La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Monsieur le président, permettez-moi d'abord de souligner que c'est pour moi un vrai plaisir de vous retrouver à cette place.
Monsieur le président, peut-être étiez-vous dans cet hémicycle quand, en octobre 2004, j'interrogeais le ministre de l'économie et des finances d'alors, qui s'appelait M. Sarkozy, sur des propos qu'il était censé avoir tenus à New York – vous allez tout de suite comprendre où je veux en venir, car cela a évidemment trait à nos travaux. Il devait en effet avoir déclaré, devant une assemblée d'étudiants et en présence de dizaines de journalistes français : « Je me sens étranger dans mon propre pays », cela en un temps où lui-même proclamait : « la France, on l'aime ou on la quitte. » L'ayant donc interrogé sur le point de savoir s'il avait vraiment tenu ces propos devant, je le répète, des dizaines de journalistes, imaginez que M. Sarkozy ne voulut point me répondre. Ce n'est qu'à la sixième interpellation que, lassé par mes questionnements qui s'enchaînaient, il finit par se lever du banc où vous êtes assise, madame Lagarde, pour me répondre. Ce fut fait, en prenant, certes, quelque liberté avec la vérité, mais il me répondit.
Madame la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, je vous propose d'abréger de même vos souffrances et donc de répondre à la question que je vous ai posée ce matin concernant votre lettre de mission. En effet, un tel acte adressé à un ministre et signé du Président de la République doit, selon l'article 19 de la Constitution, être contresignée, et non pas cosignée, par le Premier ministre. Qu'en est-il en l'occurrence ?
Si, monsieur le rapporteur général, car comprenez que l'absence de réponse sur une question qui touche au respect de la Constitution pèserait sur nos esprits et troublerait donc le bon déroulement de nos travaux.
La parole est à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
Je tiens à vous rassurer, monsieur Brard : je prends le plus grand plaisir au travail que nous menons ensemble. Ne croyez donc pas que vous m'infligiez une quelconque souffrance.
Pour autant, je tiens à alléger votre peine, puisque je crois avoir compris que peine il y aurait si vous n'étiez pas informé sur ce point, encore que je pensais vous avoir apporté toute la clarté possible en la matière ce matin. Je réitère cependant bien volontiers ma réponse.
Cette lettre de mission, qui n'est pas une lettre de mise en garde, est signée par deux personnes, que je cite dans l'ordre protocolaire – lequel n'a sans doute rien à voir avec les dispositions de la Constitution auxquelles vous faites référence : le Président de la République et le Premier ministre. L'un et l'autre ont signé cette lettre : je vous laisse le soin de l'exégèse sur les problèmes de co-signature ou de contre-signature.
Ce document est d'ailleurs disponible sur le site Internet de la Présidence de la République –www.elysee.fr –, in extenso et en langue française, ce qui est le signe d'un gouvernement moderne, ouvert, transparent...
..et qui, de surcroît, défend la francophonie.
Ce texte définit exactement les tâches qui me sont confiées pour les mois et même, j'ai plaisir à le dire, pour les années à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je ne doute pas que, s'agissant de souffrance, M. Brard passera de la compassion à la sympathie ! (Sourires.)
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'article 2.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 2.
La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, monsieur le secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur, je n'interviendrai que brièvement dans la discussion sur l'article 2, mais il me semble que quelques réserves doivent être émises à son sujet tant sur le fond que sur la forme.
Sur le fond, sans vouloir ouvrir un grand débat, car nous avons déjà parlé de sujets plus importants que celui abordé par cet article,...
..une chose cependant m'étonne. L'objet du projet de loi, nous a-t-on dit et redit, est de valoriser le travail, car il y aurait un vrai problème à cet égard dans notre pays. Ainsi que nous l'avons fait remarquer sur tous les bancs de la gauche, il ne faut tout de même pas exagérer. Nos compatriotes ne sont ni des fainéants ni des oisifs. Quoi qu'il en soit, si l'on veut valoriser le travail des étudiants, la première priorité ne serait-elle pas de les inciter à se concentrer sur leur travail, c'est-à-dire à étudier et à se consacrer à leur réussite scolaire ? Dans un pays où faire des études n'est pas toujours une chose simple et où la réussite, que ce soit à l'université ou dans d'autres cursus n'est pas toujours au rendez-vous, ne devrions-nous pas avoir justement comme première priorité, que l'on soit parlementaire, membre du Gouvernement ou tout simplement parent, la réussite scolaire de nos enfants ?
Or de nombreuses études ont montré que lorsqu'un étudiant est obligé de consacrer du temps à gagner de l'argent pour payer une partie de ses frais d'études, ses résultats s'en ressentent, ce qui est d'ailleurs logique.
Quand on ne peut pas se concentrer pleinement sur son travail d'étudiant, on risque de rencontrer des difficultés scolaires.
Je ne suis pas contre le fait que des étudiants aient un petit boulot par-ci par-là, notamment l'été. Cela peut permettre un contact avec l'entreprise, ce qui est très positif. Seulement, la réalité vécue par les étudiants de France n'est pas toujours aussi rose. Il suffit de faire un tour dans les commerces de restauration rapide pour se rendre compte que les étudiants y sont employés à mi-temps ou à temps partiel, et à des postes dont ils ne peuvent pas tirer grand-chose en termes d'expérience professionnelle. Quant au revenu qu'ils perçoivent, il n'est pas très élevé. Il leur permet tout juste de payer une partie de leurs frais de logement ou d'études.
Pour ce qui est de la forme, je ne comprends pas bien non plus l'objectif visé en la matière, et je souhaiterais donc, madame la ministre, quelques éclaircissements.
Si un étudiant remplit lui-même une déclaration d'impôt – et je me souviens avoir été dans ce cas-là – il risque peu d'être imposable s'il touche un revenu à mi-temps ou à temps partiel qui ne dépasse pas le plafond indiqué dans le projet de loi. La fiscalité française est en effet telle avec l'impôt progressif que ce n'est pas parce que l'on va gagner deux ou trois SMIC sur toute une année que l'on va payer des impôts. Voilà pourquoi je ne vois pas bien l'intérêt de la mesure envisagée.
Si encore elle visait ceux qui auraient la chance de trouver un emploi très fortement rémunéré, je comprendrais, mais comme vous avez plafonné le revenu en question, vraiment, je le répète, je n'en vois pas bien l'intérêt.
La question peut se poser, en revanche, si l'étudiant est rattaché au foyer fiscal de ses parents, car on risque alors de tomber à nouveau dans l'un de ces effets pervers que nous avons déjà dénoncés à propos d'autres articles du projet de loi, celui, en l'occurrence, de favoriser ceux qui touchent déjà le plus de revenus. Pour de tels parents, le fait de rattacher leur enfant à leur foyer fiscal peut en effet leur permettre d'éviter que son salaire ne les fasse changer de tranche. C'est là que l'on ne comprendrait plus très bien le sens de la mesure proposée.
En effet, il ne s'agirait plus d'aider les étudiants qui en ont le plus besoin, comme cela paraîtrait logique, mais ceux dont les familles disposent déjà de revenus élevés. En raisonnant par l'absurde – mais c'est ainsi que l'on comprend parfois le sens d'une mesure – on pourrait même se demander si, dans le fond, des parents n'auraient pas intérêt à faire embaucher leurs enfants et à leur faire verser un revenu assez important pour, du coup, ne pas payer d'impôt supplémentaire sur ce revenu.
Si telle n'était pas l'explication de cette mesure, je ne verrais alors vraiment pas l'intérêt qu'elle présente. Je vous remercie donc par avance, madame la ministre, des éclaircissements que vous pourrez nous apporter.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'exonération fiscale des revenus étudiants est un objectif louable mais qui n'est certainement pas suffisant. Un tel projet n'a de sens que s'il s'inscrit dans une politique plus globale, mieux adaptée et plus volontariste en faveur de l'autonomie financière des étudiants. Le salariat étudiant n'est pas une fin en soi : peu d'étudiants travaillent par choix, il le font essentiellement par nécessité financière. Outre qu'il handicape parfois très lourdement leurs études, ce salariat se caractérise souvent par la précarité, des horaires extravagants, de faibles salaires, des licenciements abusifs, certains employeurs profitant de cette main-d'oeuvre peu habituée au monde du travail.
Le travail étudiant est une réalité subie par près d'un jeune sur deux. Il constitue un palliatif aux défaillances de notre système d'aides sociales. Face à cette réalité, un véritable accompagnement est nécessaire, qui doit passer par des mesures prioritaires tendant à l'autonomie des étudiants. Dès lors, la fiscalité n'est peut-être pas le levier prioritaire parce que l'immense majorité des étudiants n'est pas imposable, que c'est un nouvel avantage fiscal pour les familles plus aisées et que le salariat étudiant s'en trouve conforté. On ne peut pas s'en satisfaire, car celui-ci est souvent facteur d'échec et d'abandon des études.
Si 800 000 étudiants travaillent pour financer leurs études, c'est d'abord parce que le système d'aides sociales est insuffisant. Voilà le levier à actionner en plus de la défiscalisation !
Le défi que doit relever notre société avec la démocratisation de l'enseignement supérieur ne saurait être atteint sans une politique ambitieuse dans le domaine social. À défaut de proposer une démarche moderne et volontariste pour l'étudiant d'aujourd'hui, le Gouvernement doit orienter ses efforts et ses moyens vers l'augmentation du nombre d'étudiants boursiers, la revalorisation du montant des bourses, une meilleure prise en charge du quotidien, en particulier la santé et le logement.
Outre qu'elles permettraient d'en finir avec l'inégalité d'accès aux études, ces quelques mesures, qui ne sont que des exemples, contribueraient, sinon à éviter, du moins à retarder un salariat étudiant aujourd'hui davantage subi que choisi. La défiscalisation est nécessaire mais c'est une politique qui est loin d'être suffisante. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, de toutes les mesures fiscales qui jalonnent ce projet de loi, le dispositif d'exonération d'impôt sur le revenu des étudiants salariés compte, en apparence, parmi les moins polémiques. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En apparence seulement, je vous rassure, car la mesure proposée soulève de nombreuses interrogations.
Elle signifie d'abord que l'on prend implicitement acte de la dégradation préoccupante de la situation sociale d'un nombre croissant d'étudiants. Cette dégradation résulte de l'absence de volonté politique de la majorité pour répondre aux attentes et aux besoins urgents des étudiants au cours des cinq dernières années. Vous vous préoccupiez plutôt de leur préparer le CPE, contre lequel ils ont fait montre d'une extraordinaire mobilisation.
Ces dernières années, les étudiants ont dû faire face à l'augmentation effarante des prix des loyers – plus de 25 % en huit ans –, mais aussi à celle des tarifs de restauration collective, de cotisation sociale étudiante, d'inscription à l'université, de transports, toutes charges qu'ils parviennent de moins en moins à assumer, la revalorisation des aides qui leur sont proposées aux étudiants sur la même période n'ayant pas suivi la même courbe, comme on pouvait s'y attendre. Nul n'ignore qu'existe désormais dans notre pays une population d'étudiants pauvres, dont certains – de plus en plus nombreux – sont contraints de se tourner vers les associations caritatives. Un rapport des Restos du coeur en fait d'ailleurs état.
Alors que pareille situation devrait vous interpeller, vous proposez aujourd'hui un dispositif qui, loin de répondre aux besoins des étudiants, leur propose simplement de « travailler plus pour gagner plus », comme si tout étudiant avait vocation à exercer une activité salariée pour financer ses études. Sous prétexte d'améliorer la situation des étudiants, vous normalisez l'anomalie qu'est l'obligation faite à des jeunes en formation de travailler, souvent dans des conditions difficiles, avec des horaires impossibles et pour des salaires de misère, afin de financer des études que cette même activité met en péril. L'UNEF dispose de documents à ce sujet.
Nous ne saurions cautionner une telle démarche. Pour nous, le temps est venu de définir un véritable statut de l'étudiant reposant sur l'affirmation du droit à l'autonomie et assorti d'une allocation d'autonomie à caractère universel. Permettre aux étudiants et à tous les jeunes en formation de suivre leurs études dans les meilleures conditions sans devoir recourir à l'endettement ou être condamnés à la précarité est un enjeu primordial. Pourtant, vous ne semblez pas en avoir pris la mesure.
Monsieur le Président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'article 2 paraît, au départ, frappé au coin du bon sens. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il s'agirait de prévoir une exonération d'impôt sur le revenu des salaires perçus par les étudiants dans la limite de trois fois le SMIC mensuel. Mais cette mesure est-elle réellement conçue pour les étudiants qui en ont le plus besoin ? Nous n'en sommes pas persuadés et nous saisissons cette occasion pour plaider en faveur d'une véritable allocation étudiante, seule solution propre à assurer l'égalité devant les dépenses d'enseignement supérieur et donc l'égalité des étudiants quelle que soit leur origine sociale.
Prenons l'exemple d'un étudiant qui travaille 12 heures par semaine au SMIC pendant les mois d'études et à plein temps pendant les deux mois de vacances. Son revenu annuel est de 6 000 euros net environ, ce qui lui permet aujourd'hui d'être non imposable et de déclencher la prime pour l'emploi à hauteur de 660 euros. Cet étudiant n'aura aucun intérêt à faire jouer le nouveau dispositif. De fait, celui-ci n'intéressera pas les étudiants les plus en difficulté, mais – comment ne pas le voir ? – d'abord les familles dont les étudiants sont rattachés au foyer fiscal des parents.
Outre ces précisions, nous présenterons des amendements tendant à répondre de façon plus efficace et plus juste aux besoins réels des étudiants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, personne ne s'étonnera que, du côté de la majorité de l'hémicycle, les propos soient d'une nature un peu différente. J'ai ressenti dans ceux de mes collègues, soit une posture carrément idéologique,…
…soit une gêne vis-à-vis de l'article 2. Contrairement à ce qui a été exprimé, ce n'est pas une mini-mesure mais une mesure importante, qui s'inscrit bel et bien dans l'ensemble global que vous appelez de vos voeux.
Mon histoire personnelle n'intéresse personne, mais elle me permet de parler, comme d'autres ici probablement, en parfaite connaissance de cause. Voilà tout juste quarante ans, dans la foulée du baccalauréat, je démarrais des études supérieures tout en étant en situation – certes pas dans l'obligation – d'exercer une activité professionnelle. Cela n'a pas fait de moi un héros de la nation ! Pour moi, comme pour tous ceux qui étaient dans le même cas, nous sommes des gens ordinaires. (Approbation sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il faut en finir avec l'affirmation selon laquelle un étudiant doit disposer de tout son temps pour étudier,…
…et qu'une activité professionnelle constitue une entrave à l'étude. C'est faux ! Nous avons été, nos enfants ont été et nos petits-enfants seront des étudiants tout à fait paisibles et sereins exerçant, plus ou moins volontairement ou par nécessité, une activité professionnelle sans conséquences sur les résultats scolaires. Je vais même plus loin : certains étudiants réussissent mieux parce qu'ils sont plus rapidement entrés dans la vraie vie,…
…qu'ils savent que le temps est compté et qu'ils gagnent ainsi en efficacité.
C'est ainsi que l'exercice parallèle d'une activité professionnelle et de l'engagement universitaire aboutit à un résultat positif dans un temps parfois plus bref que celui utilisé par d'autres. Cessons de flatter l'étudiant en difficulté sociale en disant qu'il faut penser d'abord à l'aider, alors qu'un grand nombre de jeunes dans notre pays ont démontré que la première des aides qui puisse être apportée à un individu, c'est celle qu'il s'apporte à lui-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Quand j'entends les arguments fallacieux concernant le rattachement au foyer fiscal des parents, les bras m'en tombent ! Pourquoi parler exclusivement des étudiants qui se rattacheraient au foyer fiscal de parents riches et qui, en allant jusqu'au bout de votre logique, feraient exprès de travailler pour faire baisser les impôts de leurs parents ?
Soyons sérieux ! Il y a aussi des étudiants qui travaillent pour avoir leur autonomie et qui se rattachent au foyer fiscal de parents dont les revenus, sans être négligeables, restent modestes. Grâce précisément à l'article 2, ils leur permettront de ne pas subir le supplément d'impôt qui pourrait résulter du rattachement fiscal de ce petit boulot.
Il s'agit donc d'une excellente mesure, dont beaucoup – les étudiants comme leur famille – regretteront de ne pas avoir bénéficié plus tôt. Le groupe UMP et son associé dans cette bataille pour l'emploi, le groupe Nouveau centre, s'attacheront vigoureusement à ce que l'article 2 soit voté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous en venons aux amendements à l'article 2.
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 123 .
Notre amendement propose au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur la situation sociale et financière des étudiants et de réfléchir aux conditions de mise en oeuvre d'une allocation d'étude à caractère universel.
Votre dispositif vise, au fond, à faire en sorte que les emplois occupés par des étudiants en cursus scolaire ou universitaire fassent l'objet d'une franchise d'imposition dans le cadre de l'impôt sur le revenu. Il coûte pour le moment une trentaine de millions d'euros et concernerait environ 450 000 étudiants et lycéens, soit une prime fiscale de moins de 70 euros par an. Voilà qui est loin de la véritable aide à la scolarité qui pourrait résulter de la création d'une allocation d'études et d'autonomie, visant notamment à éviter que nombre de lycéens et d'étudiants soient contraints de distribuer des journaux gratuits le matin ou le soir à la sortie des gares de banlieue ou de se transformer en vendeurs de hamburgers les soirs et le week-end. Il est douteux que cela les aidera à avoir une promotion salariale plus tard !
Le dispositif qui nous est proposé est donc une incitation clairement affichée à la généralisation et au développement des emplois destinés aux étudiants, qui sont, pour une bonne part, des emplois à temps très partiel et à forte rentabilité pour les employeurs en question.
Tout le monde n'est pas dépassé.
Le dispositif présente par ailleurs d'autres caractéristiques soigneusement masquées pour le moment.
Si l'on défiscalise les emplois étudiants, on procédera également à une forme de disparition d'un certain montant de revenus – en l'occurrence 3 750 euros – qui peut, dans certains cas, faire perdre le bénéfice de la prime pour l'emploi aux jeunes concernés. Si vous gagnez 7 000 euros par an, en accumulant les heures à temps partiel et les jobs en période de vacances scolaires et que la moitié de ce revenu est franchisé, que va-t-il rester pour le calcul de la prime pour l'emploi ?
Autre observation : la franchise de cotisation d'impôt sur le revenu peut-elle aller jusqu'à mettre en cause la réalité des périodes travaillées par les jeunes, alors même que le calcul de certaines prestations – je pense aux retraites –est étroitement dépendant de la réalité des périodes de travail effectuées ?
Cela fait en tout cas beaucoup de raisons pour rejeter a priori cet article 2 dans sa rédaction actuelle. On sent confusément qu'il n'a d'ailleurs d'intérêt que pour les ménages ayant des enfants étudiants ou élèves rattachés et dont les revenus se situent dans les tranches les plus élevées du barème de l'impôt progressif.
Ce n'est pas là une solution d'avenir. Votre mesure apparaît en tout cas en total décalage avec les besoins et les attentes légitimes des jeunes en formation.
Nous proposons donc d'ouvrir une piste de réflexion différente, faisant mieux droit à ces attentes, et nous vous invitons, en conséquence, à adopter le présent amendement.
La commission a rejeté cet amendement.
Monsieur Sandrier, je voudrais vous convaincre que c'est une très belle mesure. Le fil directeur de ce texte, c'est la revalorisation du travail. Quoi de mieux que de commencer à revaloriser le travail en direction des jeunes,…
…en les incitant à prendre un emploi pendant l'année pour les aider à financer leurs études, à prendre leur autonomie.
La mesure est sage et très bien proportionnée. L'exonération joue, en effet, à hauteur d'un maximum de trois SMIC mensuels pour les jeunes âgés de vingt-cinq ans au plus.
Monsieur Sandrier, vous évoquiez le problème de la prime pour l'emploi. Vous avez certainement remarqué que l'article était rédigé afin de permettre l'option. On peut bénéficier ou non de cette exonération, pour limiter d'éventuels effets pervers.
C'est donc une très belle mesure et je voudrais reprendre les propos de Guy Geoffroy. Il disait avec une grande éloquence que nombre d'entre nous auraient aimé pouvoir bénéficier d'une telle exonération. Vous auriez dû ajouter, cher collègue, que beaucoup sur ces bancs risquent de regretter de ne pas avoir voté cette disposition cet après-midi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pour compléter les propos de M. le rapporteur général, j'ajouterai qu'il s'agit d'une mesure qui consiste à inciter, dès leurs études, les jeunes au travail. C'est aussi une mesure de liberté.
Voici en effet un texte où souffle un vent de liberté, puisque l'option est présente entre la PPE et la faculté de bénéficier de l'exonération d'impôt sur trois mois équivalents SMIC.
L'étudiant choisit également de se rattacher ou non au foyer fiscal de ses parents. Nous nous trouvons donc à nouveau dans le domaine de la liberté.
Vous demandez, monsieur Sandrier, un rapport supplémentaire. Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a lancé un chantier sur les conditions de la vie étudiante. Cette concertation dure depuis plus de soixante heures. Elle donnera lieu à un rapport d'étape, qui sera publié le 16 juillet. Je vous invite vivement à lire les conclusions de ce rapport pour en savoir davantage sur les mesures qui seront proposées.
Le Gouvernement demande le rejet de cet amendement.
On peut essayer d'éviter de faire de l'idéologie, si l'on évite aussi de tomber dans la caricature.
Le fait que, demain, nous puissions, les uns et les autres, regretter de ne pas avoir voté ce dispositif n'a aucun intérêt. Je ne trouve aucun intérêt personnel dans l'argumentation que je développe au sein de cet hémicycle. Je ne vois pas comment mon intérêt personnel me pousserait à voter pour cette mesure ou à la rejeter.
Que cherchez-vous ? Vous prétendez vouloir favoriser le travail des étudiants qui ont besoin de travailler pour continuer à étudier. Vous recueillez par là même l'assentiment de tous. Mais cette intention ne correspond pas à la réalité. Vous créez en fait un effet d'aubaine en termes de déduction fiscale. Et nous ne pouvons l'accepter.
Les amendements que nous avons déposés rejoignent votre idée de l'accompagnement nécessaire pour les étudiants qui ont besoin de travailler. Mais nous ne pouvons vous suivre en approuvant un processus qui ouvre un champ de défiscalisation à titre d'aubaine. Là se trouve le clivage. S'il est idéologique, je persiste sur nos positions.
Dois-je rappeler qu'il est plus indispensable de travailler quand on est étudiant et que l'on est issu d'une famille modeste que lorsque sa famille est aisée ? C'est parfois même vital. Il n'est pas interdit, dans le même temps, à une famille aisée de vouloir que le parcours éducatif de son fils ou de sa fille passe par le travail. Ce n'est pas contestable.
Mais de quoi parlons-nous ? De déduction fiscale, donc de l'engagement de l'État. De l'effort consenti par la collectivité nationale et par nos compatriotes qui acquittent l'impôt, en déduisant la participation de certains.
Nous sommes d'accord pour que cet effort soit fait en direction des étudiants qui éprouvent des difficultés à continuer à étudier, mais nous ne voulons pas que cela permette à des familles qui ont la capacité d'assumer l'éducation de leurs enfants de bénéficier d'allégements fiscaux. Voilà où est la différence.
Je suis maire d'une ville universitaire. Je sais ce que pèsent les 3 000 étudiants que ma ville accueille dans son budget d'aide sociale. Je sais combien l'augmentation de l'aide au logement de ces étudiants favoriserait leur consommation. Je sais ce qui leur permettrait d'éviter d'aller travailler la nuit à Rungis et d'étudier le jour. Un certain nombre de dispositifs leur permettraient de mieux se soigner, plutôt que d'aller chercher refuge dans les centres médico-sociaux des communes. Les problèmes de transport, d'éloignement obèrent la vie des étudiants.
