d'une surface très inférieure. C'est notamment le cas à Paris où, ainsi que me le disait Patrick Bloche, les cellules sont en principe comprises entre 300 et 600 mètres carrés, ce qui rendrait le dispositif inopérant si l'on retenait un seuil unique de 1 000 mètres carrés. Nous devrons en débattre tout à l'heure.
L'aménagement de l'espace nécessite également d'évoquer la proximité et la diversité des commerces. Sur ce point, il semble que nous ne soyons pas allés au fond des choses, en raison de certaines réticences. Certes, la position de la Commission européenne sur ce point n'est pas claire, ce dont certains ont tiré argument. Il est malheureusement fréquent dans notre pays que l'on s'en tienne à une hypothétique opposition de la Commission, utilisée comme prétexte pour éviter de faire jouer la confrontation des idées.
Les Allemands ont, sur cette question, une conception bien différente de la nôtre. L'excellent rapport de notre collègue Michel Piron sur l'urbanisme en Allemagne montre bien que nos voisins européens n'ont pas hésité à aller très loin, si bien qu'ils ont, au terme de trente ou quarante années d'urbanisme, des villes très différentes des nôtres : des villes où l'on vit bien, où le commerce de proximité est préservé et où le commerce de détail est beaucoup moins cher que chez nous.
Nous avons fait l'erreur de considérer qu'il suffisait de jouer sur la surface des magasins pour faire baisser les prix ; or, une très grande surface ne garantit nullement des prix inférieurs à ceux pratiqués ailleurs. (« C'est sûr ! sur les bancs du groupe SRC.) En réalité, c'est au rapport entre les charges et le chiffre d'affaires qu'il faut s'intéresser. Quand on a un chiffre d'affaires important, on peut prendre moins de marge : c'est ce qui se fait en Allemagne, en particulier pour les commerces de détail. J'ajoute qu'en France, le prix affiché dans les grandes surfaces n'est qu'un coût brut, dans la mesure où il ne tient pas compte du coût des déplacements que doivent effectuer nos concitoyens pour y accéder.
Nous allons donc devoir débattre de la diversité du commerce. Si vous n'acceptez pas la discussion sur ce point, les maires, les présidents de communautés de communes et de SCOT n'auront qu'un pouvoir illusoire : ils ne pourront pas faire figurer dans la charte commerciale les éléments de nature à leur permettre d'agir réellement. Et que l'on ne vienne pas nous dire que c'est une entrave au commerce, que le sacro-saint principe de la libre entreprise est mis en péril ! Comme chacun le sait, il y a toujours eu des règles d'installation pour les entreprises. Il faut bien tenir compte, par exemple, des éventuelles nuisances que peut causer une industrie. Pourquoi les entreprises commerciales seraient-elles les seules à pouvoir s'installer pratiquement n'importe où ?
On nous oppose aussi le marché unique, mais en quoi consiste-t-il ? Il veille à ce que les différences de provenance des produits ou des services ne se traduisent pas par des distorsions. Les Allemands ont évité cet écueil : ils n'ont jamais dit que les commerces allemands devaient proposer un certain pourcentage de produits allemands, ce qui les aurait placés en infraction au regard des règles du marché unique. Mais en quoi l'organisation du commerce à Hambourg a-t-elle une conséquence sur l'organisation du commerce à Milan ou à Bruxelles ? C'est un fait, il y a trop souvent confusion entre l'idée d'un marché ouvert – il l'est autant en Allemagne qu'en France – et celle d'une organisation commerciale de base favorisant l'intérêt de nos concitoyens.
Mon cher collègue, la liberté du commerce ne signifie pas que l'on puisse s'installer où l'on veut.
Je suis désolé, mais on ne s'installe jamais où l'on veut. À force de craindre par anticipation les petits coups de fouet que pourrait nous infliger tel ou tel fonctionnaire européen, nous finirons par ne plus rien faire et par laisser détruire le commerce de proximité au nom des règles européennes, qui n'en demandent pas tant !
Je crois que nous devrions prendre le risque d'aller, de temps à autre, affronter la Cour de justice car, faut-il le rappeler, c'est elle qui dit le droit, et non les fonctionnaires européens !
Nous serons donc attentifs aux deux sujets sur lesquels un accord peut être trouvé avec vous, à savoir la surface à partir de laquelle une autorisation d'implantation est nécessaire – différente selon que l'on se trouve en centre-ville ou en périphérie – et la définition d'une « typicité », pour reprendre l'expression de notre rapporteur, des commerces acceptés dans les différentes zones, afin que nos concitoyens ne soient pas obligés de faire le tour de l'agglomération pour obtenir les produits et services qu'ils recherchent, en particulier les produits de consommation courante et de première nécessité, auxquels ils doivent avoir accès tous les jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Voici le résultat du scrutin portant sur le projet de loi organique relatif à l'application de l'article 13 de la Constitution.
Majorité requise pour l'adoption du projet de loi organique, soit la majorité absolue des membres composant l'Assemblée ……………………………… 289
Pour l'adoption ..…………………………………….. 325
La majorité requise étant atteinte, l'Assemblée nationale a adopté le texte.
Nous reprenons la discussion générale de la proposition de loi relative à l'urbanisme commercial.
Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, monsieur le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, mes chers collègues, je ferai trois types de remarques au sujet de cette proposition de loi.
Premièrement, au sujet de l'urbanisme en général – puisque cette proposition est relative à l'urbanisme, comme l'indique son titre –, les écologistes souscrivent à l'objectif consistant à intégrer pleinement l'urbanisme commercial à l'urbanisme. De même, nous approuvons la démarche consistant à faire le lien avec les infrastructures de transport ou les services de transports existants – notamment les transports en commun –, ainsi qu'avec la mixité fonctionnelle. Si l'on tient compte, à juste titre, de la mixité sociale en matière d'habitat, la question de la mixité fonctionnelle est trop souvent négligée en urbanisme. Quelle que soit la taille d'une ville, on y retrouve invariablement les mêmes fonctions que sont l'habitat, le commerce, les services publics, l'emploi – dans les services, l'artisanat ou l'industrie – et l'on doit se demander si l'on souhaite conserver des terres agricoles à l'intérieur des agglomérations, lorsque celles-ci sont limitrophes de zones rurales.
Par ailleurs, nous souscrivons à l'objectif consistant à valoriser davantage les démarches de SCOT – les schémas de cohérence territoriale – ou les plans locaux d'urbanisme dans une vision communale, mais aussi intercommunale. À cet égard – notre rapporteur comprendra sans doute de quoi je veux parler –, il faudrait aller au bout de la logique. Si nous voulons réformer l'organisation de l'urbanisme, il faudrait, dans une logique intercommunale qui est celle de la proposition de loi, aller jusqu'au plan local d'urbanisme intercommunal. Nous en avons débattu à l'occasion d'un amendement de Michel Piron. M. le secrétaire d'État avait d'ailleurs émis un avis favorable…
Très favorable !
…lors du débat sur le Grenelle de l'environnement. Nous sommes également intervenus en sa faveur en votant pour, avec Yves Cochet.
Cela étant, nous aurions souhaité aller jusqu'au bout.
Je ne sais pas quelle était votre position lorsque les SCOT ont été créés par la loi SRU, mais selon moi, c'est un grand pas en avant que d'avoir instauré les schémas de cohérence territoriale. Encore faut-il qu'ils correspondent aux bassins de vie. Quand on regarde la carte de France, on voit beaucoup de « petits » SCOT, si je puis me permettre cette expression, autrement dit des schémas de cohérence territoriale qui ne dépassent pas les limites administratives des établissements publics de coopération intercommunale, alors que la logique serait d'avoir une vision plus large. Là aussi, il faudrait franchir le cap en se penchant à nouveau sur la carte de l'intercommunalité et en faisant en sorte qu'il n'y ait plus de bassins de vie coupés en plusieurs intercommunalités. À cet égard, le rendez-vous manqué de la réforme territoriale est regrettable. En tout cas, nous ne pouvons pas déconnecter les deux.
De même, si l'on veut que les sujets d'urbanisme commercial soient traités au niveau intercommunal, il faut que la légitimité des structures intercommunales, donc des décideurs, soit plus forte et plus démocratique. J'en profite pour plaider à nouveau en faveur de l'élection au suffrage universel direct des assemblées intercommunales.
Certes, vous pouvez arguer du fait qu'il s'agit de la première pierre d'un édifice en construction qui, peu à peu, deviendra cohérent.
La construction des cathédrales a parfois demandé plusieurs siècles ! (Sourires.)
J'espère que, dans le cas qui nous occupe, ce sera plus rapide !
Je me demande surtout si ce n'est pas un édifice bancal que vous allez proroger dans le temps, puisque les débats que nous avons eus parallèlement sur la réforme territoriale et sur le Grenelle ont montré que vous refusiez d'avancer en la matière.
S'agissant du commerce, nous sommes à la poursuite d'un équilibre, jusqu'à présent introuvable, entre petits commerces et grandes surfaces commerciales – je ne parle même pas d'autres formes de commerce, comme les marchés. Aujourd'hui, un déséquilibre s'est installé dans la plupart des agglomérations de France et même dans les petites communautés de communes, où l'on a vu les grandes surfaces commerciales pousser comme des champignons. Cela pose de nombreux problèmes, mais je n'y reviendrai pas, car M. le secrétaire d'État a lui-même dressé un tableau assez sombre de la situation de déséquilibre en matière commerciale. De ce point de vue, la loi de modernisation de l'économie est un échec, car, loin de corriger ces déséquilibres, elle les a aggravés. Pour cette raison, j'estime que votre proposition de loi pose problème, s'agissant du seuil de 2 000 mètres carrés.
