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Séance en hémicycle du 15 janvier 2008 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • constitutionnelle
  • lisbonne
  • peuple
  • ratification
  • référendum
  • révision
  • traité de lisbonne

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Le discours du Président de la République au palais du Latran met en péril l'une des valeurs cardinales de notre République : la laïcité. M. Sarkozy en appelle en effet à une nouvelle laïcité, une laïcité « positive » – comme si celle que nous appliquons était négative ou fermée ! L'adjonction de l'épithète dénature le concept : la laïcité n'est pas une spiritualité parmi d'autres, mais le seul cadre institutionnel, juridique et philosophique permettant de faire vivre ensemble des citoyens de confessions et convictions métaphysiques différentes. (Brouhaha.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, veuillez écouter la question de M. Desallangre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Une fois de plus, le Président s'inspire des exemples anglais et américain, tendant au communautarisme et au multi-confessionnalisme. Entend-il supprimer la laïcité du génie français en subordonnant la spiritualité et l'action politique aux convictions religieuses ? « La République, déclare-t-il, a intérêt à ce qu'il existe aussi une réflexion morale inspirée de convictions religieuses. (…) la morale laïque risque toujours de s'épuiser ou de se changer en fanatisme quand elle n'est pas adossée à une espérance qui comble l'aspiration à l'infini. » Faut-il comprendre que les athées et les agnostiques seraient des fanatiques, supposés incapables de mener la moindre réflexion sur des principes transcendantaux ?

Le fossoyeur de la laïcité, c'est aussi le nouveau traité européen, que vous souhaitez imposer par la voie parlementaire ! Dans son article 2, il reconnaît les « droits des personnes appartenant à des minorités » – revoilà la dangereuse discrimination positive ! Il fixe également comme principe « la liberté de manifester sa religion, (...) en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites ». (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Demain, la croix, la kippa et le voile seront ostensiblement présents à l'école ou dans les services publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Lucien Degauchy

Ce n'est certes pas la liberté telle que la conçoit Moscou !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Desallangre

Nous devons combattre de telles dérives si nous voulons sauver notre modèle républicain laïque. Ce nouveau traité met à nouveau à l'ordre du jour des dispositions qui ont été repoussées à une très large majorité par les Français en 2005. Vous voulez à présent les imposer par la voie parlementaire. Ce matin encore, les députés du groupe GDR ont vainement tenté de rendre au peuple la parole que vous souhaitez ainsi lui ravir.

Mais en attendant, monsieur le Premier ministre, adhérez-vous à la vision du Président de la République, selon lequel une morale laïque tendrait au fanatisme ? Pensez-vous que la République doive prôner les discriminations positives et s'inspirer des convictions religieuses – au risque de conduire les minorités et les communautés à s'affronter ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Monsieur Desallangre, la République française est reconnue pour sa tolérance – dont elle s'honore – à l'égard de toutes les convictions et de toutes les religions. La laïcité, ce n'est pas l'ignorance des religions ou des idées.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Ce n'est pas non plus leur exclusion. Elle implique que l'État soit un acteur dynamique de la liberté religieuse comme de la liberté de penser. C'est ce qu'a rappelé le Président de la République. (« Non ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Dans cet esprit, j'ai mis en place un groupe de travail réunissant les représentants des grandes religions et écoles de pensée afin de déterminer ce qui, dans la loi de 1905, doit être aménagé…

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

J'ai dit que je ne modifierais pas la loi de 1905, mais que j'étais favorable, dans un cadre non législatif, à un certain nombre d'aménagements aujourd'hui nécessaires, comme la possibilité d'installer des carrés religieux dans les cimetières, pour permettre à chacun d'être enterré là où il le souhaite. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Ce que je peux vous dire, monsieur Desallangre, c'est que notre conception n'est pas celle de l'Union soviétique, où les croyants étaient poursuivis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – « C'est lamentable ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Pour nous, la société doit être fondée sur la tolérance et le respect des autres.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Oui, c'est cela, la grandeur de la France et de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Hillmeyer

Ma question, à laquelle s'associe mon collègue Michel Hunault, s'adresse à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

Dans son discours aux parlementaires, le Président de la République a annoncé « une véritable révolution de la participation et de l'intéressement ».

Ce nouveau partage des profits représente un enjeu considérable pour notre pays. En effet, le développement des mécanismes de participation au sein des entreprises françaises reste largement insuffisant : actuellement, seulement un salarié sur deux peut en bénéficier. L'extension de ces mécanismes à toutes les entreprises, y compris aux PME, aura un impact réel sur le pouvoir d'achat puisqu'elle permettra aux salariés de profiter plus rapidement des fruits de leur travail.

Le Nouveau Centre s'inscrit totalement dans cette démarche qu'il a lui-même appelée de ses voeux. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, les modalités concrètes du dispositif qui sera mis en oeuvre et la date effective de son entrée en vigueur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité

Monsieur le député, comme l'a rappelé le Président de la République, nous mènerons dès 2008 une réforme ambitieuse en matière de participation et d'intéressement. Il n'est que temps de modifier la répartition entre la rémunération du capital et celle des salaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est une question de justice sociale, d'efficacité économique, de confiance dans nos entreprises et d'approfondissement de la relation des salariés avec le travail.

Depuis quelque temps, presque aucune année ne se passe sans que l'on touche à la participation. Or notre ambition n'est pas de faire une nouvelle réformette, mais de revoir l'ensemble des outils d'intéressement et de participation – ce qui inclut les plans d'épargne en entreprise et les stock-options. Sur ce dernier sujet, le Président de la République a été clair : une démocratisation s'impose, tout le monde doit pouvoir bénéficier des stock-options, qui doivent être attribuées et levées en toute transparence et en fonction de critères tels que la performance. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) S'il est normal que le personnel d'une entreprise qui se développe bénéficie des fruits de cette croissance, personne ne comprend, en revanche, que les dirigeants d'une entreprise qui échoue puissent être récompensés. C'est une question de justice.

Je proposerai que le Conseil supérieur de la participation devienne le Conseil d'orientation de la participation et de l'épargne salariale. Nous réunirons les nombreux parlementaires, de droite comme de gauche, dotés d'une expertise sur ces questions. Mais nous souhaitons également jouer la carte du dialogue social. En effet, ce sujet relève en priorité des partenaires sociaux. Afin que le travail puisse s'engager sans délai, nous leur soumettrons, par l'intermédiaire du Premier ministre, un document d'orientation complémentaire.

Nous le disons depuis longtemps : pour réconcilier les Français avec l'entreprise, il faut que la participation et l'intéressement soient destinés à tous, et pas seulement ceux qui travaillent dans les entreprises de plus de cinquante salariés. C'est aussi cela, une société de progrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Ma question s'adresse au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Les partenaires sociaux viennent d'achever une négociation que l'on peut qualifier d'historique (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) sur la modernisation du marché du travail. Elle s'est déroulée dans l'esprit de la loi de modernisation sociale votée par notre majorité, et témoigne de l'efficacité de cette culture de la négociation, du compromis et de la responsabilité à laquelle nous sommes attachés.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Avec ses nombreuses dispositions novatrices, l'accord négocié par la majorité des organisations syndicales et par les organisations patronales comporte de nombreuses dispositions novatrices qui illustrent bien le principe « gagnant-gagnant »…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

…et le bénéfice que les partenaires sociaux trouvent à engager les réformes dont notre pays a besoin.

Dans la presse, les syndicats ont d'ailleurs évoqué les « dizaines de points positifs pour les salariés, les jeunes, les seniors » que cet accord contient…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

…et ont parlé d'« un texte équilibré, d'un bon compromis qui va apporter des droits nouveaux aux salariés ».

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Nous ne pouvons, du moins sur les bancs de l'UMP, que nous en réjouir.

Cet accord est important pour les salariés et les entreprises, mais aussi pour les relations sociales et le marché du travail, qui vont gagner en fluidité et en efficacité.

Les mesures prévues favoriseront la création de petites entreprises, le développement de l'emploi, la sécurisation des parcours professionnels – et par conséquent contribueront à l'amélioration du pouvoir d'achat de nos concitoyens. C'est essentiel !

Nous souhaiterions donc savoir quel regard porte le Gouvernement sur le contenu de cet accord et quelles suites il entend lui donner. Quelles perspectives s'ouvrent ainsi à notre pays ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité

De cet accord, monsieur Perrut, c'est aussi le dialogue social qui sort renforcé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Nous devons nous en réjouir et saluer l'esprit de responsabilité dont ont fait preuve les partenaires sociaux. Ne l'oublions pas : les sujets traités faisaient, hier encore, l'objet de blocages. Cela montre que notre pays ne peut pas en rester au statu quo, mais aussi, et c'est une avancée significative, que les partenaires sociaux savent prendre toute leur part de la tâche à accomplir pour réformer et moderniser le marché du travail.

Je le confirme après les partenaires sociaux : les droits des salariés sortent renforcés de cet accord.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité

La nouvelle souplesse rendue possible au moment de la rupture du contrat de travail réduira les contentieux et favorisera le dialogue. De plus, le salarié quittant son entreprise aura la possibilité de garder sa mutuelle et sa prévoyance, ce qui, auparavant, lui posait nombre de problèmes, et pas seulement financiers. Enfin, les indemnités de licenciement pourront être doublées, ce qui représente une autre avancée significative.

Dès la semaine prochaine, quand tous les partenaires sociaux auront fait connaître leur position, je les recevrai afin de déterminer avec eux quand et comment ce texte vous sera soumis. Mais une chose est certaine : à moins de ne pas respecter le travail qu'ils ont effectué, je pense que personne ne devrait songer à casser cet accord ni vouloir modifier son équilibre.

Soit on croit au dialogue social, soit on n'y croit pas. Pour notre part, nous y croyons (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre), parce que nous sommes persuadés qu'il contribue à renforcer la confiance dans le marché du travail. Or c'est ce dont nous avions besoin pour nous engager sur la voie du plein emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Madame la ministre de l'intérieur, hier vous avez enfin reconnu ce qui apparaît comme une évidence pour tous nos concitoyens : le service public de sécurité doit être assuré, au plus près du terrain, au coeur des quartiers, par une police de proximité, ce que vous appelez une police « territorialisée ». Quelle découverte ! Alors que tous les indicateurs vous signalent que la situation est tendue, alors que les pseudo-chiffres annoncés ce matin masquent une nouvelle hausse des violences faites aux personnes (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), alors que les citoyens habitant nos quartiers sont inquiets et que les policiers sont excédés par leurs conditions de travail, vous semblez enfin réagir. Ce sont cinq ans de perdus, cinq années pendant lesquelles Nicolas Sarkozy, par idéologie et démagogie, a détruit une organisation qui, phase après phase, avait mis en place, sur tout le territoire, une police de proximité et d'investigation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cinq années pendant lesquelles les locaux de proximité ont été fermés, cinq années de recul des moyens là où ils étaient le plus nécessaires ! (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Après avoir caricaturé – et c'est ce qui est le plus grave – l'action de la police et le travail des policiers dans ces quartiers, désorganisé la sécurité publique, distendu le lien entre la police et la population, vous revenez aujourd'hui à la seule politique permettant d'apporter un meilleur service à nos concitoyens : une police présente au coeur des quartiers et disposant de véritables moyens de sécurisation et d'investigation. Nous sommes bien loin de l'action sociale ! C'est la police que nous avions mise en place entre 1997 et 2002 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

En 2002, plus de la moitié du territoire avait une police de proximité et les effectifs s'étaient accrus de 8 % dans les zones concernées. C'était le résultat d'une réforme ambitieuse. Aujourd'hui, après le travail de destruction de Nicolas Sarkozy, vous nous proposez une expérience dans trois villes ! Merci pour elles, merci pour la Seine-Saint-Denis et tant pis pour les autres ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Madame la ministre, quels moyens allez-vous enfin affecter à la police de proximité ? Le temps n'est plus aux expériences, elles ont réussi ; le temps est à l'action ! Que comptez-vous faire pour généraliser, demain, la police de proximité ou « territorialisée » au bénéfice de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la police de proximité a été créée par Charles Pasqua dans la loi du 21 janvier 1995. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Elle a, à partir de 1997, été dévoyée puisqu'on lui a fait faire autre chose que ce pour quoi elle avait été mise en place. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) On l'a alors utilisée à d'autres tâches : animation, encadrement des jeunes, prévention. Ce n'est pas le rôle de la police, mais celui des associations. La police est là pour assurer la sécurité des personnes,…

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

…pour procéder aux investigations et lutter contre la délinquance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) D'ailleurs, mesdames et messieurs les députés de gauche, les chiffres sont là : entre 1997 et 2001, la délinquance générale a augmenté de 16,26 % (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), …

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

…et particulièrement dans les quartiers dont vous parliez, alors qu'elle a, je vous le rappelle, baissé de 9,5 % depuis 2002 et continué de décroître encore plus fortement en 2007. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Oui, je veux une police sur le terrain, mais de la vraie police ! La sécurité est une chaîne dans laquelle tout le monde a à intervenir : les maires, l'éducation, les associations, la police et la justice, mais chacun doit faire son métier : celui pour lequel il a été formé. C'est bien ce que je demanderai aux policiers que je compte affecter dans ces quartiers. J'ai décidé de faire cette expérience en Seine-Saint-Denis après avoir largement écouté les élus et les associations lors des conférences de cohésion. Je la poursuivrai dans les départements où se concentrent de nombreuses difficultés. Je demande aux préfets de procéder de même en respectant les compétences et le rôle de chacun. Alors, oui, la sécurité de tous les Français progressera, et notamment celle des habitants de ces quartiers, premières victimes de la délinquance que vous n'avez pas su arrêter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Daniel Garrigue, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Monsieur le secrétaire d'État aux affaires européennes, nous allons engager cet après-midi le débat sur la modification constitutionnelle qui permettra la ratification du traité simplifié sur l'Union européenne par la voie parlementaire,…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

…conformément à l'engagement pris par le Président de la République pendant la campagne présidentielle et à l'engagement des députés de la majorité lors des élections législatives.

Ce traité est essentiel, car c'est de lui que dépend le renforcement de la capacité de décider et d'agir de l'Europe dans un monde de grandes puissances. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Il est aussi important que nous montrions notre détermination à quelques mois de la présidence française de l'Union européenne.

Mais, pour qu'il y ait ratification, nos partenaires doivent également mener à bien ce processus. Nous savons que tous – excepté l'Irlande – ont choisi, comme nous, la voie parlementaire. Pouvez-vous faire le point, monsieur le secrétaire d'État, sur les perspectives de ratification collective de ce traité afin qu'il puisse entrer en vigueur dans les délais prévus ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Monsieur Garrigue, vingt-six des vingt-sept États de l'Union européenne procéderont à une ratification par la voie parlementaire (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine…)

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Pourquoi une telle convergence,…

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Parce que vous avez peur !

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

…y compris des pays qui avaient recouru au référendum pour se prononcer sur le traité constitutionnel : les Pays-Bas, l'Espagne, le Portugal et la France ?

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Pour deux raisons. D'une part, il ne s'agit pas, cette fois, d'un traité constitutionnel (« Oh ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) mais d'un traité modifiant les précédents, sans transfert de souveraineté ni inclusion des symboles supranationaux. (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Qu'est-ce qu'on va faire à Versailles, alors ?

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

D'autre part, il est important que le processus de ratification soit mené à son terme avant le 1er janvier 2009 pour que l'Union fonctionne efficacement.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Telles sont les deux raisons qui ont conduit la très grande majorité de nos partenaires à faire appel à la ratification parlementaire.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

J'attire votre attention sur le fait que c'était l'un des engagements qui avaient été pris dans le cadre de la renégociation du traité. Où en étions-nous, en effet, avant les élections présidentielles ? Vingt pays avaient pris parti pour le traité constitutionnel.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Pas du tout !

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Dix-huit pays s'étaient réunis sans la France, à Madrid, pour envisager la poursuite de l'Union européenne. (« Grotesque ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Grâce aux engagements pris par le Président de la République devant les Français au cours de la campagne présidentielle, nous avons réussi à redresser la situation.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Nous avons réussi à remettre la France dans le coeur de l'Europe.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Nous avons fait en sorte que l'Europe se remette en marche. Nous sommes attachés, comme tous nos partenaires, à cette ratification, donc à ce qu'elle se déroule sans incident ! Entre une Europe en panne et une Europe en marche, nous avons choisi : nous soutenons donc ce processus de ratification ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Patrice Calméjane, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Mon collègue Bruno Le Roux choisit la polémique ; je préfère, quant à moi, le concret. La Seine-Saint-Denis a le triste privilège, aux yeux de beaucoup, de représenter l'archétype des secteurs difficiles. Cette image n'est pas pour rien dans les difficultés que rencontrent au quotidien nombre de mes concitoyens, notamment dans la recherche d'un emploi.

Sachez, madame la ministre, que les élus ont été particulièrement sensibles aux nombreuses visites que vous avez effectuées dans notre département. Vous avez pu constater que la Seine-Saint-Denis n'est pas peuplée de délinquants ; l'immense majorité de ses habitants n'aspire qu'à vivre et travailler en paix. Et la lutte contre les bandes qui prennent en otage certaines de nos cités est un devoir pour tout gouvernement.

Vous avez tenu hier une conférence de cohésion à Saint-Denis, nous en attendons de réels résultats. Que peut-on en espérer, s'agissant de la paix et de la tranquillité publiques ? Une de vos mesures phares est la mise en place d'une police de quartier.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Certains commentateurs y voient le faux nez d'une police de proximité, alors que celle-ci avait pourtant rapidement montré ses limites. Pouvez-vous, madame la ministre, détailler les actions nouvelles que vous avez décidé d'engager ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Monsieur le député, en me rendant à de nombreuses reprises en Seine-Saint-Denis, j'ai constaté que c'était effectivement un département difficile – le deuxième pour l'importance de la délinquance – mais également un département plein de potentiel, de dynamisme et d'envie d'agir. Le plan que je mets en place, après avoir écouté chacun, est justement destiné à apporter la sécurité qui permettra aux activités de se développer totalement.

Il serait trop long de rappeler l'intégralité de ce plan. J'en tracerai les quatre axes majeurs.

Je veux d'abord qu'il y ait plus de police sur le terrain. Ainsi, les policiers aujourd'hui affectés à d'autres activités retrouveront leur mission de sécurité. Pour cela, j'ai mis à disposition des postes de personnel administratif.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

De même, pour sécuriser des événements comme ceux qui se déroulent au grand Stade de France où au Bourget et qui demandent la présence de nombreux policiers de Seine-Saint-Denis, on prélèvera désormais des effectifs ailleurs, pour permettre aux policiers de ce département de continuer à protéger les habitants.

Ensuite, je veux que les policiers agissent au plus près du terrain. J'ai donc créé deux structures : d'une part, les compagnies de sécurisation qui, en cas de gros problèmes, pourront se déplacer dans une agglomération et seront, en quelque sorte, une force intermédiaire entre la police quotidienne et les CRS ; …

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

…d'autre part, les unités territoriales de quartier.

Je veux aussi fidéliser les policiers, car nous avons besoin de personnes qui connaissent le terrain. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Pour cela, je vais créer un concours régionalisé afin que les recrues restent sur place pendant huit à dix ans, en le sachant d'avance.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

C'est aussi une grande avancée. Pour mieux les fidéliser, nous leur offrirons des conditions de vie agréables en faisant un effort sur le logement, les crèches et l'emploi pour le conjoint.

Ces policiers seront, enfin, mieux reconnus par la population. Un gros effort sera fait pour expliquer comment la police peut aussi, pour les jeunes de ces quartiers, représenter de véritables opportunités professionnelles et de promotion sociale. Aujourd'hui, trop peu de commissaires, d'officiers ou de gardiens de la paix sont issus de ces quartiers. Au terme de ce plan, je peux vous affirmer que nous en aurons davantage. C'est cela la vraie police, une police qui fait son métier –compris par tous – et qui est à l'image de ceux pour qui elle applique la loi et assure la sécurité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Françaix, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Françaix

Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication.

On sait ce qu'est une bande-annonce de film : les meilleures images, de beaux gros plans d'acteurs, quelques phrases chocs et une voix off qui emballe le tout. On ne compte pas le nombre de fois où l'on s'est laissé embobiner par une bande-annonce pour se retrouver devant un navet. Eh bien, madame la ministre, votre gouvernement est le roi de la bande-annonce et notre Président le brillant bonimenteur du produit miracle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Une fois de plus, avec la suppression de la publicité sur les chaînes du service public, vous préférez la mise en scène à la mise en perspective.

Sur le papier, rien de plus normal que d'avoir un financement privé pour les télévisions privées et un financement public pour le service public. Mais là où il y incompétence ou tromperie, je vous laisse le choix, c'est quand vous faites croire que l'on va trouver 1,2 milliard par le biais d'une taxe sur la publicité des chaînes privées. Il faudrait taxer de 25 % l'ensemble de leurs spots publicitaires et de 2 % internet et la téléphonie mobile pour approcher du manque à gagner.

Comme vous ne voudrez pas faire de peine à vos amis, le rêve va tourner au cauchemar absolu, assombrissant définitivement l'avenir du service public, avec soit la vente de France 2 ou de France 3, soit la fermeture définitive d'une chaîne, soit une diminution de ses moyens, lui faisant perdre toute son identité, le cumul des inconvénients n'étant d'ailleurs pas exclu.

On sait à qui profite le crime. Après tout, il y aura au moins une relance du pouvoir d'achat pour les actionnaires de TF1, de M6 et de Bouygues.

Madame la ministre, voilà un feuilleton qui ne fait que commencer. La mort du service public fait-elle partie de votre contribution à la politique de civilisation voulue par le Président de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Voilà une belle illustration du conservatisme et du double langage du parti socialiste ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Depuis 1981, tous ses programmes sans exception ont préconisé la suppression de la publicité pour financer les chaînes de télévision publique. (« C'est faux ! » sur de nombreux bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Eh bien, vous aviez raison, messieurs, parce qu'il n'est pas normal que le service public soit financé de la même manière que les chaînes privées. Et nous voyons bien que le financement publicitaire a conduit progressivement à une standardisation des programmes de télévision. Les Français qui paient une redevance sont en droit de demander une télévision différente.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Il n'y a pas de raison de payer une redevance pour regarder des programmes identiques à ceux des chaînes privées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous devriez donc applaudir à la proposition que nous avons faite.

Nous allons ensemble proposer les financements qui permettront de remplacer les recettes publicitaires et nous travaillerons avec le Parlement à un nouveau cahier des charges pour la télévision publique, qui nous permettra enfin de défendre la culture, l'éducation et l'information telles qu'elles doivent être défendues par le service public.

Mobilisez-vous donc avec nous, aidez-nous à conduire cette aventure dont vous avez rêvé si longtemps et que vous avez été incapables de réaliser. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, Jean-Louis Borloo.

Le président du comité de préfiguration de la Haute autorité sur les OGM a fait part, concernant le maïs Monsanto 810, de « faits scientifiques nouveaux négatifs », qui font naître, selon lui, des « doutes sérieux ». Or, sur les quinze experts qui composent le collège scientifique, douze se sont désolidarisés des propos de leur président, auxquels il faut ajouter deux autres scientifiques qui, eux, siègent dans le collège économique et social. L'ensemble de ces scientifiques affirment, et leur avis public en fait foi, qu'il n'a jamais été fait état de doutes sérieux et contestent le caractère négatif des éléments nouveaux.

Est-ce sur de telles bases, auxquelles il faut ajouter l'exploitation médiatique scandaleuse qu'en a faite M. Bové (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), que vous allez, monsieur le ministre, demander l'utilisation de la clause de sauvegarde ? Si c'est le cas, sur quel élément scientifique précis et fondé le ferez-vous ? Quelles mesures prendrez-vous vis-à-vis des OGM d'importation ou des produits qui en sont issus ? Enfin, quelles perspectives proposez-vous à l'ensemble des centres de recherche agronomique, qui risquent de se délocaliser dans les pays voisins ? Le débat, en effet, ne porte pas seulement sur le maïs Monsanto 810, c'est l'ensemble de la filière de recherche médicale et agroalimentaire qui est en jeu. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables

Les biotechnologies, monsieur le député, sont un enjeu crucial en termes de pharmacie, de santé et d'agriculture.

En matière d'agriculture, c'est crucial. Nous avons du mal à nourrir 6 milliards d'individus. Il y en aura demain 9 milliards, avec moins de ressources en eau, moins de terres cultivables, et probablement des sols un peu affaiblis. C'est aussi crucial pour la France, qui est le premier pays agroalimentaire d'Europe. C'est crucial pour ses filières, pour l'emploi et pour l'attractivité de notre pays.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables

Sur les biotechnologies, le Grenelle de l'environnement, à l'unanimité de ses membres et de ses collèges, a préconisé l'adoption d'une loi qui fixe les conditions de transparence et de responsabilité nécessaires et crée une haute autorité indépendante chargée d'informer les pouvoirs publics sur chaque cas particulier.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables

En ce qui concerne le Monsanto 810, qui pose un problème de dissémination, c'est l'application du principe de précaution qui a été souhaitée à l'unanimité par le Grenelle. C'est ce qui est aujourd'hui proposé.

On débat sur les termes : doutes sérieux, interrogations ou faits nouveaux. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les scientifiques sont partagés, mais ils sont tous d'accord sur un point, c'est qu'il faut réaliser des expertises avec plus de recul et parvenir à une position européenne.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables

Il ne peut y avoir en Espagne une position différente de la position française et, en Autriche, une position différente de la position allemande.