S'il s'agit d'aider les étudiants qui n'ont pas assez de ressources, soit l'État fait le choix de les accompagner, soit il mobilise difficilement des fonds, compte tenu de l'état du budget en avantages fiscaux, mais, dans ce cas, il fait en sorte que cette aide soit centrée sur ceux qui en ont le plus besoin.
Nous sommes devant ce choix. Nous le portons très simplement à la connaissance de nos concitoyens. Pour ceux qui ont des revenus modestes et dont les enfants ont besoin d'être accompagnés, la réponse de la République et de son budget est nécessairement positive. Mais nous pensons que ces avantages ne doivent pas être étendus de manière inconsidérée. Sinon, lors de l'élaboration du budget, nous vous rappellerons à qui vous avez octroyé des avantages et apporté votre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je suis saisi de deux amendements, nos 60 rectifié et 400 , qui, malgré leur place, peuvent être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le rapporteur général pour soutenir l'amendement n° 60 rectifié .
L'amendement n° 60 rectifié me donne l'occasion de rappeler ce que sont les caractéristiques de ce dispositif d'exonération qui, Mme la ministre vient de l'indiquer, laisse à l'étudiant la liberté de se rattacher ou non au foyer fiscal de ses parents.
Comme l'a parfaitement décrit M. Geoffroy, cette mesure permet d'aider l'étudiant à assumer lui-même l'ensemble de ses frais de vie – et pas seulement de scolarité – qui constituent un frein puissant à l'ascenseur social que représentent les études supérieures. C'est là un principe d'équité, mais aussi de dignité pour l'étudiant, quel que soit le milieu familial dont il est issu.
Vous voulez, monsieur Le Bouillonnec, que la famille, lorsqu'elle en a les moyens, prenne totalement ses enfants en charge durant leur parcours scolaire et universitaire.
Monsieur Brard, vous avez, à différentes reprises, eu la gentillesse d'évoquer le cas de gens nés avec…
Mon père, lors de mes études supérieures, exerçait la plus haute fonction de la République. Eh bien, sachez que je m'honore d'avoir effectué des stages étudiants rémunérés pendant cette période. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'aurais fort bien pu rester dans les « ors » de la République et attendre l'obtention d'un diplôme sanctionnant la fin de mes études.
Mais, monsieur Brard, si nous siégeons ensemble dans cette assemblée…
Nous y siégeons ensemble parce que les Français ont bien voulu nous élire, l'un comme l'autre. Cela montre que ce n'est pas exclusivement sur la base d'un contexte personnel et familial que l'on peut développer son parcours dans la société française.
Le travail doit permettre à tous les étudiants de s'intégrer dans la vie professionnelle. L'article 2 propose un excellent dispositif, que je souhaite voir adopté. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 400 .
Je trouve cette saga familiale très intéressante, mais je ne suis pas sûr qu'elle justifie des mesures fiscales particulières.
Madame la ministre, vous avez dit qu'il s'agissait d'une mesure de liberté. Les mots ont leur importance. Dès lors que la liberté de quelqu'un est en danger, je pense que nos efforts peuvent se conjuguer.
Il y a des jeunes dont la liberté est en danger : ce sont des Séquano-nocéens, que vous connaissez d'ailleurs. Ils ne bénéficient pas de cette liberté. Ils n'entrent pas du tout dans le schéma de M. Geoffroy, qui se donne le cilice tous le matins et qui veut que les jeunes soient élevés à la dure.
Madame la ministre, je vais vous citer quelques-uns de ces Neuilléens, à qui il faut apporter la liberté.
Il y a les enfants et petits-enfants de Jean-René Fourtou, de la famille Dewavrin, de Lindsay Owen-Jones, de Liliane Bettencourt, de Martin Bouygues, de Bruno Bich, d'Hubert Martini, de Jean Reno, d'Arthur et de quelques autres, tous voisins d'un collègue dans le temps du père de Louis Giscard d'Estaing.
Alors, de grâce, pas d'abus de langage ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il ne s'agit évidemment pas d'une mesure de liberté ! Parlons plutôt, pour rester dans un usage raisonnable de la sémantique, non d'une mesure de liberté, mais d'une mesure morale – et je vois notre collègue alsacien qui m'approuve car, dans cette région, on sait ce que c'est que la morale.
Madame la ministre, l'article 2 de votre projet de loi prévoit d'étendre l'exonération actuellement limitée aux rémunérations perçues par des jeunes gens âgés de vingt et un au plus pour les emplois qu'ils occupent pendant les seules vacances scolaires ou universitaires aux salaires perçus par les élèves ou étudiants en contrepartie d'une activité exercée durant l'année scolaire ou universitaire. Notre amendement entend préciser que cette extension ne pourra concerner que les jeunes non rattachés fiscalement au foyer parental et, par nature, plus exposés à la rudesse des conditions de vie des étudiants, fort peu décrites par Louis Giscard d'Estaing tout à l'heure.
L'enquête sur les conditions de vie des étudiants, en particulier sur leur santé, menée par la Mutuelle des étudiants – la LMDE…
…et publiée en septembre 2006, a montré que nous sommes confrontés à ce que Bruno Julliard, président de l'Union nationale des étudiants de France, avait qualifié de paupérisation des étudiants. Cette réalité n'est malheureusement pas nouvelle. Depuis cinq ans, précise Bruno Julliard, la situation s'est aggravée.
Il faut l'écouter, mes chers collègues ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Même le Président de la République tend son oreille pour recueillir les paroles sensées de Bruno Julliard. Que dit-il ? Que la population étudiante voit son pouvoir d'achat baisser. Or ce n'est pas tout à fait ce que vous dites !
Nombre d'étudiants sont dans des situations très précaires, ce qui a des conséquences dramatiques sur leur santé. Selon l'étude de la LMDE, les étudiants les plus en difficulté ne consultent plus les spécialistes les plus chers, comme les ophtalmologistes et les dentistes. Cette étude met aussi en évidence les problèmes psychologiques et les fatigues sévères que connaissent les étudiants. Ces deux problèmes ne sont pas, d'après Bruno Julliard, simplement liés au stress des examens. La précarité sociale des étudiants est déterminante.
Alors, je veux bien, monsieur Geoffroy, qu'on les fasse marcher à coups de trique…
Je traduis ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais je reconnais que c'est une traduction libre ou, comme on dit au parti socialiste, une synthèse ! (Sourires.)
Je vous invite à faire de même, monsieur Brard, car il est temps de conclure.
N'étant pas masochiste, je ne suis pas un adepte de l'auto-flagellation. Je ne m'inscris pas dans cette tradition que l'on retrouve sur certains bancs, du moins le masochisme délégué aux autres. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ce n'est pas avec un petit morceau de sparadrap que vous panserez les plaies et que vous parviendrez à cacher la réalité des conditions de vie des étudiants ainsi que les inégalités sociales qui traversent notre société et dont vous prenez timidement conscience. Malheureusement, votre politique est très insuffisante en la matière. Elle ne répondra pas aux besoins considérables de la jeunesse de notre pays, qui a eu l'occasion de s'exprimer lors du débat sur le CPE.
Monsieur Louis Giscard d'Estaing, vous nous avez raconté une expérience personnelle qui a le mérite d'être la vôtre.
Elle a le mérite d'exister et je la respecte. Mais, je pense surtout aux familles, qui, dans une ville comme la mienne, s'entassent dans des F2 ou F3. Jean-Yves Le Bouillonnec connaît des situations identiques d'appartements occupés par six, sept, huit personnes, des jeunes issus de familles ouvrières ou de l'immigration. Comment, dans ces conditions épouvantables, peuvent-ils étudier ?
Le conseil général de la Seine-Saint-Denis n'a pas construit assez de logements étudiants !
C'est ceux-là qu'il faut aider !
Dans ma ville, par exemple, nous avons dû, pour des élèves de classe préparatoire qui vivent dans ces conditions déplorables ouvrir la bibliothèque municipale pendant la nuit afin que ces jeunes socialement défavorisés puissent travailler normalement.
Pour ces jeunes-là, vous ne faites rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen.)
Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements en discussion commune ?
La commission a adopté l'amendement n° 60 rectifié . Avis défavorable à l'amendement de M. Brard.
Favorable à l'amendement de la commission.
Je mets aux voix l'amendement n° 60 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Nous sommes si convaincus de la valeur et de la portée de ce dispositif, fort bien défendu par les différents intervenants que nous souhaitons en étendre l'application. Mais permettez-moi d'abord de dire à nos collègues de l'opposition qu'ils sont à cent lieues du constat que nous faisons de la société. Regardez autour de vous, chers collègues, consultez les étudiants, les familles modestes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Vous vous rendrez compte que cette mesure, qui a été annoncée, a été très favorablement accueillie.
Nous sommes si convaincus de sa valeur, madame la ministre, que nous considérons, compte tenu de l'allongement des cursus universitaires, notamment du fait des séjours à l'étranger et des stages, que la limite d'âge de vingt-cinq ans fixée au 1er janvier n'est pas appropriée. Nous souhaiterions que cette limite soit constatée au 31 décembre de l'année d'imposition. Passer de vingt-cinq à vingt-six ans permettrait d'aligner ce dispositif sur de nombreuses mesures applicables en matière d'emploi, généralement réservées aux plus de vingt-six ans. Nous y gagnerions en efficacité et sans doute aussi en justice, compte tenu de la longueur de certains cursus universitaires.
…mais, en tout état de cause, madame la ministre, je vous demande de l'accueillir favorablement.
La commission a bien examiné cet amendement. Je vous ai simplement indiqué, monsieur Couanau, qu'il fallait éviter de multiplier les seuils. Nous avons, dans ce pays, la manie des seuils et nous les accommodons à toutes les sauces !
En l'occurrence, le seuil de vingt-cinq ans est celui qui vaut en matière fiscale et c'est jusqu'à la date du 1er janvier que le rattachement au foyer parental est ouvert. C'est également le seuil qui intervient pour l'attribution du RMI. Il est plus sage d'en rester à la date du 1er janvier et de ne pas créer un nouveau seuil.
De surcroît, on passe le bac à dix-sept ans.
L'on peut, dès lors, estimer qu'à vingt-quatre ans révolus, après les classes préparatoires, les grandes écoles ou les études à l'université, l'étudiant a pratiquement terminé ses études.
En repoussant d'un an, vous consacrez une sorte de droit au redoublement, ce qui ne me paraît pas très incitatif alors que nous voulons promouvoir l'effort dans cette loi !
Votre analyse ne me laisse pas indifférente, monsieur Couanau, d'autant que je suis née un 1er janvier ! (Sourires.)
Cela étant, si l'étudiant atteint l'âge de vingt-six ans au cours de l'année fiscale considérée, il aura droit à cette exonération. Votre amendement est donc satisfait par la rédaction actuelle, sans que l'on ait besoin de modifier la date. C'est la raison pour laquelle, je vous suggère de retirer votre amendement ; l'expertise est formelle.
J'apprécie beaucoup l'hommage à la sagesse, mais il y a aussi l'hommage à la ténacité.
Je reconnais bien là, madame la ministre, les réflexes administratifs et techniques classiques auxquels nous étions habitués jusqu'à présent. Il me semblait pourtant que nous étions entrés dans une période…
…où l'on pouvait s'en abstraire et considérer que la réalité appelait d'autres réactions. C'est pourquoi vous comprendrez que je maintienne mon amendement, ne serait-ce que pour éprouver une fois de plus la solitude du brave ! (Sourires.)
Je suis saisi d'un amendement n° 274 .
La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour le soutenir.
Nous assistons à une séance hors du commun ! Il est en effet peu banal d'entendre un certain nombre de nos collègues nous faire part de leur expérience personnelle ! Et cela pour plaider en faveur de la défiscalisation, qui permettrait selon eux, à elle seule, d'assurer le succès professionnel à venir des étudiants. On a même entendu des témoignages poignants…
…pour nous convaincre de nous immerger dans le monde tel qu'il est pour bien l'appréhender.
Honnêtement, je reconnais que c'était beau.
Pour ma part, je ne parlerai pas de mon cas personnel parce que je pense que nous représentons le peuple.
Chez moi, il n'y avait guère matière à déduction fiscale. C'étaient de braves gens qui ont fait des efforts et qui ont beaucoup travaillé. Ils ont même fait beaucoup d'heures supplémentaires pour terminer, à soixante-cinq ans, comme mon père, au SMIC. Ces situations existent indéniablement et ce sont ces gens-là qui font la France !
Ce sont ces gens-là qui ont permis de faire de nous ce que nous sommes devenus. Vos témoignages, certes poignants, ne sont franchement pas très dignes pour justifier vos mesures. On peut se contenter de penser à quelques-uns : moi, je pense au plus grand nombre et je regarde comment les gens ont travaillé et lutté pour que leurs enfants puissent vivre et s'élever. Moi, je ne les oublie pas ! Je ne vous dénie pas le droit de les représenter, mais pour ma part, j'ai ce devoir moral vis-à-vis d'eux.
Avec les mesures que vous proposez, et que nous critiquons, vous continuez à faire des cadeaux aux plus favorisés, et je ne pense pas seulement aux étudiants. Si vous aviez réellement envie de vous préoccuper du sort des étudiants, vous proposeriez autre chose, parce qu'il y a beaucoup à faire pour eux. Pour ma part, je vous propose, pour les tranches supérieures de l'impôt sur le revenu, de limiter la possibilité de déduire les revenus apportés aux étudiants.
Ce n'est pas une affaire de cuillère en argent que l'on aurait reçue à la naissance. C'est un simple problème de dignité. Je ne vois pas pourquoi, une fois de plus, l'on diminuerait une ressource fiscale pour la faire payer par d'autres. Tout le monde paie la TVA, et ce n'est pas sans conséquence sur le quotidien. Mais tout le monde ne bénéficie pas d'une exonération d'impôt. Cette défiscalisation n'est donc pas correcte. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La commission a rejeté cet amendement, particulièrement mesquin, avouez-le, monsieur Idiart. Il témoigne même d'un certain mépris à l'égard du travail étudiant.
Si vous voulez vraiment agir dans ce secteur, après n'en avoir pas eu le courage entre 1997 et 2002, …
Monsieur Le Bouillonnec, vous qui vous intéressez à la question du logement, parlez-nous plutôt de l'allocation logement versée aux étudiants sans conditions de ressources. Voilà un vrai problème sur lequel on pourrait se pencher.
Au lieu de cela, vous préférez rogner des petits riens sur le travail étudiant, qui devrait être traité de la même manière quels que soient les revenus des parents. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Comme le rapporteur général, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je trouve cet amendement honteux ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Vous n'avez pas à demander à un étudiant quels revenus déclarent ses parents. Les garçons et les filles des jeunes générations travaillent, ils ont une vie distincte de celle de leurs parents.
Amendement d'un autre âge, socialisme d'un autre âge ! Vous nous ramenez à des temps dépassés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Et si nous soutenons ce gouvernement, c'est bien pour sortir de ces archaïsmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je soutiens cet amendement, comme ceux de M. Brard et de M. Sandrier.
Revenons un peu au fond des choses. Tout à l'heure, mes propos ont été caricaturés. J'ai pourtant bien expliqué que je n'avais rien contre le fait que les étudiants travaillent, soulignant que cela pouvait même leur être bénéfique en termes d'expérience. Seulement, je ne vois pas en quoi la disposition proposée est utile. L'exemple que vous avez cité, monsieur Giscard d'Estaing, le démontre à la perfection : en quoi le fait qu'aucun mécanisme de ce genre n'existait vous a-t-il empêché de faire des stages rémunérés ? Si nous voulons que les étudiants fassent un travail formateur, en lien avec leurs études, point n'est besoin de cette mesure. C'est à d'autres dispositifs qu'il nous faut travailler.
S'agissant des étudiants qui sont obligés de travailler, je pourrais vous citer l'exemple d'un jeune garçon qui est venu m'exposer son cas la semaine dernière : travaillant dans une société de restauration rapide à mi-temps, il souhaite être kinésithérapeute. Il lui faut pour cela 8 000 euros par an, auxquels il devra ajouter 4 000 euros de loyer, selon une estimation basse, et quelques milliers d'euros de dépenses courantes. Pensez-vous que la mesure proposée ici pourrait l'aider un seul instant sachant que ses parents ne sont pas imposables sur le revenu ? Mais vous n'avez même pas accepté l'amendement réservant le bénéfice de la mesure aux étudiants faisant l'objet d'une déclaration indépendante.
Je ne suis fermé à aucune proposition – il n'y a pas que les aides directes – mais je me demande pourquoi vous êtes obsédés par cette idéologie que je qualifierai de « fiscalisme », selon laquelle une mesure fiscale permettrait de tout régler. Une disposition comme celle-là ne règle rien ou presque pour les étudiants. M. Idiart et M. Brard et M. Sandrier avant lui ont eu raison de le souligner.
M. Soisson vient de nous donner la parfaite illustration de ce que l'ouverture donne quelques années plus tard. (Rires sur divers bancs. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Mes chers amis, dans dix ans, ce sera à votre tour de recevoir des leçons d'ouverture.
Je ne peux pas laisser passer vos propos, monsieur le rapporteur général. Vous m'accusez d'être mesquin parce que je considère qu'il est anormal de faire des cadeaux à certains redevables de l'impôt sur le revenu. Mais c'est vous qui avez fait le choix de tout rattacher à l'impôt. Personne ne vous a demandé d'aller dans ce sens. Notre rôle à nous est de veiller à ce que les choses se fassent dans la plus grande justice possible. Et nous continuerons à être vigilants car, depuis le début de la législature, nous retrouvons les mêmes travers dans vos textes. Non, nous ne sommes pas favorables à ce que la majorité paie pour des cadeaux faits à une minorité qui n'en a pas besoin. Et je parle ici non des étudiants, mais des parents fortunés de certains d'entre eux.
Monsieur le président, je suis quelque peu étonné, depuis le début de l'examen de cet article, par les propos tenus sur les bancs de l'opposition.
Nous avons une constante qui n'est pas, comme vous dites, de donner plus aux riches, mais de donner plus d'autonomie aux étudiants. C'est la raison pour laquelle nous avons créé les bourses de mérite, en plus des bourses classiques, lesquelles ont été revalorisées. Le montant consacré aux bourses étudiantes dans le budget de l'État n'a jamais été aussi élevé qu'aujourd'hui. De plus, la loi de finances de l'an dernier a permis la récupération des intérêts d'emprunt sur les prêts étudiants, dans le même souci d'autonomie.
L'amendement que vous proposez est un amendement anti-autonomie : il renforce la dépendance de l'étudiant à l'égard de sa famille.
Les relations entre un jeune et ses parents ne sont pas régies par le niveau de ressources de ces derniers.
C'est un rapport beaucoup plus complexe : des difficultés peuvent exister, quels que soient les moyens de la famille. Le coût, le choix des études n'est pas en relation directe avec les revenus des parents.
Vous avez donné, monsieur de Rugy, l'exemple des études de kinésithérapeute. Nous pourrions citer aussi celui des grandes écoles. Si nous voulons qu'un certain nombre de jeunes issus des classes moyennes y aient accès dans de meilleures conditions, avec moins de charges d'emprunt, cela suppose d'adopter cette mesure de responsabilisation des étudiants et des familles. Elle est en cohérence avec toutes les lois que nous avons votées depuis cinq ans en faveur des étudiants ; elle va dans le même sens que la loi sur l'autonomie des universités, qui permettra qu'il y ait demain des universités plus efficaces et des étudiants plus autonomes.
Vous refusez cette cohérence car, depuis vingt ans, à chaque fois que vous avez été au pouvoir, vous n'avez rien souhaité faire en faveur des étudiants et de la modernisation des universités. La rupture est là aussi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je mets aux voix l'article 2, modifié par l'amendement n° 60 rectifié .
(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)
L'article 2 que nous venons d'adopter fixe les conditions d'exonération des salaires perçus par les jeunes à l'occasion d'activités exercées pendant leurs années d'études. L'objet de l'amendement que je propose est d'étendre le champ d'application du dispositif aux autres rémunérations, qui ne relèvent pas des traitements et salaires, mais des bénéfices non commerciaux, des bénéfices industriels et commerciaux et même des bénéfices agricoles. Le principe de l'égalité voudrait que cet amendement soit adopté.
La commission a rejeté cet amendement, estimant qu'il fallait limiter l'exonération aux revenus salariaux. Les étudiants déjà chefs d'entreprise ne nous ont pas paru devoir entrer dans le champ du dispositif que nous avons souhaité mettre en place à l'article 2.
Monsieur le député, je crois comprendre que la mesure que vous proposez a pour objet d'étendre l'exonération actuellement prévue pour les étudiants salariés aux étudiants qui travaillent pendant leurs études dans le cadre de junior entreprises. Ces jeunes, qui font l'apprentissage du noble métier d'entrepreneur en même temps qu'ils poursuivent leurs études, sont bien souvent rémunérés sous forme d'honoraires, et donc soumis au régime des BNC et non à l'IRPP, comme vous le souligniez.
Si telle est bien la cible de votre amendement – les junior entreprises –, le Gouvernement l'approuve, dans le souci de responsabilité et de liberté évoqué tout à l'heure par le vice-président Bouvard, et il lève le gage. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Comme le dit mon collègue Roland Muzeau, il pleut toujours là où c'est mouillé, mais jamais jusqu'au pourrissement, juste assez pour que s'épanouissent pleinement les fruits de l'argent.
Monsieur le rapporteur général, vous qui êtes depuis longtemps dans le champ politique, vous avez bien compris qu'à trop en faire, on finit par risquer d'attirer l'attention. Vous nous avez accusés d'être mesquins parce que nous refusons des déductions fiscales de quelques centaines d'euros à des familles déjà fort « étoffées ». Mais il est vrai que, d'une certaine manière, c'est être mesquin que de se battre pour quelques centaines d'euros quand il s'agit de gens qui brassent des millions.
Je vais vous donner quelques exemples, en suivant la liste publié dans le magazine Challenges. Commençons par les « riches pauvres » avec Yves Gonnord, de la famille Fleury-Michon. La saucisse ne rapporte plus autant que par le passé, vous savez.
Yves Gonnord, c'est 130 millions d'euros seulement, auprès desquels quelques centaines d'euros défiscalisés paraissent cependant peu de chose.
Passons maintenant aux petits pois,…
Personnellement, avec les saucisses, je préfère les lentilles ! (Sourires.)
…c'est-à-dire aux Bonduelle avec quelque 390 millions d'euros. Et finissons par Bernard Arnault, le roi du luxe, dont la fortune personnelle atteint 23,72 milliards d'euros. Là le contraste s'accroît…
Il faut que l'opinion sache que ce que nous voulons faire : interdire que de telles personnes, via leurs conseillers financiers, bénéficient de ces quelques lentilles, monsieur Bouvard. Vous savez bien pourquoi les riches sont riches : c'est parce qu'ils sont âpres et qu'ils se jettent sur tout ce qui est à portée de leurs mains, en s'emparant du fruit du travail des autres. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous n'allez tout de même pas me faire croire que c'est Bernard Arnault lui-même qui a accumulé par son seul travail, même en se levant tôt et en se couchant tard, 23 milliards d'euros !
Certes, vous n'êtes pas mesquins : quand on aime on ne compte pas ! Vous savez que les privilégiés que vous avez mis en appétit sont insatiables.
Ainsi, vous continuez à leur en donner. Mais, quand nous proposons d'améliorer la situation des RMIstes, vous dites que cela les encourage à l'oisiveté ! Voilà votre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen.)
Je regrette que mon amendement ait entraîné de nouvelles élucubrations de Jean-Pierre Brard.
Je tiens à remercier Mme la ministre pour avoir recadré mon amendement dans le contexte des junior entreprises et levé le gage.
