En l'occurrence, la révision de la Constitution est un exercice connu, puisque c'est la quatrième du genre, après le traité de Maastricht, celui d'Amsterdam et celui instituant une Constitution européenne. Je rappelle que, jusqu'en 1992, aucun des traités constitutifs européens n'avait été soumis au contrôle constitutionnel. C'est François Mitterrand qui en a pris le premier l'initiative, usant des pouvoirs que l'article 54 de la Constitution confère au Président de la République pour interroger le Conseil constitutionnel à propos d'un traité international : il s'agissait en l'occurrence de celui de Maastricht. C'est alors que le Conseil a fixé sa jurisprudence en trois points : en écartant tout examen de la constitutionnalité des dispositions préexistantes au traité qui lui était soumis – heureusement, car les conséquences en eussent été très lourdes – ; en examinant les compétences transférées une à une et en considérant que le fait de donner à l'Union européenne de nouvelles compétences ou de faire passer l'exercice de compétences préexistantes de la règle de l'unanimité à celle de la majorité exigeait une autorisation de la Constitution ; en examinant enfin les dispositions relatives aux institutions européennes dans leur rapport avec le fonctionnement des pouvoirs publics français.
C'est exactement ce qu'a fait une nouvelle fois le Conseil constitutionnel dans sa décision du 20 décembre. Le projet de loi s'en déduit, qui est très similaire à ceux qui l'ont précédé. Par rapport à 2005, les différences portent principalement sur les prérogatives que le traité de Lisbonne confère aux parlements nationaux en ce qui concerne le contrôle du respect du principe de subsidiarité et le droit nouveau qui leur est donné de s'opposer, le cas échéant, à la procédure dite de révision simplifiée.
Tout cela est, somme toute, frappé au coin de l'évidence. Le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis demeure strictement limité à ce qui est indispensable pour autoriser la ratification du traité de Lisbonne. C'est une nécessité juridique, et cela ne devrait pas constituer un événement politique. Mais voilà ! C'était sans compter sur le parti socialiste. Ses dirigeants, après les hésitations que tout le monde a observées ces derniers jours, ont curieusement déclaré qu'ils voteraient le traité de Lisbonne, mais qu'ils s'abstiendraient lors du vote du Congrès destiné à rendre la ratification conforme à la Constitution.
Qui peut comprendre une telle décision ?