Le débat doit avoir lieu dans l'année. Le Monsanto 810 sera réévalué par la Haute autorité qui sera mise en place après le vote de la loi soumise au Parlement, et il sera également réévalué au plan européen de façon qu'il y ait une position homogène.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables

Permettez-moi de m'exprimer, monsieur le président, vous avez eu l'occasion de le faire !

Bref, sur ce point particulier, le principe de précaution s'appliquera jusqu'à la mise en place de la position européenne. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

, M. Noël Mamère etM. Yves Cochet. Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Renaud Muselier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Renaud Muselier

Ma question s'adresse à M. Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports, qui était hier à Marseille avec le Premier ministre.

La considération que vous avez manifestée à la cité phocéenne est à la hauteur de sa place et de son rôle pour notre pays, monsieur le Premier ministre, et nous vous en remercions. Vous avez choisi Marseille pour annoncer la réforme des ports. Elle est attendue, nécessaire et urgente. Elle doit permettre de créer près de 10 000 emplois et de multiplier par quatre le trafic des conteneurs dans le port de Marseille-Fos, le replaçant ainsi parmi les cinquante premiers ports mondiaux. Tels sont les enjeux, rien que pour notre ville.

Mes questions sont donc simples, monsieur le secrétaire d'État. Quels changements allez-vous apporter avec cette réforme ? Quel calendrier vous êtes-vous fixé, parce qu'il faut aller vite ? Quelle méthode allez-vous appliquer, parce qu'il faut rassurer nos partenaires ? Enfin, quelles seront les enveloppes financières en faveur de l'investissement de façon à rattraper le retard ?

L'enjeu est important puisqu'il s'agit de hisser la place maritime française au premier rang en Europe comme dans le monde. Nous serons à vos côtés, parce que la bataille maritime se gagne à terre. Nous en avons besoin pour notre pays, nous en avons besoin pour nos villes ports. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Cela sent les élections municipales, à Marseille !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des transports.

Debut de section - PermalienDominique Bussereau, secrétaire d'état chargé des transports

M. le Premier ministre a en effet annoncé hier, à Marseille, un plan de relance des ports maritimes français, et vous étiez présent avec vos collègues, monsieur le député.

Notre pays, qui dispose de deux grandes façades maritimes, sans compter toutes les ressources de l'outre-mer, et qui a une tradition de grande nation maritime, a perdu au fil des années, à cause non pas des hommes qui travaillent dans les ports mais du mauvais fonctionnement du système, de nombreuses parts de marché. Pour ne citer que l'exemple des conteneurs, qui se développent dans le monde entier, notre part de marché a été divisée par deux ces dernières années. Ce n'est pas acceptable. Ce sont des emplois que nous perdons. Nos exportations ne passent pas suffisamment par nos ports. Cela handicape l'ensemble de notre économie.

Quels sont les principes de la réforme qu'a annoncée hier le Premier ministre ?

Premièrement, on va continuer dans l'esprit de la réforme courageuse de 1992 pour faire en sorte que toute la manutention soit dans les mains d'opérateurs économiques.

Deuxièmement, l'État va investir fortement pour soutenir le développement de Marseille-Fos, du Havre et de tous les grands ports autonomes français.

Troisièmement, nous allons réformer la gouvernance des ports pour donner plus de place aux collectivités locales, communautés urbaines, agglomérations, départements, régions, qui participent à leur fonctionnement.

Enfin, Jean-Louis Borloo y tient beaucoup, nous tiendrons compte de l'état d'esprit du Grenelle de l'environnement, en améliorant la desserte ferroviaire et fluviale de l'hinterland et en travaillant dans l'esprit du développement durable.

Nous allons travailler dans la concertation. Le Premier ministre a souhaité que l'ensemble des organisations syndicales et professionnelles soient reçues dès aujourd'hui : ce sera fait d'ici à ce soir. Ensuite, dans chaque port, les présidents et les directeurs des ports vont mener une concertation locale en liaison avec tous les élus. Nous espérons parvenir à un consensus sur une réforme d'avenir pour notre pays, capable de créer des dizaines de milliers d'emplois et de refaire de la France une grande nation maritime. Elle sera présentée devant le Parlement au mois d'avril ou de mai. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Serge Janquin, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Janquin

Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères, car la visite du Président de la République dans le golfe Persique mérite questions et commentaires.

D'abord, comme toujours et partout, le Président est d'accord avec ses hôtes du moment, impressionné par l'évolution de la condition des femmes et de la liberté d'expression en Arabie saoudite, mais sans réduire les inquiétudes de Riyad sur les positions françaises à l'endroit de l'Iran. Il n'a pas oublié non plus sa fonction de VRP, mais sans pouvoir conclure, en tout cas pas tant que George Bush ne sera pas passé lui-même.

Sur le style, il y a beaucoup à dire. Comme toujours et partout, que d'embrassades, d'accolades et de tapes sur l'épaule ! Ces visites pourraient marquer l'amitié sans la familiarité, ces démonstrations devraient être subordonnées à la réserve, à la dignité que les Français attendent de l'exercice de la fonction présidentielle, croyez-moi ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

À cet égard, il faut bien revenir hélas, trois fois hélas, sur la longue et humiliante équipée du colonel Kadhafi à Paris. Des relations diplomatiques, oui. La mise en majesté démesurée du guide libyen, non. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Kouchner prétend que la politique étrangère de la France n'a jamais été aussi active qu'aujourd'hui. Elle est plus verbeuse et activiste qu'active et efficace, plus brouillonne que cohérente, mercantile à Pékin, excessivement louangeuse à Moscou et vassalisée à Washington, pour tout dire, invertébrée. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

La politique étrangère est soumise aujourd'hui à des impératifs économiques, mais avec quels résultats ? Contrats conclus avant, espérés pendant et pas conclus après. (« La question ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Alors que la France avait préservé avec Jacques Chirac sa capacité autonome de jugement et d'engagement, elle est aujourd'hui sans conteste plus atlantiste : engagement accru en Afghanistan, positions sur l'Iran aux avant- postes de celles de George Bush.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Janquin

Elle dépouille M. Kouchner sur le terrain des droits de l'homme et de l'ingérence humanitaire au bénéfice des foucades sans constance de Mme Rama Yade. Elle dépouille le Quai d'Orsay de son rôle. Tout est défini à l'Élysée.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Posez votre question, s'il vous plaît, monsieur Janquin.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Janquin

Il ne reste à M. Kouchner que le commentaire ou la dérobade. Où va la politique étrangère de la France ? Quand notre assemblée pourra-t-elle enfin en débattre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Il est vrai, monsieur le député, que la politique étrangère de la France est une politique active, qui vise à entamer le dialogue avec l'ensemble de ses grands partenaires, que ce soient les États-Unis, la Russie ou le monde arabe, et, bien sûr, Israël et la Palestine.

C'est une politique qui vise à assurer l'influence de notre pays en Europe et dans le monde : de ce point de vue, monsieur Janquin, vous pouvez être assuré que la stratégie de la politique française est claire.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

C'est une politique européenne : elle veut développer l'influence de l'Europe dans son ensemble auprès de nos principaux partenaires, et nous nous comportons à leur égard comme se comportent nos partenaires européens. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Mme Merkel a été digne envers Moscou !

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Pour ma part, je ne vois pas de difficulté à avoir une politique étrangère influente et active. (« Comme au Liban ? » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Si elle ne l'était pas au début de ce quinquennat, quand le serait-elle ?

Que cette politique soit également active sur le plan économique, au profit des emplois et de l'activité des entreprises françaises, il n'y a rien là de contradictoire. C'est ce que font toutes les grandes diplomaties du monde.

Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Mme Merkel peut vous donner des leçons de dignité !

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Il ne manquerait plus que la France fasse exception à cette règle fondamentale. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Claude Birraux, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Birraux

Je voudrais, madame la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, vous soumettre quelques considérations à caractère scientifique sur les biotechnologies, qui s'inspirent d'un rapport de 2005, rédigé par notre collègue de l'opposition Jean-Yves Le Déaut et adopté par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, rapport qui souligne la dimension stratégique des sciences de la vie et des biotechnologies.

Ce document qualifiait les biotechnologies de technologies clés : résultat d'un continuum entre la recherche, les technologies et la production, elles peuvent trouver des applications non seulement dans l'agriculture et l'agroalimentaire, mais aussi en médecine et en pharmacie, dans la production de médicaments ou de textiles, de carburants, de produits biodégradables, dans la lutte contre la pollution ou dans le traitement des déchets. Mais ce rapport constatait aussi l'affaiblissement de la position de la France et de l'Europe dans ce domaine.

Sa première recommandation était de combattre l'immobilisme et de lutter contre l'obscurantisme, …

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Birraux

.. et la seconde de définir et d'afficher une stratégie scientifique et industrielle en faveur des sciences de la vie et des biotechnologies.

Madame la ministre, dans le contexte d'émotion et de défiance suscité par des annonces récentes, quels sont votre stratégie et vos objectifs pour les biotechnologies dans notre pays ? (« Il n'y en a pas ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Comment restaurer la confiance, celle des scientifiques dans leur mission et quant à leur place dans la société, celle des citoyens dans la science, …

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Birraux

…le progrès scientifique, l'intelligence et la raison humaines ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Vous l'avez dit, monsieur le député, la recherche en biotechnologie est aujourd'hui un enjeu d'indépendance nationale : nous devons rester maîtres de notre destin.

Chaque jour, nous importons et nous consommons des OGM. Nous devons savoir quel est l'impact de chacune de ces plantes sur la santé et l'environnement.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Tant qu'on l'ignore, la seule solution est de poursuivre encore la recherche.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Les biotechnologies sont porteuses de formidables espoirs, comme l'a dit Jean-Louis Borloo, et c'est pourquoi il faut continuer à développer notre recherche en agronomie, qui occupe déjà le deuxième rang mondial.

Mais parler des OGM en général n'a pas de sens. Chaque plante génétiquement modifiée est un cas particulier, qui doit faire l'objet d'un examen spécifique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il n'y a rien de commun entre des peupliers utilisés dans la fabrication de biocarburants, du tabac qui deviendra peut-être un médicament contre le cancer ou du maïs destiné à l'alimentation animale.

Si le Gouvernement, se fondant sur le principe de précaution, a fait le choix de suspendre la mise en culture du maïs Monsanto 810, il lance en même temps un signe très fort d'encouragement à tous les chercheurs, en débloquant, d'ici à 2011, 45 millions d'euros de crédits supplémentaires pour la recherche en biotechnologie végétale via l'Agence nationale de la recherche. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Cela dit, nos chercheurs ont besoin de sérénité pour travailler. Qu'ils renoncent ou que, pour avancer, ils soient contraints de s'expatrier signifierait que nous tournons le dos à notre avenir, et il n'en est pas question. Le texte sur les OGM qui sera examiné par votre assemblée doit concilier la transparence et la sécurité dont ils ont besoin pour leurs expériences. Ils doivent désormais pouvoir s'appuyer sur la confiance de la société française tout entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

Monsieur le Premier ministre, vous êtes allé hier en Corse et vous avez bien fait.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

Vous avez rappelé que les délits commis dans les locaux de l'assemblée de Corse devaient être punis par la loi et vous avez eu raison. Mais qu'il me soit permis de vous faire part de ma lassitude.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et la nôtre alors ?

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Giacobbi

Élu de Corse depuis vingt-cinq ans, je n'ai cessé de combattre, dans le respect des lois et avec la seule force de ma conviction, une violence dont j'avais dénoncé le caractère crapuleux il y a déjà un quart de siècle.

J'ai contesté, ici même, parfois dans le brouhaha, ces politiques qui privilégient, dans l'action de répression indispensable, ce qui flatte l'opinion publique au détriment de l'efficacité sur le terrain : ce n'était pas sans risque.

Vous avez eu raison aussi de dire, monsieur le Premier ministre, que s'attaquer à l'assemblée de Corse, dont je salue le président, ici présent, en l'assurant de toute ma solidarité, c'est s'attaquer à la démocratie. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais s'attaquer à la maison d'un élu du peuple, d'un député – et je ne parle pas que de moi, hélas ! –, risquer la vie de jeunes enfants de sa famille, à quelques mètres et quelques secondes près, pour le punir d'avoir dit ici les choses crûment, comment peut-on le qualifier ?

Il y a quelques jours, le procureur général de Bastia a publiquement demandé que le pôle financier de sa juridiction soit enfin pourvu de trois postes d'auxiliaires spécialisés. J'avais saisi en 2000 d'une demande similaire, pour les mêmes postes et le même pôle financier, celui qui était alors votre prédécesseur – vous voyez que je ne suis pas sectaire – et j'attends toujours une réponse.

Samedi à Ajaccio, l'Assemblée de Corse, au vu et au su de la police, a été envahie par des manifestants qui y étaient entrés par effraction, et n'a été évacuée par la force publique qu'à la suite d'un incendie criminel.

Depuis plusieurs années que je demande des nouvelles du programme de vidéosurveillance des gendarmeries, pourtant si fréquemment et si lâchement attaquées, on me répond invariablement qu'il y faudra du temps, beaucoup de temps.

La Corse attend, pour le respect de ses libertés menacées par la gangrène d'une violence chronique, autre chose que des proclamations ou des statistiques exagérément optimistes. Elle attend des actions transparentes, des efforts constants et ciblés, du courage politique, et des résultats.

Monsieur le Premier ministre, nous vous savons capable de tout cela, et sur ces points qui nous réunissent tous, les élus de Corse sont prêts, j'en suis certain, à soutenir votre action au-delà des appartenances partisanes.

La Corse est exaspérante et quelquefois désespérante par ses infinies revendications parfois contradictoires, mais il en est une que vous ne pourrez ni ne voudrez repousser : elle demande à être un territoire de la République. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, les violences qui ont été commises samedi contre l'assemblée territoriale de Corse sont inacceptables, comme le sont les assassinats, les rackets, les destructions de biens, appartenant à des Corses ou non, les attaques ou les actes d'intimidation contre des agents de l'État ou contre des élus.

Mais plus encore, ils sont incompréhensibles dans une démocratie, où les opinions, fût-ce en faveur de l'autonomie ou de l'indépendance, s'expriment dans les élections et à travers les débats des assemblées démocratiquement élues.

Or ceux qui commettent ces violences, monsieur Giacobbi, perdent les élections et voient leur nombre se réduire de mois en mois : ils ont eu bien du mal, samedi, à rassembler six cents personnes pour manifester à Ajaccio. Ceux qui commettent ces actes voient que certaines des organisations sur lesquelles ils s'appuient, et que vous avez vous-même qualifiées de crapuleuses, perdent progressivement du terrain grâce à l'action de la police et de la justice.

Pour ma part, je vois un lien entre la violence de ces actions, qui débordent manifestement la direction de certains mouvements politiques, – lesquels ne les condamnent pas pour autant –, et la recrudescence des arrestations à la suite des opérations de justice qui se poursuivent. L'arrêt du recours aux analyses ADN dans les enquêtes judiciaires figure d'ailleurs au nombre des revendications de ceux qui ont commis samedi ces actes inqualifiables. C'est que l'ADN ne s'accommode pas de la loi du silence, et depuis plusieurs semaines beaucoup d'affaires ont été élucidées en Corse grâce à l'utilisation de ces nouvelles technologies, qui s'ajoute à l'engagement de la police et à l'efficacité de la justice.

Oui, monsieur le député, vous avez raison de demander que l'on renforce la présence de la République sur le territoire corse. C'est ce qu'ont déjà fait le Président de la République et le Gouvernement, en passant avec les collectivités de Corse un contrat d'une importance sans précédent pour le développement économique. Nous allons renforcer les moyens de la sécurité, notamment en matière de vidéosurveillance, pour faire en sorte que la sécurité des élus et des représentants de l'État soit assurée sur le territoire de la Corse.

À la suite de la visite que j'ai effectuée hier à Ajaccio, je convie l'ensemble des élus de l'île à Matignon pour débattre avec nous de ces sujets. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Corse

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution. (nos 561, 568).

La parole est à M. le Premier ministre.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames et messieurs les députés, vous êtes tous, sur ces bancs, les interprètes de la souveraineté nationale. Celle-ci est à la source de notre démocratie et de notre République. Elle est donc l'un de nos biens les plus sacrés.

Vous voici aujourd'hui invités en son nom à vous prononcer pour la France et pour l'Union européenne, dont les destins ne sont pas séparables.

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, nous avons placé l'intérêt national au service d'une ambition élargie, d'une ambition politique qui a pour nom l'Europe. Dès lors, de façon continue, droite et gauche confondues, nous bâtissons cette maison commune qui, après la chute du rideau de fer, compte désormais vingt-sept États – vingt-sept pays qui, librement, volontairement, pacifiquement, ont décidé d'unir leurs intérêts. Cette entreprise de coopération et d'intégration à l'échelle d'un continent est unique dans l'histoire du monde. C'est pourquoi, malgré ses vicissitudes, malgré ses hauts et ses bas, malgré les débats et les controverses qu'elle a suscités, la grande et belle aventure européenne peut légitimement faire notre fierté.

En prenant la parole devant vous aujourd'hui, je vous dois d'abord un bref rappel : je suis de ceux qui furent hostiles au traité de Maastricht,…

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…car les avancées économiques n'étaient pas, à mon sens, équilibrées par des avancées politiques. L'Europe me semblait alors devoir avancer de façon bancale et ce diagnostic ne s'est pas révélé entièrement infondé. Aujourd'hui, avec le traité de Lisbonne, c'est ce déséquilibre que nous cherchons à combler en clarifiant et en renforçant le fonctionnement politique de l'Union.

Je veux aussi partager avec vous un sentiment personnel : pour moi, l'Europe n'est pas, et ne peut être, une ambition désincarnée.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Madrid, Prague, Londres, Rome, Varsovie, Berlin, Vienne, Athènes : au seul nom de ces villes, je sens nos héritages et nos cultures entremêlés circuler dans mes veines de Français. Au-delà de ses aspects techniques, je vois l'Europe comme une rencontre charnelle entre des nations millénaires, brillantes et démocratiques. Je la vois, dans ce xxie siècle qui sera traversé par des reconfigurations et des tensions géopolitiques, comme un espace d'équilibre, d'influence et de progrès.

C'est cet idéal, cet horizon, que notre génération a le devoir de poursuivre. Et c'est dans cette perspective que Nicolas Sarkzoy a poussé et fait adopter l'idée d'un groupe de réflexion. Ce groupe, « Horizon 2020-2030 », lancé par le Conseil européen de décembre 2007 et présidé par Felipe Gonzalez, devra répondre aux questions de fond qui traversent l'Union : quelle identité pour Europe, quel modèle de société, quelles frontières ? En un mot : quelle civilisation voulons-nous bâtir ensemble ?

Mesdames et messieurs les députés, ce jour est important. Avec le traité de Lisbonne, la France marque son retour au coeur de l'Union européenne et l'Union européenne elle-même est remise sur les rails.

Il y a seulement quelques mois, après le double « non » français et néerlandais, notre nation était isolée au sein de l'Europe…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

La France n'est jamais isolée, monsieur le Premier ministre !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…et l'Europe elle-même était en proie au blocage et au doute. C'est ainsi : quand la France hésite, l'Europe piétine. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Refusant cet état de fait, Nicolas Sarkozy s'est engagé devant les Français, pendant la campagne présidentielle, à sortir rapidement, une fois élu, de cette situation, que ne souhaitaient d'ailleurs ni les partisans du « oui », ni ceux du « non » – car les uns et les autres se sont, à leur façon, efforcés de promouvoir une certaine idée de l'Europe.

Nicolas Sarkozy avait promis un traité simplifié, reprenant les avancées institutionnelles non contestées du projet constitutionnel européen, mais tenant compte des fortes craintes exprimées par le « non » majoritaire. Il s'était également engagé, une fois ce nouveau traité négocié, à le faire ratifier rapidement par le Parlement pour sortir au plus vite de la situation de blocage en Europe.

Jamais il n'y a eu de sa part d'ambiguïté, ni sur les objectifs, ni sur la méthode.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Jamais il n'a tenu d'autre discours aux Français.

Par quatre fois, en accordant leur confiance à Nicolas Sarkozy et à sa majorité parlementaire, les électeurs ont souscrit à cette approche. Fort de ses engagements, le Président de la République, en étroite coordination avec la Chancelière allemande, qui présidait alors l'Union européenne, a ainsi négocié avec succès le nouveau traité. Nous sommes donc ici aujourd'hui, pour le premier acte de ce qui mènera à la ratification française du traité de Lisbonne.

Ce nouveau traité éteint, je le crois, les principales craintes exprimées par les Français.

Ce n'est plus une Constitution, mais un complément et une amélioration des traités existants. Le traité sur l'Union européenne subsiste. Le traité sur la Communauté européenne, rebaptisé « traité sur le fonctionnement de l'Union » subsiste également.

Les symboles constitutionnels ont disparu. La concurrence libre et non faussée, qui avait été tant critiquée en tant qu'objectif de l'Union dans le projet de 2005, n'est plus un objectif de l'Europe, mais un simple moyen. Le rôle des parlements nationaux est considérablement renforcé par le traité de Lisbonne : pour la première fois, un traité européen vous accorde un véritable poids politique sur les propositions de la Commission, grâce au contrôle de la subsidiarité.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Le nouveau traité renforce aussi, par rapport au projet constitutionnel refusé par les Français, le rôle et les compétences des États et des collectivités territoriales. Le traité précise ainsi que la sécurité nationale reste « de la seule responsabilité de chaque État membre » ; pour préserver les services publics, le rôle essentiel des autorités nationales, régionales et locales dans leur organisation est désormais garanti.

Enfin, le nouveau traité donne à l'Europe les moyens nécessaires à son action, répondant ainsi aux voeux d'une majorité de Français, qui s'inquiètent moins de la présence de l'Europe que de son impuissance.

Vous le savez, l'Union européenne disposera désormais d'un Président du Conseil européen stable, élu pour deux ans et demi renouvelables. C'est une amélioration majeure pour l'institution politique en Europe. Elle disposera aussi d'un Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, bénéficiant des moyens humains et financiers nécessaires au développement d'une véritable politique extérieure commune. Le nouveau traité crée un cadre ambitieux pour la défense européenne : il ouvre en particulier la possibilité pour quelques États de constituer une « coopération structurée » aux pouvoirs étendus.

Le traité instaure un processus de décision plus démocratique et plus efficace. Le champ de la majorité qualifiée est sensiblement accru, permettant ainsi de surmonter les blocages inhérents à la règle du consensus dans une Europe élargie. Au Conseil, le choix de la double majorité comme mode de vote va favoriser les pays peuplés comme la France.

Autre gage de démocratie en Europe : le Parlement européen voit ses pouvoirs notablement renforcés.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Pour coordonner nos politiques économiques, le traité de Lisbonne institutionnalise l'Eurogroupe et lui confère un pouvoir de décision. Pour répondre au défi énergétique, qui sera, avec le défi environnemental, l'un des grands combats du XXIe siècle, le nouveau traité pose un principe essentiel : celui de la solidarité entre les États membres, et offre au Conseil la possibilité d'adopter des mesures en cas de difficultés d'approvisionnement.

Pour créer une Europe plus attentive aux traditions nationales en matière sociale, les partenaires sociaux sont reconnus dans leur mission. Une clause sociale est instaurée, aux termes de laquelle l'Union doit prendre en compte, dans l'ensemble de ses politiques, les exigences sociales.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

La préservation des services publics se trouve désormais garantie comme jamais elle ne l'a été depuis le début de l'aventure européenne.

Avec ce traité, nous donnerons une impulsion décisive pour faire de l'Europe un véritable espace de liberté, de sécurité et de justice. Des questions comme l'immigration, légale ou illégale, ou le rapprochement des législations pénales pourront désormais être traitées plus efficacement au niveau européen. Les moyens nouveaux confiés à Eurojust et la possibilité de créer un parquet européen donneront toute sa portée à la lutte contre la criminalité transfrontalière.

Enfin, l'Union européenne se dote, grâce au traité de Lisbonne, d'une charte des droits fondamentaux,…

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…jouissant d'une valeur juridique égale à celle des traités.

Ce traité apporte donc des réponses aux craintes et aux doutes exprimés par nos concitoyens,…

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

…tout en exauçant leur volonté de rendre l'Europe plus efficace et plus démocratique. À ce titre, conformément aux engagements de Nicolas Sarkozy, le traité simplifié fait la synthèse entre les attentes de ceux qui votèrent « non » en 2005 et de ceux qui votèrent « oui ». (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Mesdames et messieurs les députés, en ratifiant le traité de Lisbonne, les États membres mettront fin à dix ans de longues querelles institutionnelles. Depuis le traité d'Amsterdam, remis en cause dès sa signature, l'Europe s'est déchirée au cours d'interminables débats entre les partisans d'une Europe intergouvernementale et ceux d'une Europe fédérale. Ces discussions nous ont menés aux difficiles négociations du traité de Nice, puis au projet constitutionnel européen, avec la suite que l'on connaît. Le traité de Lisbonne, avec sa réaffirmation du rôle et des compétences des États membres, qui s'accompagne d'une amélioration indispensable des moyens d'action de l'Union, met fin à cette querelle. Il nous donne l'occasion de replacer l'Europe sur ses rails et de nous mobiliser sur ses priorités.

