Aujourd'hui en France, l'urgence est à la construction massive de logements locatifs sociaux réellement adaptés – et l'adjectif est important – aux besoins de nos concitoyens. Pourtant, face à la crise du logement, le Gouvernement propose un crédit d'impôt calculé sur les intérêts d'emprunts immobiliers.
La mesure proposée est en recul par rapport aux engagements pris par le Président de la République durant sa campagne. Ainsi, ce ne sont ni la totalité des intérêts d'emprunt, ni l'ensemble des prêts immobiliers qui seront visés. Tant mieux d'ailleurs pour les comptes publics !
En dehors de l'effet d'annonce, cette mesure apparaît comme un cadeau fiscal supplémentaire, une niche de plus, car elle ne peut pas être considérée comme une incitation spécifique à l'accession à la propriété. En effet, le crédit d'impôt sera ouvert à tous les Français, y compris à ceux qui sont déjà propriétaires et qui changent de résidence principale. Nous souhaitons, pour notre part, réserver cette mesure aux primo-accédants.
Notre débat devra trancher la question de savoir si le crédit d'impôt concernera l'ensemble des emprunts immobiliers en cours, incluant donc les emprunts contractés pour l'acquisition de la résidence principale depuis cinq ans au plus. De nombreux collègues de la majorité nous ont dit avoir mené leur campagne sur cet engagement. Nous voyons ici un exemple de plus de l'écart entre les promesses et l'épreuve des faits. Cette mesure ne saurait donc avoir pour objet de favoriser l'accession à la propriété ; il s'agit d'un simple bonus fiscal.
Le bénéfice financier sera, pour un couple avec deux enfants, de 1 700 euros par an au maximum. En moyenne, l'avantage représentera 4 % du montant du bien acheté, soit moins que la moitié des frais notariés. Ce crédit d'impôt ne peut donc être déterminant dans la décision d'acheter. À preuve, en 1997, le gouvernement Juppé n'avait-il pas supprimé un dispositif semblable rapidement jugé inefficace ?
Par ailleurs, cette mesure viendra encore alimenter l'inflation de l'immobilier que les ménages français, désireux de devenir propriétaires, subissent depuis de nombreuses années, et contribuera à exclure les plus modestes du marché du logement. Ainsi, Étienne Wasmer, économiste du travail, chercheur à l'OFCE, juge que cette déduction est « dans le timing actuel, une mesure qui va contribuer à augmenter la demande de crédit et à donc à soutenir les cours » de l'immobilier. Et il résume ainsi son analyse : « Bilan : une nouvelle niche fiscale, une contribution à l'augmentation des prix de l'immobilier, un transfert des pauvres vers les riches. Une vraie mesure de droite. »
Si l'effet pour l'acquéreur est de fait modeste, le poids pour les finances publiques, lui, ne l'est pas. Le coût budgétaire est de l'ordre de 3 milliards d'euros par an. Comment financer une telle mesure, comme d'ailleurs toutes celles comprises dans votre texte ?
On peut aussi légitimement craindre pour l'avenir du prêt à taux zéro. Notre jeune collègue Corinne Erhel s'est fait l'écho de nos inquiétudes. Malgré l'extension de ce prêt aux classes moyennes supérieures décidée par le précédent gouvernement, le PTZ reste, pour le moment, l'outil essentiel d'accession à la propriété pour les ménages modestes. Quel sort lui sera réservé ?
Pour notre part, je le répète, ce type de crédit d'impôt doit être réservé aux ménages pour leur premier achat immobilier.
Par ailleurs, l'effort de l'État en faveur du logement social annoncé par le Premier ministre dans son discours de politique générale – 120 000 logements par an – peut-il encore s'accommoder de la niche fiscale que constitue l'exonération Robien ? Il faudra bien rouvrir le débat dans le PLF pour 2008. En effet, que constatons-nous dans nos villes et même dans nos campagnes ? Des logements, oui – dont vous vous attribuez le mérite de la construction – mais des logements vides ! Une décision publique doit aussi être juste socialement. Nous en sommes loin avec votre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)