L'observation de M. Scellier vient à point nommé. En commission, nous avons indiqué que nous étions favorables à cette disposition dès lors que l'activité s'exerçait dans le cadre strict d'une junior entreprise. Or l'amendement de M. Scellier ne le dit pas explicitement
Prenons le cas d'un étudiant membre d'une société de personnes exerçant une activité agricole. À ce titre, il perçoit une rémunération qui n'a aucun rapport avec une junior entreprise. L'amendement permet-il d'exclure cette rémunération de l'exonération ?
Prenons maintenant l'exemple des bénéfices non commerciaux. Ils concernent, en général, des professions réglementées. On voit mal un étudiant exercer la profession réglementée de pharmacien, d'avocat ou de médecin. Quelle profession pourra-t-il exercer ? Celle d'artiste peintre, de prostituée ? (Sourires)
Madame la ministre, je souhaite que vous m'assuriez qu'il s'agit exclusivement de l'activité exercée dans le cadre de junior entreprises.
Monsieur le rapporteur général, vous avez raison, l'amendement ne s'applique pas exclusivement à des activités exercées dans le cadre de junior entreprises. Le Gouvernement y est donc défavorable. Nous reverrons ultérieurement sa rédaction afin de circonscrire le bénéfice de cette exonération aux étudiants qui exercent leur esprit d'entreprise et de liberté dans des junior entreprises.
Étant donné que mon objectif vise les junior entreprises, je le retire.
Monsieur le président, je le reprends pour qu'il soit clairement repoussé.
Je mets aux voix l'amendement n° 442 , repris par M. Brard.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 266 .
La parole est à M. Philippe Vigier, pour le soutenir.
Il y a une absence de convergence entre la situation fiscale des jeunes rattachés au foyer parental, lequel bénéficie alors d'une demi-part supplémentaire, et celle des jeunes autonomes, qui peuvent recevoir une pension déductible des revenus parentaux. Or cette difficulté se répercute sur l'exonération prévue par l'article 2, qui ne distingue pas les deux catégories de bénéficiaires.
Voilà pourquoi nous souhaitons instituer un crédit d'impôt, de façon à favoriser l'autonomie des étudiants, notion qui nous semble extrêmement importante. Il a été dit tout à l'heure que le travail des jeunes tendait à se développer, et pas seulement durant les vacances d'été, en raison notamment de l'augmentation du coût des formations.
Il nous paraît essentiel d'aider les classes moyennes. On sait en effet que certaines familles engagent d'importants moyens financiers pour permettre à leurs enfants d'avoir accès à l'enseignement supérieur.
Madame la ministre, je vous demande d'accueillir favorablement cet amendement, car il faut faire le pari de l'intelligence et faire en sorte que le plus grand nombre d'étudiants puissent suivre une formation supérieure, ce qui permettra à l'ascenseur social de se remettre en marche.
La commission a rejeté l'amendement. Ce débat a déjà eu lieu à l'occasion de l'examen de l'article 2. Nous souhaitons une mesure simple, lisible et surtout neutre d'un point de vue fiscal, que l'étudiant soit ou non rattaché au foyer parental, le plafond de rémunération étant dans tous les cas de trois fois le montant mensuel du SMIC.
Même avis.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 3.
La parole est à Mme Corinne Erhel.
L'article 3 instaure un crédit d'impôt sur le revenu au titre des intérêts d'emprunt supportés pour l'acquisition ou la construction d'un logement à usage d'habitation principale.
Ce dispositif, qui a déjà existé en 1995, a été supprimé par le gouvernement de M. Juppé, son efficacité ayant alors été jugée toute relative en matière d'accession à la propriété, pour un coût beaucoup trop onéreux. Vous avez choisi de le réintroduire. Dans un contexte budgétaire contraint, n'aurait-il pas été plus efficace et surtout plus juste de cibler cette mesure ?
Le dispositif est ouvert à tous, y compris à ceux qui sont déjà propriétaires de leur résidence principale et qui souhaitent en changer. Il n'est donc pas réservé aux seuls primo-accédants. Il concerne les emprunts à venir mais aussi ceux en cours depuis moins de cinq ans. Il ne sera donc pas déterminant dans la décision d'acheter ou de construire, et risque d'aboutir à un pur effet d'aubaine.
Il ne prend pas non plus en compte les revenus de l'emprunteur, si bien que la mesure profitera d'abord à ceux qui ont la capacité d'emprunt la plus élevée. Il aurait été préférable de fixer un plafond de revenus. En effet, il aurait été plus logique et plus équitable de concentrer l'effort de la collectivité sur les personnes qui n'ont pas la capacité financière d'acheter et d'emprunter.
En ce qui concerne la qualité des logements, le texte proposé ne fait pas référence aux exigences de haute qualité environnementale et n'impose aucune obligation en termes de performances énergétiques. Or les économies d'énergie ont un effet positif pour la collectivité mais aussi sur les budgets des ménages, notamment des plus modestes. La création de logements économes en énergie ou la réalisation de travaux d'économies d'énergie dans les logements anciens sont des secteurs créateurs d'emplois. Cela rejoint l'un des objectifs de votre texte.
Par ailleurs, la mise en oeuvre de cette mesure risque d'alimenter encore un peu plus l'inflation immobilière.
On voit bien que, faute de ciblage, ces dispositions risquent de peser lourd sur les finances publiques.
On peut également exprimer de lourdes craintes sur le devenir du prêt à taux zéro. Or, pour les plus modestes, c'est un outil essentiel dans la décision d'acheter puisqu'il est constitutif de l'apport personnel.
N'aurait-il pas été plus efficace et plus juste d'augmenter le montant du prêt à taux zéro ?
Enfin, si la volonté de devenir propriétaire est une ambition légitime, l'urgence actuelle est de combler la pénurie de l'offre locative par la réalisation – construction ou réhabilitation – de logements confortables, économes en énergie, à prix modérés, accessibles à tous.
Pour des milliers de familles à faibles revenus, la première des nécessités est de disposer d'un logement décent. C'est à cette demande que nous devons répondre prioritairement puisqu'il manque actuellement 800 000 logements en France.
Nous proposerons donc des amendements en ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
Les candidats à l'accession à la propriété sont extrêmement attentifs depuis plusieurs semaines aux dispositions qui seront retenues. Ils interpellent d'ores et déjà les professionnels de l'immobilier pour bien évaluer l'impact du crédit d'impôt sur les projets d'accession.
Une telle mesure de déduction des intérêts d'emprunt doit, en améliorant la solvabilité des ménages, encourager les candidats à l'accession à réaliser leur rêve de devenir propriétaire. L'accession à la propriété doit être encouragée. Afin de fluidifier l'offre locative privée et sociale, il serait bon de porter le crédit d'impôt au taux de 25 %, au lieu des 20 % prévus, afin d'optimiser l'efficacité du dispositif, à l'instar des mesures de réduction d'impôt en vigueur entre 1984 à 1997, et eu égard aux conditions des marchés actuels.
S'agissant du plafonnement, il serait intéressant de prévoir une sectorisation géographique tenant compte des disparités des prix des transactions observées entre les régions, afin de respecter un équilibre entre les territoires.
Il est nécessaire de conserver le dispositif du prêt à taux zéro, qui est aujourd'hui un outil majeur au service des primo-accédants et des plus modestes de nos concitoyens. En effet, il convient de souligner qu'il fait souvent office d'apport personnel et qu'il permet, dans de nombreux cas, de rester en dessous du seuil maximal d'endettement.
Depuis trente ans, les politiques fiscales du logement ont régulièrement apporté de l'oxygène aux ménages français accédant à la propriété de leur résidence. Ces coups de pouce doivent être maintenus et encouragés, et notamment en direction des primo-accédants, afin qu'ils puissent conserver l'éligibilité au prêt à taux zéro qui garantit à bon nombre d'entre eux, de rester en dessous de ce seuil fatidique.
Si la question du cumul de la réduction d'impôt ou du crédit d'impôt avec un prêt à taux zéro pour les primo-accédants peut être arbitrée, la défiscalisation des intérêts d'emprunt ne doit pas sonner le glas du prêt à taux zéro.
Merci, madame la ministre, de mettre un terme à l'attentisme des ménages en améliorant leur pouvoir d'achat et en relançant la croissance pour que la rupture soit celle de tous les Français.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, deux mots pour souligner la gravité de la crise du logement que traverse notre pays, crise concentrée dans les grandes agglomérations, celle de Paris, bien sûr, mais aussi celle de Lille, que je connais le mieux.
Les symptômes s'observent tous les jours. Près d'un million de nos concitoyens sont sans logis et plus de 3 millions d'entre eux sont mal logés. Les files d'attente pour obtenir un logement HLM s'allongent. L'augmentation du nombre des sans-domicile-fixe se traduit par l'encombrement des structures d'urgence et la prospérité des marchands de sommeil qui fournissent des logements insalubres. Cette détresse aboutit parfois à des drames humains, comme il s'en est produit à Paris et à Roubaix.
L'insuffisance de l'offre est à la fois quantitative et qualitative : tel est le premier constat que font nos concitoyens. Mais ils observent aussi la flambée des prix à l'acquisition comme à la location. La spéculation immobilière s'emballe au profit d'un petit nombre, notamment les marchands de sommeil, et au détriment du plus grand nombre, surtout les plus modestes. Enfin, le logement représente un poste de plus en plus lourd dans le budget des ménages. Une telle évolution amplifie la ségrégation spatiale et sociale,...
..malgré l'ANRU.
Je pourrais multiplier les éléments du diagnostic, tant ils sont nombreux. La meilleure preuve de la crise est que le logement est devenu la deuxième préoccupation des Français, après l'emploi, mais bien avant la sécurité dont on nous a rebattu les oreilles pendant cinq ans.
Devant la commission, vous avez dit, madame la ministre, que vous aviez, en la matière, beaucoup fait pendant cinq ans. Le constat s'impose face à la réalité : vous avez très mal fait !
J'ai souvent l'habitude de dire, s'agissant de la période 1997-2002, que nous n'avons pas été très bons s'agissant du logement. Vous nous avez prouvé qu'on pouvait faire bien pire ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous vous êtes contentés d'une relance en trompe-l'oeil des logements locatifs sociaux, et même de l'accession à la propriété. Et vous en avez fait supporter l'essentiel du coût aux collectivités locales, notamment par le biais de l'aide à la pierre. Le logement locatif social, en particulier le prêt locatif à usage social – le PLUS –, a connu une relance très modeste. L'effort a porté en réalité sur le logement intermédiaire, grâce au prêt locatif social, pendant que le logement très social, avec le prêt locatif aidé à financement très social – le PLA-I – s'effondrait, notamment dans l'agglomération lilloise.
S'agissant de l'accession sociale, vous avez décidé d'élargir le champ des bénéficiaires en l'ouvrant à certains de nos concitoyens qui n'en avaient pas vraiment besoin. Il aurait été préférable de centrer le dispositif sur ceux qui en ont véritablement besoin, au lieu de courir le risque du saupoudrage. Vous avez également supprimé toutes les contreparties sociales, pourtant fort modestes, au dispositif Robien.
La spéculation sur le prix des terrains de même qu'une âpre concurrence dans les appels d'offres frappent de plein fouet les organismes de logement. Vous avez en outre refusé le moindre encadrement à la profession de marchand de biens. Et vous n'avez rien fait devant la flambée des loyers, même pour le logement social, si ce n'est relever à dose homéopathique l'aide personnalisée au logement. Certes, la revalorisation du 1er janvier 2007 était toujours bonne à prendre, mais vous avez supprimé le mécanisme d'indexation annuelle. Enfin, vous avez consacré des moyens disproportionnés à la rénovation urbaine, au détriment de l'augmentation de l'offre, à laquelle la crise du logement exige pourtant de donner la priorité.
À cet égard, je me félicite des déclarations de la nouvelle ministre du logement et de la ville, qui considère qu'avant de démolir, il faut penser à construire.
Il ne suffit pas de mieux répartir la précarité pour la faire reculer.
Ce texte, à vos yeux emblématique de la nouvelle majorité, consiste essentiellement à offrir des cadeaux fiscaux à la France qui est déjà propriétaire. La discussion des amendements nous donnera l'occasion de le démontrer.
Nous proposons, quant à nous, une véritable relance de la construction de logements locatifs sociaux, l'État engageant les investissements nécessaires, sous forme d'aide à la pierre. Actuellement, vous puisez très largement dans le 1 % logement pour financer l'aide à la pierre, qui reste trop modeste. Il faut relancer la véritable accession sociale, et je fais mienne l'interrogation formulée il y quelques instants : garantissez-vous, à côté du crédit d'impôt que vous allez accorder, le maintien du prêt à taux zéro ? Il ne faudrait pas que vous programmiez sa mort progressive, à l'instar de ce qui est arrivé aux prêts aidés à l'accession à la propriété, les PAP. L'APL doit être revalorisée, bien au-delà de ce que vous avez fait. C'est pourquoi nous préconisons un bouclier logement, infiniment plus important pour des millions de nos concitoyens qu'un bouclier fiscal.
Telles sont les mesures qui figurent dans les amendements que nous avons déposés, afin que soit mise en oeuvre une véritable politique du logement en direction du plus grand nombre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
Aujourd'hui en France, l'urgence est à la construction massive de logements locatifs sociaux réellement adaptés – et l'adjectif est important – aux besoins de nos concitoyens. Pourtant, face à la crise du logement, le Gouvernement propose un crédit d'impôt calculé sur les intérêts d'emprunts immobiliers.
La mesure proposée est en recul par rapport aux engagements pris par le Président de la République durant sa campagne. Ainsi, ce ne sont ni la totalité des intérêts d'emprunt, ni l'ensemble des prêts immobiliers qui seront visés. Tant mieux d'ailleurs pour les comptes publics !
En dehors de l'effet d'annonce, cette mesure apparaît comme un cadeau fiscal supplémentaire, une niche de plus, car elle ne peut pas être considérée comme une incitation spécifique à l'accession à la propriété. En effet, le crédit d'impôt sera ouvert à tous les Français, y compris à ceux qui sont déjà propriétaires et qui changent de résidence principale. Nous souhaitons, pour notre part, réserver cette mesure aux primo-accédants.
Notre débat devra trancher la question de savoir si le crédit d'impôt concernera l'ensemble des emprunts immobiliers en cours, incluant donc les emprunts contractés pour l'acquisition de la résidence principale depuis cinq ans au plus. De nombreux collègues de la majorité nous ont dit avoir mené leur campagne sur cet engagement. Nous voyons ici un exemple de plus de l'écart entre les promesses et l'épreuve des faits. Cette mesure ne saurait donc avoir pour objet de favoriser l'accession à la propriété ; il s'agit d'un simple bonus fiscal.
Le bénéfice financier sera, pour un couple avec deux enfants, de 1 700 euros par an au maximum. En moyenne, l'avantage représentera 4 % du montant du bien acheté, soit moins que la moitié des frais notariés. Ce crédit d'impôt ne peut donc être déterminant dans la décision d'acheter. À preuve, en 1997, le gouvernement Juppé n'avait-il pas supprimé un dispositif semblable rapidement jugé inefficace ?
Par ailleurs, cette mesure viendra encore alimenter l'inflation de l'immobilier que les ménages français, désireux de devenir propriétaires, subissent depuis de nombreuses années, et contribuera à exclure les plus modestes du marché du logement. Ainsi, Étienne Wasmer, économiste du travail, chercheur à l'OFCE, juge que cette déduction est « dans le timing actuel, une mesure qui va contribuer à augmenter la demande de crédit et à donc à soutenir les cours » de l'immobilier. Et il résume ainsi son analyse : « Bilan : une nouvelle niche fiscale, une contribution à l'augmentation des prix de l'immobilier, un transfert des pauvres vers les riches. Une vraie mesure de droite. »
Si l'effet pour l'acquéreur est de fait modeste, le poids pour les finances publiques, lui, ne l'est pas. Le coût budgétaire est de l'ordre de 3 milliards d'euros par an. Comment financer une telle mesure, comme d'ailleurs toutes celles comprises dans votre texte ?
On peut aussi légitimement craindre pour l'avenir du prêt à taux zéro. Notre jeune collègue Corinne Erhel s'est fait l'écho de nos inquiétudes. Malgré l'extension de ce prêt aux classes moyennes supérieures décidée par le précédent gouvernement, le PTZ reste, pour le moment, l'outil essentiel d'accession à la propriété pour les ménages modestes. Quel sort lui sera réservé ?
Pour notre part, je le répète, ce type de crédit d'impôt doit être réservé aux ménages pour leur premier achat immobilier.
Par ailleurs, l'effort de l'État en faveur du logement social annoncé par le Premier ministre dans son discours de politique générale – 120 000 logements par an – peut-il encore s'accommoder de la niche fiscale que constitue l'exonération Robien ? Il faudra bien rouvrir le débat dans le PLF pour 2008. En effet, que constatons-nous dans nos villes et même dans nos campagnes ? Des logements, oui – dont vous vous attribuez le mérite de la construction – mais des logements vides ! Une décision publique doit aussi être juste socialement. Nous en sommes loin avec votre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, aux termes de l'article 3, tous les foyers ayant souscrit un crédit immobilier pour acquérir leur résidence principale pourront, pendant les cinq premières années, retrancher 20 % des intérêts de leur impôt sur le revenu.
En valeur absolue, l'impact d'une telle mesure sera, nous le savons, limité. Il représentera en gros, pour un emprunt équivalent à 200 000 euros, une réduction d'impôt annuelle de 1 500 euros pour un couple, 750 euros pour un célibataire et 100 euros supplémentaires par personne à charge. C'est un petit coup de pouce, certes, mais avouez que le gain sera tout de même limité. Si l'on s'exprime en mètres carrés, un ménage empruntant 250 000 euros se verra ainsi rembourser 3,8 mètres carrés en province et seulement 2,4 mètres carrés en Ile-de-France. Selon Les Échos, la solvabilité des emprunteurs sera améliorée à la marge : 20 000 à 30 000 demandes seulement devraient devenir solvables par l'effet de votre mesure. C'est toujours ça de pris, me direz-vous. Oui, à condition de considérer que les primo-accédants seront les premiers bénéficiaires du dispositif.
Mais le véritable bénéfice de la mesure est peut-être à chercher ailleurs, du côté des milieux bancaires et des acteurs du secteur immobilier qui s'agitent frénétiquement.
D'un côté, le principal impact de cet avantage fiscal pourrait bien être, toujours selon Les Échos, de « limiter la baisse du marché du crédit » – qui ne sera plus de 6 % cette année, mais de 3 % – tandis que « la hausse des taux effacera bientôt pour partie », pronostique le directeur des services financiers au BIPE, « les gains de la mesure pour les ménages ».
De l'autre, votre cadeau fiscal pourrait bien, et c'est notre principale crainte, se traduire par une relance, au moins temporaire, de la spéculation immobilière. À l'évidence, les vendeurs vont voir dans ce bonus octroyé aux acheteurs un argument supplémentaire pour résister à la pression à la baisse des prix. Alors qu'ils prévoyaient encore en mars une diminution des prix de 2 % cette année, ils anticipent désormais, grâce à votre mesure, une hausse de 3 %.
Ces effets pervers ne sont pas le fruit du hasard, mais le résultat d'une stratégie de fuite en avant fiscale, qui tolère des usages successifs de la mesure, alors qu'il convenait de la réserver aux primo-accédants. La loi portant engagement national pour le logement prévoyait des pare-feu, en particulier pour le prêt locatif social, le PLS, avec un plafond et un critère de zone géographique : la localisation dans un périmètre de 500 mètres autour des sites ANRU. La conditionnalité du dispositif permettait de le mettre au service de deux objectifs incontestables : permettre aux couches sociales moyennes d'accéder à la propriété et favoriser la diversité dans certains secteurs. Aujourd'hui, plus rien ne vient contrecarrer d'éventuels détournements très éloignés des buts présentés dans l'exposé des motifs.
Plutôt que d'allumer des contrefeux face à la spéculation immobilière et de lutter contre les comportements prédateurs de certains investisseurs, vous préférez sacrifier une partie des recettes de l'État, au risque de créer des effets d'aubaine, que nous sommes nombreux à redouter. Ce motif nous semble suffisant pour refuser l'adoption de l'article 3, s'il reste en l'état.
Le logement est un sujet grave. Il s'agit du premier poste de dépense des ménages et je crois que nous pouvons tous être d'accord avec M. Cacheux quand il dit qu'il y a depuis plusieurs années une crise du logement en France. Sans doute les responsabilités sont-elles partagées, mais cette crise a été renforcée ces cinq dernières années par deux erreurs commises par les gouvernements qui se sont succédé depuis 2002.
La première a été d'offrir des exonérations fiscales sans contreparties : c'était le dispositif Robien, qui remplaçait, je le rappelle, le dispositif Besson, mis en place en 1999.
Louis Besson, en effet : je le précise afin qu'il n'y ait pas d'ambiguïté avec un homonyme actuellement ministre…
Ce dispositif Besson permettait certes à des investisseurs de bénéficier d'exonérations d'impôt – nous ne sommes pas des idéologues – mais avait l'immense avantage, en contrepartie, de plafonner le montant des loyers exigés ainsi que les revenus des locataires – ce dernier, bien évidemment supérieur au plafond HLM, correspondant à peu près aux revenus des classes moyennes.
La deuxième erreur fut de fonder la politique de logement social sur des aides plus importantes à la démolition qu'à la rénovation. Le nombre de logements sociaux s'est donc réduit au moment même où les prix dans le privé augmentaient considérablement.
Au cours de la discussion générale, mardi dernier, j'ai dit que ce projet de loi réussissait à combiner l'injustice sociale et l'inefficacité économique ; je crois que c'est particulièrement vrai pour cet article 3.
S'y ajoute un effet pervers. Au premier abord – c'est certainement pour cette raison qu'il nous est proposé – cet article paraît assez séduisant. D'autres l'ont dit avant moi, les députés de la majorité ont fait campagne sur cette mesure, faisant croire aux personnes désirant accéder à la propriété qu'elles auraient des facilités pour le faire. Malheureusement, ce ne sera pas le cas.
Lorsque cet article a été discuté en commission, j'ai été surpris de constater qu'il a soulevé sur tous les bancs de très nombreux problèmes - toujours pour la même raison, d'ailleurs : on voudrait nous faire croire qu'une seule mesure fiscale résoudra une question aussi complexe, ce qui est évidemment impossible. Le rapporteur général lui-même a relevé – cela figure, je crois, dans le compte rendu de la commission – que nous étions passés d'une mesure de soutien au logement, ce qui aurait pu être une bonne chose, à une mesure de soutien au pouvoir d'achat. Or c'est toujours le même problème : pourquoi n'accorder ces aides qu'à une petite catégorie de personnes ? Il ne s'agit pas seulement de savoir si l'on est locataire ou propriétaire : ceux qui sont propriétaires depuis plus de cinq ans n'auront rien, tout comme les locataires qui n'ont pas l'intention de devenir propriétaires. Je n'ai rien contre les mesures fiscales, mais pourquoi ne pas en envisager d'autres, par exemple un élargissement de l'aide personnalisée au logement ?
