Le crédit d'impôt proposé par cet article reste totalement inaccessible pour une grande partie de la population. Comme le soulignaient, le 4 juillet, Bertrand Bissuel et Isabelle Rey-Lefebvre dans les pages « analyses » du Monde, « les ménages dont les revenus sont inférieurs ou égaux à deux SMIC représentaient 16,1 % des accédants en 2005 contre 28,5 % dix ans auparavant ». En outre, le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre montre que la diffusion de la propriété est en recul chez les catégories les plus modestes.
De son côté, dans un article daté du 7 juin intitulé Qui va profiter du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt ? l'Observatoire des inégalités montre qu'« avec l'instauration d'un crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt, le Gouvernement gaspille l'argent public au profit des couches aisées » et que « cette mesure va profiter à ceux qui ont la capacité d'emprunt la plus élevée, c'est-à-dire ceux qui achètent les biens les plus chers, aux revenus les plus élevés. »
Plusieurs simulations ont été réalisées par le Syndicat national unifié des impôts. Pour une personne célibataire qui gagne 1 500 euros par mois et qui en emprunte 61 000 pour l'achat d'un studio de 33 mètres carrés dans la banlieue de Tours, la baisse d'impôt annuelle sera de 478 euros. Pour une dame célibataire dont le salaire mensuel est de 4 200 euros et qui emprunte 169 000 euros pour l'achat d'un trois-pièces de 100 mètres carrés à Agen, elle sera de 750 euros, soit le niveau du plafond. Pour un couple avec deux enfants, totalisant 3 000 euros de revenu mensuel, et qui emprunte 122 000 euros pour l'achat d'un trois-pièces de 55 mètres carrés à Corbeil-Essonnes, la baisse sera de 856 euros. Enfin, un couple avec deux enfants dont le salaire mensuel atteint 8 300 euros et qui en emprunte 338 000 pour acheter un quatre-pièces de 100 mètres carrés dans le sixième arrondissement de Lyon bénéficiera d'une réduction – plafonnée – de 1 700 euros.
De ces quatre exemples, il ressort plusieurs enseignements. Ainsi, le gain est réparti de façon très inéquitable : la famille dont le revenu est de 8 300 euros par mois bénéficie d'une réduction de 1 700 euros, contre 856 euros pour celle qui ne gagne que 3 000 euros par mois. En outre, les vendeurs vont profiter de la mesure pour élever leurs prix, ce qui va réduire d'autant l'effet de la mesure, et conduire à ce que l'État subventionne les propriétaires et non les accédants.
La collectivité verse 1 700 euros à un ménage qui figure parmi les plus aisés. Le coût total – même si les avis semblent diverger sur son appréciation – avoisine les 5 milliards d'euros, soit cinq fois plus que ce qui sera investi dans les zones d'éducation prioritaires ou les universités. Elle aurait permis de construire 42 000 logements sociaux par an, soit une hausse de 50 % par rapport au niveau actuel.
La plupart des foyers défavorisés n'ont pas accès au crédit, notamment les jeunes. S'ils ne sont pas concernés par cette simulation, c'est parce qu'ils sont les grands perdants de la nouvelle politique du logement, destinée avant tout aux propriétaires.
Pour toutes ces raisons, et parce qu'avec ce projet le Gouvernement aggrave le gaspillage de l'argent public au profit des couches aisées, nous vous proposons d'adopter notre amendement, qui vise à exclure du dispositif l'acquisition de logements appartenant à un organisme de logement social antérieurement affectés à la location.