Non, 1 000 mètres carrés !
Selon moi, 300 ou 500 mètres carrés seraient plus raisonnables.
Cette discussion me fait penser à un débat que nous avons eu précédemment. On pourrait parler en la matière de mitage du paysage – M. le secrétaire d'État lui-même l'a dit, me semble-t-il. On pourrait parler d'une nécessité de schéma régional puisque vous-même, monsieur Ollier, qui êtes l'auteur de la proposition de loi, vous intégrez – et je m'en félicite – le président du conseil régional et vous créez une commission régionale. Vous choisissez de faire confiance aux élus locaux, ce que, bien sûr, je ne conteste pas. Cela étant, nous aurions aimé que vous ayez la même logique lorsque nous avons parlé des éoliennes, mais c'est un autre débat…
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner une proposition de loi relative à l'urbanisme commercial, dont l'objectif est d'intégrer le droit de l'urbanisme commercial dans le code de l'urbanisme.
Permettez-moi d'avoir une pensée pour Jean-Paul Charié, qui a été l'un des promoteurs de cette unification. Lors des travaux relatifs à la LME, nous nous étions posé une question simple, mais justifiée : pourquoi ne pas inscrire l'ensemble de ces procédures d'autorisation dans le code de l'urbanisme ? C'est l'honneur de la commission des affaires économiques, et notamment de son président, Patrick Ollier, de tenir parole avec cette proposition de loi.
Ce n'est pas un luxe de poser à nouveau la question des objectifs de l'unification des procédures d'urbanisme de droit commun et d'urbanisme commercial. Après tout, le système actuel fonctionne, même si c'est cahin-caha. Quels sont donc les défauts que nous entendons corriger par cette modification d'ampleur de notre droit de l'urbanisme ? Nous devons être d'accord sur le diagnostic.
Premièrement, nous devons mettre en cohérence les décisions d'urbanisme commercial avec l'ensemble des politiques urbaines. Déplacement, stationnement, emploi : le fait de les immerger, de les arrimer aux SCOT ne peut aller que dans le bon sens.
Deuxièmement, il faut aller plus vite. La mise en série de deux procédures, celle du permis de construire et celle de l'autorisation d'ouverture commerciale a abouti à des délais extrêmement longs, qui sont à l'évidence préjudiciables à la vie économique et sociale de nos territoires. Nous devons penser notamment à la réhabilitation des friches commerciales.
Troisièmement, nous devons mettre en place une gouvernance locale qui joue pleinement son rôle de régulation, contrairement à celle existant aujourd'hui autour des CDAC – les commissions départementales d'aménagement commercial. J'ai été l'auteur d'une formule qui a eu du succès, car elle touchait un point sensible : les CDAC ne sont bien souvent que des « machines à dire oui lentement ». Avec Luc Chatel et Michel Raison, nous avons étudié la question et nous sommes arrivés à la conclusion suivante : le pourcentage d'approbation des différents projets commerciaux, deux ans après leur premier dépôt, dépasse toujours 95 %. Pour être juste, tel n'est pas le cas de la CNAC qui, au niveau national, a effectué une régulation digne de ce nom avec à peu près 50 % de oui et 50 % de non. Cette régulation, aujourd'hui, ne fonctionne pas au niveau local : nous devons avoir le courage de le dire, même si, sur tel projet, telle CDAC peut avoir été lucide et courageuse. Car, dans son ensemble, ce diagnostic est incontestable.
À ce jour, les objectifs sont toujours pertinents. Les centristes approuvent la démarche qui fonde la proposition de loi. Le président Patrick Ollier me rappelait d'ailleurs que j'en étais l'un des signataires.
Vous l'aviez oublié ? (Sourires.)
Non, mais il est toujours agréable de s'entendre rappeler ses actes politiques par le président de la commission ! (Sourires.)
Nous approuvons aussi le choix du SCOT, François de Rugy l'a dit, comme territoire pertinent, comme véritable bassin de vie, dont les habitants partagent les actes fondamentaux de la vie quotidienne. C'est vrai, il y a des petits SCOT, des SCOT moyens…
Cela peut être amélioré, mais l'idée de faire arbitrer à ce niveau les choix commerciaux nous semble bonne, car il y a là un vrai bassin de vie où les gens partagent les actes de la vie quotidienne : résidence, emploi, scolarité, commerces, soins.
De même, le nouveau pilotage déterminé par cette proposition a du bon. Nous estimons que redonner clairement le pouvoir aux élus locaux en matière commerciale est nécessaire. Bref, le niveau du SCOT est bon, et le choix qui est fait doit être porté jusqu'au bout.
En revanche, même s'il s'agit d'une problématique marginale, nous ne sommes pas d'accord, au Nouveau Centre, avec François de Rugy, en ce qui concerne l'intervention des élus régionaux, comme le prévoit l'article 1er, dans le cadre de commissions régionales d'aménagement du territoire. Je l'ai dit en commission, que viennent-elles faire là ? Puisque nous sommes dans une situation où il n'y a ni SCOT ni PLU, donc dans une situation de carence par rapport à la démarche intercommunale normale, nous proposerons en deuxième lecture que le préfet - qui joue un rôle central par rapport à la loi Marleix - prenne la main dans le cadre d'une commission départementale.
Le fait d'aller voir à Bordeaux comment cela se passe pour traiter les problèmes de l'Agenais nous a toujours un peu inquiétés !
Nous proposerons donc de substituer à cette commission régionale une commission départementale présidée par le préfet, autorité légitime en matière d'intercommunalité. Il s'agit en l'occurrence de cas résiduels par rapport à une intercommunalité normale, comme le prévoit la loi Marleix.
Si nous approuvons ses fondamentaux, ce texte nous laisse cependant un goût d'inachevé et pour tout dire, en l'état, nous inquiète.
Afin que vous compreniez nos inquiétudes, il nous faut revenir à l'architecture de cette proposition, dans laquelle figurent : premièrement, un schéma de cohérence territoriale ; deuxièmement, à l'intérieur du SCOT, un document d'aménagement commercial, qui inclut une délimitation des zones susceptibles de recevoir des bâtiments commerciaux ; troisièmement, une typologie de commerces : commerces de détail, ensembles commerciaux continus ou discontinus, commerces de gros ; quatrièmement, un ensemble de règles à respecter pour chaque zone et chaque type de commerce.
À ce niveau, les centristes souhaitent poser deux questions déterminantes pour cette proposition de loi.
D'abord, qui fixe les règles pour chaque zone et chaque type de commerce ? A priori, si j'ai bien compris l'esprit de ce texte, c'est la gouvernance du SCOT. Je vous remercie de nous le confirmer, monsieur le secrétaire d'État. Si tel est le cas, quels sont les textes nationaux opposables à ces règles et à cette gouvernance ? On ne peut en effet imaginer que vous laisserez diverger d'une agglomération à une autre les règles qui organiseront le commerce local.
Ensuite, sommes-nous sûrs que ces règles permettront d'appréhender la totalité des problématiques inhérentes aux projets qui nous seront soumis ? Comment fera un comité syndical de SCOT pour refuser un projet dangereux pour la vie économique et sociale de son territoire mais qui aurait répondu à toutes les règles posées pour la zone en question ? Les élus que nous sommes seront-ils capables, dans le cadre d'un SCOT, de prévoir tous les cas de figure ?
J'ai en tête l'exemple d'Agen, avec 25 000 mètres carrés de magasins de bricolage en périphérie, ce qui n'est pas gênant. A priori, ces commerces ne reviendront plus en centre ville. Il s'agit de paniers moyens lourds qui exigent d'avoir sa voiture relativement proche du commerce, ce qui semble difficile en centre ville. Mais 25 000 mètres carrés de prêt-à-porter ou de magasins à vocation culturelle en périphérie, ce n'est pas acceptable pour notre centre ville, car le maintien de ces secteurs y est déterminant. Serons-nous capables de traduire ces règles de bon sens dans nos règles d'urbanisme commercial ?
Le système envisagé de règles par type de commerce et par zone sera-t-il capable de prendre en compte une telle diversité et une telle complexité ?
J'entends bien que notre rapporteur est relativement rassuré à ce propos du fait de l'exemple allemand. Mais je lui répète que les rapports de forces en matière de commerce ne sont pas les mêmes en France, car nous sommes le pays qui a inventé la grande distribution avec tout ce que cela nous a apporté, tant en points forts qu'en problèmes.
Bref, serons-nous capables, au niveau du SCOT, de transformer nos diagnostics, nos objectifs locaux en règles juridiques ? Permettez-moi une réflexion en tant qu'ingénieur : j'ai longtemps travaillé sur l'intelligence artificielle, qui fonctionne avec des systèmes de règles. Eh bien, c'est très compliqué, à un certain niveau, d'être meilleur que l'intelligence humaine.
Eh oui, il faut faire confiance à l'intelligence humaine plutôt qu'à celle du préfet !