L'Europe des citoyens attend des actes. La présidence française du second semestre 2008 compte bien affirmer un certain nombre de priorités politiques : une lutte efficace contre le réchauffement de la planète ; une politique énergétique axée sur la sécurité des approvisionnements ; une politique commune de l'immigration, qui a reçu, la semaine dernière, le soutien du chef du gouvernement espagnol ; une politique européenne de défense digne de ce nom ; des mesures de stabilisation et de transparence pour les marchés financiers ; le lancement, enfin, d'une revue générale des politiques européennes, de leur efficacité et de leur coût, similaire à la revue générale des politiques publiques menée par mon gouvernement en France.

Mesdames et messieurs les députés, pour passer durablement du débat institutionnel au débat sur les politiques, il faut mettre en oeuvre le traité de Lisbonne. La présidence française sera largement chargée de la préparation politique et technique de cette mise en oeuvre au 1er janvier 2009. Je souhaite qu'en tant que future présidente, la France soit exemplaire. Et pour qu'elle le soit, il convient qu'elle ratifie ce texte le plus rapidement possible.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

C'est la raison pour laquelle le Président de la République a décidé de saisir le Conseil constitutionnel dès le lendemain du Conseil européen de Lisbonne, avant d'engager les procédures ouvrant à la ratification. Le projet de loi constitutionnelle que vont vous présenter Mme la garde des sceaux et M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes tire toutes les conséquences de la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 20 décembre. Il représente la première étape, indispensable, à la ratification du traité par la France.

Les Français espèrent en l'Europe ; les Européens espèrent en la France. Ces deux espérances se rencontrent aujourd'hui dans ce texte. Ce sont ces deux espérances que je vous invite maintenant à concrétiser. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, le présent projet de loi constitutionnelle est le préalable à la ratification du traité de Lisbonne. Le Premier ministre vient de vous montrer à quel point ce traité est fondamental pour la relance de la construction européenne. Nous devons le ratifier pour qu'il puisse entrer en vigueur dès le 1er janvier 2009. Tel est notre objectif commun.

Comme vous le savez, c'est le Président de la République qui procédera à cette ratification. Elle doit respecter deux étapes. Dans la première, nous devons réviser notre constitution pour la rendre compatible avec certaines dispositions du nouveau traité.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Dans la seconde, le Parlement sera amené à se prononcer sur un projet de loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne.

C'est la première étape qui nous occupe aujourd'hui. Il s'agit de vous expliquer pourquoi nous devons réviser notre Constitution, avant de vous présenter les dispositions concrètes du projet de loi constitutionnelle.

Dans sa décision du 20 décembre 2007, le Conseil constitutionnel a identifié deux séries de dispositions du traité incompatibles avec la Constitution.

La première série concerne les compétences et le fonctionnement de l'Union européenne. Le Conseil constitutionnel a identifié les stipulations prévoyant de nouveaux transferts de compétences au profit des institutions de l'Union. Ces transferts, qui se traduisent en particulier par des passages de l'unanimité à la majorité qualifiée, affectent les conditions d'exercice de la souveraineté nationale. Le Conseil constitutionnel avait fait les mêmes constatations en 1992 pour le traité de Maastricht et en 1997 pour le traité d'Amsterdam.

Ces nouveaux transferts concernent notamment l'espace de liberté, de sécurité et de justice. Ils portent, par exemple, sur la coopération judiciaire en matière civile et en matière pénale. Ils prévoient également la création d'un parquet européen, compétent pour poursuivre les auteurs d'infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union.

La seconde série de dispositions concerne les nouveaux pouvoirs reconnus par le traité aux parlements nationaux. Ces pouvoirs nouveaux ne sont pas prévus par notre Constitution. Or le Conseil constitutionnel a toujours jugé que le Parlement ne pouvait exercer des droits que s'ils étaient prévus par la Constitution. Si le Parlement a des droits nouveaux, la Constitution doit les prévoir.

Parmi ces prérogatives nouvelles, il y a d'abord la faculté pour les parlements nationaux, et donc pour le Parlement français, de s'opposer à une décision du Conseil européen mettant en oeuvre une procédure de révision simplifiée des traités.

La deuxième prérogative, ce sont les pouvoirs reconnus à chaque assemblée parlementaire de s'assurer que la Commission respecte les compétences des États membres. C'est le contrôle du respect du principe de subsidiarité.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Concrètement, cette prérogative permet aux parlements nationaux d'avertir les institutions européennes qu'ils s'opposent à une proposition de la Commission qui empiéterait sur les compétences des États membres. Ils disposent pour cela d'un délai de huit semaines. Elle leur permet également de saisir la Cour de justice de l'Union.

La troisième prérogative, c'est la possibilité donnée au parlement national de s'opposer au recours à la clause passerelle permettant de passer de l'unanimité à la majorité qualifiée, notamment en droit de la famille. Certains aspects du droit de la famille ont en effet une incidence transfrontalière évidente. Le Conseil ne pourra les soumettre à la procédure législative ordinaire que s'il le décide à l'unanimité et seulement si aucun parlement national ne s'y oppose. Le parlement national disposera d'un délai de six mois pour s'exprimer.

Cette révision constitutionnelle est donc techniquement nécessaire. Elle est d'autant plus souhaitable que le traité de Lisbonne est un bon traité.

S'agissant de ses dispositions proprement dites, le projet de loi constitutionnelle comporte trois articles qui se déclinent en trois temps.

Dans un premier temps, il s'agit de permettre la participation de la France à l'Union européenne dans les conditions prévues par le traité de Lisbonne. C'est l'objet de l'article 1er. Il est d'application immédiate. Il lève les obstacles constitutionnels à la ratification du traité.

Dans un deuxième temps, il s'agit de modifier le titre XV de la Constitution pour tirer les conséquences du traité de Lisbonne. C'est l'objet de l'article 2, dont les dispositions ne deviendront applicables qu'à l'entrée en vigueur du traité. Celle-ci entraînera des changements de forme : le titre XV sera désormais intitulé « De l'Union européenne » puisque le traité de Lisbonne unifie les trois piliers de l'Union européenne issus du traité de Maastricht. Le traité substitue également l'Union européenne à la Communauté européenne. Ces changements terminologiques provoquent des modifications des articles 88-1, 88-2, 88-4 et 88-5.

L'entrée en vigueur du traité de Lisbonne entraînera des changements de fond. La nouvelle rédaction de l'article 88-1 inscrit dans la Constitution de façon pérenne le consentement du constituant aux transferts de compétences. Deux nouveaux articles sont ensuite ajoutés au titre XV. Ils permettront au Parlement français d'exercer les prérogatives nouvelles qui lui sont reconnues par le traité de Lisbonne.

Le premier, l'article 88-6, concerne le respect du principe de subsidiarité. Les assemblées parlementaires en seront les garantes : si une assemblée estime que ce principe a été méconnu, elle pourra alerter les institutions européennes. Elle pourra également déférer à la Cour de justice de l'Union l'acte qui lui paraît contraire au principe de subsidiarité.

Le second, l'article 88-7, concerne la modification des règles d'adoption d'actes de l'Union européenne. L'Assemblée nationale et le Sénat pourront s'opposer, par le vote d'une motion adoptée en termes identiques, au passage de l'unanimité à la majorité qualifiée dans les cas prévus par le traité.

Debut de section - PermalienRachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Les domaines visés sont la révision simplifiée des traités et le droit de la famille dans le cadre de la coopération judiciaire civile.

Enfin, le troisième volet du projet supprime les références au traité constitutionnel puisque celui-ci est devenu caduc. Tel est l'objet de l'article 3 du projet de loi constitutionnelle. Les références supprimées sont celles figurant aux articles 3 et 4 de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005.

Voilà l'équilibre général du texte que le Gouvernement vous présente aujourd'hui. Voilà les enjeux de la réforme constitutionnelle. C'est une étape nécessaire pour que nous puissions faire avancer la construction de l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Monsieur le Premier ministre, madame la garde des sceaux, messieurs les présidents de la commission des lois, de la commission des affaires étrangères et de la délégation pour l'Union européenne, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames et messieurs les députés, nous sommes réunis pour débattre du projet de loi constitutionnelle qui sera soumis à l'adoption du Congrès le 4 février prochain. Comme vous l'a indiqué Mme la garde des sceaux, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 décembre dernier, a jugé qu'une révision de la Constitution était nécessaire avant la ratification du traité de Lisbonne. Je tiens à remercier les rapporteurs – le président Jean-Luc Warsmann et M. Hervé de Charette – qui ont parfaitement exposé tous les enjeux européens de ce débat.

Le traité de Lisbonne est le fruit d'une volonté politique collective dont l'objet est d'apporter une solution à un problème inédit : deux États membres fondateurs de l'Europe, par la voie d'un référendum, ont exprimé craintes et interrogations face au devenir de notre Union.

Le blocage n'a pas été immédiat. Dix-huit États, représentant 56 % de la population européenne, avaient en effet approuvé le traité constitutionnel. Deux autres, la Roumanie et la Bulgarie, l'ont encore approuvé après son rejet par la France et les Pays-Bas, en mai et juin 2005. Quatre autres s'apprêtaient à le faire, avant qu'il ne soit décidé par le Conseil européen de faire une pause, en juin 2005.

Mais, la crise était si profonde que, le 26 janvier 2007, 20 États se sont réunis à Madrid pour demander la poursuite de la ratification du traité constitutionnel. Pour la première fois, l'Europe se réunissait sans la France et, qui plus est, pour débattre de son avenir. Quel que soit le sentiment ou le diagnostic de chacun sur la marche de l'Europe, nous ne pouvions que déplorer cette situation inédite.

À cette époque, certains ont constaté la mort du projet européen, qui n'aurait pas survécu à la réunification de notre continent. Pareille impasse n'était pas acceptable. L'Europe ne pouvait demeurer sans perspective, et la France sans sa place dans l'Europe. L'Europe avait, jusqu'à présent, rempli ses objectifs en s'érigeant en puissance économique, dotée de règles communes et d'une monnaie unique. Mais sa tâche n'était pas achevée. Elle n'est pas achevée.

Qu'est-ce que l'Europe aujourd'hui ?

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Ce sont quelques éléments très significatifs, monsieur Myard, pour vous, pour nous et nos enfants : la chute du mur de Berlin, un espace économique de 500 millions de consommateurs et d'habitants, un espace de sécurité et de liberté d'à peu près la même dimension depuis le 21 décembre dernier, l'euro, Erasmus, les échanges entre les nouvelles générations.

Forte de vingt-sept États et de ces acquis, l'Europe ne saurait reculer. Elle doit être capable d'assumer ses responsabilités dans le monde de demain et de répondre à nos espérances d'aujourd'hui. Le peut-elle avec le traité de Nice ? La réponse est négative. L'Union européenne ne peut, telle quelle, affronter les défis internationaux et globaux parce que, tout simplement, elle n'a pas révisé ses règles de fonctionnement. En tant qu'élus, que responsables, vous le savez tous : aucune association, aucun club de football, aucune cinémathèque, monsieur Brard (Sourires), ne pourraient être gérés avec les règles d'une présidence qui tourne toutes les 26 semaines.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Personne ne pourrait le faire ! Le traité de Nice ne suffit donc pas. Dans de nombreux domaines, un seul État peut bloquer les décisions collectives. Les règles de décision sont trop exigeantes et ne tiennent pas assez compte de la démographie et de la nécessité d'associer les citoyens, que ce soit par le Parlement européen ou par les parlements nationaux. Bref, l'Union doit adapter ses règles si elle veut remplir ses missions.

La première, soulignée par le Premier ministre, est la promotion de la paix, qui ne peut être réalisée sans que les États se donnent clairement pour objectif la prévention des conflits et sans qu'ils s'engagent, ensemble, à développer leurs capacités de défense.

Autre mission essentielle de l'Union : renforcer l'influence de l'Europe dans le monde, et traiter les grands défis mondiaux. Ces défis, quels sont-ils dans un proche avenir ? Ce sont la gestion des migrations et des mouvements démographiques, le changement climatique, la nouvelle donne énergétique, la solidarité face aux grandes catastrophes naturelles et, bien sûr, la lutte contre le terrorisme.

Avec le traité de Nice, l'Union ne dispose pas des moyens juridiques nécessaires. Or ce que les Européens ne font pas ensemble, personne ne le fera pour eux, et dans leurs intérêts. C'est pour cela qu'il est urgent d'agir, urgent pour que l'Europe puisse donner l'exemple.

Dès septembre 2006, puis au cours de la campagne électorale, le Président de la République a donné forme aux aspirations des Français sur le rôle de la France en Europe et sur la vision de ce que devait être le rôle de l'Europe dans le monde. Le Premier ministre l'a rappelé. Dès son investiture, le Président a fait part à ses partenaires de la volonté de la France et des Français d'établir un nouveau traité modificatif, apportant une solution aux difficultés institutionnelles de l'Union européenne et une réponse aux préoccupations des citoyens. Si ce traité était accepté par tous, la France le ratifierait par la voie parlementaire.

Cet engagement de la France était fondamental pour nos partenaires, car il donnait enfin de la crédibilité à la perspective d'un autre traité pour l'Europe et permettait d'en définir le contenu possible. Ce n'était pas chose facile. Mais, au Conseil européen de juin 2007, tous les chefs d'État et de gouvernement ont constaté que le traité constitutionnel était caduc. C'est ce que traduisent les articles 1er et 3 du projet de loi soumis à votre examen.

Par ailleurs, le traité de Lisbonne apporte une réponse aux préoccupations émises par nos concitoyens.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Il promeut des valeurs nouvelles, plus solidaires : aujourd'hui, l'Europe a pour objectif de protéger les citoyens dans la mondialisation. Ce n'était pas le cas hier, ni avec le précédent traité. En revanche, la concurrence libre et non faussée ne figure plus parmi les finalités de l'action européenne. Demain, la représentation nationale pourra se prononcer sur les projets européens et veiller au respect des compétences entre les États et l'Union européenne, à travers le contrôle de la subsidiarité, comme le Premier ministre l'a rappelé. Pour la première fois, les parlements nationaux contribueront à la prise de décision européenne, et ils seront les gardiens de la répartition des compétences entre l'Union et ses États membres.

Ce traité est le premier qui ait été signé par les vingt-sept États membres, le premier qui ait fait l'objet d'un accord oubliant les clivages anciens : entre les États plus ou moins peuplés, entre nouveaux et anciens États membres, entre États qui avaient dit oui et États qui avaient dit non. Je tiens à rendre hommage au travail de la présidence allemande qui, lors de l'élaboration de ce traité, a su éviter tous ces écueils, et au travail remarquable de finalisation effectué par la présidence portugaise.

Par ailleurs, compte tenu de l'abandon de la démarche constitutionnelle, ce traité sera ratifié par la voie parlementaire dans tous les États membres, à l'exception de l'Irlande, dont la Constitution ne permet pas d'emprunter cette voie pour approuver un traité européen.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Ce traité n'est qu'un outil. Mais le fait de pouvoir se mettre autour de la table à vingt-sept et de renouveler notre voeu commun de vouloir vivre et de vouloir agir ensemble, crée sans conteste une dynamique nouvelle.

Déjà, la Hongrie a ratifié le traité, et près d'une vingtaine d'États membres s'apprêtent à le faire dès le premier semestre 2008. Déjà, le Danemark manifeste son souhait d'entrer de plain-pied dans la construction européenne et d'abandonner ses protocoles qui le placent à la marge des politiques économiques et monétaires, et des politiques de sécurité et de liberté de l'Union.

Nous aborderons donc la présidence française dans le cadre d'un engagement collectif renouvelé en faveur du projet européen. Nous l'aborderons également avec un bon traité, qui pose les jalons sur la voie d'une Union européenne plus démocratique, plus forte et tournée vers l'avenir.

Ce traité nous permet enfin de clore un débat institutionnel qui n'avait pas été résolu depuis les années 90, et donc de nous consacrer à l'essentiel, c'est-à-dire aux projets politiques que nous voulons porter, et qui ont été évoqués par le Premier ministre.

Mesdames et messieurs les députés, ce traité permet de développer de vraies politiques en matière de défense, d'immigration, de développement durable, d'énergie. Mais il n'en définit pas le contenu. C'est aux dirigeants européens et aux parlements qu'il appartiendra d'en décider.

Notre présidence du Conseil de l'Union européenne en sera l'occasion. Bien sûr, elle ne pourra pas tout faire, mais elle ouvrira la voie pour qu'une nouvelle page soit écrite après le cinquantième anniversaire de l'Europe. Après s'être construite elle-même, l'Europe doit trouver sa place dans le monde.

Grâce à cette révision, grâce à ce traité, l'Europe en a l'opportunité. La France saura saisir cette opportunité pour que l'Europe avance, qu'elle soit en état de marche et capable de renforcer son influence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale. Monsieur le Premier ministre, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ratification, autorisation de ratifier et révision constitutionnelle, telles sont les différentes étapes du processus législatif dans lequel nous nous engageons aujourd'hui.

La première étape, la ratification, est une prérogative du Président de la République, que celui-ci détient en application de l'article 52 de la Constitution. La seconde, l'autorisation de ratifier, doit se faire par la loi ordinaire. Cette loi peut être adoptée soit par la voie parlementaire, soit par la voie référendaire. Mais cette autorisation de ratifier ne peut intervenir que si le traité n'est pas contraire à la Constitution. Une révision constitutionnelle peut donc être nécessaire. Dans ce cas, la révision doit précéder l'autorisation de ratifier. C'est bien le sujet qui doit retenir toute notre attention cet après-midi : la mise en conformité de notre Constitution avec le nouveau traité européen, le traité de Lisbonne.

Deux questions se posent successivement. Premièrement, le traité de Lisbonne est-il substantiellement différent du traité constitutionnel européen initial ? Deuxièmement, une révision est-elle indispensable et quel est son périmètre souhaitable ?

Certains ont pu expliquer que le traité de Lisbonne n'était qu'une pâle imitation du traité constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Or il n'est pas très difficile d'admettre que des différences sensibles existent, même s'il préserve l'essentiel des avancées institutionnelles du traité constitutionnel, celles qui permettront de faire fonctionner l'Europe à vingt-sept, dans des conditions satisfaisantes. Le Conseil constitutionnel, saisi sur le fondement de l'article 54 de la Constitution par le Président de la République, le jour même de la signature du traité, le 13 décembre 2007, pour examiner la conformité de ce dernier avec notre loi fondamentale, en a fait l'analyse très claire dans sa décision rendue dès le 20 décembre 2007 : les différences entre les deux traités – traité constitutionnel et traité de Lisbonne – sont suffisamment importantes, au-delà des seuls changements de référence, pour justifier une analyse nouvelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

D'ailleurs, le Conseil d'État des Pays-Bas a tiré, avant notre juridiction constitutionnelle, les mêmes conclusions de cette situation.

Ces différences s'incarnent principalement dans deux séries de modifications : les premières marquent un changement d'optique significatif par rapport au traité constitutionnel ; les secondes renforcent les pouvoirs des parlements nationaux.

Au rang des modifications qui fondent un changement décisif, il faut citer l'abandon de l'ambition constitutionnelle, même si l'on sait que le traité constitutionnel avait la nature d'une convention internationale. L'abandon de cette ambition se traduit par la modification des traités existants et non plus par l'avènement d'un texte qualifié de « refondateur ».

Il faut également citer l'adossement au traité de la Charte des droits fondamentaux – et non plus son intégration dans le texte même. Il faut citer la disparition des symboles européens des stipulations des traités, la non-reprise de la nouvelle dénomination des textes européens, tandis que le principe de primauté du droit communautaire ne figure plus, en tant que tel, dans le corps du traité.

Je pourrais multiplier les exemples, évoquant la modification de statut de l'idée de concurrence, l'affirmation de la protection des citoyens de l'Union, la prise en compte de la sécurité des approvisionnements énergétiques, ou encore l'avènement de la lutte contre les changements climatiques, comme objectifs de l'Union.

Au rang du renforcement des droits des parlements nationaux, il faut mentionner la possibilité qui leur sera ouverte de s'opposer plus fortement à une proposition d'acte européen qui ne respecterait pas le principe de subsidiarité. Ils pourront aussi s'opposer – la voix d'un seul parlement suffira pour ce faire – à un changement de modalité de prise des décisions relatives à la coopération judiciaire, en matière de droit de la famille.

C'est peu, diront certains ; c'est encore trop, diront d'autres. Mais il faut rappeler que la France n'est pas seule et que dix-huit de nos partenaires avaient ratifié le traité constitutionnel, tandis que les autres ont hésité avant de renoncer à poursuivre la procédure de ratification. Il faut aussi rappeler qu'il convenait de prendre en compte – ce qui a été fait – à la fois les oppositions à un « super État » européen, les inquiétudes face à l'élargissement, les critiques sur l'orientation trop exclusivement libérale de la construction européenne, les inquiétudes de certains sur leur insertion dans le processus de décision, ou encore les conjonctures politiques dans chaque État membre.

Certains ont aussi invoqué, à propos du traité de Lisbonne, une construction juridique complexe. Il est difficile de nier que le texte est d'un accès peu aisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Mais cela résulte à la fois de la méthode choisie, celle de revenir à la tradition de modification des traités existants, et de la nature même de la construction européenne, qui impose de trouver des compromis entre les États membres. Et comment imaginer qu'une négociation entre vingt-sept États qui souhaitent construire ensemble une Union européenne convaincante, faite néanmoins d'une juxtaposition de politiques déterminées, conduise à un texte qui ressemblerait à une authentique Constitution, aussi simple dans ses motifs que dans son énonciation ? Dans la construction européenne, nous avons à partager : avec les autres États membres et avec les institutions de l'Union. Ce partage implique de définir de manière précise les compétences des uns et des autres. C'est ce qui fait la force de l'Union européenne et ce qui explique la structure du traité de Lisbonne, lequel, d'ailleurs, offre une meilleure lisibilité entre les compétences exclusives de l'Union, les compétences partagées entre celle-ci et les États, et les compétences d'appui offertes par l'Union à ses membres.

C'est précisément cette répartition que nous propose d'acter la présente révision, indispensable et rigoureusement construite. En effet, en ouvrant la voie à l'autorisation de ratifier le traité de Lisbonne grâce à l'acceptation des transferts de compétences, comme le prévoit l'article 1er, le présent projet de loi constitutionnelle permettra d'abord de refermer certaines plaies : celles ouvertes par le référendum de mars 2005, mais surtout celles causées par l'exclusion de toute une partie du continent européen du concert des nations pendant presque cinquante ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Les nouveaux États membres ont en effet pu pleinement participer à la négociation du nouveau traité. En révisant notre Constitution aujourd'hui pour intégrer ce dernier, nous prenons acte de cette participation et nous faciliterons la prise de décision dans les institutions européennes en acceptant plus largement que par le passé le principe de la majorité qualifiée, ainsi que la participation pleine et entière du Parlement européen au processus de décision.

La présente révision, dans son article 2, permettra également d'améliorer, à l'avenir, la conciliation entre l'ordre juridique de l'Union européenne et notre ordre juridique interne. Elle permettra au Parlement français de participer lui aussi pleinement, aux côtés des parlements nationaux des autres États membres, aux avancées du processus européen, notamment grâce au contrôle de l'application du principe de subsidiarité.

Les ordres juridiques des États et de l'Union européenne se perfectionnent mutuellement, comme en témoignent, si besoin était, les développements particulièrement riches, depuis l'été 2004, de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative aux lois de transposition des directives. L'ordre juridique européen, tout en restant distinct de notre ordre juridique interne, vient à la fois l'enrichir et le renforcer. Il faut saluer, à ce titre, le dialogue entre les juridictions suprêmes que sont le Conseil constitutionnel, la Cour de justice des Communautés européennes, appelée à devenir demain la Cour de justice de l'Union européenne, mais aussi la Cour européenne des droits de l'homme.

La présente révision propose un schéma simple, strictement nécessaire à la poursuite du processus de ratification du traité de Lisbonne et rigoureusement construit pour donner, une fois la ratification de tous les États membres acquise, plein effet dans notre ordre interne à ses stipulations. Dans ces conditions, il n'est pas apparu nécessaire à la commission des lois d'en modifier ni les termes, ni le champ.

Il est temps de dépasser l'époque du vague à l'âme à propos de l'élan européen, comme nous y invitait le 8 septembre dernier le Président de la République dans son discours de Bruxelles. La présente révision ouvrira le verrou constitutionnel pour autoriser la ratification du traité de Lisbonne, comme l'a déjà fait la Hongrie, et rendra ainsi possible un nouveau départ. Il convient de ne pas détourner la présente révision de son objet. Il sera toujours temps de réfléchir aux autres sujets à caractère constitutionnel à l'occasion de la prochaine révision à laquelle le Président de la République nous a invités, comme de réfléchir, dans ce cadre ou dans d'autres, à la façon dont la France devra tirer les conséquences, dans l'organisation interne des pouvoirs publics, de sa participation pleine et entière à l'aventure européenne.

C'est pourquoi, au nom de la commission des lois, je vous invite, mes chers collègues, à adopter ce projet de loi de révision constitutionnelle, prélude au débat sur l'autorisation de ratification du traité de Lisbonne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Hervé de Charette, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé de Charette

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, chargé de vous présenter un rapport au nom de la commission des affaires étrangères, je voudrais développer devant vous trois considérations.

La première peut se résumer en un mot : enfin ! Enfin, voici enclenché le processus qui devrait, sauf ultime infortune,…

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé de Charette

…régler la question des institutions européennes, laquelle est posée depuis que les pays de l'ancienne Europe de l'Est, ayant retrouvé la liberté, ont frappé à la porte de l'Europe de l'Ouest.