Comme nos interventions sont trop souvent caricaturées, je précise que je ne souhaite nullement engager un débat idéologique sur la question de la propriété privée du logement. Mme la ministre a dit en commission que l'accès à la propriété contribuerait à l'intégration dans la société. Ayant eu la chance de faire un voyage d'étude sur la question du logement chez nos voisins néerlandais, dont la grande majorité est locataire, franchement, j'en doute. Dans certaines villes hollandaises, la question qui se pose est d'avoir, non pas comme chez nous 20 % de logements sociaux, mais 20 % de logements locatifs privés ! Plus de huit logements sur dix appartiennent à la collectivité ! Je ne crois pas que l'on vive plus mal aux Pays-Bas qu'en France…
Par ailleurs, si chacun est libre de vouloir être propriétaire ou locataire, certaines personnes n'ont pas la possibilité de choisir : elles sont obligées d'être locataires. Il est bien dommage que vous ne prévoyiez rien pour ces personnes-là ! Là encore, vous réduisez le problème du logement à une seule mesure, alors que j'aurais aimé au contraire un vrai programme allant du logement d'urgence à l'accession à la propriété, en passant par le logement social et le locatif privé - qui, il ne faut pas l'oublier, joue lui aussi un rôle important. Et j'aurais aimé que les exonérations fiscales soient assorties de contreparties, notamment d'un encadrement des loyers, dont l'augmentation, comme celle à laquelle nous avons assisté ces dernières années, est une grande préoccupation pour nombre de nos concitoyens.
J'aborde maintenant les effets négatifs de cette mesure, notamment par rapport à votre objectif de favoriser l'accession à la propriété. Survenant au moment où, après des années et des années de hausse, toute la presse se fait l'écho, non d'une baisse, mais du moins d'une stabilisation des prix de l'immobilier dans la plupart des grandes villes françaises, cette mesure risque, je le crains, de faire repartir un peu partout les prix à la hausse. Nous sommes nombreux sur ces bancs à imaginer déjà comment les promoteurs immobiliers pourront faire miroiter dans leurs campagnes publicitaires les avantages du dispositif – en en précisant bien entendu les conditions en caractères minuscules. Ces mêmes promoteurs ne seront évidemment pas enclins à négocier les prix de vente – alors que, d'après les professionnels de l'immobilier, ils recommençaient à le faire. Quant aux banques, elles risquent elles aussi de ne faire aucun effort pour baisser leurs taux d'intérêt, puisqu'elles pourront toujours promettre à leur client l'avantage fiscal sur les intérêts d'emprunt. En commission, M. de Courson – dont je regrette l'absence – a donné un remarquable exemple de la manière dont les banques pourraient détourner le dispositif à leur profit. Je crains donc qu'au final, les accédants à la propriété n'en soient les victimes, du fait de la relance des prix et des taux d'intérêt.
Trouver dans vos rangs un porte-parole de M. de Courson, je ne m'y attendais pas !
D'ailleurs, et ce sera ma conclusion, la Banque centrale européenne augmente déjà chaque année les siens. Tout le monde sait que l'une des raisons, même si ce n'est pas la seule, en est la hausse de la dette et des déficits, notamment de la France. Or que faites-vous ?
Et vous, qu'avez-vous fait pendant que vous étiez au pouvoir ? Rien du tout !
Comme cela nous a été expliqué en commission, et Mme la ministre n'a rien dit qui puisse le démentir, vous creusez encore plus le déficit avec des cadeaux fiscaux non financés. Tous nos collègues l'ont dit, quelle que soit leur couleur politique : vous spéculez sur une hausse des recettes liée à un retour de la croissance, mais ce dispositif ne produira pas un seul point de croissance !
Encore une fois, je regrette que votre mesure puisse tromper ceux qui souhaitent accéder à la propriété, et je voudrais que, plutôt que d'essayer de leur faire avaler ce genre de choses, on travaille sur un vrai projet de loi en faveur du logement, qui concernerait tous les Français. Que l'on en finisse avec cette façon de catégoriser les Français en les dressant les uns contre les autres, ou en choisissant les uns plutôt que les autres, et que l'on fasse en sorte de toucher tout le monde en matière de logement, du locatif à l'accession à la propriété ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen.)
Comme les interventions de Corinne Erhel, d'Alain Cacheux, de Jean Launay et de nos collègues Roland Muzeau et François de Rugy vous l'ont fait comprendre, nous souhaiterions au cours de ce débat examiner si ce gouvernement est vraiment capable de nous faire franchir une nouvelle étape dans l'immense travail qui reste à faire dans le domaine du logement. Je voudrais pour ma part mettre en évidence non seulement l'iniquité, mais l'inefficacité et l'injustice du dispositif que vous proposez.
Je me souviens, en 2002-2003, de la première mesure prise par le ministre Gilles de Robien : la mise en place du dispositif qui porte son nom. « Vous allez voir ce que vous allez voir ! », nous disait-il, « Nous allons libérer l'investissement immobilier, relancer la construction et tout le monde sera heureux dans le meilleur des mondes, parce que le marché permettra une accentuation de l'offre et la baisse des loyers partout dans notre pays. »
En 2007, 400 millions d'euros y ont été consacrés, soit l'équivalent de l'aide à la pierre du logement locatif social !
On n'avait en revanche pas besoin de débourser un centime d'euro pour en assurer la publicité, puisqu'on allait rendre tout le monde heureux. Résultat : cinq ans plus tard, le dispositif Robien apparaît comme l'instrument qui a renchéri le foncier, focalisé le marché immobilier sur l'accession à la propriété partout, y compris là où il n'y avait pas de demande, favorisé la croissance exponentielle des loyers, puisqu'il ne prévoyait aucun plafonnement, et diminué dans les trois premières années les moyens accordés à la construction du logement social locatif, aidé ou libre.
Or, mes chers collègues, le Gouvernement reprend aujourd'hui la même stratégie ! Ce qui prouve bien que la véritable finalité du dispositif Robien était en fait, non celle mise en avant par le gouvernement de M. Raffarin, mais de permettre à ceux qui en avaient les moyens de faire des affaires !
Nous débattons sous la présidence de quelqu'un qui a assumé de hautes responsabilités dans le domaine du logement, et qui avait le sens du social – alors que ce n'est pas l'impression que nous a donnée le ministère Robien. Nous nous sommes parfois querellés avec M. Daubresse, parce que nous n'étions pas d'accord. Mais cela n'est pas grave pour moi d'être en désaccord avec quelqu'un, du moment qu'il partage avec moi l'objectif de développer le logement social. Est-ce bien dans ce sens que va le gouvernement ? Il y a dans ce pays 1,4 million de demandeurs de logements sociaux ! Leur situation est nécessairement prioritaire !
Un gouvernement de la République qui, dans une stratégie purement financière, réduit le problème de la construction à l'accession à la propriété affiche très clairement qu'il ne s'intéresse pas à eux.
Le 22 février, au cours de l'avant-dernière séance de la XIIe législature, nous avons voté, certains d'entre vous s'en souviennent, le droit au logement opposable. Ah, la grande révolution, faite in extremis, in limine litis ! Mais nous qui l'avions toujours un peu en tête et beaucoup dans le coeur, nous savions qu'il faudrait construire beaucoup, beaucoup de logements sociaux avant que la République ne puisse affirmer ce droit.
Et vous commencez, ou plutôt vous recommencez par quoi ? Par concentrer 3,7 milliards d'euros sur un allégement fiscal lié aux intérêts des emprunts. Mes chers collègues, je veux qu'on entende ici le message de la gauche, celui des socialistes comme de nos collègues communistes et apparentés, dénonçant ensemble le choix stratégique de cette majorité, une stratégie que nous combattrons,…
…parce que je suis certain que ceux-là mêmes qui ont applaudi à l'opposabilité du droit au logement n'ont pas oublié que l'État devait en assumer les conséquences.
Je rends hommage à Mme Vautrin, ministre du précédent gouvernement, comme à Mme Boutin, alors rapporteure, d'avoir obtenu l'augmentation des PLAI afin de permettre à l'État de tenir ses engagements. Mais que représentent les quelques centaines de millions d'euros supplémentaires inscrits au budget 2007 en prolongement du dispositif adopté sous le précédent gouvernement, si vous amputez les crédits de 3,7 milliards ? Madame la ministre, comment respecterez-vous les objectifs affichés du plan de cohésion sociale, qui a été réhabilité avec notre soutien ? Que deviendront les actions de développement financées par la DSU et, surtout, comment verserez-vous le supplément de DSU encore dû pendant deux ans aux communes qui se sont engagées dans le dispositif élargi ? Votre priorité, je le crois, c'est d'écarter les 1, 4 million de demandeurs de logement et les 6,05 millions de bénéficiaires de l'aide au logement, une aide que la précédente majorité n'a que très parcimonieusement revalorisée – trois fois seulement !
Certes, Alain Cacheux l'a rappelé, elle a été très légèrement réajustée début 2007, mais le décalage entre le loyer et l'aide au logement est devenu si important que le taux d'effort, en cinq ans, s'est accru, passant de 2002 à 2007 de 15 % à 19 % pour les allocataires de minima sociaux.
Je termine, monsieur le président, mais je sais que vous êtes au fait de la question.
Madame la ministre, que faites-vous pour ces allocataires, qui sont sous notre responsabilité à tous ? Quant aux salariés, que vous prétendez aider, ils ont vu leur taux d'effort passer sur la même période de 25 % à 27,4 % ! Comment, dans ces conditions, ne consommeraient-ils pas moins ou comment pourraient-ils participer pleinement à la croissance alors qu'ils ne peuvent plus payer leur loyer ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Quant au prêt à taux zéro, outil construit par plusieurs gouvernements successifs en plusieurs législatures, que nous avons toujours encouragé…
…et pour l'obtention duquel le plafond mensuel de ressources a été relevé à 7 000 euros, ce qui est très au-dessus du revenu moyen, ce sont seulement 770 millions d'euros qui y sont consacrés en 2007, à savoir cinq fois moins que le coût de l'article 3 !
Pourquoi, si, comme le prétendent tous vos rapports, vous avez pour objectif d'augmenter la consommation et de faire progresser la croissance, n'augmentez-vous pas l'aide au logement ? Ceux qui en bénéficient iraient immédiatement consommer ! Voilà la mesure que vous prendriez si vous vouliez vraiment accroître le pouvoir d'achat du plus grand nombre !
Et si vous voulez vraiment faciliter l'accession à la propriété, pourquoi ne favorisez-vous pas l'accès à cet outil de l'accession sociale qu'est le prêt à taux zéro ? Voilà comment, madame la ministre, vous pourriez renforcer la croissance et développer des stratégies de consommation.
Monsieur Le Bouillonnec, vous avez dépassé votre temps de parole ! Vous pourrez développer vos arguments lorsque vous défendrez vos amendements.
Mais si vous en restez à un dispositif qui ne concerne qu'une petite catégorie de bénéficiaires tout en coûtant dix fois plus cher qu'une politique menée en faveur des petits locataires ou des petits propriétaires, c'est que vous avez fait le choix d'une politique d'affichage, comme l'a été le dispositif Robien. Je le regrette, parce que je ne souhaite pas votre échec en matière de politique du logement. Nous souhaitons au contraire votre réussite, et chaque fois que vos propositions iront dans le bon sens, vous nous trouverez à vos côtés.
Tel est l'engagement républicain que nous voulons prendre à l'égard de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, chacun concédera qu'après ces interventions il me faut non seulement resituer la mesure dont nous débattons dans le cadre qui est le sien mais peut-être aussi rétablir un regard plus objectif sur la politique du logement menée ces dernières années.
Cette mesure vise à faciliter l'accession à la propriété. Or nul ici ne contestera le retard pris en la matière par la France si on la compare à un grand nombre de pays européens.
C'est assurément un retard cumulé. Il est donc utile d'adopter aujourd'hui une disposition favorisant l'accession à la propriété pour ceux de nos concitoyens qui souhaitent devenir propriétaires de leur résidence principale. Cette mesure le permet notamment en compensant pour partie l'allongement de la durée des emprunts, qui est un phénomène lié à l'augmentation des prix de l'immobilier. En effet, loin que cette augmentation puisse être, comme vous le prétendez, le résultat de la mise en oeuvre de ce dispositif, force est de constater qu'elle l'a précédée de plusieurs années ! C'est donc à nouveau faire oeuvre utile que d'apporter une réponse concrète au coût des emprunts immobiliers.
De plus, la mesure a une dimension familiale,…
…c'est important de le rappeler, puisqu'elle permet de prendre en considération le couple et les enfants à charge.
C'est enfin une mesure lisible, simple, et dont la mise en oeuvre rapide, dès l'ouverture de la nouvelle législature, permettra d'apporter, je le répète, une réponse concrète aux préoccupations de nos concitoyens en matière de logement.
Il est vrai que la précédente législature a été mise à contribution en vue de rattraper le retard accumulé durant la période antérieure,…
…puisque nous avons adopté le plan de cohésion sociale, le plan Borloo, et la loi portant engagement national en faveur du logement, tout en réformant le prêt à taux zéro. L'occasion m'est d'ailleurs donnée de saluer l'action énergique menée par Marc-Philippe Daubresse lorsqu'il était ministre. Nul n'ignore en effet la situation que nous avons trouvée en 2002, en matière de logements sociaux en particulier.
De plus, cette mesure correspond à un engagement que le Président de la République a pris devant les Français : il est donc important qu'elle puisse être mise en oeuvre. Elle est, madame la ministre, le prototype d'un dispositif souhaité par nos concitoyens : elle fait honneur au Gouvernement et à la majorité présidentielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous abordons l'examen des amendements à l'article 3.
Je suis saisi d'un amendement, n° 277 , visant à supprimer l'article.
La parole est à M. Alain Cacheux, pour le soutenir.
Si nous avons déposé un amendement de suppression de l'article 3, c'est que tous les experts reconnaissent que l'exonération proposée n'aura qu'un effet positif très marginal sur l'accession des ménages, notamment modestes, à la propriété. Cette exonération pourrait même créer une tension sur la demande de logements, et donc accroître la flambée des prix de l'immobilier.
En outre la mesure aggravera le déficit public, au risque de devoir le financer par la TVA antisociale. M. Woerth, ministre du budget, avait d'ailleurs indiqué que ce dispositif ne devait avoir aucun effet rétroactif et qu'il fallait le réserver aux nouveaux accédants à la propriété. Il a été désavoué par le Président de la République,…
…ce qui a considérablement grossi le coût de la mesure.
Madame la ministre, si le Gouvernement voulait réellement favoriser l'accession à la propriété, en particulier l'accession sociale, il commencerait par augmenter très sensiblement le prêt à taux zéro et par garantir son avenir. Historiquement, l'équilibre entre, d'un côté, les crédits d'impôt ou les aides fiscales et, de l'autre, les aides fournies dans le cadre du prêt à taux zéro, a toujours été maintenu. Nous craignons beaucoup que le dispositif fiscal prévu à l'article 3 n'ait pour contrepartie l'extinction progressive du prêt à taux zéro.
L'augmentation du prêt à taux zéro impliquerait du reste d'en finir avec le saupoudrage : ce prêt doit davantage bénéficier aux ménages qui en ont vraiment besoin pour accéder à la propriété, les économies réalisées par la suppression de l'article 3 permettant, entre autres choses, d'apporter à ces ménages une aide complémentaire ou de relancer l'aide à la pierre en faveur du locatif.
L'article 3 n'est finalement qu'un cadeau fiscal accordé à des gens qui sont déjà propriétaires pour qu'ils se constituent un patrimoine. Il n'a d'autre objet que d'accroître le nombre des rentiers. Nous en proposons donc la suppression.
Défavorable.
Cet amendement de suppression me donne l'occasion – et je n'y reviendrai pas – de rappeler à quel point ce dispositif vient heureusement compléter la politique d'ensemble que le Gouvernement et la majorité conduisent dans le domaine du logement.
J'ai été très déçu par les interventions de l'opposition, car j'attendais de collègues s'intéressant aux problèmes du logement qu'ils s'attachent à dégager des points de convergence.
Il en est un, en particulier, auquel je pense : la politique du logement, pour fonctionner, suppose de ne négliger aucun maillon. Elle est comme une chaîne dont chaque maillon est nécessaire.
Le maillon de l'habitat collectif est nécessaire, comme l'est celui de l'habitat individuel, et on ne peut en aucun cas opposer le locatif social au locatif non social ou l'accession sociale à l'accession non sociale. Pour qu'une politique du logement marche, il faut mener une action dans chacun des secteurs
C'est une des réussites de la majorité sortante que d'avoir su, au cours de la précédente législature, redresser la politique de construction. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : alors qu'à la fin des années quatre-vingt-dix, dans une période budgétaire faste, le nombre des logements construits, tous secteurs confondus, était inférieur à 300 000, nous avons réussi la performance d'en construire plus de 400 000 toute en multipliant par deux la construction de logements locatifs à caractère social ! Je tiens les chiffres à votre disposition, monsieur Cacheux, mais vous les connaissez aussi bien que moi.
De 40 000 logements sociaux construits en 1999-2000, on est passé à plus de 80 000 à l'heure actuelle ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est Marc-Philippe Daubresse qui préside notre séance, et je tiens moi aussi à saluer l'action remarquable qu'il a menée lorsqu'il était ministre du logement.
Il a su prendre les moyens nécessaires pour, d'une part, redresser la courbe de la construction du logement locatif social ; d'autre part, s'engager résolument dans une politique d'accession sociale à la propriété. Les débats ont été difficiles – il doit se les rappeler – car il s'agissait de monter un dispositif permettant d'élargir la portée du crédit d'impôt.
Le sujet ne mérite donc ni la polémique ni le sectarisme, lequel consiste pour vous à penser que la seule politique du logement légitime est sociale. C'est une conception erronée : chaque maillon, je le répète, est indispensable. C'est la raison pour laquelle nous avons, premièrement, renforcé le logement locatif social et, deuxièmement, fortement redressé le secteur du logement locatif privé grâce au dispositif Robien. Enfin, comme la précédente majorité, entre 1997 et 2002, avait perdu de vue l'intérêt des Français pour l'accession à la propriété, alors que chacun de nos compatriotes rêve de devenir propriétaire de son logement, nous avons, de façon méthodique, commencé par mettre en place l'accession sociale dans le cadre du prêt à taux zéro, dont le nombre des bénéficiaires – je parle sous le contrôle de M. Daubresse – a presque doublé en trois ans.
L'article 3 complète le dispositif en vigueur en matière d'accession au logement puisque le seul instrument existant est le prêt à taux zéro qui, de plus, est soumis à un plafond de ressources.
Aussi toute polémique se révèle-t-elle inutile à propos de l'article 3 ; il suffit de considérer un peu le passé. Ainsi vous savez bien, monsieur Le Bouillonnec, que c'est en 1965 qu'a été mis en place la déduction fiscale des intérêts d'emprunt liés à l'acquisition de la résidence principale,…
…dispositif demeuré en vigueur pendant trente ans sous des majorités diverses.
Lorsqu'il a été remis en cause à l'initiative du ministère des finances en 1995-1996, c'était, pour ainsi dire, pour la bonne cause puisqu'il s'agissait de financer le prêt à taux zéro.
Nous nous sommes rendu compte qu'en continuant de la sorte, notre politique était incomplète ; c'est pourquoi nous renouons avec la politique trentenaire de déduction des intérêts d'emprunt liés à l'acquisition d'un logement. Nous sommes convaincus de devoir mener une politique du logement globale. Nous ne devons en négliger aucun aspect. Déjà nous pouvons constater un redressement très net dans le domaine du locatif social,…
…ainsi que dans celui du locatif non aidé. De plus, nous avons doublé l'accession sociale à la propriété.
Nous espérons obtenir la même réussite grâce aux dispositions de l'article 3 relatives à l'accession non sociale à la propriété. Notre politique du logement n'est donc ni partiale ni partielle : elle est au service de tous les Français, sans exception. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le Gouvernement souhaite le rejet de cet amendement de suppression.
Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour faire quelques commentaires sur l'article 3.
Il propose de consentir un crédit d'impôt correspondant à 20 % des intérêts souscrits pour l'acquisition d'une résidence principale – nous détaillerons ce schéma lors de l'examen des prochains amendements. L'objet de l'article n'est pas seulement d'encourager l'immobilier, il s'agit aussi, d'une certaine manière, de stimuler la demande par l'allégement de la charge financière des emprunteurs. Afin que cette mesure soit ouverte au plus grand nombre, nous avons adopté le mécanisme du crédit d'impôt.
Ensuite, il s'agit d'une mesure juste parce que plafonnée à 7 500 euros d'intérêts par an, ce qui permet à un couple accédant à la propriété de bénéficier d'un crédit d'impôt annuel maximal de 1 500 euros. Enfin, cette mesure est large puisqu'elle s'adresse non seulement aux primo-accédants – ceux qui achètent pour la première fois leur résidence principale –, mais aussi à tout acquéreur d'une résidence principale, telle une famille qui s'agrandit.
Pour toutes ces raisons – son vaste champ d'application ; le fait qu'elle soit accessible sous forme de crédit d'impôt et donc disponible pour tous les revenus ; le fait qu'elle doive favoriser la relance par l'allégement du fardeau de la dette ; enfin, le fait qu'elle doive contribuer à encourager l'immobilier pour l'avenir –,…
…ce dispositif nous semble tout à fait s'inscrire dans le cadre du projet de loi.
J'ai bien entendu certains commentaires à gauche de l'hémicycle et je comprends, mesdames et messieurs les députés de l'opposition, votre passion à vouloir faire entendre des voix qui ne sont plus très audibles (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen),…
C'est-à-dire que vous n'entendez pas les 1 400 000 demandeurs de logement !
…mais je crains, monsieur Le Bouillonnec, après vous avoir bien écouté, ne pas être particulièrement séduite par vos propositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Avant que nous ne poursuivions l'examen des amendements, je vous rappelle, monsieur Cacheux, que j'ai laissé les uns et les autres s'exprimer longuement sur un sujet essentiel. Je souhaite désormais que nous en revenions à une application plus stricte du règlement. Je vous autorise donc à répondre de manière synthétique afin que nous puissions avancer plus rapidement. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est donc à M. Alain Cacheux.
Vous avez la parole.
De manière synthétique, je rappellerai à M. le rapporteur général quelques éléments importants du débat.
Sur un sujet essentiel pour nos concitoyens – et je pense que c'était le sens de l'intervention de Jean-Yves Le Bouillonnec –, nous sommes prêts à rechercher des points de convergence avec la majorité, tant il est vrai qu'une politique de logement doit être globale et donc concerner à la fois le secteur locatif, qu'il soit social ou privé, et l'accession à la propriété, qu'elle soit sociale ou « non sociale » – expression que je préfère au terme « libre ».
Comme Jean-Yves Le Bouillonnec l'a clairement démontré, tout le problème réside dans la manière de répartir les moyens : quelques centaines de millions d'euros pour le locatif social ; plusieurs centaines de millions d'euros également pour le locatif privé – le dispositif Robien – ; la même somme encore pour le prêt à taux zéro, rétabli par M. Périssol qui l'avait fait financer par le 1 % logement, et « rebudgété » par Louis Besson que j'ai d'ailleurs parfois critiqué. Ne prétendez donc pas que le prêt à taux zéro a été négligé par la gauche. Je pense, du reste, qu'il eût été préférable d'en faire bénéficier en priorité ceux pour qui il représentait un élément déterminant pour se décider d'accéder à la propriété.
Quant à vous, madame le ministre, vous soutenez que votre crédit d'impôt est une mesure juste. Non ! Elle est avant tout complètement inefficace puisque, pour l'essentiel, elle s'adresse à des gens déjà propriétaires.
L'exposé des motifs précise qu'il faut favoriser l'accession à la propriété ; mais pour ceux qui ont acheté il y a un, deux ou trois ans, le problème est derrière nous. Le dispositif constitue donc un cadeau pour ceux qui n'en ont pas franchement besoin,…
…alors qu'il faudrait concentrer les moyens de l'État sur ceux pour qui ils sont vraiment nécessaires pour accéder à la propriété via le prêt à taux zéro.
Je suis saisi d'un amendement n° 124 .
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.