Dans cette affaire, faut-il supprimer une régulation projet par projet ? C'est la question centrale sur laquelle notre religion, à nous, centristes, n'est pas encore faite. Et pour tout dire, il nous semble préférable de garder une instruction par projet qui pourrait d'ailleurs dépendre, monsieur le rapporteur, du comité syndical du SCOT. Lors de l'examen de ce texte en deuxième lecture – car reconnaissons que le travail parlementaire, même s'il a été de qualité, a été rapide –,…
C'est un travail d'intelligence humaine et non artificielle !
…nous ferons effectivement appel à l'intelligence humaine et vous présenterons des amendements visant à instaurer à l'intérieur du SCOT une instruction spécifique à chaque projet, qui pourra s'appuyer sur un règlement directeur, mais qui laissera à une commission relevant du SCOT la possibilité de prendre des décisions dérogatoires par rapport à ce règlement de droit commun.
Telle est, pour le moment, notre position. Nous nous retrouvons bien dans l'appel à la prudence du secrétaire d'État.
Le secrétaire d'État et le président de la commission ont été bien inspirés d'opter pour la prudence en soumettant l'examen de cette proposition de loi à deux lectures. Nous aurons besoin de temps pour consulter l'ensemble des associations d'élus locaux et des partenaires économiques. L'urbanisme commercial est un enjeu ultrasensible dans notre vie économique. Plus que pour un autre projet, il nous faut légiférer la main tremblante, monsieur le rapporteur, mais l'esprit déterminé.
Nous prendrons donc tout le temps nécessaire pour poursuivre cette instruction lente, sûre et prudente, et pour affermir notre détermination ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les présidents des commissions des affaires économiques et de l'aménagement des territoires, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte qui est nous est présenté aujourd'hui répond à une attente forte des parlementaires de notre groupe, mais également des élus locaux, qui sont en charge au quotidien, sur le terrain, de l'équilibre et de la qualité des aménagements urbains.
Comme nombre d'entre nous, je remercie volontiers Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, d'avoir permis le dépôt de cette proposition de loi et son examen, répondant ainsi à certaines frustrations créées par la loi de modernisation de l'économie, concernant notamment l'urbanisme commercial et la négociabilité.
Nous partageons tous depuis longtemps le constat sans appel selon lequel nos villes se sont parfois enlaidies, et notamment les entrées de ville, avec la prolifération des zones d'activité et des centres commerciaux, toujours plus nombreux, souvent de taille plus importante et à la qualité architecturale bien souvent contestable.
Le résultat de ces politiques d'urbanisme est désastreux en termes d'équilibre et de consommation de l'espace. Toute l'énergie vitale, tous les actes de production et de consommation, tous les échanges s'opèrent en périphérie.
À titre d'exemple, 75 à 85 % du chiffre d'affaires sont réalisés chaque année en zone périphérique. Cette tendance a été aggravée par le développement de l'habitat pavillonnaire et des lotissements, éloignés des coeurs de ville, grignotant petit à petit nos espaces naturels et favorisant la désertification des centres villes. Les lois Royer, Galland et Raffarin n'ayant cessé d'être contournées, voire perverties, se sont traduites dans les faits par une moindre concurrence, une hausse des prix, des marges toujours plus importantes pour les grandes surfaces et l'émergence du hard discount. En trente ans, 140 000 commerces de bouche ont disparu, quand le nombre de créations de grandes et moyennes surfaces augmentait de façon exponentielle.
Mais les grands perdants restent nos coeurs de ville, qui ont été progressivement désertés, vidés de leurs commerces, et donc de leur âme. L'insécurité et l'ennui s'y sont installés. Or les centres-villes constituent avant tout – et je vise plus particulièrement la ruralité – des lieux de vie, où l'on se rassemble, où l'on échange ; le lien social s'y enracine, le référentiel identitaire d'une population ou d'un territoire s'y forge... Face à ce constat alarmant, il est impératif de créer les conditions d'un nouvel équilibre entre les grandes et moyennes surfaces et les autres formes de commerce, qui ont toute leur place dans le paysage urbain.
Cette proposition de loi intervient dans un contexte favorable. Des opportunités sont en effet apparues ces dernières années pour le commerce de proximité, mais aussi pour les élus. D'un côté, les maires ont vraiment pris en compte l'intérêt que présente le développement de leur centre-ville et, de l'autre, la population est en quête de modes de consommation plus authentiques. À l'heure du Grenelle de l'Environnement, de nouvelles attentes s'expriment. Les consommateurs sont devenus des « consom'acteurs », à la recherche du circuit court, du déplacement le plus économe. Repenser l'urbanisme commercial en devient une nécessité, tout comme il paraît incontournable de repositionner les maires dans le circuit décisionnel, et ce d'autant plus qu'ils sont désormais mobilisés. Les effets pervers des anciennes lois, ainsi que l'apport de la loi sur le renouvellement urbain ont contribué à ce sursaut en faveur des coeurs de ville, tout en préservant les équilibres économiques et urbains, les paysages et la ruralité.
Le point fort du texte qui nous est présenté réside dans la confirmation du schéma de cohérence territoriale comme pilier des règles d'urbanisme commercial, avec un rôle prescriptif en matière d'autorisations d'implantation commerciale. Il sera également l'occasion d'un échange entre le milieu économique et le milieu politique puisque les chambres consulaires sont associées à son élaboration, même si la prise de décision revient clairement au politique.
Le dispositif est complété, en l'absence de SCOT et de PLU, par l'intervention de la commission régionale d'aménagement commercial, dont la décision –j'ai d'ailleurs déposé un amendement en ce sens – devrait s'appuyer sur l'ensemble des critères qui fondent le document d'aménagement commercial et être motivée.
Les élus locaux disposent désormais d'une boîte à outils complète, adaptée aux différentes formes de commerce qui doivent trouver leur place et coexister sur un territoire défini.
Cette réforme parachève un édifice réglementaire qui, avec le droit de préemption sur les fonds de commerce, les fonds artisanaux et les baux commerciaux – et vous avez joué à cet égard, monsieur le président Ollier, un rôle essentiel –, est susceptible de participer au maintien du commerce de proximité et offre surtout la possibilité pour les maires de penser leur centre-ville de demain. J'ai déposé des amendements pour faciliter le recours à ce dispositif, notamment en permettant à la commune de mettre le fonds de commerce en location-gérance, en attente de la rétrocession du fonds, ce qui est très important dans une commune rurale.
Au nom du groupe UMP, je tiens à remercier le Gouvernement, ainsi que nos collègues, en particulier notre rapporteur, Michel Piron, qui ont participé à l'élaboration de ce texte en faisant appel à une méthode novatrice. Je reprendrai donc à mon compte le terme de « co-construction » législative. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chacun a bien en tête la réponse de Michel- Édouard Leclerc – et non Michel-Édouard Gaubert, comme chacun aura pu l'entendre tout à l'heure – lorsqu'il a été auditionné à la demande du président Ollier. Il nous a alors expliqué qu'il avait prévu, dans la loi, la suppression des conditions de vente. Il avait, à l'époque, expliqué aux députés de la majorité qu'il avait lui-même conçu le texte en lien direct avec le Président de la République. Il est vrai que la majorité, au début de cette législature, a dérégulé à marche forcée.
C'est une interprétation, monsieur Brottes ! Vous refaites l'histoire !
La loi de modernisation de l'économie a été synonyme de dérégulation complète de la grande distribution, de dérégulation complète des relations entre les fournisseurs et les distributeurs : ces fameuses suppressions des conditions de vente, sur lesquelles revient d'ailleurs la loi de modernisation agricole. On essaie également de corriger le tir à l'occasion de l'examen de la proposition de loi relative à l'urbanisme commercial, dont nous saluons l'initiative. Le président Ollier et le rapporteur Piron ont fait oeuvre utile. Nous avons également, pour notre part, avec Jean Gaubert Annick Le Loch et quelques autres, apporté une contribution qui se veut positive.
Nous avons toutefois devant nous quelques chantiers qui ne sont pas totalement ouverts. Nous sommes, certes, à la veille d'un nouvel accord franco-allemand. Le rapporteur nous a indiqué que la situation était maîtrisée en Allemagne et qu'il n'y avait aucune raison de nous en priver en France. Il a eu raison de le rappeler. Il est vrai que l'Europe a souvent bon dos, mais on se rend compte que, quel que soit le pays où l'on se trouve, le seul souci – et tel est notre cas, monsieur le secrétaire d'État – doit être de s'assurer que le consommateur s'y retrouve en matière de qualité du service rendu, de diversité de l'offre proposée et d'accessibilité du prix, si tant est que ce soit effectivement une préoccupation des distributeurs !
Ce texte renvoie aux SCOT. Si vous nous écoutiez plus souvent, nous légiférerions moins souvent ! En effet, comme l'a rappelé Jean Gaubert, nous avions proposé, lors du débat sur la loi de modernisation de l'économie, que le SCOT soit le lieu de décision de l'urbanisme. Il n'est pas trop tard, mais il reste encore quelques marches à gravir pour que notre souhait se réalise ! Jean Gaubert l'a évoqué tout à l'heure, nous souhaitons que la limite soit fixée à 300 mètres carrés et non à 1 000 mètres carrés, même s'il s'agit de 1 000 mètres carrés de SHON. Je sais gré au rapporteur d'avoir insisté sur ce point. Je pense que nous pouvons progresser en la matière et agir à plusieurs niveaux : le zonage qui permettra de préciser ce que l'on peut faire ou ne pas faire ; le permis de construire qui obéit à un certain nombre de règles édictées, notamment, dans le cadre du PLU communal, conformément aux exigences du SCOT ; enfin, le sujet tabou : la nature du commerce.