Enfin un succès français en Europe ! Il faut bien reconnaître que, depuis dix ans, c'est-à-dire depuis le traité d'Amsterdam inclus, l'Europe stagne et tâtonne, et que le poids de la France y recule : son poids institutionnel, mais aussi son poids économique et politique. Et ce succès, mes chers collègues, il est incontestable que nous le devons d'abord au Président de la République, Nicolas Sarkozy, qui a montré là son énergie, sa conviction européenne et son habileté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé de Charette

Du même coup, la voix de la France se fait entendre et respecter en Europe.

Enfin, dirai-je encore, va s'ouvrir pour l'Union européenne la phase nouvelle, que nous attendions avec impatience, celle où les peuples européens de l'Ouest et de l'Est, enfin rassemblés, vont apprendre à travailler ensemble, et fixeront les grandes priorités de l'Europe du XXIe siècle. J'aurai l'occasion de vous donner mon sentiment à ce sujet lorsque nous examinerons le traité de Lisbonne lui-même, au début du mois de février. Je pense en effet qu'il s'agit pour l'Europe d'un temps vraiment nouveau, au cours duquel, en quelques années, elle devra fixer son destin pour longtemps.

En révisant la Constitution pour autoriser la ratification du traité de Lisbonne, il s'agit aujourd'hui de lever un obstacle juridique, et il ne s'agit que de cela. Pour autant, il ne faut pas banaliser ce moment où l'histoire européenne qui, hier, vacillait, paraît désormais se remettre en marche : c'est ce dont la commission des affaires étrangères, dans sa très grande majorité, s'est réjoui, comme elle s'est réjouie que le bal de la nouvelle Europe, si j'ose dire, s'ouvre enfin.

Le traité de Lisbonne a donc été signé. Il doit désormais être ratifié. Le calendrier nous presse car, pour que ce nouveau traité entre en vigueur dès le 1er janvier 2009, il doit être ratifié par chacun des vingt-sept États membres dans un délai court – à peine un an. Cela laisse sensiblement moins de temps que pour la ratification des traités de Maastricht, d'Amsterdam et de Nice, qui étaient entrés en vigueur dans un délai allant de dix-huit à vingt-quatre mois après leur signature.

Comme on l'a dit avant moi, tous les États, sauf l'Irlande, ont annoncé leur intention de ratifier le traité de Lisbonne par la voie parlementaire. C'est également la voie choisie par la France, conformément à l'engagement pris par le Président de la République au cours de la campagne présidentielle. Le processus de ratification est désormais engagé en Europe, un pays – la Hongrie – ayant même ratifié le traité dès le 17 décembre, soit quatre jours à peine après sa signature. La République tchèque pourrait être le prochain État à achever la procédure de ratification, et l'on annonce qu'une bonne vingtaine d'États membres l'auront fait avant la fin du premier semestre.

En ce qui nous concerne, comme les orateurs précédents l'ont longuement expliqué, la ratification du traité de Lisbonne se déroule en deux actes, le premier consistant à réviser notre Constitution, conformément à la décision que le Conseil constitutionnel a rendue le 20 décembre dernier. Si ce mécanisme est juridiquement impeccable, il faut bien reconnaître qu'il est compliqué et qu'il ne contribue pas à rendre notre débat sur le traité européen compréhensible par tous et accessible au grand public. J'ajoute que le choix entre voie parlementaire et référendum devrait, me semble-t-il, avoir lieu non pas aujourd'hui – malgré les efforts déployés en ce sens par certains – mais lors du débat sur le projet de ratification : il sera alors temps pour les uns et les autres de donner leur sentiment sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé de Charette

En l'occurrence, la révision de la Constitution est un exercice connu, puisque c'est la quatrième du genre, après le traité de Maastricht, celui d'Amsterdam et celui instituant une Constitution européenne. Je rappelle que, jusqu'en 1992, aucun des traités constitutifs européens n'avait été soumis au contrôle constitutionnel. C'est François Mitterrand qui en a pris le premier l'initiative, usant des pouvoirs que l'article 54 de la Constitution confère au Président de la République pour interroger le Conseil constitutionnel à propos d'un traité international : il s'agissait en l'occurrence de celui de Maastricht. C'est alors que le Conseil a fixé sa jurisprudence en trois points : en écartant tout examen de la constitutionnalité des dispositions préexistantes au traité qui lui était soumis – heureusement, car les conséquences en eussent été très lourdes – ; en examinant les compétences transférées une à une et en considérant que le fait de donner à l'Union européenne de nouvelles compétences ou de faire passer l'exercice de compétences préexistantes de la règle de l'unanimité à celle de la majorité exigeait une autorisation de la Constitution ; en examinant enfin les dispositions relatives aux institutions européennes dans leur rapport avec le fonctionnement des pouvoirs publics français.

C'est exactement ce qu'a fait une nouvelle fois le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 décembre. Le projet de loi s'en déduit, qui est très similaire à ceux qui l'ont précédé. Par rapport à 2005, les différences portent principalement sur les prérogatives que le traité de Lisbonne confère aux parlements nationaux en ce qui concerne le contrôle du respect du principe de subsidiarité et le droit nouveau qui leur est donné de s'opposer, le cas échéant, à la procédure dite de révision simplifiée.

Tout cela est, somme toute, frappé au coin de l'évidence. Le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis demeure strictement limité à ce qui est indispensable pour autoriser la ratification du traité de Lisbonne. C'est une nécessité juridique, et cela ne devrait pas constituer un événement politique. Mais voilà ! C'était sans compter sur le parti socialiste. Ses dirigeants, après les hésitations que tout le monde a observées ces derniers jours, ont curieusement déclaré qu'ils voteraient le traité de Lisbonne, mais qu'ils s'abstiendraient lors du vote du Congrès destiné à rendre la ratification conforme à la Constitution.

Qui peut comprendre une telle décision ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé de Charette

Il paraît que c'est pour protester contre le refus de soumettre le traité au référendum. Pourtant, la révision de la Constitution, en tout état de cause indispensable, est indifférente à la voie choisie pour ratifier le traité, et n'aura de ce point de vue aucun effet.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé de Charette

S'agit-il alors, mes chers collègues, de cacher les divisions profondes du parti socialiste sur l'Europe ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé de Charette

Si c'était le cas, c'est raté : ces divisions s'étalent au grand jour.

S'agit-il enfin pour le parti socialiste, sous prétexte de remplir son rôle d'opposition, de gâcher aux yeux de l'opinion publique le succès remarquable que constitue le nouveau traité pour la France et pour l'Europe ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé de Charette

Probablement. Mais l'on ne peut que s'étonner de la médiocrité de ce calcul politique à courte vue : l'Europe eût mérité mieux.

Ce que déclarait il y a deux jours Tony Blair devant le conseil national de l'UMP mérite d'être cité dans cet amphithéâtre : « Une chose est aussi importante que la distinction entre la gauche et la droite : c'est la différence entre une politique qui se tourne vers l'avenir et une autre qui s'accroche au passé. » (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Et de distinguer entre ceux qui, en politique, « prennent l'avenir par les cornes » et ceux qui se retranchent « dans la zone de confort des slogans dépassés ».

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé de Charette

À toutes celles et tous ceux qui, de droite comme de gauche, sont décidés à poursuivre demain l'aventure européenne, comme le disait le Premier ministre, puis-je suggérer de prendre ensemble l'avenir par les cornes plutôt que de se retrancher dans le confort des slogans dépassés ?

Je voudrais, avant de conclure, vous faire observer que c'est la cinquième fois en quinze ans que la construction européenne nous oblige à modifier notre Constitution pour autoriser les transferts de compétences qui ont accompagné l'approfondissement du projet européen et l'intégration de plus en plus poussée qui en découle. N'y aurait-il pas un moyen juridique d'éviter ces révisions à répétition (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Et le Parlement ? Supprimez-le aussi ! Et supprimez le peuple, tant que vous y êtes !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé de Charette

…qui, finalement, affaiblissent notre Constitution et, comme je l'ai démontré tout à l'heure, rendent peu lisibles les débats de ratification qui nous réunissent.

Le temps n'est-il pas venu d'envisager sérieusement la création d'une « clause européenne générale » autorisant des transferts de compétences par la loi, comme cela existe dans la Loi fondamentale allemande…

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé de Charette

Certes, une telle clause ne couvrirait pas toutes les circonstances : elle ne dispenserait pas d'un contrôle au cas par cas de la constitutionnalité des futurs traités européens, ni n'empêcherait, dans certains cas, une révision constitutionnelle préalable à la ratification, comme dans le cas présent, pour inscrire de nouvelles prérogatives accordées aux parlements nationaux. Mais elle permettrait, dans la majorité des cas, d'éviter la redondance et la lourdeur d'une procédure qui consiste à faire succéder un débat de ratification à un débat de révision constitutionnelle, sans que les enjeux en soient clairement distingués par l'opinion.

Et si jamais cela ne convenait pas, une alternative pourrait également consister…

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé de Charette

…à soumettre la ratification des traités européens ayant une incidence directe ou indirecte sur le fonctionnement des institutions à la procédure de l'article 89 de la Constitution, c'est-à-dire à organiser soit un référendum, soit un vote du Congrès se prononçant à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, la ratification du traité valant alors révision de la Constitution. Je plaide, malgré les cris que j'entends sur certains bancs, pour que le débat que nous aurons au printemps prochain sur la réforme des institutions nous permette d'approfondir cette réflexion, en tenant compte des pistes de réflexion que je vous propose.

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette nouvelle révision constitutionnelle est la vingt-troisième depuis 1958, alors que la Constitution américaine, qui date de 1787, compte vingt-trois amendements !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Cela vous rappelle des souvenirs, 1789 par exemple, ou 1793 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé de Charette

Monsieur Brard, pour ce qui concerne l'histoire de France, vous y avez sûrement votre part, mais laissez-moi la mienne : j'en suis personnellement très fier, et je n'ai pas besoin de vos braillements pour avoir une opinion à ce sujet ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé de Charette

Cette nouvelle révision est la condition posée par le Conseil constitutionnel pour que le Parlement puisse débattre du traité de Lisbonne. À quelques mois de la présidence française de l'Union européenne et dans l'esprit que je viens d'indiquer, la commission des affaires étrangères a donné un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en signant le traité de Lisbonne, le 13 décembre dernier, les chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne ont permis à l'Europe de sortir par le haut de la crise de confiance dans laquelle elle était plongée depuis les référendums français et néerlandais du printemps 2005.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Pour entrer en vigueur le 1er janvier 2009, et s'appliquer ainsi aux élections européennes de juin 2009 et à l'investiture de la future Commission, le traité de Lisbonne devra être ratifié d'ici là dans chacun des vingt-sept États membres. Il faut donc faire vite. C'est pourquoi le Président de la République a engagé la procédure de ratification le jour même de la signature du traité, comme vous l'avez rappelé, monsieur le Premier ministre, en saisissant immédiatement le Conseil constitutionnel de sa conformité à la Constitution.

Le projet de loi constitutionnelle qui nous est présenté vise à rendre notre Constitution compatible avec le traité de Lisbonne – la modification des traités européens appelant, comme par le passé, la modification de notre Constitution. Ainsi, la ratification du traité de Maastricht, en 1992, et celle du traité d'Amsterdam, en 1999, avaient été précédées de révisions constitutionnelles, et le traité établissant une Constitution pour l'Europe avait également donné lieu avant d'être rejeté en mai 2005 par référendum, à une modification de notre Constitution.

J'attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que ces modifications constitutionnelles successives, directement liées à la construction européenne, ont eu pour effet de reconnaître, à chaque fois, de nouveaux droits aux citoyens et aux parlements nationaux. C'est ainsi que la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Maastricht a donné le droit de vote et d'éligibilité aux citoyens européens aux élections municipales. Ce droit s'est appliqué en France pour la première fois aux élections municipales de mars 2001, et un millier de ressortissants communautaires se sont portés candidats. Aux élections municipales qui se tiendront dans deux mois, des dizaines de milliers de citoyens européens pourront voter ou se présenter au suffrage universel. À l'Isle-Adam, j'aurai sur ma propre liste une citoyenne polonaise et une citoyenne allemande.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Entre la Pologne et vous, c'est une longue histoire ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

La révision préalable au traité de Maastricht a également reconnu à soixante députés ou sénateurs la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel de la conformité à la Constitution d'engagements internationaux. Jusqu'à présent, ce droit de saisine était limité au contrôle de constitutionnalité des lois. Enfin, l'article 88-4 introduit en 1992 donne à l'Assemblée nationale et au Sénat la possibilité de voter des résolutions sur les projets d'actes européens.

Mes chers collègues, il faut aujourd'hui franchir une nouvelle étape, en inscrivant dans la Constitution les avancées contenues dans le traité de Lisbonne, qui donnent des droits nouveaux au Parlement européen, à travers la procédure législative européenne, comme aux parlements nationaux. Les prérogatives du Parlement européen, symbole de la démocratie européenne, sont sensiblement renforcées par une procédure législative fondée, d'une part sur le pouvoir de codécision entre les députés européens et le Conseil des ministres, et d'autre part sur la règle de la majorité qualifiée, qui améliore la capacité décisionnelle de l'Union européenne. Le Conseil constitutionnel a jugé que les nouvelles modalités de prise de décision à l'échelon européen s'apparentaient à des transferts de compétences, nécessitant une modification constitutionnelle.

La reconnaissance du rôle législatif du Parlement européen est un progrès significatif vers une Europe plus démocratique. C'est aussi une condition essentielle du développement de la politique européenne, que nos citoyens appellent de leurs voeux.

La nouvelle procédure législative européenne aboutit également à étendre la majorité qualifiée à de nombreux domaines, les décisions étant jusqu'à présent prises à l'unanimité. Les États perdant ainsi leur droit de veto, l'intérêt général européen prime sur les intérêts nationaux.

Ce changement doit nous conduire, plus que jamais, à convaincre nos partenaires européens du bien-fondé de nos positions. La majorité qualifiée est l'essence même du projet européen, surtout depuis les différents élargissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Cette règle de la majorité qualifiée nous oblige à développer une véritable stratégie d'influence, dans un esprit d'écoute et d'ouverture.

Une autre raison nous conduit à modifier la Constitution : ce sont les nouvelles prérogatives dont disposeront à l'avenir les parlements nationaux dans la construction européenne. Pour la première fois dans l'histoire des traités, un article spécifique leur est consacré, ce qui n'était pas le cas dans la Constitution européenne. Et cet article dispose que : « Les parlements nationaux contribuent activement au bon fonctionnement de l'Union ».

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Ainsi, chaque Parlement national pourra s'opposer à la procédure de révision simplifiée des traités permettant d'en modifier certains articles sans passer par la procédure lourde de la ratification par les États membres. Et ce n'est pas tout : l'Assemblée nationale et le Sénat pourront désormais s'adresser directement aux institutions européennes si des projets d'actes législatifs européens leur paraissent contraires au principe de subsidiarité. Il nous sera même possible de former des recours devant la Cour de justice de l'Union européenne. Bien sûr, nous devrons utiliser ces nouveaux droits avec discernement et ne pas les détourner de leur finalité : la subsidiarité ne doit pas servir de prétexte pour s'opposer à la construction européenne et à l'intégration politique qui en découle.

Tous ces changements prévus par le traité de Lisbonne – extension du vote à la majorité qualifiée, prérogatives du Parlement européen, nouveaux droits des parlements nationaux – doivent trouver leur cohérence juridique dans notre droit.

Et pourquoi ne pas aller au-delà de ce qui est strictement nécessaire du point de vue juridique ? Pourquoi, madame la garde des sceaux, ne pas profiter de la future révision constitutionnelle sur la réforme des institutions pour inscrire dans notre Constitution l'existence des symboles européens – l'hymne, le drapeau, la devise – qui ne figurent plus dans les traités européens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Alors que seize États ont signé une déclaration politique affirment leur reconnaissance de ces symboles, la France – qui, je le regrette, n'en est pas signataire – ne pourrait-elle pas les inscrire à l'article 88-1de sa Constitution ?

Voilà ce que j'ai jugé nécessaire de vous rappeler. Dire « oui » à la révision constitutionnelle, ce n'est pas seulement accepter une nouvelle procédure juridique, c'est dire « oui » aux avancées du nouveau traité pour l'Europe et à la poursuite de la construction européenne. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le président de la délégation pour l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je commencerai mon propos par une évidence : il est indispensable de revoir notre édifice institutionnel européen pour l'adapter, enfin, à l'Europe à vingt-sept. Les choses sont claires, nous nous trouvons devant une alternative : soit nous transformons l'essai du traité de Lisbonne ; soit nous en restons, et pour longtemps, aux règles actuelles, c'est-à-dire au traité de Nice. Il n'y a jamais eu de « plan B » : ce n'était qu'une mascarade ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Parce que l'Europe, c'est décider à vingt-sept, c'est faire un pas vers l'autre, et ce n'est pas avancer à son rythme au risque de se retrouver seul, il fallait trouver un compromis positif, ambitieux et durable après les deux « non » français et néerlandais et les dix-huit « oui ». C'est la performance réalisée par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Les dix-huit pays qui avaient ratifié la Constitution européenne ont accepté de renégocier et de ratifier à nouveau. Quant à la France et aux Pays-Bas, ils ont obtenu que l'on tienne compte des critiques formulées pendant les campagnes des référendums.

Dès lors, examinons chacun des termes de l'alternative. Tout d'abord, le traité de Nice. C'est implicitement le choix de ceux d'entre vous qui ne voteront pas ce texte. Or, si ce traité n'empêche pas l'Europe d'avancer, il l'enferme dans une impasse, car nous sommes aujourd'hui vingt-sept, et l'empêche de décider.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

En exigeant pour avancer l'accord des trois quarts des États ou presque, il ferme la porte aux solutions ambitieuses et affadit les actions, au moment même où les citoyens, exigent des réponses claires et efficaces aux défis du monde.

Pire, le carcan de l'unanimité immobilise l'Union dans des domaines qui appellent des solutions urgentes : la gestion des migrations, comme l'a souligné M. le Premier ministre, la lutte contre le changement climatique, la sécurité énergétique, le combat contre le crime et le terrorisme. Quand on pense, après deux attentats sur le sol européen, à Madrid et à Londres, après les menaces terroristes sur le sol français dont la presse faisait récemment état, que les décisions en matière de lutte contre le terrorisme sont toujours prises à l'unanimité et que n'importe quel État, Malte par exemple, peut s'opposer à une décision prise par les vingt-six autres !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Qu'est-ce que ce serait si M. Kadhafi était dans l'Union !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Surtout, la complexité des procédures, l'enchevêtrement des compétences, la part presque inexistante faite aux citoyens entravent l'action et creusent le fossé qui sépare l'Europe de ses peuples.

Dans le traité de Lisbonne, il y a des réponses durables à chacun de ces défauts. Je pense d'abord à la nouvelle règle de majorité au sein du Conseil des ministres, une règle assouplie, puisque l'on passe d'un seuil de décision de 74 % des votes pondérés à 65 % de la population. Dans les faits, cela revient à diviser par deux, en moyenne, la capacité de blocage des États. Cette règle est aussi objectivement favorable à la France, dont l'influence est renforcée, puisqu'elle fait partie des grands pays.

Ensuite, la majorité qualifiée, le vrai curseur des progrès de l'intégration, est étendue à cinquante nouveaux domaines. La perspective d'un espace commun de liberté, de sécurité et de justice, est désormais crédible. La voie d'une défense commune est tracée, grâce au futur Schengen de la défense. Pour permettre aux plus enthousiastes d'avancer sans être freinés par les plus réticents, le nouveau traité facilite les coopérations renforcées et les rend même presque automatiques pour la justice et les affaires intérieures. C'est là d'ailleurs l'une des différences du traité avec la Constitution européenne. Voilà pour l'efficacité : les progrès sont manifestes. Ils le sont tout autant du côté de la démocratie. Nous serons sans doute tous d'accord pour dire que l'Europe souffre aujourd'hui de ne pas être incarnée. Or, sans incarnation, pas de responsabilité claire et identifiable.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Sans visage, l'Europe reste abstraite pour ses citoyens, comme, d'ailleurs, pour les autres peuples. Vous vous souvenez sans doute de la fameuse phrase de Kissinger : « L'Europe, quel numéro de téléphone ? » Il est vrai qu'aujourd'hui, la présidence du Conseil européen change tous les six mois. Dès lors, ni nos partenaires ni nos concitoyens ne savent véritablement quel est le visage de l'Europe. En réponse, le traité de Lisbonne crée la fonction de président du Conseil européen, élu par les chefs d'État et de gouvernement pour deux ans et demi, renouvelables une fois. Sera-t-il, tel un Président de la IIIe République, un modeste « facilitateur de compromis », un « honnête courtier » ? Ou sera-t-il, à l'inverse, le vrai leader de l'Union…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

…incarnant le projet européen et lui donnant ses grandes directions ? Tout dépendra de la personnalité du premier président de l'Union, en 2009 (« Tony Blair ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), et sans doute lui faudra-t-il cumuler ces deux qualités.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Je suis étonné que Tony Blair soit l'objet de tels sarcasmes sur les bancs de gauche…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Les progrès démocratiques ne s'arrêtent pas là. Le Parlement européen devient le colégislateur de l'Union à part entière. La France y sera plus influente, puisqu'elle comptera soixante-quatorze députés européens avec le nouveau traité, contre soixante-douze avec le traité de Nice.

Le traité indique clairement que le Parlement élira le président de la Commission. Si, comme c'est désormais probable, les grands partis européens désignent, dès la campagne pour les élections de 2009, leurs candidats à la présidence de la Commission, nous ferons un nouveau bond en avant en matière de démocratisation : les citoyens pourront choisir leur candidat.

Et ce n'est pas tout. Un million de citoyens pourront suggérer à la Commission un acte de l'Union.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

À l'heure d'Internet, ce droit d'initiative pourrait être lourd de conséquences. Que ceux qui veulent donner une nouvelle direction à l'Europe y réfléchissent avant de tout rejeter ! Les parlements nationaux se voient reconnaître un rôle décisif au coeur des institutions de l'Union. J'insiste sur la lourde responsabilité qui nous est confiée : nous voilà promus en vigies de la subsidiarité, c'est-à-dire qu'il nous appartiendra de veiller à ce que les textes européens apportent une réelle valeur ajoutée par rapport aux actions nationales. Ce n'est pas un pouvoir abstrait, puisque nous pourrons, grâce au nouveau traité, obliger le Conseil et le Parlement à se prononcer si la moitié des parlements nationaux dénoncent un texte. Cela non plus, le projet de Constitution ne le prévoyait pas.

De même, il n'allait pas aussi loin dans l'Europe sociale. C'est l'un des progrès décisifs du traité de Lisbonne. La fameuse « concurrence libre et non faussée », monsieur le Premier ministre, est un moyen, mais elle n'est plus une fin en soi. L'Europe doit protéger ses citoyens dans la mondialisation. Les services publics nationaux sont mieux protégés grâce à un nouveau protocole qui garantit leur qualité. Et à cela s'ajoute la « clause sociale horizontale ». Toutes ces avancées ont été négociées auprès de nos partenaires par le Président de la République française.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Beaucoup raillaient, en 1958, l'ambition démesurée d'un espace économique unifié. Le verdict de l'histoire a été clair, et je suis convaincu que les nouvelles directions imprimées à l'Europe sociale par le traité de Lisbonne connaîtront le même destin.

Bien sûr, des incertitudes subsistent. Comment s'organiseront les relations entre les trois « têtes » de l'Europe : le président du Conseil européen, le président de la Commission et le Haut représentant pour la politique étrangère ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Vous avez oublié le président du Parlement européen ! C'est un signe !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Ce sont des questions auxquelles il nous faudra réfléchir pendant la présidence française.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Revenez à votre intervention, monsieur Lequiller, car le temps passe ! Il y a déjà eu beaucoup d'orateurs et nos collègues du groupe GDR ont très envie de s'exprimer. Ne leur facilitez pas les choses en leur répondant et veuillez conclure !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Ils ont déjà épuisé leur temps de parole, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Du côté des politiques de l'Union, le champ est aussi ouvert.

Aujourd'hui, nous avons l'opportunité de relancer l'Europe et de lui donner un cadre institutionnel ambitieux et durable. Or, selon la belle formule de Jean Monnet, si « rien n'est possible sans les hommes, rien n'est durable sans les institutions ». Nous pouvons enfin remettre la France au coeur de l'Union. Nous avons la possibilité de clore le débat institutionnel pour nous concentrer sur l'essentiel. L'« Europe par la preuve » pour les uns, 1'« Europe par les résultats » pour les autres : voilà ce que les citoyens attendent désormais de nous.

Pour conclure,…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

…je répète ce que j'ai dit ce matin : il est inacceptable d'opposer la légitimité du référendum à la légitimité institutionnelle du Parlement. Tous les pays qui le pouvaient ont fait le choix de la procédure parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Est-ce qu'à Valmy nous sommes allés chercher des exemples ailleurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Et chez nous, les choses sont encore plus nettes. Le candidat Nicolas Sarkozy a toujours dit qu'il proposerait un traité simplifié, à ratifier par la voie parlementaire. Les députés de la majorité ont été élus sur son programme. Refuser le choix du Président de la République démocratiquement élu, c'est refuser le choix des Français ! (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Pour en rester à la méthode, comment peut-on dire « oui » au traité de Lisbonne et « non » à la révision constitutionnelle, sans laquelle ce traité ne pourra jamais voir le jour ? Pour ma part, je dirai évidemment deux fois « oui », parce que c'est la seule position qui soit cohérente et responsable. Avec le même enthousiasme que j'avais lors de la Convention de 2002, à laquelle j'ai eu l'honneur de participer, avec la conviction, renforcée par une participation active à toutes les étapes de la réforme institutionnelle de l'Europe, auxquelles j'ai consacré, au sein de la délégation pour l'Union européenne, plusieurs rapports, j'affirme que nous tenons là le meilleur compromis possible.

