Nous abordons l'examen de cet article 4 relatif à l'allègement des droits de succession et donations. Cet article se place de façon très claire dans les dispositions que vous souhaitez nous voir adopter dans le cadre de ce texte TEPA. Comme nous le disons depuis le début, il revient à servir une catégorie restreinte de la population.
Le dispositif concernant la donation entre époux – particulièrement dans le cas d'une succession au moment du décès d'un conjoint – peut paraître populaire ; il peut plaire. Mais si on regarde la réalité des successions et des transmissions de patrimoine, on s'aperçoit que cette mesure apparemment juste, soulage surtout certaines catégories marginales.
Aujourd'hui, 80 % des successions en ligne directe sont déjà exonérées de droits de succession. Si les héritiers ne sont pas les enfants mais les époux survivants, ce taux passe à 90 %. Pour l'ensemble des successions en ligne directe ou indirecte, le chiffre se situe à 75 %. Pour une raison simple : le patrimoine moyen transmis lors de successions atteignait 97 700 euros en l'an 2000 ; et une succession sur deux était d'un montant inférieur à 62 000 euros. De plus, les droits s'appliquent sur chacune des parts transmises et non pas directement sur la totalité du patrimoine. Quand des droits sont payés, ils sont loin d'être confiscatoires : le taux moyen se situe à 12,6 %.
En outre, le patrimoine est fortement concentré : 10 % des plus riches détiennent 46 % du total, et leur patrimoine est supérieur à 382 000 euros ; les 1 % des plus riches possèdent 13 % du total et leur patrimoine dépasse 1,270 million d'euros. Quant aux 10 % les plus pauvres, ils possèdent moins de 900 euros de patrimoine brut.
Comme le résume l'économiste Jacques Le Cacheux, l'allègement profitera massivement aux patrimoines les plus élevés, les autres étant déjà exonérés. Il estime que ne pas taxer le patrimoine nuit à la mobilité sociale. Il insiste aussi sur le caractère très néfaste, pour le dynamisme de l'économie, de l'inertie des situations acquises et d'une économie de rentiers.
Au total et une fois encore, madame la ministre, les choix qui sont faits aujourd'hui conduisent à favoriser une catégorie précise de la population. A travers nos amendements, nous dirons que si certaines mesures peuvent paraître justes – notamment celles qui touchent aux successions entre époux – il s'agit de prévoir des plafonds afin d'exclure les personnes pour lesquelles ces avantages ne représenteraient qu'un nouvel effet d'aubaine.
Je pense en effet très sincèrement, madame la ministre, que vous accordez beaucoup de cadeaux dont un certain nombre, nous le verrons plus tard avec les dispositions relatives à l'ISF, finiront par peser lourdement sur nos comptes publics. De sorte que, comme d'habitude, ce sont d'autres catégories de population qui pâtiront du manque à gagner : ceux qui seraient aujourd'hui portés à trouver que vos mesures sont justes sans en bénéficier seront lourdement sanctionnés par leurs conséquences fiscales.
Aussi invitons-nous nos concitoyens, une fois encore, à ne pas se fier aux apparences.