D'ailleurs, le Conseil d'État des Pays-Bas a tiré, avant notre juridiction constitutionnelle, les mêmes conclusions de cette situation.
Ces différences s'incarnent principalement dans deux séries de modifications : les premières marquent un changement d'optique significatif par rapport au traité constitutionnel ; les secondes renforcent les pouvoirs des parlements nationaux.
Au rang des modifications qui fondent un changement décisif, il faut citer l'abandon de l'ambition constitutionnelle, même si l'on sait que le traité constitutionnel avait la nature d'une convention internationale. L'abandon de cette ambition se traduit par la modification des traités existants et non plus par l'avènement d'un texte qualifié de « refondateur ».
Il faut également citer l'adossement au traité de la Charte des droits fondamentaux – et non plus son intégration dans le texte même. Il faut citer la disparition des symboles européens des stipulations des traités, la non-reprise de la nouvelle dénomination des textes européens, tandis que le principe de primauté du droit communautaire ne figure plus, en tant que tel, dans le corps du traité.
Je pourrais multiplier les exemples, évoquant la modification de statut de l'idée de concurrence, l'affirmation de la protection des citoyens de l'Union, la prise en compte de la sécurité des approvisionnements énergétiques, ou encore l'avènement de la lutte contre les changements climatiques, comme objectifs de l'Union.
Au rang du renforcement des droits des parlements nationaux, il faut mentionner la possibilité qui leur sera ouverte de s'opposer plus fortement à une proposition d'acte européen qui ne respecterait pas le principe de subsidiarité. Ils pourront aussi s'opposer – la voix d'un seul parlement suffira pour ce faire – à un changement de modalité de prise des décisions relatives à la coopération judiciaire, en matière de droit de la famille.
C'est peu, diront certains ; c'est encore trop, diront d'autres. Mais il faut rappeler que la France n'est pas seule et que dix-huit de nos partenaires avaient ratifié le traité constitutionnel, tandis que les autres ont hésité avant de renoncer à poursuivre la procédure de ratification. Il faut aussi rappeler qu'il convenait de prendre en compte – ce qui a été fait – à la fois les oppositions à un « super État » européen, les inquiétudes face à l'élargissement, les critiques sur l'orientation trop exclusivement libérale de la construction européenne, les inquiétudes de certains sur leur insertion dans le processus de décision, ou encore les conjonctures politiques dans chaque État membre.
Certains ont aussi invoqué, à propos du traité de Lisbonne, une construction juridique complexe. Il est difficile de nier que le texte est d'un accès peu aisé.