Notre collègue Michel Piron nous a fait à ce sujet des propositions extrêmement intéressantes. Il ne s'agit pas de se limiter au commerce de gros et de détail, mais de considérer également le commerce de consommation courante et de consommation non courante, celui où l'on n'est pas contraint de se rendre toutes les semaines. Il est vrai que cela peut imposer alors des exigences en matière de desserte par les transports en commun ou de modes de transport doux qui ne sont pas tout à fait identiques. Il sera fondamental d'approfondir cette question au cours du débat, parce que c'est ce qui donnera la possibilité aux élus, dans le cadre du SCOT, projet par projet – pour reprendre l'expression de Jean Dionis du Séjour – de maîtriser la situation en matière de diversité et de qualité de l'offre.
Cela risque de porter atteinte à la liberté du commerce, nous répond-on. Mais nous devons avancer sur ces sujets qui ne sont pas pris en compte dans le texte, pas plus qu'ils ne l'ont été dans la loi LME. Il est vrai qu'ils ne relèvent pas de l'urbanisme. Mais que l'on ne vienne pas nous donner de leçons sur l'absence de concurrence, quand on ne se préoccupe pas de savoir de quelles centrales d'achat les enseignes dépendent ! Si, dans un SCOT, toutes les surfaces commerciales, même si elles portent des enseignes différentes, sont alimentées par une même centrale d'achat, il n'y aura pas de concurrence réelle, chacun le sait ! Nous devons en conséquence agir sur l'ensemble de ces leviers que sont le zonage, le permis de construire, la nature des commerces, donc la centrale d'achat dont ils dépendent. Nous allons également devoir nous pencher sur les nouveaux modes de distribution.
Je citerai tout d'abord l'aspect foncier. J'ai eu, hier, une réunion avec un représentant de la grande distribution, que je ne citerai pas, et qui m'a dit : « Monsieur le maire…
Je cumule comme quelques autres ici ; cela peut arriver, même si c'est rare ! Je ferai en sorte de ne plus l'être dans quelque temps !
Ce représentant de la grande distribution m'a dit avec un incroyable aplomb que, considérant les pratiques de consommation d'aujourd'hui – un client, paraît-il, ne monte jamais à l'étage – il était contraint d'occuper tout le foncier disponible. De tels raisonnements doivent nous conduire à nous intéresser non seulement à la surface SHON de vente, mais à la surface au sol. En effet, si toutes nos entrées de ville se ressemblent, ce qui n'est pas une bonne chose, nous en sommes responsables, toutes tendances politiques confondues. Nous n'avons pas de leçons à nous donner ! Aujourd'hui, nous voulons mieux faire : pour cela, nous devons nous intéresser à tous les sujets.
Il est un autre sujet sur lequel j'appelle votre attention, ce sont les services drive. Vous commandez sur internet et vous venez chercher votre paquet, comme certains vont chercher en restauration rapide le sandwich qui leur apporte bonheur et embonpoint. On voit bien que la pratique commerciale, les modalités d'accès à la distribution sont des phénomènes qui doivent aussi être pris en compte pour l'implantation des commerces. Je ne doute pas que, d'ici à la fin de la lecture de ce texte, nous aurons évoqué la totalité des problèmes que je viens de soulever.
Je n'aurai qu'une question, monsieur le secrétaire d'État, à laquelle vous ne manquerez pas de répondre à la fin de la discussion générale : ce texte proposé par M. Ollier, M. Piron et quelques autres ira-t-il vraiment jusqu'au bout ?
Pourquoi en doutez-vous ?
Cela nous inquiète en effet. Y aura-t-il une lecture au Sénat et une lecture définitive ou devrons-nous attendre des années, comme pour la LME ? C'est une question très précise. J'espère que, sur le calendrier, vous saurez nous apporter des réponses aussi précises. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avant d'intervenir sur le fond du texte, permettez-moi de formuler une remarque préalable et une critique.
Nous devons nous prononcer sur une proposition de loi relative à l'urbanisme commercial. Si ce texte est relativement court, il traduit un changement réel en matière urbanistique. Il n'est donc pas acceptable que, la date limite de dépôt des amendements ayant été fixée, dans le cadre du règlement, à vendredi dernier, dix-sept heures, le rapport issu des travaux de la commission n'ait été mis en ligne que ce même vendredi, à seize heures quinze, soit trois quarts d'heure avant l'heure butoir. Hier encore, il n'était pas disponible sur support papier.
Depuis le début de cette législature, nous n'avons de cesse de dénoncer le rythme du calendrier parlementaire et les conditions dans lesquelles nous sommes contraints de légiférer. Pour cette proposition de loi, les conditions du débat sont d'autant plus regrettables que la question avait fait l'objet d'un travail préalable positif en commission et que la proposition émane des députés eux-mêmes, le Gouvernement n'ayant pas respecté sa promesse de présenter un projet de loi sur le sujet.
J'en viens au fond du texte.
La proposition de loi de M. Piron et de M. Ollier résulte donc du fait que le Gouvernement n'a pas tenu ses promesses et des conséquences négatives de la loi de modernisation de l'économie, que tout le monde, sur les bancs de gauche comme de droite, s'accorde à dénoncer. La LME, véritable fourre-tout législatif, était censée moderniser les structures économiques de notre pays. Plus que de modernisation, c'est de libéralisation à marche forcée qu'il a été question.
À l'époque, les députés communistes n'avaient eu de cesse de dénoncer les dangers et les écueils de ce projet de loi. En matière d'urbanisme commercial, la LME a relevé de 300 à 1 000 mètres carrés le seuil au-delà duquel une autorisation spécifique est obligatoire pour tout agrandissement ou création de surface commerciale. Le Gouvernement postulait alors qu'en limitant les contraintes administratives nous assisterions à une multiplication du nombre de centres commerciaux, notamment de hard discount, stimulant par-là même la concurrence, ce qui ne manquerait pas de renforcer le pouvoir d'achat des Français.
Deux ans après, force est de constater que le porte-monnaie de nos concitoyens est toujours aussi vide, ou qu'il n'est pas plus plein, et que les conséquences de la LME en matière d'urbanisme ont été désastreuses. Elles ont accéléré la désaffection des centres-villes et des métiers traditionnels du commerce de proximité.
La période transitoire qui a suivi l'adoption de la LME a donc donné lieu à une situation chaotique, que définit bien le rapport de M. Gaubert et de M. Ollier. La publication, le 28 août 2008, d'une circulaire exonérant d'autorisation les projets d'extension allant jusqu'à 1 000 mètres carrés, indépendamment de la surface d'origine du commerce, a abouti à une situation très problématique. Les agrandissements de 990 mètres carrés se sont multipliés dans des zones déjà denses, donnant lieu à une véritable anarchie urbanistique. La nouvelle circulaire du 24 octobre 2008, revenant sur la précédente, a certes tenté d'en limiter les dégâts mais a donné lieu à un gros contentieux administratif.
Cette proposition de loi se présente donc comme une réponse face à la situation que je viens de décrire. Elle tend à intégrer l'urbanisme commercial dans l'urbanisme général. Elle confère aux communes et EPCI le soin d'élaborer un document d'aménagement commercial au sein des PLU ou des SCOT. Cela me semble aller dans le sens de la décentralisation, en déléguant des prérogatives supplémentaires aux élus de proximité. Ces derniers sont en effet les plus à même de cerner les réalités et enjeux locaux.
Je formulerai cependant deux observations.
Premièrement, je regrette la suppression de la commission départementale d'aménagement commercial, même si ces commissions méritaient d'être rénovées, et je partage la critique formulée par M. Dionis du Séjour. Ce texte s'inscrit dans le prolongement de la réforme des collectivités, que les députés communistes ont combattue avec vigueur. Il déleste le département au profit des EPCI et des régions. Or, en matière d'urbanisme commercial, l'échelon départemental reste mieux adapté que l'échelon régional. À l'exception notable de l'Île-de-France, les projets commerciaux sont d'envergure départementale, voire locale. Le choix d'une commission régionale, dont les compétences sont fort limitées, ne me paraît donc pas optimal. Cela l'est d'autant moins qu'en ce qui concerne l'urbanisme cinématographique l'échelon départemental est maintenu.
Enfin, si je salue l'esprit de décentralisation qui se trouve dans ce texte, je me permets de mettre en avant la permanence des risques de développement d'un urbanisme sauvage. Nombreux sont les maires qui ont laissé se développer aux abords de leur ville des zones commerciales déshumanisées qui ont eu un impact durable sur l'environnement, pour des raisons qui peuvent d'ailleurs se comprendre : la demande des consommateurs, les recettes fiscales induites pour la commune et, surtout, la pression des grandes enseignes. Or je ne suis pas sûr que cette proposition de loi nous protégera de tels excès, pas plus que le PLU n'a mis fin à la spéculation immobilière.
Nous devons donc limiter ces risques en conférant un caractère contraignant aux conditions d'implantation énoncées à l'article 1er. C'est d'ailleurs le sens d'un des amendements que nous avons déposés.