Un de mes homologues tchèques m'avait confié, après le « non » français de 2005 : « La France était le phare de l'Europe. Aujourd'hui il est éteint. » Eh bien, voter aujourd'hui la révision constitutionnelle et demain la ratification du traité, c'est rallumer la flamme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

(M. Rudy Salles remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Alain Bocquet, pour trente minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, l'ordre du jour qui nous réunit met en jeu, au travers d'un projet de modification de la Constitution, l'avenir de la France au sein de l'Union européenne. Depuis la Seconde guerre mondiale, la construction de l'Europe a toujours été l'objet de rendez-vous essentiels avec l'histoire, des rendez-vous qui sollicitent l'adhésion et l'engagement des femmes et des hommes qui constituent la communauté des peuples européens. C'est pourquoi il n'est pas acceptable qu'on envisage la ratification du traité de Lisbonne sans informer le peuple, sans le consulter et a fortiori sans son consentement. Vouloir donner à cet acte la portée dérisoire d'une formalité expédiée à la hâte suffit à en faire soupçonner le contenu et redouter les effets.

Quel abaissement en outre pour notre assemblée, vouée à l'exécution des basses oeuvres ! Soyez assurés de la détermination des députés du groupe GDR à faire que les enjeux de fond soient au coeur, non seulement de ce débat, mais aussi du Congrès du Parlement, le 4 février prochain. Nous sommes et nous serons présents pour faire entendre l'exigence d'un référendum sur le traité de Lisbonne.

Le 5 octobre 1789, le peuple de Paris, rassemblé au cri de « À Versailles ! À Versailles ! » s'y est rendu en cortège pour exiger du roi et de sa noblesse le respect de la dignité des Français et pour affirmer la souveraineté de la nation. Aujourd'hui, c'est aux promoteurs de l'ultralibéralisme qu'obéit le Président de la République et c'est aux ordres des marchés qu'il se range lorsqu'il précipite le Parlement sur le chemin de Versailles, pour jeter la France dans les bras de l'Europe marchande. Et cela, au mépris de la démocratie et des principes posés par la Constitution du 4 octobre 1958, …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

…qui établit que « la souveraineté nationale appartient au peuple. »

Il y avait déni de démocratie, le 25 janvier 2005, quand Jean-Pierre Raffarin demandait au Parlement de constitutionnaliser par avance un texte approuvé par 93 % des parlementaires à Versailles et que 55 % des Français allaient rejeter quatre mois plus tard par référendum. Il y avait déni de démocratie parce que le Gouvernement s'efforçait, par ce biais, d'instrumentaliser le Parlement dans le but de lier le vote de nos concitoyens. Il y a déni de démocratie, pis encore, aujourd'hui, quand le Président de la République décide de passer par-dessus les Français pour faire ratifier, par voie parlementaire, un traité qui n'est qu'une fuite en avant dans l'Europe de l'argent roi.

Les peuples ne sont pas indifférents à la construction européenne et souhaitent qu'elle soit leur affaire. Cette aspiration représente pour l'Europe une chance qu'il faut saisir : 76 % des Allemands, 75 % des Britanniques, 72 % des Italiens, 65 % des Espagnols sont favorables au référendum. C'est également vrai en France – à plus de 70 % –, et notre responsabilité n'est donc pas d'y faire obstacle, mais d'y faire droit.

Vous répétez à qui veut l'entendre que les Français auraient exprimé le choix contraire en élisant Nicolas Sarkozy. C'est une manipulation grossière, avec une présentation tronquée du choix réel des Français. Faut-il rappeler qu'au premier tour de l'élection présidentielle, tous les candidats, sauf Nicolas Sarkozy, complètement isolé sur ce point, s'étaient exprimés en faveur d'un référendum ? Et ils ont réuni 70 % des suffrages. C'est dire si la procédure que le Président veut imposer au pays est contraire à la volonté nationale.

Ils tremblent partout en France, les dirigeants financiers et politiques. Ils n'ont rien oublié du verdict rendu par les peuples français et néerlandais, le 29 mai puis le 1er juin 2005, ce double non populaire, majoritaire, lucide et citoyen opposé au projet de traité constitutionnel européen. Ils tremblent et pour cause, car le traité de Lisbonne n'est qu'un triste clone du traité constitutionnel rejeté en 2005, et l'on redoute partout en haut lieu les effets du dicton populaire : mêmes causes, mêmes effets. « Le but de ce traité est d'être illisible », déclarait fin décembre le ministre belge des affaires étrangères. Et il ajoutait : « C'est un succès ! » Illisible : c'est en effet ce qui, de prime abord, caractérise cet ensemble de 146 pages, auquel il faut ajouter 296 amendements au texte existant, 12 protocoles et 51 déclarations de même valeur juridique que le traité lui-même. D'ailleurs, notre rapporteur, M. Warsmann, a reconnu tout à l'heure que ce traité était difficile à comprendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Illisible, c'est également ce qu'admet en expert – et quel expert ! – M. Valéry Giscard d'Estaing, qui précise : « Les propositions institutionnelles du traité constitutionnel se retrouvent intégralement dans le traité de Lisbonne. » Et il ajoute : « Les outils sont exactement les mêmes. Seul l'ordre a été changé dans la boîte à outils. » On reste admiratif devant une telle hauteur de vue. « L'expression "concurrence libre et non faussée", qui figurait à l'article 2 du projet, est retirée à la demande du président Sarkozy, mais elle est reprise, à la requête des Britanniques, dans un protocole annexé au traité […]. Il en va de même pour le principe de la supériorité du droit communautaire sur le droit national. […] Quel est l'intérêt de cette subtile manoeuvre ? », feint de s'interroger Valéry Giscard d'Estaing. « D'abord et avant tout d'échapper à la contrainte du recours au référendum. » Pour une fois, il parle d'or.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Or les mêmes dangers se présentent et nous interpellent, à droite comme à gauche. C'est pourquoi la situation exige la mobilisation de chacun de ceux qui, quel que soit leur avis sur ce traité, considèrent que la décision doit revenir au peuple souverain. Comme le résume l'ancien ministre Paul Quilès, « c'est une question de cohérence et de démocratie », et ce d'autant que le référendum peut être obtenu : « il suffit pour cela que la révision constitutionnelle soit rejetée au Congrès de Versailles, par deux cinquièmes des parlementaires, ce qui est faisable. » Boycotter ce Congrès, considérer ce combat comme perdu d'avance, ce serait accepter que le référendum n'ait pas lieu, décourager un peu plus ceux qui contestent la suprématie de l'argent et de la Bourse, et donner quitus au président Sarkozy qui, lorsqu'il déclare qu'il n'y aura pas de consultation citoyenne, ne s'exprime pas en républicain, mais décide en despote.

Je veux dire à mes collègues socialistes, vers lesquels je me tourne amicalement, la grande incompréhension et la déception qu'ils ont causée au sein de la gauche populaire en annonçant qu'ils boycotteraient éventuellement ou ne participeraient pas au vote lors de la réunion du Congrès à Versailles. Par les temps qui courent, faut-il vraiment se conduire en gregari du libéralisme européen échevelé de Nicolas Sarkozy ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Aujourd'hui, la baisse du pouvoir d'achat est un problème partout en Europe. Le recul de 8,6 %, au profit du capital, de la part des salaires dans la valeur ajoutée est un problème partout en Europe. L'explosion des prix des produits alimentaires, qui ont augmenté de 5,1 % en un an, est un problème partout en Europe. Le projet de porter de 48 à 60 heures, voire plus, la durée légale du travail est un problème partout en Europe. Or, de la Constitution Giscard de 2005 au traité Sarkozy de 2007, il n'y a pas rupture dans la continuité des politiques, mais continuité dans la rupture avec nos valeurs républicaines et avec l'essentiel de nos droits et de nos acquis sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

La loi de la concurrence prime tout le reste. Concurrence libre et non faussée, toute-puissance de la Commission européenne, austérité budgétaire du pacte de stabilité, indépendance de la Banque centrale européenne, liberté totale de circulation des capitaux, tous les ingrédients du traité constitutionnel se retrouvent dans le nouveau traité. Et ce n'est pas parti pour changer, si l'on en juge par la déclaration de Jean-Claude Trichet, pour qui « La Banque centrale européenne ne tolérera pas de spirale inflation-salaires. »

Ce qui n'est pas tolérable, c'est justement cette propension à traiter par le mépris l'aspiration du monde du travail à un partage équitable de la richesse créée, et à une société de justice et de progrès. Celle-ci n'a rien à voir avec l'Europe actuelle, qui est une Europe de la concurrence, opposée à l'Europe des services publics. Ainsi, le protocole n° 6 sur le marché intérieur et la concurrence rappelle que, « compte tenu du fait que le marché intérieur, tel qu'il est défini à l'article I-3 du traité de l'Union européenne, comprend un système garantissant que la concurrence est non faussée [...], l'Union prend, si nécessaire, des mesures dans le cadre des dispositions des traités. » Le 23 juin 2007, Nicolas Sarkozy affirmait que le non français avait été entendu et que la référence à la concurrence libre et non faussée était abandonnée. Mais, prétendument sortie par la porte, elle revient par la fenêtre du protocole n° 6.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Ce que le vote de mai 2005 avait rejeté, le Président de la République voudrait donc le rétablir avec l'aval de l'Assemblée et contre la volonté populaire. C'est ce défi que nous voulons relever ici et à Versailles.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Le nouveau texte rappelle le pouvoir exclusif de la Commission européenne dans l'établissement des règles de concurrence, ainsi que des sanctions applicables aux États qui aideraient un secteur économique menacé ou financeraient les services publics. Le financement par l'État des entreprises de service public est déclaré incompatible avec le marché intérieur et interdit. Cette précision figure à l'article 87 du traité, qui reprend l'article III-167 du traité de 2005. La libéralisation des activités ferroviaires ou postales et de l'énergie demeure plus que jamais d'actualité et doit être encore accélérée.

L'article 53 précise que « les États membres s'efforcent de procéder à la libéralisation des services, au-delà de la mesure qui est obligatoire en vertu des directives arrêtées en application de l'article 52. » Il reprend mot pour mot l'article III-148 du traité constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

D'un texte à l'autre, le décalque se vérifie aussi pleinement à propos de la Commission européenne, dont l'omnipotence est sacralisée. L'article 9D reprend terme à terme l'article I-26, qui veut qu'« Un acte législatif de l'Union ne peut être adopté que sur proposition de la Commission » et que « la Commission exerce ses responsabilités en pleine indépendance ».

Durant la dernière campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy avait souligné le « fossé de plus en plus profond entre le peuple et les élites » et la nécessité « d'une Europe pour la démocratie et non pour la bureaucratie ». On voit ce qu'il reste, huit mois plus tard, de tant de poudre jetée aux yeux de l'opinion.

Le traité constitutionnel n'était révisable que sous condition de réunir une double unanimité, celle de tous les gouvernements précédant celle de tous les États. La règle demeure la même aujourd'hui, car l'article 33 reprend cette procédure ubuesque de révision.

Quant aux parlements nationaux, ils continueront de bénéficier du droit d'être informés des décisions de l'Union. C'est la moindre des choses, mais on reste très loin d'une revalorisation du rôle et de l'intervention des Parlements nationaux sur les enjeux européens.

La boucle est ainsi bouclée car, pour ce qui est enfin du droit de pétition des citoyens, qu'a évoqué M. Lequiller, il est aussi dénué de caractère impératif qu'en 2005. Il se limite en effet à formuler l'exigence d'application des dispositions contenues dans le traité, la décision d'y donner suite ou non relevant strictement du choix de la Commission européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

En clair, la Commission accepte ou non de faire droit à la pétition des citoyens. Autant dire qu'elle a, dans ce domaine, un pouvoir absolu.

Un autre aspect essentiel du traité réside dans les dispositions portant sur les enjeux monétaires et budgétaires. Là encore, l'examen comparé des deux textes est sans appel. Dans l'Europe de l'austérité, de la croissance atone et au bord de la récession, cette Europe aux 20 millions de chômeurs et aux 65 millions de pauvres, la BCE conserve toute son indépendance…

Debut de section - PermalienPhoto de André Gerin

D'ailleurs, même si la décision remonte à François Mitterrand, ce n'est pas une raison pour l'approuver !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

…au mépris des États et au détriment des peuples. L'indépendance de la Banque centrale européenne, je le souligne au passage, n'est pas le fait du hasard. Elle est le reflet de la volonté des gouvernements d'appuyer la construction d'une Europe ultralibérale sur une institution…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Je ne suis pas mitterrandiste et je ne l'ai jamais été !

Je dénonce une Europe ultralibérale, mise délibérément en capacité de demeurer sourde aux besoins des peuples. Les gouvernements se créent à eux-mêmes un cadre contraignant pour résister ensemble aux pressions populaires. On voit à quels renoncements et à quels ravages ont conduit ces orientations. Et pourtant, passées les rodomontades élyséennes, on continue de plus belle, comme si de rien n'était. Là encore, la démocratie est complètement déconsidérée.

Reprise du traité constitutionnel, l'obligation maintenue de déficits publics inférieurs à 3 % du produit intérieur brut et d'une dette publique inférieure à 60 % de ce même PIB n'a entraîné jusqu'ici que l'accumulation de coupes claires dans les dépenses sociales des États.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

J'ai voté contre le traité de Maastricht.

En France, la loi de finances pour 2008 en témoigne : rationnement des dépenses, suppression de dizaines de milliers d'emplois publics, dégradations tous azimuts de la protection sociale et de l'hôpital public, du logement et de l'éducation, casse du système solidaire des retraites… Tel est le prix à payer, tandis que se renforcent les aspects répressifs des politiques mises en oeuvre. On cherche, là encore, la différence avec le traité de 2005.

Nicolas Sarkozy est peut-être passé maître dans l'art de distinguer le temps des promesses de celui des actes, mais, les sondages en attestent, la réalité est en train de rattraper par la manche le Président d'un jour du pouvoir d'achat, et nos concitoyens sont de moins en moins décidés à se laisser duper.

Bien évidemment, le constat global de continuité d'un traité à l'autre vaut en matière de liberté du capital et de dumping social. L'article 56 du nouveau traité reprend les prescriptions de l'article III-156 du traité constitutionnel. Et, libéralisme oblige, comme le traité fait obstacle aux harmonisations fiscale et sociale entre États membres – je vous renvoie aux articles 93 et 137 –, l'ensemble de ces dispositions ouvre la porte aux délocalisations et au nivellement par le bas de la rémunération du travail.

Comment, dès lors, « moraliser le capitalisme financier » comme prétend le faire Nicolas Sarkozy ? À l'évidence, c'est le chemin contraire qu'il emprunte en renforçant les atouts du capital aux dépens du monde du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

N'est-ce pas alors le droit des citoyens français et européens d'être informés pleinement de ces faits et de ces enjeux ? N'est-ce pas leur droit d'avoir le temps d'en débattre ? N'est-ce pas leur droit de décider, par vote, d'y mettre, ou non, des limites ou un terme ?

L'Europe légitime le dumping social. Or le traité encouragera la liquidation des garde-fous que constituent les codes du travail. Déjà, la flexisécurité, selon la Confédération européenne des syndicats, menace de servir de « permis de licencier plus facilement et d'adopter des formes de travail plus précaires. »

Un rapport récent du Sénat sur la coordination des politiques économiques en Europe constate qu'en réduisant les gains salariaux, les politiques européennes altèrent une des incitations essentielles du travail. Il dénonce en outre une diminution importante du bien-être en Europe, aggravée par l'incapacité des États à réagir à des chocs négatifs, du fait du carcan imposé aux politiques économiques. Le rapport conclut par les mots suivants : « Le passif l'emporte, et de très loin. Il ne s'agit de rien de moins que de la survie de l'Union européenne. »

Je l'ai montré, les orientations que le nouveau traité propose ne serviront qu'à doter ces politiques dévastatrices d'un irrésistible et dramatique élan. Sans doute objectera-t-on qu'il existe une Charte des droits fondamentaux. Mais celle-ci est, par exemple, très en deçà de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Et, en 2008, cette situation se trouve aggravée par le fait qu'elle ne figure même plus, en tant que telle, dans le traité.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Elle lui est unie par un lien juridique. Ce sont les Britanniques qui en ont fait la demande !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Elle lui est rattachée et le Royaume-Uni, la Pologne sont déjà dispensés d'en respecter les principes. Je sais bien que vous aimez beaucoup M. Blair et que vous l'avez quasiment fait adhérer à l'UMP, mais est-on obligé de suivre les Britanniques ?

Le traité précise d'ailleurs que la Charte « confirme les droits, les libertés et les principes reconnus par l'Union, et les rend plus visibles, sans toutefois créer de nouveaux droits ou principes ». Le traité prévoit même que « selon une jurisprudence bien établie, des restrictions peuvent être apportées à l'exercice des droits fondamentaux, notamment dans le cadre d'une organisation commune de marché ». Là encore, c'est le marché qui dicte sa loi.

On est aux antipodes de la « politique de civilisation » invoquée par le Président de la République, le même Nicolas Sarkozy co-auteur et signataire d'un traité qui ne sert qu'à pousser plus avant tous les pions de l'ultralibéralisme le plus exacerbé.

Par quelque aspect que l'on aborde l'enjeu européen et celui d'une modification de notre Constitution, les dérives de la construction de l'Union et le traité appelé à les prolonger confirment que nous sommes face à un recul des valeurs fondatrices de notre République. Et ce recul affecte également la capacité de notre pays à rayonner dans le monde. Ainsi, le traité conforte les liens entre l'Union européenne et l'OTAN. Les États sont invités à améliorer leurs capacités militaires et à s'engager dans des opérations extérieures « afin de préserver les valeurs de l'Union ». Cet aventurisme guerrier renvoie déjà à l'un des objectifs de la prochaine présidence française de l'Union : le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN. Il ajoute une dimension à « l'Europe forteresse » qui se construit sous prétexte de protection, et que l'élargissement récent de l'espace Schengen a conduite à se doter de murs toujours plus hauts.

Loin de favoriser la fraternité des peuples et les coopérations entre Nord et Sud, le désarmement et la paix, qui constitueraient autant d'objectifs pour une Europe attachée à modifier la gouvernance mondiale, le traité s'inscrit au contraire dans une logique de domination et de défiance propre à favoriser la militarisation du monde, et à encourager les regains de tensions et les terrorismes.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

On le voit donc très clairement, cette modification de la Constitution ne peut être examinée sans prendre en compte, d'une part, le problème que pose la mise à l'écart de notre peuple et, d'autre part, la nécessité de dire non au traité pour les dangers qu'il recèle et pour sa fidélité cynique au traité constitutionnel rejeté en 2005.

Parler en France comme le fait Nicolas Sarkozy d'une « nouvelle renaissance » n'a aucun sens, lorsque cela se réduit à tisonner laborieusement les cendres pour ressusciter la défunte constitution européenne. La France et l'Europe méritent mieux que cela !

Les dirigeants de l'Union s'efforcent par tous les moyens de faire l'économie de la vraie question de fond, celle de la confrontation du bilan de l'Europe libérale au projet d'une Europe sociale. Mais toute perspective de progrès et de changement en Europe pose l'exigence de l'implication populaire.

Et c'est d'une autre Europe que les peuples ont besoin. Une Europe harmonisant par le haut ses réglementations sociales et fiscales. Une Europe décidée à en finir avec le dumping social. Une Europe développant des politiques économiques, industrielles, et des investissements créateurs d'activités et d'emplois. Une Europe définissant une nouvelle politique agricole commune pour faire face à la révolution alimentaire née de la demande croissante des pays émergents et de l'essor de la démographie. Une Europe mettant en place des coopérations énergétiques, inversant le choix actuel du tout routier. Une Europe faisant des services publics le coeur des choix engagés au bénéfice des habitants. Une Europe agissant pour faire face aux enjeux de formation liés aux nouvelles technologies et aux possibilités nées de la révolution informationnelle. Une Europe du progrès des droits et de la citoyenneté, démocratisant ses institutions, rapprochant le pouvoir de décision du citoyen, revalorisant le rôle des Parlements nationaux et du Parlement européen. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Piron

C'est exactement ce qui est prévu ! (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Une Europe réorientant et maîtrisant les orientations de la BCE, les prérogatives de la Commission. Une Europe mobilisée par les enjeux planétaires du développement durable et de l'environnement, de la mortalité infantile, de l'accès à l'eau et aux soins…

Pour préserver un système économique et social moribond, incapable de répondre aux aspirations des peuples et de relever les défis du monde de demain, les dirigeants politiques actuels, Nicolas Sarkozy en tête, cherchent à nouveau à empêcher l'ouverture d'un vaste débat national et européen sur de tels enjeux. C'est le fond de l'affaire, le sens et l'objet du projet de modification constitutionnelle qu'on nous demande d'adopter. Je vous appelle au contraire à relever le défi de la construction d'une Europe au service des peuples, en votant cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Certes, l'exercice auquel s'est livré M. Bocquet était difficile, puisqu'il s'agissait de démontrer qu'un projet de révision de la Constitution était contraire à la Constitution. De fait, il n'a pas convaincu la commission. Nous souhaitons donc le rejet de cette exception d'irrecevabilité afin que l'Assemblée puisse passer à l'examen du texte au fond.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gerin

Vous, vous défendez le mur de l'argent et c'est encore plus difficile !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

La réponse est un peu légère, monsieur le président de la commission !

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Dans les explications de vote, la parole est à M. François de Rugy.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, chers collègues, les députés du groupe de la gauche démocrate et républicaine, dans toutes leurs tendances, communiste, outre-mer et Verts, voteront pour cette exception d'irrecevabilité.

Je dirai quelques mots sur la position des députés Verts à propos de la procédure de ratification du traité de Lisbonne, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit. Nous reviendrons sur le fond du traité à l'occasion de la ratification à proprement parler. Je l'ai indiqué ce matin, dans le cadre du débat organisé à l'initiative de nos collègues communistes, les Verts défendent l'idée d'un référendum européen prévu le même jour – ou en tout cas la même semaine – dans tous les pays de l'Union européenne. Cela nous semblerait la meilleure manière d'associer tous les peuples d'Europe à l'avenir de l'Europe. Cette procédure, certes inédite, permettrait de sortir le débat européen des enjeux franco-français, italo-italiens, germano-allemands ou anglo-anglais…

En mai 2005, lorsque les débats franco-français avaient en quelque sorte pollué le débat européen, nous avons bien vu ce qu'il en avait coûté à l'Europe. Nous ne devons pas oublier non plus que le non de la France a été, aussi et d'abord, le résultat d'un rejet par les Français d'un certain nombre de politiques européennes – Alain Bocquet en a évoqué quelques-unes. Je dis cela d'autant plus sereinement que les Verts ont fait campagne en 2005 en faveur du oui. Je suis personnellement un ardent défenseur de la construction européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Je suis même le député d'une circonscription qui a voté majoritairement oui. Mais cela ne nous autorise pas à nier ou à oublier que le référendum sur le traité constitutionnel européen, le fameux TCE, s'est conclu par un non « franc et massif », comme aurait dit un ancien Président de la République. Nous ne pouvons nier le refus de tout progrès en matière d'harmonisation fiscale et sociale. Or cela a été un élément clé dans le choix des Français. Au-delà, il y a eu aussi le sentiment que la construction européenne se faisait souvent sans les peuples, et même parfois dans le dos des citoyens. C'est ce divorce démocratique qui a également conduit au non de mai 2005, en France comme dans d'autres pays.

Le refus d'un référendum pour un nouveau traité très proche du TCE va incontestablement renforcer ce malaise démocratique. Certes, la question du référendum peut parfois être instrumentalisée, notamment par ceux qui peuvent trouver là une sorte de tribune politique ou médiatique. Mais il faut prendre en compte les partisans du oui et du non de mai 2005 qui souhaitent sincèrement un débat et un vote populaire.

Nous savons bien que la réforme constitutionnelle ne décide pas du mode de ratification : c'est un préalable nécessaire à la ratification du traité, que celle-ci s'opère par la voie parlementaire ou référendaire. Cette vérité doit être rétablie. Mais comme le débat a été clos par avance par le Président de la République, et à sa suite, le Gouvernement et la majorité qui le soutient, avant même que le Parlement dans son ensemble puisse s'en saisir, par notre abstention sur cette réforme de la Constitution, ou notre vote contre, nous voulons émettre une protestation politique contre ce qui est perçu comme un passage en force. Vous aurez du mal, en effet, à prouver le contraire à nos concitoyens.

Dans l'attente du vote solennel, demain, sur la révision de la Constitution, le groupe de la gauche démocrate et républicaine, dans toutes ses tendances, votera donc cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Sur le vote de l'exception d'irrecevabilité, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Monsieur le président, mes chers collègues, comme l'a dit le président Warsmann, nous attendons toujours les arguments constitutionnels s'opposant à l'adoption de la réforme constitutionnelle permettant la ratification du traité de Lisbonne. Et nous les attendrons longtemps puisque c'est suite à une consultation du Conseil constitutionnel que ce texte a été établi.