Il ne s'agit pas d'un amendement de suppression mais plutôt d'une contre-proposition car le caractère séduisant de la rédaction de l'article 3 est quelque peu trompeur. À l'examen, en effet, dès lors que l'on retient de manière exclusive la notion d'habitation principale, on ne fait que banaliser totalement tous les prêts immobiliers, qu'il s'agisse d'acquérir un pavillon industrialisé, une maison à 100 000 euros, une fermette bretonne à retaper ou un appartement de grand standing face au parc Monceau. Le crédit d'impôt peut donc se révéler d'une portée très différente et être considéré comme une incitation relativement forte si la valeur du bien est réduite ou comme un cadeau fiscal supplémentaire si elle est plus importante.
Reste que, dans cette affaire, qu'il s'agisse d'un quatre pièces en banlieue parisienne ou d'un château de vingt-cinq pièces niché dans un vallon de la Sarthe,…
…l'avantage fiscal sera le même. Ainsi, un couple avec deux enfants continuera de bénéficier d'un crédit d'impôt de 1 700 euros maximum par an sur les intérêts payés. Au demeurant, l'extension éventuelle de l'éligibilité de l'avantage aux prêts souscrits pour la rénovation du bien risque fort de donner un avantage complémentaire aux propriétaires dispensés d'un crédit important pour acquérir leur habitation principale.
Parlons clair ! L'extension aux emprunts souscrits pour travaux de rénovation, c'est tout bénéfice pour les propriétaires de luxueuses résidences qui les tiennent, par exemple, d'un héritage familial. Nous sommes donc loin, dans le cas qui nous préoccupe, d'une politique d'aide à l'accession sociale à la propriété.
Nous devons donc en revenir à l'essentiel : existe-t-il encore, dans ce pays, une politique d'accession sociale à la propriété digne de ce nom ?
Je rappelle que le prêt à taux zéro a été transformé au cours de la législature précédente en crédit d'impôt destiné non aux accédants à la propriété, mais aux établissements financiers leur faisant l'avance de ce prêt complémentaire. Autrement dit, l'État se porte aujourd'hui au secours des malheureux banquiers qui font la folie de prêter de l'argent sans intérêts à d'impécunieux accédants à la propriété !
L'amendement n° 124 propose donc de relever le seuil de la quotité de cette avance sans intérêts. On pourra trouver cela contradictoire avec ce qui vient d'être dit, à la nuance près que plus la quotité de l'avance sans intérêts sera importante, plus la possibilité de solvabiliser les accédants sera élevée.
Par ailleurs, la mesure que nous préconisons n'est pas d'un coût considérable puisqu'elle doit représenter quelque 300 millions d'euros de dépenses fiscales – un montant bien moindre que les sommes que l'on s'apprête à gaspiller avec l'article 3.
L'amendement met en évidence que l'article obéit à d'autres priorités, comme celle de permettre aux établissements financiers de majorer le taux de leurs prêts immobiliers banalisés et de favoriser les promoteurs dont les immeubles, en zones de fortes tensions, trouvent parfois difficilement preneurs.
L'article 3 n'est donc pas destiné à faciliter l'accession à la propriété, notamment pour les ménages salariés. Il est plutôt voué à soutenir le marché immobilier et la spéculation, d'autant que la pression spéculative, avec les dispositions relatives aux donations et aux successions, va sans doute connaître une nouvelle vigueur.
A contrario, l'amendement n° 124 vise à recentrer utilement l'intervention publique sur la priorité à l'accession sociale à la propriété,…
…à charge au législateur, ensuite, de procéder à l'inventaire des faits et de concevoir un véritable mode d'accession sociale à la propriété. C'est sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons à adopter cet amendement. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
La commission a rejeté cet amendement.
Il ne faut pas demander l'impossible, monsieur Sandrier !
Votre amendement consiste à relever la quotité du prêt à taux zéro ; or nous avons déjà fait beaucoup.
Nous continuerons, certes, mais nous ne pouvons tout nous permettre.
À propos du prêt à taux zéro, je vous rappelle que l'on est passé d'un plafond de l'ordre de 20 000 ou 22 000 euros à un plafond de plus de 32 000 euros. De surcroît, nous ne nous sommes pas contentés de cette mesure, monsieur Sandrier, nous avons également augmenté considérablement le plafond de ressources.
Par ailleurs, quand vous dites que les banques profiteront du crédit d'impôt, je me permets de vous reprendre, car c'est totalement inexact. Le crédit d'impôt est calibré – et je suis bien placé pour le savoir pour avoir participé avec M. Daubresse au montage du dispositif –, le taux d'intérêt réel des banques étant contrôlé de manière tout à fait transparente.
Je vous invite, monsieur Sandrier, à le vérifier par vous-même. Vous appartenez à la commission des finances, vous pouvez donc vous procurer les documents nécessaires.
Ainsi, dans la mesure où un effort important a été consenti, tant en ce qui concerne le plafond de ressources que la quotité d'emprunt, nous ne pouvons pas accepter votre amendement.
Même avis.
Je suis saisi d'un amendement n° 278 .
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.
Nous fournissons de gros efforts pour appuyer les objectifs affichés par le Gouvernement, relayé par nos collègues rapporteurs. Je me rappelle que le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques a parlé de « choc fiscal », de « choc économique ». Pour ce qui me concerne, si l'on veut provoquer un « choc économique » en matière de construction, autant commencer par s'intéresser à ceux qui aspirent à bénéficier du dispositif.
L'amendement n° 278 a pour objet de bien vous montrer que nous faisons preuve de volontarisme en matière d'accession à la propriété, et que nous tâchons de ne pas faire de l'obstruction.
Non, il ne s'agit pas d'obstruction, mais bien de propositions : c'est notre rôle d'en faire.
Il s'agit en l'occurrence de réserver le dispositif aux primo-accédants. Si vous ne le faites pas pour eux, vous allez créer un effet d'aubaine, et l'on vendra pour acheter.
Vous ne pouvez pas nier qu'à partir du moment où l'avantage n'est pas réservé aux primo-accédants, vous allez déclencher à cet effet d'aubaine.
On peut considérer cela comme les pertes et profits du dispositif. Certains vont sans doute en profiter, mais après tout, le plus important, c'est d'atteindre un objectif. Cela peut être une stratégie. On peut aussi chercher à relancer le secteur de la construction, qui est au coeur du dispositif. Mais en l'absence de contrôle sur le taux d'intérêt appliqué au reste de l'emprunt, c'est le secteur bancaire qui reste l'arbitre. Je rappelle au rapporteur général, qui a le deuxième mérite d'être val-de-marnais, que laisser l'initiative aux banques nous prive de la possibilité de contrôler le taux d'intérêt du prêt principal.
Je voudrais qu'une étude puisse évaluer non pas l'absorption des frais de dossier dans le prêt aidé, mais l'effet du prêt à taux zéro sur le taux proposé par la banque pour le prêt principal. En réalité, le prêt à taux zéro subventionne l'apport personnel – ce qui est déjà une bonne chose. Je suis convaincu pour ma part que le coût du prêt principal augmente s'il est accompagné d'un prêt à taux zéro. Il est d'ailleurs fait grief à de nombreuses banques d'avoir ajusté le taux d'intérêt général pour compenser ce qu'elles avaient cédé lors de la négociation conduite par M. Borloo et Mme Vautrin.
Mes chers collègues, l'adoption de l'amendement n° 278 renforcerait l'efficacité de votre stratégie initiale et montrerait que ce sont bien les primo-accédants que vous voulez aider.
Chaque fois que l'on prend ce type de mesure, on se demande s'il convient de la limiter aux futurs accédants ou de l'étendre à ceux dont l'acquisition est récente.
La pression des Français est forte dans ce domaine. Ceux qui ont acquis leur bien il y a deux ou trois ans trouvent injuste que la déduction des intérêts ne les concerne pas. Nous sommes confrontés à ce dilemme.
Pour les puristes en matière de politique du logement, qui se préoccupent surtout des investissements à venir, il serait préférable de s'en tenir aux nouveaux acquéreurs. Mais, dans un souci de justice fiscale, nous avons étendu cet avantage à ceux qui ont acquis leur bien depuis moins de cinq ans. C'est une mesure sage, et elle est opportune dans le contexte actuel de relative hausse des taux d'intérêt. Nous apportons une bouffée d'oxygène à ceux qui viennent de s'endetter et qui doivent rembourser, en plus du capital emprunté, une part importante d'intérêts.
Vous voulez dire, monsieur Cacheux, que l'on risque d'encourager des stratégies d'optimisation fiscale ? Je doute qu'on souhaite vendre sa résidence principale dans le seul but de bénéficier d'un avantage fiscal. Franchement, ce sont des arguments de séance !
Lorsqu'on vend, il faut en effet payer des droits de mutation. Ce n'est pas un argument digne de vous, qui êtes compétent en matière de logement. Il s'agit bien d'une mesure de soutien au pouvoir d'achat et d'incitation à l'accession à la propriété.
Avis défavorable.
Mon intervention se fonde sur l'article 58, alinéa 2, du règlement.
Il est dans l'ordre des choses que nous puissions répondre au rapporteur général.
Dans le cadre de la discussion d'un amendement, le rapporteur général s'exprime, et ensuite nous lui répondons. C'est le règlement. Or ce n'est pas ce qui vient de se passer. Dans ces conditions, je vous demande une suspension de séance afin de nous concerter sur la suite à donner à cet incident.
Monsieur Idiart, vous avez la parole chaque fois que vous le demandez ! Le règlement prévoit que, lorsque le vote est annoncé, il faut aller jusqu'au bout.
Nous n'abusons ni de notre temps de parole, ni de la procédure. Le débat doit avancer à un rythme normal, mais nous voulons être respectés.
Reconnaissez que je vous ai laissé parler plus longtemps que ne l'impose le règlement. M. Le Bouillonnec, qui a dit des choses intéressantes et que j'ai écouté avec attention, a triplé son temps de parole. Quant à M. Cacheux, il a plus que doublé le sien !
C'est vrai !
Monsieur Idiart, vous aurez naturellement la parole, chaque fois que vous le souhaiterez, pour répondre à la commission ou au Gouvernement. Mais si vous souhaitez intervenir, veillez à lever la main pendant que l'orateur s'exprime. Vous me connaissez depuis longtemps, vous savez bien que je suis partisan de la libre expression !
Rappel au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)
La séance est reprise.
Je suis saisi d'un amendement n° 279 .
La parole est à M. Alain Cacheux, pour le soutenir.
Cet amendement, sur lequel nous nous sommes longuement exprimés, vise à réserver le crédit d'impôt aux futurs accédants, avec un effet rétroactif très limité. Il pourrait prendre le nom d'amendement Woerth, ce qui atteste de la sérénité de notre débat et de notre volonté de trouver des points de convergence. Nous ne faisons en effet que reprendre les propositions de M. Woerth, qui souhaitait limiter fortement l'effet rétroactif pour réduire le coût de la mesure. Nous devons en effet nous prononcer sur l'efficacité d'un tel dispositif en tenant compte de son coût prohibitif : 3,5 milliards d'euros.
Je profite de l'occasion pour dire un mot sur l'amendement précédent, puisque le rapporteur général semble l'avoir mal compris. Cet amendement, défendu par l'un de nos collègues du groupe socialiste, visait à réserver ce dispositif, qui est par ailleurs l'objet de nos critiques, aux primo-accédants. La vente d'un premier logement pour en acheter un nouveau permet de réaliser une plus-value, qui constitue, comme le prêt à taux zéro pour les primo-accédants de condition modeste, un apport personnel.
C'est parce que nous nous préoccupons du devenir des finances publiques que nous cherchons à limiter le coût budgétaire de ce dispositif.
La commission a repoussé cet amendement, pour les raisons que j'ai déjà exposées.
Même avis.
Je suis saisi d'un amendement n° 280 .
La parole est à M. Alain Cacheux, pour le soutenir.
Cet amendement fait, une fois de plus, état de notre volonté de limiter le coût budgétaire du dispositif. Lors des deux dernières campagnes électorales – présidentielle et législatives – chacun semblait se préoccuper du déficit public. Avec cet amendement, nous entendons réserver le crédit d'impôt aux seuls contribuables dont les ressources n'excèdent pas un certain plafond, ciblant ainsi la mesure en direction de ceux qui en ont réellement besoin.
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 281 .
La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour le soutenir.
Durant la campagne présidentielle, le Président de la République a pris des engagements forts en faveur de l'excellence environnementale. À cet effet, un ministère a été créé et doté de compétences élargies, dont vous imaginez sans peine que nous avons beaucoup entendu parler à Bordeaux. Nous voulons croire qu'il ne s'agit nullement de déclarations de principe ou d'effets d'annonce. Encore faut-il que ces engagements trouvent des occasions de s'inscrire dans chaque article de loi, voire dans chaque alinéa. Existe-t-il en effet un meilleur sujet que l'instauration de mesures fiscales facilitant l'accession à la propriété ?
La démarche, que nous vous proposons, d'inscrire la haute qualité environnementale dans ce projet constituera, avec les facilités que nous accordons aux futurs propriétaires, un véritable retour sur investissement.
Défavorable.
La commission a bien noté l'intérêt de cette proposition visant à prendre en compte l'aspect environnemental du logement, mais elle ne l'a pas retenue, dans la mesure où il existe d'ores et déjà nombre d'incitations fiscales dans ce domaine – je rappelle qu'elles représentent aujourd'hui un effort fiscal d'environ 1 milliard d'euros. Par conséquent, le principal dispositif, dans le domaine de l'environnement et du développement durable, doit porter sur le logement.
Par ailleurs, nous souhaitons, comme vous, madame Delaunay, élargir ces politiques, mais dans un cadre cohérent, après une réflexion d'ensemble. Dans le domaine du logement, nombre d'incitations fiscales étant désormais obsolètes, nous devons faire le ménage en nous livrant à un véritable travail d'inventaire. Cela étant, nous sommes tout à fait d'accord pour favoriser la réalisation de logements de haute qualité environnementale.
Même avis que la commission.
Comme vous, monsieur le rapporteur général, nous souscrivons à l'idée d'aider ceux qui n'ont pas les revenus les plus élevés à accéder à la propriété – Alain Cacheux vient de le souligner. Mais, pour ces derniers, les charges liées au logement, et notamment les dépenses en énergie, sont souvent rédhibitoires.
En diminuant le montant des charges mensuelles supportées par ces ménages, notre proposition vise à donner un coup de pouce à ceux qui font l'effort d'investir dans des systèmes plus vertueux du point de vue environnemental. N'étant pas directement concernés par les dispositions fiscales que vous proposez, l'adoption de cet amendement leur permettrait de bénéficier de cet avantage au fil des ans.
Je suis saisi d'un amendement n° 61 .
La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.
Cet amendement, cosigné par Marc Le Fur, a été adopté, contre mon avis, par la commission des finances.
Son vote permettrait de prendre en compte des travaux effectués quelques mois après l'acquisition d'une résidence principale, pour laquelle l'acheteur a bénéficié du crédit d'impôt – par exemple une extension pour une piscine couverte…
Sans doute pourrez-vous répondre à ma question, madame la ministre : si un emprunt est souscrit pour acquérir une résidence principale et qu'il couvre en même temps des travaux d'extension soumis à un taux de TVA de 19,6 %, ces travaux non détachables non éligibles au taux réduit de TVA ouvriront-ils droit au crédit d'impôt ? Si tel est bien le cas, je gage qu'une grande part des craintes de M. le Fur sera apaisée.
Afin d'apaiser l'inquiétude de M. le Fur, je précise qu'il s'agit effectivement de couvrir les travaux concomitants, c'est-à-dire rattachables à la fois dans le temps et dans la destination.
Je citerai in extenso les différentes situations qui sont couvertes par le dispositif : premièrement, l'achat d'un logement suivi ou non de travaux, ceux-ci étant faits au moment de l'acquisition ou dans les semaines qui suivent ; deuxièmement, l'achat d'un terrain suivi ou non de la construction d'un immeuble ; troisièmement, l'achat d'une ruine suivi de travaux dans la perspective d'en faire un local d'habitation ; quatrièmement, les travaux de transformation d'un immeuble que l'on possède déjà en local à usage d'habitation.
Tels sont les quatre cas de figure qui permettent de préciser l'ensemble des dépenses couvertes par le champ d'application du dispositif.
Je vous remercie, madame la ministre, pour ces précisions.
Il reste toutefois deux interrogations si l'on veut aller au bout de la logique qu'a défendue M. Le Fur au travers de cet amendement qui, chacun l'aura compris, ne consiste pas à accorder un soutien fiscal aux gens pour construire une piscine ! Les craintes de M. Le Fur concernent l'appréciation de la notion de « concomitance » : les travaux doivent-ils commencer juste après l'établissement de l'acte notarié ? Le propriétaire disposera-t-il d'un délai pour engager les travaux ? Si l'on n'est pas encore propriétaire du bien, il est impossible d'engager un architecte ou des artisans. Or les délais d'établissement des actes notariés ne permettent pas toujours de programmer la date du début des travaux.
Ma deuxième interrogation porte sur l'extension d'une habitation pour des raisons familiales. L'article que nous examinons ne concerne pas seulement les primo-accédants, mais vise à permettre à quelqu'un qui doit, pour des raisons familiales, changer de logement, de pouvoir à nouveau bénéficier de la déduction de ses intérêts d'emprunt pour adapter sa résidence principale à la composition de sa famille. À la suite d'une naissance, on est contraint de déménager si l'on ne peut pas agrandir son logement.
Bien que cette situation soit difficile à contrôler, est-il possible de traiter ce problème ? Pourra-t-on trouver une solution lors de la discussion de ce texte au Sénat ?
L'amendement de M. le Fur soulève de vraies questions. Je pense notamment, dans le présent contexte de flambée des prix qui rend presque impossible l'accession très sociale aux ménages les plus modestes – et il y en a beaucoup, vous le savez, monsieur le président Daubresse, dans l'agglomération lilloise –, qui achètent des biens très médiocres dans la perspective de les améliorer, mais qui se trouvent dans l'incapacité financière d'engager les travaux rapidement. L'accession très sociale telle qu'on a pu la connaître ces dernières années est aujourd'hui de plus en plus difficile.
Alors, soyons prudents et méfions-nous d'éventuelles dérives portant notamment sur la nature des travaux. M. le rapporteur général a eu raison d'évoquer la construction d'une piscine ou l'aménagement d'un château ! Il est nécessaire de fixer un plafond. Cela étant, l'accession très sociale, bien qu'elle soit de plus en plus difficile, reste une demande forte.
Monsieur Carrez, vous avez répondu tout à l'heure en restant dans le cadre de l'article 3. Mais nous devons envisager le dispositif dans le contexte global de la crise du logement.
Rattacher cet avantage fiscal à la rénovation des quartiers donnerait aux ménages modestes la possibilité d'acheter des appartements en coeur de ville et de les restaurer. L'objectif est double : permettre aux gens de devenir propriétaires tout en participant à la restauration du patrimoine.
S'agissant des quartiers dits « populaires » dans les départements d'outre-mer, la loi du 30 décembre 1996 prévoit la régularisation des occupants sans titre, en contrepartie de la mise aux normes d'habitabilité des locaux considérés – il ne s'agit pas simplement de créer de bonnes conditions de vie. Cette mise aux normes doit se faire dans un délai précis.
Il faut donc permettre d'intégrer dans le coût d'achat le financement de la mise aux normes d'habitabilité. Une telle mesure aurait un effet dynamique sur le développement des centres villes anciens.
Par ailleurs, M. le rapporteur général, dans son rapport, indique que les familles des départements d'outre-mer auront à choisir entre crédit d'impôt et défiscalisation. Est-ce à dire que le crédit d'impôt s'appliquera à ceux qui ne choisiront pas la défiscalisation ? La question est importante pour nous et nécessite une réponse précise. Le texte du projet de loi dispose en effet que les dispositions de cet article sont exclusives de celles mentionnées au a de l'article 199 undecies A du code général des impôts, relatif à la défiscalisation.
Les familles non imposables n'ayant pas choisi la défiscalisation bénéficieraient-elles du crédit d'impôt si elles achètent ou font construire un logement ? J'aimerais une réponse claire sur ce point.
La parole est à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
Sur la question de l'adjonction éventuelle du financement de travaux, il convient de revenir au coeur de la disposition de l'article 3, qui est en fait très simple. Pour encourager l'acquisition d'une résidence principale grâce à l'emprunt, nous ouvrons à tout acquéreur d'une résidence principale un crédit d'impôt égal à 20 % des intérêts payés au titre de l'emprunt, dans la limite de 7 500 euros pour un couple. J'évoquais à l'instant les quatre cas de figure couverts par le dispositif : sont prises en compte non seulement les sommes empruntées pour l'acquisition du logement, mais aussi celles destinées à financer les améliorations qui lui sont apportées.
En ce qui concerne les départements d'outre-mer, où s'appliquent un certain nombre de régimes fiscaux très incitatifs, vous me posez la question de savoir si on est dans un système de liberté et d'option, où celui qui ne bénéficie pas des dispositions fiscales favorables est néanmoins éligible au crédit d'impôt institué par l'article 3. La réponse est oui.
Quant à l'amendement n° 61 , j'y suis défavorable et je ne lève donc pas le gage.
Je suis saisi d'un amendement n° 346 .
La parole est à M. François de Rugy, pour le soutenir.
Les Verts ne sont pas a priori opposés à d'éventuelles aides fiscales ou exonérations, même si, à leurs yeux, des politiques publiques ne sauraient se limiter à cela. Nous considérons néanmoins que, pour être à la fois justes et efficaces, des mesures fiscales favorables doivent toujours être assujetties à certaines contreparties. À cet égard, mon amendement est dans le même esprit que celui de notre collègue Delaunay : il consiste à conditionner l'obtention du crédit d'impôt par le fait que le logement acheté, s'il est neuf, comporte une part d'énergies renouvelables dans sa production énergétique. Je m'étais opposé en commission à l'amendement de M. Le Fur qui, lui, souhaite étendre le bénéfice du crédit d'impôt aux intérêts des prêts affectés à des travaux, quels qu'ils soient. J'avais surnommé cet amendement « l'amendement piscine » – expression que le rapporteur général a reprise. Je vous propose pour ma part un « amendement chauffe-eau solaire ».
En réponse à Mme Delaunay, le rapporteur général a signalé que le coût des avantages fiscaux destinés à favoriser les économies d'énergie ou la production d'énergie renouvelable atteignait déjà un milliard d'euros. Certes, et alors ? C'est sans doute une somme importante, mais vous nous proposez aujourd'hui un « paquet fiscal » – un choc fiscal, devrais-je dire – de 13 milliards d'euros ! Non seulement l'amendement que je propose ne coûterait rien de plus, mais il coûterait probablement moins, tout en obligeant les promoteurs désireux de faire miroiter devant leurs futurs acquéreurs la perspective d'une réduction d'impôt à intégrer les énergies renouvelables dans leurs constructions. Nous resterions ainsi dans une logique incitative : chacun serait libre d'acheter un logement neuf n'ayant pas recours aux énergies renouvelables dès lors qu'il renonce au bénéfice du crédit d'impôt. C'est par de telles mesures, en conditionnant les avantages consentis par les avancées réalisées dans le domaine de la performance énergétique, que nous pourrons faire évoluer efficacement le comportement des promoteurs, acteurs majeurs dans le domaine du logement, et dont un certain nombre font déjà des efforts. Rappelons que 70 millions de tonnes équivalent pétrole sont consommées aujourd'hui dans le logement et le secteur tertiaire.
Même avis.
Je suis saisi d'un amendement n° 347 .
La parole est à M. François de Rugy, pour le soutenir.
Le raisonnement est le même que pour l'amendement précédent, mais l'objectif est plus modeste. Le logement neuf doit, pour ouvrir au crédit d'impôt, être classé entre A et C selon les critères de l'arrêté du 15 septembre 2006 relatif au diagnostic de performance énergétique. L'institution de ce classement était une bonne initiative, mais qui ne mènera à rien s'il se borne à une fonction informative. Il faudra bien, un jour, fixer des normes obligatoires pour la construction neuve. En attendant, je me place dans une logique incitative, ce qui devrait vous satisfaire. En outre, ma proposition, qui prépare l'avenir, va dans le sens de l'amélioration du pouvoir d'achat, en permettant aux futurs occupants de ces logements de réaliser des économies, notamment sur les charges de chauffage – dont on sait qu'elles pèsent lourd dans le budget des ménages.