Ce texte doit être amélioré. Nous avons proposé des amendements en ce sens, j'espère qu'ils seront pris en compte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, beaucoup l'ont dit avant moi, lors du débat sur la loi de modernisation de l'économie, en 2008, le secrétaire d'État à la consommation s'était engagé devant nous à travailler à la convergence du droit de l'urbanisme et du droit commercial.
Dans son rapport « avec le commerce, mieux vivre ensemble », notre regretté collègue Jean-Paul Charié, mon prédécesseur à la commission d'examen des pratiques commerciales, n'avait pas manqué de mettre en avant un certain nombre de préconisations sur l'organisation de la place du commerce dans la cité.
Après avoir rappelé plusieurs fois au Gouvernement ses engagements, les parlementaires se sont pris par la main, sous votre houlette, monsieur le président de la commission, avec notre rapporteur, et je voudrais une fois encore souligner le travail qui est le vôtre. Je tiens par ailleurs à vous remercier tout particulièrement, monsieur le secrétaire d'État, pour votre implication et celle de votre cabinet. Ce fut un exercice original, que certains appelleraient coproduction. C'est en tout cas le pays qui gagne lorsque nous pouvons avancer sur un sujet.
Ce texte n'est probablement pas parfait, mais il a le mérite de concilier des principes fondamentaux, le droit de propriété et la liberté d'entreprendre, avec la nécessaire maîtrise de nos territoires. Ne lui demandons cependant pas de répondre à tous les maux, à toutes les difficultés. Nous restons dans l'urbanisme commercial, nous n'allons pas dans le droit commercial, et nous ne réglerons pas les problèmes d'abus de position dominante, de concurrence et, encore moins, de pratiques commerciales. Il faut rester dans le domaine que nous avons déterminé.
Nous savons tous que la concurrence existe entre les enseignes, ce qui n'est pas forcément toujours positif pour les consommateurs, mais aussi entre les territoires et même entre les élus. C'est dire si le sujet est vaste.
Je partage vraiment l'idée de base qui est de faire de l'urbanisme commercial une partie intégrante de l'urbanisme général, et je suis totalement en phase avec l'idée de travailler à l'échelle du SCOT, qui me paraît être le bon outil.
Toutefois, même si un accord a été trouvé en commission, je présenterai un amendement pour que le DAC détermine les zones plutôt qu'il ne les délimite. La notion de délimitation va en effet loin et peut être très lourde de conséquences.
Sur la typologie, la commission a eu de nombreux échanges. Il serait dommage qu'à force de vouloir trop bien faire, on ne rende plus difficile le droit de suite. Veillons à rester raisonnables, ne soyons pas trop précis, même s'il est important d'apporter quelques réponses. N'oublions jamais que la base du commerce, c'est la diversité, l'offre commerciale. Nous ne sommes pas là pour la réduire de manière trop drastique.
Avec ce texte, nous cherchons à travailler dans deux domaines : les centres villes, dont nous voulons maintenir et presque protéger l'activité commerciale, et les périphéries, qui se ressemblent, quelle que soit la ville, ce dont nous avons tous assez, et qui s'étendent parfois au mépris des terres, notamment des terres agricoles.
À ce stade de nos travaux, monsieur le secrétaire d'État, je voudrais vous interroger sur une expression qu'utilise aujourd'hui le Gouvernement et qui m'interpelle : la centralité urbaine. Pourrait-on définir concrètement ce que cela signifie ? Quelle différence y a-t-il avec les centres de quartier ? M. Reynès a parlé de commerce de proximité, de petites communes. Les centralités urbaines regroupent-elles le commerce dans les bourgs-centres de nos villages ? Nous savons tous qu'il y a là aussi une difficulté. Quand un supermarché s'installe à cinq minutes à pied de la place d'un village, cela a de grandes conséquences. La notion de centralité urbaine est-elle également reconnue dans ce domaine ?
Vous ne serez pas surpris que la rapporteure du texte sur les chambres de commerce vous demande également de quelle manière vous entendez associer les représentants consulaires. Nous savons tous qu'ils sont partenaires du développement économique de nos cités. C'est un élément auquel nous devons réfléchir.
Au sujet de la CRAC, je souhaite avec notre rapporteur subordonner sa prise de décision à des critères objectifs préalablement définis. Il est en effet important d'avoir la même analyse sur l'ensemble du territoire. Ce n'est rien d'autre qu'un élément d'égalité.
Je m'interroge enfin sur la place que vous entendez donner aux professionnels. Je suis en effet préoccupée par leur représentation dans les différentes instances. Les élus doivent travailler avec des professionnels et des investisseurs qui connaissent les sujets. C'est par un dialogue fructueux, avec des règles que nous aurons déterminées, que nous pourrons avancer.
Nous sommes parvenus à un premier point d'équilibre. La discussion devrait incontestablement nous permettre d'avancer encore. Je voterai donc ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis heureux d'avoir cet espace, au nom des radicaux de gauche, pour exposer notre position sur un texte que, par amendements successifs et même par une proposition de loi il y a deux législatures, les parlementaires radicaux de gauche avaient essayé de promouvoir.
La question est simple. Chacun a l'impression que c'est sur son territoire qu'elle est la plus aiguë mais il suffit de voyager en voiture en France pour comprendre qu'elle est nationale : c'est le développement de zones commerciales en périphérie des villes.
Ce développement pose au moins trois questions. Tout d'abord, une question environnementale, on l'a déjà dit. Nous assistons à une mobilisation importante de l'espace public pour des activités finalement assez chiches en emplois – en tout cas en emplois non précaires – et en vitalité économique.
C'est ensuite une question esthétique qui est posée. Nous vivons sur un territoire dont la diversité est un des atouts, et voilà que rien ne ressemble plus à l'entrée de Vichy, par exemple, que l'entrée de Montauban : mêmes enseignes, mêmes surfaces, mêmes publicités, même disposition.
Enfin, et c'est pour moi – depuis longtemps – le plus important, il y a la question économique : nous savons désormais que ces surfaces périphériques tarissent le commerce de centre-ville, le commerce des centres-bourgs, et vont même y chercher, à la faveur du dégagement d'emprises qu'elles ont finalement provoqué, les moyens de leur développement.
La loi de modernisation de l'économie prévoyait, en juin 2008, un projet de loi dans les six mois. Deux ans plus tard, je suis obligé de le répéter, le Gouvernement n'a pas tenu parole, et je ne peux que me féliciter de l'initiative de nos collègues de la majorité, qui, me semble-t-il, marque une rupture avec la politique de l'offre jusque-là défendue comme un évangile par certains de nos collègues, et un pas vers la nécessité de la régulation du marché.
En son temps, les radicaux, sur la base de l'exemple que je connais bien du développement simultané à Vichy de plusieurs offres de périphérie qui ont profondément bouleversé le commerce de centre-ville en lui faisant perdre une de ses spécificités, avaient évoqué l'idée d'un schéma d'urbanisme commercial au niveau intercommunal, schéma qui, dans la présente proposition de loi, est finalement inclus dans le SCOT.
Ce qu'il ne faut sans doute pas faire, une fois posé le principe de la nécessaire régulation de ce développement, qui découle d'ailleurs presque du principe de subsidiarité, c'est s'arrêter au milieu du chemin. Le groupe socialiste, radical et citoyen a déposé un certain nombre d'amendements qui permettent de parfaire ce texte, sur lequel le pôle radical du groupe, je le redis, n'a aucun a priori défavorable.
Je pense en particulier que l'inscription de l'aménagement commercial comme compétence d'intérêt général des communes ou des EPCI, au titre de leur fonction d'aménageur territorial, est indispensable si nous visons collectivement – et c'est ce que j'ai compris – à un aménagement commercial durable respectueux des espaces fonciers et des besoins sociaux et économiques de nos populations.
De la même manière, la différenciation typologique dans une même zone doit devenir un principe général pour l'implantation de toute surface commerciale, sans qu'il soit besoin de le réserver à celles se développant au-delà du seuil de 1 000 mètres carrés, seuil dont je précise qu'il doit être revu en fonction des circonstances locales.
Bref, mes chers collègues, nous avons, dans cet hémicycle aujourd'hui, une opportunité, celle de corriger la précédente loi, la loi LME, écrite avec un stylo bien partial, et de le faire dans une forme de consensus, parce que nous avons tous en tête, comme je l'ai entendu, des situations locales qu'il convient de corriger. C'est dans cet esprit que les radicaux de gauche examineront le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, qu'il me soit permis, à l'occasion de l'examen de cette proposition de loi, de poursuivre l'échange que nous avons eu ici-même il y a peu, lorsque nous avons tiré collectivement le bilan de la mise en oeuvre de la loi dite de modernisation de l'économie, promulguée il y a moins de deux ans.
Je centrerai tout particulièrement mon intervention sur la disposition qui avait relevé de 300 à 1 000 mètres carrés la surface commerciale requérant une autorisation d'implantation, en prévoyant l'intervention des élus au sein des CDAC, qui disparaîtront lorsque la présente proposition de loi sera votée.
Cette disposition de la loi LME, je pense, en tant qu'élu – je m'exprimerai comme élu d'un centre-ville urbain – que, sur tous les bancs de cet hémicycle, le bilan qui en a été tiré est négatif, car c'est une disposition « perdant-perdant ».