Le deuxième argument qui doit nous inciter à rejeter cette exception d'irrecevabilité, c'est la sentence latine : Errare humanum est, perseverare diabolicum. Le parti communiste s'est constamment opposé – transmettant en cela les ordres de l'Union soviétique de l'époque (Vives protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) – à la construction européenne. Vous pouvez protester, mes chers collègues, les historiens ont apporté des preuves de tout cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Vous vous êtes opposés à la CED, au traité de Rome et à tous les traités visant à renforcer la construction européenne. Comme le disait Lénine, vous finirez, en matière européenne comme dans beaucoup d'autres domaines, dans les poubelles de l'histoire, comme tous ceux qui nient l'évolution du monde. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

La troisième raison de ne pas voter cette motion, c'est votre argumentaire. Au fond, vous avez ressorti la vieille conception théologique de l'État que Marx a héritée de la philosophie des hégéliens de gauche, mais vous ne vous êtes jamais posé la question de savoir si c'étaient les institutions qui étaient au service des hommes ou l'inverse.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bocquet

Pour l'instant, elles sont au service du capital !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Pour vous, les hommes sont au service de l'institution. Pour nous, qui sommes des humanistes, les États sont nés pour répondre à des besoins historiques ; c'est pour la même raison que s'est progressivement construite l'Union européenne et qu'elle continuera à se construire, malgré tous vos arguments, qui sont – au sens étymologique – des arguments réactionnaires qui témoignent de votre incompréhension de l'évolution du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à Mme Nicole Ameline, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Ameline

Pour le groupe UMP, cette motion est inutile, infondée et dangereuse. Inutile, car elle ne masque en rien la réalité, celle d'une opposition qui cherche désespérément à donner une image de cohérence et de crédibilité, ce qui est visiblement pour elle un objectif hors d'atteinte.

Comment osez-vous, monsieur Bocquet, évoquer la responsabilité de notre assemblée en termes d'exécution de basses oeuvres ? Comment osez-vous bafouer ainsi la souveraineté nationale dont nous sommes l'expression ? Quel paradoxe d'avoir des propos aussi inqualifiables au moment où, précisément, le rôle des parlements nationaux est reconnu dans le traité de Lisbonne et au moment où il va être réaffirmé dans le cadre d'une prochaine réforme des institutions !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Ameline

Monsieur Bocquet, la vérité, la cohérence et la responsabilité sont de notre côté. Vos différents artifices de procédure ne trompent personne et vous éloignent davantage encore de la gauche moderne qui, en Europe, se retrouve sur ce texte.

Cette motion est infondée. Comment faut-il vous le dire : ce traité n'est plus la Constitution, et il n'est pas question de refaire ici le débat de ce matin, qui s'est conclu par le rejet de votre initiative parlementaire. Ce traité est d'inspiration française ; ses dispositions sont d'inspiration française et les questions sociales y sont prises en compte.

C'est un fait que tous les pays qui ont réussi dans le monde ont choisi l'ouverture économique. Pour autant, l'Europe, ce n'est pas nécessairement l'ouverture totale à l'économie de marché. C'est au contraire une vision du progrès social comme condition du développement durable.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Ameline

Vous ne pouvez pas nier que les questions sociales sont prises en compte dans ce traité.

Monsieur Bocquet, écoutez la Hongrie, écoutez la République tchèque, écoutez ces signaux venus des démocraties les plus modernes et les plus jeunes de l'Europe : c'est avec elles que nous ferons l'Europe de la paix et de la défense ; c'est avec elles que nous ferons l'Europe de l'environnement et du développement durable ; c'est avec elles que nous ferons l'Europe des citoyens.

Le groupe UMP rejette évidemment cette motion et regrette que, croyant défendre les intérêts du parti communiste, vous ayez oublié la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de André Gerin

Vous, vous n'avez pas oublié les forces de l'argent !

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Le groupe socialiste n'ayant pas demandé la parole dans les explications de vote, nous allons procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'exception d'irrecevabilité.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 108

Nombre de suffrages exprimés 102

Majorité absolue 52

Pour l'adoption 22

Contre 80

L'exception d'irrecevabilité est rejetée.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

J'ai reçu de M. Nicolas Dupont-Aignan une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, je sais que ma persévérance peut surprendre certains, mais je ne suis pas de ceux qui changent d'idée en cours de route.

En janvier 2005, comme aujourd'hui, nous n'étions que quelques-uns sur les bancs de cette assemblée à nous opposer au projet de traité constitutionnel européen. 7 % des parlementaires votaient contre au congrès de Versailles. Quelques mois plus tard, le peuple français rejetait à une très large majorité ce traité constitutionnel européen. Le décalage entre ces deux votes explique pourquoi vous voulez aujourd'hui éviter un référendum.

C'est donc au nom du verdict souverain du 29 mai 2005, aujourd'hui ignoré et bientôt bafoué, que je veux m'exprimer devant vous et poser la question préalable. J'associe à cette question François-Xavier Villain et Véronique Besse, députée de Vendée. Car cette fois-ci, sauf sursaut de notre assemblée et du Sénat, le peuple français n'aura pas le droit – j'allais dire la chance – d'être consulté.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Je ne doute pas que les historiens s'interrogent un jour pour savoir comment, à l'aube de l'année 2008, dans l'indifférence générale, le Parlement a amputé le peuple français d'une part importante de sa souveraineté, c'est-à-dire de sa démocratie – car, comme le disait le Général de Gaulle, qu'on le veuille ou non, la démocratie se confond exactement avec la souveraineté nationale. Ils se demanderont aussi comment les dirigeants de notre pays ont pu se priver des moyens de respecter les promesses électorales qui avaient rassemblé autour d'eux au printemps précédent une large majorité de leurs concitoyens. Ils s'interrogeront enfin sur l'étrangeté d'une opposition qui, après avoir promis de tout faire pour qu'il y ait consultation populaire sur le nouveau traité européen, se refuse à voter contre au Congrès de Versailles, rejetant la seule occasion où elle aurait disposé d'un moyen imparable pour contraindre le Président de la République à organiser un référendum.

Mes chers collègues, les historiens de demain, comme beaucoup de citoyens d'aujourd'hui d'ailleurs, s'étonneront aussi de l'omerta médiatique, bien organisée, qui interdit de fait dans notre pays tout vrai débat sur ce prétendu « nouveau traité européen ». Car ils n'ignoreront pas, eux, que ce silence dissimule l'une des dates qui restera comme l'une des plus importantes dans l'histoire de notre pays. Une date terrible, où un peuple, contre sa volonté explicite, est condamné par ses représentants à perdre la maîtrise de son destin.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Car, ne vous en déplaise, mes chers collègues, le caractère extraordinaire, au sens littéral du terme, de la situation d'aujourd'hui, ne fait pas l'ombre d'un doute.

On nous demande à nous, représentants du peuple français, de voter un texte identique à celui qu'il a nettement et massivement rejeté il y a un peu plus de deux ans, un refus décidé à une très large majorité et après un débat public vrai, long et approfondi. De quel droit pourrions-nous nous ériger ainsi en censeurs du peuple, dont nous ne sommes en toute humilité, je vous le rappelle que les représentants ? Pour ma part, je me refuse à tricher avec la démocratie, car c'est bel et bien de cela qu'il s'agit.

Lorsqu'un tout petit 51 % des voix a ratifié, en 1992, le traité de Maastricht que j'avais combattu, je me suis, avec 49 % des électeurs, incliné devant une décision démocratique souveraine. Et, à l'inverse, les 55 % de non du 29 mai 2005 ne pèseraient rien ? Quand c'est oui, c'est oui, quand c'est non, c'est oui quand même ! Ne trouvez-vous pas curieuse cette étrange conception de la démocratie ? Ne craignez vous pas que, tôt ou tard, les 70 % de Français qui veulent aujourd'hui un référendum sur le traité de Lisbonne s'estiment déliés de l'obligation de respect envers des institutions qui ont perdu leur légitimité ?

N'êtes-vous pas gênés à l'idée que d'autres pays, à la réputation démocratique un peu particulière, tel le Venezuela d'Hugo Chavez, respectent, eux, le résultat des référendums, même et surtout lorsqu'il ne plaît pas en haut lieu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Ne craignez-vous pas enfin, pour ceux d'entre vous qui portez un attachement sincère à l'Europe intégrée, que ce passage en force ne la discrédite définitivement non seulement dans les esprits mais désormais dans les coeurs ?

J'ai parlé tout à 1'heure d'une situation littéralement extraordinaire. Elle l'est à plus d'un titre, car ce texte qu'on nous demande de voter n'est pas un projet de loi banal. Ce traité n'est pas, comme certains l'affirment pour esquiver le débat, un simple règlement de copropriété amélioré, qui porterait sur la couleur des volets ou le nombre de bacs pour le tri sélectif. Non, il s'agit d'une modification en profondeur de notre Constitution – le Conseil constitutionnel l'a rappelé –, pour pouvoir ensuite adopter un traité européen qui déshabille notre souveraineté et donc démantèle notre démocratie. Pour en rester à la métaphore de l'habitat collectif, c'est un peu comme si l'assemblée générale des copropriétaires, outrepassant son mandat, confiait les pleins pouvoirs au syndic, l'autorisant désormais à s'occuper de la vie des locataires et des copropriétaires.

Jamais depuis la Libération une modification constitutionnelle aussi décisive pour l'équilibre de nos institutions, et donc pour l'avenir de notre peuple, n'a été ainsi adoptée à la va-vite par le Parlement. Comment d'ailleurs pourrions-nous, sans faillir à notre mission même, abdiquer la souveraineté inaliénable, indivisible et imprescriptible que nous exerçons au nom du peuple mais que seul lui – et encore, madame Ameline – peut décider d'entamer ? Il y a eu peu d'exemples dans la longue histoire de notre nation, sinon les plus honteux, où l'on a demandé au Parlement de bâillonner le peuple dont il est l'émanation.

Et si vous êtes si sûrs de vous, pourquoi, de grâce, ne consultez-vous pas le peuple, si c'est là l'occasion de sortir l'Europe de l'impasse ? Si le peuple s'est trompé en 2005, qu'on lui redemande son avis !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Mais la situation est d'autant plus extraordinaire que ce vote contre nature, indigne de notre assemblée, s'effectue au nom d'une construction européenne qui n'a plus rien à voir avec la belle idée européenne qui devrait tous nous rassembler. Cette construction européenne-là, en effet, risque bel et bien d'en être au contraire le tombeau. Car c'est une construction dont les fins et les moyens échouent chaque jour un peu plus devant nous et qui, en conséquence, est de plus en plus contestée – tous les sondages le prouvent – par les peuples d'Europe.

Loin de vouloir réorienter cette construction pour servir le progrès des peuples – car nous avons évidemment besoin de l'Europe –, le traité de Lisbonne marque l'entêtement des dirigeants européens dans une impasse économique, sociale et en fin de compte démocratique. Car, comble de tout, on ne nous demande pas de nous amputer les bras pour bâtir une démocratie européenne – je respecte à la rigueur les avocats d'un fédéralisme européen total, ils ont au moins le mérite de la cohérence –, mais pour conforter une oligarchie bureaucratique qui n'est jamais responsable de rien, ni devant personne.

On nous demande de saborder les démocraties nationales sans rien construire de solide capable de s'y substituer. Les responsables de ce plan grandiose, au grand dam des fédéralistes francs et sincères, voudraient-ils démontrer que l'Europe politique n'est qu'une chimère qu'ils ne s'y prendraient pas autrement !

Allez-vous, mes chers collègues, faire franchir à la France et à l'Europe ce pas fatal ? Allez-vous bafouer la volonté du peuple dont vous êtes les représentants ? Allez-vous sacrifier la souveraineté dont vous êtes les dépositaires et les gardiens ? Allez-vous condamner la construction européenne à une fatale illégitimité, alors que vous auriez pu en être, après le référendum du 29 mai 2005 et après la très large victoire du Président de la République, l'aiguillon salvateur ?

Mais toutes les grandes fautes historiques ont toujours été habillées des meilleures excuses du monde ! Comme si les assemblées, à l'instar des individus grands et petits, avaient besoin de se mentir à elles-mêmes pour ne pas avoir trop mauvaise conscience de leur faiblesse, ou de leur forfait.

La période actuelle ne fait pas défaut. Quantité d'arguments sont avancés pour endormir les Français et exonérer leurs représentants de leur responsabilité. Succession de petites excuses qui sont autant de lâchetés, et de mensonges, pour se voiler la face devant la gravité de l'enjeu institutionnel, devant ses conséquences pour notre démocratie, notre économie, notre société.

Permettez-moi, par cette question préalable, de répondre aux quatre arguments, tous plus fallacieux les uns que les autres, généralement invoqués par les avocats de cette ratification parlementaire. Ces fameuses raisons que j'entends depuis plusieurs semaines, que nous avons entendues ce matin et que nous réentendrons tout à l'heure, qui, prétendument, justifieraient ce passage en force au petit matin de l'année 2008, pendant que l'on distrait l'opinion au moyen d'une actualité insignifiante.

Il a tout d'abord été dit et répété sur tous les tons que le traité de Lisbonne serait différent de la Constitution Giscard. C'était bien, pour le candidat à la présidence de la République, la moindre des prudences afin de ne pas provoquer la majorité des Français qui avait voté « non » au référendum du 29 mai 2005 et de ne pas s'aliéner ainsi leur vote.

« Mini-traité », « traité simplifié », « traité modificatif », et j'en passe... voilà la vraie habileté. Bravo !

Des formules simples, martelées sur toutes les antennes. Circulez, il n'y a plus rien à voir. Dormez tranquilles, bonnes gens, nous avons entendu votre « non » ! Le produit est différent, vous pourrez donc le consommer sans crainte !

Là aussi, les historiens s'interrogeront un jour pour essayer de comprendre comment une démocratie adulte comme la nôtre aura pu, sans réagir, laisser se propager une telle fable, une telle campagne de désinformation.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Manipulation politico-médiatique sans précédent ou tout simplement autocensure face à une matière européenne si complexe qu'il est impossible, à l'heure du zapping, d'en exposer les tenants et les aboutissants en quinze secondes ? Sans doute un mélange des deux. Depuis deux ans, vous le savez bien, la plupart des classes dirigeantes françaises ressentent l'échec du référendum comme un désaveu. Au lieu de tenter de comprendre le vote populaire, plutôt que d'en tenir compte, tout a été fait pour culpabiliser les Français de leur décision afin, le moment venu, de pouvoir revenir dessus.

On assiste donc, consciemment ou inconsciemment, à une revanche des vaincus du référendum sur le peuple français. La ficelle de la différence est cependant un peu grosse pour la dissimuler complètement.

Car, mes chers collègues, je ne doute pas que vous ayez lu le traité de Lisbonne dans tous ses détails, comme je l'ai fait, et donc que vous ayez compris ce qu'il signifie.

Oui, vous avez compris que ce traité n'est pas « mini » : il comporte plus de 250 pages !

Oui, vous avez compris que ce traité n'est pas « simplifié » : il opère d'obscures et absconses modifications dans le fatras des 3 000 pages des traités existants !

Oui, vous avez compris que ce traité n'est pas un traité différent de la Constitution Giscard : tout y est, sauf la terminologie constitutionnelle et des symboles qui demeurent dans la réalité – je crois d'ailleurs qu'un orateur précédent a déjà demandé qu'on les ajoute, prétextant que les autres pays l'ont fait.

En fait, l'intégralité des dispositions initiales y figure.

La personnalité juridique accordée à l'Union : ce point cardinal du fédéralisme qui permettait au texte Giscard de s'intituler « Constitution » est repris tel quel, certes plus discrètement. L'Union pourrait en effet, article 32, conclure en propre des accords internationaux « dans ses domaines exclusifs de compétences ».

La supériorité du droit européen, y compris des moindres directives européennes, ne figure plus expressément dans le traité de Lisbonne, mais a été déplacée dans une déclaration n° 29, en annexe, qui rappelle la jurisprudence de la Cour de justice. En droit, vous le savez bien, c'est exactement la même chose.

La Cour de justice – organe non élu, sorte de retour de l'Ancien régime – qui devient le juge suprême des droits et libertés fondamentaux par la charte pleinement validée. Que dira la France quand, au nom de la liberté religieuse, la Cour de justice condamnera la loi sur le voile à l'école, imposera en France la reconnaissance de l'Église de Scientologie, obligera le gouvernement à se défaire de la loi de 1905 – qui, je le sais, n'est pas aimée en haut lieu – ou à reconnaître l'existence d'un « peuple corse » ? Que dira la France ? Rien ! Elle ne pourra plus rien dire parce qu'elle ne sera plus maîtresse de son destin.

L'extension des décisions à la majorité qualifiée à plusieurs dizaines de domaines ou mécanismes de décision supplémentaires est sans conteste la disposition la plus dangereuse pour la France. Quel que soit le mode d'adoption – système de Nice ou système appliqué à partir de 2014 –, l'essentiel est que le cercle des questions échappant à l'unanimité s'élargit considérablement et que cette majorité qualifiée devient désormais quasiment l'unique source de l'intérêt général européen.

Et pour ceux qui ne l'auraient pas lue, je vous renvoie à cette liste des domaines transférés à la majorité qualifiée, une longue liste dont vous êtes fiers – au moins vous avouez les choses ! Mais alors consultez les Français, parce que c'est le passage d'un système de nations, de coopération de nations, à un fédéralisme européen supranational ! Et, à ce moment-là, ne faites pas des campagnes électorales sur la souveraineté française, sur la défense de l'identité et sur la défense de notre économie. Je vous renvoie à cette longue liste, de la comitologie jusqu'aux nouvelles missions de la BCE, jusqu'aux contrôles aux frontières, sur l'asile, l'immigration, la culture, la protection civile, les initiatives du ministère des affaires étrangères, les modifications des négociations commerciales internationales, etc. Il faut connaître cette liste, monsieur le ministre, et je suis sûr que vous aurez à coeur de l'expliquer au Français !

Qu'est-ce que cela veut dire concrètement, mes chers collègues ? Que si nous sommes en minorité à vingt-sept, nous appliquerons les lois qu'auront décidées nos partenaires. Il faut le dire aux Français ! Il faut leur dire qu'ils éliront des députés qui ne serviront plus à grand-chose. Nous aurons le droit de pétition, nous pétitionnerons. Et le Président de la République fera de belles campagnes tous les cinq ans, bien médiatisées, mais il ne fera qu'entériner le choix de ses partenaires. Parce qu'il y a une différence : c'est qu'aujourd'hui, nous sommes dans l'Europe des vingt-sept et que nous savons très bien que nous sommes ultraminoritaires dans nos choix de laïcité, d'économie, de service public, de défense nationale indépendante, si tant est qu'elle le reste.

Cela veut dire clairement que vous vous mettez la corde au cou, que nous nous suicidons collectivement, parce que nous savons très bien qu'à vingt-sept nous sommes minoritaires. Alors je souhaite bien du courage au prochain Président de la République pour appliquer la politique qu'il aura promise devant les Français, parce qu'il ne le pourra plus ! Et je souhaite bien du courage à l'Assemblée qui regardera passer les trains et fera des promesses qui, comme d'habitude, ne seront jamais suivies d'effets ! Et le pouvoir ne sera plus légitime.

Quant au nouveau mécanisme de vote, il ne change pas non plus, même si, sous la pression de la Pologne, son application a été repoussée. La France accepte sans aucune contrepartie la fin de la parité entre les quatre grands pays et notamment avec l'Allemagne. Puisque désormais, en vertu de la nouvelle pondération des droits de vote au Conseil, la France représentera 13,5 % de voix et l'Allemagne 18 %. Sans parler du mode de calcul qui est assez pittoresque – je vous renvoie aux discussions qui se sont tenues au Parlement européen sur ce point.

La délimitation des frontières de l'UE, qui a été un des grands thèmes de la campagne présidentielle, est toujours aussi inexistante dans ce traité que dans la Constitution Giscard. Or, vous l'ignorez peut-être, couplé à la disparition de la désignation nominative des pays membres qui figure actuellement dans le traité de Nice, cela fait sauter le verrou institutionnel qui empêche aujourd'hui l'adhésion de la Turquie. Eh oui, comme la Constitution Giscard, la Constitution bis de Lisbonne est la clé institutionnelle de l'entrée de la Turquie en Europe, conformément au souhait majoritaire de nos partenaires. Je vois beaucoup d'entre vous sceptiques devant ce rappel. Pourtant, je ne suis pas le seul à le dire ; la Chancelière allemande Angela Merkel, alors présidente en exercice de l'UE, l'a elle-même reconnu au grand jour du haut de la tribune du Parlement européen.

Et l'on s'apprête maintenant à faire sauter la clause de référendum obligatoire pour toute nouvelle adhésion. Cela veut dire très clairement que, d'un côté, on promet le refus de l'entrée de la Turquie et que, de l'autre, on fait tout pour la faire entrer.

Enfin, subsiste dans le traité de Lisbonne ce qui est sans doute le plus original – et je regrette que M. le président de la commission des lois, que je sais très averti, n'en ait pas parlé – : le fameux mécanisme des clauses passerelles qui, comble de tout, court-circuitent le pouvoir constituant des peuples de chaque nation. En effet, à l'unanimité, les dirigeants peuvent, en Conseil européen, décider de changer le mécanisme de décision, passant ainsi, dans des domaines aujourd'hui soumis à l'unanimité, à la majorité qualifiée. C'est quoi, sinon le passage au fédéralisme européen ?

Le point 23 de la décision du Conseil constitutionnel du 20 décembre 2007, que je vous invite à lire, insiste sur ce chèque en blanc – sans précédent depuis 1789 – que vous pourriez donner à l'exécutif au mépris de la séparation des pouvoirs. Je la cite : « Considérant qu'appelle une révision de la Constitution toute disposition du traité qui, dans une matière inhérente à l'exercice de la souveraineté nationale, permet, même en subordonnant un tel changement à une décision unanime du Conseil européen ou du Conseil des ministres, de substituer un mode de décision majoritaire à la règle de l'unanimité au sein du Conseil des ministres ; qu'en effet, de telles modifications ne nécessiteront, le moment venu, aucun acte de ratification ou d'approbation nationale de nature à permettre un contrôle de constitutionnalité sur le fondement de l'article 54 ou de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution ».

Ces dispositions s'appliqueraient à la foule de domaines où l'Union européenne exerce des compétences, à l'exception, je le reconnais, de quelques-uns, comme la défense et les décisions ayant des implications militaires.

Je pourrais ainsi multiplier les exemples de la similitude entre la Constitution Giscard et la Constitution bis de Lisbonne.

À ceux qui ne veulent pas me croire, je renvoie à la lecture des points 16 à 20 de la décision du Conseil constitutionnel du 20 décembre 2007.

Permettez-moi d'en citer un nouvel extrait : « Considérant qu'appelle une révision de la Constitution toute disposition du traité qui, dans une matière inhérente à l'exercice de la souveraineté nationale mais relevant déjà des compétences de l'Union ou de la Communauté, modifie les règles de décision applicables, soit en substituant la règle de la majorité qualifiée à celle de l'unanimité au sein du Conseil, privant ainsi la France de tout pouvoir d'opposition, soit en conférant un pouvoir de décision au Parlement européen, lequel n'est pas l'émanation de la souveraineté nationale, soit en privant la France de tout pouvoir propre d'initiative ».

Le système que vous êtes en train de construire est surréaliste dans la mesure où le pouvoir législatif est transféré à la fois au Conseil des ministres et à la Commission, et où vous donnez le monopole de l'initiative, qui est une des bases du fondement républicain, à une commission non élue. On n'a jamais vu ça !

Mais, pour être plus limpide encore, il suffit de se reporter aux déclarations des chefs d'États.

Je vous ai lu ce matin une déclaration de Valéry Giscard d'Estaing ; je ne recommencerai pas.

Je cite Angela Merkel : « La substance de la Constitution est maintenue. C'est un fait ». Rompez !

Le Premier ministre du Danemark, Anders Rasmussen, a déclaré : « Ce qui est bien c'est [...] que les éléments symboliques aient été retirés et que ce qui a réellement de l'importance – le coeur – soit resté ».

Alors dites-moi comment, dans ces conditions, on peut parler d'un traité différent ! Personne n'est dupe sur les bancs de cette assemblée, ou cela voudrait dire que la naïveté l'emporte sur la simple lecture des textes.

Le traité de Lisbonne étant le sosie de la Constitution Giscard, un nouvel argument a alors été mis en avant pour légitimer le refus d'un référendum : le résultat de l'élection présidentielle qui aurait donné mandat au Président de passer outre au vote des Français – mais les Français, les sondages le prouvent, commencent à s'apercevoir qu'on ne peut pas se moquer d'eux éternellement. Cet argument ne tient pas plus que le précédent, pour deux raisons principales.

Comme je l'ai dit ce matin, si le Président a toujours indiqué, c'est vrai, son refus d'un référendum, il a bien évidemment toujours dissimulé, pour tromper les Français, sa volonté de ressusciter la Constitution de 2005. Il a même insisté, par ses déclarations et par sa thématique de campagne, je l'ai cru, sur la justesse des arguments des défenseurs du « non ».

Souvenez-vous, mes chers collègues, du célèbre « la Constitution est morte » asséné avec force par Nicolas Sarkozy face à Ségolène Royal !

