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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 15 juin 2010 à 15h00
Application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Je voudrais commencer mon propos, monsieur le ministre, là où vous avez terminé le vôtre, c'est-à-dire par l'application de la révision constitutionnelle du 28 juillet 2008 – il y a maintenant deux ans – et par les lois organiques qui en découlent. Nous devrons encore discuter de deux autres projets de loi organique dont nous attendons évidemment le dépôt avec beaucoup d'impatience, car cela nous permettra de confronter enfin nos points de vue.

Je fais naturellement référence au projet de loi organique relatif au défenseur des droits, que le Sénat a examiné il y a quelques jours et dont notre assemblée va être saisie. Nous aurons à cette occasion un débat sur ce qui est une création « cannibalistique » du Gouvernement puisqu'elle vise à faire disparaître des autorités administratives indépendantes qui fonctionnent à la satisfaction de tout le monde, mais ce n'est pas mon propos aujourd'hui !

Je fais référence aussi au projet de loi organique visant à appliquer l'article 11 de la Constitution – le référendum dit d'initiative partagé –, dont nous ne cessons de vous demander le dépôt. Dans cet hémicycle, monsieur le ministre, les membres du Gouvernement se sont succédé pour nous répéter que ce texte allait venir, qu'il était en préparation, en négociation, en discussion. Les mois, les semestres s'écoulent et, malheureusement, nous attendons toujours. Que le Parlement ne soit toujours pas saisi d'un projet de loi organique devant donner un pouvoir à nos concitoyens, c'est un bien triste symbole ! Nous y voyons comme l'image de votre révision, une révision destinée à favoriser l'exécutif au détriment des droits nouveaux qu'il prétendait donner à nos concitoyens.

Sur le texte qui nous réunit ce soir, le temps n'est évidemment plus à l'argumentation car nous avons eu plusieurs lectures, plusieurs discussions en commission. Le débat est donc largement clos. J'espère simplement que notre assemblée ne connaîtra pas à nouveau l'infortune du 30 juin 1980, date à laquelle elle devait se prononcer de manière définitive après l'échec d'une commission mixte paritaire et l'application exceptionnelle de l'alinéa 4 de l'article 45 de la Constitution. Le vote était annoncé, mais le président l'a décalé parce que l'adoption devait se faire à la majorité absolue et que celle-ci n'aurait pu être atteinte. Il est vrai que c'était un lundi, que nous étions le 30 juin, à la veille de la fin de la session, et que les parlementaires étaient rentrés dans leurs circonscriptions, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui puisque nous sommes un mardi, en pleine session ordinaire. Ce texte sera donc adopté, nous n'en doutons pas, car c'est, paraît-il, le jour où les parlementaires sont le plus présents.

Puisqu'il n'est pas l'heure de convaincre, je souhaite simplement rappeler les convictions du groupe SRC.

Premier point – j'insiste sur le désaccord que nous avons avec le Sénat –, il nous paraît nécessaire que les règles de vote soient identiques dans les deux chambres. L'article 13 prévoit l'addition des votes pour le calcul des trois cinquièmes. Cette disposition contient implicitement la validation d'un rapport de forces numériques entre les deux assemblées par l'acceptation du poids respectif de leurs commissions. Si les règles de chaque assemblée étaient différentes, cela fausserait ce rapport. En d'autres termes, l'appréciation du Sénat serait décisive, ce qui ne nous paraît pas conforme à l'esprit des institutions.

Deuxième point, l'interdiction de la délégation de vote correspond à l'intention du constituant de 2008. Admettons, pour la clarté de la démonstration, que l'esprit de la réforme constitutionnelle était de mettre en place une procédure nouvelle en vue de mieux encadrer les pouvoirs du chef de l'État et de revaloriser le Parlement. Admettons-le pour la clarté de l'exposé, car chacun sait ici ce que le groupe SRC pense de la réalité du mécanisme qui est ici discuté. Nous sommes persuadés que cela reste un leurre et qu'il aurait fallu une majorité positive des trois cinquièmes pour entériner une nomination, et non ce seuil inatteignable à notre avis, qui rend impossible l'opposition du Parlement, sauf crise au sein de la majorité.

Reste que l'intention louable d'encadrer les pouvoirs présidentiels ne peut s'accommoder que d'une solution dans laquelle les parlementaires joueraient pleinement le jeu de la réforme. Il faut que ceux-ci participent physiquement à la procédure de bout en bout. L'avis que les parlementaires ont à émettre porte en effet sur un homme et non sur un texte. Il s'agit de statuer sur les capacités de l'impétrant à exercer les fonctions auxquelles on le destine et, pour forger cet avis, le constituant a prévu une audition.

Nous sommes donc presque dans la situation d'un jury de grand oral, devant lequel la qualité du candidat s'apprécie non pas seulement par rapport à un sentiment, mais aussi par rapport à une prestation. Il est donc logique que seuls ceux qui ont participé à l'audition puissent se prononcer, sinon à quoi servirait-il de procéder à une audition ?

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