Ce sont tout d'abord les consommateurs qui ont été perdants. Le relèvement du seuil nous avait été présenté comme devant favoriser la concurrence entre les enseignes et donc, par une sorte d'effet mécanique, contribuer à diminuer les prix pour les consommateurs. L'expérience que j'en ai à Paris montre qu'un phénomène de concentration s'est au contraire produit ; aujourd'hui, deux grandes enseignes, Carrefour et Casino – pour ne pas les nommer – se partagent 80 % des surfaces commerciales de grande distribution à Paris. Parallèlement, puisque cette concurrence n'a pu se développer, les prix pour le consommateur, loin de baisser, ont augmenté.
De la même façon, avec cette disposition, les élus que nous sommes ont également été perdants. Avec la légitimité que nous donne le suffrage universel, nous tentons tant bien que mal de trouver les bons équilibres en termes d'aménagement urbain et de cheminer vers l'intérêt général. Or, en tant que maire, je suis très frappé de constater qu'au cours de ces deux dernières années je n'ai jamais été saisi d'une demande d'autorisation d'ouverture de supérette dans mon arrondissement, tout simplement parce que ces supérettes ont toutes une surface inférieure à 1 000 mètres carrés.
De ce fait, la bataille d'enseignes qui se livre dans les arrondissements centraux de Paris, notamment, a conduit à un développement anarchique, à des implantations partout,…
…certains établissements ne respectant même pas la législation, y compris celle, chers collègues de la majorité, que vous avez votée concernant l'ouverture le dimanche et les jours fériés. Je ne parle pas de la précarisation de celles et ceux qui travaillent ces jours-là.
C'est en effet un autre débat.
En l'occurrence, force est de constater que ce développement anarchique a des conséquences tout à fait funestes.
Les conséquences sont tout d'abord funestes sur la diversité commerciale, c'est-à-dire sur les efforts que nous faisons pour maintenir du commerce de proximité, notamment du commerce de bouche, en centre ville. Dans mon arrondissement, deux secteurs au moins sont touchés par la monoactivité, et la ville de Paris a été amenée à intervenir en capitalisant une société d'économie mixte pour préempter des fonds de commerce et réintroduire de la diversité commerciale dans ces secteurs. On voit qu'il y a une contradiction totale entre, d'une part, une implantation anarchique de supérettes et, d'autre part, les efforts que peuvent déployer les collectivités locales pour introduire de la diversité commerciale, notamment dans les quartiers touchés par la monoactivité.
Parallèlement, en termes d'aménagement urbain, je suis également très frappé – peut-être parce que je suis élu de l'arrondissement le plus dense de Paris – par l'implantation de supérettes dans des rues souvent étroites, perturbant gravement la vie de nos concitoyens, avec des livraisons qui bloquent les rues et provoquent des embouteillages, quand elles ne créent pas des nuisances sonores, tard dans la nuit ou tôt le matin.
Il m'apparaît donc souhaitable que nous profitions de l'examen de cette proposition de loi pour revenir de manière raisonnable au seuil de 300 mètres carrés, afin que les élus puissent jouer pleinement leur rôle de régulation. Je ne défendrai pas à cette tribune une position dogmatique visant à empêcher l'ouverture de surfaces commerciales dans l'arrondissement dont je suis le maire, mais il convient que nous jouions notre rôle de régulateurs, que nous puissions avoir des discussions préalables avec les porteurs de projets. À l'arrivée, notre seul pouvoir réside dans les autorisation de permis de construire, c'est-à-dire à un stade où il faut aller chercher dans le code de l'urbanisme les prétextes à un refus.
Il est souhaitable que nous introduisions de la régulation dans ce domaine. Nous pourrions ainsi utilement servir l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui est exemplaire à plus d'un titre.
Il s'agit de la première véritable utilisation par la majorité du nouveau règlement qui permet aux parlementaires de fixer une partie de l'ordre du jour. C'est sans doute la première fois que nous mettons à l'ordre du jour un texte de fond, à l'origine duquel nous sommes, élaboré sous notre contrôle, et qui ne serait sans doute pas arrivé en discussion sans une implication forte des membres de la commission des affaires économique et de son président.
Ce texte est exemplaire par la qualité des discussions et du travail en commission, qui se sont déroulés dans une excellente ambiance, avec un examen au fond du texte, sans politisation ni tentative d'instrumentalisation d'un coté, sans fermeture de l'autre.
C'est comme cela que nous devrions travailler plus souvent.
Ce texte est également exemplaire par la qualité du travail de préparation. J'ai particulièrement apprécié, monsieur le rapporteur, que l'on ait pris le temps d'aller voir ce que font nos voisins d'outre-Rhin.
Car nous n'intégrons pas assez, à mon sens, la dimension comparative dans nos travaux préparatoires.
Je suis attaché à la qualité de la loi, et nous avons ici une proposition de loi bien écrite, d'une bonne qualité juridique, ce qui n'est malheureusement pas le cas de tous les textes qui nous sont présentés.
Je tiens à le souligner et à féliciter tous ceux qui ont contribué à l'élaboration de ce texte, en premier lieu le président de la commission et le rapporteur, ainsi que tous ceux qui n'apparaissent pas mais qui ont apporté leur pierre à l'édifice.
Cette proposition de loi se présente enfin comme un début, une étape dans un processus, avec une marge de progression. Ce n'est pas un texte figé dès son dépôt, où les parlementaires ne peuvent apporter de modifications qu'à la marge. C'est une autre manière de travailler qui doit davantage être utilisée, notamment pour les propositions de loi.
Outre ma satisfaction sur la manière de travailler, je suis également satisfait du fond.
Le bilan des règles d'urbanisme commercial issues de la loi Royer n'est pas bon. Ce système qui avait pour but de limiter les surfaces commerciales n'empêchait rien, se contentant juste de retarder les dossiers, de dire oui lentement. Nous avons eu des horreurs urbanistiques en prime ; il n'y a qu'à voir nos entrées de ville.
Nous nous en sommes rendu compte lors des débats sur la LME. Le bilan dressé, les demi-mesures n'étaient plus de mise, il fallait une réforme radicale.
Réintégrer l'urbanisme commercial dans le droit commun de l'urbanisme est une bonne chose, car l'aménagement de l'espace doit avoir une cohérence globale, avec une unité de décision.
L'idée force de ce texte, la recherche de la simplicité et de la lisibilité du dispositif, me convient également. Je ne déteste rien plus que les usines à gaz technocratiques, magnifiques sur le papier et totalement inapplicables dans la réalité.
Le système mis en place m'apparaît équilibré. En donnant la compétence à l'échelon intercommunal, on règle de fait les querelles d'implantation entre les communes et on retire un moyen de pression aux acteurs économiques. Le maintien de commissions au niveau régional permet de régler les problèmes liés aux communes n'ayant aucun document, ce qui évitera les tentations de dumping.
Quelques questions restent tout de même en suspens. Ce texte ne traite que de l'avenir, mais comment traiter l'existant ?
Nous avons un tissu commercial déjà très dense et les grands groupes de distribution ont déjà largement dépassé les surfaces nécessaires à l'exercice de leur activité. Ce texte n'aura qu'un impact limité sur l'existant, du moins dans les premiers temps. Si on veut revitaliser le commerce de centre-ville, il va falloir lui donner rapidement de l'oxygène en agissant sur la structure de l'existant. Nous avons un vrai problème urbanistique avec nos entrées de ville, il faudra s'y attaquer.
La question n'est donc pas seulement celle de l'urbanisme commercial, mais également celle de l'esthétique. Je suis conscient que nous ne pouvons pas tout traiter en un seul texte, mais il faudra, à terme, aller au fond des choses, sous peine de voir nos efforts réduits à presque rien. Le travail ne manque donc pas, mais c'est un bon début. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, il était assurément urgent de légiférer sur l'urbanisme commercial. Depuis plus d'un demi-siècle, en passant par la loi Royer et la loi Raffarin, la régulation de l'urbanisme commercial n'a pas empêché le développement de déséquilibres forts : déséquilibre entre le petit commerce et la grande distribution, déséquilibre entre les centres-villes – où ont disparu toute une gamme de commerces alimentaires ou de biens de la maison – et les périphéries. Ce demi-siècle a connu aussi une dégradation de la qualité des entrées de ville et une congestion des voies de circulation en périphérie urbaine. Cette dégradation s'est encore aggravée après le vote de la loi LME, qui a suscité une accélération des projets et des autorisations. La remontée du seuil, de 300 à 1 000 mètres carrés, au-dessus duquel il est obligatoire de solliciter l'accord de la commission d'urbanisme commercial, et la transformation des CDEC en CDAC ainsi que la modification de leur composition ont facilité la délivrance d'autorisations. Ainsi, dans mon agglomération de Caen, le stock des surfaces autorisées a bondi de 60 000 mètres carrés à 170 000 mètres carrés en moins de deux ans.
Un tel excès nuit d'abord au commerce, y compris à la grande distribution elle-même, car du fait de l'ampleur de l'offre on peine à stabiliser les enseignes et donc à engager les opérations, même s'agissant des projets les plus sérieux – je pense à InterIkéa dans l'agglomération caennaise.
Enfin, à l'heure où notre assemblée vient de voter le Grenelle 2, cet urbanisme commercial mal maîtrisé encourage l'usage de l'automobile…
…et augmente les déplacements.
Par ailleurs, les grands établissements sont fortement consommateurs de terres agricoles. Sur les terres limoneuses de la plaine de Caen, l'urbanisme opère chaque année un prélèvement de 300 hectares, c'est-à-dire l'équivalent d'une grande exploitation céréalière. On sait que, de par leur morphologie, les grands ensembles de distribution commerciale sont à l'origine de prélèvements très importants.