Et souvenez-vous des déclarations du futur Président – qui m'ont fait vibrer et que j'ai applaudies, je le reconnais, mais j'ai été trompé – sur la Banque Centrale européenne, un changement des règles de la concurrence, une véritable préférence communautaire, bref une Europe qui protège…

Je ne vais pas citer toutes ses déclarations, mais il en est une que j'aime beaucoup : « Avons-nous déjà oublié le franc fort à tout prix qui nous a coûté cher en emplois, en pouvoir d'achat, en déficits et en endettement public pour que nous nous sentions obligés de recommencer alors même que nous n'avons plus à gérer la réunification allemande et la marche vers l'euro ? »

Le Président de la République en campagne ajoutait : « Être un Européen conséquent, c'est admettre les grands principes de la concurrence comme fondements du marché unique, mais c'est refuser que le droit européen de la concurrence laisse les entreprises européennes à la merci des prédateurs du monde entier. » Bravo ! « C'est refuser que l'Europe sanctionne la présomption d'abus de position dominante quand les États-Unis se contentent de sanctionner l'abus avéré de position dominante. »

C'est le Président de la République qui a dit tout cela. C'est Nicolas Sarkozy lors du discours d'Agen, le 22 juin 2006 ! Et on ose affirmer maintenant qu'il a prévenu les Français du retour de la Constitution Giscard, qui va priver la France des moyens de mener cette politique ! Mais de qui se moque-t-on ?

Comment nos compatriotes, après une campagne aussi forte et volontariste – et, je le reconnais, je l'ai soutenue – auraient-ils pu imaginer un instant qu'après les élections, la procédure parlementaire servirait à adopter un traité synonyme de la même impuissance européenne que celle dénoncée à longueur d'estrades ?

Car oui, mes chers collègues, il serait temps, dans notre pays, de regarder les choses en face. On ne peut pas, d'un côté, à longueur de discours, remettre en cause une politique européenne et, de l'autre, demander au Parlement de réduire encore un peu plus la marge de manoeuvre de la France vis-à-vis d'institutions – de Bruxelles, Strasbourg, Luxembourg ou Francfort – responsables de cette politique à juste titre contestée.

On le peut d'autant moins que, dans une Europe à vingt-sept, nous sommes de plus en plus en minorité. Comme l'a si bien dit Hubert Védrine, « le terme d'“Europe sociale” est un oxymore. »

De deux choses l'une : soit on ose avouer aux Français l'alignement de nos politiques sur celles de nos voisins, ce qui est le cas avec la Constitution bis de Lisbonne ; soit on a le courage de refuser des institutions paralysantes et on joue la franchise, comme l'avait fait le Général de Gaulle lors de la crise de la chaise vide, pour réformer la construction européenne dans un sens plus conforme à l'idée que nous nous faisons de nos intérêts et de l'avenir de l'Europe.

Dans ce débat, comme dans celui de 2005, une question centrale n'a jamais été tranchée : quelle Europe voulons-nous ? En effet, un troisième argument est souvent avancé par les défenseurs du traité et par le Président de la République lui-même : « L'Europe était bloquée, il fallait des institutions pour la faire avancer. Le traité de Lisbonne sort l'Europe de l'impasse. » Mais pour aller où ? On ne sait pas. De quelle Europe parle-t-on ? Une fois de plus, il n'y aurait qu'une Europe possible, qui serait de facto soustraite au débat public. La veille de l'élection présidentielle, il serait de bonne tactique d'accabler les politiques menées par la Commission, la Banque centrale européenne, la Cour de justice, mais, au lendemain des élections, il serait sage de donner encore plus de pouvoir à ces organismes technocratiques. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Voilà la contradiction de la France, depuis des années : M. Mitterrand, M. Chirac, M. Sarkozy sont sur la même ligne.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

On commence par faire des promesses légitimes, soutenues par une majorité, on remporte une belle élection, puis l'on se soumet à un ordre qui n'est plus politique, mais technocratique, et qui empêche la réussite des politiques. J'avoue ne pas comprendre comment le Président peut, d'un côté, critiquer à juste titre la manière dont M. Mandelson négocie les accords de l'OMC, et, de l'autre, se priver du veto qui, seul, permettrait à la France d'éviter un accord fatal à l'OMC – et vous verrez que vous serez bientôt obligés de défendre cet accord.

J'avoue ne pas comprendre comment on peut vouloir – encore une fois à juste titre – suspendre la culture des OGM en plein champ et signer un traité qui ne remet pas en cause les pouvoirs exorbitants de la Commission en matière de comitologie, et vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'État, puisque ce domaine va passer à la majorité qualifiée.

J'avoue ne pas comprendre comment on peut vouloir bâtir une politique industrielle volontariste et signer un traité qui ne change rien à la politique de la concurrence inscrite dans le traité de Rome. Monsieur le secrétaire d'État, vous êtes trop intelligent…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

…et nous ne sommes pas suffisamment idiots pour ignorer que, si le principe de la « concurrence libre et non faussée » a disparu des objectifs de l'Union, il revient comme par hasard dans un protocole additionnel, qui le présente comme « un instrument politique majeur »…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

…et reste dans le traité de Rome. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Vous le savez aussi bien que moi.

De même, comment peut-on vouloir lutter contre le dumping social et accepter un traité qui renforcera encore, au lieu de la mettre au pas, la jurisprudence de la CJCE, jurisprudence qui a récemment légalisé de fait, en Suède, les mouvements de travailleurs à bas salaires au mépris des conventions collectives des pays hôtes, instaurant une sorte de délocalisation de l'intérieur.

J'avoue ne pas comprendre comment on peut vouloir maîtriser l'immigration en élargissant sans fin un système Schengen qui organise une véritable Europe-passoire dont se nourrissent les passeurs clandestins et, surtout, en abandonnant la maîtrise de notre politique migratoire, alors que notre démographie évolue de manière très différente de celle de nos voisins et n'implique donc pas les mêmes besoins de main-d'oeuvre.

Enfin, comment s'indigner de la politique absurde de la Banque centrale européenne – et nous avons mille fois raison de le faire – et ratifier un traité qui n'aborde nullement une modification des statuts de la BCE ? Quitte à céder à l'Allemagne, du moins fallait-il obtenir quelque chose en échange. Loin de faire avancer l'Europe, le traité de Lisbonne la conforte dans ses pires travers : malthusianisme économique, régression sociale, migrations désordonnées, confiscation de la démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Loin de prendre acte du vote des Français et des Hollandais qui, vous le savez parfaitement, auraient été suivis par beaucoup d'autres s'ils avaient été consultés,…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

…l'Union européenne se replie, comme d'autres en 1791, sur ses oligarchies avec leurs petites certitudes et veut passer en force.

Ce faisant, elle met en péril la belle idée européenne car, l'histoire l'a prouvé, aucune entité artificielle et autoritaire ne peut durablement s'imposer aux peuples et aux nations qui la composent.

C'est vrai, fort du vote populaire du 29 mai, fort de son élection après une campagne audacieuse, le Président de la République avait toutes les cartes en main pour proposer à ses partenaires une Europe différente, indépendante, démocratique, porteuse de progrès social.

Pour cela, il fallait à l'évidence oser le veto sur l'ouverture de nouveaux chapitres de négociations avec la Turquie. Pour cela, il fallait offrir une politique de défense commune, indépendante de l'OTAN, ce qui est le contraire de ce que l'on fait aujourd'hui. Pour cela, il fallait engager une vraie négociation sur la Banque centrale avec l'Allemagne. Pour cela, il fallait obtenir des droits de douane écologiques et sociaux redonnant corps à l'indispensable préférence communautaire. Pour cela, il fallait susciter de vraies coopérations à la carte, notamment scientifiques, universitaires, culturelles. Autant d'orientations dont on nous dit, aujourd'hui, que ce sont celles de la présidence française. Mais que durera la présidence française ? Six mois. Et combien de temps dureront ces institutions ? Des années, sinon des dizaines d'années. C'est un marché de dupes. La présidence française passera comme l'éclair, alors que les institutions de Lisbonne – si par malheur elles sont adoptées – resteront longtemps et enchaîneront un peu plus notre pays.

Nous avons cru sortir de l'isolement, mais, comme disait le général de Gaulle, à force de dire oui à tout le monde, on finit par disparaître soi-même. Vous avez voulu dire oui à nos partenaires mais vous allez faire disparaître notre pays et, surtout, rendre illégitime votre pouvoir.

Comment croyez-vous que la France va pouvoir se redresser, avec un euro à 1,50 dollar, avec un libre-échange totalement déloyal, avec le dumping social et fiscal des dix nouveaux entrants et l'absence de contrôle aux frontières qui laisse pénétrer sur notre sol un flux de populations qui entendent bien profiter de notre système social ? Comment la majorité et le Président pourront-ils respecter leurs promesses ? Les derniers chiffres du commerce extérieur montrent que, si bien évidemment la France doit faire un effort et si bien évidemment l'Europe n'est pas responsable de tous les travers, il doit y avoir redressement français, effort français et réorientation européenne.

Je finirai sur un dernier argument, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Il vous reste trente secondes, monsieur Dupont-Aignan.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

« Encore une minute, monsieur le bourreau ! »

Cet argument est celui de la démocratie. Il consiste à dire que la matière est trop compliquée pour que les Français s'en saisissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Je me souviens pourtant de la déclaration de Lech Walesa, au soir du référendum du 29 mai : « Un jour, les Européens remercieront les Français. » Aujourd'hui, ils ne remercieront pas le Parlement français.

En quoi répondre à une question posée par référendum est-il plus compliqué que choisir un projet politique porté par un Président de la République ou par des candidats aux législatives ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Je vais conclure, puisque vous m'y invitez, monsieur le président, même si j'aurais aimé continuer un peu.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Un peu de flexibilité, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Ce président est aussi intégriste que la Commission !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

« Il n'y a de réussite, disait le général de Gaulle, qu'à partir de la vérité. » On ne construit rien de durable sur la force. J'imaginais que notre assemblée, héritière de 1789, n'oublierait pas à ce point ce précepte élémentaire, dicté tant par le sens des réalités que par la morale.

Je finirai par une brève citation. J'ai retrouvé une déclaration que fit Victor Hugo, à cette même tribune, il y a cent cinquante-sept ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Oui, monsieur de Charette, mais, lui, il avait l'intérêt national chevillé au coeur !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé de Charette

Il aurait été favorable au traité de Lisbonne et aurait considéré M. Myard comme un esprit rétrograde !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Il y a plusieurs façons de construire l'Europe. Souffrez que l'on puisse vouloir construire l'Europe différemment. Du haut de cette même tribune, s'insurgeant contre la loi qui amputait d'un tiers le corps électoral de l'époque – car on considérait que la multitude ne pouvait pas penser, puisqu'elle était pauvre, comme on considère aujourd'hui que le peuple ne doit pas s'exprimer, parce qu'il ne comprendrait pas des matières que, seuls, nous serions à même de maîtriser –, Victor Hugo disait : « Messieurs » – il n'y avait pas de dames, c'est dommage –…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

« Messieurs, cette loi est invalide, cette loi est nulle, cette loi est morte même avant d'être née. Et savez-vous ce qui la tue ? C'est qu'elle ment ! C'est qu'elle est hypocrite dans le pays de la franchise, c'est qu'elle est déloyale dans le pays de l'honnêteté ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Monsieur le président, mes chers collègues, Nicolas Dupont-Aignan a du talent, mais il me permettra de ne pas partager toutes les convictions qu'il vient d'exprimer et de regretter certains mots excessifs, comme « suicide collectif ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Je voudrais dire deux choses. Non seulement la procédure que nous avons entamée cet après-midi est conforme à nos institutions, à notre Constitution, mais, pour la majorité, elle est en tous points conforme aux engagements qui ont été pris devant les Français. Nicolas Sarkozy n'a cessé d'expliquer que, s'il était élu, il proposerait de sortir de l'impasse européenne en convaincant nos partenaires de la nécessité de construire un traité simplifié, puis de le ratifier par la voie parlementaire. Nous ne sommes pas là en train de tourner le dos au peuple. La majorité remplit les engagements qu'elle a pris, démocratiquement, devant le peuple français avant l'élection présidentielle.

D'autre part, la commission est totalement hostile à la question préalable que vous nous proposez d'adopter. La France, le Président de la République, le Gouvernement ont déployé beaucoup d'énergie pour convaincre nos partenaires…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

…dont la plupart avaient adopté le traité constitutionnel, de rouvrir les négociations, d'adopter un nouveau traité qui permettra à l'Europe d'avoir un mode de gouvernement plus efficace après l'élargissement.

Je suis désolé d'avoir à le dire à Nicolas Dupont-Aignan, mais il n'y a pas lieu de voter la question préalable : il nous faut entrer dans le débat car, en ratifiant ce traité, la France accomplira un grand pas en avant et ce sera pour elle un honneur que d'y avoir autant contribué. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Nous sommes au bord du gouffre et nous allons faire un grand pas en avant !

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Nous en venons aux explications de vote sur la question préalable.

La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Je dois dire que nous n'avons pas été surpris par le discours de M. Dupont-Aignan : nous n'aurions pu l'être que s'il avait soutenu la thèse inverse. Il a évoqué l'échec du référendum du 29 mai 2005 et la victoire du non : en vérité, il le sait comme tout un chacun ici, les raisons de ce vote sont tout autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Et le vote des Hollandais, comment l'expliquez-vous ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Comme le président de la commission des lois vient très justement de le dire, nous respectons tout simplement les engagements du Président de la République, du candidat Nicolas Sarkozy.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Lambert

C'est le peuple qu'il faut respecter, plutôt que le Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Je ne vois pas comment nous pourrions faire autrement.

À vous entendre, l'Europe serait responsable de tous les maux. La vérité, c'est qu'il s'agit là d'un débat entre souverainistes et Européens.

Naturellement, le groupe Nouveau Centre rejettera la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Pour commencer, je voudrais vous annoncer une grande nouvelle, qui fait perdre de sa valeur à l'argument selon lequel les Français ont voté pour la Constitution actuelle, telle qu'on veut nous la présenter. Une dépêche qui vient de tomber nous apprend en effet que 48 % des Français ne sont pas favorables à M. Sarkozy et que 45 % seulement lui sont favorables. Vous le voyez, le peuple peut voter et il peut changer d'avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

C'est vous qui utilisez cet argument : vous dites que, en élisant Sarkozy à 53 %, les Français ont voté pour ce traité. Il vous faudra trouver un autre argument.

Deuxièmement,…

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

…je veux féliciter M. Dupont-Saint-Aignan. (Rires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Je l'appelle « Saint », parce que c'est un saint parmi vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Vous avez bien compris pourquoi j'ai ajouté « Saint ».

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Boyer

Il est certain que, en matière de sainteté, les communistes ont une certaine expertise !

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Au milieu de loups tels que vous, qui ne voulez pas donner la parole au peuple, il est un saint : il dit que le peuple a décidé. Aujourd'hui, on nous présente un nouveau traité. Je veux rappeler, comme l'a fait ce matin mon collègue Lecoq, que, dans sa décision du 20 décembre 2007, le Conseil constitutionnel considère que, « hormis les changements de numérotation, les stipulations de la Charte, à laquelle est reconnue la même valeur juridique que celle des traités, sont identiques à celles qui ont été examinées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 19 novembre 2004 ». Je ne suis pas constitutionnaliste…

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

…mais il me semble que vous devriez tout de même entendre le Conseil constitutionnel qui estime que c'est bien le même traité, à quelques virgules près. C'est bien ce traité-là qu'ont rejeté 55 % des Français – et, je m'en réjouis, 60 % en Picardie. Je plains d'ailleurs nos collègues UMP et Nouveau Centre de Picardie, lorsqu'ils vont devoir expliquer à leurs électeurs pourquoi ils ne tiennent pas compte de l'expression populaire qui s'est manifestée dans les urnes.

La démonstration de M. Dupont-Aignan est tout à fait intelligente et documentée, et personne ne peut d'ailleurs y répondre. J'ai noté que, tout à l'heure, M. de Charette avait réagi. Là, il est obligé de dire…

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Vous ne dites rien, parce que vous savez bien qu'il a raison !

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Non, j'ai écouté tout le débat. Ne vous inquiétez pas : je vous ai écouté. Je n'interviens jamais en séance sans avoir écouté les débats, mais je peux écouter en faisant autre chose.

Vous n'avez pas été convaincant du tout, monsieur le rapporteur, vous n'avez même rien répondu à la démonstration qui vous était faite.

Au fond, pourquoi ne voulez-vous pas d'un référendum ? Parce que vous avez peur.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Vous avez peur du peuple. Je prends à témoin M. Kouchner qui est, je crois, ministre de ce gouvernement. Il a dit très clairement et sans faire preuve d'hypocrisie qu'au vu du résultat du dernier référendum, on pouvait comprendre que vous n'ayez pas envie de recommencer.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Parce que vous êtes sûrs que le « non » l'emporterait, alors que vous souhaitez un « oui » pour le MEDEF (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) qui considère que c'est un bon traité, parce que, sur le fond, il ne changera rien pour eux ; vous choisissez d'assurer le résultat et donc de faire voter ces 93 % de godillots qui trouvent ce traité merveilleux pour la France, même si, malheureusement, ils ont tous été désavoués dans leur circonscription.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Vous avez tort de tenter un coup pareil, sans compter qu'aujourd'hui la cote de M. Sarkozy n'est pas la meilleure. Vous devriez renoncer à ce projet au plus vite, sinon, les prochaines échéances risquent de mal se passer pour quelques-uns.

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

C'est pourquoi le groupe communiste, dans sa diversité, votera…

Debut de section - PermalienPhoto de Maxime Gremetz

Le groupe communiste, vert et domien votera cette question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dhuicq

Monsieur le président, mes chers collègues, j'appartiens à une génération qui n'a pas connu l'occupation du sol sacré de la patrie. Depuis soixante ans, j'aurais aimé entendre que l'Europe, c'était avant tout une oeuvre de paix.

Oui, nous voulons une Europe de la défense. Oui, nous voulons une Europe qui s'occupe de l'espace. Oui, nous voulons une Europe qui protège et défende notre agriculture. Oui, nous voulons une Europe qui protège et défende nos travailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dhuicq

Oui, nous voulons une Europe qui offre un marché à nos entreprises parce que c'est en Europe, avant tout, que se joue l'avenir des salariés de ce pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dhuicq

Non, monsieur Dupont-Aignan, quels que soient vos qualités et le respect que je vous porte, l'Europe ne représente pas un abandon de la souveraineté nationale.

Oui, la démocratie, c'est aussi l'élection de majorités responsables, c'est aussi la représentativité.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dhuicq

Monsieur Gremetz, tous les élus de cette digne assemblée se sont battus devant les électeurs, pour leurs convictions et pour leurs idées. Au nom de quoi aujourd'hui capituleraient-ils, au nom de quoi abandonneraient-ils leur noble idée de l'Europe ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-George Buffet

Il ne s'agit pas de cela. Il s'agit de demander un référendum !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dhuicq

Oui, le traité qui vous est proposé, mes chers collègues, est un traité qui rend à la France toute sa place dans le concert des nations. Oui, ce traité démocratique permettra de donner plus de droits, plus d'avantages à nos compatriotes français et européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dhuicq

Non, monsieur Gremetz, nous ne capitulerons pas, nous n'abandonnerons pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Ayez le courage d'aller devant le peuple alors : si ce texte est si bon, vous ne risquez rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Monsieur Néri, vous pourrez vous exprimer à l'occasion de l'explication de vote du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dhuicq

L'Europe doit devenir le levier d'Archimède de la France, comme le général de Gaulle lui-même le disait – et non M. Gremetz. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera contre la question préalable de M. Dupont-Aignan. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Monsieur Néri, voulez-vous présenter l'explication de vote du groupe socialiste ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

J'ai donné mon avis à l'occasion de l'explication de vote du groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Il n'y a donc pas de demande d'explication de vote du groupe socialiste.

Je mets aux voix la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Nous sommes pour !

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi, une fois de plus, de citer le Conseil constitutionnel, qui a affirmé dans sa décision du 20 décembre 2007 – il est important de le savoir, parce qu'il faudra en rendre compte au peuple : « Hormis les changements de numérotation, les stipulations de la Charte à laquelle est reconnue la même valeur juridique que celle des traités sont identiques à celles qui ont été examinées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 19 novembre 2004 », c'est-à-dire identiques à la Constitution rejetée par les Français en 2005.

D'ailleurs, n'est-ce pas Valéry Giscard d'Estaing – on n'aura jamais autant entendu des communistes parler de Valéry Giscard d'Estaing en des termes aussi positifs –…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

N'est-ce pas Valéry Giscard d'Estaing, père du précédent traité, et donc ayant légitimité pour en parler, qui a admis sans ambiguïté, dans la même ligne de raisonnement : « dans le traité de Lisbonne, rédigé exclusivement à partir du projet de traité constitutionnel, les outils sont exactement les mêmes » ?

N'est-ce pas ce même Valéry Giscard d'Estaing qui soulignait, le 17 juillet 2007, devant le Parlement européen, que les modifications apportées étaient « purement cosmétiques ». « En termes de contenu – je le cite – les propositions demeurent largement inchangées. Elles sont juste présentées de façon différente […]. Les gouvernements européens se sont mis d'accord sur des changements cosmétiques à la Constitution pour qu'elle soit plus facile à avaler ». Les députés sont-ils là pour « avaler » la Constitution ? On ne peut exprimer plus clairement le mépris revanchard de nos élites pour la démocratie que par la bouche de l'ancien Président.

Les dirigeants européens s'apprêtent à faire passer en force le traité de Lisbonne alors qu'un texte similaire a été rejeté par voie référendaire à peine trois ans plus tôt.

Il s'agit là d'un acte grave. Car si on impose ce « nouveau traité » – ce sera vécu ainsi par les Français, et le Gouvernement n'est pas étranger à cette politique oligarchique –, la crise de crédibilité et de légitimité des institutions européennes et de la construction de l'intégration européenne ne fera que s'approfondir encore plus.

Malgré cela, voilà que le Président de la République s'associe à cette démarche oligarchique en décidant unilatéralement que le traité de Lisbonne sera ratifié par le Parlement. Que dis-je, le Président de la République ? Le candidat Sarkozy avait décidé unilatéralement que le traité de Lisbonne serait ratifié par le Parlement – les députés considérant que le vote des citoyens a confirmé cette décision unilatérale – et qu'aucun référendum, aucun débat public citoyen, aucune consultation n'aurait lieu.

Le Président de la République se targue d'avoir fait disparaître la « concurrence libre et non faussée », mais celle-ci réapparaît dans le protocole n° 6 au rang des principes que l'Union doit faire respecter. C'est une marque profonde d'irrespect envers le peuple français.

L'attitude autoritaire et antidémocratique du Président de la République suggère que, pour lui et son entourage, le peuple français est ignorant, incapable de comprendre les enjeux de la construction européenne et incapable de décider de son avenir.

Outre qu'elle est méprisante, c'est une initiative opportuniste et politicienne. Je rappelle au Gouvernement que la décision prise par le peuple français le 29 mai 2005 n'est pas caduque, qu'elle est encore en vigueur et d'actualité par rapport au traité de Lisbonne.

En décidant unilatéralement la ratification par voie parlementaire, le Gouvernement bafoue les droits du peuple français. Pire encore, il empiète dessus et les nie. Il contourne purement et simplement l'expression populaire.

Si le Conseil constitutionnel a clairement affirmé que la révision constitutionnelle doit précéder la ratification du traité de Lisbonne, le projet présenté par le Gouvernement vise essentiellement un tout autre objectif : imposer par la voie de la ratification parlementaire le même traité avec les mêmes principes et les mêmes règles bien cachés intentionnellement dans la jungle des articles rédigés, dans le marécage de renvois successifs et dans d'illisibles références à d'autres traités, d'autres articles et à d'innombrables protocoles. Il a fallu tout le talent et le travail des personnes qui travaillent à la commission des affaires étrangères et l'initiative du président Axel Poniatowski pour essayer de rendre un peu plus compréhensible l'ensemble de ces articles pour les députés. Le recueil qui a été réalisé et qui nous a été distribué avait cette volonté. C'est vous dire que ce n'était pas transparent, que ce n'était pas simplifié !

Le Gouvernement n'hésite pas à employer des méthodes éhontées pour imposer ce « traité modificatif » qui n'a de nouveau que les apparences : en réalité, cela a été démontré à cette tribune, c'est un clone difforme de feu le traité constitutionnel européen.

Comme l'a souligné à juste titre le professeur de droit public Anne-Marie Le Pourhiet : « Chez nous le cynisme est bien pire puisque l'on nous refuse même le droit de revoter en nous imposant une ratification parlementaire. Tout démocrate, qu'il soit souverainiste ou fédéraliste, devrait s'insurger contre une telle forfaiture. »

On nous vante le fait que le Parlement européen verrait ses pouvoirs renforcés. Soit ! Mais alors pourquoi le Gouvernement s'évertue-il à vouloir cacher au peuple français « qu'il ne s'agit que d'un bien mince avantage » dans un système où une Commission, indépendante des gouvernements et donc des Parlements devant lesquels ces gouvernements sont responsables, monopolise l'initiative législative ? Le Conseil constitutionnel a constaté clairement que le Parlement européen n'était pas « l'émanation de la souveraineté nationale ».

D'immenses domaines relèveront désormais de deux instances oligarchiques, la Commission, à laquelle nous abandonnons plus encore le droit d'initiative, et la Cour de justice, chargée d'interpréter la charte des droits fondamentaux, au détriment du pouvoir du Parlement français. Dans quarante nouveaux domaines, je ne les cite pas, Nicolas Dupont-Aignan en a parlé tout à l'heure, le vote du Conseil interviendra à la majorité qualifiée et sera couvert par l'illusoire codécision d'un Parlement fantôme, dépourvu de légitimité, en l'absence d'un peuple européen. Rappelons-nous ce que le Conseil constitutionnel a affirmé à cet égard.

