La deuxième erreur fut de fonder la politique de logement social sur des aides plus importantes à la démolition qu'à la rénovation. Le nombre de logements sociaux s'est donc réduit au moment même où les prix dans le privé augmentaient considérablement.
Au cours de la discussion générale, mardi dernier, j'ai dit que ce projet de loi réussissait à combiner l'injustice sociale et l'inefficacité économique ; je crois que c'est particulièrement vrai pour cet article 3.
S'y ajoute un effet pervers. Au premier abord – c'est certainement pour cette raison qu'il nous est proposé – cet article paraît assez séduisant. D'autres l'ont dit avant moi, les députés de la majorité ont fait campagne sur cette mesure, faisant croire aux personnes désirant accéder à la propriété qu'elles auraient des facilités pour le faire. Malheureusement, ce ne sera pas le cas.
Lorsque cet article a été discuté en commission, j'ai été surpris de constater qu'il a soulevé sur tous les bancs de très nombreux problèmes - toujours pour la même raison, d'ailleurs : on voudrait nous faire croire qu'une seule mesure fiscale résoudra une question aussi complexe, ce qui est évidemment impossible. Le rapporteur général lui-même a relevé – cela figure, je crois, dans le compte rendu de la commission – que nous étions passés d'une mesure de soutien au logement, ce qui aurait pu être une bonne chose, à une mesure de soutien au pouvoir d'achat. Or c'est toujours le même problème : pourquoi n'accorder ces aides qu'à une petite catégorie de personnes ? Il ne s'agit pas seulement de savoir si l'on est locataire ou propriétaire : ceux qui sont propriétaires depuis plus de cinq ans n'auront rien, tout comme les locataires qui n'ont pas l'intention de devenir propriétaires. Je n'ai rien contre les mesures fiscales, mais pourquoi ne pas en envisager d'autres, par exemple un élargissement de l'aide personnalisée au logement ?
Comme nos interventions sont trop souvent caricaturées, je précise que je ne souhaite nullement engager un débat idéologique sur la question de la propriété privée du logement. Mme la ministre a dit en commission que l'accès à la propriété contribuerait à l'intégration dans la société. Ayant eu la chance de faire un voyage d'étude sur la question du logement chez nos voisins néerlandais, dont la grande majorité est locataire, franchement, j'en doute. Dans certaines villes hollandaises, la question qui se pose est d'avoir, non pas comme chez nous 20 % de logements sociaux, mais 20 % de logements locatifs privés ! Plus de huit logements sur dix appartiennent à la collectivité ! Je ne crois pas que l'on vive plus mal aux Pays-Bas qu'en France…
Par ailleurs, si chacun est libre de vouloir être propriétaire ou locataire, certaines personnes n'ont pas la possibilité de choisir : elles sont obligées d'être locataires. Il est bien dommage que vous ne prévoyiez rien pour ces personnes-là ! Là encore, vous réduisez le problème du logement à une seule mesure, alors que j'aurais aimé au contraire un vrai programme allant du logement d'urgence à l'accession à la propriété, en passant par le logement social et le locatif privé - qui, il ne faut pas l'oublier, joue lui aussi un rôle important. Et j'aurais aimé que les exonérations fiscales soient assorties de contreparties, notamment d'un encadrement des loyers, dont l'augmentation, comme celle à laquelle nous avons assisté ces dernières années, est une grande préoccupation pour nombre de nos concitoyens.
J'aborde maintenant les effets négatifs de cette mesure, notamment par rapport à votre objectif de favoriser l'accession à la propriété. Survenant au moment où, après des années et des années de hausse, toute la presse se fait l'écho, non d'une baisse, mais du moins d'une stabilisation des prix de l'immobilier dans la plupart des grandes villes françaises, cette mesure risque, je le crains, de faire repartir un peu partout les prix à la hausse. Nous sommes nombreux sur ces bancs à imaginer déjà comment les promoteurs immobiliers pourront faire miroiter dans leurs campagnes publicitaires les avantages du dispositif – en en précisant bien entendu les conditions en caractères minuscules. Ces mêmes promoteurs ne seront évidemment pas enclins à négocier les prix de vente – alors que, d'après les professionnels de l'immobilier, ils recommençaient à le faire. Quant aux banques, elles risquent elles aussi de ne faire aucun effort pour baisser leurs taux d'intérêt, puisqu'elles pourront toujours promettre à leur client l'avantage fiscal sur les intérêts d'emprunt. En commission, M. de Courson – dont je regrette l'absence – a donné un remarquable exemple de la manière dont les banques pourraient détourner le dispositif à leur profit. Je crains donc qu'au final, les accédants à la propriété n'en soient les victimes, du fait de la relance des prix et des taux d'intérêt.