Nos amendements sont systématiquement repoussés. Pourtant, nous ne cherchons qu'à prendre au mot le Président de la République qui, en nommant Jean-Louis Borloo ministre d'État, chargé de l'écologie et du développement durable, numéro deux du Gouvernement, a voulu signifier – du moins je le suppose – que ces questions devenaient une priorité. Il est vrai que la déclaration de politique générale de M. Fillon l'a fait bien peu ressortir. J'espérais toutefois que tous les projets de loi passeraient désormais entre les mains de M. Borloo, et que ce dernier en influencerait le contenu. Il ne sera, dans le cas contraire, qu'un ministre dénué de pouvoirs.
Enfin, j'ai été choqué d'entendre, en commission, M. le rapporteur général refuser de « verdir » le projet de loi. Pour ma part, j'assume pleinement ma couleur, et puisque Mme la ministre s'en est parée pour venir nous voir, j'y vois un bon présage pour mon amendement !
Malgré cette présentation très habile, la commission ne se laisse pas influencer et conserve un avis défavorable.
Même avis, monsieur le président. Au nom du vert, je signale tout de même que le Gouvernement est très attentif à toutes ces questions, qui seront abordées à la rentrée dans le cadre du « Grenelle de l'environnement ».
En effet !
Je suis saisi d'un amendement n° 407 .
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.
Le crédit d'impôt proposé par cet article reste totalement inaccessible pour une grande partie de la population. Comme le soulignaient, le 4 juillet, Bertrand Bissuel et Isabelle Rey-Lefebvre dans les pages « analyses » du Monde, « les ménages dont les revenus sont inférieurs ou égaux à deux SMIC représentaient 16,1 % des accédants en 2005 contre 28,5 % dix ans auparavant ». En outre, le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre montre que la diffusion de la propriété est en recul chez les catégories les plus modestes.
De son côté, dans un article daté du 7 juin intitulé Qui va profiter du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt ? l'Observatoire des inégalités montre qu'« avec l'instauration d'un crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt, le Gouvernement gaspille l'argent public au profit des couches aisées » et que « cette mesure va profiter à ceux qui ont la capacité d'emprunt la plus élevée, c'est-à-dire ceux qui achètent les biens les plus chers, aux revenus les plus élevés. »
Plusieurs simulations ont été réalisées par le Syndicat national unifié des impôts. Pour une personne célibataire qui gagne 1 500 euros par mois et qui en emprunte 61 000 pour l'achat d'un studio de 33 mètres carrés dans la banlieue de Tours, la baisse d'impôt annuelle sera de 478 euros. Pour une dame célibataire dont le salaire mensuel est de 4 200 euros et qui emprunte 169 000 euros pour l'achat d'un trois-pièces de 100 mètres carrés à Agen, elle sera de 750 euros, soit le niveau du plafond. Pour un couple avec deux enfants, totalisant 3 000 euros de revenu mensuel, et qui emprunte 122 000 euros pour l'achat d'un trois-pièces de 55 mètres carrés à Corbeil-Essonnes, la baisse sera de 856 euros. Enfin, un couple avec deux enfants dont le salaire mensuel atteint 8 300 euros et qui en emprunte 338 000 pour acheter un quatre-pièces de 100 mètres carrés dans le sixième arrondissement de Lyon bénéficiera d'une réduction – plafonnée – de 1 700 euros.
De ces quatre exemples, il ressort plusieurs enseignements. Ainsi, le gain est réparti de façon très inéquitable : la famille dont le revenu est de 8 300 euros par mois bénéficie d'une réduction de 1 700 euros, contre 856 euros pour celle qui ne gagne que 3 000 euros par mois. En outre, les vendeurs vont profiter de la mesure pour élever leurs prix, ce qui va réduire d'autant l'effet de la mesure, et conduire à ce que l'État subventionne les propriétaires et non les accédants.
La collectivité verse 1 700 euros à un ménage qui figure parmi les plus aisés. Le coût total – même si les avis semblent diverger sur son appréciation – avoisine les 5 milliards d'euros, soit cinq fois plus que ce qui sera investi dans les zones d'éducation prioritaires ou les universités. Elle aurait permis de construire 42 000 logements sociaux par an, soit une hausse de 50 % par rapport au niveau actuel.
La plupart des foyers défavorisés n'ont pas accès au crédit, notamment les jeunes. S'ils ne sont pas concernés par cette simulation, c'est parce qu'ils sont les grands perdants de la nouvelle politique du logement, destinée avant tout aux propriétaires.
Pour toutes ces raisons, et parce qu'avec ce projet le Gouvernement aggrave le gaspillage de l'argent public au profit des couches aisées, nous vous proposons d'adopter notre amendement, qui vise à exclure du dispositif l'acquisition de logements appartenant à un organisme de logement social antérieurement affectés à la location.
Même avis.
Je suis saisi d'un amendement n° 181 .
La parole est à M. Thierry Lazaro, pour le soutenir.
Cet amendement vise à ouvrir au crédit d'impôt les frais d'emprunt au même titre que les intérêts. Quand on contracte un emprunt, l'intérêt représente, par nature, le prix de cet emprunt et les frais sont constitués par les droits d'entrée. Or, en termes de déductibilité, le plafond n'est pas toujours atteint. Nous reprenons aujourd'hui une formule déjà utilisée régulièrement avec succès, contrairement à ce que j'entends sur les bancs de la gauche. En effet, il n'y a pas que des gens qui n'en profiteront pas ou il n'y a pas que des gens riches qui réaliseront une bonne opération, mais cette déductibilité offrirait une véritable bouffée d'oxygène pour de nombreuses personnes aux revenus moyens. C'est pourquoi je propose de supprimer la notion de frais d'emprunt dans l'alinéa 8 de cet article.
La commission n'a pas adopté cet amendement. Nous avons craint, monsieur Lazaro, qu'il comporte des effets pervers. En effet, couvrir ces frais d'emprunt par le crédit d'impôt pourrait inciter à ne pas limiter ces frais, comme on le devrait. S'agissant des taux d'intérêt, la situation est beaucoup plus transparente et objective, car la concurrence joue.
Nous comprenons bien votre intention qui est tout à fait légitime, mais l'effet pervers risque de l'emporter sur l'objectif premier.
Même avis.
Je suis saisi d'un amendement n° 341 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.
Avis favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 341 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 62 .
La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.
Favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 203 .
La parole est à M. Thierry Lazaro, pour le soutenir.
Mon amendement propose de porter de 3 750 à 5 000 euros la part déductible pour les célibataires. En effet, les charges fixes liées à l'acquisition et au fonctionnement d'un logement sont fort lourdes pour un célibataire chargé de famille. Se contenter de diviser la part déductible qui s'applique aux couples mariés semble quelque peu inéquitable. En termes de pouvoir d'achat et d'incitation, un petit relèvement n'aurait pas été inutile.
La commission aurait aimé suivre l'amendement de M. Lazaro, mais les contraintes budgétaires ne peuvent malheureusement nous permettre de porter cette déduction à 5 000 euros.
Même avis.
Je suis saisi de l'amendement n° 342 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.
Favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 342 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Cet amendement, proposé par M. Le Fur, aborde un cas qui doit, madame la ministre, être pris en considération : celui où une mutation professionnelle inévitable oblige à changer de résidence principale. Il serait alors assez injuste d'interrompre le bénéfice de la déduction des intérêts.
Nous avons discuté en commission de la rédaction de l'amendement parce qu'il convient, bien entendu, de prendre un certain nombre de précautions. Nous nous sommes en particulier interrogés sur le fait qu'il fallait probablement l'assortir de deux conditions. En premier lieu, la résidence principale une fois quittée ne doit pas être louée, mais doit demeurer vacante. En second lieu, nous devons nous assurer qu'une fois la résidence principale vendue pour raison de mutation professionnelle, l'achat d'une nouvelle résidence principale ne donne pas lieu à un nouveau crédit d'impôt. Un tel cumul doit demeurer impossible. Le sous-amendement du Gouvernement apporte ces précisions.
Le Gouvernement, très soucieux d'encourager la mobilité à tous égards, ne souhaite pas que la disposition concernant le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt liés à l'acquisition d'une résidence principale puisse y faire obstacle d'une quelconque manière. Ce sous-amendement tend à éviter le cumul de cet avantage avec d'autres notamment liés à la location de l'ancienne résidence principale. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement, ainsi sous-amendé.
Si votre sous-amendement est adopté, vous devez lever le gage, madame la ministre.
Je lève bien entendu le gage.
La solution préconisée – mais peut-être ai-je mal compris – par l'amendement et le sous-amendement tend à accorder le bénéfice du système pour une nouvelle résidence principale, à la seule condition que la première reste vacante.
M. Muzeau a tout à fait raison de demander une précision. Je n'ai pas été suffisamment clair.
Une personne acquiert une résidence principale et bénéficie donc de ce crédit d'impôt pour cinq ans. Deux ans plus tard, elle est contrainte, par mutation professionnelle, de partir. Nous souhaitons que l'avantage fiscal ne lui soit pas retiré et qu'elle puisse continuer d'en bénéficier pour la durée restante à condition de ne pas bénéficier d'un nouveau crédit dans le cas où elle vendrait sa première résidence principale pour en acquérir une autre et, si elle garde ladite résidence, de ne pas la louer, donc de ne pas toucher un revenu qui compléterait le crédit d'impôt ou s'y substituerait.
Il s'agit d'un amendement d'encadrement afin de faciliter les mutations professionnelles.
J'avais donc bien compris les explications. Cela étant, c'est assez curieux. En effet, on interdit la location, mais laisser un logement vide n'est tout de même pas dans l'air du temps. (« Il a raison ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En outre – et je ne parle pas de malversation – comment les pouvoirs publics pourront-ils contrôler ces situations ? Cela me paraît impossible. La solution était peut-être celle que nous préconisions : n'accorder cet avantage qu'aux primo-accédants.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 477 .
(Le sous-amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 3, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)
Nous en venons à une série d'amendements portant articles additionnels après l'article 3.
Je suis saisi d'un amendement n° 296 .
La parole est à M. Alain Cacheux, pour le soutenir.
Avec cet amendement, je reviens sur le problème que j'évoquais précédemment.
S'il y a eu effectivement progression du nombre de logements locatifs sociaux, le terme de « logement locatif social » recouvre des réalités bien différentes. Le logement social classique – PLA hier, PLUS aujourd'hui – a, lui, progressé très légèrement, voire stagné. Le logement locatif très social – PLAI – s'est totalement effondré alors que la demande de nos concitoyens les plus modestes est en très forte progression. Enfin, les prêts locatifs sociaux – PLS – sont davantage du logement intermédiaire, même si, je le concède, ils sont intégrés dans le calcul des 20 %, de l'article 55 de la loi SRU.
Pour tenir compte des réalités bien différentes de logements sociaux, nous proposons de pondérer différemment ces types de logements. Le coefficient s'élèverait à 1 pour le logement social classique, à 1,5 pour les prêts locatifs aidés d'intégration et à 0,5 pour les prêts locatifs sociaux.
Par cet amendement qui, je le pense, devrait recueillir l'assentiment de nombre de nos collègues, nous entendons soutenir les très nombreux élus, quelle que soit leur coloration politique, qui sont véritablement attachés au logement social et décourager ceux qui ont cru satisfaire à l'objectif de 20 % en réalisant massivement du PLS. Mon expérience dans l'agglomération lilloise me permet d'affirmer qu'ils sont très peu nombreux.
Monsieur Cacheux, de même qu'à l'article 1er nous avions décidé de n'adopter aucun amendement modifiant le code du travail, la commission a rejeté tous les amendements qui ne traitaient pas directement du sujet de l'article 3 et, en particulier, ceux qui tendent à modifier la loi SRU. L'article 3 propose un dispositif purement fiscal. Nous ne souhaitons pas, à cette occasion, adopter des amendements modifiant le code de l'urbanisme entre autres.
Même avis.
Je suis saisi d'un amendement n° 291 .
La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.
J'ai bien entendu la réponse de M. le rapporteur général. J'imagine qu'elle vaut pour l'amendement que je vais évoquer.
Je me permettrai simplement de le reprendre sur un point. Ces amendements ne modifient pas la loi SRU, mais ils la renforcent. Ce n'est pas tout à fait la même chose. Dans son explication à Alain Cacheux, M. le rapporteur général a précisé qu'il convenait de faire un effort concerté sur toutes les créations de logements. Cela signifie donc que le Gouvernement et sa majorité n'ont pas l'intention d'abandonner – c'est ainsi que je l'ai compris – l'objectif de 20 % de logements sociaux dans les communes relevant de la loi SRU.
Nous sommes, avec Louis Besson et à l'époque Alain Cacheux, à l'origine de cette mesure. Par cet amendement, nous proposons donc une disposition nous permettant d'être plus efficaces que nous ne le sommes aujourd'hui. Les contributions de ceux qui ne jouent pas le jeu de la mixité sociale et de la loi SRU sont un peu faibles. Nous souhaitons, en conséquence, pour renforcer son impact et son efficacité, améliorer le dispositif tendant justement à démasquer ceux qui ne sont pas de bonne foi et qui devront donc contribuer davantage.
Telle est notre proposition. Le renforcement de la loi SRU n'est pas incompatible avec la préoccupation d'accession à la propriété, monsieur le rapporteur général.
La commission et le Gouvernement ont fait savoir qu'ils étaient défavorables à cet amendement.
Je mets aux voix l'amendement n° 291 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 295 .
La parole est à M. Alain Cacheux, pour le soutenir.
Dans le droit fil de ce que vient d'évoquer François Brottes, cet amendement tend à renforcer le caractère effectif de l'article 55 de la loi SRU en conditionnant la délivrance du permis de construire par les efforts réalisés par les communes en matière de construction de logements locatifs sociaux. Je constate, dans l'agglomération lilloise, que l'immense majorité des maires consent un effort effectif à cet égard. C'est pourquoi il est souhaitable de renforcer l'aide à la pierre pour veiller à ce que cette volonté se traduise très concrètement au niveau des organismes.
Je sais qu'il existe d'autres fonds gratuits et que l'on peut notamment recourir aux collectivités locales ou au 1 % logement, mais l'équilibre des opérations est un vrai problème en période de spéculation immobilière et les organismes ont de réelles difficultés.
Les maires ont souvent la volonté de réduire leur déficit en logements sociaux, ils sont souvent beaucoup plus ouverts que leur majorité municipale et infiniment plus que leur population et il faut en tenir compte ; nous souhaitons simplement renforcer les sanctions pour les quelques maires qui sont de mauvaise volonté.
Je rappelle que l'article 55 de la loi SRU ne fait pas obligation aux élus d'atteindre immédiatement les 20 %, ils doivent combler le déficit dans les meilleurs délais possibles. La loi était d'ailleurs assez généreuse puisqu'elle leur laissait vingt ans. Or de nombreux élus l'auront réduit en quelques années.
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 294 .
La parole est à M. François Brottes, pour le défendre.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur général, pour vos commentaires précis et concis…
Vous nous avez expliqué tout à l'heure que les gouvernements que vous avez soutenus avaient fait merveille en matière de construction, mais il y a eu, et nous l'avons dénoncé, deux écueils.
Le fameux dispositif Robien a permis à un certain nombre d'investisseurs de bénéficier d'une défiscalisation sans conditions, ni encadrement de loyer, ni obligation de location, contrairement au dispositif Besson. Cela a été un petit peu rectifié avec ce qu'on a appelé le Borloo populaire.
Il y a par ailleurs les PLS, dont force est de constater qu'ils ne correspondent en rien aux exigences du logement social. Bon nombre de collectivités que les bailleurs sociaux ont dirigées vers des opérations PLS ont du mal à trouver des locataires capables d'honorer de tels loyers qui sont tellement élevés qu'ils n'ont rien de social.
Pour limiter une telle dérive, nous proposons que les communes soumises à l'article 55 de la loi SRU, auquel vous restez attaché, ne puissent comptabiliser dans les 20 % de logements sociaux qu'un tiers au plus des logements construits au titre des PLS.
Je vous remercie de nous donner un avis éclairé, monsieur le rapporteur général.
La commission a rejeté cet amendement, pour des raisons de principe.
La loi SRU a pour origine la loi d'orientation sur la ville de 1991, que j'ai eu l'honneur de rendre applicable par le biais d'une proposition de loi en 1994. À cette époque, nous avions tous accepté d'intégrer, pour une partie limitée, ce qu'on appelle le logement locatif intermédiaire.
J'ai peut-être une expérience d'élu d'Île-de-France, mais développer une offre de locatif intermédiaire me paraît absolument indispensable. Dans la chaîne du logement, chaque maillon est important.
Vous ne pouvez pas vouer aux gémonies le prêt locatif social parce que l'éventail des loyers est assez ouvert et que certains d'entre eux sont proches des loyers des PLUS. Une telle vindicte à l'égard des prêts locatifs sociaux ne me paraît donc pas justifiée. C'est vraiment un très bon produit et, une fois de plus, je remercie le ministre du logement de l'époque qui les a développés, en l'occurrence Marc-Philippe Daubresse.
Il n'est pas question de vindicte. Comprenez-nous bien, monsieur le rapporteur général. Nous proposons qu'il y ait au plus un tiers de PLS, nous ne proposons pas de les supprimer. Dans le parcours résidentiel, en effet, le PLS peut avoir un intérêt pour un certain nombre de familles mais, quand 100 % des logements sociaux sont des PLS, cela veut dire qu'il n'y a quasiment plus de logements sociaux. C'est ce que nous dénonçons, et c'est à l'usage que nous nous sommes rendus compte qu'il y avait une dérive. Ne caricaturez donc pas notre proposition, qui vise simplement à équilibrer l'offre de logements sociaux dans les communes soumises à l'article 55.
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 293 .
La parole est à M. Alain Cacheux, pour le défendre.
C'est toujours la même logique, il s'agit de pénaliser les quelques communes qui font manifestement preuve de mauvaise volonté, et, malheureusement, il y en a tout de même quelques-unes, en prévoyant que le constat de carence prononcé par le préfet se traduise automatiquement par le doublement du prélèvement.
Au fond, monsieur le rapporteur général, nous réagissons selon l'éclairage de nos territoires. Vous êtes en région parisienne, où la crise du logement est plus importante et où le PLS peut être une certaine réponse mais, dans l'agglomération lilloise, 85 % des demandes adressées aux organismes d'HLM ne peuvent pas entrer dans le cadre du PLS. C'est ce que nous disent très clairement les organismes, et un certain nombre d'entre eux qui se sont lancés imprudemment dans la production massive de PLS se retrouvent aujourd'hui, alors qu'il y a une crise du logement de grande ampleur, avec des logements qu'ils ont le plus grand mal à louer.
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 290 .
La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour le défendre.
Il s'agit de la vente à la découpe. Cet amendement instaure un permis de mise en copropriété. Délivré par le maire ou le président de l'EPCI, il serait exigé pour toute opération de division par lots d'immeubles d'au moins cinq logements.
Les personnes souhaitant obtenir un permis de mise en copropriété devraient en faire la demande en assortissant cette dernière d'un dossier présentant l'état de l'immeuble au regard de normes techniques et environnementales définies par décret ainsi que les contrats de location des logements loués.
Préalablement à la délivrance du permis de mise en copropriété, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale devrait recueillir l'avis des organisations représentatives des locataires et des organisations représentatives des bailleurs concernés.
Enfin, le maire ou le président de l'EPCI aurait la possibilité de refuser de délivrer le permis si l'immeuble ne répondait pas à des normes techniques et environnementales définies par décret en Conseil d'État, si la mise en copropriété de l'immeuble allait à l'encontre des objectifs définis dans le programme local de l'habitat, en particulier au titre de la mixité sociale, ou si les locataires ou occupants de bonne foi des locaux d'habitation ne disposaient pas d'un contrat de location d'au moins six ans à compter de la date de demande du permis.
Cela permettrait de lutter contre ce que nous avons malheureusement connu dans la période qui vient de s'écouler.
La commission a donné un avis défavorable à cet amendement. Je vous rappelle, monsieur Idiart, que nous avons adopté l'an dernier une proposition de loi de notre collègue Martine Aurillac, qui est beaucoup plus efficace et moins compliquée, pour faire face à ces problèmes de vente à la découpe.
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 283 .
La parole est à M. Alain Cacheux, pour le défendre.
Cet amendement éclaire les divergences qui existent entre nous à propos de l'accession à la propriété.
Nous souhaitons très clairement privilégier l'accession sociale. La majorité précédente a élargi très sensiblement l'accès au PTZ, et cela s'est traduit par une diminution des possibilités offertes aux gens les plus modestes. Nous souhaitons, nous, cibler le PTZ sur les gens les plus modestes, quitte à élargir très sensiblement le montant de l'effort réalisé sous forme d'avances remboursables sans intérêt.
Dans un dispositif global et cohérent que le rapporteur général appelait de ses voeux au début de notre échange, on pourrait, de manière complémentaire, imaginer un crédit d'impôt pour un certain nombre de nos concitoyens plus aisés. Les deux dispositifs ont rarement cohabité, mais cela pourrait être une solution.
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 302 rectifié .
La parole est à M. Guillaume Garot, pour le défendre.
Nous savons que de nombreuses familles confrontées au décès d'un des leurs rencontrent de graves difficultés financières pour assurer les frais liés aux obsèques. Vous conviendrez que de telles dépenses ne peuvent être assimilées à l'achat de biens de consommation classiques. Il vous est donc proposé de leur appliquer le taux réduit de TVA à 5,5 %.
Je précise qu'une telle baisse serait conforme à la législation européenne et que la France est le seul pays de l'Union européenne à appliquer un taux de TVA normal sur ces dépenses.
La commission est défavorable à cet amendement, qui relève plus d'une loi de finances.
Défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 302 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 183 rectifié .
La parole est à M. Thierry Lazaro, pour le défendre.
Cet amendement, qui tend à soumettre les frais liés aux obsèques au taux réduit de TVA, est conforme à l'esprit de la directive européenne et permet à la France de satisfaire à l'injonction que vient de lui faire la Commission européenne le 4 juillet dernier.
Il y a de fortes disparités dans les frais funéraires quels qu'ils soient. C'est un moment extrêmement douloureux dans la vie d'une famille et il est plus que temps d'avoir une réponse sur le sujet. C'est l'occasion.
Défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 183 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 333 rectifié .
La parole est à M. Victorin Lurel, pour le défendre.
Il s'agit de profiter de ce texte relatif à l'emploi et au pouvoir d'achat pour corriger une inégalité de traitement dont nous sommes un peu responsables.
La loi du 13 décembre 2000 a donné une compétence particulière à Saint-Pierre-et-Miquelon, qui, dans la zone économique exclusive, peut fixer le barème de la redevance sur tout gisement d'hydrocarbures exploitable, liquides ou gazeux.
Nous vous demandons d'étendre cette compétence à la Martinique, à la Guadeloupe, à la Guyane ou à la Réunion, pour harmoniser, presque en urgence, les différents régimes. Il pourrait en effet y avoir bientôt des problèmes car des concessions ont été octroyées très récemment, des découvertes assez importantes ont été faites au large de la Martinique, et ce devrait être le cas très bientôt au large des Guyane et en particulier de la Guyane française. Or il y a là un vide juridique :
si les régions peuvent décider des titres miniers, elles ne peuvent en aucun cas fixer le barème de la redevance. C'est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir étendre le dispositif de l'article 68-21 du code minier à ces régions d'outre-mer.
Même avis.