Avec son projet de révision constitutionnelle, le Gouvernement oublie une règle essentielle en démocratie, la souveraineté du peuple. La souveraineté appartient au peuple et le peuple s'est déjà prononcé sur ce même traité, à la différence qu'il porte un autre nom. Ne pas respecter la souveraineté populaire constitue un véritable déni de démocratie, l'équivalent de ce que le professeur Anne-Marie Le Pourhiet a appelé un « coup d'État ».

Mais avec ce non-respect de la démocratie, ce sont les droits des travailleurs, de tous les citoyens qui reculent, le droit à la sécurité sociale, à toutes les protections des individus qui sont remis en cause.

La logique du capitalisme financier aujourd'hui dominant dans le système de la globalisation est naturellement contraire à l'intérêt des peuples européens, Alain Bocquet l'a démontré tout à l'heure.

La mise en concurrence des territoires, des institutions, des États, des hommes, des femmes – qui, en fin de compte, est le coeur de la philosophie du contenu et de la lettre des traités européens –, à l'intérieur de l'Union européenne comme vis-à-vis des pays tiers, entraîne délocalisations, chômage, stagnation des salaires et du pouvoir d'achat et démantèlement de la protection sociale.

La construction européenne actuelle imposée aux citoyens est donc bien une courroie de transmission de la politique de marchandisation de la société menée avec vigueur par l'Organisation mondiale du commerce à travers l'accord général sur le commerce des services.

Le traité de Lisbonne ne consacre-t-il pas l'OTAN comme pilier fondamental de l'Union ? L'article 23 affirme bien que la défense européenne n'existera que « conforme aux engagements souscrits dans le cadre de l'OTAN par les pays qui en sont membres et qui ont choisi d'en faire le cadre d'élaboration de leur défense et l'instance de sa mise en oeuvre ».

Ce texte a au moins un mérite : il est cohérent avec le souhait formulé par le Président de la République de faire réintégrer par la France les structures militaires de l'OTAN, dont le général de Gaulle nous avait fait sortir en 1964. C'est aussi une disposition logique pour exaucer le rêve des États-Unis, qui ont besoin d'une Europe soumise, réduite au silence et à l'impuissance.

Ce traité et notre gouvernement accordent aux États-Unis, non seulement un alignement de principe, toujours réversible dans un pays démocratique, mais également, ce qui est plus grave, l'assurance d'un acquiescement automatique de l'Union européenne à toutes les décisions américaines dans un monde que les États-Unis ne peuvent plus dominer tous seuls.

Soyons clairs : dans l'Europe de Lisbonne, il n'y aura plus de place pour « la voix d'une France libre et indépendante ». Si ce traité était en application aujourd'hui, nos soldats ne seraient-ils pas en Irak ? Si les États-Unis décident demain de frapper l'Iran, l'Union européenne bénira ! C'est l'Europe de la guerre, de l'aristocratie. C'est l'Europe alignée sur la politique guerrière des États-Unis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

L'heure est grave : comment et avec quelle autorité, nous, les parlementaires, pourrions-nous, demain, déplorer la crise de la démocratie, la crise de la légitimité démocratique ?

Comment, nous, parlementaires élus par le peuple, pourrions-nous déplorer le fossé entre le peuple et les élites, l'abaissement du Parlement, si nous devions nous-mêmes consacrer par notre vote le droit du Président de la République de déclarer nul et non avenu un vote référendaire aussi explicite que celui du 29 mai 2005 ? Nous n'avons aucun droit, aucune légitimité pour cautionner cette démarche gouvernementale !

Notre peuple doit être consulté parce qu'il a décidé. Le peuple français a défait le précédent projet de traité constitutionnel. Il doit impérativement s'exprimer sur ce nouveau traité. C'est une double exigence : nationale et européenne.

Nous n'avons aucun droit pour cautionner la révision constitutionnelle proposée par le Gouvernement, car le projet qu'il cherche à nous imposer par la voie parlementaire n'est ni plus ni moins que la consécration d'un système social darwinien, la privatisation des biens communs, la primauté des intérêts privés sur l'intérêt général, l'identification de l'État et de ses institutions à ces mêmes intérêts, la destruction de tout lien de solidarité.

Comme le souligne le professeur Robert Charvin, le Gouvernement veut nous imposer l'ensemble d'un droit privatiste, privatisé, marchand, corporatiste et antidémocratique. Ce coup de force ne doit pas passer, ne doit pas être avalisé : c'est aussi une question de morale politique.

Il faut préparer une autre Europe : celle des coopérations, des solidarités. Une Europe qui soit autonome de la volonté guerrière des États-Unis. Une Europe de paix qui respecte le droit international et le fait respecter. Une Europe respectueuse des droits humains. Une Europe ouverte, démocratique, qui cesse de criminaliser les mouvements sociaux sous prétexte de lutter contre le terrorisme.

Parce que nous sommes des démocrates, nous ne pouvons que rejeter de la manière la plus catégorique cette mise en scène. Démocrates nous sommes, alors n'avons-nous pas une responsabilité envers la République, envers le peuple français, envers tous les peuples européens et ceux de tous les continents ?

Parce que la décision que nous allons prendre aujourd'hui ici conditionnera demain la vie de millions d'êtres humains, ayons le courage de nous déterminer pour un autre avenir pour la France et pour l'Europe, pour construire un monde de paix. Ne modifions pas la Constitution pour obliger le Gouvernement à consulter le peuple. Ainsi, la représentation nationale aura assumé son rôle. Parce que le peuple le veut, nous allons lui permettre de s'exprimer sur ce traité par l'organisation d'un référendum afin qu'il puisse décider lui-même de l'avenir de l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Nous sommes réunis ce jour pour franchir l'étape nécessaire au renouveau du projet européen. Le groupe du Nouveau Centre s'en réjouit, car il en ressent l'urgence politique pour l'Europe et pour notre pays.

Rappelons-nous : en 2005, nous étions dans l'impasse. Pour de multiples raisons, dont toutes n'étaient pas liées à l'Europe, le peuple français et le peuple néerlandais avaient repoussé le projet de Constitution pour l'Europe. Dans les mois qui ont suivi, les partisans du non ont fait la preuve de leur incapacité à proposer une alternative crédible. Les services de la Commission et des autres institutions, pour leur part, continuaient à fonctionner, mais avec la sensation d'une sorte d'hypothèque permanente. Il y avait là une contradiction manifeste entre les perspectives politiques de l'élargissement et l'encrassage progressif des institutions européennes.

En 2007, la question européenne a été présente dans la campagne de l'élection présidentielle. Le candidat Nicolas Sarkozy a pris, devant le corps électoral, des engagements clairs à ce sujet. À l'inverse, les candidats, de droite comme de gauche, qui ont fait preuve de la réticence la plus grande à l'égard de l'Europe n'ont pas connu le succès. Par son vote en faveur de Nicolas Sarkozy, le peuple français, placé devant un choix européen clair, a créé une situation politique nouvelle par rapport à 2005. Il a donné un mandat, et l'acte que nous nous apprêtons à accomplir fait partie de l'exécution de ce mandat.

Fidèle à la tradition européenne dont il est l'héritier, le Nouveau Centre a soutenu l'action du Gouvernement pour parvenir à un accord et pour sortir l'Europe de l'impasse dans laquelle le rejet du projet de Constitution l'avait plongée. Il l'a fait en souscrivant à l'analyse du Président de la République pour qui il faut rechercher, de manière pragmatique, la solution la plus adéquate pour relancer l'Europe. Notre groupe considère que l'on doit affronter les difficultés bien réelles qui avaient justifié les travaux de la Convention pour l'avenir de l'Europe et que le non au référendum n'avait pas magiquement effacées. Il faut les affronter pour les résoudre.

Dans cette perspective, l'échec du résultat final de la Convention – le projet de traité constitutionnel – ne doit pas nous amener à une condamnation totale de ses travaux. Les discussions, les contacts, les projets accueillis par la Convention ont créé un précédent qui s'est révélé utile le jour où les conditions politiques d'une reprise du processus européen ont été réunies. Et de fait, le traité que nous serons prochainement appelés à ratifier reprend sur des points significatifs les réflexions et les textes élaborés par la Convention et intégrés dans le projet de traité constitutionnel. Il prévoit une actualisation pragmatique, mais résolue, de la démarche européenne.

Une actualisation pragmatique, d'abord, et attentive aux symboles. Dans le projet de Constitution pour l'Europe, il y avait des dispositions emblématiques – l'adoption d'un drapeau et d'un hymne européens, la création d'un véritable ministre responsable des « affaires étrangères de l'Europe » à forte charge symbolique – qui portaient le projet européen très en avant de sa perception actuelle par les opinions publiques. Je ne crois pas que ces innovations aient été déterminantes dans les votes négatifs de 2005. Mais, après ces votes, elles apparaissent prématurées et il est plus sage d'y renoncer.

Le parti pris de la codification des législations européennes a sans doute été une erreur. On a méconnu, en 2005, l'effet d'optique déformant que peut avoir le rassemblement en un texte unique, de surcroît qualifié de constitutionnel, de nombreux textes que, dans l'ordre interne français, la Constitution réserve au pouvoir réglementaire. Chaque citoyen a, en réalité, sa vision de l'Europe, son contact avec l'Europe. Il apprivoise l'Europe à sa manière.

Le traité de 2007 respecte cette sensibilité. Symboliquement, les normes qu'il pose ne se substituent pas entièrement, en la forme, aux traités antérieurs. Il laisse subsister ces textes, mais il en modifie les dispositions. Ce choix a, en termes politiques, deux significations.

D'une part, il montre que le nouveau traité récapitule et prolonge les traités précédents, dans la continuité symbolique d'une histoire commune commencée il y a presque soixante ans. Le traité de Lisbonne amende les traités conclus à Rome, Maastricht, Amsterdam, Nice, ainsi que l'Acte unique européen. Il permet ainsi une revue des étapes marquantes de la vie des institutions européennes.

D'autre part, procédant par modification et non par substitution de textes, il exprime la volonté politique de faire porter les innovations sur les points qui ne donnent pas satisfaction dans la pratique actuelle. Il correspond plus clairement à la volonté d'améliorer le système existant, en remédiant aux difficultés identifiées.

Une démarche pragmatique, certes, mais une attitude politique résolue. S'il applique une méthode pragmatique, le traité de Lisbonne fait vraiment progresser l'Europe, car il contribue à donner à l'Union européenne une pleine capacité juridique pour l'exercice des politiques relevant des trois piliers et lui permet de figurer effectivement en tant que telle sur la scène internationale.

Dans la réforme des institutions, le traité de Lisbonne fait franchir à l'Union un pas décisif avec la création d'une présidence stable. La stabilité améliorera la lisibilité et la continuité des décisions politiques européennes dans des domaines aussi sensibles, par exemple, que l'immigration ou la coopération en matière pénale. La communautarisation des politiques du secteur de la justice et des affaires intérieures est une bonne initiative. Le renforcement du rôle des parlements nationaux, notamment la sauvegarde des compétences du législateur national permise par l'institution d'un recours spécifique devant la Cour de justice des communautés européennes, équilibre opportunément cette innovation. Je me réjouis de voir le nouveau traité reconnaître l'importance particulière de l'Europe sociale et de l'objectif de plein emploi et manifester l'attachement de ses auteurs à une société humaine fondée sur le dialogue et les services publics.

Plus généralement, la clarification institutionnelle que vise le nouveau traité permettra de renforcer la légitimité et la lisibilité des politiques européennes en faisant disparaître le prétexte que donnaient les imperfections du système existant à ceux qui ne voulaient pas avancer, proposer, décider. Le traité de Lisbonne crée également des bases pour de nouvelles actions dans différents domaines où le niveau européen permet, au prix d'une organisation adéquate, davantage d'efficacité : énergie, espace, recherche, ou encore la sécurité civile et le sport. Dans le domaine du sport particulièrement, l'Europe permettra de faire progresser l'équité dans les compétitions et de coordonner la régulation des flux financiers, tout en préservant la vocation sociale et éducative des activités sportives.

Dans la politique étrangère et de défense commune, le traité réalise également une adaptation nécessaire. Il met le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité en mesure d'assurer une gestion quotidienne, continue, de ces sujets tout en préservant la maîtrise par chaque État membre de ses choix de politique étrangère. La défense commune est désormais un objectif affirmé. Quel progrès accompli depuis les débats, il est vrai tenus dans un tout autre contexte, sur la Communauté européenne de défense ! Si l'on a progressé dans ce domaine sensible, c'est que, par ailleurs, l'Europe a gagné en consistance et en avenir.

Ainsi, le nouveau traité ouvre la perspective d'un approfondissement des politiques de l'Union européenne, et apporte des réponses innovantes au déficit démocratique dont elle pâtit. La conviction européenne, qui est l'un des piliers de la philosophie politique du Nouveau Centre, nous conduirait à souhaiter que la construction européenne progresse plus rapidement, atteigne de nouveaux domaines et suscite de nouveaux consensus. Mais l'expérience montre que le développement de l'Europe est un processus long, marqué d'avancées et de reculs, de petits pas et de pas de géant. Nous nous engageons volontiers sur un chemin plus long, peut-être plus sinueux, tracé par le traité, car nous comprenons que c'est la seule voie aujourd'hui praticable pour donner à nos concitoyens la ferveur de croire en l'avenir politique commun qu' offre l'Europe.

Le Conseil constitutionnel saisi par le Président de la République sur la conformité du traité de Lisbonne, que la France souhaite ratifier très prochainement, a estimé que notre Constitution devait, à cette fin, faire l'objet d'une révision.

Sur le dispositif du projet de loi de révision constitutionnelle, le groupe Nouveau Centre n' a aucune observation à formuler. Je relève cependant que le projet ne remet pas en cause la disposition qui, à l'article 88-5, exige que toute nouvelle adhésion d'un État à l'Union soit soumise par référendum au peuple français. Cette disposition est fondamentale. Je sais qu'elle fait débat et que des voix, certes autorisées, en ont préconisé l'abrogation dans le cadre de la réforme des institutions. Nul ne s'étonnera donc que le groupe Nouveau Centre réaffirme, par ma voix, son attachement au maintien d'une clause de sauvegarde sur laquelle, nous le constatons tous les jours sur le terrain, les Français ne souhaitent pas revenir. Il s'agit bien sûr de la question de l'adhésion de la Turquie, mais pas seulement d'elle : sont en cause également les candidatures éventuelles des pays des Balkans occidentaux, voire de l'Ukraine, pays dans lesquels la stabilité politique est loin d'être assurée. Nous aimerions obtenir du Gouvernement des précisions à ce sujet et tout particulièrement sur son attitude à l'égard de la candidature turque.

Il ne faudrait pas compromettre le réel succès que représente la clarification institutionnelle résultant du traité de Lisbonne par des initiatives favorables à un élargissement inopiné ou imposé de l'Union européenne. Ce serait une contradiction politique incompréhensible pour nos concitoyens. Aujourd'hui, la priorité est à la mise en oeuvre de l'approfondissement permis par le traité de Lisbonne.

Je terminerai par un souhait : que la construction de l'Europe puisse échapper au déploiement de nos clivages politiques habituels. Parce que je crois au projet politique européen, je souhaite que ceux qui ont soutenu le projet de Convention pour l'Europe et qui, bien souvent, ont déclaré appuyer la démarche du « mini-traité », votent la révision constitutionnelle. Il n'y a pas de grand projet sans cohérence. La révision est un préalable nécessaire : que tous les partisans d'une Europe dynamique se rejoignent pour l'appuyer !

Pour sa part, sous le bénéfice des observations et des questions que j'ai développées en son nom, le groupe Nouveau Centre votera le projet de révision constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Ameline

Répondre aux enjeux du monde contemporain, c'est être à la fois européen et français. Entre le monde et la nation, le temps est venu de réaffirmer l'idée européenne. En effet, comme l'a rappelé le Président de la République, il n'y a pas de France forte sans l'Europe, il n'y a pas d'Europe puissante sans la France.

Comment intégrer dans le nouvel ordre économique mondial les puissances émergentes qui sont aujourd'hui autant économiques que politiques et militaires ? Comment lutter contre le réchauffement climatique ? Comment assurer notre sécurité et renforcer la paix dans le monde ? La réponse est évidemment dans le renforcement de notre capacité d'action collective. Qui peut en douter ? Tel est l'objectif du traité de Lisbonne.

Ce nouveau traité est une idée française. Voulu par le Président de la République, qui l'a porté avec intelligence, clairvoyance et courage, il sort l'Union européenne d'une longue période d'incertitude et d'affaiblissement, qui semble inspirer, sur certains bancs, une certaine nostalgie.

Depuis ce matin, nous avons entendu beaucoup de critiques et parfois quelques fantasmes,…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Ameline

… jusqu'à donner le sentiment que l'on pourrait s'accommoder de l'échec de la France. Fidèle à ses convictions et conscient de sa responsabilité, le groupe UMP est résolument engagé en faveur de ce texte, qu'il votera.

La Hongrie, l'une de nos plus jeunes démocraties européennes, pour qui l'Europe est un symbole de liberté retrouvée, est aussi le premier État de l'Union à avoir approuvé le traité de Lisbonne, par un vote de son Parlement. Soyons dignes de ce message.

L'ensemble des États membres, à l'exception de l'Irlande, se prononceront par voie parlementaire. C'est également le choix de la France. Est-ce à dire que les peuples européens n'ont pas été suffisamment entendus ? Évidemment non. La portée de notre engagement s'en trouvera-t-elle pour autant affaiblie ? La force d'un traité n'est pas uniquement liée à sa procédure de ratification. Dix-huit pays qui avaient approuvé la Constitution ont accepté de s'engager sur cette nouvelle voie. L'Espagne, qui l'avait approuvée par référendum, soumet à son Parlement la ratification de ce nouveau traité. Il n'y a donc pas d'exception française.

Le traité simplifié n'est plus la Constitution. L'abandon de la démarche constitutionnelle démontre s'il en était besoin que la volonté exprimée par nos concitoyens a été respectée. Nous sommes bien dans le cadre classique des grandes évolutions de l'Union européenne. Or, lors de ces grands moments de l'histoire, qu'il s'agisse de l'Acte unique ou de l'élargissement, nous avons toujours su prendre le parti de la France. Le texte reprend la méthode habituelle, qui consiste à procéder par simples amendements aux traités antérieurs, dont le traité de Nice, conformément à la décision du Conseil constitutionnel.

Au-delà de la terminologie, il exclut toutes les dispositions d'inspiration constitutionnelle, insiste sur la protection des citoyens, délimite strictement les compétences de l'Union, met en oeuvre le principe de subsidiarité, affirme l'identité nationale et crée l'initiative citoyenne. Il donne ainsi une chance nouvelle à l'Europe, sans trahir la confiance des Français. Il répond dans le même temps à l'enjeu d'une Europe nouvelle, démocratique, ouverte sur le monde et capable d'en relever les défis. Comment imaginer aujourd'hui que l'on puisse en freiner la marche quand le monde s'accélère ?

Le projet de loi porte sur les dispositions essentielles qui vont régir la vie de la nouvelle Europe. Le nouveau titre XV de la Constitution prévoit en effet un transfert important de compétences, ainsi que les nouvelles modalités d'exercice des compétences déjà transférées. Ces dispositions sont essentielles, car l'Union doit être mieux organisée pour mieux agir. La formalisation de la procédure législative européenne devient ainsi la procédure de droit commun, avec la codécision. Avec l'extension du vote à la majorité qualifiée, le système s'inverse. Une nouvelle dynamique de décision s'instaure, avec un poids renforcé de la France, tant au Parlement européen qu'au Conseil européen.

S'agissant de la subsidiarité, nous avons été nombreux, sur ces bancs – et j'en garde un souvenir personnel –, à plaider, il y a de nombreuses années, pour le renforcement des parlements nationaux. Or le renforcement de notre poids juridique et politique ainsi que les nouveaux liens que nous parviendrons à tisser avec d'autres parlements – et qui permettront l'approfondissement de la démocratie européenne – nous offrent une occasion historique de renforcer notre rôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Ameline

Comment pourrions-nous laisser passer cette chance, que nous attendons depuis des années, de voir les peuples redevenir ainsi les souverains de l'Europe ? Est-il possible d'imaginer l'Europe, le plus grand marché du monde, se priver d'une influence politique ? Grâce à la réforme institutionnelle, qui instaure une présidence stable et un Haut représentant aux affaires étrangères, l'autorité de l'Europe s'affirme, même s'il sera nécessaire, monsieur le secrétaire d'État, de clarifier l'organisation de ce nouveau leadership. La personnalité juridique renforcera le poids de l'Union européenne au sein des organisations internationales, là où se décident les régulations économiques et sociales.

L'Europe doit porter une ambition pour l'humanité. Il faut se féliciter qu'elle se fixe aujourd'hui des objectifs clairs quant à la mondialisation. Dans ce domaine, nous avons besoin d'une vision européenne qui réponde aux inquiétudes exprimées par les Français, mais qui permette également d'ouvrir la voie à une mondialisation plus juste et plus équilibrée. Tous les pays qui ont réussi ont choisi l'ouverture économique, mais nous avons besoin de règles du jeu. Or, je le dis à ceux de nos collègues les plus critiques, ce n'est pas en affaiblissant le rôle de la France en Europe et celui de l'Europe dans le monde que l'on pourra atteindre l'objectif d'une mondialisation plus acceptable.

Le caractère contraignant de la Charte des droits fondamentaux, comme l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme et la reconnaissance des droits sociaux constituent un socle de principes irréductibles. Je mets au défi ceux qui critiquent cet apport de citer un ensemble régional dans le monde qui mette à ce point en avant des principes et des droits sociaux, ainsi que le progrès social.

Le traité renforce cette dynamique, puisqu'il assigne à l'Union européenne de nouveaux objectifs sociaux. Une clause sociale impose désormais la prise en compte d'un ensemble d'exigences extraordinairement importantes : la promotion d'un niveau d'emploi élevé, d'une protection sociale adéquate, d'un niveau élevé d'éducation, de formation et de protection de la santé humaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Ameline

Toute loi européenne qui serait contraire à ces objectifs pourrait être annulée par la Cour de justice. Ce ne sont donc pas que des mots. S'y ajoute le rôle dévolu aux partenaires sociaux, au dialogue social et aux services publics.

Les citoyens sont donc bien au coeur de cette démarche nouvelle. La construction européenne est notre atout dans le contexte de la mondialisation. Souhaitons-nous assister impuissants à notre déclin ou, au contraire, nous donner les moyens de rester un acteur du monde de demain ? Ne pas voir cette absolue nécessité me paraît irresponsable. L'Europe peut porter un message différent et tempérer les excès de la globalisation pour contribuer à la mettre au service de l'homme. C'est tout l'enjeu de la nouvelle Europe, plus protectrice.

C'est dans ce cadre que va s'inscrire la présidence française, dont l'adoption du traité européen conditionne évidemment la réussite. Je vous appelle, mes chers collègues, à en mesurer toute l'importance. L'Union européenne arrive à la fin d'un cycle, celui des pères fondateurs, qui ont su installer la paix dans une Europe meurtrie par la barbarie et qui nous ont rendus fiers d'être européens. Il nous appartient aujourd'hui d'écrire un nouveau chapitre de cette histoire commune, en conservant cette part d'idéal qui fait de la construction de l'Europe un projet sans équivalent dans le monde.

Si, dans le passé, les peuples européens se sont si souvent opposés, confrontés, combattus jusqu'à l'épuisement, ils ont, grâce à l'Europe, rendu absurdes et inacceptables les dictatures et les régimes totalitaires. Ils ont construit un espace de paix et de progrès et jeté les bases d'un modèle équilibré et humaniste. L'Europe doit participer à ce nouvel équilibre du monde et affirmer ses valeurs de civilisation.

À quelques mois de la présidence française, il faut donner à notre pays toutes ses chances de réaliser ses ambitions et d'assumer ses responsabilités, notamment celle de mettre en oeuvre ce traité, si tous les États se sont prononcés favorablement d'ici au 1er janvier 2009, et des politiques aussi essentielles que celles de l'environnement, de l'immigration et de la défense, dans le cadre d'une relation rénovée avec l'OTAN. C'est précisément pour donner plus d'autonomie à l'Europe que la France promeut l'idée d'une politique de défense européenne. Il faudra également engager une réflexion approfondie sur le sens et l'avenir de l'Europe, ses frontières et ses valeurs, sur l'attention que nous devons porter au sud, à l'Afrique, tout en continuant à assumer notre responsabilité dans les Balkans.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, notre groupe prendra toutes ses responsabilités pour que le Parlement français contribue à la réussite de la présidence européenne et pour faire en sorte que cette révision constitutionnelle aboutisse. La France et le Gouvernement ont pris les leurs, à la fois dans la conduite de la négociation de ce traité et dans la préparation de la présidence européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Ameline

Pour le groupe UMP, c'est une étape décisive pour la réussite de notre pays et, plus encore, un devoir de génération. Être absents serait se rendre impuissants, abdiquer notre destin européen. Quelle grandeur y a-t-il à mobiliser tous ses efforts, comme semble le faire l'opposition aujourd'hui, pour parvenir en quelque sorte à se taire d'une seule voix, alors qu'il convient plus que jamais de faire entendre ensemble celle de la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heure trente :

Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

Jean-Pierre Carton