Car, ne vous en déplaise, mes chers collègues, le caractère extraordinaire, au sens littéral du terme, de la situation d'aujourd'hui, ne fait pas l'ombre d'un doute.
On nous demande à nous, représentants du peuple français, de voter un texte identique à celui qu'il a nettement et massivement rejeté il y a un peu plus de deux ans, un refus décidé à une très large majorité et après un débat public vrai, long et approfondi. De quel droit pourrions-nous nous ériger ainsi en censeurs du peuple, dont nous ne sommes en toute humilité, je vous le rappelle que les représentants ? Pour ma part, je me refuse à tricher avec la démocratie, car c'est bel et bien de cela qu'il s'agit.
Lorsqu'un tout petit 51 % des voix a ratifié, en 1992, le traité de Maastricht que j'avais combattu, je me suis, avec 49 % des électeurs, incliné devant une décision démocratique souveraine. Et, à l'inverse, les 55 % de non du 29 mai 2005 ne pèseraient rien ? Quand c'est oui, c'est oui, quand c'est non, c'est oui quand même ! Ne trouvez-vous pas curieuse cette étrange conception de la démocratie ? Ne craignez vous pas que, tôt ou tard, les 70 % de Français qui veulent aujourd'hui un référendum sur le traité de Lisbonne s'estiment déliés de l'obligation de respect envers des institutions qui ont perdu leur légitimité ?
N'êtes-vous pas gênés à l'idée que d'autres pays, à la réputation démocratique un peu particulière, tel le Venezuela d'Hugo Chavez, respectent, eux, le résultat des référendums, même et surtout lorsqu'il ne plaît pas en haut lieu ?