Je mets aux voix l'amendement n° 333 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'amendement n°334 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi de trois amendements, nos 315 , deuxième rectification, 314, deuxième rectification et 235, deuxième rectification, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. François Brottes, pour défendre les amendements nos 315 , deuxième rectification, et 314, deuxième rectification.
Le sujet de ces amendements est très directement lié à la question du logement, puisque nous proposons d'instaurer, non pas un bouclier fiscal, mais un « bouclier énergie » en matière de logement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Exactement ! C'est d'autant plus dommage que généralement vous êtes plutôt à l'écoute !
Comme le savent M. Raison et mes autres collègues, les dépenses énergétiques des ménages représentent aujourd'hui presque 25 % de leurs revenus, du fait de l'augmentation considérable du coût de l'énergie. Elle s'inscrit dans la logique de privatisation lancée notamment par M. Sarkozy lorsqu'il était ministre de l'économie, mais c'est également le résultat de la logique de dérégulation du marché, totale depuis le 1er juillet dernier – ce n'est pas si ancien. Cela signifie que les ménages ont désormais accès au secteur concurrentiel, tout cela parce qu'en novembre 2002 – je vous rappelle cette date, monsieur Lenoir, que vous avez tendance à oublier – Mme Fontaine, ministre du gouvernement de M. Raffarin, a fait du zèle au niveau européen. C'est ce qui l'a poussée à approuver l'ouverture totale du marché de l'énergie à la concurrence, même pour les particuliers, contrairement à ce qui avait été décidé au sommet de Barcelone quelques mois auparavant.
Nous y sommes : aujourd'hui nos concitoyens sont confrontés à un marché où d'autres opérateurs que les opérateurs historiques sont à même de leur vendre de l'énergie, parfois avec d'autres prestations.
Dans un souci que nous partageons avec M. Lenoir, comme le montre l'amendement qu'il va défendre, nous saisissons l'occasion que nous offre ce texte de proposer des ajustements propres à mettre fin à une situation dommageable, non seulement pour les locataires, mais aussi pour les propriétaires, qui vous sont chers.
Le problème est le suivant : le régime actuel permet à un locataire de faire valoir son éligibilité à la concurrence, c'est-à-dire de quitter le marché régulé, mais interdit de jamais revenir au tarif réglementé, non seulement à lui-même, mais aussi aux locataires qui lui succèderont. En effet ceux-ci ne pourront jamais bénéficier du tarif réglementé, même si le propriétaire du logement est opposé aux choix de son locataire.
Le problème est double : non seulement le choix du locataire interdit à son successeur de jamais revenir au tarif réglementé, mais en outre il pénalise son propriétaire dont le bien est dévalorisé de ce fait.
Ces deux amendements, que vous m'invitez à défendre ensemble, visent à résoudre en partie ces problèmes. Le dispositif que propose l'amendement n° 315 , deuxième rectification, n'est que la copie conforme d'un amendement Lenoir en faveur des entreprises. En effet, à l'initiative de M. Lenoir, alors rapporteur de la loi relative au secteur de l'énergie votée sous la législature précédente, avant qu'il ne soit nommé médiateur national de l'énergie – j'y reviendrai –, l'Assemblée avait adopté la faculté pour les entreprises de bénéficier d'un tarif réglementé transitoire d'ajustement des marchés : une entreprise qui aurait fait le choix de sortir du tarif réglementé peut, pour une durée certes limitée à deux ans, revenir à un tarif proche du tarif réglementé, dit « tarif de retour ».
Par souci d'équité et de parallélisme des formes, je vous propose aujourd'hui de permettre à tout consommateur domestique, qui serait, par inadvertance ou faute d'avoir étudié soigneusement les contrats proposés, sorti du tarif réglementé, d'y revenir dans les mêmes conditions qu'une entreprise. Rien en effet ne justifie le « deux poids deux mesures » selon qu'on est une entreprise ou un ménage.
L'amendement n° 314 , deuxième rectification, vise à rétablir dans ses droits à la fois le propriétaire du logement dont le locataire a fait valoir son éligibilité à la concurrence et le locataire qui lui succèdera : il s'agit de permettre à tout locataire qui succède à un locataire qui serait sorti du tarif réglementé d'y revenir, puisqu'il n'a pas fait lui-même le choix d'en sortir. ( Brouhaha sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Si le sujet peut paraître compliqué à certains de nos collègues, je vous laisse imaginer ce qu'il en est pour les ménages qui y sont confrontés – et M. Novelli ne me démentira pas. Et la question sera encore plus compliquée quand ceux qui auront franchi le pas en sortant du tarif réglementé se rendront compte qu'ils ne pourront plus jamais revenir en arrière, pas plus que ceux qui leur succèderont dans le logement qu'ils louaient.
Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir laissé le temps d'exposer ces deux amendements.
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour défendre l'amendement n° 235 , deuxième rectification, avec la même énergie !
Chacun connaît le problème qui a été créé par la décision prise par le Conseil constitutionnel en novembre dernier.
Nous avions élaboré une loi cohérente, qui prenait en compte les situations dans lesquelles l'ouverture des marchés de l'énergie placerait les consommateurs domestiques.
Après que j'ai conduit les travaux préparatoires au dépôt du projet de loi, au printemps de l'année dernière, nous avions, à mon initiative, imaginé le principe du couple sitepersonne : le droit d'accéder au tarif réglementé était attaché à la fois à la personne et au site, ce qui permettait, en cas de déménagement, de retrouver l'accès au tarif réglementé, même si on avait fait jouer son éligibilité dans le logement précédent, et quelle qu'ait été la décision du précédent occupant du logement que l'on rejoignait. Ce principe du couple sitepersonne permettait de régler d'une façon générale tous les problèmes qui pouvaient se poser aux consommateurs domestiques.
Mais, du fait de la censure du Conseil constitutionnel, la loi en vigueur n'est pas celle que nous avons votée. Je n'ai bien entendu aucun commentaire à faire sur cette décision, mais le texte publié au Journal officiel laissait prévoir tous les problèmes qui sont apparus par la suite.
Nous en avons cependant réglé un par le biais d'un amendement à la loi instituant le droit au logement opposable, qui a été voté à l'unanimité à mon initiative…
Même M. Brottes avait concédé que c'était une bonne idée ! Nous avions donc voté une disposition qui permettait, dès le 1er juillet 2007, aux nouveaux sites de consommation d'avoir accès au tarif réglementé, qu'il s'agisse d'un logement ou d'une entreprise.
Reste le problème crucial, et dont on parle beaucoup depuis le 1er juillet 2007, de la situation du consommateur domestique en cas de déménagement.
Je voudrais dire, après cette présentation compendieuse, et compte tenu des observations de mon collègue François Brottes, que la solution pragmatique proposée par mon amendement consiste tout simplement à donner le droit aux consommateurs domestiques de revenir au tarif réglementé. Ce dispositif serait valable pour une période de trois ans, sur le modèle du dispositif que nous avons adopté concernant le droit au tarif réglementé pour les nouveaux sites à partir du 1er juillet 2007, en gardant à l'esprit que nous pourrons revoir cette question au cours des trois années qui viennent.
L'esprit de cet amendement est donc le même que celui de la proposition de François Brottes. Il faut absolument trouver le moyen d'éviter que la décision d'un seul locataire ne pénalise les consommateurs domestiques, notamment les propriétaires, dont vous vous préoccupez également, monsieur Brottes.
Je souhaite donc que le Gouvernement nous apporte des éléments de solution pour protéger les consommateurs domestiques.
Sans avoir examiné ces amendements, la commission a émis un avis défavorable, dans la mesure où ils n'entretiennent avec le texte qu'un rapport très indirect puisqu'ils visent à remédier aux conséquences de la censure par le Conseil constitutionnel d'une partie de la loi de décembre 2006 sur le secteur de l'énergie. Nous les avons rejetés pour les raisons de principe que j'ai évoquées tout à l'heure.
Même avis.
Par souci d'efficacité législative et par respect des préoccupations de nos concitoyens, car l'heure est grave pour certains, je suis tout à fait disposé, dans une démarche constructive, à ce que nous retirions nos deux amendements pour nous rallier à l'amendement de M. Lenoir.
Je ne sais pas comment je dois prendre cette proposition de notre collègue du groupe socialiste !
Je me permets d'insister auprès du Gouvernement. Le président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, ainsi que beaucoup d'autres membres de la commission tiennent à ce qu'on trouve une solution à ce problème.
L'audition il y a deux jours de M. Philippe de Ladoucette, président de la commission de régulation de l'énergie, s'est révélée extrêmement intéressante, puisqu'il nous a communiqué une information de la plus grande importance, étant donné que la disposition que nous pourrions voter risque d'être censurée par le Conseil constitutionnel : les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous nous retrouverions dans quelques semaines face au même problème.
Ce que nous voulons, c'est protéger les consommateurs domestiques, notamment les plus exposés d'entre eux. Or selon Philippe de Ladoucette, M. Piebalgs, commissaire européen à l'énergie, qu'il a rencontré il y a quelques jours, ne souhaite pas aujourd'hui transmettre le dossier des tarifs réglementés tel qu'il est à la Cour européenne de justice. Il préfère entamer les discussions avec les pouvoirs publics français pour trouver des solutions d'évolution raisonnables. Pour M. Piebalgs, c'est à ces derniers de les imaginer, et c'est pourquoi je me tourne vers le Gouvernement.
Toujours selon M. de Ladoucette, qui se rapporte à une discussion informelle, si on proposait que les onze millions de bénéficiaires d'une aide au logement bénéficient de tarifs dits réglementés, cette solution conviendrait tout à fait à M. Piebalgs.
Dans ces conditions, je vous fais une proposition, monsieur Brottes. Nous savons très bien que la disposition que nous proposons sera censurée par le Conseil constitutionnel, sauf si l'opposition ne lui défère pas le texte…
Ce serait en effet un point extrêmement important, qu'il faut éclaircir dès à présent ! Mais si vous déférez le texte au Conseil constitutionnel, on peut penser que cette disposition sera à nouveau censurée.
En revanche, étant donné le signe d'ouverture envoyé par le commissaire européen à l'énergie, ne pourrions-nous pas élaborer une disposition sur laquelle nous pourrions nous retrouver ? Le président de notre commission souhaite vivement que nous travaillions à trouver une telle solution, qui pourrait prendre la forme d'une proposition de loi.
Nous pourrions alors nous mettre d'accord sur une disposition équilibrée et soigneusement étudiée, qui permette de régler le problème pour, je le rappelle, onze millions de personnes.
Si le Gouvernement était favorable à ce qu'une telle proposition de loi puisse être inscrite rapidement à l'ordre du jour de notre assemblée, je suggère que nous retirions nos amendements, et je retirerais le mien à titre personnel.
Si M. Lenoir retire son amendement, je ne peux plus m'y rallier, car il est difficile de se rallier à ce qui n'existe plus. Je maintiendrai donc nos amendements au nom de mon groupe.
Ce n'était qu'une proposition, et non pas une décision définitive, et d'ailleurs, monsieur le président, vous l'avez bien comprise comme telle !
Nous avons saisi le Conseil constitutionnel du projet de loi de privatisation de Gaz de France parce que nous considérions que la privatisation de Gaz de France ne pouvait pas être effective avant le 1er juillet 2007, et le Conseil a partagé ce sentiment.
Mais il avait préalablement fait en sorte d'éliminer du texte toute particularité susceptible de constituer un monopole en faveur de Gaz de France, notamment la possibilité de proposer des tarifs réglementés. C'est cela qui a justifié les choix du Conseil constitutionnel.
Or, mon cher collègue, votre amendement propose, à la différence du nôtre, de limiter cette disposition dans le temps, ce qui ne me paraît pas nécessairement incompatible avec la décision du Conseil constitutionnel que vous évoquiez ni avec la philosophie qui commence à gagner du terrain à la Commission européenne, qui se rend bien compte qu'à force d'être extrémiste en tout, on n'est pragmatique ni efficace en rien. Sans vouloir influencer notre collègue Lenoir, qui est un homme pleinement responsable, il ne me semblerait donc nullement inutile que le médiateur en titre du secteur de l'énergie soumette son amendement au vote, de manière à ce que, d'ici à la réunion de la commission mixte paritaire, des dispositions précisant le bénéfice de cette réouverture du droit d'accès au tarif réglementé puissent être mises en vigueur.
Aujourd'hui, il faut donner un signal fort à l'ensemble des consommateurs. Certes, durant l'été, on a moins besoin de chauffage – encore que cet été ressemble quelque peu à l'hiver ou à l'automne –, mais tout va désormais aller très vite. Si le législateur ne donne pas un signal fort dans cette période, il est à craindre que les dégâts collatéraux que nous imaginons tous puissent être déjà graves pour ceux qui risquent de se désabonner en masse.
La parole est à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
Sur un sujet aussi complexe, le Gouvernement souhaitait, comme le rapporteur général, adopter une stratégie d'examen de l'article 3 et des amendements y afférents qui ne nous écarte pas trop du sujet, afin d'éviter un débat certes important, mais dont vous avez bien illustré, monsieur Lenoir, malgré la clarté de votre exposé, la complexité particulière.
Le Gouvernement partage votre analyse quant à la difficulté de la question. Cette analyse est aussi celle du sénateur Poniatiowski, qui a déposé une proposition de loi qui rejoint, je crois, votre amendement.
Ce dossier comporte également, comme vous l'avez rappelé, une dimension communautaire. Il me paraît judicieux que, comme vous le suggérez, le Parlement fasse une proposition de loi. J'engage, quant à moi, les services de mon ministère et ceux du ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, également très concerné par cette mesure, à coopérer à ces travaux et à prendre l'attache de la Commission européenne, pour nous assurer que cette proposition soit conforme tant au droit communautaire et à nos engagements envers l'Union européenne qu'au droit français et à l'exigence de constitutionnalité.
Je remercie Mme la ministre des précisions qu'elle vient d'apporter et de l'ouverture qu'elle vient de faire, qui rejoint notre préoccupation. Il importe d'être efficaces. À quoi bon mettre aux voix et adopter une disposition qui serait censurée demain par le Conseil constitutionnel ? Ce serait jeter de la poudre aux yeux.
Pour être efficaces, il conviendrait de travailler en tenant compte de l'ouverture faite par le commissaire européen, et dont nous avons eu très récemment connaissance, à l'élaboration d'une proposition de loi. Ce travail pourrait d'ailleurs être ouvert à de nombreux parlementaires et l'opposition pourrait fort bien s'y joindre à nous.
Nous aurions ainsi un dispositif conforme à la directive européenne et aux souhaits de la Commission, et qui n'encourrait pas la censure du Conseil constitutionnel.
Je retire, je le répète, l'amendement no 235 , deuxième rectification.
L'amendement no 235 , deuxième rectification, est donc retiré.
La parole est à M. François Brottes.
L'histoire retiendra qu'il y a ceux qui font des propositions de lois, y compris au Sénat, et ceux qui proposent des textes clairs pour permettre au locataire qui succède à un autre locataire qui a renoncé au tarif réglementé de bénéficier à nouveau de ce tarif. Tel est l'objet des amendements nos 314 , deuxième rectification, et 315, deuxième rectification, que nous maintenons.
Madame la ministre, si le gouvernement précédent – dont il me semble que vous faisiez partie – avait pris l'attache de la Commission européenne pour la mise en place du tarif de retour pour les entreprises, peut-être n'aurions-nous pas la réponse et, si nous avions une réponse, celle-ci aurait certainement été négative. Il faut donc un peu d'audace, et cela d'autant plus que notre interlocuteur sur ces questions n'est pas forcément le commissaire chargé de l'énergie – qui est au demeurant un homme très sympathique –, mais peut-être plutôt Mme Kroes, qui a succédé à M. Monti, lequel, à en juger par les décisions de justice prises hier, avait eu quelques excès de zèle à l'égard notamment de la fusion entre Schneider et Legrand.
Des millions de foyers sont concernés par cette disposition. La date du 1er juillet est désormais passée, madame la ministre, et les décisions s'exécutent. Nous ne pouvons pas attendre, car la mesure est en vigueur et les ménages sont confrontés à la situation. Il importe donc que le législateur national donne un signal maintenant. Nous savons en effet comment les choses se passent, et je le rappelle pour nos nouveaux collègues : quand on dit qu'on réfléchit à un projet, cela prend généralement des mois, et quand on veut que ce projet soit pleinement validé par la Commission européenne, il faut des siècles, ou tout au moins des décennies.
Dans cette situation d'urgence qui risque de mettre à mal bon nombre de familles de notre pays, il est donc utile de donner un signal au cours de ce débat et de permettre à un locataire de revenir au tarif réglementé lorsqu'il loue un appartement que le locataire précédent avait fait sortir du tarif réglementé.
Nous maintenons donc ces deux amendements.
Je mets aux voix l'amendement no 314 , deuxième rectification.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'amendement no 315 , deuxième rectification.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement no 268 .
La parole est à M. Philippe Vigier, pour le soutenir.
Nous sommes évidemment favorables au soutien à l'accession à la propriété, mais vous connaissez également notre souci de bonne gestion des finances publiques. L'amendement no 268 vise donc à ce qu'un rapport soit présenté chaque année à la commission des finances de l'Assemblée et du Sénat, et que le premier le soit avant le 1er décembre 2008.
En effet, le retard considérable de la France, où 56 % seulement des ménages sont propriétaires de leur logement, est une urgence sociale, et il convient de relever ce niveau pour atteindre une proportion de 75 %, comme dans d'autres pays de l'Union européenne.
Je voudrais aussi témoigner de la fierté de ceux qui peuvent accéder à la propriété en achetant l'appartement dont ils sont locataires. Dans ma commune, par exemple, trente logements appartenant à des offices HLM ont été vendus à ces locataires qui, pour quelques dizaines d'euros, sont devenus propriétaires, en sont fiers et ont engagé des travaux. Cette expérience mérite d'être poursuivie.
Cette mesure sera également importante pour les jeunes, pour qui l'accession à la propriété intervient beaucoup plus vite qu'il y a quelques années.
Cependant, cette mesure étant coûteuse, il nous paraît indispensable d'éviter qu'elle soit captée par les établissements bancaires – les taux d'intérêt ont déjà augmenté – et par les promoteurs, qui gommeraient cet effort financier.
Le bilan présenté par le rapport que nous proposons nous permettra de voir très simplement si cette mesure soutient les PME du bâtiment et des travaux publics, secteurs porteurs du développement d'emplois, et si elle a, ou non, un impact sur le nombre de logements construits, compte tenu notamment du fait qu'elle permettra à des organismes HLM de reconstruire de nouveaux logements sociaux avec les fonds récupérés en vendant certaines zones pavillonnaires à leurs locataires.
Voilà donc pourquoi nous souhaitons que soit effectué, année après année, un bilan d'évaluation. Cela me semble aller dans le sens de la volonté d'évaluation des politiques publiques annoncée par le Gouvernement.
La commission a adopté l'amendement no 268 . Il apparaît cependant, à la relecture de cet amendement, qu'il faut qualifier le crédit d'impôt qu'il mentionne : les crédits d'impôt sont si nombreux ! (Sourires.)
Il conviendrait donc de rectifier l'amendement no 268 en insérant, après les mots : « le crédit d'impôt » les mots : « visé par l'article 200 quaterdecies du code général des impôts ».
rapporteur général. Ces amendements sont satisfaits par l'amendement no 268 . (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
Même avis que la commission. Il doit être bien entendu, cependant, que le premier rapport, dont la remise est prévue pour le 1er décembre 2008, présentera un caractère particulier, puisqu'il ne portera pas sur une année complète.
Je mets aux voix l'amendement no 268 , tel qu'il vient d'être rectifié.
(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)
Volontiers pour les deux premiers, monsieur le président. Toutefois, l'amendement no 286 , qui concerne plus particulièrement l'outre-mer, sera défendu par M. Lurel.
Nous sommes au moins d'accord sur un point : si on veut faire reculer la crise du logement – je ne parle pas de la supprimer, car nous savons bien que nous sommes là dans un domaine où l'on n'obtient de résultats qu'à moyen et long terme –, il nous faut actionner toutes les possibilités, tous les dispositifs, tous les secteurs, qu'il s'agisse du locatif social ou privé ou de l'accession sociale ou privée.
Comme l'a montré en revanche l'ensemble du débat sans concession, mais très respectueux des personnes, que nous avons eu sur l'article 3, notre désaccord est très réel sur les moyens publics consacrés aux différents segments de l'aide publique. Que consacre-t-on au logement locatif social et à l'accession sociale ? Quels crédits d'impôt consacre-t-on à l'investissement locatif privé et à l'accession privée ?
Avec cet article 3, ce sont 3,5 milliards d'euros que nous consacrons à l'accession privée. C'est disproportionné par rapport aux moyens consacrés aux autres segments. L'objet de ces différents amendements est donc d'avoir une vision claire des différentes aides publiques apportées à chacun de ces segments. L'amendement no 282 porte ainsi sur le crédit d'impôt, le no 284 sur le bouclier logement, qui vise à éviter que la charge qui pèse sur les ménages dépasse 25 % de leurs ressources. L'amendement no 285 est consacré, quant à lui, aux aides à la personne et à leurs conséquences sur la solvabilité de leurs bénéficiaires. L'amendement no 286 , enfin, plus spécifique à l'outre-mer, sera présenté, je le rappelle, par mon collègue Victorin Lurel.
Plus nous aurons une vision claire de la répartition de l'aide publique, plus notre débat se simplifiera. Nous contribuerons ainsi à faire reculer un peu la crise du logement, qui est majeure dans notre pays.
Je suis saisi d'un amendement n° 286 .
La parole est à M. Victorin Lurel, pour le soutenir.
L'amendement n° 286 est un amendement d'appel, qui vise à faire préciser par le Gouvernement la politique qu'il entend conduire dans les outre-mers français en matière de logement.
La situation catastrophique, calamiteuse, que nous connaissons est connue. Le texte soumis à notre agrément vise à créer un crédit d'impôt sur le revenu au titre des intérêts d'emprunt supportés pour l'acquisition ou la construction de l'habitation principale. Mme la ministre a précisé que ce crédit d'impôt n'est pas exclusif des dispositifs de défiscalisation et de déduction de l'impôt sur le revenu qui s'appliquent dans les outre-mers.
Malgré ces dispositifs incitatifs, cependant, nous vivons une situation lancinante et récurrente, de crise permanente. Vous en connaissez les motifs : en cinq ans, le budget de l'outre-mer a perdu 600 millions d'euros. Le crédit affecté à la politique du logement dans les outre-mers est la ligne budgétaire unique – la LBU.
La politique du gouvernement précédent a été proprement étrillée par le sénateur UMP Henri Torre, qui a mis en cause trois ministères : le ministère des DOM bien entendu – on sait ce que pense la Cour des comptes de la sincérité des comptes de l'outre-mer –, le ministère du logement et, bien sûr, le ministère du budget. Il estime qu'il y a depuis trop longtemps, en particulier depuis 2004, une politique suicidaire, une gestion hasardeuse du Gouvernement sur ce sujet, qui a conduit à une situation sans précédent, avec une dette en matière de logement social qu'il évalue entre 500 millions et un milliard d'euros !
