Ne craignez-vous pas enfin, pour ceux d'entre vous qui portez un attachement sincère à l'Europe intégrée, que ce passage en force ne la discrédite définitivement non seulement dans les esprits mais désormais dans les coeurs ?
J'ai parlé tout à 1'heure d'une situation littéralement extraordinaire. Elle l'est à plus d'un titre, car ce texte qu'on nous demande de voter n'est pas un projet de loi banal. Ce traité n'est pas, comme certains l'affirment pour esquiver le débat, un simple règlement de copropriété amélioré, qui porterait sur la couleur des volets ou le nombre de bacs pour le tri sélectif. Non, il s'agit d'une modification en profondeur de notre Constitution – le Conseil constitutionnel l'a rappelé –, pour pouvoir ensuite adopter un traité européen qui déshabille notre souveraineté et donc démantèle notre démocratie. Pour en rester à la métaphore de l'habitat collectif, c'est un peu comme si l'assemblée générale des copropriétaires, outrepassant son mandat, confiait les pleins pouvoirs au syndic, l'autorisant désormais à s'occuper de la vie des locataires et des copropriétaires.
Jamais depuis la Libération une modification constitutionnelle aussi décisive pour l'équilibre de nos institutions, et donc pour l'avenir de notre peuple, n'a été ainsi adoptée à la va-vite par le Parlement. Comment d'ailleurs pourrions-nous, sans faillir à notre mission même, abdiquer la souveraineté inaliénable, indivisible et imprescriptible que nous exerçons au nom du peuple mais que seul lui – et encore, madame Ameline – peut décider d'entamer ? Il y a eu peu d'exemples dans la longue histoire de notre nation, sinon les plus honteux, où l'on a demandé au Parlement de bâillonner le peuple dont il est l'émanation.
Et si vous êtes si sûrs de vous, pourquoi, de grâce, ne consultez-vous pas le peuple, si c'est là l'occasion de sortir l'Europe de l'impasse ? Si le peuple s'est trompé en 2005, qu'on lui redemande son avis !