Ce sont les raisons pour lesquelles la proposition de loi déposée par le président Ollier vient à point nommé. J'adhère à l'idée d'intégrer un dispositif de régulation dans les SCOT et les PLU, et de rendre leurs dispositions prescriptives car il faut redonner aux élus la maîtrise de l'aménagement du territoire urbain. Aujourd'hui, en effet, ce sont souvent les foncières, les grands groupes de distribution ou divers investisseurs qui décident de l'aménagement de secteurs entiers de nos agglomérations, souvent les secteurs les plus stratégiques, ceux qui se situent aux entrées de villes, aux bords de périphériques ; et ils les saturent par les flux qu'ils génèrent.
Mais cette proposition de loi est-elle suffisante ? Je ne le crois pas.
En effet, comme de nombreux collègues qui m'ont précédé, je pense qu'il est nécessaire de revenir à des seuils plus raisonnables, notamment à celui de 300 mètres carrés à partir duquel il faudrait solliciter une autorisation, car le permis de construire n'apporte pas toutes les garanties nécessaires à la maîtrise de l'urbanisme commercial.
De plus, nous constatons tous l'appauvrissement de la composition de l'offre commerciale, avec la disparition de certains types de commerce dans des quartiers entiers de nos villes et de nos agglomérations.
On ne corrigera de tels phénomènes qu'en introduisant des critères qualitatifs dans l'instruction des dossiers d'autorisation concernant la grande distribution, comme la typologie par zone, comme le propose l'excellent rapporteur Michel Piron, qui s'inspire de l'exemple allemand que connaissent tous ceux qui, comme moi, ont une ville jumelée avec une municipalité allemande : on a su outre-Rhin préserver dans les villes, même dans celles de moindre importance, une typologie de commerces assez vaste.
La question qui se pose, monsieur le secrétaire d'État, c'est de savoir si vous et le Gouvernement suivrez les propositions de notre rapporteur, et si vous êtes prêts à aller loin dans l'établissement de règles dont nos villes, nos agglomérations mais aussi les consommateurs ont le plus grand besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, nous examinons aujourd'hui une proposition de loi dont l'objectif est d'intégrer le droit de l'urbanisme commercial dans le code de l'urbanisme.
La réglementation en matière d'urbanisme commercial visait à défendre le modèle de la ville européenne qui se construit autour d'un centre historique, au coeur de l'activité économique et sociale, où se rencontrent tous les acteurs de la cité, les salariés, les visiteurs, toutes les générations. Le modèle européen du centre-ville contribue incontestablement à l'attractivité de nos territoires, notamment d'un point de vue touristique.
Mais l'encadrement de l'urbanisme commercial, après trente ans de textes législatifs successifs, n'a pas empêché le développement anarchique de zones commerciales en périphérie, qui ont parfois enlaidi nos entrées de ville. Notre pays, qui a imposé un régime d'autorisation d'apparence très contraignant, connaît pourtant un niveau d'équipement commercial parmi les plus élevés d'Europe. Pendant trois décennies, les élus n'ont eu qu'une seule préoccupation : obtenir ou repousser l'autorisation commerciale, oubliant le volet urbanistique du projet, son intégration dans l'environnement, la question des flux de circulation des marchandises et des personnes. Nous avons assisté parfois à un gaspillage important d'espaces, notamment pour créer d'énormes parkings.
Le schéma de cohérence territorial, décidé et arrêté par les élus locaux, va devenir le document maître en matière d'urbanisme commercial car il va déterminer les localisations préférentielles des commerces dans une zone de vie déterminée. Ce cadre me paraît pertinent pour l'immense majorité des projets. Cependant, on pourrait imaginer que la commission régionale d'aménagement commercial reste compétente pour les projets de très grande envergure, notamment ceux supérieurs à 50 000 mètres carrés, ou pour les projets qui auront un impact sur une zone de chalandise supérieure à 100 kilomètres. À cet égard, je pense en particulier aux villages de marques ou aux magasins d'usine, qui constituent une concurrence directe et certaine pour le commerce de centre-ville. En effet, ces centres commerciaux, spécialisés dans le domaine du textile et de la chaussure, suscitent le sentiment de se trouver en zone urbaine, avec des points de vente indépendants, organisés autour de places. Ces enseignes de grandes marques ainsi regroupées ont indéniablement un impact sur les boutiques situées en ville. Le cadre géographique du SCOT n'est peut-être pas adapté pour ces projets de très grande ampleur, qui restent toutefois exceptionnels.
Entre la libre entreprise et la nécessité de soutenir le petit commerce de centre-ville, nous pouvons trouver un équilibre en ajustant la taxe sur les surfaces commerciales, la fameuse TASCOM, dont le produit revient aujourd'hui aux collectivités locales : les recettes de cette taxe devraient obligatoirement être affectées à des mesures de soutien en faveur du commerce de centre-ville, par exemple pour encourager les facilités de stationnement à proximité des petits commerces.
Nous assistons à une phase de spéculation puisque des autorisations sont aujourd'hui cédées avant même que les travaux n'aient démarré. À Roppenheim, au nord de Strasbourg, un promoteur néerlandais spécialisé dans l'immobilier commercial vient de racheter le Village des marques, qui doit accueillir une centaine de boutiques sur une surface de 23 000 mètres carrés ; à ce jour, il reste toujours des cellules à vendre. Ne risque-t-on pas à l'avenir non seulement d'avoir un mitage de l'espace, mais de se retrouver avec des friches commerciales à gérer ? Dans certains cas, il ne s'agit plus d'une stratégie commerciale, mais d'une pure spéculation foncière. Il faut donc être très vigilant.
Le fait d'intégrer dans le droit commun de l'urbanisme les règles de l'urbanisme commercial permettra aux élus de prendre conscience de la nécessité d'intégrer au mieux une surface commerciale dans son environnement ; il ne s'agit pas seulement de créations d'emplois ou de recettes fiscales supplémentaires.
Je voterai évidemment pour ce texte qui a bien évolué au cours des dernières discussions et qui va dans le bon sens car il contribuera au développement harmonieux du commerce de centre-ville et de l'offre périphérique. Il faudra cependant préciser les notions de diversité commerciale et d'ensemble commercial figurant dans ce texte qui redonne le pouvoir aux élus locaux, lesquels ont la légitimité pour déterminer et conduire la politique d'urbanisme commercial sur leur territoire de vie. Ce texte, qui constitue une petite révolution, a surtout le mérite de traiter simultanément, de manière convergente et cohérente, la question du droit de l'urbanisme et du droit commercial, connexion essentielle pour éviter de persister dans les errements du passé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je remercie le président Patrick Ollier de son initiative qui va nous permettre de sortir de l'actuelle absence de traitement de l'urbanisme commercial. Je m'associe à l'hommage qu'il a rendu à notre regretté collègue Jean-Paul Charié.
Quel est le problème, quelle est la solution et quels sont les risques à éviter ?
Le problème, et je me réjouis du consensus sur ce point, c'est la prolifération, notamment en périphérie, des mètres carrés de grandes surfaces, n'importe où et n'importe comment. Je vais citer quelques chiffres concernant l'agglomération orléanaise qui vont exactement dans le sens des propos de notre collèguePhilippe Duron : 600 000 mètres carrés de surfaces de commerces pour une agglomération de 300 000 habitants, avec en perspective 250 000 mètres carrés supplémentaires, alors que la possibilité d'accueil sans nuire à l'existant est de l'ordre de 60 0000 mètres carrés. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Il est donc certain que nous devons agir.
Quelle solution propose ce texte ? Le principe est d'intégrer l'urbanisme commercial dans l'urbanisme lui-même. Je souscris totalement à cette idée, qui doit ouvrir la voie à une organisation beaucoup plus cohérente et rationnelle. L'outil principal, c'est le schéma de cohérence territoriale, avec la création du document d'aménagement commercial, clef de la réussite de cette proposition de loi, décliné au travers des documents d'urbanisme municipaux – le PLU et autres –, et puis bien sûr, à l'arrivée, le permis de construire délivré par le maire. Le dispositif est cohérent.
Quels sont les trois risques à éviter ? Le premier est celui du cavalier seul, le second celui de la tache d'huile, le troisième celui déjà bien connu de la boîte à sardines.
En effet, nous savons tous qu'en matière de permis de construire, le maire peut être tenté, dans une agglomération, de faire cavalier seul, notamment en périphérie, et décider contre l'avis des autres maires d'accorder des surfaces commerciales, quitte à déséquilibrer l'ensemble de l'aire urbaine. Il faut donc que le DAC, le document d'aménagement commercial, ait une valeur juridique reconnue, forte et opposable.
C'est le cas !
C'est l'autre clef de la réussite de ce texte. C'est prévu et c'est une excellente chose.
Le risque de la tache d'huile, c'est bien sûr la référence aux 1 000 mètres carrés. En effet, on peut cumuler des surfaces de 900 mètres carrés et se situer toujours en dessous du seuil. Il faut donc que nous trouvions le moyen de limiter les réalisations de surfaces commerciales de moins de 1 000 mètres carrés, notamment en périphérie. À cet égard, je salue le travail du président de la commission et du rapporteur, qui ont proposé des solutions.
J'en suis heureux, monsieur le président, et je m'en doutais.