Ce projet de loi vise à faire des Français des propriétaires. Mon excellent collègue Philippe Vigier a rappelé que nous étions en dessous de la moyenne européenne – 56 % des Français sont propriétaires de leur logement alors que la moyenne en Europe est de 75 %. Mais, dans les outre-mers, c'est pire encore lorsqu'on veut accéder au logement : l'accession sociale, le logement social, c'est une véritable catastrophe. Nous demandons au Gouvernement quelle est sa politique. Madame la ministre, avez-vous l'intention de corriger les baisses des crédits d'État ? Avez-vous l'intention de trouver du foncier disponible ? Ainsi, en Guadeloupe, nous avons 2 300 hectares de terres en délaissement, suite à une réforme foncière des années 1985, qui sont dévolues aujourd'hui aux ayants droit et aux héritiers des colons partiaires ; rendez-vous compte : un régime qui vient de l'esclavage ! Or ces terres pourraient être mises à disposition. Compte tenu de la rareté du foncier disponible dans nos régions insulaires, il devient hors de prix. La décohabitation des jeunes ne peut donc pas se faire. Même lorsqu'on a la chance d'avoir un travail – et vous savez que, chez nous, c'est une denrée très rare –, il faut travailler dix ans, voire quinze ans, avant de pouvoir se payer une parcelle de terre et de construire. Il y a là une urgence mobilisatrice. Nous aimerions donc que le Gouvernement précise ses intentions.
Enfin, lorsque l'on fait du social, des loyers plafonds sont fixés…
…mais, compte tenu des indices, du coût du transport, des matériaux, de l'augmentation récente des prix des métaux, des nouvelles normes environnementales, et maintenant des normes parasismiques – c'est dorénavant Eurocode 8, et vous savez que nous avons été victimes de tremblements de terre, en particulier en Guadeloupe –, il n'est pas possible de construire et de produire un logement social à un coût raisonnable et accessible aux familles modestes. Il y a manifestement là une insuffisance récurrente qui est, hélas, le fruit d'une indifférence à ce qui se passe dans les outre-mers.
C'est pourquoi nous demandons au Gouvernement un rapport sur les moyens qu'il entend mettre en oeuvre pour lever les contraintes et les facteurs limitants qui entravent une politique ambitieuse dans les outre-mers français.
Je suis saisi d'un amendement n° 287 .
La parole est àM. Jean-Louis Idiart, pour le soutenir.
Cet amendement vise à définir l'activité de marchand de biens, comme déjà en 1991 un rapport administratif le recommandait. La définition proposée est le préalable nécessaire à la moralisation d'une profession qui joue un rôle central sur le marché du logement.
La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour défendre l'amendement n° 288 .
Cet amendement énonce les conditions nécessaires à l'activité de marchands de biens définie à l'amendement précédent – je pense que cela va aider M. le rapporteur général à dire quelques mots sur le sujet et à répondre à notre amendement,…
…plutôt que de nous inviter à retourner à nos chères études – : un capital social minimum – nous vous aidons, monsieur le rapporteur général – ; un ratio de fonds propres ou une caution bancaire ; une garantie financière pour le cas où le marchand de biens reçoit des fonds avant la livraison du bien ; les assurances et garanties normales en matière de responsabilité civile professionnelle, de bonne fin des opérations, de bonne réalisation des travaux ; enfin, tout logement vendu par un marchand de biens doit être en état décent. Des sanctions dissuasives sont prévues en cas de non-respect de ces règles : interdiction d'exercer, dissolution de la société, amende pénale.
En revanche, des dispositions particulières sont prévues pour les organismes sociaux qui s'occupent de redresser des copropriétés en difficulté.
Vous voyez, monsieur le rapporteur général, nous faisons un certain nombre de propositions…
…nécessaires pour organiser cette profession. Elles vont tout à fait dans le sens d'une plus grande transparence. Leur adoption éviterait à de nombreuses personnes les déboires que l'actualité nous a rapportés à différentes occasions.
Avis défavorable pour les raisons que j'ai déjà exposées : nous avons eu ce débat, avec ces mêmes propositions de votre part, il y a à peine quelques mois, dans le cadre de l'examen de la proposition de loi de Mme Aurillac.
Et je vous renvoie à ce texte de loi parce que j'estime que les mesures qu'il prévoit sont de loin les plus efficaces pour lutter contre les ventes à la découpe. Nous avons donc traité cette question il y a quelques mois, et je vous rappelle, monsieur Idiart, que vous êtes le premier à dire qu'il ne faut pas légiférer sans cesse sur les mêmes sujets. Laissons donc vivre la loi Aurillac.
Quand il s'agit de travestir des actions qui ne sont pas très morales selon nos critères à nous – comme tout ce qu'il y a dans ce projet de loi –, on voit des députés de la majorité défiler à la tribune et habiller toute cette politique avec un verbiage invraisemblable, et en détournant les mots de leur sens, en particulier la « valeur travail ».
Mais quand il s'agit de véritables propositions pour moraliser, ce sont des gros mots pour eux. La lutte contre la fraude, c'est un gros mot. Quand M. Woerth propose – nous en reparlerons – que les bénéficiaires potentiels du bouclier fiscal fassent leurs déductions eux-mêmes sans la curiosité tatillonne de l'administration, vous laissez faire, messieurs les députés de la majorité. Mais lorsqu'il s'agit de moraliser des professions où, en fin de compte, les honnêtes pratiquants sont discrédités par les pratiques de certains qui le sont moins, vous ne voulez rien entendre. D'ailleurs, dans l'amendement de notre collègueJean-Louis Idiart, il ne s'agit pas particulièrement des ventes à la découpe, il s'agit de moraliser ! C'est un mot dont vous ne connaissez pas le sens, ou plutôt dont vous mesurez trop bien les implications, d'où la brièveté du rapport général,…
…et le silence total de votre part, madame la ministre. Je vois d'ailleurs que vous êtes plongée dans des réflexions profondes inspirées par des documents importants… mais vous ne trouvez pas l'inspiration pour nous répondre, et c'est bien dommage !
La parole est àM. Jean-Louis Idiart, pour défendre l'amendement n° 289 .
…puisqu'il s'agit par cet amendement de réserver aux véritables bailleurs de logements la possibilité d'utiliser le congé pour vente. Le marchand de biens ne peut donc plus l'utiliser, sauf lorsqu'il possède un logement depuis six ans, durée d'un bail conclu par une personne morale, et qu'il fait ainsi la démonstration qu'il s'est engagé sur le long terme. Les bailleurs personnes physiques ne sont naturellement pas concernés, ni les personnes morales qui se contentent de louer des logements. Seules sont concernées les sociétés qui bénéficient du statut de marchands de biens.
Vous voyez bien, monsieur le président, ça continue ! De nouveau, on veut moraliser, et de nouveau c'est le silence. Madame la ministre, je croyais que vous aviez perdu l'usage de la parole ; je pense qu'en réalité vous avez perdu l'usage de l'ouïe, parce que, sur un tel sujet, ce n'est pas possible que vous restiez muette ! À moins que ce silence ne couvre des pratiques qu'on ne peut absolument pas accepter. Vous savez bien l'attitude que votre gouvernement – c'est-à-dire ceux qui se sont succédé depuis 2002 – a eue sur ces questions du logement, notamment en matière de saturnisme : vous avez ainsi allégé les peines applicables entre 1997 et 2002 aux propriétaires voyous qui louent délibérément leurs logements alors qu'ils savent qu'ils vont empoisonner des enfants.
Madame la ministre, vous voyez ce qu'il en est de la sincérité de vos positions.
Si j'interviens de nouveau, monsieur le président, c'est pour éclairer les journalistes, qui, à leur tour, vont éclairer l'opinion. Parce que si on en restait aux réponses très succinctes de M. le rapporteur général et de Mme la ministre, cela passerait à l'esbroufe !
Je me permets, monsieur le président, de redemander la parole puisque notre excellent collègueJean-Pierre Brard, avec l'humour qu'on lui connaît, demande une réponse. Tout à l'heure, j'ai fait un long développement qui me paraissait argumenté et étayé, et je n'ai pas reçu de réponse. Rien n'est plus pénible ! Quelquefois, on a un sentiment de frustration, pour ne pas dire de mépris affiché ! Vous vous adressez à deux ministres qui sont présents, et ils ne daignent pas vous répondre ! Pourtant, notre groupe est important, nous représentons nous aussi la nation, et nous aimerions avoir une réponse argumentée. Le rapporteur général dit brièvement, sommairement, sans même le développer : « avis défavorable », alors qu'il y a là une demande de moralisation ! Mon Dieu, une telle demande fait partie de l'action publique ! On aimerait entendre l'avis du Gouvernement sur la question posée. Nous insistons donc sur ce point, monsieur le président.
Monsieur le président, avant d'aborder l'article 4, compte tenu du silence persistant qui doit certainement traduire un état de fatigue profond des membres du Gouvernement et également du rapporteur général, je demande une suspension de séance de vingt minutes pour que mes collègues et moi nous concertions sur la suite des débats.
Après l'article 3
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à dix-neuf heures quarante.)
La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, premier orateur inscrit sur l'article 4.
L'article 4 est sans doute l'un des plus symboliques, mais peut-être aussi le plus injuste de ce projet de loi, compte tenu du très faible nombre de contribuables payant des droits de succession.
Quelques chiffres : 90 % des successions au profit d'époux survivants, 80 % des successions en ligne directe, 75 % de l'ensemble des successions sont déjà exonérées. De plus, 1 % des foyers détient 13 % du patrimoine avec, pour chacun d'entre eux, un montant moyen d'environ 1,270 million d'euros.
Il apparaît donc que les dispositions proposées ne bénéficieront qu'aux contribuables les plus aisés et favoriseront une concentration accrue des patrimoines, au détriment de la mobilité sociale et du dynamisme de l'économie.
De plus, le coût de ce dispositif – qui reste à préciser – pèsera lourd sur les finances publiques puisque, selon les estimations, il dépasserait 1,8 milliard d'euros.
Un certain nombre d'économistes se sont exprimés sur ce sujet, dans la presse ou ailleurs. Je citerais Pierre-Cyrille Hautecoeur, directeur d'études à l'EHESS et membre du comité de direction de l'école d'économie de Paris, qui constate « le caractère totalement injuste de la quasi-suppression des droits de succession, qui améliore la situation des gens dans la meilleure position ». Il indique aussi qu'il est plus efficace de transmettre du capital humain par la formation ou d'investir dans les entreprises.
Dans cette logique, il faudrait encourager les parents à dépenser plus en éducation et en culture, plutôt qu'à accumuler des patrimoines jusqu'à leur décès, car, avec l'allongement de la durée de vie, les enfants auront 40 ou 50 ans, voire plus, lors de la succession. Ce n'est certainement pas à cet âge-là qu'on investit en entreprise.
Une version similaire de cette mesure existe aux États-Unis et elle a été contestée, y compris par deux sénateurs républicains. Peut-être avec un mauvais accent anglais, je vais citer leur nom : Lincoln Chafee du Rhode Island et George Voinovich de l'Ohio. Ils se sont publiquement élevés contre ce genre de dispositions avec des arguments qui s'appliquent directement à la situation française. Selon eux, supprimer des droits de succession en période de difficultés financières est « incroyablement irresponsable et intellectuellement malhonnête ».
S'il peut exister un argument, faible mais réel, selon lequel une suppression des droits de succession pourrait encourager l'épargne et l'investissement si elle était financée, il n'y en a aucun en faveur d'une mesure non financée. Pour cette raison, dans plusieurs amendements, nous vous demanderons la suppression de cet article 4 qui nous paraît vraiment très injuste et qui ne permettra pas de réinjecter ce dont aurait besoin l'économie française.
Nous abordons l'examen de cet article 4 relatif à l'allègement des droits de succession et donations. Cet article se place de façon très claire dans les dispositions que vous souhaitez nous voir adopter dans le cadre de ce texte TEPA. Comme nous le disons depuis le début, il revient à servir une catégorie restreinte de la population.
Le dispositif concernant la donation entre époux – particulièrement dans le cas d'une succession au moment du décès d'un conjoint – peut paraître populaire ; il peut plaire. Mais si on regarde la réalité des successions et des transmissions de patrimoine, on s'aperçoit que cette mesure apparemment juste, soulage surtout certaines catégories marginales.
Aujourd'hui, 80 % des successions en ligne directe sont déjà exonérées de droits de succession. Si les héritiers ne sont pas les enfants mais les époux survivants, ce taux passe à 90 %. Pour l'ensemble des successions en ligne directe ou indirecte, le chiffre se situe à 75 %. Pour une raison simple : le patrimoine moyen transmis lors de successions atteignait 97 700 euros en l'an 2000 ; et une succession sur deux était d'un montant inférieur à 62 000 euros. De plus, les droits s'appliquent sur chacune des parts transmises et non pas directement sur la totalité du patrimoine. Quand des droits sont payés, ils sont loin d'être confiscatoires : le taux moyen se situe à 12,6 %.
En outre, le patrimoine est fortement concentré : 10 % des plus riches détiennent 46 % du total, et leur patrimoine est supérieur à 382 000 euros ; les 1 % des plus riches possèdent 13 % du total et leur patrimoine dépasse 1,270 million d'euros. Quant aux 10 % les plus pauvres, ils possèdent moins de 900 euros de patrimoine brut.
Comme le résume l'économiste Jacques Le Cacheux, l'allègement profitera massivement aux patrimoines les plus élevés, les autres étant déjà exonérés. Il estime que ne pas taxer le patrimoine nuit à la mobilité sociale. Il insiste aussi sur le caractère très néfaste, pour le dynamisme de l'économie, de l'inertie des situations acquises et d'une économie de rentiers.
Au total et une fois encore, madame la ministre, les choix qui sont faits aujourd'hui conduisent à favoriser une catégorie précise de la population. A travers nos amendements, nous dirons que si certaines mesures peuvent paraître justes – notamment celles qui touchent aux successions entre époux – il s'agit de prévoir des plafonds afin d'exclure les personnes pour lesquelles ces avantages ne représenteraient qu'un nouvel effet d'aubaine.
Je pense en effet très sincèrement, madame la ministre, que vous accordez beaucoup de cadeaux dont un certain nombre, nous le verrons plus tard avec les dispositions relatives à l'ISF, finiront par peser lourdement sur nos comptes publics. De sorte que, comme d'habitude, ce sont d'autres catégories de population qui pâtiront du manque à gagner : ceux qui seraient aujourd'hui portés à trouver que vos mesures sont justes sans en bénéficier seront lourdement sanctionnés par leurs conséquences fiscales.
Aussi invitons-nous nos concitoyens, une fois encore, à ne pas se fier aux apparences.
Nous voici donc, avec l'article 4, relatif aux droits de succession, à la cinquième étape de votre métaphore de la moisson : celle de la transmission des fruits de son travail que vous entendez faciliter en exonérant des droits de mutation 95 % des successions.
On ne pourra pas vous faire le reproche d'incohérence, puisque le programme de l'UMP évoque une suppression au bénéfice de 95 % des ménages. J'ajoute que le Président Nicolas Sarkozy s'avançait pour sa part sur l'idée d'une exonération totale, combinant les influences de M. Balladur sur la France des propriétaires et de George Bush dans le combat mené par les conservateurs américains contre l'impôt sur la mort.
Il nous faut par ailleurs poser la question : quel est le coût de cette mesure ? Précisons pour commencer que les successions et les donations, comme cela vient d'être dit, sont déjà largement exonérées : d'ores et déjà, plus de 80 % d'entre elles ne donnent pas lieu au paiement de droits.
L'exonération totale pour les successions revient à 7,5 milliards d'euros pour l'exercice 2007 : c'est le chiffre figurant dans les voies et moyens annexés au projet de loi de finances. Quant à l'exonération pour les donations, elle représente 1,3 milliard d'euros.
Vous avez, madame la ministre, détaillé devant la commission les mesures proposées en ce domaine et chiffré leur coût à 2,2 milliards d'euros. Je veux rappeler que les mesures contenues dans ce projet s'inscrivent dans la suite logique de la multiplication des mesures prises depuis 2002, lesquelles allaient déjà dans le sens de cadeaux fiscaux offerts aux détenteurs de patrimoines importants.
Nous savons pourtant que la majorité des familles ne sont pas soumises aux droits de succession et ne sont donc pas concernées par la suppression de ces droits. Nous savons aussi que les droits s'appliquent à des parts transmises et non pas directement à la totalité du patrimoine. Les parts transmises en ligne directe étaient en moyenne inférieures, en 2005, à l'abattement alors applicable de 46 000 euros puisqu'elles représentaient 34 000 euros pour les successions et 29 500 euros pour les donations, d'où un pourcentage très élevé de transmissions exonérées.
En fait, nous sommes face à deux logiques différentes. Vous vous attachez à faire l'amalgame entre le patrimoine transmis en fin de vie et le « produit des efforts de toute une vie », entretenant ainsi le fantasme collectif selon lequel l'État viendrait spolier les Français.
Nous préférons pour notre part nous pencher sur la composition des patrimoines et rétablir la réalité des successions. Nous pouvons affirmer que les inégalités de patrimoine sont plus importantes que les inégalités salariales. L'enquête de l'INSEE Patrimoine 2004 nous rappelle d'ailleurs que les bénéficiaires d'héritages et de donations sont plus fréquemment des ménages appartenant aux catégories sociales les plus favorisées.
L'article 4 s'inscrit donc directement dans la continuation des cadeaux fiscaux offerts par votre majorité depuis 2002 aux détenteurs de patrimoines importants.
Cet article relatif aux droits d'enregistrement sur les donations et successions a été présenté, dans la presse, de manière relativement partielle. En effet, dans le droit fil des déclarations du Président de la République, on a longuement disserté sur la baisse des droits de succession et la nécessité de « pouvoir transmettre à ses enfants le produit d'une vie de travail ».
Un tel discours pouvait trouver un écho, le fait de déclencher une succession faisant en effet immanquablement penser à la perte d'un être cher. Et l'émotion légitime qui entourait le débat avait au moins deux caractères : le premier était celui de faire oublier très vite que la plus grande partie des successions ouvertes dans notre pays sont parfaitement exemptées du moindre droit ; le second de masquer que l'alignement du régime des donations sur celui des successions était un formidable cadeau offert aux détenteurs de gros patrimoines.
Pour ce qui concerne les successions, nous l'avons dit et redit, peu d'entre elles sont aujourd'hui imposables au regard du nombre de décès enregistrés. Si l'on se fie à la documentation ministérielle disponible, on enregistre en effet 118 035 successions imposables en 2006, dont un peu plus de 24 000 en Île-de-France et autant dans les deux régions Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur. Ces trois régions, avec un peu plus de 40 % des opérations ouvertes, capitalisent dans le même temps 52 % du montant des droits perçus.
S'agissant des donations, les droits perçus sont plus faibles – environ 1,4 milliard d'euros –, mais le nombre des opérations est beaucoup plus important avec près de 230 000 actes, concentrés de manière prioritaire sur les trois mêmes régions : ce sont en effet 34,4 % des actes enregistrés qui y sont rédigés. Toutefois, les montants transmis sont autrement plus importants puisque près de 60 % des droits sont perçus dans ces trois régions. Les donations parisiennes et franciliennes sont sans doute plus importantes encore, puisqu'une donation moyenne y génère plus de 19 800 euros de droits, contre seulement 6 000 euros en Provence, 5 600 euros en Rhône-Alpes ou encore 2 720 euros dans le Limousin.
En fait, la réalité des droits sur les donations est simple : il existe une moyenne nationale d'un montant légèrement supérieur à 6 100 euros, laquelle, dans les faits, n'est dépassée que dans la région Île-de-France et plus particulièrement à Paris, dans les Hauts-de-Seine et les Yvelines.
Le dispositif préconisé est donc une « très forte incitation » – pour reprendre les termes du rapporteur général – à la transmission anticipée du patrimoine. C'est aussi l'application dans notre régime fiscal du proverbe : « Il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier ». En défiscalisant à hauteur de 150 000 euros les donations pour chaque parent et en permettant le cumul de cette mesure avec un don en numéraire de 20 000 euros par donataire, on va permettre à quelques familles particulièrement fortunées de se mettre en situation de gérer au mieux leurs intérêts en se libérant notamment d'une partie de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Car, chacun l'a bien compris, il s'agit de gagner sur tous les tableaux. D'une part en allégeant la fiscalité sur les transmissions anticipées de patrimoines, et dans des proportions qui laissent tout de même plus que rêveur quant à la justice fiscale : 150 000 euros de franchise par donataire, c'est la possibilité, quand on a du bien et cinq enfants majeurs, de se libérer de 750 000 euros d'actifs, soit pratiquement le plancher d'imposition de l'ISF. Est-ce le retour de la dot, obligation étant faite de la constituer avant le mariage de chacun des enfants ? (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) J'étais sûr que cette allusion vous plairait ! (Sourires.)
D'autre part, les contribuables concernés pourront cumuler cet avantage avec une réduction sensible du montant de l'ISF à due concurrence des biens détenus.
Prenons l'exemple d'un couple ayant quatre enfants et disposant d'un patrimoine de 2 millions d'euros – cela arrive ! –, dont environ 300 000 euros en liquidités bancaires immédiatement disponibles. Dès l'adoption de votre loi, ce couple pourra bénéficier d'une marge de donation pour un montant de 1,2 million d'euros en pleine propriété et de dons en numéraire de 160 000 euros, le tout sans frais. Outre l'économie de droits sur la donation, que je vous laisse imaginer, ce couple se retrouvera sous le plancher d'imposition de l'ISF avec un actif net de 640 000 euros. Le résultat est perceptible dès l'année suivante : au lieu de plus de 8 000 euros de droits au titre de l'ISF, on aboutit à zéro : une chance au grattage, un bonus au tirage ! Bien entendu, la mesure est encore plus profitable si vous avez la malchance de figurer dans la tranche la plus élevée de l'ISF. Si l'impôt ne disparaît pas, il peut en effet être réduit de 24 120 euros dans le cas que nous venons d'exposer.
Voilà la réalité de votre conception de la réforme de notre système de prélèvements obligatoires, laquelle, reconnaissez-le, n'a pas grand-chose à voir avec la réhabilitation du travail comme valeur, si ce n'est comme valeur exploitée au bénéfice des détenteurs de patrimoines fondés sur le travail des autres ! C'est aussi cela qu'il convient de souligner dans le cadre de la discussion de cet article.
Je me suis intéressé à un cas concret figurant à la page 182 du rapport de M. Carrez, où est présentée la transmission d'un patrimoine par donation et succession. L'un des paragraphes est particulièrement intéressant et a le mérite de la clarté.
Je vous en donne acte. On y lit qu'« un patrimoine de 1,5 million d'euros » – soit presque 10 millions de francs : ce n'est pas rien ! – « a pu être transmis par un couple à ses deux enfants en franchise de droits ».
Tout à fait : l'exemple est très clair. Comme vous avez l'honnêteté de le reconnaître, l'économie pour ce couple sera, par au rapport dispositif actuel, d'un peu plus de 200 000 euros.
Cela appelle au moins deux questions. La première, essentielle, est de savoir si le dispositif que vous proposez réduira les inégalités. Bien sûr que non, au contraire : il ne fera que les accroître puisqu'il n'intéresse qu'une infime minorité de nos concitoyens, lesquels pourront désormais échapper à l'impôt grâce à votre objectif inavoué de vider l'ISF de son contenu.
Seconde question : vous parlez très souvent de la « valeur travail », mais une telle mesure l'encourage-t-elle vraiment ? Pas davantage, puisqu'elle favorise au contraire la rente : les heureux bénéficiaires du nouveau dispositif n'auront qu'à s'attacher les services d'un bon conseiller fiscal. Pour les autres, c'est-à-dire l'immense majorité des Français, j'entends déjà votre réponse : il faudra « travailler plus pour gagner plus ».
On perçoit bien le sens de cet article comme de votre politique économique et fiscale. Deux poids, deux mesures : si vous gagnez le SMIC, pas de coup de pouce au 1er juillet ; si vous disposez d'un gros patrimoine, c'est le coup de pouce du 12 juillet. Cherchez l'erreur !
Nous avons terminé d'entendre les orateurs inscrits sur l'article 4.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 4, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat :
Rapport, n° 62, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan,
Avis, n° 61, de M. Dominique Tian, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
Avis, n° 59, de M. Jean-Charles Taugourdeau, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire,
Avis, n° 58, de M. Sébastien Huyghe, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton