Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, nous examinons aujourd'hui une proposition de loi dont l'objectif est d'intégrer le droit de l'urbanisme commercial dans le code de l'urbanisme.
La réglementation en matière d'urbanisme commercial visait à défendre le modèle de la ville européenne qui se construit autour d'un centre historique, au coeur de l'activité économique et sociale, où se rencontrent tous les acteurs de la cité, les salariés, les visiteurs, toutes les générations. Le modèle européen du centre-ville contribue incontestablement à l'attractivité de nos territoires, notamment d'un point de vue touristique.
Mais l'encadrement de l'urbanisme commercial, après trente ans de textes législatifs successifs, n'a pas empêché le développement anarchique de zones commerciales en périphérie, qui ont parfois enlaidi nos entrées de ville. Notre pays, qui a imposé un régime d'autorisation d'apparence très contraignant, connaît pourtant un niveau d'équipement commercial parmi les plus élevés d'Europe. Pendant trois décennies, les élus n'ont eu qu'une seule préoccupation : obtenir ou repousser l'autorisation commerciale, oubliant le volet urbanistique du projet, son intégration dans l'environnement, la question des flux de circulation des marchandises et des personnes. Nous avons assisté parfois à un gaspillage important d'espaces, notamment pour créer d'énormes parkings.
Le schéma de cohérence territorial, décidé et arrêté par les élus locaux, va devenir le document maître en matière d'urbanisme commercial car il va déterminer les localisations préférentielles des commerces dans une zone de vie déterminée. Ce cadre me paraît pertinent pour l'immense majorité des projets. Cependant, on pourrait imaginer que la commission régionale d'aménagement commercial reste compétente pour les projets de très grande envergure, notamment ceux supérieurs à 50 000 mètres carrés, ou pour les projets qui auront un impact sur une zone de chalandise supérieure à 100 kilomètres. À cet égard, je pense en particulier aux villages de marques ou aux magasins d'usine, qui constituent une concurrence directe et certaine pour le commerce de centre-ville. En effet, ces centres commerciaux, spécialisés dans le domaine du textile et de la chaussure, suscitent le sentiment de se trouver en zone urbaine, avec des points de vente indépendants, organisés autour de places. Ces enseignes de grandes marques ainsi regroupées ont indéniablement un impact sur les boutiques situées en ville. Le cadre géographique du SCOT n'est peut-être pas adapté pour ces projets de très grande ampleur, qui restent toutefois exceptionnels.
Entre la libre entreprise et la nécessité de soutenir le petit commerce de centre-ville, nous pouvons trouver un équilibre en ajustant la taxe sur les surfaces commerciales, la fameuse TASCOM, dont le produit revient aujourd'hui aux collectivités locales : les recettes de cette taxe devraient obligatoirement être affectées à des mesures de soutien en faveur du commerce de centre-ville, par exemple pour encourager les facilités de stationnement à proximité des petits commerces.
Nous assistons à une phase de spéculation puisque des autorisations sont aujourd'hui cédées avant même que les travaux n'aient démarré. À Roppenheim, au nord de Strasbourg, un promoteur néerlandais spécialisé dans l'immobilier commercial vient de racheter le Village des marques, qui doit accueillir une centaine de boutiques sur une surface de 23 000 mètres carrés ; à ce jour, il reste toujours des cellules à vendre. Ne risque-t-on pas à l'avenir non seulement d'avoir un mitage de l'espace, mais de se retrouver avec des friches commerciales à gérer ? Dans certains cas, il ne s'agit plus d'une stratégie commerciale, mais d'une pure spéculation foncière. Il faut donc être très vigilant.
Le fait d'intégrer dans le droit commun de l'urbanisme les règles de l'urbanisme commercial permettra aux élus de prendre conscience de la nécessité d'intégrer au mieux une surface commerciale dans son environnement ; il ne s'agit pas seulement de créations d'emplois ou de recettes fiscales supplémentaires.
Je voterai évidemment pour ce texte qui a bien évolué au cours des dernières discussions et qui va dans le bon sens car il contribuera au développement harmonieux du commerce de centre-ville et de l'offre périphérique. Il faudra cependant préciser les notions de diversité commerciale et d'ensemble commercial figurant dans ce texte qui redonne le pouvoir aux élus locaux, lesquels ont la légitimité pour déterminer et conduire la politique d'urbanisme commercial sur leur territoire de vie. Ce texte, qui constitue une petite révolution, a surtout le mérite de traiter simultanément, de manière convergente et cohérente, la question du droit de l'urbanisme et du droit commercial, connexion essentielle pour éviter de persister dans les errements du passé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)