Le troisième risque est déjà une réalité que nous vivons tous dans nos périphéries : nous avons abîmé nos entrées de ville en les déstructurant, un certain nombre de nos collègues l'ont excellemment rappelé, notamment le maire de Caen. Il est temps de recoudre et d'embellir. Il faut pour cela, et cette proposition de loi va dans ce sens, que nous trouvions des outils capables de fixer les règles qui permettront d'avoir des aménagements qualitatifs et non plus ces boîtes à sardines que nous avons vues malheureusement fleurir un peu partout dans notre beau pays.
Je soutiendrai avec grand plaisir ce texte de loi qui va nous aider à résoudre les problèmes très concrets auxquels nous sommes confrontés au quotidien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je vais apporter quelques éléments de réponse aux différents intervenants.
Sur le plan général, tout d'abord, je reprendrai un échange précédent avec le président Ollier : nous ne devons pas nous cacher derrière la loi, que ce soit la loi Royer, la LME ou une autre.
Reprenons l'exemple de la boîte à sardines,…
…que vous venez de donner, monsieur le maire d'Orléans – comme plusieurs orateurs avant vous, ainsi que moi-même, d'ailleurs – pour décrire les périphéries défigurées.
Je le dis clairement : cette loi ne changera rien en la matière. L'urbanisme classique – le PLU – donne déjà au maire la capacité d'organiser l'urbanisme de son territoire.
La loi qui transfère l'urbanisme commercial dans l'urbanisme de droit commun ne change rien dans ce domaine. Le droit commun actuel, issu de la LME et de toutes les lois précédentes, prévoit un régime de double autorisation : l'une commerciale, l'autre classique avec la délivrance d'un permis de construire respectant un PLU. De ce point de vue, la loi ne change pas.
Dans son intervention, Catherine Vautrin a dit en substance : ne reprochons pas tout à la loi, les maires ont leur propre responsabilité. C'est bien le cas.
Nous en discutions aussi avec le président Ollier tout à l'heure : le maire qui souhaite organiser son territoire possède déjà de nombreux outils pour le faire,….
…et nous souhaitons lui en donner de nouveaux.
Prenons l'exemple de Châlons-en-Champagne où je suis l'un des adjoints au maire, ici présent. Qu'a-t-on souhaité faire dans cette ville depuis quelques années ? D'une part, nous avons voulu rééquilibrer le commerce entre le centre-ville et la périphérie. À cette fin, nous avons créé, en plein centre ville, un centre commercial comprenant une multitude de magasins, une grande surface alimentaire classique et une grande surface culturelle, afin d'y attirer la population.
D'autre part, en périphérie, nous avons souhaité développer des surfaces commerciales importantes afin de rééquilibrer les zones de chalandise globales à l'intérieur de la région, entre la très grande ville de Reims – heureusement pour moi, Catherine Vautrin est partie – et Châlons-en-Champagne. Il s'agit d'éviter des départs de population vers les périphéries des très grandes villes.
Nous avons su mener et développer les deux chantiers en même temps : une offre commerciale globale sur la zone de chalandise de Châlons-en-Champagne qui nous permet de maintenir la population sur place ; un rééquilibrage fondé sur le développement du centre-ville.
Avec cet exemple, je veux montrer que le maire a déjà des outils en main pour organiser son territoire. Par conséquent, n'attendons pas tout de cette loi. Les élus locaux peuvent déjà faire des choses.
Une fois ce constat posé, je voudrais souligner le caractère contradictoire de certains discours. Tous les orateurs se disent d'accord pour intégrer l'urbanisme commercial dans l'urbanisme de droit commun et pour supprimer les autorisations d'urbanisme. Quasiment tous les intervenants ont exprimé ce souhait.
Mais une fois cela dit, certains parlementaires, comme vous monsieur Bloche, font la démonstration inverse. Pardonnez-moi de caricaturer un peu, mais vous nous dites grosso modo que le maire devrait pouvoir donner son autorisation à chaque implantation, en fonction d'un seuil à déterminer. C'est revenir à l'autorisation commerciale que nous souhaitons supprimer.
Inscrire le droit commercial dans l'urbanisme de droit commun revient à donner aux élus la capacité de faire une planification dans le cadre d'un SCOT ou d'un PLU, sous certaines conditions.
Ensuite, le maire délivre le permis de construire qui, rappelons-le, n'est pas une décision d'opportunité mais de conformité. Il permet de vérifier si le projet présenté par un pétitionnaire est en conformité avec le document d'urbanisme. Il ne s'agit pas d'une décision d'opportunité, je le répète.
C'est sur ce point, me semble-t-il, que naît la confusion. D'ailleurs, nous aurons ce débat à de multiples reprises lors de l'examen des amendements. Il faudra veiller à ne pas réintroduire des décisions d'opportunité commerciale lors de la discussion. Sinon, nous ne respecterions pas le souhait affiché par tous les orateurs d'intégrer l'urbanisme commercial dans l'urbanisme de droit commun.
Dans l'urbanisme de droit commun, les règles sont fixées dans des documents d'urbanisme de planification. Ensuite interviennent des décisions de conformité, et non d'opportunité. Il faudra veiller à rester dans ce cadre si nous voulons rester cohérents avec nous-mêmes.
Nous allons en discuter au cours de l'examen de cette proposition de loi, mais je voulais réaffirmer le principe sur lequel nous sommes tous d'accord, au moins dans le discours.
S'agissant des questions plus précises qui ont été soulevées, je ne reviendrai pas tout de suite sur les surfaces et la typologie. Lors de l'examen des amendements, nous en aurons l'occasion.
Jean Dionis du Séjour n'est plus avec nous, mais on pourra lui rappeler tout à l'heure…
… que notre intention est d'avoir des élus régionaux présents dans la CRAC. Bien évidemment, nous valorisons les SCOT qui, je le répète, fixeront les principes que nous édictons aujourd'hui.
François Brottes s'interroge sur l'avenir du texte, suspectant le Gouvernement d'en rester à une seule lecture, ici, avant de l'oublier dans un tiroir.
Telle n'est pas l'intention du Gouvernement, je tiens à le réaffirmer clairement devant vous.
Le Gouvernement approuve la philosophie générale de ce texte, je le répète. Les points de divergence portent sur des détails. Nous souhaitons que ce texte aille au terme de son examen et qu'il débouche sur une véritable évolution législative.
Une nouvelle fois, je tiens à rendre hommage au travail de la commission. Votre collègue Tardy l'a indiqué tout à l'heure : ce texte d'initiative parlementaire, l'une des premières applications fortes de la réforme constitutionnelle, est très lourd et il va changer profondément les choses sur notre territoire. Je tiens à saluer encore l'engagement du rapporteur et du président de la commission.
Catherine Vautrin a ouvert l'important débat des centralités : centre-ville, centre-bourg. De notre point de vue, la notion de « centralité urbaine » est plus intéressante et moins restrictive.
Nous souhaitons qu'un SCOT puisse, sur un territoire, caractériser des zones d'une certaine densité, mesurable par des dessertes en transport, une diversité des fonctions et des pôles structurants. Les zones de centralité me semblent davantage correspondre au vocabulaire de l'actuel droit de l'urbanisme.
Les notions de centre-ville et de centre de quartier me semblent plus limitées. Un centre-ville, nous voyons à peu près tous ce dont il s'agit ; un centre de quartier, c'est plus compliqué. Dans les très grandes agglomérations, notamment, il peut y avoir plusieurs centres. Monsieur Bloche, quel est le centre-ville de Paris ?
Quel est celui de Bordeaux, de Lyon, de Marseille ou de Lille ? Il est très difficile de déterminer le centre-ville des très grandes agglomérations. Quant aux centres de quartiers, ils supposent déjà une notion périphérique qui, pour les très grandes agglomérations, va nous poser un problème.
Nous y reviendrons lors de l'examen des amendements, mais le Gouvernement estime que la typologie « centre-ville » et « centre-bourg » n'est pas suffisante car elle va écarter des territoires que nous ne saurons pas définir. Cette définition me donne donc quelques inquiétudes dont nous reparlerons.
L'intervention de Lionel Tardy m'incite à souligner un point très important, car je ne voudrais pas que l'on fasse fausse route : nous dressons tous – Éric Straumann et Bernard Reynès notamment – un constat assez négatif des pratiques passées, mais je voudrais rappeler que cette loi ne sera pas rétroactive. Aucune loi ne l'est. Aujourd'hui, nous traitons du futur et non pas du passé.
Le déséquilibre et la disparition du petit commerce, que vous évoquez les uns et les autres, sont une réalité. Cette loi ne permettra pas – ni aucune autre –de revenir en arrière. Nous traitons, je le répète, de l'avenir, pas du passé.
Nous devons nous projeter dans l'avenir et prévoir l'organisation future des territoires parce que cette loi – je le répète à nouveau – ne réglera pas l'existant. Le développement parfois qualifié d'anarchique de la périphérie de certaines agglomérations ou communes ne sera pas remis en cause par cette loi.
Ce qui existe demeurera.
Heureusement, non pas du point de vue urbanistique mais de celui du droit, la loi ne peut être rétroactive et faire détruire ce qui a été construit.
Nous ne serions plus dans un État de droit.
Tels sont les premiers éléments de réponse que je voulais apporter à l'issue de la discussion générale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la proposition de loi relative à l'urbanisme commercial.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma