La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Nous avons appris avec une immense tristesse le décès, à cinquante-sept ans, de notre collègue Jean-Paul Charié, député de la cinquième circonscription du Loiret, parlementaire actif et unanimement apprécié.
Je prononcerai son éloge funèbre lors d'une prochaine séance. Aujourd'hui, j'invite l'Assemblée à observer quelques instants de recueillement. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.)
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture. Le groupe Nouveau Centre, auquel j'associe aujourd'hui le groupe fruits et légumes de l'Assemblée nationale (Rires), n'a de cesse, semaine après semaine, d'attirer l'attention du Gouvernement et de l'Assemblée sur la violence de la crise qui secoue notre agriculture. Aujourd'hui, nous voulons interroger le Gouvernement sur la filière fruits et légumes.
Dans son discours de Poligny, le Président de la République a annoncé pour celle-ci une avancée majeure avec l'exonération des charges sociales sur le travail saisonnier. Reste le problème des prix payés aux producteurs. Les fruits et légumes sont un des secteurs où la marge brute de la grande distribution est la plus élevée, dépassant constamment 30 % contre 10 % dans les autres filières de produits transformés. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe NC.)
Face à ce constat, le Président de la République a proposé d'inciter financièrement le regroupement des organisations de production pour modifier le rapport de force entre offre et demande. C'est nécessaire mais non suffisant. Pour assainir enfin les pratiques commerciales de cette filière, il faut maintenant des mesures plus coercitives.
Monsieur le ministre, j'ai trois questions à vous poser.
Depuis 2005, la loi prévoit un dispositif de coefficient multiplicateur. Or celui-ci n'a jamais été appliqué ! Êtes-vous prêt à enfin le faire ?
La loi prévoit également un dispositif de modération volontaire des marges, qui attend lui aussi ses décrets d'application. Êtes-vous prêt à les publier ?
Enfin la profession subit, comme d'autres filières, des pratiques commerciales qui peuvent être illégales, telles que remises, rabais, ristournes et prix aux producteurs fixés après la vente aux consommateurs. Quand allez-vous faire le ménage dans ces pratiques inéquitables pour nos agriculteurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député, la filière des fruits et légumes est probablement l'une de celles qui, dans le secteur agricole, connaissent le plus de difficultés aujourd'hui en France.
Elle a traversé une année très difficile, au point que la question est aujourd'hui posée de savoir si, oui ou non, nous voulons continuer à produire nos propres fruits et légumes en France. Ma réponse est clairement oui ! Nous devons tout faire pour aider les producteurs dans ce sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Pour cela, il faut répondre aux problèmes tant conjoncturels que structurels.
Les problèmes conjoncturels, ce sont les difficultés à l'exportation de la filière. Avec Christine Lagarde, nous avons mobilisé le dispositif CAP Export pour l'aider à exporter ses produits vers les pays de l'Est et la Russie, et à améliorer ainsi ses revenus.
S'agissant des problèmes structurels, il y en a trois auxquels nous devons apporter des réponses. Le premier est lié à l'organisation de la filière, qui doit mieux défendre ses intérêts. Cela passe notamment par le renforcement des organisations de producteurs à l'échelle nationale. Nous le ferons dans le cadre de la loi de modernisation.
Le deuxième problème est celui que vous soulevez : les relations avec l'ensemble de la distribution. Un observatoire des prix et des marges a été mis en place à l'initiative d'Hervé Novelli et de Christine Lagarde. Nous le renforcerons dans le cadre de la loi de modernisation et nous en tirerons les conséquences.
Je souhaite que, en période de crise et de baisse de revenus, la grande distribution renonce aux remises, rabais, ristournes, pour que l'effort soit réparti entre chacun. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Enfin, la filière a un problème de compétitivité du coût du travail. Le Président de la République et le Premier ministre ont annoncé un effort majeur en faveur de sa réduction pour les travailleurs occasionnels : nous ferons passer le coût horaire du travail de 12 euros à un peu plus de 9 euros. Je suis prêt à examiner toute autre disposition touchant au travail permanent et visant à rendre notre filière aussi compétitive que les autres filières européennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, après-demain vendredi 6 novembre, toutes les forces vives du Douaisis manifesteront ensemble dans leur diversité politique et syndicale pour s'opposer à la suppression de leur IUFM.
La récente et brutale décision de la présidence de l'université d'Artois reviendrait, en effet, au nom de l'autonomie, à rayer de la carte un centre de plus de mille étudiants, au mépris de l'enracinement d'un savoir-faire unanimement reconnu et d'une prestigieuse histoire de 175 ans depuis la création de la première école normale.
C'est une décision lourde de conséquences, tant pour la ville de Douai que pour la qualité de la formation des maîtres dans le Nord-Pas-de-Calais, mais qui pourrait aussi préfigurer la disparition de nombreux autres centres dans le pays.
Cette logique de démantèlement va à l'encontre de l'engagement pourtant très clair que vous avez pris le 4 février dernier dans cet hémicycle, lorsque vous avez déclaré : « Je veux ici rassurer solennellement tous les députés présents : les antennes de proximité des IUFM continueront d'accueillir des étudiants, parce que ceux-ci ont besoin d'une formation au plus près des territoires et au plus près des classes ».
Madame la ministre, quelles initiatives et quelles dispositions comptez-vous prendre pour garantir la pérennité d'un centre de formation des maîtres et d'un pôle universitaire fort à Douai, et, plus, généralement pour maintenir l'irremplaçable potentiel des IUFM en termes de personnels, de moyens et de lieux de formation ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur Dolez, depuis la loi Fillon, les IUFM ont été intégrés dans les universités, et cela à la satisfaction générale. (Protestations sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC.)
Aujourd'hui, ils constituent des pôles universitaires de proximité. Au-delà du cas particulier de Douai, vous m'avez interrogé sur leur avenir. Je crois pouvoir m'engager et affirmer que l'avenir de ces pôles universitaires de proximité, qui apportent tellement à nos territoires, est assuré. Il est assuré dans le cadre de la formation des maîtres et de la réforme de cette formation, car les étudiants auront besoin d'avoir une formation continue et des stages gérés au plus près des classes, sur tout le territoire.
L'avenir est assuré aussi dans le cadre de la professionnalisation des cursus que nous souhaitons, à travers des IUT de proximité et des départements de BTS de proximité.
En ce qui concerne le cas particulier de Douai (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), j'ai demandé au recteur de réunir l'ensemble des universités du Nord-Pas-de-Calais et de discuter avec elles d'un schéma directeur régional de la formation des maîtres dans cette région. Dans ce cadre, nous discuterons avec les élus, les directeurs des antennes de proximité et les présidents des universités.
Pour ce qui est du pôle de Douai, monsieur Dolez, je peux d'ores et déjà vous dire que j'ai obtenu l'engagement du président de l'université d'Artois de maintenir ce pôle, qui apporte tellement à votre territoire et qui apportera tellement à nos étudiants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Cécile Gallez, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre auprès du Premier ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, vous avez inauguré hier, avec la déviation de Loucelles dans le Calvados, le millième chantier du plan de relance ; voilà qui démontre l'avancement plus rapide que prévu de ce plan, puisque les trois quarts des sommes prévues sur 2009 et 2010 ont déjà été injectées dans l'économie. Je vous remercie pour les points d'étape réguliers que vous faites au Parlement sur le sujet. Il est important de suivre la mise en oeuvre du plan et d'en connaître précisément les effets concrets, comme le demandent nos concitoyens.
Vous avez par ailleurs annoncé que le plan permettrait de sauver 400 000 emplois en 2009-2010, …
…la sauvegarde de l'emploi étant l'objectif de la relance de l'activité. C'est en effet principalement dans ce domaine que nos concitoyens attendent légitimement des résultats. Pouvez-vous nous en dire plus sur la performance du plan de relance en matière d'emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance.
Madame la députée, il est exact que j'ai inauguré hier, dans le Calvados, le millième chantier du plan de relance. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ainsi, après l'annonce du Premier ministre le 2 février à Lyon, aujourd'hui l'engagement est tenu : les mille chantiers programmés par le Gouvernement ont été ouverts, et comme vous l'avez souligné, 25 milliards ont été injectés dans l'économie.
En ce qui concerne l'emploi, les résultats sont là, même si le plan de relance ne peut, à lui seul, faire disparaître la crise. Nous avons créé ou sauvegardé 400 000 emplois sur 2009-2010. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le chiffre de 400 000 emplois est solide, prudent, transparent. Nous l'avons calculé …
Un député du groupe SRC. À la louche !
…à l'aide du coefficient d'emploi de chaque fédération professionnelle.
Dans le domaine des travaux publics par exemple, nous savons qu'un million d'euros correspond à 8,1 emplois sur une année. Dans le secteur du logement, nous savons qu'un logement construit correspond à 1,2 emploi. Dans le domaine de la rénovation, 55 000 euros dépensés correspondent à un emploi. Cela nous donne 250 000 emplois. Si l'on y ajoute les emplois des entreprises publiques, ce sont 30 000 emplois de plus. Si l'on y ajoute les équivalents temps plein du chômage partiel, c'est 70 000 emplois supplémentaires. Si l'on y ajoute enfin les contrats aidés, ce sont 80 000 emplois de plus. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Si nous faisons le total – et sans même prendre en compte les mesures du FISO –, nous sommes bien à 400 000 emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, le Président de la République sera vendredi à mi-mandat. C'est l'heure du premier bilan. Les faits parlent d'eux-mêmes.
Que reste-t-il du Président du pouvoir d'achat ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe SRC.) Nous attendions l'augmentation de la feuille de paie, nous avons le maintien des niches fiscales et du bouclier fiscal.
Que reste-t-il du Président de la refondation du capitalisme ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe SRC.) Nous attendions la fin d'un système financier indécent, mais tout a repris comme avant : le surendettement pour les uns contre le bonus pour les autres et le chômage en plus.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est faux !
Que reste-t-il du Président de la défense du modèle social français ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Nous attendions la consolidation des services publics, nous avons eu la volonté de privatiser la Poste, les franchises médicales, la taxation des accidentés du travail et l'appauvrissement des collectivités locales.
Que reste-t-il du Président d'une république irréprochable ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe SRC.) Nous attendions l'impartialité de l'État, nous avons eu droit aux nominations dans l'audiovisuel public et à la tentative avortée de placer son propre fils à la tête de l'établissement public de la Défense. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Que reste-t-il du Président du rétablissement des comptes publics ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe SRC.) Nous attendions la maîtrise de la dette, nous connaissons son explosion, bientôt aggravée par un grand emprunt qui sera surtout une grande dette pour les générations futures.
Que reste-t-il du Président des droits de l'homme, … (« Rien ! » sur les bancs du groupe SRC)
…qui devait tourner le dos à la Françafrique et à la Realpolitik ? Nous avons toujours les amitiés avec la famille Bongo, la visite indécente de M. Kadhafi et les charters pour l'Afghanistan. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Ma question, monsieur le Premier ministre, est très simple. Elle s'adresse à vous, elle s'adresse à tout le Gouvernement, au Président et à toute la majorité : qu'avez-vous fait de vos promesses ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.- Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. François Fillon, Premier ministre. ((Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président Ayrault, merci de me donner l'occasion de féliciter la majorité de cette assemblée pour le bilan qui est le sien à mi-mandat ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Gouverner la France, vous le savez bien, n'a jamais été facile . Nous ne sommes pas en 1983 ! Nous n'allons pas changer de politique. Une partie de la majorité ne va pas nous quitter, et nous n'avons pas l'intention d'imposer aux Français la rigueur après avoir conduit, comme vous l'aviez fait pendant trois ans, une politique d'échec ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. -Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. L'échec, c'est le vôtre maintenant !
Si vous voulez faire le bilan, alors il faut comparer les performances de notre pays à celles des autres pays européens. En 2009, nous allons faire deux fois mieux que les autres pays européens en termes économiques. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
La récession qui frappe l'ensemble du monde sera de 2,2 % en France alors qu'elle se situera entre 4 % et 5 % en Allemagne, en Italie ou en Grande-Bretagne ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Pour 2010, l'Union européenne nous crédite aujourd'hui du meilleur taux de croissance de la zone euro avec 1,5 %. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Même sur le douloureux dossier du chômage, qui monte dans tous les pays développés en raison de la récession, nous allons faire dix points de moins que la moyenne de la zone euro grâce aux mesures prises par le Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.- Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ces résultats, qui sont acquis dans un climat social caractérisé par le dialogue (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) et par le sens des responsabilités des acteurs, nous les devons aux réformes qui ont été conduites sous l'autorité du Président de la République.
Nous les devons à la rupture que nous avons conduite avec le Président de la République et avec cette majorité.
Rupture avec l'autonomie des universités, après trente ans d'immobilisme et de refus d'agir (Protestations sur les bancs du groupe SRC), alors que les universités françaises étaient en train de chuter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Rupture sur la représentativité syndicale, sur laquelle personne n'avait voulu agir depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale !
Rupture avec le revenu de solidarité active qui met fin à des années de politiques d'assistance. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.- Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Rupture avec les trente-cinq heures dont personne aujourd'hui ne réclame plus la remise en oeuvre ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Rupture avec le Grenelle de l'environnement qui nous a permis de passer des grands discours aux actes, à la mise en oeuvre des actions, à la mise en oeuvre des financements du changement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Rupture encore avec la politique que nous avons conduite sur la carte judiciaire (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), sur la carte militaire, avec la réforme des ports ou encore avec le soutien que nous avons apporté aux créateurs menacés par l'utilisation frauduleuse des nouvelles technologies. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Eh bien, mesdames et messieurs les députés, cette politique de réforme va se poursuivre malgré les difficultés liées à la crise. Le Parlement examine aujourd'hui une réforme de la fiscalité locale que nous allons conduire parce qu'elle permet d'améliorer la compétitivité des entreprises françaises. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.) Nous allons conduire une réforme de l'organisation du territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) parce que nous avons besoin de simplifier cette organisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous allons vous proposer, dans quelques semaines, de choisir ensemble les dépenses d'avenir, les investissements d'avenir pour donner à notre pays la croissance dont il a besoin.
Où en serions-nous si nous avions suivi les solutions que vous nous proposez ? (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.) Nous aurions nationalisé les banques et, comme le proposait M. Emmanuelli, joué en bourse l'argent des Français s'agissant de leur capital. (« Eh oui ! sur les bancs du groupe UMP.)
Nous aurions baissé la TVA comme l'ont fait certains autres pays européens, qui le regrettent amèrement aujourd'hui, en nous privant des marges de manoeuvre nécessaires pour soutenir l'investissement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous aurions augmenté la fiscalité sur les entreprises, rendant inéluctable et irréversible la désindustrialisation de notre pays.
Quant aux leçons de morale que vous nous donnez au sujet de la régulation financière, je vous ferai remarquer que les stock-options n'existent pas seulement depuis 2002 ou 2007. Ils existaient lorsque vous étiez au pouvoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous n'avez rien fait pour les taxer ! (Mêmes mouvements.)
Les retraites chapeaux existaient quand vous étiez au pouvoir. Les problèmes de régulation financière, les paradis fiscaux, étaient bien des questions qui se posaient déjà ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.- Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Non seulement nous avons agi sur tous ces sujets, mais le Président de la République française a, de surcroît, pris la tête du combat international…
…pour la régulation financière, pour la lutte contre les paradis fiscaux, pour une meilleure gouvernance mondiale et pour faire en sorte qu'à Copenhague, nous soyons en mesure de signer un véritable accord sur le climat.
Voilà la réalité, monsieur Ayrault !
Certes, il reste beaucoup à faire et j'invite la majorité à se mobiliser pour poursuivre son action. Mais une chose est certaine, et les Français le savent : c'est que nous avons remis la France en mouvement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous avons dégrippé les moteurs du changement. Je ne confesse qu'un seul échec : nous n'avons pas réussi à remettre en mouvement le parti socialiste ! (Mmes et MM les parlementaires du groupe UMP se lèvent et applaudissent longuement.)
La parole est à M. Jacques Valax, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Le chronomètre tourne, monsieur Valax.
Je ne peux pas parler pendant que la majorité continue d'applaudir le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, votre Gouvernement a fait voter en juillet 2008 une réforme de la Constitution. Cette réforme a été « vendue » à la population en lui faisant miroiter un hypothétique renforcement des droits du Parlement.
Qu'en est-il aujourd'hui ?
Jour après jour, nous assistons à un véritable déni de démocratie. La dernière manipulation en date vous a permis de faire revoter un amendement sur la taxation bancaire en invoquant – tenez-vous bien, chers collègues – une erreur humaine. Ce « lapsus » politique est révélateur de votre attitude méprisante à l'égard du Parlement.
Depuis deux ans, avec l'instauration du bouclier fiscal, le redécoupage électoral, la suppression des juges d'instruction et la réforme de la taxe professionnelle, le Président de la République conduit seul une politique qui n'a d'autre but que de fracturer l'ensemble des contre-pouvoirs médiatiques, juridiques et politiques
La loi n'est plus pour l'hyper-pouvoir qu'un moyen de communication. La plupart de vos ministres ne pilotent même plus les dossiers majeurs. Ce rôle est accaparé par les collaborateurs du Président, alors même que selon la Constitution c'est le Gouvernement qui doit conduire la politique de la Nation.
S'ils peuvent par faiblesse individuelle renoncer à leurs prérogatives, les ministres ne devraient jamais institutionnellement accepter une telle mise à l'écart.
Dois-je vous rappeler que le lieu de débat des textes importants pour notre République est, et doit rester, le Parlement ?
La démocratie – et je vous demande quelques instants supplémentaires pour poser ma question, monsieur le président…(Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La démocratie a ceci d'exceptionnel qu'elle permet toutes les audaces collectives, mais il faut aussi savoir que la démocratie est sans défense devant l'outrance individuelle, les atteintes quotidiennes, les renoncements, les transgressions.
La démocratie ne peut se résumer ni s'incarner dans un seul d'entre nous. La place de chacun en particulier et du Parlement en général doit être respectée.
Question : monsieur le Premier ministre, vous venez de parler de rupture ; comment comptez-vous rompre avec les errements de la politique de votre Président ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le député, il me semble que nous ne faisons pas la même lecture de la réforme de la Constitution…
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ils ne savent pas lire !
pour une raison simple, c'est que nous, nous l'avons votée, et pas vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Il suffit de relire cette réforme de la Constitution pour s'apercevoir que c'est exactement le contraire du sombre panorama que vous venez de dresser, lequel s'apparente plutôt à une caricature. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Qu'y ai-je lu, pour ma part ? Que les études d'impact sont aujourd'hui un réel moyen d'information pour le Parlement ; que les délais sont beaucoup plus longs pour permettre un examen plus approfondi des textes…
…que c'est le texte de la commission qui vient en débat en séance publique, ce qui représente un changement considérable.
Le Parlement dispose de la moitié de l'ordre du jour. Je vous fais observer que vous en profitez, et vous avez bien raison, car, lors des séances de questions d'actualité, vous en posez aujourd'hui la moitié.
Monsieur le député, le Président de la République et le Premier ministre ont la volonté de faire en sorte que le Parlement se modernise pour être en capacité de participer, comme vient de le dire le Premier ministre, à la très grande opération de transformation et de modernisation de notre pays.
C'est notre conception du fonctionnement des institutions de la Ve République que nous voulons moderniser – sans avoir pour autant la volonté d'en changer, parce qu'elles ont montré leur efficacité et que nous nous en sentons les gardiens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Christophe Priou, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
L'emploi est le principal problème que rencontrent nos compatriotes en cette période de crise.
Il faut avoir le courage de le reconnaître : en matière d'accès à l'emploi, tout le monde n'a pas les mêmes chances. Lorsque l'on a un nom à consonance étrangère, lorsque l'on habite certains quartiers défavorisés, lorsque l'on présente un handicap, passer le filtre du CV peut être un véritable parcours du combattant pour un demandeur d'emploi, et la sélection ne se fonde pas toujours sur les compétences. Ainsi, un candidat souffrant d'un handicap reconnu par la COTOREP a deux fois moins de chances qu'une personne valide de décrocher un entretien d'embauche.
Le recours au CV anonyme au cours des procédures de recrutement est d'ores et déjà pratiqué dans certaines entreprises comme la RATP, à laquelle il a notamment permis de réduire la discrimination par l'âge. Mais les réticences des entreprises sont encore fortes face à cette pratique, dont elles incriminent en particulier la complexité et le coût.
Dans ce domaine, où il s'agit de faire changer les mentalités et les comportements, nous devons être pragmatiques. Vous avez lancé hier, monsieur le secrétaire d'État, une expérimentation du CV anonyme dans sept départements, dont la Loire-Atlantique. Comment ces expériences vont-elles se dérouler ? Quels effets en attendez-vous ?
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Monsieur Priou, le problème que vous évoquez n'est pas mince.
Quelques chiffres, tout d'abord, afin de bien comprendre la situation. Aujourd'hui, en France, dans notre République, si vous avez plus de cinquante ans, vous avez trois fois moins de chances de décrocher un entretien d'embauche que si vous avez trente ans. Vos chances sont réduites d'autant si vous avez un nom à consonance maghrébine et elles le sont de 30 % si vous êtes une mère de trois enfants. Ces chiffres sont violents, mais ils décrivent une réalité, celle de la discrimination à l'emploi dans notre République, et ils sont indignes de la conception que nous nous faisons tous, me semble-t-il, du pacte républicain.
Ce sujet était depuis trop longtemps un tabou. À la demande du Président de la République et du Premier ministre, Xavier Darcos, Éric Besson, Yazid Sabeg et moi-même avons lancé hier une expérimentation du CV anonyme dans cinquante entreprises volontaires, avec l'appui de Pôle Emploi. Cette expérimentation aura lieu dans sept départements, dont la Loire-Atlantique, dont vous êtes l'élu.
Le but est simple : mettre fin aux idées reçues et montrer qu'en matière de recrutement, il est dans l'intérêt des entreprises de diversifier. Le fait de donner sa chance à un senior et de lui permettre de rejoindre une équipe ne constitue pas pour une entreprise une contrainte, mais une opportunité.
Le CV anonyme suffira-t-il ? Certainement pas. Sommes-nous sûrs de réussir ? Non. Mais il est une chose dont nous sommes sûrs : nous n'avons pas le droit de ne rien faire. Et il est une conception que nous pouvons partager sur tous les bancs de la représentation nationale : nous n'avons pas le droit de rester passifs ; crise ou non, il y va non seulement de l'emploi, mais aussi du sens de notre pacte républicain. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre de l'industrie, notre industrie va mal. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Elle ne cesse de perdre des parts de marché et, surtout, des emplois… (Même mouvement.)
500 000 emplois ont ainsi été perdus entre 2000 et 2007. En outre, malheureusement, le solde des exportations est désormais dans le rouge.
Or 40 % des entreprises du secteur sont des PME et des PMI dont la crise a étranglé la trésorerie et réduit les carnets de commande, ce qui en fait des proies faciles pour les investisseurs étrangers qui cherchent à récupérer leurs savoir-faire.
Monsieur le ministre, vous avez initié en octobre les états généraux de l'industrie, dont vous avez installé le comité national lundi dernier. Les objectifs sont clairement définis : faire de notre industrie le moteur du redémarrage économique de la France et dessiner notre nouvelle politique industrielle. Le Nouveau Centre encourage cette démarche, qui apporte des réponses aux salariés inquiets pour leur avenir.
La semaine dernière, Dominique Souchet et moi-même étions avec vous à Fontenay-le-Comte, afin d'étudier le dossier du groupe Plysorol, qui illustre bien mon propos. Ce groupe a été racheté il y a quelques mois par un investisseur chinois dont les engagements tardaient à se concrétiser ; nous redoutions donc de perdre non seulement les savoir-faire, mais aussi les emplois des usines de Lisieux, Épernay et Fontenay-le-Comte.
Les états généraux de l'industrie soulèvent la question du rôle de l'État dans ce secteur manufacturier. Comment y interviendra-t-il demain, et avec quels moyens ? Quel est l'état de votre réflexion sur ce sujet ? Le dossier Plysorol, entreprise que votre engagement résolu a contribué à sauver – ce dont je vous remercie –, illustre-t-il l'action future de l'État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Monsieur Leteurtre, avec le Président de la République, le Premier ministre et les partenaires sociaux, nous avons décidé de lancer les états généraux de l'industrie afin de fonder une nouvelle politique industrielle propre à mettre un terme aux relations de dominant à dominé qui unissent grands groupes industriels et PME, grands groupes industriels et sous-traitants, donneurs d'ordres et sous-traitants.
Cela suppose une vaste réflexion sur nos pôles de compétitivité, une politique ambitieuse d'innovation industrielle et une réorganisation par filières au lieu de la politique de branches qui nous a mis en difficulté et a entraîné tant de délocalisations.
Vous citez l'exemple de l'entreprise Plysorol, à propos de laquelle Dominique Souchet m'a interrogé il y a quelques semaines. Nous nous sommes rendus ensemble à Fontenay-le-Comte, en Vendée, la semaine dernière. Je vous en remercie, monsieur Leteurtre, puisque cette entreprise, premier fabricant de contreplaqué en Europe, est notamment installée dans votre circonscription, à Lisieux.
En proposant de reprendre l'entreprise devant le tribunal de commerce, un investisseur chinois tentait de s'emparer d'une filiale au Gabon afin d'y recueillir le bois et de l'exporter en Chine, et non plus vers l'entreprise française installée à Lisieux, à Fontenay et à Épernay. J'avais dit que cela n'était pas admissible. Vous voyez que le volontarisme politique dont nous avons fait preuve ensemble, et notre refus d'admettre que le repreneur d'une entreprise française devant un tribunal de commerce ne respecte pas ses engagements, ont payé : Plysorol est ouvert, les ouvriers sont au travail et nous en remercient, et le repreneur s'est engagé sur de nouveaux investissements. Les états généraux de l'industrie doivent confirmer cette nouvelle dynamique industrielle. (Applaudissements sur sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mes chers collègues, notre pays est engagé dans la guerre d'Afghanistan – il faut appeler les choses par leur nom – depuis maintenant huit ans. Là-bas, 3 300 de nos soldats mènent une mission difficile et douloureuse. À ce titre, sur tous les bancs, nous leur devons admiration et solidarité.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et respect !
L'admiration force le respect !
Que font ces troupes ? Au début, l'objectif était clair : il s'agissait de renverser le régime taliban, complice d'Al-Qaida. Aujourd'hui, il est beaucoup moins clair. Quels sont les objectifs assignés à nos troupes ? Quelle stratégie suivent-elles ? Quel calendrier est fixé ? Ont-elles vocation à rester éternellement dans ce pays ?
Ces questions, nous en avons débattu il y a un an, en septembre 2008. Depuis, plus aucun débat, plus aucun échange. Sans doute est-ce cela, les nouveaux droits du Parlement !
Or beaucoup de changements sont intervenus en Afghanistan en l'espace d'une année qui aura été la plus meurtrière pour les forces alliées depuis le début de la guerre : une dégradation évidente des conditions de sécurité, une élection présidentielle contestée, une révision stratégique à la suite de l'élection du président Obama, une seconde bientôt peut-être, depuis qu'a surgi le débat provoqué par le secrétaire général de l'OTAN et les généraux des états-majors américains. Il a envahi l'espace public américain et alerté l'opinion mondiale ; et pourtant, en France, il n'en est pas question.
Je voudrais vous poser une question simple, monsieur le Premier ministre. La réintégration de la France dans le commandement militaire de l'OTAN a été justifiée par une meilleure association à la définitions des stratégies de l'Alliance. J'imagine que notre pays est, à cet égard, associé. Pourquoi la représentation nationale n'en est-elle pas informée ?
Ne pensez-vous pas qu'il est urgent qu'il y ait un débat sur ce sujet grave, ici, à l'Assemblée nationale ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
En effet, monsieur Glavany, il est temps d'avoir ce débat. ( « Alors ? » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Je vous l'ai dit à plusieurs reprises.
À ce propos, permettez-moi de vous faire remarquer deux choses.
Le 16 novembre – à moins d'un changement de date, d'ici un jour ou deux –, le débat que vous demandez aura lieu au Sénat.
Puisque depuis la révision constitutionnelle, il appartient à votre assemblée de fixer la moitié de l'ordre du jour, je me tiens à votre disposition pour venir le jour que vous choisirez. Faites-le et le débat aura lieu. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Ce qui a été fait au Sénat peut sans doute être fait dans votre assemblée. Mais si vous ne le voulez pas, ce débat n'aura pas lieu ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
J'aimerais maintenant reprendre vos termes et m'exprimer avec la même gravité.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Le débat ! Le débat !
Cessez de crier… Le sujet que vous évoquez ne vous intéresse-t-il que lorsque vous en parlez ou consentez-vous à vous y intéresser un peu lorsque je réponds à vos questions ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Beaucoup de changements sont intervenus, en effet, et nous sommes davantage associés que par le passé. Des débats ont lieu : à Bruxelles, à l'OTAN, à l'ONU et sur le terrain. Vous n'en êtes pas au courant : excellent ! C'est une bonne occasion pour vous informer. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Pardonnez-moi, mais les élections n'ont pas été le fiasco que vous dites.
Peut-être, mais j'ai bien compris qu'elles ne vous satisfont pas. Sachez qu'elles ne m'ont pas satisfait non plus. Cependant, je pense que nous devons apporter tout notre soutien au président Karzaï et au nouveau gouvernement. Nous devons parler avec lui, nous devons en parler avec les Européens, qui ont 35 000 soldats sur place, nous devons en parler au Parlement, nous devons en parler à l'ONU. C'est ce que nous faisons.
Faut-il changer de stratégie ? C'est une question dont je discuterai volontiers avec vous. Si vous avez une solution, je l'écouterai avec plaisir. Je me tiens à votre disposition, une fois de plus.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de notre assemblée a été occupé par la première et la deuxième parties du projet de loi de finances et par le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Au terme de leur examen, nul doute que l'Assemblée se saisira de ce débat, avec l'accord du Gouvernement, qui nous l'a fait savoir.
La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de la culture et porte sur l'avenir de la presse écrite, qui traverse une crise sans précédent, plus particulièrement au niveau de la partie la plus jeune de son lectorat.
Dans son discours de clôture des états généraux de la presse, le 23 janvier dernier, le Président de la République a exprimé le voeu que chaque jeune de dix-huit ans puisse disposer d'un abonnement gratuit à un quotidien dans l'année de son accession à la citoyenneté. En effet, si les jeunes nés avec le numérique sont de très grands consommateurs de médias – net, chat, SMS, vidéos, radio TNT –, ils délaissent malheureusement la presse écrite qui forge l'opinion et la citoyenneté.
Les chiffres montrent que la situation s'aggrave : en 1997, 70 % des jeunes déclaraient lire un quotidien chaque jour. Onze ans après, ils ne sont plus que 58 %, comme le rappelait le rapporteur de la commission culturelle pour les crédits des médias, Michel Herbillon.
Face à ce constat, monsieur le ministre de la culture, vous avez annoncé une mesure destinée à favoriser la lecture de la presse quotidienne chez les jeunes de dix-huit à vingt-quatre ans : « Mon quotidien offert ». À ce propos, j'aurais deux questions.
En proposant gratuitement un abonnement hebdomadaire à un quotidien – même si les rédactions tenteront une fois par semaine de rendre leur titre plus attrayant –, ne risquez-vous pas de manquer la cible visée ?
Cette mesure suffira-t-elle à apporter une solution au problème vital que constitue l'avenir de la presse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, …
…la lecture de la presse par les jeunes publics est un enjeu citoyen et éducatif majeur. Or il n'y a pas de fatalité à voir les jeunes générations se désintéresser de la lecture des journaux d'information politique et générale.
C'est ce qu'exprime aujourd'hui la démarche volontariste adoptée par l'État, en proposant à tous les jeunes de 18 à 24 ans qui le souhaitent un abonnement gracieux d'un an au quotidien de leur choix parmi soixante titres de la presse nationale, régionale et départementale.
Cette opération est portée par l'État et par les éditeurs qui y consacrent chacun 5 millions d'euros.
La reconquête du lectorat des jeunes est un enjeu d'avenir pour la survie économique de la presse tout entière. Sans action décisive, au rythme actuel, la disparition de la presse payante d'information est bien plus qu'une menace à moyen terme.
On pourrait croire que l'habitude de lecture s'acquiert naturellement avec l'âge. C'est faux. L'habitude de lecture, quand elle n'est pas prise dès le plus jeune âge, n'est pas rattrapée à la maturité.
Cependant, pourquoi un abonnement hebdomadaire à un quotidien ? Essentiellement pour éviter un phénomène de rejet de la part d'un lectorat qui reste à familiariser, les éditeurs ayant souhaité privilégier un abonnement modulable et progressif d'un exemplaire par semaine.
Les premiers relevés d'abonnement effectués hier en fin de journée prouvent que nous avons fait collectivement le bon choix : plus de 150 000 demandes d'abonnement ont été enregistrées en une semaine.
Cette opération est donc un succès. C'est un message d'avenir extrêmement positif pour la presse qui prouve, par l'exemple, qu'elle dispose d'atouts évidents aux yeux des jeunes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, le groupe socialiste prend acte de la volonté de l'Assemblée nationale et du Gouvernement d'organiser un débat sur l'Afghanistan après l'examen du projet de loi de finances pour 2010.
Madame la ministre de la santé et des sports, malgré vos démentis, la couverture sociale des Français devant la maladie ne cesse de reculer. Depuis trois ans, la couverture sociale a diminué de 1,5 %. Ainsi, plus 3 milliards d'euros ont été transférés sur les familles.
En réalité, s'agissant des soins de premier recours, les plus courants, aujourd'hui la protection sociale obligatoire ne concerne environ que 50 % des dépenses remboursées. À plusieurs reprises, vous auriez eu la possibilité de corriger ces inégalités qui s'accroissent. Mais devant le refus de soins trop souvent constaté, vous avez refusé le testing. Devant les phénomènes de désertification médicale, bien connus sur tous les bancs de l'Assemblée, vous n'avez mis en place aucune mesure qui soit vraiment de nature à répondre à ces défis. Face aux dépassements d'honoraires qui représentent plus de 4 milliards d'euros, payés aujourd'hui par les familles, vous n'avez pris aucune disposition.
Actuellement, l'assurance maladie discute, avec votre accord, ce que l'on appelle un secteur optionnel. Ainsi, demain, les dépassements d'honoraires seront la règle. Ils seront peut-être remboursés par des mutuelles dont les cotisations vont exploser, laissant dans le désarroi tous ceux qui n'ont pas de couverture complémentaire.
Madame la ministre, avez-vous l'intention de continuer cette politique de désengagement de la sécurité sociale ? Dans quel état allez-vous rendre, en 2012, la sécurité sociale aux Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Monsieur Le Guen, la lutte contre les inégalités de santé est le fil rouge de la politique du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous voulons garantir un système de santé solidaire en en nous attaquant d'abord aux inégalités géographiques en matière d'accès aux soins. À cet égard, les propositions de l'ambitieuse loi de modernisation de la santé promulguée le 21 juillet dernier sont venues de tous les bancs, des vôtres comme de ceux, évidemment, de la majorité.
Ensuite, nous voulons une véritable politique financière d'accès aux soins. Nous nous adressons à tous les secteurs. Le nombre de bénéficiaires de la complémentaire santé a crû de 30 % et, grâce aux propositions du président Méhaignerie, nous avons relevé de façon substantielle le montant de l'accès à la complémentaire santé pour les plus âgés. Par exemple, pour les 50-59 ans, le montant de cette aide a augmenté de 75 %. J'ajoute que nous avons prévu, dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale, d'augmenter l'aide à la complémentaire santé pour les plus jeunes de 100 euros.
Par ailleurs, la lutte contre les dépassements d'honoraires passe par l'obligation de l'affichage des tarifs d'honoraires dans les salles d'attente ou encore la remise d'un devis d'information. Oui, monsieur Le Guen, le protocole d'accord du 15 octobre dernier est bel est bien une avancée, puisqu'il oblige les médecins du secteur optionnel à limiter leurs dépassements d'honoraires et à offrir un pourcentage d'honoraires à tarifs opposables.
Nous luttons également contre le refus de soins puisque les sanctions sont renforcées.
Enfin, la nouvelle tarification à l'activité dans les hôpitaux va nous permettre d'intégrer un coefficient de précarité. À l'AP-HP, cela représente 18 millions d'euros supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Antoine Herth, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, vous avez annoncé en février dernier dans le cadre du Grenelle de l'environnement, un vaste plan de rénovation et de modernisation du bâtiment, du logement et des constructions. Ce plan est attendu car il doit avoir un effet important en matière environnemental et les entreprises du bâtiment trouvent là un surcroît d'activité qui leur permet de créer des emplois.
C'est bien en pesant sur ce secteur, qui représente une part prépondérante des gaz à effet de serre, que nous pourrons parvenir à réduire par quatre, en quatre ans, les émissions de gaz à effet de serre.
Les locataires, les propriétaires, les collectivités locales et les organismes logeurs doivent être mobilisés sur cet objectif. Tous sont conscients de l'intérêt des mesures et de l'urgence à agir. Sans eux, rien n'est possible.
Nombre de nos concitoyens nous demandent comment isoler leur logement, comment trouver un conseil et surtout comment trouver des financements.
Aussi, monsieur le ministre d'État, pouvez-nous nous détailler les mesures du Plan bâtiment à quelques semaines de l'examen du Grenelle 2, et en particulier les effets concrets qui sont attendus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Monsieur le député, les bâtiments dans le monde représentent 40 % de la totalité des énergies. En France, ce pourcentage est de 42 %. Le bâtiment est le principal secteur d'émissions de gaz à effet de serre.
Le plan d'économies d'énergie du Grenelle de la mer était donc attendu, et il est massif. Pour les particuliers, les logements sociaux, les bâtiments publics, les bureaux et commerces, il représente un montant de 600 milliards d'euros environ. Ce sera autant d'économies pour les particuliers et c'est évidemment un secteur extrêmement créateur d'emplois.
Les trois-quarts des bâtiments d'État ont fait l'objet d'un audit énergétique. Ces études seront achevées au premier semestre 2010, afin que les travaux puissent démarrer. Le parc concerné est gigantesque.
S'agissant des logements sociaux, 30 000 des 800 000 logements sociaux font actuellement l'objet de travaux d'économies d'énergie, en accord avec les partenaires sociaux. Nous sommes en avance sur les prévisions.
Enfin, vous le savez, les particuliers français souhaitent faire des économies d'énergie dans leur logement. Le dispositif du prêt à taux zéro que vous avez voté connaît un succès considérable. En effet, en cinq mois, près de 60 000 éco-prêts à taux zéro ont été souscrits auprès des banques, afin de réaliser des économies d'énergie.
Bref, ce programme est en avance sur les obligations du Grenelle. La reprise française sera verte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Christian Bataille, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre du budget et des comptes publics, le Gouvernement est un bien mauvais gestionnaire du patrimoine immobilier de l'État, immobilier qu'il brade d'une manière discutable. Comme le dit Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, c'est bien de faire des économies, de liquider les bijoux de famille, de vendre à tout va, mais encore faut-il le faire à bon escient. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Ainsi, la vente du centre de rencontres internationales de l'avenue Kléber, à Paris, va générer des dépenses nettement supérieures au produit de la vente : le relogement des services rue de la Convention va coûter plus de 460 millions d'euros alors que la cession du centre de la rue Kléber ne vous a rapporté que 404 millions d'euros, autrement dit beaucoup moins.
En choisissant comme site de regroupement l'ancien siège de l'Imprimerie nationale, situé, donc, rue de la Convention, l'État a racheté des locaux pour 325 millions d'euros à un groupe privé qui les avait précédemment achetés à l'Imprimerie nationale, c'est-à-dire à l'État, pour 85 millions d'euros. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Cerise sur le gâteau : cette affaire immobilière a permis à ce groupe privé, au terme d'un circuit financier particulièrement douteux, de transférer l'immeuble à une filiale de droit luxembourgeois et par conséquent de rendre non-imposable en France la plus-value dégagée par l'opération.
L'exonération fiscale réalisée par la société, basée dans des paradis fiscaux, a été évaluée à 40 millions d'euros par la Cour des comptes.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Bravo !
Monsieur le ministre, avez-vous l'intention de faire faire à la collectivité nationale d'autres mauvaises affaires de ce type ? Pouvez-vous informer l'Assemblée du programme établi par le Gouvernement de vente à l'encan – de bradage – du patrimoine immobilier de l'État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.
Monsieur Bataille, personne ne brade rien ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) La politique immobilière menée par le Gouvernement est sérieuse puisque fondée sur l'optimisation du patrimoine national. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Que représente le patrimoine national ? Les quelque 12 millions de mètres carrés dont l'État est propriétaire valent environ 50 milliards d'euros. Et, bien évidemment, comme tout propriétaire, l'État doit entretenir ce patrimoine, en vendre parfois une partie, ou au contraire acheter des immeubles, regrouper des activités ; bref, il doit mener une politique dynamique, inexistante jusqu'à présent.
Cette politique est fondée sur des indicateurs selon lesquels il faut environ douze mètres carrés par agent pour lui permettre de travailler correctement. Ces indicateurs sont d'ailleurs les mêmes que ceux utilisés dans le privé.
La modernisation des administrations conduit à mener une telle politique à la fois sur le plan local et sur le plan international. Depuis quatre ans, nous avons vendu 3 milliards d'euros d'actifs en termes de patrimoine immobilier.
Pour en venir à votre question sur le centre de Kléber (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), c'est simple : il s'agit du regroupement du ministère des affaires étrangères qui permet de passer de neuf sites à deux, et donc d'améliorer la gestion de l'État. Nous avons vendu pour 550 millions d'euros de bâtiments, dont celui de Kléber, et nous en avons acheté pour 325 millions d'euros. L'État a par conséquent réalisé une plus-value dans le cadre de cette opération. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Eh oui !
Les conditions d'achat du bâtiment sis rue de la Convention ont fait l'objet d'un audit qui n'a rien montré de particulier sinon le fait que cet immeuble n'a probablement pas été vendu assez cher à l'Imprimerie nationale. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Gérard Gaudron, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la secrétaire d'État chargée de la politique de la ville, vous avez présenté, le 21 octobre dernier, un bilan d'étape de l'ambitieux projet de la rénovation urbaine. Piloté par l'ANRU, ce dispositif, d'une ampleur sans équivalent depuis des décennies, concerne 400 chantiers pour une enveloppe de près de 40 milliards d'euros.
Hier, nous avons examiné les crédits de votre mission et j'ai eu l'occasion de saluer le défi que représente la rénovation urbaine qui doit changer durablement les conditions de vie des quartiers. Le plan de relance a d'ailleurs injecté 350 millions d'euros supplémentaires dans le système, permettant, de plus, de sauvegarder ou de créer 50 000 emplois, ce qui est essentiel à l'heure actuelle. Et si ces emplois bénéficient plus largement aux habitants des quartiers, c'est encore mieux !
Reste la question du financement par l'État – nerf de la guerre –, vous le savez bien, madame la secrétaire d'État, en particulier pour nos territoires d'Île-de-France et notamment en Seine-Saint-Denis. La question de l'utilisation du 1 % logement dans ces opérations demeure un sujet sensible dont il faut préciser les contours. Il convient de préciser également les autres sources prévues pour financer le dispositif.
Comme en 2011, la question du financement va inévitablement se poser ; aussi convient-il d'ores et déjà de pérenniser les modes de financement et de nous dire comment.
Ma question est donc simple. La rénovation urbaine est un enjeu national que nous avons relevé avec vous. Seulement, pour que les élus puissent continuer à jouer pleinement leur rôle, pouvez-vous nous confirmer qu'il y aura bien suite au programme en cours avec une seconde phase de rénovation urbaine pour parachever les travaux engagés et transformer définitivement nos quartiers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.
Monsieur le député Gaudron, depuis 2007, le chemin parcouru par l'ANRU est considérable : 3,2 millions d'habitants des quartiers populaires voient leurs conditions de vie considérablement transformées.
Ça n'a pas commencé en 2007 ! Vous n'étiez pas née, mais, savez-vous, il s'est passé des choses auparavant !
Nous avons procédé en deux ans à 200 000 réhabilitations, 70 000 constructions de logements sociaux, 140 000 projets de résidentialisation et 60 000 suppressions d'habitats dégradés, tout cela grâce à une meilleure fluidité des financements de l'ANRU, saluée d'ailleurs par l'ensemble des élus.
En effet, 12 milliards d'euros sont apportés par l'ANRU et, par un effet de levier auprès des partenaires, environ 42 milliards d'euros de travaux sont générés.
Depuis juin 2007, mes visites sur le terrain m'ont permis de constater l'avancement des programmes : vingt-six conventions arriveront à terme à la fin de l'année tandis que trente-six le seront au début de 2010.
Vous le savez, l'humain est au coeur de la rénovation urbaine, laquelle apporte une réponse concrète à la mixité sociale, à l'amélioration de l'habitat et au renforcement de la sécurité, au désenclavement des quartiers et à la promotion sociale. De plus, la rénovation urbaine soutient évidemment l'emploi dans les quartiers populaires. Les 350 millions d'euros du plan de relance ont permis la montée en puissance d'opérations qui ont généré 4,4 milliards d'euros de travaux et sauvegardé ou créé plus de 50 000 emplois.
Le PNRU est en pleine accélération et trouvera son apogée en 2012-2013. Il convient de poursuivre cet effort. C'est pourquoi des réflexions sont en cours…
…afin de préparer dans les meilleures conditions les futures politiques en faveur des quartiers populaires, en lien notamment avec le développement durable et avec l'aménagement du territoire.
Je reste à la disposition des élus pour les aider à constater sur place les besoins. Une telle mobilisation des moyens de l'État est sans précédent et permet de changer concrètement le quotidien de millions de nos concitoyens les plus modestes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
À quarante-cinq jours du sommet sur le climat de Copenhague, le nucléaire, alors qu'il ne participe pas au réchauffement climatique, fait l'actualité. Nous savons que si l'atome ne produit pas de CO2, il produit des déchets radioactifs ; mais depuis quelques semaines il produit aussi des incidents et des inquiétudes.
Incidents sur le site nucléaire de Cadarache, dont l'exploitant est AREVA, et où trente-neuf kilos de plutonium ont été découverts, au lieu des huit kilos estimés, dans un atelier en cours de démantèlement.
Même si l'Autorité de sûreté nucléaire, l'ASN, qui a déclenché l'alerte de niveau 2 sur l'échelle internationale de gravité des événements nucléaires, considère que ces faits n'ont eu aucune conséquence, elle fait remarquer avec beaucoup de pertinence que la sous-estimation de la quantité de plutonium avait conduit l'exploitant à réduire fortement les marges de sécurité destinées à éviter un accident de criticité dont les conséquences pour les travailleurs peuvent être importantes.
Inquiétudes également, à la suite de la déclaration commune des autorités de sûreté française, britannique et finlandaise au sujet de l'EPR, le réacteur de troisième génération actuellement en construction en France et en Finlande, menacé par un défaut de conception portant sur le système de sécurité utilisé pour piloter le réacteur en cas d'incident. Ce qui a conduit l'ASN, compte tenu de l'ampleur du problème, à demander à EDF de préparer un plan B dans le cas où ses recommandations ne pourraient pas être prises en compte.
À l'heure où l'accord de Kyoto, et demain, nous l'espérons, celui de Copenhague, exige la mobilisation d'énormes moyens financiers en faveur des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique, certains responsables politiques et associatifs n'ont pas manqué de réclamer un moratoire sur la construction des réacteurs EPR.
Pour ce qui concerne le groupe socialiste, c'est d'abord la création d'une commission d'enquête sur la transparence dans l'information relative à l'industrie et la sûreté nucléaire que nous réclamons. Y êtes-vous favorable, monsieur le ministre d'État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Monsieur le député, permettez-moi d'abord de saluer la modération de votre propos sur ce sujet sérieux.
Tout le monde souhaite que le système français soit transparent, indépendant et de libre parole. C'est la seule garantie de sérieux et de sécurité pour notre pays.
Je crois que nous pouvons tous être d'accord pour saluer l'indépendance, l'autorité, la compétence de l'Autorité de sûreté nucléaire et de notre système d'alerte, en permanence et en temps réel, portant sur toute difficulté, qu'elle soit d'exécution ou de conception.
En ce qui concerne l'EPR, puisque la représentation nationale souhaite légitimement être informée, permettez-moi de vous lire ce que dit l'ASN dans son communiqué :
Dans leurs examens respectifs, les autorités de sûreté britannique, française et finlandaise « ont soulevé des questions techniques concernant le système de contrôle commande de l'EPR, pour lesquelles les exploitants et le fabricant élaborent des éléments de réponse.
« Les questions techniques soulevées portent d'abord sur la garantie de l'adéquation des systèmes de sûreté et de leur indépendance vis-à-vis des systèmes de contrôle.
« L'indépendance de ces systèmes est importante. En conséquence, les Autorités de sûreté nucléaire ont demandé aux exploitants et au fabricant d'améliorer la conception initiale de l'EPR. Les exploitants ont convenu d'entreprendre des évolutions de cette conception, qui seront examinées par les Autorités de sûreté. »
L'ASN conclut : « C'est un bon exemple de démarche dans laquelle des Autorités de sûreté, indépendantes entre elles et coopérant étroitement, peuvent promouvoir une compréhension et une mise en oeuvre partagées des standards internationaux existants, l'harmonisation de standards réglementaires et la conception de réacteurs avec le plus haut niveau de sûreté. »
Voilà quel est l'état actuel de la situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Céleste Lett, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Tout un chacun reconnaît aujourd'hui les nombreux bénéfices attachés au passage à l'autonomie des universités françaises. Néanmoins, l'enthousiasme général est quelque peu tempéré par des inquiétudes persistantes relatives aux restructurations locales prévisibles, notamment pour les petits sites universitaires tels que les IUFM et les IUT de taille modeste. Je peux ainsi citer le cas de ma ville, Sarreguemines, où la communauté d'agglomération a énormément investi.
Dans le cas des IUFM, en particulier, certains redoutent que l'importance qu'il y a à stabiliser des viviers locaux d'enseignants sur toutes les zones géographiques ne soit pas perçue, entravant ainsi la construction de projets pédagogiques consistants dans les écoles primaires.
Ma première question, madame la ministre, est donc de savoir si la planification de l'avancement des restructurations locales aura à coeur de porter un regard attentif sur les exigences de terrain, de la nature de celle que je viens d'évoquer, par exemple.
Concernant maintenant la mastérisation de la formation des maîtres, il s'agit clairement d'une mesure pertinente qui, dans le cadre d'une harmonisation à l'échelle européenne, affirme à juste titre la reconnaissance à bac plus 5 d'une formation délivrée à bac plus 5.
Cependant, des voix s'élèvent, au sein de certains IUFM, pour dénoncer l'impossibilité qui leur est signifiée de faire habiliter des mastères pluridisciplinaires. Non seulement, les petits sites ne disposent pas de viviers d'étudiants susceptibles d'alimenter des mastères disciplinaires, mais, d'autre part, la polyvalence que l'on est en droit d'attendre d'un professeur des écoles ne saurait être garantie que par des formations pluridisciplinaires et professionnelles.
Ma seconde question, madame la ministre, est donc de savoir si l'impossibilité pour un IUFM de soumettre un mastère pluridisciplinaire et professionnel est irrévocable ou, au contraire, a une chance d'être reconsidérée eu égard aux enjeux multiples qui s'y rapportent.
Je vous remercie, madame la ministre, de rassurer les élus des villes moyennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le député, permettez-moi de rappeler que la réforme de la formation des enseignants du premier degré, des collèges et des lycées est une chance.
C'est une chance pour nos étudiants, parce qu'ils vont être formés en cinq ans, et non plus en trois ans. Ils auront donc davantage de connaissances, davantage de compétences, et des stages de pré-professionnalisation avant de passer le concours, ce qui n'était pas le cas auparavant.
Cette réforme est aussi une chance pour nos élèves, parce qu'ils auront des professeurs mieux formés, dont les carrières seront revalorisées et qui seront mieux rémunérés, donc plus épanouis.
Cela dit, vous m'interrogez sur la question du rôle des IUFM, et singulièrement de leurs antennes de proximité, tout particulièrement votre antenne bilingue de Sarreguemines. Comme j'ai rassuré tout à l'heure votre collègue Dolez, je tiens à vous rassurer, ainsi que l'ensemble de la représentation nationale : les pôles universitaires de proximité qui sont constitués aujourd'hui par les anciennes antennes des IUFM intégrées à l'université ont un bel avenir devant eux.
Et l'indépendance des universités ? C'est contradictoire avec ce que vous avez dit tout à l'heure !
Ils auront pour rôle d'assurer la formation continue des étudiants, au plus près des classes, et d'organiser la gestion de leurs stages.
J'ajoute que les mastères enseignement, pour les professeurs des écoles, devront être pluridisciplinaires et professionnalisants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Autonomie des universités
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Marc Laffineur.)
En application des articles LO 176-1 et LO 179 du code électoral, M. le président de l'Assemblée nationale a reçu une communication de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, en date du 4 novembre 2009, l'informant du remplacement de M. Jean-Paul Charié, député de la cinquième circonscription du Loiret, par Mme Marianne Dubois.
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à l'outre-mer.
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de l'outre-mer, mes chers collègues, nous venons d'entendre l'annonce de l'arrivée d'un nouveau parlementaire parmi nous.
Monsieur le président, la sécheresse des actes officiels ne vous a pas permis d'en indiquer la raison. Permettez-moi de vous transmettre une émotion que je crois partagée par tous, puisque cette arrivée est la conséquence de la disparition de l'un de nos collègues dont je ne partageais pas toutes les opinions mais que je respectais profondément.
Permettez-moi, au nom de tous mes collègues du groupe SRC, de vous dire notre profonde sympathie et notre véritable émotion à l'annonce de l'issue tragique de la maladie contre laquelle notre collègue Jean-Paul Charié s'est battu brièvement.
Madame la secrétaire d'État, avant d'en venir au budget pour 2010, je reviendrai sur l'année 2009. Celle-ci fut marquée par les événements qui ont secoué les départements d'outre-mer pendant l'hiver 2008-2009, et qui ont eu quatre conséquences.
La première conséquence a été la signature d'un protocole d'accord comportant de nombreuses perspectives et quelques engagements dont l'un mérite d'être souligné avec une certaine force : l'instauration du revenu supplémentaire temporaire d'activité, c'est-à-dire d'une prime pour les salariés du secteur privé de ces départements. Cette prime a été fixée à 100 euros partout, sauf en Guadeloupe où elle s'élève à 200 euros.
En dépit du titre choisi – RSTA –, cette mesure est bien une prime et non pas une incitation à la reprise d'activité pour certains de nos concitoyens qui jugeraient cette incitation nécessaire. En outre, dans tous les documents que j'ai pu consulter à propos de cette prime, rien n'indique qu'elle doive s'imputer sur la prime pour l'emploi à partir de l'année 2010.
Je voulais revenir sur ce point car je ne crois pas qu'il soit bon que l'État donne l'impression de reprendre d'une main une année ce qu'il a pu donner de l'autre l'année précédente. Comme beaucoup de collègues, je jugerais cette manière de faire déloyale. Elle compromettrait la qualité de la signature de l'État et la chose n'est pas admissible dans un pays comme le nôtre.
Peut-être nous fournira-t-on des documents prouvant que l'imputation était envisagée d'emblée ? À ce jour, je n'ai pas connaissance que de tels documents existent et à défaut de telles preuves, l'article 11 de la loi de finances – telle qu'adoptée lors d'un vote solennel par l'Assemblée nationale avant d'être transmise au Sénat – devra être revu.
Faute de cette révision, je crains que les populations ne perdent confiance dans la parole de l'État, et aussi que les troubles – dont personne ne souhaite la réédition – ne se reproduisent à plus ou moins brève échéance.
La deuxième conséquence des événements de l'hiver 2008-2009 fut l'examen de la LODEOM par le Parlement. Ce projet de loi avait été déposé au Sénat où il a séjourné – je ne vois pas d'autre terme – environ sept mois avant que l'urgence ne fût déclarée.
En raison des événements intervenus, le Parlement a modifié assez sensiblement ce texte, et notamment le régime d'exonération de cotisations sociales : les économies prévues par la loi de finances précédente ont été réduites de manière très sensible par l'adoption de la LODEOM. C'est le premier aspect de cette loi que je voulais souligner.
La LODEOM a aussi instauré un nouveau régime de zone franche d'activités, sur lequel tout le monde s'est manifestement accordé.
Enfin, elle a créé une prime de 1 500 euros au plus par an, non soumise à cotisations sociales, dont le coût reste inconnu. En effet, interrogés par mes soins, madame la secrétaire d'État, vos services n'ont pas encore été capables d'indiquer quel était le coût de cette disposition pour le budget de l'État. En revanche, ils ont su nous indiquer le coût du « reprofilage » des exonérations de cotisations sociales.
Troisième conséquence : les prix des carburants. Ceux-ci ont focalisé l'incompréhension ou la colère – voire souvent les deux – d'une grande partie de la population des départements d'outre-mer, pour une raison aisée à comprendre : les populations savaient que le prix du baril baissait sur le marché international, alors qu'elles voyaient le prix à la pompe continuer à monter.
En fait, le phénomène était inévitable. En effet, dès le début de 2007, les préfets avaient reçu des instructions très claires pour que les prix à la pompe ne suivent pas les cours du baril pour des raisons qui n'ont échappé à personne : le pouvoir de l'époque voulait que la hausse des prix du carburant ne se répercute qu'avec un effet retard. La conséquence était inéluctable : l'effet retard s'est aussi fait sentir à la baisse.
Après les troubles, les prix des carburants ont été gelés, ce qui a coûté 44 millions d'euros à l'État, si l'on en croit le décret d'avances qui fut soumis à la commission des finances. J'ignore où en sont les négociations entre les pouvoirs publics et les compagnies pétrolières.
D'un côté, il nous est dit que les compteurs continuent de tourner. De l'autre, il nous est affirmé que le Gouvernement s'efforce de limiter le plus possible la période d'indemnisation – la somme de 44 millions indiquée dans le décret d'avances serait alors un solde de tout compte. Au cours de ce débat, madame la secrétaire d'État, il faudra que vous nous indiquiez clairement ce qu'il en est.
Quatrième conséquence de ces événements : le projet des états généraux de l'outre-mer. Nous en connaissons le calendrier, mais ils ne sont pas encore conclus.
Pour ma part, je suis convaincu que l'une des conditions de leur succès est le maintien du RSTA, et réside dans le sentiment que l'État – en l'occurrence le Gouvernement – tient la parole donnée, respecte les engagements souscrits. Cela signifie que l'article 11 de la loi de finances – adopté par notre Assemblée en dépit des objurgations de certains collègues et de moi-même – soit assez radicalement revu pour ne pas dire supprimé.
Venons-en au budget pour 2010. Il ne connaît pas de franche modification de tendance ou de choix politiques par rapport aux budgets des années précédentes. On ne peut pas parler de véritable continuité ministérielle : madame, vous êtes le troisième ministre auquel je m'adresse en trois ans, en présentant le budget au nom de la commission des finances. En revanche, les politiques menées connaissent, elles, une certaine continuité. Là est probablement l'essentiel et le plus rassurant pour les populations concernées comme pour la représentation nationale.
Ce budget d'un peu plus de deux milliards d'euros en autorisations d'engagement et d'un peu moins de deux milliards d'euros en crédits de paiement ne représente que 11,7 % de l'effort total du pays en faveur des outre-mer.
Une part importante de ce budget est d'ailleurs consacrée à des mesures de défiscalisation, la dépense fiscale atteignant environ 3,6 milliards d'euros en 2010, soit une augmentation de 6,3 %. Celle-ci, je ne vous le cache pas, m'a un peu interpellé, tant elle apparaît anormalement élevée au regard des efforts affichés par le Gouvernement pour maîtriser la dépense fiscale ; mais il ressort de nos débats en commission des finances et des explications de notre collègue Gaël Yanno qu'elle tient davantage à des effets de périmètre qu'à des mesures nouvelles.
Même s'il ne représente qu'un peu moins de 12 % de l'effort global en faveur des outre-mer, ce budget concerne deux programmes majeurs : l'emploi d'une part, le logement et le cadre de vie de l'autre. Le premier se compose, pour l'essentiel, des exonérations de cotisations sociales. J'avais indiqué que les économies espérées dans le PLF pour 2009 seraient moindres suite à l'adoption de la LODEOM : c'est bien sûr la conséquence directe des événements qui ont eu lieu et des signaux que le pouvoir et le Parlement ont accepté d'envoyer aux salariés et aux départements d'outre-mer. Pour autant, ces exonérations emportent en principe une conséquence que dicte l'article 131, alinéa 7, du code de la sécurité sociale, lequel impose à l'État de compenser le manque à gagner pour les organismes de protection sociale ; or, à mon très vif regret, la dette de l'État à leur égard augmentera encore de 55 millions d'euros en 2010, atteignant ainsi quelque 670 millions. Cet ordre de grandeur, rapporté à la centaine de milliards de la dette du pays, est sans doute peu spectaculaire ; pour autant, les efforts de bonne gestion doivent être consentis par tous. Je me permets donc, au nom, je crois, de l'ensemble des membres de la commission des finances, d'exprimer mon regret pour cette nouvelle augmentation de la dette de l'État envers les organismes de protection sociale, et ce en dépit des obligations prévues par le code de la sécurité sociale. Les efforts à fournir à l'avenir n'en seront que plus importants, puisqu'il faudra bien apurer les comptes.
S'agissant de l'emploi, la vraie satisfaction vient du service militaire adapté. Cette politique est en effet un succès, que je salue chaque année depuis mon premier rapport avec sincérité et conviction. Le Président de la République a d'ailleurs lui-même fait part de son intention de doubler le nombre de nos concitoyens visés par ce dispositif en le portant à 6 000, contre 3 000 actuellement ; mais ce doublement, qui devait s'étaler sur trois ans entre 2010 et 2012, n'interviendra qu'à partir de 2011, de sorte qu'il s'effectuerait en deux ans seulement. Nous nous féliciterions tous que cet engagement présidentiel soit tenu, mais vous me permettrez, madame la secrétaire d'État, d'exprimer des doutes très sérieux à cet égard, dès lors que l'objectif n'aurait pas été atteint en trois ans, malgré l'augmentation des crédits de 113 à 144 millions d'euros.
Les exonérations de cotisations sociales et le service militaire adapté sont deux politiques qui, d'une certaine façon, se complètent. Si j'ai exprimé mon regret que l'État ne respecte pas ses obligations légales, attendons quelque temps encore pour vérifier l'efficacité des exonérations et de la création de nouvelles zones franches d'activité.
Le second programme que vous avez à gérer, madame la secrétaire d'État, intéresse le logement et le cadre de vie. S'agissant du logement, le présent budget propose un changement majeur, puisque la défiscalisation prévue serait désormais réservée au seul logement social. Je me félicite de cette évolution, que j'avais préconisée dans mes précédents rapports ; cependant je ne puis y souscrire sans réserves, pour une raison que nos collègues comprendront aisément lorsque je leur aurai décrit le système envisagé. Celui-ci, calqué sur la défiscalisation de l'investissement industriel et inscrit à l'article 199 undecies C du code général des impôts, prévoit que les contribuables concernés pourront constituer une société dont le but sera précisément de construire du logement social, ladite société pouvant déduire à concurrence de 50 % la totalité des investissements consentis à cette fin. L'avantage fiscal ainsi obtenu se répartirait ensuite, à due proportion, entre les différents contribuables ayant constitué la société, 65 % de cet avantage devant être rétrocédés sous forme de loyers bonifiés aux organismes de logements sociaux pendant cinq ans, au terme desquels ces organismes deviendraient propriétaires des logements, sachant qu'ils pourraient les louer aux ayants droit dès la première année.
La description de ce système, que je n'ai pas voulu rendre plus complexe qu'il n'est, me fait douter fortement de son efficacité, même si l'on a prévu de lui affecter 110 millions d'euros. L'an prochain, madame la secrétaire d'État, je vous interrogerai avec intérêt sur les dépenses qui lui auront réellement été consacrées ; vous m'accorderez toutefois qu'il n'est pas le plus simple qui se puisse imaginer.
Deuxième remarque : la dette de l'État à l'égard des organismes de logements sociaux ne se résorbe pas, puisqu'elle atteindra 17 millions d'euros en 2010. Interrogés par mes soins, vos services m'ont répondu que la trésorerie de ces organismes pouvait supporter une telle dette ; j'en ai conclu que l'on avait décidé, de façon consciente et délibérée, de la leur faire supporter. La réponse a le mérite de la franchise ; mais je dois vous rappeler que la vocation première de cette trésorerie n'est pas d'assumer les dettes de l'État.
Troisième remarque au sujet du logement…
… la création d'un groupement d'intérêt public destiné à faciliter la cession des titres de propriété, afin de mettre un peu d'ordre dans les cadastres, bref, de faciliter l'acquisition de foncier.
Puisque le temps qui m'est imparti est écoulé, je souhaite vous indiquer pour conclure, madame la secrétaire d'État, qu'il reste un sujet totalement mystérieux pour la représentation nationale : la DGDE, la dotation globale de développement économique, en faveur de la Polynésie. Je ne conteste pas la légitimité des 150 millions d'euros versés par l'État, mais ni la représentation nationale ni les services de l'État ne sont en mesure de vérifier l'emploi de cette somme importante, dont on peut craindre que, comme dans le passé, elle ne soit utilisée à d'autres fins que l'intérêt public. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Alfred Almont, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, avant toute chose je veux, à mon tour, exprimer mon émotion face au décès de notre collègue Jean-Paul Charié, avec lequel nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à avoir entretenu des relations très étroites de travail et d'amitié. Je veux assurer toute sa famille de mes sentiments très attristés.
La commission des affaires économiques m'a confié le soin de rapporter son avis sur le projet de budget affecté à l'outre-mer pour 2010. Comme vient de l'indiquer mon talentueux collègue Jérôme Cahuzac, nous sommes invités à nous prononcer sur les crédits de la mission « Outre-mer », laquelle se décline en deux programmes certes de grande importance pour nos régions, notamment dans ce contexte de crise, mais qui ne représentent que 12 % environ de l'effort financier de l'État envers les outre-mer. Cette situation, évidemment, conduit les députés ultramarins à se faire d'autant plus entendre, aujourd'hui, sur d'autres missions qui intéressent leurs territoires.
L'expérience de ces dernières années a conduit la commission à conclure, madame la secrétaire d'État, que le présent budget, dans ses deux programmes – « Emploi outre-mer » et « Conditions de vie outre-mer » – prenait malgré tout en compte nos demandes récurrentes. Il est en progression pour la troisième année consécutive, ce qui montre que le Gouvernement considère l'outre-mer comme une priorité, en dépit du contexte de rigueur budgétaire. Néanmoins, des attentes restent à satisfaire.
Nous n'avons d'ailleurs pas à constater cette année, comme cela fut malheureusement le cas l'an dernier, l'inscription dans le budget général d'articles de nature à réduire la portée de dispositifs que la loi prévoit pour le développement économique et social de nos régions éloignées. Il faut s'en féliciter, car les handicaps auxquels sont confrontés nos territoires sont structurels, autrement dit invariables ; ils justifient donc indiscutablement, au nom de cette cohésion dont l'Union européenne a fait son objectif majeur, l'intervention à un niveau constant du budget national, afin de permettre à nos territoires d'assurer au mieux leur croissance et d'accéder à ce modèle économique et de société auquel ils aspirent plus que jamais, comme les événements du début de l'année 2009 l'ont amplement montré.
Oui, madame la secrétaire d'État, au début de cette année, l'outre-mer a poussé un cri d'alarme devant une accumulation de difficultés économiques et sociales qui ont fait monter très haut le niveau de l'angoisse des populations. À la crise économique générale venaient en effet s'ajouter les faiblesses propres à l'outre-mer : un chômage très élevé, des prix trop hauts, la faiblesse des bas salaires, des marchés trop étroits et une formation professionnelle encore insuffisante.
Certes, le Gouvernement a, dans l'urgence, mis en oeuvre les premières mesures nécessaires. Une partie significative des crédits de la relance a été dirigée vers l'outre-mer, notamment pour la mise en place du RSTA, le revenu supplémentaire temporaire d'activité. Les zones franches d'activité et la réforme de la défiscalisation, inscrites dans la récente LODEOM, semblent pouvoir devenir de vrais leviers de croissance. Les états généraux de l'outre mer, sérieusement organisés, sont quant à eux appelés à déboucher sur des mesures de fond, inscrites dans la durée dans des conditions auxquelles nous serons très attentifs.
Mais venons-en à la mission « Outre-mer » proprement dite. Les crédits qui lui sont affectés en 2010 s'appliquent à répondre à un double défi, à commencer par la mise en oeuvre sans délai la nouvelle loi d'orientation pour le développement économique, dont nous attendons tous qu'elle devienne très rapidement opérationnelle. Il s'agit en effet de renforcer la compétitivité de nos entreprises, laquelle demeure encore faible, pour assurer ainsi l'activité et procurer l'emploi. En second lieu, les crédits prévus s'appliquent à tirer les conséquences de la crise du début de l'année ; à cet égard, je note que le projet annuel de performances intègre bien une partie de l'effort supplémentaire consenti pour sortir de la crise, avec une augmentation de 4,4 % des autorisations d'engagements et de 3,1 % des crédits de paiement.
Rappelons que le budget de la mission s'insère heureusement dans une construction triennale – de 2009 à 2011 –, qui dresse une perspective enfin compatible avec les exigences de vision à moyen terme indispensables sur bien des points au développement de nos régions : je pense par exemple au logement social et à la réhabilitation de l'habitat ancien. En outre, la stabilité du périmètre du ministère est une bonne chose car elle permet – ce qui n'était pas le cas précédemment – de comparer plus facilement deux exercices budgétaires.
Sur le fond, le budget global de l'outre-mer est donc encore en progression, puisque les crédits qui lui sont affectés augmentent, à périmètre constant, de 6,3 %. Ce budget atteint ainsi 17,2 milliards d'euros, dont 13,4 milliards d'efforts financiers et 3,6 milliards de dépenses fiscales, celles-ci étant elles-mêmes en augmentation : voilà qui rassurera ceux qui avait pu craindre que la récente LODEOM ne se traduise par un recul financier de l'État.
Il ressort par ailleurs du large débat de notre commission que les objectifs de la mission sont, cette année, mieux marqués encore que par le passé. Trois priorités sont clairement mises en avant : le soutien aux entreprises, essentiellement via des exonérations de charges sociales destinées à diminuer le coût du travail ; l'aide à l'insertion et à la qualification professionnelle, afin d'augmenter le volume de l'emploi qualifié, cette aide se traduisant notamment par la réforme du service militaire adapté, dont les effectifs seront doublés et les formations densifiées et mieux articulées avec celles, complémentaires, dispensées par les entreprises ; enfin, l'amélioration de l'accès au logement, domaine qui, nous le savons, accuse un grave déficit.
C'est pourquoi nous attendons que, sur ce point particulier, l'articulation entre la défiscalisation, outil désormais majeur du soutien au logement social, et la ligne budgétaire unique – la LBU –, s'opère sans ambiguïté ni tentative de transfert : la LBU doit, à notre sens, rester le socle de l'aide publique au financement du logement social et intervenir en amont de la défiscalisation. Vous savez, madame la secrétaire d'État, que nous y sommes très attachés, car rien ne serait pire, pour la crédibilité des pouvoirs publics en général et pour l'assurance de leur détermination pour l'outre-mer, que de prêter le flanc à une quelconque suspicion.
Cette question est d'ailleurs de portée similaire à celle que soulève, dans le cadre du soutien aux entreprises, l'impact de la prime pour l'emploi sur le RSTA et la non-application du RSA, jugée plus juste sur le plan social. Sur ce point, vous nous avez rassurés en commission des affaires économiques par la promesse d'une évaluation réaliste au cours du premier semestre de l'année 2010 et d'une mise au point en conséquence.
J'entends maintenant mettre l'accent sur d'autres directions où l'intervention de notre budget suscite des attentes. À cet égard, les différentes missions parlementaires – ou confiées à des parlementaires – qui ont été réalisées ces derniers temps sont de nature à consolider le travail entrepris sur ces questions. Je tiens à cette occasion à saluer la qualité des travaux effectués par le président Ollier, par Jérôme Cahuzac, Jacques Le Guen, Jean-Yves Le Déaut, René-Paul Victoria et Serge Letchimy, dont les analyses et les propositions pourraient utilement être prises en compte par le Gouvernement. Ce ne fut pas toujours le cas dans le passé.
Trois questions nous paraissent devoir retenir l'attention. S'agissant tout d'abord des carburants, vous avez engagé, madame la secrétaire d'État, une réforme du mode de fixation de leur prix, à travers la mise en place d'une structure appelée à assurer la transparence. Vous travaillez à un redéploiement de l'opérateur pétrolier. Je crois que vous allez dans le bon sens, nous nous félicitons d'avoir pu vous y aider en amont et sommes dans l'attente des décisions annoncées.
Pour ce qui est, ensuite, du chlordécone, le Gouvernement a également réagi de façon appropriée. Toutefois, deux doutes subsistent. D'une part, si, j'en conviens, le plan d'action est par nature interministériel, ne devrait-il pas être piloté directement par le ministère chargé de l'outre-mer qui a, par nature, une vocation transversale ? D'autre part, les mesures prises au titre de la précaution s'imposent évidemment dans l'intérêt de la santé publique, mais elles ne doivent pas cacher un problème économique majeur : les agriculteurs et les pêcheurs ultramarins ont, comme tous les professionnels, besoin de visibilité. En d'autres termes, au-delà des questions de santé publique, le plan chlordécone prend-il suffisamment en compte le souci du développement économique, qui nous paraît tout aussi déterminant ?
Enfin, en ce qui concerne la mission sur le logement insalubre et indigne, notre collègue Serge Letchimy a remarquablement analysé la situation et judicieusement fait observer qu'il s'agissait moins d'un problème de financement que d'une question de gouvernance. Ses propositions me paraissent à la fois sages, concrètes et largement consensuelles. Nous comptons sur vous, madame le secrétaire d'État, pour poursuivre dans cette voie, en collaboration avec la représentation nationale, afin d'apporter aux problèmes posés les solutions appropriées.
Mais, comme toujours, les questions techniques et financières que nous évoquons ici ne représentent qu'une partie de la problématique générale de l'outre-mer. Celle-ci fut longtemps soumise à la toise de l'examen rituel et annuel du projet de loi de finances avec, le plus souvent, un manque de vue à long terme. Je me demande d'ailleurs, devant les présidents de commission et les collègues ici présents, si nos rapports pour avis ne devraient pas être confortés, au nom de l'efficacité, par des rapports plus spécialisés, présentés par exemple tous les trois ans, et dressant l'état complet de questions particulières, déterminantes pour l'outre-mer, comme le logement social, l'aide à l'insertion et à la formation professionnelle, la continuité territoriale, la coopération régionale, notamment les relations commerciales avec les pays ACP, la défiscalisation des investissements. Trop souvent, nous autres, parlementaires, nous avons ressenti avec nos populations l'étonnement d'être confrontés à des tâtonnements, à des dérogations ou à des initiatives à caractère exceptionnel, à une perpétuelle recherche de dispositifs législatifs possibles et réalistes. On ne saurait pour autant ignorer ce principe fort : une discrimination consiste à traiter de manière uniforme des situations différentes.
Vous le savez, notre commission s'est prononcée en faveur de la reconnaissance d'une politique de cohésion territoriale prenant en compte la diversité des territoires, et appelle la mise en oeuvre de dispositifs appropriés. C'est pourquoi, madame le secrétaire d'État, au-delà de l'exercice, un peu formel, qui consiste à décortiquer un budget, j'appelle de mes voeux, conformes d'ailleurs à l'esprit de la LOLF, un autre exercice qui nous ferait encore progresser pour atteindre enfin un modèle de croissance véritablement endogène. J'en choisirai deux illustrations, qui nous paraissent fondamentales pour l'avenir de l'outre-mer.
La première concerne le champ et la mesure de la défiscalisation, qui, depuis la loi Pons de 1986, s'est révélée un outil privilégié du soutien aux économies ultramarines, et dont la dernière pierre est la création des zones franches d'activité. Toutefois, devons-nous considérer le nouveau tableau fiscal comme un aboutissement ? Avons-nous su tirer toutes les conséquences de la spécificité de nos régions sur ce point particulier ? Nous nous félicitons naturellement du report à 2013 de l'application en outre-mer de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP. Mais ne faudrait-il pas mener une réflexion plus globale sur l'adaptation de notre fiscalité, en nous appuyant tout naturellement sur l'article 299-2 du traité de l'Union Européenne qui incite à ces adaptations ? L'un des points d'application possible en serait, par exemple, la nouvelle taxe carbone, pour la mise en oeuvre de laquelle nous approuvons bien sûr qu'ait été prévu un décalage. Ne devrions-nous pas saisir l'occasion pour entamer une réflexion plus globale sur l'énergie outre-mer, intégrant, certes, prix des carburants, fiscalité et conditions de la concurrence, mais aussi développement des énergies alternatives, qui, pour l'outre-mer, constituent des atouts concurrentiels ?
Mon deuxième exemple a trait à la compréhension des crédits de l'outre-mer dans leur pleine acception. Malgré la qualité des documents produits, elle ne peut plus se satisfaire des seuls chiffres du projet annuel de performances et du document dit de politique transversale. Celui-ci a beau être éclairant et, pour la première fois, cette année, communiqué à l'Assemblée dans des délais raisonnables, il ne permet toujours pas de disposer d'informations simples et de nature à lever toute ambiguïté sur ce qu'on appelle, bien souvent à tort, « le coût de l'outre-mer ».
Il faut donc en sortir et mettre cartes sur table, car, selon nos propres calculs, le niveau de la dépense publique par habitant n'est pas supérieur outre-mer à ce qu'il est dans l'hexagone. Il faut bien sûr en apporter la démonstration, car ce qu'il convient d'admettre de manière définitive est que l'outre-mer est habité d'irréductibles particularités que le budget de l'État doit prendre en considération, toutes proportions gardées, au nom des droits fondamentaux qui lui reviennent.
Cela étant, au vu du caractère déterminé et adapté du projet de budget de l'outre-mer pour 2010 et à la faveur des précisions qui lui ont été transmises par Mme la secrétaire d'État, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable aux crédits qui ont été soumis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Didier Quentin, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l'ont fait Jérôme Cahuzac et Alfred Almont, je tiens, en mon nom personnel et au nom de mon groupe, à saluer la mémoire de notre collègue Jean-Paul Charié, dont je me souviens que, maintes fois, il avait assisté aux débats sur le budget de l'outre-mer.
Avant d'en venir au projet de budget proprement dit, vous me permettez, madame la secrétaire d'État, quelques réflexions générales. La France d'outre-mer offre à notre pays et à l'Union européenne une ouverture incomparable sur le monde, une richesse humaine et écologique, un potentiel économique et touristique remarquables. Pourtant, elle reste encore, d'une manière générale, mal connue des médias métropolitains qui ne s'y intéressent trop souvent qu'en cas de catastrophe naturelle ou de crise. Ainsi en a-t-il été des mouvements sociaux qui ont secoué les Antilles et la Réunion à la fin de l'année 2008 et au début de 2009, et qui ont placé l'actualité ultramarine sur le devant de la scène.
Ces mouvements nous ont rappelé que le principal défi que doit aujourd'hui relever l'outre-mer – ou les outre-mer – français est de nature économique et sociale. Le développement y reste en effet fragile, le niveau de vie globalement inférieur à celui de la métropole et, malgré une amélioration de la situation depuis plusieurs années, le niveau du chômage est, dans les DOM, près de trois fois plus élevé que la moyenne nationale.
Au-delà des enjeux économiques, les événements récents ont aussi mis en lumière des problèmes plus profonds, de nature socioculturelle et identitaire, à un moment où l'on parle beaucoup d'identité nationale. La complexité des enjeux auxquels est confronté l'outre-mer se mesure d'ailleurs à la richesse des conclusions auxquelles ont abouti les états généraux qui se sont tenus d'avril à septembre derniers. Ils se sont emparés aussi bien des sujets économiques et sociaux que des sujets institutionnels, sociopolitiques et culturels.
Le premier conseil interministériel de l'outre-mer, qui sera réuni dans deux jours, le 6 novembre, sous la présidence de M. le Président de la République, examinera la synthèse de ces travaux, dans le dessein d'élaborer un plan de modernisation de l'outre-mer que nous attendons tous avec intérêt.
J'en viens maintenant au présent projet de loi de finances pour 2010. Ce budget est bon, madame la secrétaire d'État. S'agissant des crédits qui relèvent plus spécialement de la compétence de notre commission des lois, je tiens tout d'abord à souligner trois points de satisfaction. En premier lieu, l'année 2008 est marquée par une baisse de la délinquance outre-mer : on a ainsi constaté 2 % d'infractions en moins par rapport à 2007.
Le très bon bilan des groupements d'intervention régionaux – les GIR –, qui regroupent policiers, gendarmes, douaniers et agents des services fiscaux et des fraudes, est un deuxième sujet de satisfaction. Ce sont désormais cinq GIR qui sont opérationnels en Guyane, en Guadeloupe, à la Réunion, à Mayotte et en Martinique, et il est envisagé d'en créer prochainement deux autres, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Leur bilan est très satisfaisant en matière de lutte contre l'économie souterraine : au 30 juin 2009, les cinq GIR en fonction ont saisi près de 3 millions d'avoirs criminels sur les 22 millions saisis par l'ensemble des GIR au plan national.
Je salue enfin le fait que la récente livraison du nouveau centre de détention de Domenjod à Saint-Denis-de-la-Réunion et l'extension des capacités opérationnelles d'autres établissements pénitentiaires ont permis une réduction du taux d'occupation moyen des établissements pénitentiaires outre-mer. Celui-ci est passé de près de 150 % l'an dernier à 126 % cette année, même si Majicavo à Mayotte dépasse les 250 %. Ces chiffres restent certes bien trop élevés, mais l'inversion de la tendance est néanmoins la bienvenue et doit être saluée dans cet hémicycle où a récemment été adoptée la tant attendue loi pénitentiaire.
En second lieu, l'examen du budget de la mission « Outre-mer » fournit également à la commission des lois l'occasion d'étudier les perspectives d'évolution institutionnelle à moyen terme. Ces perspectives sont doubles, et potentiellement divergentes : d'un côté, il s'agit de la prochaine transformation de Mayotte en département d'outre-mer, après le résultat sans appel du référendum organisé sur l'archipel en mars dernier – je rappelle qu'il a donné lieu à un vote positif de 95,2 % – et, de l'autre côté, des perspectives d'évolution institutionnelle de certains départements d'outre-mer, après les souhaits exprimés lors des états généraux.
En ce qui concerne Mayotte, une collectivité unique sera instituée en 2011. La collectivité perdra les compétences spécifiques dont elle dispose, notamment en matière fiscale. En retour, elle exercera, moyennant compensation financière, l'ensemble des compétences dévolues aux départements et aux régions. Le principe d'identité législative régira le droit applicable, y compris pour les matières qui en étaient auparavant exclues, à savoir les impôts, droits et taxes, les finances communales, la propriété immobilière, l'urbanisme et la construction, la protection et l'action sociales, le droit du travail et l'entrée et le séjour des étrangers. Toutefois, l'harmonisation du droit dans ces matières sera, en vertu du pacte pour la départementalisation de Mayotte, progressive, particulièrement pour l'urbanisme, la fiscalité et la protection sociale. Dans ce dernier domaine, l'alignement sur le régime métropolitain pourrait s'échelonner sur quinze à vingt-cinq ans.
S'agissant de la lutte contre l'immigration illégale, le passage à l'article 73 ne fera pas obstacle au maintien de règles de droit spécifiques, adaptées aux contraintes de la collectivité pour ce qui concerne le séjour des étrangers et les conditions de leur éloignement.
Des efforts importants doivent encore cependant être menés sur la voie de la pleine transformation de Mayotte en département d'outre-mer.
En 2006 déjà, la mission d'information de la commission des lois sur la situation de l'immigration à Mayotte, qui était présidée par notre collègue René Dosière et dont j'étais le rapporteur, avait souligné les difficultés qui restaient à surmonter. Je salue au passage notre collègue Lagarde, qui faisait aussi partie de cette mission.
La départementalisation de Mayotte suppose que des efforts accrus soient réalisés afin, en premier lieu, d'établir un état civil fiable.
C'est la question désormais lancinante de la Commission de révision de l'état civil, la CREC, dont les capacités semblent trop limitées au regard de l'ampleur de la tâche qui lui reste à accomplir d'ici avril 2011, échéance qui n'est pas si éloignée.
S'agissant des perspectives d'évolution des DOM, je rappelle que le Président de la République a annoncé, conformément aux attentes exprimées par les populations antillaise et guyanaise lors des états généraux de l'outre-mer et aux souhaits des élus locaux, la tenue d'un référendum en Martinique et en Guyane le 17 janvier prochain. Il s'agira, pour les électeurs des deux départements, d'approuver ou de rejeter le passage au régime prévu à l'article 74 de la Constitution, dont relèvent les collectivités d'outre-mer. Si une majorité d'électeurs le rejette, Martiniquais et Guyanais seront appelés à se prononcer de nouveau par référendum, le 24 janvier prochain, cette fois sur le passage à une collectivité unique regroupant les compétences de leurs actuels conseils généraux et régionaux.
Je rappelle que les élus de la Guadeloupe avaient, pour leur part, opté pour une phase de concertation préalable de 18 mois au cours de laquelle aucune consultation ne pourrait intervenir.
Ainsi, mes chers collègues, au nom de la commission des lois, je vous invite, au vu de ce budget qui, je le répète, madame la secrétaire d'État, est un bon budget, à adopter les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2010.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux faire part, à mon tour, de mon émotion et de celle des membres du groupe Nouveau Centre, après avoir appris, à l'ouverture de la séance, la disparition de notre collègue Jean-Paul Charié. Nous adressons toutes nos condoléances à sa famille.
Nous voici réunis pour l'examen des crédits de la mission « Outre-mer » qui nous offre, chaque année, l'occasion de nous pencher sur l'effort budgétaire consenti par l'État en faveur de nos départements et collectivités d'outre-mer, et, plus largement, de nos concitoyens ultramarins eux-mêmes. Trop souvent, ces débats se cristallisent de manière quasi-exclusive sur les seuls handicaps entravant le développement de ces territoires et, par là même, l'amélioration des conditions de vie de nos concitoyens d'outre-mer. On stigmatise ainsi l'importance du chômage, en oubliant qu'il résulte aussi d'une vitalité démographique qui constitue, bien au contraire, une chance pour un pays vieillissant comme le nôtre ; on pointe du doigt de prétendus cadeaux faits aux entreprises, en perdant de vue le dynamisme dont elles font preuve, compte tenu tant de l'étroitesse de leur marché intérieur que de leur proximité immédiate avec des producteurs disposant, pour leur part, d'une main-d'oeuvre au coût bien plus faible.
En ce qui me concerne, je souhaiterais que ce débat soit l'occasion, madame la secrétaire d'État, de rappeler ici la chance que constituent les départements et collectivités d'outre-mer pour notre pays, par la richesse de leur patrimoine naturel et culturel et par le haut potentiel de certaines filières d'activités. Pour le groupe Nouveau Centre, ces territoires sont autant de fenêtres sur le monde, dont il nous appartient de faire des vitrines de nos savoir-faire et de véritables têtes de pont commerciales.
Pour autant, notre débat intervient également au terme d'une année toute particulière, et ce à plus d'un titre. Ainsi, sur le plan institutionnel et même si des difficultés surviendront, comme notre collègue Didier Quentin vient de le rappeler, avec l'accession tant attendue – du moins par nous, parlementaires du groupe Nouveau Centre – de la collectivité de Mayotte au statut de département d'outre-mer, mais aussi avec la consolidation du statut dérogatoire de la Nouvelle-Calédonie, chaque collectivité suit sa propre route au sein de la République, et ce conformément aux choix exprimés par nos concitoyens. Les états généraux de l'outre-mer ayant, dans certains départements, été l'occasion de reposer la question statutaire, de nouvelles consultations se tiendront en 2010 ; les questions institutionnelles conserveront ainsi une grande actualité dans l'année qui s'ouvre.
Au-delà de celles-ci, l'année qui s'achève a surtout été marquée par les mouvements sociaux de très grande ampleur qu'ont connu, l'hiver dernier, la Guadeloupe et la Martinique, puis la Réunion, et qui avaient déjà largement rebattu les cartes du débat qui nous occupait, voici à présent quelques mois, sur la loi de développement économique des outre-mer, dont ce budget porte la marque.
À l'heure où la situation de nos finances publiques continue d'être des plus difficiles, c'est à sa pleine mesure qu'il nous faut apprécier la très nette hausse des crédits affectés à cette mission, de l'ordre de 6 % par rapport à la loi de finances pour 2009, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement. Au nom des députés du Nouveau Centre, je tiens à saluer, dans cette hausse, la marque d'un engagement renouvelé de l'État aux côtés de nos concitoyens ultramarins. En effet, l'existence de ces départements et collectivités, leur appartenance à la République n'ont de sens véritable, mes chers collègues, que si les notions de solidarité nationale et de continuité territoriale y prennent toute leur force, notamment au travers du budget de la nation.
La crise de cet hiver a mis en lumière le caractère extrêmement dégradé du pouvoir d'achat de nos concitoyens d'outre-mer. Ceux-ci perçoivent, en effet, des salaires en moyenne plus faibles que dans l'hexagone, et ce alors que le prix de certains biens ou de certaines denrées de première nécessité – je pense par exemple, en premier lieu, aux carburants – y sont plus élevés que sur le reste du territoire national. L'examen de la LODEOM a été l'occasion de prendre de premières mesures en faveur du pouvoir d'achat, avec, notamment, la possibilité de réglementer certains prix, mais il a également permis d'opérer un retournement attendu dans la logique qui sous-tendait, jusqu'alors, l'intervention de l'État en direction de l'outre-mer. Dorénavant, les aides de l'État ne sont plus exclusivement pensées comme le moyen de compenser les handicaps d'un territoire, elles sont également, et principalement, pensées comme des soutiens d'une dynamique de développement endogène.
Cela dit, madame la secrétaire d'État, je souhaite exprimer deux regrets sur ce point. Tout d'abord, la réorientation de la défiscalisation ainsi opérée demeure réservée aux plus riches de nos concitoyens, alors même que, depuis des années, j'ai essayé de promouvoir dans cet hémicycle, auprès de vos prédécesseurs, l'idée que des fonds communs de placement ouverts à tous nos concitoyens, notamment aux ultramarins résidant en métropole qui souhaiteraient contribuer au développement de leurs territoires, permettraient des opérations de défiscalisation plus modestes, plus acceptables et également plus viables, puisqu'elles financeraient de petits projets, des PME outre-mer qui en ont bien besoin, et ne profiteraient pas uniquement à des investissements parfois discutables. Ensuite, je crois que l'amélioration du pouvoir d'achat outre-mer doit aussi passer, madame la secrétaire d'État, par une lutte bien plus déterminée de l'État contre les monopoles, omniprésents outre-mer, qui contrôlent les circuits financiers et les circuits logistiques, notamment maritimes, ainsi que les circuits commerciaux. Ces monopoles contribuent, en effet, au renchérissement du coût de la vie. Ce n'est qu'en vous y attaquant que vous permettrez que la concurrence soit effective outre-mer. Je sais bien que les situations sont acquises de longue date et qu'il s'agit là de s'attaquer à des intérêts importants, mais je crois cela nécessaire.
Dans le prolongement de ce renversement de politique en faveur d'un développement endogène, les crédits du programme « Emploi outre-mer » connaissent une forte hausse. J'ignore d'ailleurs si les crédits d'autres programmes de l'État connaissent une telle augmentation, de l'ordre de 10 %, dont nous ne pouvons que nous réjouir. M. Cahuzac reconnaissait d'ailleurs, très honnêtement, que la lutte pour l'emploi commençait à connaître un certain nombre de succès outre-mer. Certes, le taux de chômage y est plus élevé qu'ailleurs en France, mais sa réduction a également été plus forte qu'en métropole.
Si les taux de chômage sont supérieurs, outre-mer, à la moyenne nationale, soulignons aussi la jeunesse de la population qui en est victime. Mis bout à bout, ces éléments rendent la question de l'emploi des jeunes et de leur insertion effective et pérenne sur le marché du travail structurellement centrale pour le développement des outre-mer.
C'est pourquoi je tiens notamment à saluer l'initiative prise par le Président de la République afin d'accroître les capacités de formation du service militaire adapté, le SMA ; elle aussi trouve une première traduction dans ce budget. Depuis cinquante ans, le SMA a fait ses preuves. Je voudrais ici rassurer M. Cahuzac : connaissant bien le ministre de la défense Hervé Morin, je sais qu'il est totalement impliqué, en coordination avec Mme la secrétaire d'État, pour que cet engagement soit tenu.
Je tiens également à me réjouir de l'effort consenti par l'État afin d'encourager à la formation en mobilité des jeunes ultramarins, à travers la mise en place du « passeport mobilité-études » et de son équivalent pour la formation professionnelle. Il faudrait d'ailleurs, madame la secrétaire d'État, pour reprendre un message que je fais régulièrement passer, favoriser l'accueil de ces jeunes dans les communes de métropole. Nous pourrions le faire, pour peu qu'une volonté de mobiliser les municipalités qui s'y intéressent se fasse jour.
Cependant, il importe, plus largement, au-delà de la formation, de faciliter l'accès effectif au marché du travail. Si le Gouvernement s'est engagé dans une politique visant à alléger le coût du travail pour les entrepreneurs, il faudra que les zones franches et les exonérations fiscales aient un réel impact sur la création d'emplois, qu'elles ne soient pas un simple dispositif de plus. Les députés centristes de toutes les commissions se montreront vigilants sur ce point.
Je voudrais enfin évoquer, au sein du programme « Conditions de vie outre-mer », les crédits affectés à l'action « Continuité territoriale », pour souligner, là aussi, l'effort consenti par le Gouvernement puisqu'ils augmentent de plus de 3 %, même si cet effort est plus modeste.
La notion de continuité territoriale est essentielle, mes chers collègues, pour nos compatriotes établis outre-mer mais aussi, je veux le dire, pour tous ceux qui, originaires de ces départements ou de ces collectivités, vivent dans l'hexagone et sont souvent les grands oubliés de la politique de l'outre-mer. Eux aussi ont droit à une vie familiale normale, qu'il s'agisse de se déplacer, de téléphoner ou simplement d'envoyer du courrier. Alors que l'équité de traitement avec nos concitoyens corses est encore loin d'être acquise – c'est un euphémisme –, il importe que les dispositifs couverts par cette action soient mobilisés de la manière la plus efficace possible, mais aussi beaucoup plus largement ouverts à nos concitoyens originaires d'outre-mer et vivant en métropole. Je souhaite d'ailleurs, madame la secrétaire d'État, que vous souteniez avec vigueur les efforts entrepris par votre prédécesseur et par le délégué interministériel, M. Patrice Karam, notamment pour favoriser la baisse du prix des billets d'avion et des communications téléphoniques et internet.
Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le budget que nous examinons aujourd'hui porte la marque d'un effort accru en faveur de l'outre-mer. Pour notre part, nous souhaitons, à la lumière de la crise que nous avons connue l'hiver dernier, que cette ambition dépasse le stade des simples discours. C'est aux crédits consommés, notamment en matière de logement social, que nous en jugerons, et nous vous prions de bien vouloir nous tenir au courant de la consommation des crédits au cours de l'année 2010. Nous nous réjouissons pour l'heure que la défiscalisation profite intégralement au logement social, alors que de nombreuses opérations de défiscalisation profitent jusqu'à présent à du logement qui n'a rien de social. Le système n'est pas simple ; nous souhaitons qu'il soit utile. En tous cas, il était utile de le recentrer sur le logement social, et que nous puissions évaluer ce système pour savoir s'il doit être simplifié.
Devant une maquette budgétaire où les crédits de cette seule mission ne représentent qu'une très faible part – environ un dixième – de l'effort budgétaire global de l'État en direction de l'outre-mer, je rappellerai que, par le passé, l'outre-mer a trop souvent été considéré par les autres ministères amenés à y intervenir comme une variable d'ajustement de leurs budgets. Il nous appartient aussi, madame la secrétaire d'État, de nous montrer, ensemble, des plus vigilants à ce propos, afin que ces pratiques ne reprennent pas.
C'est dans cet esprit que les députés du Nouveau Centre voteront les crédits de cette mission « Outre-mer », avec vigilance et exigence.
Monsieur le président, mes chers collègues, madame la secrétaire d'État, certains de mes collègues s'inquiètent fortement de la position que je vais prendre sur ce budget 2010. Pour leur répondre, j'ose leur dire que votre budget est un bon budget. Les voilà rassurés !
Si l'on se réfère aux documents budgétaires soumis à notre appréciation, je devrais vous féliciter car votre premier budget bat tous les records en terme d'augmentation, alors que le déficit de l'État se creuse.
La mission « Outre-mer », représentant 29 % des dépenses hors dépenses de personnel, est la première mission budgétaire en faveur de l'outre-mer, devant les missions « Dotations de l'État », « Santé » et « Éducation », qui représentent, elles, respectivement, 28 %, 14 % et 10 % des dépenses dans le même périmètre.
Ce budget a pour vocation de mettre en confiance les acteurs locaux car il regroupe des crédits qui confortent leur dynamisme. Je l'espère rassurant, puisqu'il est essentiellement dédié à la loi pour le développement économique de l'outre-mer, dont il faut rappeler l'objectif : améliorer la compétitivité des entreprises et celle de régions qui participent amplement au rayonnement international de la France.
La nécessité de publier les décrets d'application n'en est, madame, que plus impérieuse. S'ils se font encore attendre, la logique de confiance que le Gouvernement et les élus tentent de restaurer sera cassée.
De plus, étant originaire de nos îles et connaissant parfaitement chacun de nos territoires, vous semblez être la mieux armée pour aider ce gouvernement à respecter son engagement : celui de relever une économie ultramarine secouée par une crise mondiale inattendue et brutale, aggravée par un mouvement social d'une grande ampleur, confirmant ainsi le malaise de plus en plus palpable de nos régions.
Mais, madame la secrétaire d'État, en qualité d'élue de proximité, je dois souligner qu'en dépit de l'augmentation de ce budget, les difficultés quotidiennes de nos compatriotes persistent : une situation du marché du travail qui s'est progressivement dégradée au cours de 2008, faisant le lit d'un chômage trois fois plus élevé qu'en métropole et touchant les femmes, les seniors et les jeunes, singulièrement les moins de vingt-cinq ans, pour ne prendre que cet exemple.
Il faut aussi regretter que cette discussion budgétaire intervienne avant le premier Comité interministériel de l'outre-mer du 6 novembre, comité où, je l'espère, seront annoncées des mesures spécifiques destinées à accentuer un véritable développement endogène, qui semble être la réponse clé au malaise croissant de nos régions.
Une fois de plus, la donne budgétaire risque d'être modifiée et, une fois de plus, la vision étriquée de l'outre-mer, à travers le prisme de la dépense, des taux de chômage, d'insécurité, d'échec scolaire, et j'en passe, s'accentuera.
Le budget est en augmentation, mais la problématique du pouvoir d'achat, pourtant au coeur du mouvement social de ce début d'année, ne semble pas déjà faire l'objet de mesures fortes pour casser la logique des coûts élevés et des monopoles. Si l'on veut soutenir durablement l'emploi et le pouvoir d'achat dans les DOM, les commerces de proximité doivent disposer de moyens pour exister pour résister à la concurrence.
Il faut limiter les monopoles dans la grande distribution et rétablir la limitation des surfaces commerciales à 300 mètres carrés, supprimée lors de la loi de modernisation de l'économie, car les commerces de proximité, je ne cesserai de le dire dans cet hémicycle, sont le poumon de notre économie ; ils créent et entretiennent le lien social.
Quant au RSTA – le revenu supplémentaire temporaire d'activité –, sa nature juridique et son financement prêtent à confusion : alors qu'il est un supplément de salaire en référence à l'accord Bino, il est ici présenté comme une anticipation du RSA. L'articulation de ces deux dispositifs suscite l'inquiétude et révèle une rupture du principe d'égalité dont les premières victimes sont les Domiens.
Votre budget est certes en augmentation, mais l'avenir de la jeunesse, atout principal de nos régions, reste incertain. Sa formation est un enjeu conséquent dont il faut bien prendre la mesure en allant au-delà du service militaire adapté. Si ce dernier est un outil performant, il n'en demeure pas moins qu'il ne peut à lui seul répondre aux problématiques de l'ensemble des jeunes de l'outre-mer, notamment ceux qui sont dès le plus jeune âge en situation d'échec. Il est donc évident que des solutions complémentaires doivent être apportées : le plan d'action pour la jeunesse décliné par le Président de la République, le 29 septembre, semble contenir quelques mesures. Comment seront-elles déclinées outre-mer ?
Je suis particulièrement attentive à la mise en oeuvre des mesures portant sur le décrochage scolaire des seize-dix-huit ans, public extrêmement fragile, de jeunes souvent sans repères, qui, de plus en plus, déclarent qu'ils n'ont rien à perdre.
L'outre-mer, privé de l'expérimentation pour le RSA, doit bénéficier d'une expérimentation d'envergure du plan d'action en faveur de la jeunesse. Car, vous devez le savoir, madame, nombreux sont nos jeunes en situation d'échec scolaire, qui subissent de plein fouet le chômage et, inévitablement, tombent dans les maux de la délinquance qui ronge notre société.
Votre budget est en augmentation. Mais les budgets passent et les problèmes demeurent, les secrétaires d'État passent et les problèmes persistent.
J'aurais souhaité désormais que le fil conducteur de la politique outre-mer, et singulièrement en Guadeloupe, ne se résume pas à une gestion au fil des désaccords et des crises. Il nous faut de la stabilité. Il faut mettre un terme à l'instabilité des dispositifs. Ces derniers, en l'espace de six ans, ont été changés, voire cassés, au gré des ambitions et au détriment d'économies déjà fragiles.
Il est essentiel que vous compreniez que les entreprises, pour s'inscrire dans une dynamique durable de développement, veulent plus de stabilité, plus de lisibilité, si bien insufflées par la loi de 2003, votée par cette même majorité pour quinze ans. J'ose penser, madame, que la LODEOM, votée en 2009, ne subira pas le même sort que la loi Girardin.
Je veux terminer mon intervention en souhaitant fortement que, lors du comité interministériel du 6 novembre, des projets d'envergure, des projets structurants, émergent.
Madame la secrétaire d'État, au regret de certains de mes collègues, avec ou sans moi, votre budget sera voté.
Madame la secrétaire d'État, c'est votre premier budget, mais pour nous, c'est une redite harassante et toujours aussi décevante, puisque l'on prend les mêmes ficelles, les mêmes astuces pour bâtir un budget en trompe-l'oeil. Certains trouvent qu'il est parfait, avec une augmentation de 6,2 %. Quant à nous, nous avons beau regarder, scruter et même prendre une loupe, nous constatons qu'il s'agit au mieux d'une augmentation de 1,2 %, comme l'inflation, d'un budget à zéro volume. Mais c'est mieux que rien et chacun y verra ce qu'il voudra !
Je ne vous mets pas personnellement en cause, madame Penchard, puisque vous êtes la troisième secrétaire d'État depuis 2007. C'est un véritable maelström ! Mais les méthodes perdurent. Toutefois, vous êtes domienne, donc de chez nous ; vous avez suscité un immense espoir, car nous pensions que vous alliez faire des miracles. Hélas !
J'insisterai sur trois points : une évidence, un soupçon, une inquiétude.
Manifestement votre budget n'est pas à la hauteur des espérances et des besoins qui s'expriment en outre-mer et particulièrement après les événements sociaux. C'est une évidence. Il augmente de 118 millions : 80 % de cette augmentation est consacrée à la compensation des exonérations de charges de sécurité sociale. Pourtant, malgré cet effort, la dette du Gouvernement à l'égard de ces organismes va encore augmenter de 57 millions. Pis encore, à la fin de l'année 2010, nous aurons une dette, himalayenne, de 664 millions ! Ce budget devient de plus en plus virtuel.
J'évoquerai maintenant ce qui peut sembler un détail, mais n'en est pas moins important lorsque l'on sait la pénurie budgétaire et la crise des finances publiques : vous diminuez de 1,7 million d'euros les crédits de la ligne budgétaire unique. Autrement dit, vous ne sortirez pas un seul logement neuf en 2010. L'effort consenti par les collectivités locales – sur lesquelles avait été lancée l'opprobre –, s'élève à 58 millions pour la région Guadeloupe afin de débloquer 3 400 logements. Il s'agit de dossiers restés dans les tiroirs pour 2007 et 2008. Mais en 2009, il n'y a rien ! Votre budget n'est vraiment pas à la hauteur de nos espérances. Pis encore, vous laissez sur le compte des organismes sociaux 17 millions. C'est écrit en lettres de feu ! Le Gouvernement assume désormais de faire peser cette dette sur la trésorerie de ces organismes.
J'en arrive à une autre évidence : le doublement sur trois ans du nombre de bénéficiaires du RSA. C'est apparemment une bonne mesure et la collectivité que je préside aide très fortement le SMA, qui fait un excellent travail. D'ailleurs, comme l'a dit Gabrielle Louis-Carabin, nous le soutenons. Mais vous ne ferez rien de tel en trois ans, puisqu'en 2010, il n'y a pas une seule augmentation du nombre de places : au total, elles sont cinquante-quatre. En outre, vous diminuez la durée des stages : de douze mois, vous allez passer à huit, voire à six. Ce qui signifie que vous agirez à budget constant.
L'effort global que l'État consacre à l'outre-mer est désormais de 12 %, contre environ 15 % auparavant. Notre place régresse dans le budget total de l'État. En outre, les crédits en faveur des aides directes à l'emploi diminuent de 748 millions d'euros. Or, quoi qu'on en dise et quelles que soient les revendications faites ici ou là par le monde du travail, et notamment les syndicats, nous avons besoin de contrats aidés.
Je vous ferai part, maintenant, d'un soupçon. Cela a été dit avant moi, ce budget arrive avant le comité interministériel de l'outre-mer. Or manifestement, tout ce qui se dit, se murmure, se susurre, n'est pas dans votre budget. Rien, aucun crédit nouveau pour prendre en compte ce que le Président de la République va annoncer le 6 novembre ! autrement dit, nous sommes là dans un exercice un peu irréel, en examinant un budget qui ne prend pas en compte les attentes des populations. Je trouve cela un peu curieux ! On nous a demandé de participer à des états généraux – idée que j'ai fortement soutenue – pour dire ce que nous voulions. Et aujourd'hui, on nous dit que nous pouvons nous en passer !
Non, ce n'est pas excessif. J'ai à ma disposition quelques fiches et je peux vous dire que nous n'aurons pas grand-chose. Y aura-t-il un collectif budgétaire pour prendre en compte ce qui ne figure pas dans le budget ? Une augmentation de 1,2 % ? Il y a loin de la coupe aux lèvres ! Voilà ce que j'entendais par « soupçon ».
Nous avons voté ici, avec votre prédécesseur, M. Jégo, une loi intéressante, la LODEOM. Nous l'avons votée à la quasi-unanimité – il n'y a eu que deux abstentions. Mais rien n'est fait ! Les décrets d'application ne sont pas pris – il y en a une quarantaine. Et, sur le site du Sénat, on peut lire que l'on verra après ! C'est un réel sujet d'inquiétude.
Je parle maintenant au nom de mon collègue Jean-Claude Fruteau, de la Réunion, qui n'a pas pu venir, mais qui nous fait part de ses affreux soupçons : il parle d'une année blanche en matière de défiscalisation, qui crée un attentisme certain, malgré l'effectivité du dispositif de la loi Girardin. Il parle aussi d'une année noire due aux retards dans la publication des décrets d'application, lesquels aggravent encore un peu plus les sérieuses difficultés financières dans lesquelles se trouvent les entreprises du bâtiment.
Oui, madame la secrétaire d'État, nous sommes un peu inquiets. Pour ce qui est du prix des carburants, nous avons abouti ici, alors que cette question n'aurait jamais dû arriver devant la représentation nationale. C'est que vous avez, madame la secrétaire d'État, perdu les arbitrages interministériels. Comment peut-on laisser augmenter le carburant de six centimes chez nous ? Comment peut-on laisser faire pour la TGAP, puis pour la taxe carbone ? Bien entendu, nous sommes dans le droit commun. Mais, face à l'attente d'une réforme globale du système de gestion des carburants, il y a eu une faute politique que, fort heureusement, l'Assemblée a corrigée.
Ensuite, j'aimerais savoir ce qu'il en est des 44 millions d'indemnisation réclamés à l'État par la SARA – la société anonyme de la raffinerie des Antilles –, laquelle parle maintenant de 100 ou 110 millions. J'ai entendu dire que Mme la secrétaire d'État avait engagé une négociation, et que l'affaire serait peut-être portée au contentieux. C'est un peu curieux : on inscrit 44 millions, et on négocie après ! La SARA s'appuie sur le décret de 2003 et les décrets de 1988 pour la Guyane et la Réunion. Nous vivons dans un état de droit, et, puisque ces décrets ne sont pas abrogés, la SARA est parfaitement en droit de vous demander une centaine de millions.
L'imputation du RSTA sur la prime pour l'emploi soulève la plus grande difficulté. C'est pour nous, appelons cela ainsi, une grande douleur. Jérôme Cahuzac en a parlé avec énergie, ardeur et talent. Il s'agit là d'un reniement de votre parole ! C'est une violation des engagements pris par l'État ! J'ai été signataire des engagements du 4 mars. L'État, par son préfet de région, y a apposé sa signature, là aussi en lettres de feu. Je vous ai adressé un dossier prouvant ce qui a été, en coulisses, fait, dit et pris comme engagement. Aujourd'hui, pour quelque économie – 110 millions en 2010, 310 millions au total – on impute le RSTA sur la prime pour l'emploi, du fait de l'homonymie entre RSTA et RSA ! Les acteurs sociaux – en particulier les syndicats – n'ont jamais demandé la mise en oeuvre du RSA. C'est nous, parlementaires qui avons, ici même, obtenu de votre prédécesseur, M. Jégo, que la mesure soit appliquée au mieux le 1er janvier 2010 et au plus tard le 1er juillet 2010 ! J'apprends que ce sera en 2011 ! J'entends dans vos déclarations, madame la secrétaire d'État, qu'il ne peut y avoir cohabitation entre les deux et que vous n'avez pas signé cet engagement : comme s'il n'y avait pas continuité de l'État ! C'est un reniement de parole ! J'avoue ma déception. Quand je dis cela, je n'apporte pas de l'eau au moulin de celles et de ceux qui descendent dans la rue. Tout le monde sait le rôle que j'ai joué pour faire respecter des valeurs républicaines. Mais, là, l'État est manifestement en train de violer l'engagement pris devant les Guadeloupéens !
Pour conclure mon propos, je vous dirai : osez, madame et étonnez-nous. Je vous exhorte, quant à moi, à l'audace ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, calme plat, aucun bouleversement notable ! C'est ce qui, d'emblée, frappe à la lecture de ce budget des outre-mer pour 2010, qui étonne surtout, tant sa tranquillité contraste avec la force et l'ampleur des mouvements sociaux qui se sont exprimés, il y a à peine un an, dans les quatre régions d'outre-mer. Ce premier budget d'après crise est, de surcroît, celui qui devrait traduire la mise en oeuvre des dispositifs de la loi pour le développement économique des outre-mer votée en mai dernier. Le moins que l'on puisse dire est que cette traduction est, là encore, d'une grande timidité, madame la secrétaire d'État.
À vrai dire, un seul poste retient l'attention, celui qui est relatif aux exonérations de charges sociales patronales, qui captent l'essentiel de l'augmentation du budget de l'outre-mer et représentent, désormais, près des deux tiers des crédits de cette mission. Avec une dotation de plus d'un milliard d'euros, il laisse loin derrière le poste consacré au logement social et à la ligne budgétaire unique qui, lui, stagne à 210 millions d'euros. L'emploi et le logement sont deux priorités : il faudra bien un jour s'interroger sur les moyens budgétaires dédiés à l'un et à l'autre.
Ce budget arrive aussi dans un contexte marqué par une floraison de rapports, de missions, d'expertises en tous sens. Jamais sans doute, les outre-mer n'auront donné lieu, dans un temps si court, à autant d'analyses et de propositions.
J'habite là-bas, monsieur !
Mais elles aussi semblent avoir eu du mal à se faufiler jusqu'à ce budget.
Je devine que les interrogations que nous ne manquerons pas d'exprimer au cours de ce débat seront bien souvent renvoyées au prochain comité interministériel de l'outre-mer, qui se tiendra dans moins de quarante-huit heures. Aussi, pour la sincérité et la clarté de nos échanges, reconnaissons ensemble qu'il s'agit là d'un budget d'attente, et qu'il est très provisoire.
Ce budget est en attente des annonces présidentielles, bien sûr, en attente aussi de la publication des décrets d'application de la LODEOM. Le choeur unanime que nous formons ici pour demander la parution la plus rapide possible de ces textes n'est que le pâle écho des impatiences qui montent dans nos régions respectives.
C'est sans doute dans le domaine du logement social que la situation est la plus critique. Il est vrai que le bouleversement est de taille puisqu'il s'agit, ni plus ni moins, que d'appliquer une maquette de financement totalement différente. Plutôt que la LBU, c'est la défiscalisation qui sera désormais privilégiée pour financer le logement social. Non seulement les textes réglementaires ne sont pas publiés, mais les versions disponibles ne sont pas sans poser des difficultés. Il est urgent de les modifier maintenant, si l'on veut éviter les blocages et de nouveaux retards. Les opérateurs sociaux ont relevé les obstacles qui entravent l'articulation que prône le Gouvernement entre la ligne budgétaire unique et la défiscalisation, notamment les différences entre les bases éligibles à la LBU et à la défiscalisation. La question n'est vraiment pas, avec des bases différentes, d'essayer de favoriser l'un des deux modes de financement, en l'occurrence la défiscalisation. Il s'agit simplement, dans un souci d'efficacité, de ne pas compliquer l'instruction des dossiers et, au bout du compte, la réalisation des programmes de logement sociaux qui cumulent les deux financements. Dois-je rappeler que, sur ce point précis, le Gouvernement s'était engagé ?
Il y a aussi le décalage dans les délais d'instruction selon que les dossiers relèvent de la défiscalisation ou de la LBU. À ce jour, plus d'une cinquantaine de demandes d'agrément préalable de défiscalisation ont été déposées – pour certaines depuis plus d'un an – par les promoteurs sociaux de la Réunion : elles sont toujours en cours d'instruction. Répondre à la forte demande de logements par la défiscalisation plutôt que par la dépense budgétaire, telle est l'option choisie par le Gouvernement. La moindre des choses serait donc qu'il adopte au plus vite les meilleurs dispositifs. La période de transition a assez duré. À la Réunion, la production de logements sociaux s'est effondrée, alors que 30 000 familles sont en attente. Il est grand temps d'inverser la tendance actuelle. S'il y a un grand chantier prioritaire qui fait l'unanimité à la Réunion, c'est bien la construction de logements sociaux. Ce serait là une excellente solution pour relancer l'emploi dont la situation empire de mois en mois.
Depuis plus d'un an, les licenciements économiques se multiplient et le chômage progresse sans relâche. Dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, plus de 5 300 emplois directs ont déjà été supprimés. La suppression des assistants d'éducation et la baisse tendancielle du revenu des agriculteurs n'arrangent rien. Sans un sursaut immédiat, le pire est devant nous. Sans doute mesurera-t-on mieux la gravité de la situation en constatant que, depuis plusieurs mois, le chômage augmente trois fois plus vite à la Réunion que dans les autres régions d'outre-mer, y compris pendant la longue grève antillaise.
Cet affolement du chômage est source d'angoisse. Il constitue, aussi, le meilleur plaidoyer pour l'exploration de tous les gisements d'emplois potentiels. La Réunion ne cesse de progresser dans la voie des énergies renouvelables et des innovations environnementales. Mais toutes ces avancées doivent aussi trouver leur traduction en termes d'emploi. C'est pourquoi nous souhaitons la structuration d'une filière de métiers liés directement au développement durable. De même, en liaison avec le Grenelle de la mer, nous souhaitons qu'un lycée de la mer puisse voir le jour. La ville de Saint-Paul est candidate pour accueillir un tel établissement, premier jalon d'un cursus qualifiant qui allierait formation professionnelle et universitaire.
Dans ce contexte de crise, il faut aussi anticiper – pour tenter de les prévenir pendant qu'il en est encore temps – les conséquences que ne manquera pas d'avoir la signature des accords de partenariat économique entre l'Union européenne et les pays d'Afrique orientale et australe. Ces accords, qui permettent aux produits des pays voisins d'accéder, sans quota, sans droits de douane, sans réciprocité au marché réunionnais, sont lourds de menaces pour l'emploi et pour les productions locales. Outre qu'ils contrecarrent les politiques visant à l'intégration régionale des régions ultrapériphériques, ils tournent le dos à la stratégie du développement dit « endogène ». L'aide pour le fret accordée aux entreprises risque d'être rapidement submergée par les APE !
Détonateur des manifestations dans l'outre-mer, le pouvoir d'achat revient dans cette session budgétaire de façon plutôt inattendue. Le revenu supplémentaire temporaire d'activité, dont la création avait permis de sortir de la crise, est doublement remis en cause : il est déduit de la prime pour l'emploi et il est assimilé au RSA. Je ne préjuge pas du sort qui sera réservé au RSTA à l'issue du débat budgétaire. Mais la controverse actuelle sur la coexistence des deux dispositifs montre, une fois de plus, que le report de l'application du RSA dans les départements d'outre-mer n'est pas justifié.
Dénoncée depuis longtemps, la cherté de la vie outre-mer vient, pour ainsi dire, d'être authentifiée par les conclusions de la mission que le Gouvernement a confiée à l'Autorité de la concurrence sur les mécanismes d'importation et de distribution des produits de grande consommation. L'avis rendu par cette instance indépendante est sans appel : à la Réunion, pour plus de la moitié des produits, les prix sont supérieurs de 55 % à ceux observés en France continentale. Tout le monde attend maintenant avec impatience les mesures qui mettront un terme à cette extravagante situation.
Pour conclure, je souhaite revenir sur l'importance de la question de la jeunesse. Ce budget lui consacre deux mesures spécifiques. Elles ont le mérite d'exister. Permettez-moi pourtant de m'interroger sur la réduction du temps de formation qui accompagne le doublement du nombre de stagiaires du SMA. Avec des taux d'insertion de 80 %, le succès du doyen des dispositifs d'insertion n'est plus à démontrer. La diminution du temps de formation intervient alors que, le 29 septembre dernier, le Président de la République a exigé l'allongement de la durée effective de l'année universitaire à dix mois. « On ne peut pas dire… » – je cite le Président – « il faut élever le niveau des formations et raccourcir la durée de l'année universitaire. » Quelles considérations justifient donc le passage du SMA de douze à huit mois ?
Je souhaite aussi appeler votre attention sur le bien mauvais signal adressé aux jeunes diplômés de la Réunion lors de cette rentrée scolaire. Notre académie a, en effet, recruté soixante-dix professeurs des écoles de trop, venus des autres académies. Une « erreur de logiciel » expliquerait ce bug administratif. Les premières victimes sont les quinze jeunes reçus sur la liste complémentaire de l'IUFM de la Réunion, qui doivent laisser la place aux soixante-dix collègues affectés par erreur ! Quand on se rappelle le taux de chômage qui accable la jeunesse, on trouve que c'est là payer bien cher de tels dysfonctionnements !
Je conclus.
Nous attendons que l'affaire soit réglée dans le respect des intérêts de ces soixante-dix professeurs recrutés, mais certainement pas aux dépens des jeunes Réunionnais !
Nous ne redirons jamais assez que tous nos efforts doivent converger vers la jeunesse ! Initiez, madame la secrétaire d'État, cette grande loi en faveur de la jeunesse ultramarine, et nous vous soutiendrons ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous venons collectivement d'essuyer une tempête difficile dans nos territoires : les outre-mer ont été, à des niveaux variables, le théâtre des expressions de malaises et de malentendus accumulés au fil du temps.
Après les périodes de retenues, d'incubation, de non-dits, 2009 restera pour nous tous l'année des explosions de colère, des manifestations et des barricades, comme cela a pu être le cas en février 1974 en Martinique ou en 1992 à la Réunion. La crise économique internationale a sans doute été un élément déclencheur supplémentaire. Mais il est évident que la souffrance des Français des outre-mer est chaque jour aussi davantage perceptible, comme il est évident que les politiques menées ont montré leurs limites. Nous savons tout cela. Nous savons tout cela, mais nous tardons à réagir. Je dénonce une fois encore ici la propension à justifier, par de savants calculs mathématiques et de subtiles contorsions juridiques, le manque de détermination qui a souvent été le lot commun des attitudes publiques. Bien sûr, il ne s'agit pas de tout rejeter en bloc, parce qu'il est également vrai que des actions ont été efficaces. Mais la politique doit être d'abord et avant tout au service de l'Homme, c'est ce que j'entends chaque jour des Réunionnais que je rencontre.
Voilà le sens de la nouvelle ambition que nous devons nous donner, pour l'ensemble des outre-mer, pour chacun de nos territoires où les femmes et les hommes de talent, veulent, avec nos compatriotes de l'hexagone, participer à la marche en avant de notre société.
Le budget que vous nous présentez pour 2010 traduit une meilleure prise en compte de nos réalités et un plus fort engagement du Gouvernement.
L'organisation des états généraux, à l'initiative du Président de la République, et la tenue ce vendredi du conseil interministériel de l'outre-mer témoignent également d'une meilleure prise de conscience au service d'une politique partagée.
Aujourd'hui, nous pouvons constater un engagement mieux affirmé, la définition d'une vraie stratégie de long terme en faveur du développement économique et de l'emploi, la volonté d'aller vers plus de justice sociale et d'équité.
Je voudrais vous dire mon enthousiasme à vous accompagner dans cette voie, tout en vous demandant de conserver avec nous une vigilance de tous les instants sur les écueils du moment et les vieux démons du passé.
Il s'agit pour nous désormais de fixer ensemble les grands enjeux des outre-mer.
Il s'agit de délimiter ensemble le champ des possibles sur la base de préalables clairement établis.
Le premier de ces préalables concerne la question institutionnelle qui, de mon point de vue, doit être définitivement expurgée.
Je ne sais pas ce que diront nos amis des Antilles et de la Guyane sur ce dossier. À la Réunion, ce débat n'est plus d'actualité : la Réunion est terre française. Le cadre institutionnel de l'article 73 est celui qui convient aux Réunionnais, des adaptations sont toujours possibles, hors du champ de l'assemblée unique dont nous ne voulons pas.
Par ailleurs, je milite aussi pour une meilleure cohérence des politiques publiques. Nous devons faire des choix, définir une stratégie et amener tous les acteurs à partager une même vision de l'avenir.
État, région, département, intercommunalités, communes, acteurs associatifs, nous devrions tous pouvoir construire dans le même sens. Ce n'est pas le cas aujourd'hui à la Réunion. Nous assistons à une véritable politique de casse sociale portée par le département, avec une gestion désastreuse de structures comme l'ADI, l'ARAST, plus de 8 000 personnes âgées étant directement concernées et inquiètes, ou encore la Maison du handicap, à une politique d'investissement portée par la région très éloignée de nos priorités, de nos capacités financières réelles, de la nécessité pourtant évidente d'une politique d'aménagement équilibrée entre toutes les microrégions.
Cette attitude partisane et à bien des égards irresponsable est globalement vraie dans bon nombre de domaines. Le manque de cohérence dans les politiques d'éducation et de formation est aussi une réalité.
Pourtant, l'école de la République reste le vrai préalable de notre réussite. Le Président de la République, dans sa lettre de mission du 5 juillet 2007 au ministre de l'éducation nationale, s'exprimait sur le sujet : « Nos compatriotes sont très attachés à l'école gratuite, laïque et républicaine. Ils savent que, pour des générations entières, elle a été le moteur du progrès social et le pilier de l'égalité des chances. Et c'est à juste titre que l'école est au coeur du pacte républicain. »
La Réunion comptait au 1er janvier 2008 810 000 habitants, avec la perspective d'un million d'habitants au total à l'horizon 2025. Aujourd'hui, déjà, un Réunionnais sur trois a moins de vingt ans. Ces seuls éléments montrent toute l'importance des enjeux.
Il faut construire des écoles, des collèges, des lycées, des centres de formation, accueillir des enseignants supplémentaires, du personnel administratif et technique de qualité. Vous sentez bien, madame la secrétaire d'État, que nous ne pouvons nous satisfaire de la logique d'une politique de restriction, à moins d'accepter de reléguer au second rang la question de l'éducation.
Pour ma part, je plaide pour que l'école, de la maternelle à l'université, ainsi que tout le volet de la formation professionnelle, soit érigée en priorité numéro un à la Réunion et, pourquoi pas, sur l'ensemble des autres territoires. De ce point de vue, je continue à penser qu'à titre d'exemple, la création à la Réunion d'une grande faculté de médecine ouverte sur notre environnement régional est une priorité.
Soyez notre ambassadrice sur la question de l'école, parce qu'il n'y aura pas de développement économique réussi sans une élévation et une généralisation du niveau de formation, sans une plus grande écoute aussi du monde de l'entreprise.
Cohérence institutionnelle, cohérence des politiques publiques, l'éducation comme moteur de nos engagements, tels sont les fondamentaux à retenir pour une politique de l'excellence outre-mer.
En définitive, ce que nous voulons, c'est mieux asseoir pour les outre-mer la dimension d'un développement durable qui réconcilie l'homme et son environnement. Nous devons pour cela nous autoriser toutes les audaces.
Il faut d'abord que les uns et les autres acceptent de considérer qu'il n'y a aucun antagonisme dans le fait d'être créole, français, européen, mais qu'il y a bien là la même fierté d'être tout cela à la fois. C'est ce qui fait toute notre force et toute notre originalité, c'est ce qui fait de nous les premiers acteurs du monde de demain, métis, partagé, porteur de tolérance et d'acceptation des différences.
Notre culture est vivante, elle doit se vivre au quotidien et ne pas être enfermée entre des murs austères et figés. Aidez-nous à accompagner nos musiciens, peintres, sculpteurs, hommes et femmes de lettres pour qu'ils puissent s'exprimer librement. Aidez-nous à créer davantage de passerelles pour leur permettre de partager avec nos compatriotes de l'hexagone.
Il faut ensuite poursuivre les efforts engagés pour le respect, la promotion de notre patrimoine et de notre environnement naturel. Nous pouvons là encore être force d'exemple. Nous comptons sur votre détermination, au moment des arbitrages définitifs en 2010 au Brésil, pour que la Réunion soit classée au patrimoine mondial de l'UNESCO.
Enfin, il faut reconsidérer notre politique économique, et vous vous y êtes engagée. Nous voulons une politique construite à partir de nos atouts, sur la base d'un véritable développement endogène autour du tourisme, des nouvelles technologies, des filières de l'agronutrition, ou du programme GERRI. La politique des grands chantiers que nous voulons est celle qui sert la réussite de ces grands secteurs d'activité. Vous l'avez compris, je fais partie de ceux qui croient au succès de la loi pour le développement économique des outre-mer. Le texte a été voté, nous sommes dans l'attente des décrets d'application.
Avec les outre-mer, la France est partout présente. Dans le Pacifique, au centre de l'arc antillais, sur les terres d'Amérique du Sud, à l'embouchure du Saint-Laurent, au coeur de l'océan Indien, nous devons partout prendre toute notre place.
Je milite pour ma part pour une grande région française de l'océan Indien regroupant la Réunion, Mayotte, les Terres australes et antarctiques françaises, les îles Éparses, une grande région au service de nos économies, pour la conquête de nouveaux marchés, pour mieux accompagner la créativité et le développement de nos entreprises.
Les Réunionnais, comme tout l'outre-mer, attendent beaucoup du dispositif de continuité territoriale. Il ne faut pas les décevoir. Il s'agit de permettre au plus grand nombre de se déplacer entre nos territoires et la métropole à des tarifs acceptables avec des opérateurs qui portent véritablement ce programme. J'aurais aimé que, sur ce point précis, vous puissiez nous confirmer les orientations de votre ministère.
J'aurais aimé aussi vous entendre sur la proposition de loi que je déposerai sur le bureau de l'Assemblée nationale dans les jours prochains, une proposition de loi visant à améliorer le système des mutations des fonctionnaires de l'État. L'idée est d'accorder un véritable avantage lié à l'origine géographique des fonctionnaires. C'est un dispositif qui trouverait sa juste application dans les outre-mer mais aussi sur l'ensemble du territoire métropolitain. La situation actuelle est vécue comme injuste à bien des égards. Accepter le principe d'une plus forte régionalisation des mutations comme des recrutements irait également dans le sens d'une plus grande efficacité des missions de service public.
Je voudrais, pour conclure, vous assurer de mon engagement à vos côtés à chaque fois qu'il s'agira de défendre les intérêts des Réunionnais et, au-delà, de toute la famille des outre-mer. Comme l'a si justement écrit Saint-Exupéry, « pour ce qui est de l'avenir, il ne s'agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible. »
Je crois en effet que nous sommes à une croisée des chemins. Nous sommes face à nos responsabilités pour un nouveau choix de société, Au sein de la République, nous voulons être écoutés. Nous voulons être acteurs, animés par la passion de faire reculer la misère, les injustices, les inégalités. Nous voulons être acteurs pour le triomphe du savoir, de la réussite et de l'épanouissement de chaque homme et de chaque femme. La France sera toujours une terre d'exception et de progrès si elle sait respecter ses diversités.
Notre vraie richesse est la force de ce que nous sommes et non pas de ce que nous avons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, pour appréhender la globalité de la politique du Gouvernement en Guyane, j'estime nécessaire d'aborder le budget 2010 dans son ensemble.
L'interrogation qui sous-tend mes propos est la suivante : ce budget est-il en mesure de répondre aux événements sociaux de cette année et aux attentes de ma population ?
Prenons l'éducation par exemple, secteur où les mouvements de protestation contre le manque de moyens ont été forts. À deux reprises, lors des questions au gouvernement, j'ai évoqué la situation catastrophique dans ce domaine. Or les crédits de cette mission ne correspondent pas aux besoins. Pour l'enseignement public du premier degré, nous n'arrivons même pas au niveau de 2008. Quant à la mission « Recherche et enseignement supérieur », les dotations sont en baisse. Comment imaginer le développement de mon territoire et donc son avenir sans que tous les jeunes, qui représentent 50 % de la population, puissent accéder au savoir ?
Dans le domaine de la justice, la Guyane a connu la plus longue grève du monde judiciaire, contre le dysfonctionnement endémique de cette institution et l'insuffisance grave de moyens humains, matériels et financiers. Dans l'ouest du territoire, en l'absence d'un tribunal, le droit à l'accès à la justice est totalement bafoué. De même, la question d'un centre pénitentiaire à Saint-Laurent pour désengorger celui de Rémire-Monjoly reste posée. Ce n'est pas le budget 2010, dont les crédits demeurent stables, qui va améliorer la situation. Quant à la protection judiciaire de la jeunesse, ses crédits sont en baisse. Vous savez qu'il y a eu une assemblée générale des personnels de justice. S'ils n'ont pas de réponse le 12 novembre, ils déposeront un préavis de grève.
Prenons la question de la santé, domaine tellement critique que nous pouvons parler de rupture d'égalité républicaine devant le droit fondamental de l'accès à la santé. Or les crédits de la mission sont en baisse d'un million d'euros, aussi bien en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement. Où est le plan santé outre-mer du ministère de la santé ? Par ailleurs, dans les trois hôpitaux publics de ce territoire, la tarification à l'acte sera appliquée directement à 100 % à partir du 1er janvier 2010, ainsi que le taux correcteur géographique de 25 %, qui ne prend pas en compte les réalités du territoire. Je vous demande de m'appuyer pour que le taux appliqué à la Guyane soit de 30 %. C'est le cas à la Réunion, ce n'est donc pas impossible.
S'agissant de la taxe carbone, autant je suis d'accord sur le principe d'une contribution climat-énergie pour lutter contre le réchauffement climatique, autant je doute de l'efficacité écologique de cette taxe, qui, de surcroît, n'est pas juste socialement et ne prend pas en compte les réalités locales. J'aurais souhaité que soit menée, préalablement à son application, une étude d'impact, à l'instar de ce qui s'est fait en hexagone. N'oublions pas qu'en l'absence de transport public organisé, la population guyanaise n'a d'autre solution que la voiture.
Parlons des dotations pour les collectivités locales, qui demeurent identiques alors que les difficultés financières sont connues. Je propose le déplafonnement de la dotation superficiaire des communes – à ce propos, voyez la loi de 2005 sur la DGF des communes –, dont le manque à gagner, selon les chiffres du Sénat, est de 16 millions d'euros en 2009. Pourrez-vous appuyer cette demande pour que les communes de Guyane soient dotées de vrais moyens financiers ?
Je pourrais multiplier les exemples à partir d'autres missions, vous dire que les crédits de la gendarmerie sont en baisse alors que l'opération Harpie contre l'orpaillage illégal, qui, certes, n'est pas la seule réponse possible, est suspendue.
Pour terminer, je vais parler du programme « Conditions de vie outre-mer » qui baisse de près de 16 millions d'euros. Pourriez-vous m'indiquer les actions que cela concerne ?
S'agissant du logement social, et je partage l'avis du rapporteur spécial, la lourdeur et la complexité du dispositif de défiscalisation censé pallier la faiblesse de la LBU ne permettront pas de financer les besoins alors que la demande est forte, 11 000 logements. Par rapport à la population, c'est énorme. M. Letchimy, dans son excellent rapport, a signalé que la situation de la Guyane était la plus critique.
Dans ces différentes dotations, je ne vois aucun signe de la grande ambition que vous évoquez ni de la volonté affichée du Gouvernement d'accompagner la Guyane sur la voie d'un développement endogène durable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de l'outre-mer, collègues de l'Assemblée, le vote de ce budget 2010 intervient dans un contexte malaisé et tendu à la fois. C'est l'évidence même. Le monde entier est toujours en désarroi, enlisé dans une crise à nulle autre pareille loin d'être maîtrisée.
Cette crise systémique n'a épargné bien sûr aucun pays, du plus grand au plus petit. Les prétendus garde-fous et autres boucliers protecteurs n'ont pas résisté à ses assauts.
C'est vous dire que la Martinique, elle aussi, a été atteinte de plein fouet. Qui plus est, elle a été ébranlée par une grève générale de trente-huit longs jours, en février et mars de cette année. Ce double choc a évidemment laissé des traces bien tangibles, qui viennent s'ajouter à celles qui existaient déjà.
En voici quelques-unes. Ce sont 440 redressements et liquidations judiciaires qui ont été prononcés à ce jour. Ce sont 39 103 demandeurs d'emplois dénombrés à la fin du mois d'août, avec un glissement annuel de 10,6 %, hissant du même coup le taux de chômage jusqu'à la barre des 24 %. Les licenciements pour motif économique et les fins de contrat s'élèvent aux deuxième et troisième trimestres à plus de 7 500.
Mais c'est aussi le logement social en panne sèche aggravée alors que les demandes recensées dépassent la dizaine de milliers.
C'est encore la continuité territoriale devenue discontinuité territoriale depuis déjà plus de deux ans.
C'est le passeport mobilité devenu passeport immobilité, pénalisant directement les étudiants de condition modeste.
C'est la loi de développement économique pour l'outre-mer, la LODEOM, votée en urgence le 27 mai 2009 et non mise en route jusqu'à présent.
C'est aussi le RSTA discriminé par soustraction de la prime pour l'emploi.
C'est le chlordécone, ce pesticide insidieux qui imprègne nos sols et nos eaux. Les recherches pluridisciplinaires qui s'imposaient n'ont pas été déclenchées immédiatement. Nous sommes en pleine stupéfaction.
En conséquence, c'est la pêche interdite dans les rivières et les baies infestées. C'est le tourisme, déjà mal en point, qui prend un coup supplémentaire.
Avec, en plus, une desserte aérienne insuffisamment adaptée, en coût et en logistique, pour drainer de nouveaux flux touristiques.
Avec, en plus, la délivrance très parcimonieuse des visas à nos voisins caribéens, ce qui les froisse et les dissuade de venir séjourner en Martinique, territoire par ailleurs non couvert par l'accord de Schengen. Nous sommes là en pleine aberration.
Ce sont les problèmes et les incompréhensions rencontrés lors de la signature, il n'y a pas si longtemps, des accords de partenariat économique avec la plupart des États de la Caraïbe, accords signés – écoutez bien – sans tenir compte de nos réalités propres, alors qu'à l'unisson, le gouvernement français et la Commission européenne nous exhortent à nous insérer pleinement dans le marché régional. Nous sommes là en pleine contradiction.
J'arrête là l'énumération des constats de blocage, la jugeant suffisamment éloquente et édifiante pour nous appeler à changer de méthode et de cap.
L'autre volet de mon intervention aura trait aux réformes en cours en Martinique.
Je reste ébahi devant l'offensive qui s'apparente en fait à un démantèlement des prérogatives des collectivités régionales. C'est regrettable, et pourquoi ? Parce qu'au nom de la clarification des compétences, nécessaire par endroits, on prend le risque majeur de balkaniser, de disperser et donc d'affaiblir.
Ce n'est pas, en tout cas, la solution adéquate pour la Martinique, où se trouvent empilés conseil général et conseil régional. Ce n'est surtout pas là que réside l'efficacité recherchée.
De plus, au lieu de fusionner et de confusionner les élus, il urge au contraire de fusionner les deux collectivités et les deux assemblées dans le cadre d'une gestion plus autonome, proposée, je le rappelle très humblement, par le congrès des élus de Martinique.
Plus inquiétant encore, c'est qu'au nom d'une réforme globale de la fiscalité promise et attendue, on procède déjà à la réduction drastique de la voilure des conseils régionaux en matière d'autonomie fiscale.
Qui en pâtirait ? Ce serait à coup sûr les autres collectivités et les secteurs économiques. Ce n'est pas là que réside la rigueur réclamée. Ces dispositions sont vécues plutôt comme une sanction injuste et injustifiée, d'où le grand émoi répandu.
Ce qui jusqu'alors avait fait consensus, me semble-t-il, c'est bien l'élargissement et la consolidation des prérogatives au niveau des entités régionales pour permettre en contrepartie à l'État d'exercer pleinement ses missions les plus essentielles. C'était l'axiome de départ. Ce revirement soudain est incompréhensible et en laisse pantois plus d'un, à commencer par moi-même.
Car il faut de bonne foi reconnaître et admettre que les conseils régionaux, tous responsables confondus, se sont évertués depuis leur création, avec les moyens du bord dont ils disposaient, à accomplir de façon honorable les missions transférées par l'État lui-même. Souvent, trop souvent même, on a pointé un doigt accusateur sur les régions d'outre-mer, en les rendant coupables de tous les maux.
C'est l'occasion pour moi de rappeler sereinement que la région Martinique a été la première créée, trois ans avant toutes les autres. Elle a relevé le défi.
Elle a également été la première à recevoir en transfert la gestion des routes nationales. Elle a relevé le défi.
Elle a fait partie de la première vague des régions à avoir accepté le transfert du public « jeunes en difficultés » de seize à vingt-cinq ans ayant quitté le cursus scolaire sans qualification. Elle a relevé le défi.
Dois-je rappeler qu'elle a été la seule à laisser inchangée sa part de taxe sur les carburants depuis douze ans ?
Quant au coût de la vie qui serait renchéri de façon exponentielle à cause de l'octroi de mer, je laisse bien volontiers la réponse au spécialiste ad hoc en la matière qu'est l'Autorité de la concurrence. Après enquête, elle déclare ceci : « Selon les relevés effectués sur un échantillon d'environ soixante-quinze produits importés de métropole dans les quatre DOM, les écarts de prix en magasin avec la métropole dépassent 55 % pour plus de 50 % des produits échantillonnés, un pourcentage trop élevé pour trouver exclusivement sa source dans les frais de transport et l'octroi de mer. »
Surtout, l'Autorité identifie dans son avis plusieurs particularités des circuits d'approvisionnement des marchés domiens permettant aux opérateurs de s'abstraire partiellement du jeu concurrentiel, seul capable de faire baisser les prix en faveur du consommateur domien.
Madame la secrétaire d'État, puisqu'il faut réformer, réformons. Celui qui s'adresse à vous en est le premier convaincu ; j'espère que personne n'en doute. Mais entendons-nous bien sur le sens à donner à la réforme, car il y a réforme et réforme. Il y a celle qui préconise un retour au galop du naturel jacobin dépassé. Celle-là, je la récuse d'emblée car elle serait totalement inappropriée et inefficace dans la situation martiniquaise. On assisterait à une recentralisation vers Paris et à une déconcentration massive vers le préfet. Ce serait là une double spoliation.
Aujourd'hui, notre polygone de sustentation n'a de raison d'être que s'il repose sur quelques fondamentaux, que je décline en substance : la démocratie, confortée ; la responsabilité, démultipliée ; le développement endogène durable et partagé, consolidé ; la recherche et l'innovation, encouragées ; les relations et les rapports économiques et sociaux, rénovés ; la coopération, libérée.
Madame la secrétaire d'État, c'est le pari que nous devons tenir. C'est le pari que nous devons soutenir. C'est le pari que nous devons réussir. L'heure n'est plus aux vaines polémiques de diversion, et encore moins à l'entretien chimérique des brûlots. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Madame la secrétaire d'État chargée de l'outre-mer, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2010 affiche une hausse de 6 % et représente environ 12 % de l'effort de l'État pour les outre-mer. Une telle présentation mathématique devrait à elle seule suffire à répondre à nos attentes. Mais, en ces temps de crise, la réalité est tout autre.
En effet, à ce jour, l'essentiel des décrets d'application de la LODEOM reste à édicter. C'est dire que, faute d'une accélération du processus de leur élaboration, la mise en oeuvre de cette loi tant attendue dans les outre-mer sera retardée.
À Mayotte, par exemple, en l'absence de mesure réglementaire préalable, le projet initiative-jeune ne peut toujours pas voir le jour. De même, à défaut de dispositif réglementaire nécessaire, la défiscalisation du logement social ne peut être effective.
L'emploi des jeunes, le développement des entreprises et la lutte contre l'habitat indigne : autant de priorités bloquées. Il est donc grand temps de remédier à cette déplorable situation pour engager résolument et dans de meilleures conditions la départementalisation de Mayotte.
À cet égard, permettez-moi de vous suggérer, madame la secrétaire d'État, de substituer d'ores et déjà au misérable fonds mahorais de développement, qui n'est crédité que de 600 000 euros, le fonds de développement économique et social prévu par le pacte pour la départementalisation de notre île, qui devra être mieux pourvu.
Plus généralement, il apparaît que, pour la deuxième année consécutive, malgré la hausse remarquable du budget de l'outre-mer, les crédits alloués à Mayotte sont dans leur ensemble en diminution, contrairement au reste des collectivités ultramarines.
C'est ce que démontre le rapport de nos collègues sénateurs Doligé et Massion. Ainsi, encore une fois, nous sommes loin, très loin des rivages de l'égalité républicaine.
Madame la secrétaire d'État, cette situation inique, presque discriminatoire, faite à Mayotte, n'est pas conforme à la légalité républicaine. Elle ne peut donc plus durer.
Enfin, l'éducation, priorité numéro un à Mayotte, exige un volontarisme persévérant de l'État.
C'est le sens de mon amendement relatif aux constructions des établissements du premier degré – écoles maternelles et établissements d'enseignement élémentaire –, pour lesquels 600 salles de classe font aujourd'hui défaut, perturbant profondément la bonne marche du système et le rythme des enfants.
Un autre de mes amendements concerne les personnels de l'éducation nationale et de la fonction publique en général. Il propose d'abroger le système inégalitaire de l'indemnité d'éloignement pour le remplacer par une juste et équitable mesure : l'indexation des salaires en vigueur dans les départements d'outre-mer.
Toujours dans la perspective de la départementalisation, je souhaiterais, madame la secrétaire d'État, que vous nous indiquiez le délai dans lequel le Gouvernement entend présenter au Parlement la loi ordinaire qui complétera la loi organique adoptée en juillet dernier.
C'est aussi l'occasion pour moi d'appeler encore une fois votre attention sur le problème récurrent de l'état-civil à Mayotte,…
…sur la nécessaire dynamisation des travaux de la commission de révision – la CREC – et tout particulièrement sur la situation des personnes nées avant 1959, situation qui ne semble plus être traitée par les services compétents.
Autre sujet de préoccupation, qui a fait l'objet d'un engagement du Président de la République dans le pacte pour la départementalisation de Mayotte : la revalorisation des prestations sociales existantes. Pouvez-vous, madame la secrétaire d'État, nous indiquer les mesures que vous comptez prendre ?
Vous le voyez : beaucoup de sujets et de questions, que je pourrais multiplier ; beaucoup de travail en vue ; mais aussi, hélas, beaucoup d'inquiétudes. Je ne vous cache pas que ce projet, tel qu'il nous est présenté aujourd'hui, est loin, très loin du compte pour Mayotte. Nous mettons des propositions sur la table. À vous d'ouvrir la discussion. Nous ferons précisément de cette ouverture un critère déterminant dans notre jugement final sur ce texte.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de budget pour l'outre-mer, pour les outre-mer, que nous examinons aujourd'hui, s'inscrit dans un contexte particulier marqué par la crise économique mondiale, la crise du pouvoir d'achat, la finalisation du traité de Lisbonne, la poursuite de réformes nationales importantes comme la suppression de la taxe professionnelle ou la création de la taxe carbone, ou encore le changement de statut de La Poste ; bref, dans un contexte particulièrement difficile et mouvementé pour tous les Français.
S'agissant de la Réunion, nous enregistrons une diminution significative de nos échanges commerciaux. Ainsi, les recettes de l'octroi de mer ont diminué de plus de 17 % entre août 2008 et août 2009. Cela traduit la baisse des activités économiques, laquelle va poser des problèmes de financement aux collectivités locales et territoriales. Il en est de même pour la TVA perçue, qui baisse de 9 % sur la même période.
La fin des travaux de la route des Tamarins, l'abandon de nombreux gros projets par les nouveaux élus de mars 2008 – par exemple, sur Saint-Denis, ce sont environ 200 millions d'euros de travaux qui sont supprimés –, le retard dans la publication des décrets de la LODEOM, l'incertitude sur la défiscalisation ou encore l'incapacité à concrétiser des opérations immobilières, donc des logements sociaux, ont entraîné une baisse très forte de l'investissement au cours de l'année 2009. Pour s'en rendre compte, il suffit de regarder l'importation de ciment : elle a chuté de 20 % en juillet 2009 par rapport à juillet 2008. Ceci a eu pour conséquence la perte de 5 300 emplois dans le BTP, soit une diminution de 20 % des effectifs par rapport à 2008.
Sur le plan de la consommation, la vente de véhicules de tourisme enregistre une baisse de 24 % et l'importation de biens d'équipement du foyer a diminué de 16 % par rapport à l'année dernière ; les crédits à la consommation passent de plus 4,9 % en juin 2008 à moins 3,2 % un an après. Nous sommes bien dans une situation de crise, de tension sociale sans précédent. D'autant plus que le nombre de demandeurs d'emplois de catégorie A est en hausse de 21,3 %, soit au total 97 500 personnes. Nous n'avons pas connu pareille situation depuis cinq ans.
Par ailleurs, les dossiers déposés à la commission de surendettement ont augmenté de 50 % en un an. Nos ménages sont très fragiles. Il faut leur donner du pouvoir d'achat, des assurances pour l'avenir et la sécurité pour un développement pour tous.
Pour sortir de cette situation, il faut relancer la croissance, entre autres par la commande publique, avec la construction de la nouvelle route du littoral, des stations de traitement et d'épuration des eaux, du boulevard Nord à Saint Denis, l'agrandissement de l'aéroport de Gillot et la mise en oeuvre d'un plan logement pour la Réunion. Le Gouvernement, par la loi de développement économique des outre-mer, dont je souhaite d'ailleurs, madame la secrétaire d'État, que vous puissiez nous en indiquer l'impact dans ce budget, apportera une première réponse aux problèmes soulevés.
Ce budget traduit l'ambition du Gouvernement pour les outre-mer, notamment à travers un effort accru pour l'emploi et la formation professionnelle, dont la dotation progresse de 123 millions d'euros, et le doublement du nombre de stagiaires formés par le régiment du service militaire adapté – je suis fier d'avoir fait le mien au RSMA de la Réunion. La priorité donnée à la formation des jeunes Ultramarins à la mobilité est reconnue comme une nécessité. Il y a aussi un effort continu pour l'amélioration des conditions de vie outre-mer, des actions soutenues dans le domaine du logement social, un dispositif de continuité territoriale plus simple et plus efficace. Je note également l'utilisation du fonds exceptionnel d'investissement pour la relance économique et la construction d'équipements publics de proximité. Mais pourquoi ne pas y ajouter un véritable programme immobilier d'entreprise ?
Agissez vite, madame la secrétaire d'État, adaptez les règles aux contraintes spécifiques de nos territoires, assouplissez les procédures pour apporter une réponse économique et une réponse sociale à notre situation de crise. Je n'ai aucun doute sur l'adoption de votre budget. Je le voterai.
Mes chers collègues, comme tous les ans, nous évoquons les mêmes questions : le chômage, le logement, la continuité territoriale, l'échec scolaire. Ces problèmes sont récurrents, mais ils ne doivent pas occulter d'autres préoccupations qui sont aussi les nôtres. J'en évoquerai rapidement sept.
Tout d'abord, s'agissant de la place de la Réunion dans l'océan Indien, comment faire de notre île une terre au travail, au nom de la France et de l'Europe dans cette zone ? Veut-on vraiment faire de cette terre le porte-avions avancé de l'Europe dans cette partie du monde ?
Deuxième préoccupation : comment faire du Réunionnais l'acteur de son développement à partir d'un modèle humain centré sur ce concept : être fier d'être créole, heureux d'être français et digne d'être européen ? Ce modèle de développement s'appuie sur quatre identités : être créole, india-océanique, français et européen. Telle est la réalité de notre identité nationale à nous.
Troisième préoccupation : comment utiliser RFO comme outil d'éducation, de formation, de valorisation et de promotion de nos patrimoines ? RFO est-elle au service du développement de nos territoires ? Tous les élus ultramarins se posent la question. Je sollicite la création d'une mission parlementaire sur le devenir de RFO.
Et puis comment convaincre la compagnie Air France, où l'État est actionnaire, qu'elle est un véritable vecteur de développement économique, porteuse de l'image de la France insulaire ?
À cet égard, il me paraît nécessaire de revoir le coût du billet et la qualité des services offerts.
Comment faire travailler nos jeunes fonctionnaires dans nos territoires, sur des postes de la fonction publique existants ? La solidarité nationale, c'est aussi donner à chacun la chance de travailler là où il vit ! Je me réjouis que mon collègue Didier Robert envisage de déposer une proposition de loi sur ce sujet. J'attends que le débat s'instaure pour travailler en ce sens.
Sixième préoccupation : comment réveiller, chez nos jeunes, l'espoir, la responsabilité et la solidarité sociale ? Je revendique fièrement mon appartenance au monde de l'éducation populaire qui a permis, avec l'école de la République, de transformer les vies et les itinéraires de millions de jeunes. Je rêve d'une nouvelle république des jeunes, c'est-à-dire d'un ambitieux mouvement impulsé par l'État et les pouvoirs publics dans les différents territoires, relayé et enrichi par le mouvement associatif, pour que les jeunes ne se considèrent plus comme des intermittents dubitatifs du spectacle de la République.
Septième préoccupation : comment faire vivre en permanence l'article 72-3 de la Constitution pour que nous ne soyons pas là toujours à supplier, à quémander, à chercher des spécificités ? Je rappelle que, selon cet article, « La République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d'outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité. » On peut prendre comme exemple l'application du RSA jeune, ou encore l'opération « Mon journal offert » qui offre à chaque jeune âgé de dix-huit à vingt-quatre ans qui le souhaite un abonnement à un journal national. Or cette offre est réservée textuellement « à la France métropolitaine » ! Vous pouvez vérifier sur le site de l'opération « monjournaloffert.fr »…
Madame la secrétaire d'État, je n'en resterai pas à ces questions, mais je vais vous faire quelques suggestions.
Il me semble nécessaire d'accélérer les procédures de cession de logements en vente en l'état futur d'achèvement aux maîtres d'ouvrages sociaux. À la Réunion, 3 000 logements sont concernés.
Il me semble également nécessaire de faire instruire localement les demandes d'agréments de défiscalisation, par la DDE et par les services fiscaux, avec des délais réduits, et de modifier, si c'est encore possible, les projets de décrets de la LODEOM pour nous permettre d'avoir encore quelque chance de relancer notre économie. Je pense notamment à la défiscalisation de certains logements afin d'aligner les plafonds de ressources sur le Borloo populaire dans la zone B1 pour le Scellier DOM.
Il faut également prendre en compte les difficultés de la petite hôtellerie et des très petites entreprises en reportant le paiement des dettes sociales et fiscales, l'année 2009 incluse.
Il faut entendre les demandes des entreprises de location de voitures de tourisme, véritable outil de développement et de promotion touristique. Elles ont un problème avec les services fiscaux, qui ne leur reconnaissent pas encore la possibilité de bénéficier d'exonérations pour les voitures de moins de cinq ans.
Il est indispensable de mettre en place le RSA jeune, comme je l'ai déjà proposé et, dès maintenant, de fixer le calendrier de l'évaluation du RSA national et du RSTA outre-mer.
Enfin, dans le domaine maritime, je ferai deux propositions : la création d'un espace maritime à l'échelle du bassin sud-ouest de l'océan Indien, et l'instauration d'un organisme interrégional spécifique dont la mission principale serait de prendre des mesures de gestion durable des grands pélagiques migrateurs qui fréquentent également les zones économiques exclusives des pays concernés.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, telles sont les préoccupations de nos compatriotes. Si beaucoup a été accompli, la route est encore longue. Notre avenir, et plus largement celui des outre-mer, est en jeu ! Pour ma part, je pense qu'il ne peut y avoir de politique sociale sans développement économique, ni de politique économique sans politique sociale ! C'est cela la solidarité, et c'est ce qui nous permettra de sortir de la crise en étant acteurs d'une politique au service de l'homme. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de nous accompagner dans cette démarche. Je le confirme : je voterai ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, en raison du temps qui m'est imparti, je m'efforcerai d'aller à l'essentiel en évoquant la situation de Mayotte.
L'objectif que nous souhaitons tous atteindre, en particulier au groupe socialiste, c'est de réussir la départementalisation de Mayotte : que ce ne soit pas un slogan, mais que cela devienne réalité. Or si l'on veut réussir la départementalisation, il est important que le Gouvernement prenne conscience qu'il faut changer de politique dans deux domaines : l'état-civil, le cadastre et la propriété foncière.
En effet, mon cher collègue Aly, il faudra bien sûr uniformiser les prestations sociales, mais on ne pourra les distribuer à des gens dont on ne connaît pas l'état-civil ou dont l'état-civil n'est pas fiable. Il est donc fondamental que Mayotte dispose d'un état-civil. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, pour de nombreuses raisons sur lesquelles je ne reviens pas – la coexistence d'un état-civil coranique avec un état-civil de droit commun, etc.
On a mis en place, et Didier Quentin, en parfait connaisseur du sujet, l'a excellemment évoqué tout à l'heure, une commission de révision de l'état civil. Elle ne fonctionne pas ! En tout cas, pas de manière satisfaisante. Ne me dites pas, madame la ministre, que depuis quelques semaines, elle a une présidente ou un président – pour combien de temps d'ailleurs, on ne le sait pas. C'est une situation qui dure depuis des années. En 2008, 700 pièces d'identité ont été créées, alors qu'il y en a des dizaines de milliers en attente.
Dans ce domaine, il faut donc vraiment changer de braquet. D'autant que, faute d'état civil, on peut avoir des doutes sur la fiabilité des listes électorales. Le nombre d'annulations d'élections locales montre d'ailleurs que cette fiabilité n'est pas du tout assurée. Et la création d'un deuxième poste de député, alors que le nombre de parlementaires de cette assemblée est maintenant globalement limité, fera peser un doute sur la régularité du suffrage, au regard en tout cas des règles métropolitaines.
S'agissant de la propriété foncière et du cadastre, la situation est à peu près la même. S'il existe un cadastre, aucune propriété n'est évaluée. Comment voulez-vous, dans le cadre de la départementalisation, passer à une fiscalité locale de droit commun sans aucune évaluation foncière ? Quant aux propriétaires, quand il en existe, on ne les connaît pas. La moitié des constructions sont effectuées sans permis de construire. Voilà la situation à Mayotte !
Si l'on veut réussir la départementalisation, il faut absolument que l'on puisse arriver à une situation normale. Ainsi, s'agissant des propriétés, les successions sont pour l'instant réglées par les cadis, dans des conditions pas toujours satisfaisantes. Un seul notaire officie à Mayotte – un notaire pour 180 000 habitants. S'il y a des notaires qui m'entendent et qui souhaitent travailler à Mayotte, ils auront de quoi faire !
Sur ces points, il faut absolument que vous changiez de politique, madame la ministre. Fixez une durée – trois ans, cinq ans – à l'issue de laquelle l'état civil devra être fiable et le cadastre assuré ; déterminez les moyens humains et financiers nécessaires à l'obtention de ce résultat dans les délais fixés. Si vous ne procédez pas ainsi, j'insiste, la départementalisation restera toujours un slogan creux.
Un dernier mot sur un sujet important à Mayotte, et qui mériterait beaucoup plus de développements : l'immigration clandestine. C'est une immigration tout à fait particulière, car les 40 000 ou 50 000 clandestins – à peu près le tiers de la population – ont des liens familiaux, culturels, religieux très anciens avec les habitants de Mayotte.
Tout à fait.
J'entends bien qu'il faut faire respecter les lois. Vous luttez, et là avec des moyens importants qui ont été renforcés, contre l'immigration clandestine, et avec de la répression. Mais vous ne pourrez pas régler ce problème uniquement par la répression. Aujourd'hui, 16 000 à 17 000 clandestins sont renvoyés tous les ans, mais il en revient à peu près autant. C'est un cercle sans fin ! Il faudra bien régulariser une partie des clandestins, qui sont là depuis des années, qui ont de la famille à Mayotte, qui y travaillent et enrichissent l'île. Si les tous les clandestins quittaient Mayotte, son économie s'effondrerait ! Par conséquent, à côté de la politique de répression que vous menez, il en faut une autre pour essayer de stabiliser l'immigration.
Voilà, madame la ministre, les trois points sur lesquels je voulais insister, qui sont la condition indispensable pour réussir la décentralisation à Mayotte.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, chers collègues, permettez-moi de dire au Gouvernement ma reconnaissance pour avoir su entendre, à deux reprises cette année, les besoins essentiels de l'outre-mer et singulièrement ceux de la Nouvelle-Calédonie. D'une part, à travers la LODEOM, qui maintient les indispensables outils de développement économique de l'outre-mer. D'autre part, à travers la loi organique relative à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, qui a garanti les moyens humains et financiers suffisants pour assumer au mieux les nouvelles compétences que nous aurons à exercer. C'est ainsi qu'avant la fin de ce mois, les transferts devraient être adoptés par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie à une très large majorité, participant ainsi à l'application sereine de l'accord de Nouméa.
L'activité économique reste soutenue, grâce à l'entrée en production très prochaine de l'usine métallurgique du Sud et à la concrétisation de l'usine du Nord, et ce malgré le plan de restructuration interne annoncée par la SLN, conséquence d'une dérive des coûts non maîtrisée par la direction de l'entreprise alors que les prix étaient au plus haut sur le marché mondial. Sur ce point, je vous ferai parvenir le courrier adressé au PDG d'ERAMET par l'entité chargée de porter les participations de la Nouvelle-Calédonie dans cette société.
Je me félicite par ailleurs de la décision du Président de la République de doubler le nombre des stagiaires formés par le SMA. Vous n'êtes pas sans savoir que cette augmentation d'effectifs se traduit par un besoin en infrastructures nouvelles. Or, malheureusement, une partie des crédits d'investissement a été réorientée vers d'autres zones prioritaires, ce qui retardera par conséquent la mise en oeuvre de ce projet en Nouvelle-Calédonie. Néanmoins, madame la ministre, je voterai ce budget.
Les perspectives tracées par l'accord de Nouméa ne prendront tout leur sens et leur dimension qu'au regard de l'avenir que se choisira la Nouvelle-Calédonie. Nous sommes entrés, depuis les dernières élections provinciales, dans la dernière mandature de l'accord de Nouméa. Cela signifie que, dès 2014, nous sommes susceptibles d'être interrogés par voie de référendum sur le transfert des compétences régaliennes marquant l'accession de la Nouvelle-Calédonie à sa pleine souveraineté, c'est-à-dire son indépendance.
En effet, mais cela ne changerait rien au problème. Si l'accord de Nouméa permet à ceux qui souhaitent rompre définitivement avec la France de répondre oui, et de choisir ainsi consciemment leur destin, ceux qui ne veulent pas rompre avec la République – et ils sont, vous le savez, largement majoritaires –, n'ont d'autre choix que de dire non.
C'est donc à une forme d'impasse que nous aboutirions, alors que nous avons parcouru ensemble un si long chemin depuis 1988.
Dès lors, pourquoi ne pas proposer une solution alternative qui permettrait de dire oui à la fois à ceux qui sont attachés à la France, et à ceux dont la revendication indépendantiste est devenue une revendication identitaire et culturelle ? Cette solution institutionnelle nouvelle serait à la fois durable et démocratiquement approuvée.
Je l'ai esquissée la semaine dernière à Nouméa : il s'agirait pour la Nouvelle-Calédonie d'exercer un maximum de compétences de gestion dans une très large autonomie, tout en consentant librement que les compétences régaliennes soient exercées par la République française.
Si c'était dans l'accord de Nouméa, je n'aurais pas besoin de dire cela, vous le savez très bien.
Ce projet est, à ce stade, délibérément peu affiné pour permettre à chacun d'apporter son éclairage. Mais je puis affirmer que, parmi toutes les composantes politiques, aucune voix autorisée ne s'est élevée a priori contre cette proposition. Au sein de notre famille politique, le président du Congrès s'y est rallié, alors que les autres formations ont manifesté un réel intérêt.
Nous aurons besoin, comme en 1988 et en 1998, que l'État, partenaire de l'accord de Nouméa, crée les conditions juridiques novatrices permettant de construire ce projet fédérateur. Je ne doute pas de sa volonté, car, en avril 2007, Nicolas Sarkozy a écrit : "Je ne ménagerai pas mon soutien aux solutions les plus novatrices sur le plan juridique afin de reconnaître et de garantir la personnalité et les pouvoirs de la Nouvelle-Calédonie dans la France". En décembre 2008 encore, le Président de la République, recevant à l'Élysée les signataires de l'accord de Nouméa, a déclaré : « Il y a un rendez-vous. Ce rendez-vous sera assumé et vous déciderez, mais vous ne déciderez pas dans la violence, parce que dans la violence, on ne décide pas, on subit. Vous déciderez dans la paix, dans l'apaisement, dans le respect des convictions, et une majorité décidera. À ce moment-là, le territoire sera inscrit dans sa destinée. » La proposition que je formule s'inscrit, me semble-t-il, dans cet esprit et ces déclarations.
Je me permettrai d'élargir cette proposition. Pourquoi la République ne s'inspirerait-t-elle pas de cette évolution institutionnelle novatrice de la Nouvelle-Calédonie pour redéfinir ses liens constitutionnels et institutionnels avec l'ensemble des collectivités de l'outre-mer ?
Nos collectivités ultramarines ont été marquées, au cours des vingt-cinq dernières années, par des mutations, des soubresauts, parfois même des crises. Certaines d'entre elles connaissent, à des degrés divers, des revendications indépendantistes qui, le plus souvent, sont fondées, non pas sur une volonté de rupture ou de sécession, mais sur un fort besoin de reconnaissance identitaire et culturelle. Pour ces raisons, je voudrais soumettre à votre réflexion une approche globale qui s'inspire notamment du processus exemplaire vécu par la Nouvelle-Calédonie depuis vingt ans.
L'objectif serait d'aboutir à un binôme constitutionnel et institutionnel, composé d'une part de la France hexagonale, et d'autre part d'un outre-mer français associé. Il s'agirait bien alors de donner une dimension politique et une personnalité juridique à l'outre-mer. Celui-ci ne serait pas monolithique. Nous pourrions imaginer une organisation d'ensemble qui concernerait chacune des régions ultramarines : le Pacifique, l'Atlantique, Caraïbe-Guyane et l'Océan Indien. Elle permettrait d'aboutir à la reconnaissance de l'altérité de l'outre-mer français et à sa coexistence harmonieuse avec la France métropolitaine au sein de la République française. Ce serait une formule ambitieuse dont la République et son outre-mer tireraient matière à des liens nouveaux et durables, dans la reconnaissance et le respect mutuels. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pourquoi faut-il toujours manifester pour être entendu quand il s'agit de l'outre-mer ? Ce n'est pas la première fois que je pose, y compris à cette tribune, cette question fondamentale. La constatation vaut d'ailleurs pour tout l'outre-mer : il n'est que de se rappeler les événements qui ont secoué la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion en début d'année, ou encore les manifestations et mouvements sociaux qui ont ponctué ces derniers mois à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Concernant plus particulièrement l'archipel, la prise en compte du travail effectué en amont par les parlementaires et les élus locaux aurait permis de mieux appréhender les dossiers essentiels que sont la pêche, la desserte maritime et la revalorisation des retraites. Mais l'inertie et le manque d'intérêt de l'administration ont provoqué d'inévitables mouvements de mécontentement dont nous aurions pu faire l'économie, si seulement les élus, les parlementaires en particulier, avaient été écoutés.
Nous avons finalement obtenu des avancées sur ces trois dossiers, et j'ai bon espoir que nous parvenions à les régler enfin tous ensemble. Je me suis fait confirmer que vos services, madame la ministre, assureront le suivi nécessaire auprès des ministères concernés, afin que l'ordonnance tant attendue rende applicable mon amendement à l'article 72 de la loi pour le développement économique des outre-mer, relatif à l'actualisation des régimes de retraites de l'ENIM et de la Caisse de prévoyance sociale de Saint-Pierre-et-Miquelon. Je tiens ici à vous confirmer l'attente des retraités, mais surtout à souligner combien certains sont en difficulté, notamment avec l'arrivée de l'hiver et de ses inévitables charges de chauffage.
Concernant la desserte maritime de nos îles, l'instabilité des solutions mises en place par l'État ces six dernières années handicape tout le développement économique et a créé une tension quasi insupportable entre les acteurs locaux. Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir, là aussi, tiré la sonnette d'alarme et affirmé sans cesse la nécessité de mettre en place une solution publique et collective. Ce dossier pollue l'existence des Saint-Pierrais et des Miquelonnais depuis bien trop longtemps ; ils sont d'ailleurs nombreux à s'être mobilisés dernièrement en signant une pétition demandant au Conseil territorial la tenue d'un référendum local sur la question d'un service public unique. Je souhaite donc vraiment que la discussion qui s'est ouverte avec vos services en début de semaine, madame la secrétaire d'État, nous mène enfin à une solution durable et concertée. Je reste confiante.
Pour revenir au sujet principal de cette séance, lorsque je regarde les chiffres du budget 2010 pour ce qui concerne Saint-Pierre-et-Miquelon, je ne peux que m'alarmer et conclure que la crise sociale a de beaux jours devant elle…
Avec Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon est la seule collectivité qui voit diminuer les crédits d'État. Une baisse de plus de 3 millions d'euros en crédits de paiement depuis l'année dernière sur une dépense totale de 77 millions d'euros représente tout de même une baisse de plus de 4 % de l'engagement global de l'État. Les crédits de la Mission Agriculture et Pêche ont été coupés de moitié en deux ans, avec une disparition totale des crédits à la pêche.
L'État dépense moins pour l'action « développement de la pêche » à Saint-Pierre-et-Miquelon que dans les Terres australes et antarctiques françaises ! Cela ne concerne pas la totalité des crédits attribués au secteur de la pêche, mais c'est tout de même ahurissant.
Plus grave encore, la mission Outre-mer baisse de près de 4 millions d'euros en crédits de paiement entre 2009 et 2010. Ce choc frappe tout particulièrement l'action « conditions de vie outre-mer », qui est pourtant l'élément clé du soutien de l'État à notre collectivité.
Comment ne pas faire le lien entre cette baisse des crédits pour les conditions de vie et la suppression de la prime à la cuve ? Cette mesure, créée en 2005, que mes interventions, à la suite de mon élection, avaient finalement réussi à rendre applicable dans l'archipel, le Gouvernement a décidé, sans consultation ni étude d'impact, de la supprimer. Elle était pourtant juste, car ciblée sur les ménages dans le besoin. C'est plus que regrettable. Or, selon les services de M. Woerth, que j'ai contactés dès l'annonce publique de cette suppression, aucune dérogation à leur niveau ne peut intervenir, la décision étant nationale. Aussi, madame la secrétaire d'État, je vous propose qu'elle soit maintenue de façon dérogatoire en outre-mer. Et cela, compte tenu des contraintes exceptionnelles qui sont les nôtres, de la structure spécifique de nos économies et de la crise économique et sociale d'ampleur que nous traversons tous.
L'État déclare avoir fait un « effort exceptionnel » envers Saint-Pierre-et-Miquelon cette année, notamment dans le dossier du transport maritime. Nous sommes en droit de nous inquiéter de ce qui aurait pu se passer si cet « effort exceptionnel » n'avait pas eu lieu !
Madame la secrétaire d'État, il est grand temps que nous sortions des préjugés faciles sur l'outre-mer « sur-aidé » et que nous mettions enfin en place une politique de développement qui permette aux projets de chaque territoire de se concrétiser par la valorisation de leurs ressources. Cela ne se fera pas sans le soutien de l'État. Pour y arriver, je reste persuadée que l'avenir des outre-mer doit s'inscrire dans un grand dessein national, celui de la mer. Je l'ai dit hier dans cet hémicycle, je crois fermement à un destin plus grand que celui des outre-mer. Les territoires ultramarins, je le répète, font de la France le deuxième domaine maritime mondial et notre pays doit pouvoir s'appuyer sur nos territoires pour relever ce « défi océanique ».
À l'instar de ce qu'ont écrit mon collègue Philippe Folliot et son co-auteur Xavier Louy dans leur ouvrage France-sur-mer, un empire oublié, je suis convaincue de la pertinence d'un grand « Ministère de la mer et des outre-mers ».
Mais, dans l'immédiat, je voudrais vous rappeler pour conclure les grandes attentes qu'ont provoquées dans les territoires ultramarins la LODEOM, le Grenelle de la mer ou encore les états généraux de l'outre-mer. Cela oblige aujourd'hui le Gouvernement, madame la secrétaire d'État, à ne pas rater ce rendez-vous de 2010 avec les outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le budget de l'outre-mer revêt pour nous, députés ultramarins, une importance particulière aujourd'hui, après la tenue des états généraux et alors même que nos collectivités ultramarines font face à une crise économique et sociale sans précédent.
En Polynésie française, nombreux sont ceux qui ont participé aux débats qui se sont tenus au sein de la société civile durant ces derniers mois, …
…et qui ont conduit à dresser un vrai diagnostic et à formuler des recommandations et des propositions importantes et pertinentes. J'y ai moi-même participé et j'y ai discerné des préoccupations certes, mais aussi une grande attente, un espoir aussi : celui d'être enfin entendus !
Nous avons également vu émerger la volonté que soit mis en oeuvre un nouveau mode de développement plus proche de la population, plus respectueux de notre environnement, plus assis sur les richesses de nos territoires d'outre-mer, un nouveau mode de développement porté par une gouvernance respectueuse de l'intérêt général et mieux accompagné par l'État.
C'est une page nouvelle du développement économique et social de la Polynésie française que les États généraux qui s'y sont tenus nous appellent à écrire aujourd'hui.
Dans ce processus, le rôle des pouvoirs publics polynésiens est essentiel. Il est de leur responsabilité d'accompagner cette volonté qui nous porte vers le changement et nous impose de construire la Polynésie française de demain.
Mais il appartient également à l'État de permettre à la Polynésie française de pouvoir l'assumer pleinement en lui assurant le soutien républicain qu'est en droit d'attendre toute collectivité de la République.
Mes chers collègues, je le dis avec beaucoup de gravité devant vous aujourd'hui, La Polynésie française est au bord de la rupture, que ce soit sur le plan économique, sur le plan social ou sur le plan financier.
La crise qui a frappé chacune de nos collectivités sévit gravement en Polynésie. La fréquentation touristique s'est effondrée de plus de 25 % en 2009, après une chute de 15 % en 2008. Les exportations de perles se sont effondrées. Le chiffre d'affaires des entreprises est en baisse de plus de 8 % ; plus de 3 500 emplois salariés ont été détruits en un an.
Sur le plan social, la montée du chômage, estimé à 20 % de la population active, contribue à renforcer la précarité et la paupérisation des populations les plus fragiles. L'inquiétude grandit parmi notre population, nos entreprises sont soumises à de fortes tensions et les investisseurs sont d'une grande frilosité.
L'État a supprimé unilatéralement depuis 2008 tout financement au régime de solidarité de la Polynésie française.
La collectivité supporte 100 millions d'euros d'impayés de la part de l'État au titre de la dotation globale de développement économique, ce qui pourrait la conduire à une insuffisance de trésorerie chronique d'ici à la fin de l'année.
Pour la première fois, en 2009, sous l'effet de la suppression de l'indemnité temporaire de retraite, le montant des pensions versées par l'État en Polynésie française a diminué sans que les mesures d'accompagnement, qui avaient été évoquées à l'époque, apparaissent clairement.
La Polynésie française est durement frappée par les conséquences de cette crise économique et financière avec une chute de plus de 110 millions d'euros des recettes fiscales, soit 10 % de ses recettes de fonctionnement.
Les équilibres budgétaires n'ont été maintenus qu'au prix d'un recours massif à l'emprunt qui a conduit la Polynésie à ouvrir une autorisation d'emprunter de 243 millions d'euros pour la seule année 2009, soit près de trois fois plus que les années précédentes.
La situation financière de la collectivité n'est pas simplement préoccupante : elle est profondément altérée, ce qui peut avoir des conséquences extrêmement importantes sur toute l'économie polynésienne. Si la Polynésie française ne peut obtenir les financements nécessaires à la poursuite des investissements publics, si elle ne reçoit pas de l'État le montant des dotations qu'il s'est engagé à lui verser, les conséquences seront sans appel sur le plan économique et social. Si je m'exprime en ces termes, ce n'est pas pour porter une vision catastrophique, c'est pour rendre compte devant vous d'une réalité, qu'ignore manifestement le projet de budget qui nous est proposé aujourd'hui. Celui-ci est toujours muet sur une quelconque participation de l'État au financement du régime de solidarité de la Polynésie française, supprimée unilatéralement en 2008, alors même qu'il s'agissait de la seule manifestation de l'État envers les plus démunis de nos compatriotes polynésiens.
Cette carence qui frappe les Polynésiens n'est pas acceptable alors que dans le même temps nos concitoyens des départements d'outre-mer bénéficient de mesures de soutien au pouvoir d'achat et ont accès à tous les dispositifs sociaux – RMI, RSA, protection sociale –inexistants en Polynésie française.
On nous dit que ce budget augmente. Je constate qu'il manque 6,97 millions d'euros sur l'enveloppe des crédits de paiement dédiés à la dotation globale de développement économique, qui permettraient de verser à la Polynésie française les sommes qu'elle est en droit d'attendre.
Quelle autre collectivité de la République est ainsi traitée ? Y a-t-il une commune, un département, une région qui, d'une année sur l'autre, voit supprimées, réduites, non réglées les dotations qui lui sont versées annuellement ?
Cette situation est difficilement acceptable sur le plan du droit, mais elle est aussi insupportable financièrement pour la collectivité. Elle fait peser sur elle le risque d'un déséquilibre budgétaire qui lui est interdit et d'une insuffisance de trésorerie.
Madame la secrétaire d'État, je suis inquiet des conséquences de ce budget sur la situation économique, sociale, financière et politique de la Polynésie française.
Quel signe donnons-nous à nos concitoyens de Polynésie qui se sont investis dans les états généraux, à deux jours du regroupement interministériel avec le Président de la République ? Quel signe donnons-nous à ceux qui sont prêts, dans et hors du Gouvernement, à s'engager dans des réformes profondes et structurelles, à mettre en oeuvre une gouvernance respectueuse du suffrage universel et de l'intérêt général ?
Madame la secrétaire d'État, je ne m'adresse pas à vous seulement en tant que député élu de la Polynésie française, mais en qualité de député de la République française.
Quelle sera la République française, si l'État ne respecte plus sa signature, si l'état de droit n'existe plus ? Les principes constitutionnels qui prévoient que toutes les recettes et toutes les charges figurent au budget de l'État ne s'appliqueraient-ils plus dès lors qu'il s'agit de la Polynésie française ?
Le sentiment d'incertitude, de défiance qui risque de s'installer dans nos collectivités au lendemain des états généraux serait particulièrement grave.
Vous savez mon engagement républicain et mon attachement à la France. C'est cet engagement qui me pousse aujourd'hui à vous dire qu'il faut que l'État aussi tienne ses engagements vis-à-vis de la Polynésie française dans le respect de la signature donnée et des valeurs de la République.
La convention signée le 26 juillet 1996 par M. Alain Juppé, celle du 4 octobre 2002 signée par M. Jean-Pierre Raffarin, Premiers ministres de la République, ont mis en place le versement d'une dotation annuelle et pérenne de 150,92 millions d'euros à la Polynésie française.
Il appartient à ce gouvernement de la République de continuer d'honorer cet engagement en inscrivant comme le prévoit la convention du 4 octobre 2002 ,…
…en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, la dotation annuelle de la DGDE pour 2010. Il appartient à ce gouvernement de la République d'honorer cet engagement, en prévoyant le règlement de près de 100 millions d'euros qui restent à verser sur la dotation de l'année 2008.
Je ne conteste pas le souhait de M. Cahuzac, rapporteur spécial de la commission des finances, d'étudier les conditions d'utilisation de cette dotation, …
Monsieur Dosière, je vous rappelle que, chaque année, les autorités de l'État sont informées de l'utilisation des crédits de la DGDE, et toutes les justifications sont à la disposition de la chambre territoriale des comptes. D'ailleurs, le rapport d'exécution 2003-2008 de la DGDE a été transmis en mars 2009 de cette année.
Madame la secrétaire d'État, sans cet engagement républicain de l'État au côté de la Polynésie, je réserve en l'état mon vote. J'attends un engagement de votre part par rapport au « reste à payer » sur les crédits de la DGDE. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes réunis pour l'exercice coutumier d'examen de la Mission Outre-mer du budget 2010. Cette année encore, ce budget semble en augmentation. Mais celle-ci n'est que de façade et cache mal un certain désintérêt, mais surtout une absence totale d'ambition de votre gouvernement pour l'outre-mer.
Année après année, vous semblez suivre un schéma unique, une sorte de matrice du désengagement qui conduit à construire un budget pour l'outre-mer presque uniquement pour combler les exonérations de charges et les dettes de l'État – mais pas toutes.
Je profite de la tribune qui m'est offerte pour vous informer, madame la secrétaire d'État, ou plus sûrement pour vous rappeler la situation dramatique dans laquelle se trouve la plupart de nos collectivités territoriales. Rassurez-vous, je n'entends pas évoquer ici la suppression de la taxe professionnelle, qui est la prochaine embûche que votre gouvernement a placée soigneusement sur la route des collectivités territoriales. Non, mon propos portera plutôt sur les dettes qui existent déjà. Il sera toujours temps de se pencher sur la suppression de la taxe professionnelle le jour où l'UMP aura mis fin à la cacophonie qui entoure ce projet…
En effet, avant que nos collectivités départementales ne sombrent et ne soient acculées à la faillite, dans l'incapacité totale d'assumer leurs charges et leurs missions, n'est-il pas temps que l'État règle enfin ses dettes sociales ?
Pour le seul département de La Réunion, la dette sociale de l'État vis-à-vis du conseil général, qui était de 265 millions d'euros au mois de juin, se rapproche maintenant dangereusement des 300 millions.
Cette dette se répercute sur les budgets des centres d'action sociale des communes et je crains ce jour prochain où les collectivités se retrouveront dans l'incapacité totale de verser les minima sociaux.
Qu'aurez-vous alors à proposer aux populations d'outre-mer, à ces deux millions de Français qui se désespèrent ? Des assises, des tables rondes, un Grenelle de promesses ou bien des états généraux ?
Nous avions été plusieurs, au plus fort de la crise de février dernier, à porter l'initiative des états généraux. Dans notre ambition, il devait s'agir d'un événement permettant, pacifiquement et sans tabou, premièrement d'évoquer toutes les difficultés structurelles de nos territoires ; deuxièmement, de tracer les pistes d'avenir ; troisièmement, de déterminer les objectifs communs à atteindre au profit de l'amélioration des conditions de vie de nos concitoyens.
Nous attendions des mesures fortes, de nature à offrir aux territoires et à la population des perspectives de développement économique, de développement social à la mesure des enjeux et de la gravité de la situation.
Lors de l'examen de la LODEOM, votre prédécesseur avait d'ailleurs renvoyé bon nombre de nos amendements, pour ne pas dire l'immense majorité, à la conclusion des états généraux.
Or force est de constater qu'au terme du processus, de cette grande consultation, qui a tant mobilisé, qui a tant laissé espérer de nombreux acteurs de la vie sociale et économique outre-mer, les résultats sont loin d'être à la hauteur.
En effet, l'annonce du développement du nautisme en Guadeloupe ou même du classement de La Réunion au patrimoine mondial de l'UNESCO sont, je n'en doute pas, des décisions sectorielles qui auront très probablement des effets positifs et que nous ne saurions rejeter. Cependant, je ne crois pas que ces mesures seront suffisantes pour conduire très vite l'outre-mer sur le chemin de la prospérité et du mieux-vivre pour tous.
En outre, si le Gouvernement était tenté de « vendre » une seconde fois les prétendues avancées de la LODEOM, toujours non suivies d'effet, cette tentative serait fort mal vécue.
La crise sociale et la désespérance sont redevenues silencieuses, les feux des projecteurs se sont éteints, les manifestants sont rentrés chez eux et les CRS dans leurs casernes ; mais la population est déçue et la réplique sociale doit être redoutée.
Comme la plupart de mes collègues, sur tous les bancs de cet hémicycle, nous déplorons ce budget sans réel objectif politique, sans aucune perspective, en fait sans solutions.
Encore une fois, la ligne budgétaire unique, outil essentiel pour résoudre la crise du logement, est en baisse. Or vous ne pouvez ignorer que la crise du logement qui secoue l'outre-mer est aiguë et que le secteur du bâtiment et de la construction vit une crise sans précédent.
Le bâtiment a en effet perdu près d'un quart de ses emplois ces derniers mois. Ce budget aurait été une opportunité pour réagir et pour soutenir massivement ce secteur et les personnes qui y sont employées, comme votre Gouvernement a soutenu les banques et les financiers l'an dernier.
Ces graves problèmes que nous autres, élus de terrain, rencontrons au quotidien ne semblent décidément avoir que peu d'écho ou en tout cas ne sont pas pris en considération à Paris.
L'entrée en vigueur du RSA sans cesse repoussée, le RSTA qui amputera la prime pour l'emploi, la réduction drastique des contrats aidés : autant d'éléments qui trahissent le profond désintérêt, pour ne pas dire le mépris de l'actuel Gouvernement pour les outre-mer.
Vous vous targuez de renforcer le service militaire adapté, déclarant en faire la pierre angulaire de votre politique outre-mer en doublant le nombre de jeunes accueillis sur les trois prochaines années. Je vous rejoins sur cet objectif, madame la secrétaire d'État. J'estime en effet que le SMA est un instrument fondamental pour intégrer les jeunes ultramarins. On estime à près de 80 % le taux d'intégration des jeunes ayant accompli le service militaire adapté ; nos communes y participent.
Mais une fois encore, vos ambitions résistent mal à l'épreuve des chiffres. En effet, comment pensez-vous remplir cet objectif ambitieux alors que seulement cinquante-quatre nouveaux contrats sont prévus dans le projet de loi de finances ?
Enfin, la publication des décrets d'application de la LODEOM, que nous aurons attendus près de deux ans alors que nous avions, dans l'urgence et la précipitation, bâclé l'examen de cette loi, devra visiblement attendre encore. Pourquoi avoir déclaré l'urgence sur ce texte et n'en avoir pas permis un second examen par les deux chambres, si c'était pour tarder autant à prendre les mesures réglementaires indispensables à son application ?
Madame la secrétaire d'État, les acteurs socio-économiques et les populations n'en peuvent plus d'attendre ces mesures et je ne saurais trop vous inciter à les prendre rapidement. Je vous avoue que les populations ultramarines ont de moins en moins confiance en ce Gouvernement.
Elles ne croient plus aux bonnes intentions et aux discours lénifiants d'un gouvernement qui n'essaye même plus de formuler des promesses.
Lors de votre visite en Guadeloupe le 12 octobre dernier, madame la secrétaire d'État, vous avez déclaré : « Les gens ne supportent pas que les ministres arrivent avec des projets tout prêts et des promesses de crédits. Ils attendent une écoute, un soutien. » Je suis tenté de vous répondre que si les gens dont vous parlez ont assurément besoin d'écoute et de soutien, ils ne se contenteront pas d'une simple « calinothérapie »...
Je crois, au contraire, que votre mission consiste à préparer des projets – même si c'est difficile, j'en conviens –, à réfléchir à l'avenir de l'outre-mer, à cibler et à financer les actions décisives pour son développement économique et social, à soutenir les collectivités territoriales – bref, à redonner un espoir à des populations qui n'en ont plus et qui l'ont fait savoir au début de cette année.
En conclusion, les outre-mer ont besoin d'élan et d'initiative, non du renoncement et du désengagement symbolisés par ce budget. L'outre-mer a besoin d'actions, non d'incantations. Pour toutes ces raisons, vous ne serez donc pas surprise, madame la secrétaire d'État, que je ne vote pas la mission « Outre-mer » de l'exercice 2010. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comme chaque année, nous nous retrouvons aujourd'hui pour débattre du budget de l'outre-mer.
Ce budget connaît une augmentation notable de 6 % par rapport à 2009. Même si le montant des crédits n'est pas le seul critère d'appréciation de l'action de l'État, nous devons saluer l'effort consenti par le Gouvernement, et donc par notre majorité, en faveur des populations des outre-mer.
Je souhaite, madame la secrétaire d'État, vous remercier d'avoir, en ces temps budgétaires difficiles, obtenu des arbitrages aussi favorables.
Ce budget est fortement marqué par la mise en oeuvre de la loi pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM que nous avons votée en avril dernier, ainsi que par la prise en compte des mouvements sociaux intervenus en Guadeloupe et en Martinique.
Ce budget n'est toutefois que le reflet très partiel de l'effort global de l'État en faveur des outre-mer, qui s'élève au total à 17,2 milliards d'euros, soit plus de 2 050 milliards de francs Pacifique pour les douze collectivités ultramarines.
Les crédits du secrétariat d'État à l'outre-mer s'élèvent, en effet, à un peu moins de 2 milliards d'euros, soit environ 240 milliards de francs Pacifique – ce qui représente moins de 12 % de la contribution totale que l'État consacrera l'année prochaine à l'ensemble des outre-mer,
Depuis un an, plusieurs réformes ont eu un impact direct sur l'outre-mer, en particulier le plafonnement de la défiscalisation et la LODEOM.
En ce qui concerne la défiscalisation, vous avez prévu une dépense fiscale de près de 2 milliards d'euros, soit plus de 240 milliards de francs Pacifique.
Je souhaite appeler votre attention sur la garantie donnée aux parlementaires des outre-mer, affirmée et réaffirmée par le Gouvernement, que ce plafonnement n'est en rien motivé par une volonté d'économie, mais exclusivement par un souci d'équité fiscale pour les contribuables métropolitains.
Il est encore trop tôt pour évaluer les réels effets de ce plafonnement sur l'investissement productif et sur le bâtiment, qui sont des secteurs essentiels pour nos économies ultramarines. Les avancées réelles obtenues dans le cadre du débat au Parlement, par l'intermédiaire d'amendements adoptés, ne doivent pas être remises en cause.
La défiscalisation demeure un outil essentiel du développement économique en outre-mer et je remercie le Gouvernement de nous avoir soutenus contre les velléités de certains de nos collègues de réduire, dès 2010, le seuil du plafonnement global. Cette réduction ne serait pas sans conséquences, j'en suis certain, sur la défiscalisation outre-mer.
Je propose, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, que nous fassions en 2010 un bilan de ce plafonnement afin d'évaluer son impact réel sur nos économies et, si nécessaire, d'en tirer les conséquences.
Votre budget est également largement influencé par la mise en oeuvre de la LODEOM. La plupart des traductions budgétaires de cette loi – zones franches globales, exonérations de cotisations patronales, aides aux entreprises pour le fret...– concerne essentiellement les départements d'outre-mer et peu les autres collectivités.
D'autres dispositions concernent en revanche tout l'outre-mer comme la réforme du passeport mobilité et de la continuité territoriale, la priorité donnée à la défiscalisation du logement social, l'extension du service militaire adapté. Ces actions de l'État sont importantes pour nos collectivités. Nous devons, nous qui soutenons l'action du Président de la République et de notre majorité, veiller à leur réussite.
C'est pourquoi j'appelle votre attention sur l'importance des décrets d'application dont nous ne connaissons pas à ce jour la teneur et qui devraient dans les semaines prochaines permettre la mise en oeuvre de ces dispositions.
Concernant plus particulièrement la Nouvelle-Calédonie, l'État lui consacrera plus de 180 milliards de francs Pacifique en 2010. Afin de rendre plus compréhensible ce chiffre, je rappellerai que ce montant représente quatorze fois l'impôt sur le revenu acquitté par les Calédoniens.
C'est dire l'importance du soutien de la France à la Nouvelle-Calédonie.
Certains élus calédoniens font semblant de l'oublier ou aimeraient le passer sous silence afin de laisser croire que la Nouvelle-Calédonie peut se suffire à elle-même. Je m'efforcerai pour ma part de le rappeler chaque fois que nécessaire. Nous bénéficions de cette solidarité pour une seule et simple raison : nous sommes Français.
À ceux qui laissent croire aux Calédoniens, naïvement ou cyniquement, que cette solidarité serait maintenue même en cas d'indépendance, je voudrais rappeler un seul chiffre : celui de l'aide que la France apporte à l'État du Vanuatu, qui est indépendant depuis près de trente ans et dont la population est équivalente à celle de la Nouvelle-Calédonie.
Cette aide s'élèvera pour 2010 à 4 millions d'euros, c'est-à-dire 480 millions de francs Pacifique, soit 375 fois moins que les 180 milliards que la France apportera en 2010 à la Nouvelle-Calédonie !
Cette contribution de l'État permet essentiellement d'assurer aux Calédoniens un service public du niveau d'un pays développé, niveau incomparable avec celui existant dans les États insulaires indépendants du Pacifique.
N'oublions pas que la gendarmerie, la police nationale, l'armée, les douanes, la justice, l'enseignement secondaire public, l'enseignement primaire et secondaire privé, pour ne citer que ces exemples, sont autant de services publics pris en charge directement par l'État et, par conséquent, offerts gratuitement aux Calédoniens par le contribuable métropolitain.
Cette contribution de l'État permet également à la Nouvelle-Calédonie, aux trois provinces Nord, Sud et îles Loyauté ainsi qu'aux trente-trois communes, d'exercer leurs compétences qui sont de plus en plus nombreuses.
Aucune de ces collectivités ne pourrait assurer le service public qu'elles offrent à nos concitoyens, engager les investissements indispensables à notre bien-être, sans cette contribution de l'État.
Routes, assainissement, écoles, terrains de sport, équipements culturels, logements sociaux : autant de réalisations, dans le grand Nouméa, sur la Grande Terre ou dans les îles, qui sont rendues possibles grâce à l'État. Cette contribution se traduit également par la défiscalisation, qui est moins visible par nos compatriotes.
On ne dit pas suffisamment aux habitants des îles Loyauté qui, dans leur très grande majorité, ont voté indépendantiste le 10 mai dernier lors des élections provinciales et qui devront retourner aux urnes le 6 décembre prochain, que l'État est un acteur essentiel du développement des îles.
Les ATR 42 d'Air Calédonie, le Bético 2, les hôtels Drehu village, Nengone village, Paradis d'Ouvéa, la future unité de transformation de santal à Mare sont autant d'exemples de la nécessité de la défiscalisation.
Ces investissements n'auraient pas été possibles sans l'aide de l'État. Chaque Calédonien, et singulièrement chaque Loyaltien, doit garder à l'esprit cet état de fait, mis en évidence en juillet dernier par le débat sur les compensations financières du transfert de compétences de l'enseignement secondaire à l'occasion de la modification de la loi organique. Nous avons alors constaté que tous les élus calédoniens, indépendantistes ou non, souhaitaient que l'État maintienne son soutien financier.
La Nouvelle-Calédonie ne peut assumer seule certaines compétences, même si d'aucuns souhaitent en avoir la responsabilité. Sans la France, les Calédoniens ne pourraient bénéficier du même service public ni du même développement économique, donc du même niveau de vie.
Le budget de l'outre-mer pour 2010 témoigne de l'intérêt que le Président de la République et le Gouvernement accordent aux populations d'outre-mer. Il renforcera l'action de l'État dans nos collectivités. Telles sont les raisons pour lesquelles je le voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la secrétaire d'État, je sais que ce budget s'inscrit dans un contexte extrêmement difficile dont je n'ai nullement l'intention de vous faire porter la responsabilité directe. Je veux parler du déficit, qui atteint 140 milliards d'euros, soit 8,55 % du PIB, de la dégradation continue des finances publiques et du contexte de crise mondiale.
Mais, qu'on le veuille ou non, certains choix, à notre niveau, ont été source de grandes difficultés. Je songe au bouclier fiscal, à la défiscalisation des heures supplémentaires et à des réformes fragilisantes : celle de la taxe professionnelle, qui nous concerne directement, et celle du service public – sur La Poste, j'ai mon idée, qui est personnelle, mais aussi politique.
Je songe également aux décisions relatives au RSTA, à propos desquelles je partage le point de vue de Victorin Lurel : la parole de l'État doit impérativement être respectée. Jérôme Cahuzac l'a également rappelé.
Je n'intente aucun procès d'intention au Gouvernement, et surtout pas à vous, mais je souhaite que l'on prenne conscience de la gravité de la situation. À la Martinique, 418 entreprises ont été liquidées en 2008, 312 en 2009 ; près de 10 000 emplois ont été ainsi sacrifiés. 60 % des jeunes de moins de vingt-six ans sont sans activité et la commande publique est au plus bas. D'un million de visiteurs, la fréquentation touristique est tombée à 500 000.
Est-ce une crise sociale, une crise économique ou une crise identitaire ? Je préfère pour ma part la formule de Jacky Dahomey, que Victorin Lurel connaît bien : il s'agit d'une crise sociétale majeure et sans précédent où la revendication fondamentale d'égalité des droits au sein de la République vient heurter le désir profond d'être martiniquais, guadeloupéen ou guyanais.
Madame la secrétaire d'État, je ne réduirai pas mon analyse à un exercice comptable ; cela a déjà été fait. Je voudrais en revanche poser quelques questions de fond, car si le rôle de l'État est important, il est également primordial d'instaurer sur place une dynamique économique. Où en sont les textes d'application de la LODEOM ? Qu'en est-il du fonds exceptionnel d'investissement, de l'aide au fret, de la création de zones franches d'activité, du fonds de continuité territoriale ? Où en est le projet de reconnaissance pleine et entière de la pharmacopée locale, qui constitue désormais un atout pour notre pays ?
S'agissant du logement, nous saluons les achats en VEFA, et je me félicite personnellement du travail que nous avons accompli ensemble pour tenter de mettre fin à l'habitat indigne. Je rappelle que 60 000 maisons sont concernées par ce dernier, voire 80 000 pour tout l'outre-mer. Mais permettez-moi de ne pas comprendre l'application pernicieuse de la défiscalisation applicable au logement social. Je suis très inquiet ; je souhaite que vous réussissiez, mais Jérôme Cahuzac a raison d'appeler notre attention sur la complexité du processus et d'envisager que la sacralisation de la LBU puisse contribuer à la poursuite de la construction.
Quant au SMA, le projet de tripler le nombre de jeunes concernés constitue une excellente initiative, aux réserves près, formulées par Victorin Lurel, qui portent sur la réduction du temps. Mais il s'agit de la seule solution proposée aux problèmes des jeunes. Or, le financement des contrats aidés, seul capable de se substituer aux défaillances d'une économie qui ne peut créer d'activité directe, perd 748 millions d'euros, après 600 millions l'année dernière.
Enfin, madame la secrétaire d'État, quel sens donnez-vous à l'article 72-2 de la Constitution, qui dispose que toute compétence transférée aux collectivités, y compris nouvelle, doit s'accompagner des ressources correspondantes ? Lorsque l'on évoque à propos de la Nouvelle-Calédonie une dette de 100 millions d'euros au titre de la DGDE, lorsque l'on supprime unilatéralement, sans discussion, le soutien accordé à la Polynésie française – on l'a rappelé tout à l'heure –, lorsque la dette résultant des exonérations de charges risque selon la commission d'atteindre 614 millions d'euros d'ici à 2010, on est en droit de s'interroger sur la capacité de l'État à respecter une règle régalienne inscrite dans la Constitution.
Madame la secrétaire d'État, je vous mets en garde à l'heure où la France s'interroge sur l'identité nationale. À chaque société sa crise, à chaque peuple le droit de se replier sur lui-même. Mais les conséquences sont connues d'avance : xénophobie, racisme, discrimination, exclusion, intolérance, peur de l'autre, défaut de reconnaissance. À l'heure des grandes mutations écologiques, des tragédies humaines liées à la famine, aux risques majeurs et aux dépossessions, à l'heure où le multiculturalisme devient un enjeu de société essentiel, notamment en France…
…, je me réfère volontiers à la pensée de Claude Lévi-Strauss, qui vient de quitter ce monde, et je vous y renvoie non seulement comme à une proclamation universelle de l'égalité naturelle, mais comme à une proclamation qui exige des institutions publiques la reconnaissance du fait que le pluralisme culturel et humain est une richesse collective et un atout pour le progrès.
Je conclus, monsieur le président.
Voilà pourquoi, en ce début de troisième millénaire, le défi commun que la France et les départements d'outre-mer doivent relever est l'invention – j'y insiste – d'une nouvelle politique de la reconnaissance, selon laquelle l'autonomie ne sera pas l'ennemi de l'égalité des droits, mais une conception moderne du progrès et de la démocratie.
« Un pas, un autre pas et tenir gagné chaque pas », nous disait le poète. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Quel dommage de couper d'aussi belles phrases par des « veuillez conclure » !
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je vais vous parler de démocratie, de richesse et de justice – non sans avoir rendu hommage, madame la secrétaire d'État, à votre action au service de l'outre-mer et de notre pays.
De démocratie, car, on l'a vu lors de la crise de l'hiver dernier, l'intérêt et la passion que la nation porte à l'outre-mer ne sont pas gagnés d'avance. Au sein de notre hémicycle, l'examen du budget de l'outre-mer rassemble souvent des élus ultramarins, mais trop peu d'élus de la métropole.
Cette question du lien croisé entre métropole et outre-mer est importante ; elle constitue aussi un enjeu du débat sur l'identité nationale. À mon sens, vous devrez prendre une part non négligeable à ce débat, auquel devront également participer tous nos concitoyens d'outre-mer ; et nos concitoyens de métropole devront se poser la question de l'identité nationale partagée avec l'outre-mer.
La démocratie, c'est aussi la question de la présence outre-mer de la nation et de l'État, qui se sont parfois montrés défaillants lors des événements douloureux de l'hiver dernier. Cette situation, vous le savez, a été mal vécue par nombre de nos compatriotes.
S'il est important que le mouvement social prenne demain part à notre démocratie, s'il est essentiel que nous nous parlions, les valeurs fondamentales de la République n'en doivent pas moins être affirmées toujours et partout. Or elles ne l'ont pas toujours été.
En démocratie, il est également nécessaire que nous, députés, et tous les Français comprennent bien le point de vue du Gouvernement. En effet, lors des consultations qui s'annoncent en Martinique comme en Guyane, des questions seront posées aux citoyens ; or, lorsqu'un Gouvernement pose des questions, il doit faire part de ses convictions.
Je veux également vous parler de richesse, car la crise fait sentir ses effets sur l'outre-mer, où la situation de l'emploi, déjà très détériorée, s'est aggravée, alors même qu'elle s'était davantage améliorée qu'en métropole au cours des années précédentes. À la différence de ce qui s'est passé en métropole, la crise rejaillit également sur l'inflation, qui reste élevée dans nombre de collectivités d'outre-mer.
D'autres collègues l'ont dit : après le vote de la loi d'orientation et de développement économique, nous en attendons bien sûr les décrets d'application, et nous attendons que les remarquables perspectives qu'elle ouvrait, notamment au développement d'énergies renouvelables, se concrétisent. Naturellement, nous serons également attentifs à l'application et à l'évaluation des dispositifs fiscaux Corrigés ces derniers mois, ils sont souvent efficaces, même si d'autres corrections peuvent se révéler nécessaires. Mais la stabilité du contexte fiscal, à laquelle nos collègues sont légitimement très attachés, sera d'autant plus assurée que ce contexte aura été évalué en amont. C'est ainsi que l'on construit solidement ; c'est ainsi que les investisseurs, dans l'immobilier et dans l'industrie, pourront prendre des décisions durables.
En sortie de crise, l'État sera sans doute tenté de bouleverser de nombreuses politiques publiques ; il sera alors d'autant plus important que la politique, les moyens et le budget de l'outre-mer soient bien justifiés.
À ce propos, je veux enfin vous parler de justice, madame la secrétaire d'État – en matière d'insertion et d'emploi, mais aussi s'agissant du développement du service militaire adapté : que de temps aura-t-il fallu pour en reconnaître la vertu et en développer les effets ! Quant au RSTA, sans aller aussi loin que nos collègues socialistes, je juge indispensable la clarification de plusieurs points d'application.
Je conclurai en évoquant l'enjeu essentiel que constitue la santé. Il s'agit d'une priorité partout en France, et en particulier outre-mer. Il est bon que cette priorité soit aujourd'hui affichée. Mais qu'en est-il en réalité, madame la secrétaire d'État ? Je me suis permis d'étudier la manière dont le document transversal traitait le sujet, car cette approche très précise a son importance. Nombre d'indicateurs de performance sont mal renseignés ou problématiques, par exemple la non-conformité en matière de bonnes pratiques d'utilisation de produits phyto-sanitaires. Nous avons besoin de meilleurs indicateurs.
De véritables progrès ont été accomplis en matière de dépistage du cancer du sein. Mais, à en juger par le tableau, des inquiétudes subsistent quant à la proportion de la population consommant une eau non conforme aux caractéristiques microbiologiques. On constate des progrès en Guadeloupe, mais non en Martinique…
…, où la situation se détériore, ni à la Réunion, pour laquelle les chiffres sont inquiétants : 12 % de non-conformité en 2007, 30 % en 2008, 26 % espérés en 2009 et 10 % espérés en 2010.
Madame la secrétaire d'État, je souhaite que la priorité que vous dites vouloir accorder à la santé – à juste titre – se traduise réellement demain par les progrès que notre outre-mer mérite.
Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un bon budget, et nous le voterons volontiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la secrétaire d'État, après mes collègues Aly et Dosière, j'aimerais appeler votre attention sur les risques qu'entraînerait le moindre désengagement de l'État à Mayotte où nous avons créé, par nos votes ici même, des attentes et des espoirs que nous n'avons pas le droit de décevoir, compte tenu du contexte très spécial que connaît l'archipel.
Mon propos ne sera pas tant de stigmatiser les moyens toujours trop limités de votre département ministériel que de vous alerter sur les risques que court la collectivité départementale de Mayotte dans cette phase délicate qui la sépare de l'accession au statut de département d'outre-mer de plein exercice.
Nous sommes face à cinq enjeux majeurs, dont le premier est l'indispensable rattrapage de Mayotte.
Au-delà des images idylliques de l'enthousiasme populaire déclenché par le referendum, rappelons que Mayotte est le territoire de la République où les indicateurs économiques et sociaux sont au plus bas niveau : espérance de vie, niveau de scolarisation, accès au logement et aux soins. Raison de plus pour que les efforts de rattrapage soient poursuivis et amplifiés.
Beaucoup a déjà été fait. Toutefois, la croissance démographique naturelle ou liée à l'immigration – j'y reviendrai – ne permet pas d'attendre. Il faut poursuivre les investissements publics dans les deux domaines prioritaires que sont la santé et l'éducation. Pour la deuxième année consécutive, la rentrée scolaire aura été marquée par des inaugurations de préfabriqués après une décennie de constructions de lycées et de collèges en dur. C'est un signe inquiétant.
Le deuxième enjeu est le calendrier de la mise en place de la départementalisation. La feuille de route intitulée « Pacte pour la départementalisation de Mayotte » a fait l'objet d'un gros effort d'explication. Toutefois, est-on sûr que tous les responsables mahorais – élus, responsables économiques et sociaux – et la population même se le sont bien approprié ? Permettez-moi d'en douter. Le système de protection sociale, plus particulièrement les minima sociaux, ne peut se mettre en place qu'avec un état civil fiable, comme l'a souligné René Dosière. Le vote du 29 mars a entraîné des impatiences qui peuvent déboucher sur des incompréhensions, voire des mouvements sociaux durs.
Le troisième enjeu, madame la secrétaire d'État, est l'adaptation des politiques publiques à Mayotte. Le très gros chantier des prestations sociales est sans doute le plus complexe. En effet, les réformes qui auront un impact direct sur la vie des habitants devront faire l'objet d'une véritable co-élaboration avec les représentants de la société mahoraise si l'on ne veut pas que des effets pervers prennent le pas sur les avancées sociales.
La mise en place d'une fiscalité locale fait partie de ces dossiers difficiles – ce n'est pas réservé à la métropole ! – qui prendront du temps. À cet égard, l'échéance de 2014 prévue dans le pacte paraît bien proche. Le rôle du Parlement, mes chers collègues, sera déterminant pour les mesures d'adaptation qui seront du domaine de la loi.
Parmi les politiques publiques, je voudrais mentionner pour ce qui est de la formation professionnelle le rôle très positif du SMA. Vouloir doubler ses effectifs sans que l'État consente un effort corrélatif pour le maintenir à douze mois et construire les infrastructures nécessaires revient à mettre à mal l'un des outils publics qui fonctionnent le mieux pour les jeunes. Sans doute faudra-t-il le compléter par le service civique, déjà voté par le Sénat que je vous suggérerai de généraliser à l'outre-mer dès que notre assemblée sera saisie du texte.
Le quatrième enjeu est l'indispensable apaisement du contexte régional. Au-delà de la revendication de l'Union des Comores sur Mayotte, toute crise importante dans l'une des trois autres îles de l'archipel a toujours eu des répercussions sur Mayotte. Les événements du 27 mars 2008, avec le dérapage qu'a connu en quelques heures la manifestation politique, dégénérant en violences urbaines, sont le signe tangible que la situation est extrêmement fragile.
Le développement économique et social de Mayotte et la départementalisation ne peuvent se mettre en place que dans un environnement régional apaisé. Les discussions avec les Comores doivent donc reprendre car le groupe technique de haut niveau, le GTHN, installé par les présidents Sarkozy et Sambi, il y a deux ans, est au point mort, il faut le noter. Cette fragilité de l'environnement régional peut à tout moment déstabiliser Mayotte.
Comment accepter que notre politique de reconduite des Anjouanais chez eux – services de police, de gendarmerie, vedettes, centres de rétention, radars, retours en avion ou en bateau – nous coûte 30 millions d'euros par an, selon l'estimation du préfet lui-même, alors que le document-cadre de partenariat France-Comores porte sur une somme de 88 millions d'euros, soit 22 millions par an ? La construction de la maternité que la coopération française devait financer à Anjouan est toujours à l'état de projet.
J'en viens au cinquième enjeu, qui est un constat, celui de l'échec de la politique de lutte contre l'immigration clandestine.
Il faut se rendre à l'évidence : l'immigration clandestine augmente à Mayotte même si nos eaux territoriales sont devenues un vaste cimetière marin. Plusieurs centaines de Comoriens meurent chaque année dans des accidents de kwasa-kwasa. Ce sont 1 000 enfants qui sont chaque année abandonnés à eux-mêmes, seuls, sans ressources, non scolarisés, après l'expulsion de leurs parents. C'est une génération entière d'adolescents qui, faute de repères et de famille, vont grossir les statistiques de la petite délinquance et qui sont déjà engagés dans les violences urbaines.
C'est une prison, à Majicavo, où s'entassent des passeurs de clandestins, pris en flagrant délit avec un taux d'occupation des cellules de 271 %. C'est un centre de rétention qui constitue une honte pour la France et qui, convenons-en, ne sert à rien, un centre que l'on veut reconstruire à l'aéroport de Pamandzi au lieu de construire des écoles.
L'État marche sur la tête, madame la secrétaire d'État. Il faut se ressaisir. Nous espérons ainsi vous aider à convaincre le Président de la République et le Premier ministre vendredi d'envoyer des messages positifs aux Mahorais. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, comment évoquer la situation de l'outre-mer sans revenir sur la crise qui, à la fin de l'année dernière et au début de cette année, a secoué les départements d'outre-mer, la Guadeloupe en particulier. Crise sociale, interrogation identitaire, entreprise politique ? Ce qui est certain, c'est que les difficultés sociales sont évidentes : un salaire moyen inférieur de l'ordre de 10 % au salaire moyen métropolitain ; des prix très souvent plus élevés, fréquemment de 30 %, parfois davantage, comme l'a fort bien expliqué notre collègue Marie-Jeanne ; un taux de chômage qui, malgré une amélioration au cours des dernières années, reste encore trois fois supérieur à la moyenne nationale.
Objectivement, la situation sociale est difficile. Subjectivement, elle est ressentie comme une injustice, sentiment dont il faut reconnaître qu'il est très souvent fondé.
Il est évident que, dans ce cadre, la moindre étincelle peut conduire à un embrasement général. C'est ce qui s'est passé au début de cette année, l'étincelle ayant été le prix des carburants. On ne dira jamais assez que le système qui régit actuellement les départements d'outre-mer est dépassé, tout d'abord parce qu'il est inflationniste – jamais les réglementations ne produisent les effets que l'on attend. Nous savons, par ailleurs, que les normes de qualité de nos carburants entraînent des prix plus élevés mais rendent aussi la rationalisation des circuits de distribution impossible, particulièrement dans la Caraïbe.
La crise du début de l'année a donc des raisons d'ordre social mais je crois qu'il est évident qu'elle a également fait l'objet d'une orchestration et d'une exploitation de nature incontestablement politique. Les départements antillais sont, en effet, parmi les derniers départements de France où recrutent des organisations syndicales qui confondent délibérément la défense des travailleurs et le militantisme révolutionnaire.
Il suffit de se reporter aux débats de ces organisations syndicales, aux motions que publiquement elles adoptent pour mesurer que chez elles, la volonté de déstabilisation politique prend trop souvent le pas sur l'action syndicale. Lorsque la crise éclate, rares sont ceux, quelles que soient les familles politiques, qui se rangent aux côtés de ceux qui défendent la paix publique.
Le résultat, nous le connaissons : en Guadeloupe, quarante-quatre jours de grève, de blocage, de menaces, de violences ; au bout de ce tunnel, une économie meurtrie, une saison touristique gâchée, des hôtels fermés, des magasins brûlés, des agences de voyage désertées, des restaurants vides, une image ternie, une économie en berne et, bien sûr, des salariés licenciés.
Les premières victimes de cette tragique explosion ont une fois encore été les Guadeloupéens eux-mêmes ; ceux qui ont allumé la mèche ont une fois encore joué la politique du pire. Face à cette situation, l'État s'est attaché à faire son devoir.
La loi d'orientation pour le développement économique outre-mer crée de nouvelles incitations à l'embauche et à l'investissement ainsi que de nouveaux soutiens au pouvoir d'achat. Les états généraux de l'outre-mer se sont attachés à remettre autour la table ceux qui s'étaient affrontés et à faire émerger des idées nouvelles et des projets communs.
Le budget que vous nous présentez ce soir, madame la secrétaire d'État, comporte des avancées qu'il faut souligner. Je noterai la progression des dépenses fiscales au service du développement et de l'emploi. Elle a son importance alors que la ressource fiscale se fait rare.
Je voudrais citer également l'effort sans précédent consenti pour le logement social, puisque les 255 millions d'euros de la ligne budgétaire unique – les crédits budgétaires demeurant le socle de cette politique, monsieur Almont – sont complétés par la ressource nouvelle que constitue la défiscalisation, laquelle doit permettre de financer cette année 110 millions de programmes sociaux. Jamais on n'avait auparavant disposé de telles ressources pour cette action prioritaire qu'est le logement social.
Madame la secrétaire d'État, j'entends donc saluer votre action et soutenir vos initiatives. Mais je voudrais aussi saisir l'occasion de cette intervention pour dire non seulement à mes collègues mais également à tous nos concitoyens d'outre-mer que, dans tout processus de développement économique et social, l'engagement de l'État, si fort qu'il puisse être, pèsera toujours moins lourd que la cohésion d'un peuple.
La condition essentielle d'une reprise du pouvoir d'achat n'est pas le cumul ou non, total ou partiel, de tel ou tel avantage public – bien sûr, il est nécessaire que soient fixées les conditions de fonctionnement et de cumul du RSTA et de la prime pour l'emploi –, mais le développement économique bâti autour d'un projet partagé.
Mon voeu le plus cher est que, par-delà les blessures de l'histoire, par-delà les injustices d'aujourd'hui et les dissensions de toujours, nos outre-mer sachent se prendre par la main pour trouver ensemble la voie d'une ambition commune et d'un effort partagé. C'est de leur cohésion, de leur solidarité interne, de leur adhésion à un projet commun que dépend fondamentalement leur avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, chers collègues, ce troisième budget de la treizième législature, que je qualifierais de projet ambitieux mérite qu'on s'y attarde plus sérieusement.
Ambitieux, il l'est sans nul doute. Il n'est qu'à voir l'étendue et la diversité des programmes et missions : 88 programmes de politique transversale pour 2010 au lieu de 51 en 2009. En analysant plus profondément ces programmes, on pourrait d'ailleurs constater quelques avancées par rapport aux années précédentes, du moins pour ce qui concerne ma collectivité.
Depuis 2008, je n'ai cessé d'interpeller le Gouvernement et tous les ministres concernés par l'outre-mer à propos de l'insuffisance du budget et de la situation très particulière de la collectivité de Wallis et Futuna.
Comme vous savez, madame la secrétaire d'État, même si vous ne vous êtes pas encore rendue sur notre archipel, cette collectivité souffre plus que d'autres de son éloignement de la métropole, de son isolement mais aussi de son exclusion fréquente des décisions politiques ou financières du Gouvernement. Elle souffre plus que d'autres de son insularité, double, qui aggrave le retard de son développement économique et l'application des mesures indispensables à l'amélioration des conditions de vie de ses populations.
Notre développement économique est entièrement dépendant de la commande publique. Les baisses substantielles, tout comme les retards de délégation des crédits de paiement, ont un impact direct sur l'économie locale et génèrent des conséquences irréversibles. Ils retardent de plusieurs années la réalisation des projets structurants indispensables au développement durable du territoire.
L'objectif principal de la LODEOM consiste à développer un modèle de croissance endogène, utilisant une nouvelle logique de croissance fondée sur des dispositifs aidés plutôt que sur des aides distribuées sans cohérence globale. C'est une bonne mesure pour l'avenir.
La loi de finances de 2010 devrait répondre aux vraies attentes des ultramarins dans leur vie quotidienne, ce qui n'est pas toujours le cas. Pour la collectivité de Wallis-et-Futuna, l'aide de l'État, selon les programmes 138 et 123, doit absolument porter sur les domaines essentiels suivants.
L'État devra réaliser un effort particulier dans le domaine de l'emploi. Cela passe par l'aide à la qualification professionnelle dans le cadre du SMA, du dispositif 40 cadres et les chantiers de développement local.
Une vraie amélioration doit se faire dans le logement, dans les équipements publics d'infrastructures encore très incomplets et insuffisants à Wallis-et-Futuna. Et, dans le cadre de la continuité territoriale, un effort financier plus important est nécessaire au regard de son ouverture au niveau de la région, vers la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et au sein de l'archipel lui-même. Le « passeport mobilité » est indispensable pour nos étudiants dont l'éloignement de la métropole nécessite une dotation plus importante.
Les difficultés financières dans le domaine de la santé s'aggravent en raison de l'insuffisance des équipements hospitaliers et médicaux entraînant l'augmentation du nombre des évacués sanitaires vers la Nouvelle-Calédonie, l'Australie et même la métropole. Cela provoque ensuite l'augmentation de l'endettement de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna. Le projet de fonctionnement de l'agence nécessite donc une remise à niveau à hauteur de 31 millions d'euros pour 2010, somme correspondant à la prise en charge des soins de tous les habitants.
Avec la construction des hôpitaux à Wallis-et-Futuna, l'État devra prévoir des équipements plus complets et efficaces afin de limiter au maximum les EVASAN. Nos hôpitaux doivent devenir de vrais établissements publics, au service de ces Français du bout du monde, et dignes de la République.
Dans le domaine de l'enseignement, une grève a eu lieu au lycée de Wallis, la semaine dernière, en raison des difficultés qu'il rencontre en matière d'équipement scolaire et de travail.
L'État doit donc réaliser un effort particulier pour que les jeunes de Wallis-et-Futuna puissent fréquenter, comme tous les Français, tous les secteurs d'enseignement primaire, secondaire et supérieur.
Dans le domaine de la sécurité, les conséquences des récentes catastrophes naturelles dans la région Asie-Pacifique, dont j'ai parlé lors d'une séance de questions au Gouvernement, nous interpellent sur nos responsabilités. La collectivité de Wallis-et-Futuna, qui ne dispose pas de moyens suffisants pour faire face à ces dangers, doit pouvoir bénéficier d'équipements plus efficaces.
Dans le domaine de l'investissement, la difficulté se situe toujours au niveau de la banque : une unique banque à Wallis, aucune à Futuna… Je demande que l'État nous aide dans ce domaine.
J'en viens à une avancée importante en ce qui concerne le fonds des échanges éducatifs, culturels et sportifs. Il est nécessaire que l'État apporte une aide spécifique pour faciliter les échanges entre la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie, et Wallis-et-Futuna, déjà sont fréquents.
En conclusion, monsieur le président, ces programmes qualifiés d'ambitieux ne le sont pas en réalité, notamment en matière de financements. La hausse de 6,3 % en crédits de paiement pour 2010, ramenée à 1,3 % après les 5 % mis en réserve dès le début de l'année, nous montre la réalité de ce budget qui, comme en 2008 et en 2009, ne permettra pas, en 2010, une réelle amélioration et n'apportera rien de plus.
Monsieur le président, comprenez qu'il faut à M. Likuvalu vingt-quatre heures de voyage avant d'arriver jusqu'ici !
Et comme j'ai pu le constater les années précédentes, la collectivité de Wallis-et-Futuna, la plus éloignée de la métropole, sera-t-elle la dernière à pouvoir bénéficier de cette loi des finances ? (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
(M. Bernard Accoyer remplace M. Marc Laffineur au fauteuil de la présidence.)
Mais je suis tout aussi présent !
Madame la secrétaire d'État, l'outre-mer, les outre-mer sont souvent terres d'expériences. Dès lors, permettez-moi d'intervenir sur le service militaire adapté.
Malgré la suspension de la conscription en 1997, le service militaire adapté, créé en 1961, ne cesse de progresser outre-mer. D'ailleurs, au mois de février dernier, Nicolas Sarkozy annonçait le doublement en trois ans de la capacité de formation du service militaire adapté, afin de passer de 2 900 jeunes actuellement à 6 000 à l'aube de 2013.
Faut-il rappeler que ce service s'adresse aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans en situation d'échec scolaire, au chômage et sans perspective d'avenir ?
Cette nouvelle donne voulue par le Président de la République et son gouvernement et que vous avez favorisée, madame la secrétaire d'État, répond parfaitement à la forte demande locale, toutes tendances politiques confondues, et répondra à l'évidence aux difficultés actuelles d'une grande partie de la jeunesse d'outre-mer en ciblant au plus près la jeunesse en échec.
« SMA 6 000 », puisque tel est le nom de ce projet, apportera, j'en suis convaincu, un nouveau souffle à la jeunesse ultramarine.
Au-delà de l'apprentissage du savoir-être, du savoir-vivre, du respect d'autrui, de l'autorité et de l'accession à la formation de trente-sept métiers différents, comme l'on pouvait déjà le trouver grâce à l'actuel SMA, le projet SMA 6 000 va plus loin en impliquant aussi la métropole au titre de la continuité territoriale en doublant le nombre de places offertes par le biais de l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer aux ultra-marins souhaitant poursuivre leur cursus de formation professionnelle – rappelons que le taux de réussite est de 87 %.
Le SMA 6 000 permettra également de doubler le nombre de places offertes, sans doubler le budget – 72 millions d'euros supplémentaires, soit une hausse de 40 % – à partir de 2013, après 95 millions d'euros d'investissement en infrastructures et équipements.
Enfin, ce projet ajustera la durée et les modalités de la formation au vu de la façon dont évoluera le taux d'insertion et en fonction du retour d'expérience.
Madame la secrétaire d'État, ce budget marque bien la première étape des crédits alloués au projet SMA 6 000 et requiert, de même que l'ensemble du projet de loi de finances pour l'outre-mer, tout notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la secrétaire d'État, nous savons tous que c'est dans un contexte extrêmement difficile, et cela est encore plus vrai dans nos régions ultrapériphériques, que nous entamons l'examen de la mission « Outre-mer ».
En tant que première domienne sous la Ve République à occuper cette fonction, je mesure la tâche qui est la vôtre ; elle n'est sûrement pas facile. Je sais que vous y mettez de l'abnégation, du courage et de la passion. Mais elle est à la dimension de l'espoir des populations d'outre-mer, qui attendent et espèrent qu'une des leurs expriment au sommet de l'État leurs attentes et propose des réponses concrètes aux difficultés qui jalonnent leur vie au quotidien.
Je vous concède que la diversité de nos territoires, leur particularisme affirmé, la crise économique et sociale sans précédent qu'ils traversent, l'attente des élus, rendent sans doute encore beaucoup plus délicate l'action de votre ministère. Mais quelle que soit la sympathie que l'on puisse avoir pour vous, vous ne sauriez faire oublier que vous appartenez à un gouvernement de droite pour appliquer une politique de droite.
Vous êtes, malgré vous, coresponsable mais aussi comptable de cette politique inégalitaire.
Au-delà de votre personne, c'est la politique qui est menée tant ici qu'en outre-mer que je réprouve et que je combats.
Bien que votre budget affiche une augmentation de 6,3 %, dont une grande partie sert au remboursement de la dette de l'État à la sécurité sociale, nous savons bien qu'il n'apportera pas de réponses satisfaisantes aux différentes problématiques de l'outre-mer tels que le pouvoir d'achat, le chômage des jeunes, le logement. C'est, comme on le dit chez nous, mettre un cautère sur une jambe de bois. C'est d'ailleurs pour cela que je ne vous chercherai pas querelle en égrenant ou en contestant les chiffres de votre budget.
Vous connaissez la situation de nos régions et plus particulièrement celle de la Martinique. Vous êtes venue, vous avez rencontré les élus, les représentants des forces socio-professionnelles et économiques de ce pays. Ils vous ont parlé de chômage, de licenciements, de faillites d'entreprises, de fermetures d'hôtels, de dégradations des finances communales, de logements, de RSTA et j'en passe. Je le redis, rien dans votre budget, pas plus que dans la loi de finances, ne permet de penser qu'un début de réponse sera apporté aux inquiétudes de nos populations.
Je prendrai deux exemples.
Le premier concerne la non-extension du RSA en outre-mer. Compte tenu de la situation économique et sociale particulièrement difficile dans laquelle se trouvent nos territoires, pourquoi votre Gouvernement refuse-t-il toujours de mettre en application le RSA ? Contrairement au RSTA, mis en place dans la précipitation, ce dispositif favoriserait le retour à l'emploi, encouragerait l'activité et réconcilierait travail, dignité et solidarité. Madame la secrétaire d'État, il ne s'agit pas d'une mesure de rattrapage, mais d'une exigence d'équité et d'égalité.
Le second porte sur la suppression de la taxe professionnelle. Par celle-ci, votre Gouvernement met sous tutelle financière les collectivités, ce qui est contraire au principe de la décentralisation, comme l'a fait remarquer lundi l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. On met la charrue avant les boeufs : on réforme les finances avant de réformer les compétences. En réalité, c'est une réforme injuste qui met en péril les finances des collectivités locales.
Nos communes, qui voient leurs recettes d'octroi de mer diminuer, risquent de connaître demain le même désagrément avec la réforme de la taxe professionnelle.
Je pourrais également prendre l'exemple du logement et dire mon inquiétude sur la défiscalisation du logement social, alors qu'il aurait été préférable d'abonder la LBU, ou encore parler du problème du chlordécone, qui pénalise fortement nos agriculteurs et nos marins pêcheurs.
Dans le même temps, votre Gouvernement maintient le bouclier fiscal au service des plus riches ; il baisse la TVA sur la restauration, sans que cela n'ait d'effet sur les prix, l'emploi et les salaires ; il augmente le forfait hospitalier, avec les conséquences que l'on sait sur les populations les plus fragiles ; il fiscalise les indemnités pour les accidentés du travail.
Au final, le ratio entre les efforts demandés aux riches et aux entreprises du CAC 40 et les sollicitations dont les plus démunis sont l'objet, se situe dans un rapport de un à trois, ce qui est à mes yeux considérable !
Madame la secrétaire d'État, entre, d'une part, la société libérale dont votre gouvernement est un fervent défenseur, et, d'autre part, tous nos compatriotes d'outre-mer qui restent parfois sans toit convenable, sans lendemain au hasard des embauches et des licenciements, la politique de la majorité a creusé un tel fossé que, pour oublier leur misère, certains sont parfois tentés de prendre des chemins déviants.
Sous la pression des événements de février dernier, le Président de la République a lancé les états généraux de l'outre-mer, dont il s'était engagé à prendre en compte les conclusions. Vendredi, il présidera le premier comité interministériel de l'outre-mer, au terme duquel il doit annoncer une série de mesures. Nous espérons, et je le dis très sincèrement, qu'elles permettront de relever les grands défis qui nous attendent et qu'il ne s'agira pas, une fois de plus, d'un effet d'annonce. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Jeanny Marc. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de l'outre-mer, chers collègues, à chaque vote du budget de l'outre-mer, l'espoir naît au coeur des populations qui vivent sur ces terres dispersées sur les différents continents. Régulièrement, ces populations attendent ardemment le nouveau souffle d'un budget novateur qui ne vient pas.
J'ai examiné de près le budget 2010 qui nous est soumis après la crise de janvier et février 2009 – dont il faut d'ailleurs dénoncer non seulement les conséquences mais aussi les causes que sont les abus et la baisse du pouvoir d'achat –, après la LODEOM, les états généraux, mais aussi les Grenelle de l'environnement et qui devrait donc marquer la volonté affichée du Gouvernement d'apporter des réponses adaptées aux préoccupations de l'outre-mer.
Nous étions convaincus que la présence d'une secrétaire d'État originaire de l'outre-mer ferait pencher la balance en faveur d'une nouvelle politique audacieuse et ambitieuse pour impulser une dynamique volontariste. Or, vous l'aurez compris, madame la secrétaire d'État, nous sommes profondément amers. Amertume d'autant plus insupportable qu'elle est provoquée par l'une des nôtres : vous, madame, car vous affirmez devant la nation que vous nous proposez un budget en augmentation de 9,3 %, alors que vous savez très bien que ces chiffres ne reflètent pas la réalité, la fiabilité de votre budget s'en trouvant de ce fait remise en cause. Nous ne disposons donc pas d'une visibilité suffisante pour appréhender le caractère transversal de la politique de l'État vis-à-vis de l'outre-mer. Enfin, ce budget manque de cohérence et d'ambition.
Laissez-moi, à travers quelques exemples, vous expliquer pourquoi. La dette de l'État, auprès des organismes de sécurité sociale outre-mer, qui s'élève à 664 millions d'euros auxquels viennent s'ajouter 55 millions d'euros, a-t-elle été intégrée à votre budget ? Notez qu'à ce montant, je n'ai pas ajouté les compensations dues par l'État au titre des exonérations antérieures à 2005…
Ensuite, les demandes d'autorisations d'engagement pour l'action n° 4 du programme 123 qui regroupe l'action « Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports » s'élèvent à 34 632 590 euros pour 2010 – somme en diminution par rapport aux autorisations d'engagement ouvertes en LFI pour 2009. Notons que cette action représentait encore plus de 37 millions d'euros en 2008 !
Troisième exemple, les bailleurs sociaux dénoncent le mode de financement du logement social qui « ne permet plus aux organismes de logements sociaux d'équilibrer leurs budgets ». La LBU doit correspondre aux réalités de l'outre-mer, qu'il s'agisse des risques sismiques, cycloniques, de la garantie décennale, du coût du foncier et de sa viabilisation – autant de paramètres qui augmentent de plus de 7 % le coût du logement.
En outre, le Gouvernement semble assumer le choix de faire peser sur la trésorerie des opérateurs de logement social la dette qu'il a contractée vis-à-vis de ces derniers – 17 millions d'euros de stocks de dettes prévues pour fin 2009, alors que la construction des logements sociaux est en net recul.
Enfin, dernier exemple, le programme 138, « Emploi outre-mer », tel que vous nous le proposez, ne favorise pas l'accès à l'emploi et ne facilite pas le rapprochement nécessaire entre le monde du travail et les demandeurs d'emplois. Laissez-moi rappeler, au passage, à l'instar d'autres collègues, que le dispositif RSTA permet à l'État de reprendre d'une main ce qu'il a donné de l'autre.
Madame la secrétaire d'État, nous sommes inquiets car votre Gouvernement envisage pour très bientôt la réforme des collectivités territoriales alors que la dette de l'État concernant ces collectivités s'élève à 90 millions d'euros. J'ose espérer que vous saurez prendre toutes les mesures nécessaires pour régulariser cette situation préjudiciable avant la réalisation de cette réforme.
Ces simples démonstrations devraient vous inviter à reconsidérer votre vision de l'outre-mer. Je pourrais continuer à vous démontrer, action par action, que les chiffres annoncés à la hausse ne permettent pas d'envisager une politique ambitieuse et ne se traduiront pas par plus d'actions.
Votre prédécesseur avait pris l'engagement d'intégrer dans le budget 2010, que vous nous proposez, les attentes formulées à la suite de la crise de début d'année. Mes collègues et moi-même lui avions fait des recommandations en faveur de la pêche, de la jeunesse, de l'agriculture, et je me rends compte que vous n'avez pris aucune disposition en ce sens.
Les problèmes de l'outre-mer ne sont pas pris en compte : formation des prix du carburant, coûts du fret maritime, du transport aérien, pouvoir d'achat, prix des produits de première nécessité, et j'en passe…
En ce qui concerne la jeunesse, je constate que vous ne lui avez proposé que le sport, même s'il s'agit d'un très bon moyen d'épanouissement et de réussite. Vous lui avez aussi proposé la formation par le biais du SMA. Si je salue cette institution qui remplit parfaitement ses missions en outre-mer, j'aurais cependant souhaité plus d'ambition et d'enthousiasme pour toute cette jeunesse.
Avec la suppression de la taxe professionnelle, vous êtes tout aussi consciente que nous, madame la secrétaire d'État, que la LODEOM est vidée de sa substance. Nous espérions sincèrement que vous vous battriez davantage pour obtenir un budget à l'image de ce que représente l'outre-mer pour votre Gouvernement.
Madame la secrétaire d'État, je reste perplexe sur la fiabilité des décisions qui seront retenues lors du conseil interministériel pour l'outre-mer, qui se réunira deux jours après le vote de votre budget. Je souhaite néanmoins, pour finir, que les projets pour relancer l'outre-mer pour préparer un avenir plus juste, mieux construit et plus ambitieux, sauront trouver en vous un véritable défenseur. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Christiane Taubira. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, chers collègues, nous voilà parvenus au terme des interventions des inscrits sur cette mission et nous n'avons pas échappé au rituel, aux rengaines habituelles comme l'évocation d'une hausse supérieure à la moyenne des hausses ou l'assurance d'un effort soutenu et méritoire de l'État. Nous avons aussi eu droit à un amalgame de mauvais aloi : on affiche des cadeaux fiscaux comme s'il s'agissait de dotations budgétaires, on adopte un ton caritatif pour une comptabilité discriminante – les territoires d'outre-mer étant les seuls où l'État mesure le coût de ses missions régaliennes. Enfin, crise oblige, nous avons entendu quelques remarques sur les besoins de développement et, du bout des lèvres, sur l'existence de quelques inégalités pourtant scandaleuses.
Justement, madame la secrétaire d'État, nous attendons que vous expliquiez au Gouvernement qu'il ne s'agit pas de pourchasser quelques inégalités ici et là, mais bien de pourchasser le principe inégalitaire sur lequel l'État a fondé son rapport à nos territoires.
Vous devez aussi lui expliquer que les dérogations ne sont pas la traduction juridique d'une lucidité d'État sur nos réalités géographiques, historiques, sociologiques, culturelles et économiques,…
…mais bien d'une exception au droit commun, d'une exemption de ses obligations générales que l'État s'arroge.
Les illustrations sont multiples, qu'il s'agisse des aménagements fiscaux, plus complaisants qu'efficaces, du recours abusif aux ordonnances, de dispositifs plus favorables aux prébendiers, d'arrangements politico-administratifs, juridico-administratifs, de distorsions dans les rémunérations, de primes et d'indemnités sélectives, de disparités dans les revenus sociaux, d'une péréquation territoriale systématiquement défavorable, d'une continuité territoriale au rabais et du logement social livré aux aléas de stratégies fiscales individuelles.
Depuis 1946, nous savons – Babeuf l'a dit bien avant –, que, finalement, l'égalité n'est qu'une belle et stérile fiction de la loi. Et par ce principe inégalitaire, les outre-mer se trouvent maintenus comme des enclaves dérogatoires dans le champ symbolique de la République. Par leur isolement institutionnel et logistique, ils sont maintenus comme des anomalies dans le champ géopolitique. L'approvisionnement en carburant en est la caricature, cumulant coût maximal, transports insensés, pollutions inutiles, tout ce que proscrit formellement le Grenelle de l'environnement.
Dans des domaines cruciaux et vitaux pour nos sociétés, comme la connaissance de notre milieu physique et le traitement conjoint de maladies d'environnement, l'espèce d'extraterritorialité paradoxale de nos bassins régionaux entretient un monde factice de concurrence mortifère, de rivalités périlleuses contre des complémentarités stimulantes qui auraient pu être induites par la régionalisation rationnelle de nos économies.
Même si votre budget fait mine de l'ignorer, vous savez que nous avons avec les pays de notre voisinage des problématiques communes. Elles sont économiques pour la connaissance et la gestion des ressources terrestres – pour le sol et le sous-sol –, des ressources marines – halieutiques, énergétiques ou minérales –, et même pour la diversification de nos économies, y compris de l'économie touristique qui doit s'ouvrir à la culture, à l'histoire et au patrimoine.
Ces problématiques communes sont aussi écologiques, pour la connaissance et la gestion d'écosystèmes riches mais fragiles, qu'ils soient forestiers ou hydrographiques.
Elles sont encore juridiques sur la question foncière, que sa rareté soit artificielle ou réelle. Elles le sont aussi pour les ajustements nécessaires dans le cadre de la coopération.
Même si votre budget l'ignore également, nous avons des thématiques communes. Elles sont sociologiques autour de ces économies qui s'inventent en dehors de la puissance d'État, de ces migrations qui traitent les frontières pour ce qu'elles sont – des lieux de circulation.
Elles sont culturelles autour des langues et des représentations et de toutes ces ressources symboliques qui façonnent les consciences, les mémoires, les histoires.
Nous avons donc, même si votre budget n'en tient pas compte, élaboré des politiques publiques communes. Des politiques de sécurité, sur ces espaces partagés, dans la lutte contre les drogues, les alcools, les armes, les médicaments, les contrefaçons ; mais aussi dans nos eaux territoriales et dans ces zones économiques exclusives qui se situent dans la continuité les unes des autres, contre le bio-piratage – qui est aussi le fait de multinationales françaises –, contre le pillage des ressources et des savoirs, contre le rapt de la pharmacopée traditionnelle et des tradithérapies. Et pour la prise en compte de ce que nos modes de vie ont préservé en capacité de séquestration du carbone et en relation de voisinage avec les pays limitrophes.
Madame la secrétaire d'État, je sais bien que la tâche est difficile parce que les injustices et les inégalités prospèrent partout et que le marché mondial, dans sa dimension dévastatrice, écrase partout. Je sais bien que nous devons nous-mêmes, d'ailleurs, en outre-mer, apprendre à exprimer plus ouvertement et plus collectivement notre solidarité avec ceux que ce marché mondial écrase ici aussi sur la terre de France.
Votre budget augmente, mais moins vite que le taux de chômage, moins vite que le taux de mortalité des entreprises, moins vite, surtout, il croît moins vite que tous ces gamins privés d'éducation, de formation et du métier de leurs rêves.
Nous pouvons vous faire des reproches, mais le Gouvernement sait parfaitement à quelles manoeuvres il se livre sur le RTSA et la prime pour l'emploi.
Il sait ce qu'il fait lorsqu'il ne sort pas à temps les décrets d'application de la LODEOM. Il sait ce qu'il fait avec les financements insuffisants pour le logement social et insalubre. Il sait aussi parfaitement ce qu'il fait lorsqu'il rétrécit l'emploi aidé.
Votre budget n'attaque pas les causes ; il n'aura donc pas d'effets miraculeux, pas plus d'effets en tout cas que ceux de vos prédécesseurs.
Nos territoires ne souffrent pas d'un sous-développement de langueur tropicale. Ils sont affligés d'un non-développement, par le choix délibéré d'une économie de comptoir, d'un système rentier, d'une chasse gardée favorable aux privilèges, aux passe-droits et aux abus.
Nous vous demandons d'être le porteur de ce message, de l'expliquer au Gouvernement, et de réfléchir à cette menace de Charles Péguy : « Celui qui ne hurle pas la vérité se fait complice des faussaires. » (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État chargée de l'outre-mer.
Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, compte tenu du contexte budgétaire, que vous avez été nombreux à rappeler, le budget pour 2010 est la traduction du bon sens, d'une volonté, d'un engagement, d'une détermination du Gouvernement et du Président de la République à maintenir l'effort de l'État en direction de l'outre-mer.
Ce budget est équilibré. Je ne reviendrai pas sur son augmentation de 6 %, que vous avez tous constatée. Je voudrais surtout dire que c'est la reconnaissance de la capacité de l'outre-mer à se développer à partir de ses potentialités. Car, contrairement à ce que l'on veut nous faire croire, le Gouvernement ne se désintéresse pas des outre-mer. Il est à l'écoute des élus et des acteurs économiques et sociaux de l'outre-mer. Il n'a cessé de le montrer pendant les deux années qui viennent de s'écouler, y compris au moment le plus difficile de la crise.
J'en veux pour preuve cette vaste consultation que constituent les états généraux. Jamais un Président de la République, jamais un gouvernement, même aux moments les plus difficiles que nous avons connus outre-mer – et il y en a eu, et je m'en souviens – n'a donné la parole à nos compatriotes pour qu'ils s'expriment et fassent connaître leurs préoccupations, pour eux-mêmes comme pour l'avenir de leurs enfants.
Alors, regardons l'avenir en face, et essayons de construire une stratégie pour l'outre-mer qui ne soit pas uniquement celle du rattrapage, de la compensation des handicaps. Cette stratégie a conduit pendant longtemps à une politique du saupoudrage dont on voit aujourd'hui les limites.
Il faut sortir de ces logiques pour concentrer nos efforts et nos moyens sur des secteurs porteurs d'avenir et créateurs d'emplois. C'est tout le sens de la loi pour le développement économique de l'outre-mer. Voilà tous les enjeux et les défis qu'auront à relever nos territoires dans les prochaines années.
Pour une fois, quelles que soient nos sensibilités politiques, ayons le courage de sortir de la rhétorique et participons à la construction de nouveaux modèles, pour permettre à nos territoires, à leurs économies, de s'inscrire dans une véritable dynamique.
J'ai entendu s'exprimer des craintes, des inquiétudes, et même une certaine morosité. Mais je crois que nous pourrons construire l'avenir des outre-mer à partir des besoins, notamment en matière de développement durable. Car nos territoires sont pour notre pays de vrais atouts dans la compétition mondiale qui va s'engager dans ce domaine. Demain, c'est l'outre-mer qui sera en mesure de donner de nouveaux modèles de développement si nous acceptons de mettre en oeuvre cette politique que le Gouvernement encourage depuis deux ans. Avec les élus que vous êtes, et avec les acteurs économiques, qui n'hésiteront pas à investir dès que la confiance sera retrouvée, je suis convaincue que nous pouvons y parvenir.
Mais vous savez mieux que moi que ce ne sont pas des lois, des crédits supplémentaires, qui suffiront à relancer l'activité économique si nous ne rétablissons pas la confiance dont les entreprises ont besoin pour investir.
Et cette confiance, elle passe aussi par la responsabilité politique, qui consiste à prendre des décisions dans l'intérêt général, ce que le Gouvernement s'emploie à faire depuis le début.
Mais la responsabilité politique, je le dis, consiste aussi à ne pas alimenter les situations qui risqueraient d'être préjudiciables à l'image du territoire et à son économie. L'engagement et le sens des responsabilités des hommes et des femmes des départements et collectivités d'outre-mer, dont beaucoup sont dans cet hémicycle, me conduisent à penser que cette approche politique, vous la partagez avec moi, j'en suis convaincue.
Mais cette responsabilité consiste aussi, pour moi, à être à l'écoute. Car j'ai toujours dit qu'il fallait prendre en compte les situations de manière objective, que l'on appartienne à la majorité ou non. En tout cas, je ne cesserai d'être à l'écoute des responsables de l'outre-mer, de tous les responsables. Car mon ambition, et celle du Gouvernement, c'est de soutenir et d'accompagner les économies d'outre-mer pour leur permettre d'assurer leur propre développement. Rien ne m'empêchera de continuer. Rien ne me détournera de la mission qui m'a été confiée par le Président de la République et par le Premier ministre.
Et c'est pourquoi, face aux inquiétudes et incompréhensions qui viennent de s'exprimer, je tiens à apporter les réponses suivantes.
J'ai été interpellée à plusieurs reprises, en particulier par le rapporteur spécial Jérôme Cahuzac, sur la dette du secrétariat d'État à l'outre-mer, notamment envers les organismes de sécurité sociale. Je rappelle qu'avant 2008, la dette était supérieure à 1 milliard d'euros, et qu'aujourd'hui elle devrait atteindre 600 millions d'euros.
Nous nous efforcerons, monsieur le rapporteur spécial, de la limiter. Je peux vous assurer que toutes les marges de manoeuvre budgétaires qui pourront être dégagées sur le programme 138 seront intégralement redéployées en faveur des exonérations de charges.
Et le budget 2010 a d'ailleurs fait l'objet d'une meilleure prise en compte des besoins liés aux exonérations de charges sociales, puisque les crédits, vous le savez, ont augmenté de 92 millions. Ils se situent à 1,1 milliard d'euros. Au regard des prévisions de dépenses des organismes de sécurité sociale, on pense que l'écart entre les moyens budgétés et les besoins de financement devrait être réduit en 2010.
Vous le voyez donc, il n'y a pas eu simplement une volonté de réduire la dette, mais aussi de bien tenir compte des mesures prévues dans la loi pour le développement économique des outre-mer.
Mais je voudrais aussi apporter des précisions sur les créances impayées de l'État aux collectivités locales. Je voudrais souligner que 60 millions d'euros du plan de relance nous ont permis de régler les sommes dues aux collectivités.
Par ailleurs, s'agissant de la dette auprès des opérateurs du logement social, nous parlons de 17 millions d'euros. Mais ces 17 millions, c'est 7 % de la ligne budgétaire unique. Et il s'agit tout simplement du volume des factures que l'État n'a pas encore reçues en fin d'année. Et s'il devait les recevoir, il les honorerait. Je rappelle qu'il y a seulement trois ans, nous en étions à 115 millions d'euros. Aujourd'hui, ce n'est donc plus un sujet de friction avec les opérateurs, au contact desquels je suis fréquemment.
Plusieurs d'entre vous ont abordé la question du logement en outre-mer. Avant toute chose, je voudrais vous dire solennellement que le logement est l'une de mes priorités d'action. Je l'ai dit dès le départ, lorsque j'ai pris mes fonctions. Je l'ai rappelé à Toulouse, lors du congrès de l'Union sociale de l'habitat.
Tout comme vous, je suis consciente que l'offre de logement social est largement insuffisante, alors que les demandes sont en progression constante. Tout comme vous, je sais que la qualité de l'habitat existant est très dégradée, qu'il est insalubre, voire indigne de notre République. Mais je considère que, aujourd'hui, ce ne sont pas les moyens qui manquent, puisque nous avons, sur la ligne budgétaire unique, près de 250 millions, auxquels il faut ajouter, vous l'avez tous dit, les 110 millions de la dépense fiscale. Nous disposons aujourd'hui d'une gamme de produits locatifs étendue, permettant de répondre à toutes les situations, qu'il s'agisse de la loi Girardin, qui sera applicable jusqu'en 2012, du Scellier outre-mer, de la LBU ou encore de la défiscalisation.
Je sais qu'il y a des inquiétudes sur l'articulation entre la ligne budgétaire unique et la défiscalisation du logement social. Chaque outil présente des avantages et des inconvénients. Soyez assurés que l'objectif de l'État est bien d'appuyer les opérateurs dans le montage des dossiers. Ce sera d'ailleurs tout l'enjeu de la déconcentration des décisions d'agrément. J'ai eu l'occasion de le dire, s'agissant de l'instruction de la défiscalisation, en ce qui concerne les opérations de logements sociaux, une déconcentration sera mise en oeuvre pour tous les dossiers inférieurs à 10 millions. Elle devrait intervenir au tout début de l'année 2010. Ce sera un élément clé pour assurer la fluidité des procédures lorsque les opérateurs ont choisi un cofinancement entre LBU et défiscalisation.
Mais ce qu'il est important de retenir, c'est que ce n'est pas un problème de crédits. Le problème est que la programmation budgétaire et physique des opérations n'est pas satisfaisante. Que constate-t-on ? Les deux tiers des opérations de logements se font dans les trois derniers mois de l'année. Ce n'est pas le signe d'une saine programmation budgétaire. Rien que pour la Guadeloupe, monsieur le député Lurel, le taux d'engagement n'est que de 29 %. Ce n'est donc pas une question de crédits. Je sais qu'il reste encore des freins à lever, en particulier ceux liés à la disponibilité foncière et à la prise en charge, notamment par les communes. Ces frais sont identifiés. Nous travaillons sur cette question, et il y aura des réponses dans le cadre du conseil interministériel de l'outre-mer.
Je voudrais dire quelques mots sur le rapport qui a été remis par le député Serge Letchimy, pour indiquer que ses réflexions sont particulièrement opportunes à l'approche de ce conseil interministériel de l'outre-mer. En effet, dans cette perspective, elles forment un ensemble cohérent d'actions tout à fait intéressantes en vue de relancer sur des bases solides la politique de lutte contre l'habitat indigne et insalubre dans les départements d'outre-mer. Nous avons eu l'occasion de le dire, Benoist Apparu et moi-même, lorsque nous avons réceptionné ce rapport. Mon collègue chargé du logement a d'ailleurs immédiatement donné mission au pôle national de lutte contre l'habitat indigne de développer la prise en compte des spécificités des outre-mer en ce domaine.
Je voudrais, puisque l'on a évoqué la défiscalisation du logement social, revenir sur les décrets d'application de la loi pour le développement économique de l'outre-mer. Vous avez été nombreux à aborder ce sujet. Je voudrais simplement vous rappeler que ce texte comprend environ quarante mesures d'application, regroupés dans une vingtaine de décrets. Le décret sur la bagasse, je l'ai dit dans cet hémicycle, est déjà signé et en attente de publication au Journal officiel. Le Premier ministre l'avait annoncé lors de son déplacement à La Réunion.
Mais il faut aussi souligner que certains décrets nécessitent un approuvé communautaire, ce qui allonge les délais. C'est la raison pour laquelle je me suis rendue à Bruxelles le 15 octobre dernier pour obtenir de la commissaire chargée de la concurrence, Mme Neelie Kroes, la prise en compte de cette difficulté. Elle m'a assurée que nous aurons le feu vert de la Commission dès le mois de novembre.
Dix décrets sont en consultation auprès des collectivités, dont ceux sur le logement social et sur les zones franches d'activité. Leur parution est prévue pour novembre.
La rédaction de trois autres décrets reste en discussion au niveau interministériel. Il s'agit de celui concernant l'aide à la rénovation hôtelière, de celui sur les secteurs prioritaires des zones franches d'activité, et de celui sur le fret.
Il restera ensuite, au mois de décembre, à prendre un dernier décret, celui relatif à la continuité territoriale. Nous serons dans les délais : la LODEOM sera applicable à la fin de cette année. Mais on ne peut pas dire que la situation d'aujourd'hui soit celle d'un vide juridique, puisque les textes existants restent en application, notamment la loi Girardin. Celle-ci, vous le savez, est encore applicable, avec un effet de glissement pendant deux ans.
En ce qui concerne la continuité territoriale, le fond de continuité territoriale créé par la LODEOM représente 50 millions de crédits. Ce fonds a été créé pour concentrer des ressources jusque-là dispersées entre des opérateurs de l'État et des collectivités locales. Il servira à financer des aides destinées aux étudiants, mais aussi la continuité territoriale au sens large. L'ANT sera chargée de cette mission. Elle va devenir une agence de mobilité, et suivra en tant qu'opérateur de l'État l'utilisation de ce fonds.
Mais ce qu'il est surtout important de souligner, c'est que je suis attachée à ce qu'une politique sociale soit mise en oeuvre à travers ce fonds de continuité territoriale. Il est important qu'il bénéficie d'abord et avant tout à ceux de nos compatriotes dont les ressources sont les plus faibles. Vous comprendrez aisément cette approche.
L'ANT conservera bien évidemment son coeur de métier, qui est la formation professionnelle.
La promotion d'ultramarins à des responsabilités, évoquée par le député Didier Robert, fera l'objet d'une attention toute particulière lors du conseil interministériel sur l'outre-mer.
Le service militaire adapté a suscité beaucoup d'interrogations et même quelques critiques. Je réaffirme ce que j'ai dit en commission : il n'y aura pas de service militaire adapté au rabais ; celui-ci demeurera et gardera son l'objectif d'insertion ; la qualité de la formation sera maintenue.
Simplement, nous avons voulu prendre en compte les demandes qui s'exprimaient dans les territoires sur la durée de formation. Celle-ci pourrait passer de douze à dix mois – voire à six mois – pour les diplômés, car certains acteurs locaux sont désormais disposés à prendre en charge une partie de la formation avant ou après les stages de SMA.
En revanche, la formation citoyenne et comportementale sera conservée dans son intégralité. Je répète que si, à l'issue d'une période d'expérimentation, on constate une baisse notable du taux d'insertion – actuellement de 79 % –, nous procéderons aux modifications et aux adaptations nécessaires.
À l'occasion de ce débat, on a beaucoup parlé des carburants. Votre mission d'information a formulé vingt-et-une propositions sur le sujet, afin de réformer un système d'administration des prix. D'ores et déjà, près de la moitié de ces propositions ont trouvé à s'appliquer dans le cadre du premier train de mesures que le Gouvernement a mis en oeuvre, en septembre dernier, et qui fera l'objet d'un prochain décret.
Le Gouvernement considère que les autres propositions de la mission constituent une base indispensable aux discussions qui vont se poursuivre sur les évolutions plus structurelles du système. Sachez que je veux avoir une approche pragmatique et progressive, afin de garantir le pouvoir d'achat de nos compatriotes tout en préservant les emplois dans la filière.
Depuis le mois de juillet, j'entends sans cesse parler de ces 40 millions d'euros…
Quarante-quatre ou 43 millions, si vous le voulez, monsieur le député. Ce n'est pas la question.
Ce qui compte, c'est que cette ouverture de crédits ne constitue pas une décision de dépense. Contrairement à ce qui a été dit, le Gouvernement n'a jamais procédé au versement de cette somme.
Le Gouvernement a estimé qu'il était normal d'engager une négociation avec les pétroliers, compte tenu du fait qu'ils avaient formulé une demande d'indemnisation. Comme le rapporteur Jérôme Cahuzac l'a indiqué, nous sommes dans un pays de droit où existent des conventions. Nous devons donc examiner cela de manière sereine.
Sachez que cette négociation se déroule au regard du droit, mais aussi en tenant compte des conclusions des rapports d'inspection et du rapport de l'Autorité de la concurrence. Pour l'instant, nous progressons dans la négociation, sans volonté d'aller au-delà.
Le rapport de l'Autorité de la concurrence a provoqué beaucoup de débats sur le pouvoir d'achat. Comme le souhaite le député Jean-Christophe Lagarde, à juste titre, le Gouvernement veillera à suivre les recommandations, afin de maintenir le pouvoir d'achat en outre-mer.
Nous avons l'obligation de contrôler les prix et de mieux garantir la concurrence, tout en sachant que celle-ci ne peut pas être pure et parfaite, compte tenu de l'étroitesse des marchés de notre territoire. Je peux vous assurer que le Gouvernement a le souci de maintenir ce pouvoir d'achat et qu'il prendra des décisions très fortes à l'occasion du comité interministériel de l'outre-mer.
Je remercie le député Alfred Almont pour la qualité du rapport qu'il a présenté au nom de la commission des affaires économiques. Il a abordé une question qui me tient particulièrement à coeur : l'utilisation de l'article 299-2 du traité de l'Union. En effet, je trouve que cet article n'a pas été suffisamment utilisé pour nos régions ultrapériphériques, alors qu'il faut avoir une véritable stratégie en la matière.
Sur le sujet sensible des carburants, nous aurions pu ainsi obtenir une dérogation aux normes européennes pour régler le problème de la Guyane. C'est pour cette raison que j'ai accompagné la démarche des élus et que j'ai engagé des négociations avec la commission sur ce point. Elles restent très ouvertes.
Certains parlementaires ont évoqué le chlordécone, au regard du plan d'action de 33 millions d'euros que l'État s'est engagé à mettre en oeuvre. Le Gouvernement suit avec attention la situation de la pollution par le chlordécone aux Antilles. La majorité des actions de ce plan sont regroupées dans un programme budgétaire unique.
Les préfets ont à leur disposition un outil budgétaire et technique souple, de portée politique et pratique. D'ailleurs, ils ont pu financer l'action de jardins familiaux à hauteur de 346 000 euros. Depuis 2008, davantage de contrôles et de surveillances ont été effectués, notamment sur les denrées d'origine animale.
À la suite de prélèvements, nous avons été contraints de prendre deux arrêtés de suspension de commercialisation de la pêche. Nous attendons les conclusions de l'AFSSA, et nous nous adapterons si nécessaire. Je comprends l'inquiétude des marins pêcheurs. Cela étant, vous le comprendrez parfaitement, l'État a pratiqué le principe de précaution.
Je ne vais pas rester muette sur le RSTA, car je crois que nombre d'entre vous attendent une réponse de ma part. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les interventions de M. Victorin Lurel et de M. Jérôme Cahuzac relatives au RSTA et à son imputation sur la PPE.
Comme au Sénat, je tiens à vous dire solennellement que le Gouvernement ne cherche pas revenir sur sa parole ; il la respectera. Il n'a pas l'intention de porter atteinte au RSTA ou de le remettre en cause. Éric Woerth l'a indiqué devant l'Assemblée nationale : s'il faut corriger, le Gouvernement corrigera. Mais, en tout état de cause, j'estime que nous avons intérêt à connaître l'impact réel de la PPE sur le RSTA.
Le Gouvernement en revanche a clairement indiqué, et je le redis avec force, qu'il ne saurait y avoir de cumul entre le RSTA et le RSA.
Le Gouvernement respectera sa parole engagée dans deux documents importants.
D'une part, le protocole de sortie de crise indique clairement que le revenu supplémentaire temporaire d'activité sera servi à compter du 1er mars, pour une durée de trente-six mois, dans l'attente de la mise en place du RSA de droit commun.
D'autre part, le décret instaurant le RSTA – qui a été adressé à toutes les collectivités afin de recueillir leur avis – indique clairement que celui-ci ne sera plus versé à compter de l'application, dans les départements et collectivités mentionnées à l'article 1er, du revenu de solidarité active.
Monsieur le député Victorin Lurel, il n'existe donc aucune ambiguïté sur la position du département et sur le cumul entre le RSTA et le RSA.
Le député René-Paul Victoria a rédigé un rapport et il a proposé d'établir un bilan à la mi-2010 sur les conditions d'application du RSA. Nous examinerons l'impact du RSTA.
À l'occasion de mon déplacement aux Antilles, j'ai indiqué que le RSA était la meilleure solution pour l'outre-mer, compte tenu des difficultés et du chômage. L'État respectera l'engagement pris lors de la signature du protocole, mais il est prêt à accompagner tous les territoires qui veulent passer du RSTA au RSA.
Je voudrais rassurer le député Gaël Yanno qui s'inquiète d'un éventuel glissement des dépenses et des crédits habituellement alloués à la Nouvelle-Calédonie et aux Antilles. En 2010, l'effort budgétaire de l'État à destination de la Nouvelle-Calédonie ne s'infléchit pas, il augmente même pour avoisiner le milliard d'euros.
Lors de mon dernier déplacement à Nouméa, j'ai indiqué que l'effort budgétaire de l'État serait reconduit pour la prochaine génération des contrats le liant aux territoires.
La Nouvelle-Calédonie continue de bénéficier grandement des avantages de la défiscalisation : plus de 107 millions d'euros d'investissements ont été agréés. Quand on y ajoute la défiscalisation du projet de l'usine du Nord, on dépasse tout de suite le demi-milliard d'euros.
Comme certains députés, je n'ai pas l'impression que la Nouvelle-Calédonie ait été maltraitée en matière de transferts financiers, concernant l'éducation notamment, lors de l'adoption de la loi organique.
Sur la Nouvelle-Calédonie, j'ai bien entendu le message politique du député Pierre Frogier.
Je tiens à réaffirmer la position qui a toujours été celle du Gouvernement s'agissant de l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Nous accompagnerons les élus dans toute démarche consensuelle, à partir des solutions qui seront trouvées entre toutes les composantes politiques. Le Président de la République l'a rappelé en recevant les membres du comité des signataires des accords de Nouméa : on doit pouvoir permettre aux Calédoniens de partager leur avenir en commun, et de le faire dans la paix civile et publique. Toute démarche consensuelle qui associe l'ensemble des composantes sera évidemment regardée avec attention par le Gouvernement.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention et d'intérêt M. Didier Quentin, rapporteur de la commission des lois, qui aborde la situation des outre-mer sous l'angle de l'ordre public et de l'État de droit.
Je le remercie de ces propos élogieux. Depuis ma prise de fonction, j'ai beaucoup insisté sur ces thèmes en outre-mer. En effet, je crois qu'il faut rappeler le respect des valeurs et des usages républicains.
Votre rapport dresse un bilan exhaustif et positif de l'action menée par l'État en matière de lutte contre l'immigration irrégulière. J'ai noté toute l'attention que vous portez à l'évolution de la lutte contre l'orpaillage clandestin en Guyane.
Votre rapport dresse aussi un panorama utile des différentes évolutions institutionnelles. Nous y reviendrons, à l'occasion d'un débat devant la représentation parlementaire, le 7 décembre 2009.
Grand connaisseur de Mayotte, M. Quentin a également abordé de manière très pertinente la situation de ce territoire. Vous lui accordez, à juste titre, une grande attention. Je sais que les défis à relever sont nombreux, dans la perspective de la départementalisation.
Monsieur le député Dosière, vous vous inquiétez – à juste titre – du mode de fonctionnement de la Commission de révision de l'état-civil. Deux magistrats ont été nommés et les moyens ont été renforcés, comme vous l'avez signalé.
Notre objectif est de traiter 1 400 dossiers par mois, afin de résorber le stock des dossiers en attente d'instruction ou d'audience, en moins d'une année. Des efforts considérables vont donc être faits pour régler cette question de l'état-civil.
La situation de Mayotte renvoie au pacte pour la départementalisation qui est désormais la feuille de route de l'ensemble des partenaires. Monsieur le député Aly, nous nous y tiendrons. Nous irons au rythme qui a toujours été indiqué aux Mahorais avant la consultation, ni plus ni moins vite.
En attendant, l'effort de l'État envers Mayotte ne faiblira pas. Les autorisations de programme augmenteront même de 7 %, l'essentiel de cette progression étant supporté par le secrétariat d'État à l'outre-mer. Pour 2010, nous avons maintenu la dotation de rattrapage et de premier équipement des communes mahoraises à 9 millions d'euros.
Monsieur le député Likuvalu, je mesure parfaitement l'isolement de votre territoire. L'État a toujours apporté son soutien financier à Wallis-et-Futuna. Une structure du service militaire adapté va y être implantée très prochainement.
Dans votre intervention, vous avez évoqué les difficultés de l'agence de santé qui, au-delà des missions d'hospitalisation, est chargée de l'élaboration du programme de santé du territoire et de la délivrance de médicaments.
L'agence a reçu une dotation de 10 millions qui va être portée progressivement à 21 millions.
Reste qu'elle est confrontée à de graves difficultés financières. Ses dépenses ont été insuffisamment maîtrisées et les dettes sont importantes. Vous avez raison, monsieur le député, il faut agir très vite. Aussi a-t-il été décidé de diligenter une mission d'inspection dès la mi-novembre pour régler la situation.
Je ne puis souscrire, madame Girardin, à vos propos sur le désengagement de l'État à l'égard de Saint-Pierre-et-Miquelon. En 2009, le secrétariat d'État à l'outre-mer avait initialement prévu 5,8 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 6 millions de crédits de paiement pour le programme 123. À ce jour, les sommes dépensées s'élèvent à 8 millions en autorisations d'engagement, soit 40 % de plus, et à 12,4 millions en crédits de paiement, ce qui représente un doublement de l'enveloppe initialement prévue. En 2009, plusieurs dossiers ont bénéficié d'un soutien du secrétariat d'État à l'outre-mer qui n'était pas prévu : 300 000 euros pour les contrats entre l'État et Saint-Pierre-et-Miquelon ; 300 000 euros en faveur de l'entreprise EDS ; 100 000 euros au bénéfice de la continuité territoriale ; 1,65 million d'euros au titre de la desserte maritime pour la paiement des réquisitions ; 3,8 millions au titre des opérations relatives à la remontée de l'épave du Cap Blanc, disparu à Terre-Neuve.
En outre, l'État a soutenu Saint-Pierre-et-Miquelon, à travers le fonds exceptionnel d'investissements, à hauteur de 4 millions d'euros en autorisations de programme. La diminution entre 2009 et 2010 que vous dénoncez tient au fait que, en 2009, l'État a payé les frais liés aux opérations sur le Cap Blanc, frais qu'il n'aura pas, je l'espère, à payer en 2010 ; quoi qu'il en soit, ils montrent que le secrétariat d'État à l'outre-mer répond toujours présent lorsqu'il y a des dépenses imprévues. Bien des territoires souhaiteraient voir leur enveloppe initiale ainsi multipliée par deux au terme des dépenses réalisées ! J'espère donc, madame la députée, que vous serez convaincue de l'utilité du secrétariat d'État à l'outre-mer, puisque ce point a suscité des débats en commission.
Le soutien à l'économie polynésienne, monsieur Sandras, passe évidemment par la DGDE, la dotation globale de développement économique, que l'État a dotée de 150 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 135 millions en crédits de paiement. L'État n'abandonne donc pas les Polynésiens, mais nous devons établir de nouvelles relations financières avec ce territoire. Le décrochage tient au décalage, au sein de la partie de la DGDE consacrée aux investissements, entre autorisations d'engagement et crédits de paiement. Ce décalage est d'ailleurs classique : dès lors que le contrôle révèle que l'investissement a eu lieu, l'autorisation d'engagement donne lieu à paiement. Si tel était le cas en 2010, les crédits de paiement atteindraient 150 millions d'euros.
S'agissant de la réforme de la DGDE, j'ajoute que les négociations avec le Gouvernement polynésien, dont je sais qu'elles préoccupent de nombreux députés, ont commencé depuis plusieurs mois. J'ai bon espoir qu'elles aboutissent à un protocole d'accord entre l'État et la Polynésie française. Mais les sommes octroyées au titre du plan de relance – 2 milliards de francs pacifiques, soit près de 17 millions d'euros – seront transférées en 2010 de la partie investissements de la DGDE vers la partie fonctionnement, et ce afin de soutenir des actions en faveur de l'emploi. J'ai par ailleurs demandé à mes services que la dernière fraction de la DGDE prévue pour 2009 soit transférée à la Polynésie, ce représente une enveloppe de 18 millions d'euros.
Enfin, si la négociation de la réforme de la DGDE se déroule convenablement, je veillerai personnellement à ce qu'une partie importante des restes à payer à la fin de 2009 soient payés dès cette année. La volonté du Gouvernement est en effet d'aider les Polynésiens.
Vous avez été plusieurs à aborder la question de l'éducation, de la jeunesse et de la formation. J'approuve Didier Robert sur ce point. Soyez assurés que les propositions formulées notamment dans le cadre des états généraux seront entendues. S'agissant des besoins de la Guyane, ce sujet important sera abordé lors du conseil interministériel de l'outre-mer.
Je souhaite, pour finir, faire passer un message. Le budget de l'outre mer, dit-on souvent pour le minimiser, ne représente que 12 % de l'effort global de l'État. Cet argument m'inspire deux réflexions. En premier lieu, le secrétariat d'État à l'outre-mer n'a pas vocation à devenir le gestionnaire de tous les crédits budgétaires intéressant les territoires ultramarins. Ce pourrait même être néfaste à terme : les autres ministères doivent en effet continuer à s'intéresser à l'outre-mer. L'idée selon laquelle le secrétariat d'État à l'outre-mer doit gérer seul les crédits intéressant l'outre-mer équivaudrait à un repli ou à un isolement. Or les outre-mer doivent être intégrés à la réflexion de tous les ministères, car ils font partie intégrante du territoire national.
Seconde réflexion : avec près de 2 milliards d'euros, la mission « Outre-mer » est la deuxième de l'État derrière celle consacrée à l'éducation ; si l'on inclut le titre II, relatif aux dépenses de personnels, elle devient la première mission, loin devant celles de la santé et de l'éducation.
Cette mission n'est donc pas accessoire, et les crédits de l'État pour l'outre-mer sont loin d'être négligeables.
Au bénéfice de ces précisions et de l'effort budgétaire consenti, je souhaite, mesdames et messieurs les députés, que vous votiez les crédits de la présente mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous en arrivons aux questions.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Je souhaitais vous interroger, madame la secrétaire d'État, sur le logement. Huguette Bello, que vous n'avez pas citée, l'a déjà fait dans un plaidoyer où elle a évoqué la crise du logement en outre-mer, ainsi qu'Alfred Marie-Jeanne. Mais vous avez déjà partiellement répondu à ma question. Je vous interrogerai tout de même brièvement.
Quand l'État veut, l'État peut, dit l'adage – même s'il est de moins en moins vrai. Dans ma ville, l'État a mené une politique volontariste de construction de logements sociaux, accompagnant les maires dans le suivi et le soutien aux projets. Pouvez-vous donc nous préciser, madame la secrétaire d'État, les moyens que vous entendez déployer, vous ou votre collègue en charge du logement, pour que votre priorité théorique se transforme en priorité réelle, et que des logements sociaux soient construits au plus vite ?
C'est à juste titre, monsieur le député, que vous avez abordé la question de la réalisation des logements sociaux, domaine dans lequel on ne peut en effet se contenter d'affichage. Afin de lui donner une traduction concrète, il faut réaliser des opérations dont on connaît par ailleurs la complexité. Certains territoires y parviennent plus facilement que d'autres : des opérateurs maîtrisent parfaitement les outils de financement qui sont à leur disposition, que ce soit la LBU, la ligne budgétaire unique, ou la défiscalisation.
Toutefois les logements sociaux souffrent d'une difficulté majeure : le foncier. La question de la gouvernance, que Serge Letchimy a soulevée dans son rapport sur la résorption de l'habitat insalubre, se pose également ; mais nous savons tous que le problème foncier est un frein à la réalisation des opérations. C'est pourquoi l'État a accompagné les collectivités avec les conventions d'action foncière, notamment à La Réunion, où celles-ci ont permis de relancer la réalisation de logements. Nous généraliserons ce dispositif et nous efforcerons de mieux accompagner les collectivités.
Cette question sera une priorité pour le directeur départemental de l'équipement : nous pourrons ainsi nous assurer que les objectifs sont atteints, les réalisations pouvant être vérifiées en fin d'année.
Je profite de la question posée par notre collègue pour apporter quelques précisions sur la dette de l'État à l'égard des organismes de logement social, question sur laquelle, madame la secrétaire d'État, vos services ont répondu de façon satisfaisante. Je vous confirme, mes chers collègues, ce que je disais tout à l'heure : l'État a bien une dette de 17 millions d'euros à l'égard de ces organismes ; j'ignore si les factures auxquelles vous avez fait référence, madame la secrétaire d'État, la majoreront. En tout état de cause, elles ne peuvent à l'évidence être comptabilisées dans ces 17 millions : pour preuve, vos services eux-mêmes ont indiqué que cette dette leur paraissait compatible avec la trésorerie des organismes de logement social. Elle n'est donc pas virtuelle mais réelle, l'État ayant estimé – peut-être en a-t-il le droit – que la trésorerie de ces organismes devait l'assumer.
Le récent rapport du Conseil économique et social sur l'offre de santé dans les collectivités ultramarines souligne la spécificité de l'organisation de la santé dans l'outre-mer. En effet, les onze collectivités composant l'espace ultramarin français ont en commun leur éloignement avec la métropole, avec ses inévitables conséquences sur les dépenses de santé liées au transport des produits et à la sur-rémunération accordée à certains professionnels. S'ajoute à cela la question, tout aussi essentielle, de la précarité dans ces territoires. Selon le rapport, « l'outre-mer se caractérise […] par la cohabitation des maladies liées à la pauvreté et au climat tropical […] avec des maladies de pays riches particulièrement prégnantes (obésité, diabète, hypertension artérielle), par une contamination importante par le VIHSIDA et un nombre important d'IVG ». Le même rapport constate également que « la précarité liée au chômage avec un nombre de bénéficiaires du RMI pouvant parfois atteindre plus du quart de la population traduit la fragilité des économies ultramarines et les besoins spécifiques des populations dans l'accès à une offre de santé adaptée à leurs besoins ».
Un certain nombre de propositions intéressantes sont formulées par ce rapport pour répondre le mieux possible, dans une optique de qualité et de sécurité maximale, aux besoins de soins, de prévention et d'éducation à la santé de chaque territoire ultramarin. Le Gouvernement entend-il donner suite à ces propositions et si oui, comment ?
La santé publique est un sujet important en outre-mer, notamment sur des territoires comme la Guyane. Toutes les propositions et les observations que vous avez formulées, monsieur le député, figurent dans le plan Santé outre-mer présenté par Roselyne Bachelot à l'occasion de son déplacement aux Antilles. Un effort considérable sera consenti en faveur de l'outre-mer, à la fois sur les équipements hospitaliers – puisque le plan prévoit la reconstruction du centre hospitalier de Pointe-à-Pitre et l'aménagement de celui de la Martinique – et sur les maladies que vous avez évoquées.
Roselyne Bachelot a mis en place une planification pour prendre en compte l'ensemble de ces dépenses depuis 2008, laquelle devrait se poursuivre à partir de 2010.
Cette question sur la santé m'amène à apporter des précisions au sujet de la dette de l'État à l'égard des organismes de protection sociale. En effet, madame la secrétaire d'État, un effort a été fourni, puisque cette dette, eu égard aux dispositions spécifiques à l'outre-mer, était beaucoup plus élevée en 2008 qu'aujourd'hui.
Par une convention avec l'ACOSS, cette dette a été centralisée et, dans le cadre du plan d'apurement des dettes de l'État à l'égard de la sécurité sociale, c'est l'ensemble qui a été transféré à la CADES. Autrement dit, l'État n'a pas payé cette dette, mais l'a transférée à la CADES pour qu'elle y soit amortie. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Toutefois, depuis cette opération d'apurement, avec le transfert de diverses ressources, dont 1,3 % de CSG, la dette de l'État à l'égard des organismes de protection sociale outre-mer a commencé à se reconstituer : elle s'élève aujourd'hui à 664 millions d'euros, s'aggravant cette année de 55 millions d'euros.
Je rappelle, mes chers collègues, que, à ce stade de la discussion budgétaire, il n'est pas prévu que les orateurs répondent au Gouvernement, mais je pourrai leur octroyer des prises de parole lors de la discussion des amendements.
J'appelle les crédits de la mission « Outre-mer », inscrits à l'état B.
Je suis saisi d'un amendement n° 81 .
La parole est à M. Abdoulatifou Aly.
Cet amendement concerne une dépense assez particulière : la rémunération des fonctionnaires mutés à Mayotte. Vous le savez, ils bénéficient d'une sur-rémunération, l'indemnité d'éloignement qui correspond à vingt-trois mois de salaire non imposables. Toutefois, une partie de l'indemnité est payée avant que le fonctionnaire ne parte pour Mayotte, l'autre étant versée au terme du séjour de deux ans. Cet argent est donc totalement dépensé hors de Mayotte, alors qu'il pourrait permettre à l'économie de fonctionner un peu mieux. Pour ce faire, il suffirait d'étendre à Mayotte le système de l'indexation applicable dans les départements d'outre-mer.
La commission n'a pas examiné cet amendement. À titre personnel, je ne peux qu'y être défavorable, car je crains une erreur de perception. En effet, les crédits que vous déplacez, mon cher collègue, sont ceux relatifs au service militaire adapté. Or chacun s'accorde ici à reconnaître qu'il s'agit d'une bonne politique. Je ne crois donc pas souhaitable d'affecter les 70 millions d'euros qui lui sont consacrés à une autre politique, aussi légitime soit-elle. Mais peut-être votre amendement est-il avant tout un amendement d'appel auprès du Gouvernement, qui va vous répondre.
Monsieur le député, vous proposez une modification du régime indemnitaire de Mayotte. Je rejoins à ce propos ce que vient de dire le rapporteur spécial. Ce n'est pas le budget de la mission « Outre-mer » qui peut régler cette question, car cela reviendrait à affaiblir le dispositif du service militaire adapté. Je suis donc défavorable à votre amendement.
(L'amendement n° 81 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 96 .
La parole est à M. Abdoulatifou Aly.
Cet été, le Premier ministre, en visite à Mayotte, a pris l'engagement que les classes n'accueilleraient plus, comme aujourd'hui, quarante élèves, mais vingt-sept au maximum.
Quelle chance vous avez ! Nous aimerions bien qu'on en fasse autant chez nous !
Pour tenir cet engagement, il faudrait construire 600 classes. Le Gouvernement n'ayant pas prévu de mesures particulières pour financer ces constructions, je fais la proposition contenue dans cet amendement.
Que mon collègue veuille bien m'en excuser, mais, à titre personnel, je ne peux pas y être favorable. Les crédits que vous proposez de déplacer sont ceux réservés aux compensations d'exonérations de charges sociales. Si votre amendement était adopté, cela alourdirait la dette de l'État à l'égard des organismes de protection sociale de 30 millions d'euros. Je vous rappelle qu'elle se monte déjà à 660 millions d'euros et nous ignorons quand l'État pourra l'acquitter. Il ne me paraît pas raisonnable de l'aggraver encore, même si je comprends parfaitement que vous mettiez un point d'honneur à ce que les promesses du Premier ministre soient tenues.
Au regard du budget de la mission « Outre-mer », je ne peux qu'être défavorable à cet amendement. Toutefois, en ce qui concerne la démographie de Mayotte, nous avons bien conscience qu'il est nécessaire de mieux prendre en compte la question de l'éducation dans ce territoire. Elle ne manquera pas d'être abordée et je peux vous assurer que le Gouvernement y est attentif, comme il l'est à la poussée démographique en Guyane. Des mesures devraient d'ailleurs être prises très prochainement à cet égard concernant Mayotte.
(L'amendement n° 96 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 97 .
La parole est à M. Abdoulatifou Aly.
Le lancement de la départementalisation de Mayotte a un coût. Il ne suffit pas de dire qu'on va la réaliser : encore faut-il que cette ambition se concrétise par des moyens budgétaires. Le pacte pour la départementalisation de Mayotte a prévu un fonds de développement économique et social, que l'on ne voit pourtant pas apparaître dans le budget du secrétariat d'État à l'outre-mer. On y trouve un ancien fonds mahorais de développement, abondé à hauteur de 600 000 euros, qui est loin des enjeux de la départementalisation. C'est pourquoi je demande à Mme la secrétaire d'État de concrétiser l'ambition du département en substituant à ce fonds mahorais le fonds de développement économique et social prévu dans le pacte, et de nous dire quels crédits y seront inscrits. Je propose, pour ma part, qu'ils soient dix fois plus importants.
spécial. À titre personnel, je suis défavorable à cet amendement, que la commission n'a pas examiné. Comme l'amendement précédent, celui-ci majore la dette de l'État à l'égard des organismes de protection sociale. Je peux parfaitement comprendre la légitimité de cette action, je suis bien convaincu, même, qu'il faut que vous arriviez à vos fins et à budgéter ces mesures, mais je ne crois pas que l'on puisse le faire en aggravant cette dette.
Monsieur Aly, je l'ai dit en répondant aux orateurs, nous respecterons le pacte pour la départementalisation. Ce sera le pacte, tout le pacte : nous n'irons pas plus vite, nous n'irons pas moins vite. Le fonds dont vous faites état n'a pas encore été créé. C'est la raison pour laquelle, dans le cadre du budget 2010, nous avons maintenu l'effort de l'État en direction de Mayotte. La question se posera au moment de l'élaboration du budget 2011.
(L'amendement n° 97 n'est pas adopté.)
La France est une puissance maritime, mais ce n'est pas une nation maritime. J'ai eu l'occasion, ces derniers mois et ces dernières semaines, de réfléchir à cette question : si notre dimension ultramarine est connue et reconnue, au travers de ses départements et collectivités d'outre-mer, elle l'est assurément moins au travers de ses territoires. Ces amendements s'inscrivent dans le droit fil de ce que disait le chef d'état-major de la marine nationale, l'amiral Forissier : « La mer n'appartient qu'à ceux qui s'en servent. » Il en est de même pour les territoires. La notion de souveraineté n'est pas quelque chose d'acquis de manière définitive, et il y a lieu de la préserver.
J'ai donc proposé une série d'amendements visant à traiter de la situation spécifique de certains îlots qui font partie des îles Éparses ou des Terres australes, ou, dans le Pacifique Nord, de l'îlot de Clipperton. Leur statut juridique est un peu particulier : ce ne sont ni des départements ni des collectivités. Ils sont rattachés ou, comme dans le cas de Clipperton, gérés par un établissement public. Nous devons réfléchir à la situation spécifique de ces parties de notre territoire national, qui sont non seulement inhabitées mais, parfois, revendiquées par des pays voisins ou riverains.
Tel est, par exemple, le cas de Clipperton. Si cet îlot représente une superficie limitée de 2 kilomètres carrés, il offre à notre pays 440 000 kilomètres carrés de zone économique exclusive. Pour donner un ordre d'idées, je rappellerai que la zone économique exclusive de la métropole, Corse incluse, est de 345 000 kilomètres carrés. Envoyer à Clipperton, une fois par an, un bâtiment de la marine nationale pour changer le drapeau qu'on y a planté n'est pas la seule façon d'asseoir de manière pérenne la souveraineté sur cet îlot. À l'heure où nous envoyons des hommes dans l'espace et où nous avons un projet de station orbitale internationale, on peut se demander si, à l'identique de ce qui se fait dans certaines des îles Éparses, notamment Europa, les Glorieuses ou Juan-de-Nova, il ne serait pas opportun d'envisager une présence permanente à Clipperton. L'îlot fut habité au début du xxe siècle et Jean-Louis Étienne – qui du reste est un Tarnais, originaire de Castres – a mené une expédition scientifique et a démontré qu'il y avait possibilité d'y vivre ; ce serait pour nous la meilleure façon de montrer au Mexique qui revendique non seulement Clipperton mais la zone économique exclusive adjacente que la République française tient à conserver ce territoire en son sein. Cela pourrait se faire par la présence de quelques militaires, de scientifiques, voire de gendarmes, comme c'est le cas sur les îles Éparses.
Ce raisonnement peut être repris, à peu de choses près, pour l'île Saint-Paul, dans les Terres australes et antarctiques françaises, qui, avec l'île voisine d'Amsterdam, valent à la France une zone économique exclusive de 506 000 kilomètres carrés ; pour l'île Tromelin, dans les îles Éparses, qui représente une ZEE de 280 000 kilomètres carrés ; ou pour l'île de Bassas-da-India dont la situation est certes un peu particulière puisqu'elle est en grande partie recouverte à marée haute, mais qui offre à la France une ZEE de 123 700 kilomètres carrés.
Le sujet est important, sinon essentiel. La France est forte de ses départements, collectivités et territoires d'outre-mer. Ils sont une chance pour notre pays.
Comme plusieurs l'ont dit – je remercie plus particulièrement notre collègue Annick Girardin, qui a fait allusion à quelques-uns de mes écrits –, il s'agit d'une question importante et essentielle pour notre République, qui reste une et indivisible, y compris lorsqu'il s'agit de notre souveraineté sur ces îlots.
La commission n'a pas examiné ces amendements ; elle le regrette d'ailleurs vivement.
À titre personnel, je ne puis malheureusement qu'appeler à les rejeter. J'emploie l'adverbe « malheureusement » car les propos de notre collègue m'ont rappelé la célèbre phrase de Georges Leygue, dont je suis ainsi un lointain successeur en tant que député du Villeneuvois mais auquel je ne risque pas de succéder en tant que ministre de la marine, puisqu'il n'existe plus de ministère de la marine. Toujours est-il que Georges Leygue fut un très grand ministre de la marine, et il affirmait : « Qui tient la mer tient le commerce, et qui tient le commerce tient le monde. »
Avez-vous donc l'intention, mon cher collègue, d'établir des comptoirs commerciaux sur ces îlots ? Je ne le crois tout de même pas. Il est vrai que se souvenir que ces territoires sont partie intégrante de la nation uniquement pour y changer le drapeau une fois par an peut décevoir. De là à y assurer une présence permanente… Avouez que la tâche est difficile à accomplir de manière pleinement satisfaisante, surtout pour Bassas da India, intégralement recouverte à marée haute !
Quoi qu'il en soit, et puisqu'il faut donner une raison, je note que, comme celui de votre collègue Aly, vos amendements tendent, monsieur Folliot, à déplacer des crédits destinés à payer les dettes de l'État à la sécurité sociale. Cela suffit pour que, nonobstant leur romantisme, auquel nous avons tous été sensibles, j'appelle à les rejeter.
Vous avez raison, monsieur le député, d'aborder la question des terres australes et antarctiques françaises.
Au moment où la France aborde l'année de la biodiversité, on voit tout l'intérêt de préserver ces territoires à l'extraordinaire richesse naturelle. Vous savez d'ailleurs à quel point j'y suis attachée.
J'ai eu l'occasion de participer à un colloque sur les îles Éparses et j'ai très clairement posé la question de la souveraineté de ces territoires au ministre de la défense, M. Hervé Morin. Il m'a annoncé, s'agissant plus particulièrement des îles Glorieuses, qu'il allait y assurer une présence militaire de nature à garantir la souveraineté française.
Le secrétariat d'État à l'outre-mer, en lien avec le secrétariat d'État à l'écologie et le ministère de la défense, est donc très soucieux de la préservation de ces territoires et se donnera les moyens d'assurer la souveraineté française. Sachez que j'envisage moi-même de m'y rendre (Sourires), …
Faites attention à Bassas da India ! Prenez un horaire des marées ! (Rires.)
Cela fait plus de cinquante ans qu'aucun ministre n'y est allé et que bon nombre de nos compatriotes de l'hexagone et de l'outre-mer ne connaissent pas ces territoires, qui font partie de notre patrimoine national.
C'est pourquoi je vous propose, monsieur le député, de retirer votre amendement. Trois ministères s'engagent effectivement à accompagner et soutenir votre démarche de préservation de ces îles.
Monsieur le président, lorsque nous aurons adopté les crédits inscrits à l'état B, nous aurons adopté le budget de l'outre-mer. J'aimerais faire auparavant savoir quelle est la position du groupe SRC sur le budget de l'outre-mer, et par la même occasion répondre aux propos de Mme la secrétaire d'État.
S'il s'agit d'une explication de vote, monsieur Lurel, je vous invite à patienter : un temps de parole de deux minutes est prévu pour les explications de vote, qui auront lieu tout à l'heure.
La parole est à M. Serge Letchimy.
Nous parlons de choses extrêmement importantes et sérieuses. Vous avez présenté vos amendements, cher collègue Folliot, de la manière la plus sincère possible. Mais peut-être, comme Jérôme Cahuzac l'a remarqué, ne sont-ils pas adaptés à la situation.
La France compte environ 12 millions de kilomètres carrés d'océans et de mers, dont 97 % se trouvent outre-mer, lequel compte en outre 80 % de la biodiversité marine et terrestre française. Il ne s'agit donc pas seulement d'aller planter un drapeau, et je ne pense pas que la France éprouve des difficultés à faire reconnaître sa souveraineté sur ces terres. Je pense que le problème essentiel et fondamental est de savoir comment donner un nouveau souffle et une nouvelle éthique au développement économique de nos pays et des peuples d'outre-mer.
À ce titre, je vous suggérerai de vous reporter au Grenelle de la mer et aux propositions formulées par un grand nombre, dont j'étais, sur une stratégie marine et maritime propre et régionalisée. Il a ainsi été suggéré que La Réunion soit un référent dans la région et que l'on développe, dans les bassins maritimes transfrontaliers du Pacifique, des stratégies articulées autour de pôles de recherche scientifique. Voilà qui donnerait un véritable contenu à la démarche dont procède vos amendements.
Du reste, il ne s'agit pas de visiter, mais bien plutôt de partager ensemble les richesses de ce monde dont nous n'avons exploré que 1 % et qui représentent certainement l'avenir. En ce sens, la question de l'outre-mer ne se résume pas en termes de handicap ; elle doit être envisagée en termes de richesse et de valorisation.
Je profite de l'examen des amendements de M. Folliot pour évoquer un sujet qui n'a pratiquement jamais été évoqué devant la représentation nationale : la situation de l'île Aves, à 400 kilomètres au large de la Guadeloupe. Je sais que mes amis de Martinique soutiennent qu'elle se trouve aussi à environ 400 kilomètres de la Martinique et que la Dominique affirme exactement la même chose. (Sourires.)
S'agissant de Clipperton, des droits de pêche sur 440 kilomètres carrés ont été cédés au Mexique, qui a d'ailleurs quelques velléités de souveraineté sur ces îlots. Dans le cas d'Avez, la question se pose dans les mêmes termes, et avait été traitée dans le plus grand secret par Pierre Mauroy lorsqu'il était Premier ministre, décision entérinée et confirmée par d'autres gouvernements d'autres sensibilités : nous avons cédé des droits au Venezuela, qui se trouve à 1 500 kilomètres au sud de la Guadeloupe et de la Martinique. Or, jusqu'à présent, personne ne peut, en quelque sorte, faire la lumière sur cette question.
Certes, on évoque Clipperton et d'autres îles, mais il y a des soldats vénézueliens à 400 kilomètres de la Guadeloupe. Je demanderai donc à Mme la secrétaire d'État sinon de répondre aujourd'hui, du moins de clarifier cette affaire.
Même si ce débat a duré longtemps et qu'il est tard, je tiens à remercier M. Letchimy d'avoir souligné que la question dont nous débattons n'est pas anecdotique. Pour autant, monsieur Letchimy, ce n'est pas qu'une question économique ; c'est une question de souveraineté – fût-ce, cher collègue Cahuzac, sur un îlot parfois totalement immergé.
À la lecture des amendements de notre collègue Folliot et de l'exposé de leurs motif, on comprend l'intérêt de ces îlots en termes de diversité biologique mais également leur importance économique tant pour l'outre-mer que pour l'ensemble de la nation. Tout le monde sait aujourd'hui que la mer représente une ressource potentielle pour le développement futur et que la France a intérêt, même à travers des territoires symboliques, à la préserver.
Mon seul point de désaccord avec M. Letchimy porte sur le fait que, non, notre souveraineté n'est pas assurée partout sur ces territoires ; notre collègue Victorin Lurel vient d'ailleurs d'évoquer le cas de Clipperton. Votre réponse, madame la secrétaire d'État, et l'action coordonnée du Gouvernement peuvent paraître suffisantes mais, sur ce sujet qui nous tient à coeur, cette action doit être constatée et vérifiée dans le temps. Tout à l'heure, Victorin Lurel disait que l'on pouvait parfois se demander ce que nous faisons de cet espace. D'autres ministères que le vôtre ne le bradent-ils pas, çà et là ? Cet espace doit rester le nôtre, et la France doit y affirmer sa présence.
Si le Gouvernement dit le faire, je souhaite, chers collègues, y compris de métropole, que l'ensemble de la représentation nationale ne l'oublie pas, pour que tous les gouvernements s'en souviennent à leur tour. On nous en voudrait beaucoup d'avoir abandonné des milliers, des centaines de milliers de kilomètres carrés de zone économique exclusive, alors même que l'intérêt national et l'intérêt des territoires ultramarins s'y jouent.
Ces amendements visaient surtout à lancer un début de débat en ces matières. Je voudrais simplement dire, s'agissant de la souveraineté, que, si la présence française est assurée sur les îles Éparses, sur Europa, dans les îles Glorieuses et à Juan de Nova, c'est parce que nous savons très bien que, le jour où nous quitterons ces terres, des trafiquants et des pirates s'en serviront comme base arrière, avec tout ce que cela peut représenter.
Il ne faudrait pas que le canal du Mozambique devienne un jour l'équivalent de la Somalie. De même, nous savons très bien que des bandes mafieuses de narcotrafiquants utilisent Clipperton. C'est en tout cas ce que Jean-Louis Étienne m'a déclaré à la suite de son expédition. Et les déchets qu'ils y abandonnent laissent imaginer ce qui s'y trame.
Autant dire que c'est un sujet essentiel. Effectivement, comme l'a dit Mme la secrétaire d'État, la dimension écologique et environnementale est très prégnante, en raison de la biodiversité. Mais sur le plan économique, ses 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive sont, pour notre pays, une chance formidable qui l'aidera à relever les défis du XXIe siècle : l'énergie, l'alimentation, l'eau potable.
J'ai déposé ces amendements pour que nous soyons animés par la volonté de préserver la totalité de cette zone économique exclusive. Ce débat ayant, du moins, été abordé, Mme la secrétaire d'État s'étant exprimée et ayant pris l'engagement exceptionnel de se rendre sur place, je les retire.
Avant la mise aux voix des crédits de la mission, je donne la parole pour des explications de vote.
La parole est à M. Victorin Lurel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Compte tenu de la particularité du vote des crédits de la mission « Outre-mer », je tenais effectivement, tout à l'heure, à dire ce que nous pensons de ce budget et des propos de Mme la secrétaire d'État.
Elle a déclaré qu'il ne fallait pas simplement des lois, qu'il fallait tout d'abord rétablir la confiance. C'est précisément ce que je lui demande de faire, en menant une politique plus éclairée et des crédits d'intervention autrement plus conséquents.
Loin de là : ils n'augmentent d'ailleurs pas de 6 %, mais de seulement 1,2 % en volume. Nous pouvons, certes, en discuter et chacun voit la bouteille à moitié vide ou à moitié remplie ; mais, sur le terrain, nous en savons quelque chose.
Autre phrase que j'ai entendue plusieurs fois : « Éviter de rétablir les situations préjudiciables à nos territoires ». Comme si, à chaque fois nous dénonçons à cette tribune un engagement non respecté, notre intention était de donner quelque gage à des acteurs du monde syndical et social, de faire la courte échelle à telle ou telle personne. Voyez où je veux en venir…
Il n'est pas question de faire coexister RSTA et RSA : c'est votre affaire. Pour notre part, nous avons réclamé l'application du RSA. D'après René-Paul Victoria, 42 % de la population pourrait en bénéficier outre-mer. C'est pourtant chez nous que le RSA n'est pas appliqué !
Nous n'avons jamais demandé la coexistence du RSTA et du RSA. En revanche, nous vous demandons, madame le secrétaire d'État, de tenir les engagements pris, de respecter les signatures apposées au bas de nombreux feuillets – 162 articles ! – et de ne pas imputer le RSTA sur la prime de l'emploi. La parole donnée engage, me semble-t-il, la République, elle engage la France. Lorsque l'on prétend que ce n'est pas ce qui a été conclu, je témoigne : j'étais présent, et j'ai signé le rapport ! Vous avez succédé à M. Jégo, madame la secrétaire d'État, mais on ne peut faire fi de la continuité des services, de l'administration et de la politique. Il convient de respecter celaQuatre territoires vous observent. À la Réunion, en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe, des engagements formels ont été pris. Oui, nous regardons objectivement votre budget, qui est une accumulation de dettes aux collectivités. Contrairement à ce que j'ai entendu, il ne s'agit pas simplement de retard dans la production des factures. Mayotte en sait quelque chose pour ses collèges : elle a produit des factures en son temps. Mais on a inventé une catégorie budgétaire qui n'existe pas dans la loi organique relative aux lois de finances, celle de la « dette virtuelle ». On a oublié les autorisations de programme, les autorisations d'engagement et les crédits de paiement, pour inventer une dette virtuelle…
Un événement récent n'a pas encore été évoqué au cours de nos débats. Il y a deux jours, en Guadeloupe, une sorte de petit tsunami s'est produite à Saint-François et l'on a coupé la route de la Pointe des Châteaux. La barrière de corail n'a pas joué son rôle de protection face à cette marée de tempête : il y a eu une énorme vague qu'elle n'a pas arrêtée.
La région Guadeloupe, dont je suis le président, paie des marégraphes et des houlographes à la place de l'État et nous sommes contraints de compter sur les États-Unis pour le dispositif d'alerte précoce. Je demande à Mme la secrétaire d'État que, dès 2010, il y ait un réseau de marégraphes en temps réel pour pouvoir alerter nos populations en cas de séisme.
Il en est de même pour la violence, que nous n'avons pas encore évoquée. J'entends dire que la violence est enrayée, alors que le taux des actes de violence contre les personnes atteint 17,2 %, et 9,46 % pour les actes de violence en général. Il manque 110 policiers, rien que chez moi, en Guadeloupe, mais c'est vrai ailleurs. C'est vrai aussi pour la logistique. Nous attendons toujours une vedette ultrarapide pour les douanes. Non, ce budget n'est pas à la hauteur de nos espérances ni de nos besoins ; il n'est pas non plus à la hauteur de la parole donnée. Par conséquent, nous ne pourrons en aucun cas le voter.
À cette heure avancée, je ne crois pas nécessaire de revenir sur tous les arguments qui conduiront le groupe UMP à adopter ce projet de budget. Nous avons eu un débat très riche et les différents intervenants ont précisé les aspects positifs du budget qui nous est présenté.
Je rappellerai simplement que l'un des mérites de ce budget est de traduire honnêtement, fidèlement et loyalement les engagements que nous avons pris ici dans le cadre de la LODEOM. Ce budget constitue incontestablement une avancée dans le domaine économique puisqu'il soutient les activités. C'est par ailleurs un budget social car nous faisons un pas important en matière de logement social.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP adoptera ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, je vous rappelle qu'il reste encore, après l'adoption des crédits, un article additionnel, avec deux amendements.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Outre-mer ».
(Les crédits de la mission « Outre-mer » sont adoptés.)
Nous en venons à deux amendements portant articles additionnels après l'article 54.
Je suis saisi d'un amendement n°16 .
La parole est à M. Serge Letchimy.
Au-delà du budget, il y a des décisions importantes à prendre en cas de crise grave. Nous avons tous rappelé la gravité de la crise que nous traversons, mais je souhaite me faire le relais des acteurs économiques, notamment ceux du tourisme. Aujourd'hui, la situation du tourisme est extrêmement difficile, puisque nous sommes passés d'un million de touristes par an à environ 500 000. Le tourisme de croisière accueillait près de 487 000 touristes. En Martinique, où la situation est à peu près semblable à celle de la Guadeloupe, nous recevons aujourd'hui 84 000 touristes de croisière.
Il y a sans doute à cela des raisons purement locales ; l'attractivité du territoire doit être améliorée, ainsi que l'accueil. Mais il y a une situation qu'on ne saurait nier, s'agissant de l'évolution du transport intérieur. Il faut savoir qu'environ 76 % des touristes qui fréquentent la Martinique viennent de l'Hexagone. Parmi eux, un grand nombre vient de province. La difficulté, c'est que les départs vers la Martinique et la Guadeloupe se font à partir d'Orly. Or, aujourd'hui, Orly n'est pas correctement connecté avec l'ensemble des réseaux internationaux permettant de capter la clientèle extérieure, ni avec les réseaux intérieurs. De plus le TGV prend une importance considérable puisqu'il assure pratiquement tous les déplacements. Or, à Roissy, une gare TGV permet de relier la clientèle intérieure. Le trafic à Roissy est important : cet aéroport reçoit aujourd'hui 60 millions de passagers, contre 26 millions pour Orly.
Le Gouvernement est déjà sensibilisé à cette question, mais les acteurs économiques demandent qu'un rapport soit rendu, dans des délais si possible assez brefs, pour tenter de participer à la reconquête de la clientèle venant d'Europe. Nous pourrions ainsi entamer une discussion, puis une négociation avec les responsables, notamment à Orly – je pense en particulier à Air France – afin de faire de Roissy un hub touristique permettant de renflouer et même d'augmenter la fréquentation dans les régions et départements d'outre-mer. Tel est l'objet de l'amendement 16 .
La commission n'a pas examiné cet amendement.
À titre personnel, je suis partagé, car je comprends la nécessité, pour tous les élus, et notamment ceux des départements d'outre-mer, de savoir ce qu'il en est de l'efficacité des politiques touristiques. Je comprends l'argument développé par M. Letchimy. Cela étant, mes chers collègues, nous le savons, notre assemblée a sans doute le tort de solliciter trop de rapports, dont on se demande si le meilleur usage leur est toujours réservé.
Pour ma part, j'estime que la sagesse de l'Assemblée est le seul recours pour décider du sort de l'amendement de notre collègue Letchimy dont, je le répète, je comprends parfaitement les motivations.
Monsieur le député, le Gouvernement est conscient des difficultés du secteur touristique aux Antilles. La situation s'est aggravée depuis plusieurs années, et avec la crise sociale les choses n'ont fait qu'empirer. La question que vous posez pourrait être réglée au travers de l'article 74 de la LODEOM, en confiant le soin de mener cette étude à la commission d'évaluation des politiques publiques de l'outre-mer. Mais, au regard de l'intérêt de cette question, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
(L'amendement n° 16 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 17 .
La parole est à M. Serge Letchimy.
Cet amendement est dans le même esprit que le précédent, que vous avez rejeté. Je respecte le vote de l'Assemblée, mais en temps de crise, j'aimerais avoir, pour tenter d'en sortir, des réponses structurelles, pas seulement des réponses sociales ou d'accompagnement financier.
À ce titre, je me fais l'écho de ce que j'ai entendu en Martinique ces derniers temps. Il y a eu un plan de relance pour les banques, qui a peut-être encore conforté le système de l'ultralibéralisme financier. Il y a également eu un plan de relance pour les entreprises, qui a accompagné des dispositifs essentiels. Cependant, je n'ai pas vu de plan de relance pour accompagner les collectivités locales.
Nous connaissons pourtant une situation bien particulière : les recettes des collectivités locales des DOM sont assises sur l'octroi de mer et celui-ci, du fait de la gravité de la crise, s'est affaissé. Les conséquences ont été extrêmement navrantes tant pour la collectivité régionale que pour le département, mais aussi pour les communes. En effet, 60 % des recettes de certaines petites communes viennent de l'octroi de mer. Pour une ville comme Fort-de-France, l'octroi de mer représente 38 à 40 % de ses recettes.
La situation est donc assez compliquée, d'autant que ces communes, et notamment les grandes villes, ont assumé le mal-développement de l'ensemble de ce pays pendant de nombreuses années et absorbé l'exode rural. Vous disiez tout à l'heure, monsieur Aly, qu'il faudrait construire 600 classes. Je suis très heureux de la réponse de Mme la secrétaire d'État, car elle n'a pas simplement dit que ce n'était pas possible en raison de la conjoncture et du rythme de la départementalisation, mais qu'elle examinerait de près cette question. Car 600 classes à construire, avec une moyenne de vingt-sept à trente élèves par classe, cela représente beaucoup d'enfants qui, demain, risquent de rester sur le bord de la route.
Nous proposons, pour le budget 2011, que les réalités financières des communes d'outre-mer et particulièrement des villes capitales, qui supportent des charges de centralité – lesquelles posent aussi un problème en métropole – et qui doivent participer à la relance du développement économique, fassent l'objet d'une analyse très précise. Il faudra notamment vérifier la place de l'octroi de mer, qui est devenu davantage un moyen d'alimenter les budgets des communes qu'un impôt de stratégie économique. Il faut revisiter la fiscalité des communes. Pour ce faire, notre amendement 17 propose qu'un rapport soit rendu, afin que nous puissions faire des propositions concrètes lors de la discussion du budget 2011. Des rendez-vous ont déjà été demandés à Mme la secrétaire d'État, notamment pour les maires des villes capitales.
La commission n'a pas examiné cet amendement.
Nous connaissons la situation difficile des collectivités ultramarines et nous savons la grande difficulté qu'a la plupart d'entre elles à investir dans des domaines vitaux pour le développement des territoires, qu'il s'agisse de zones d'activité commerciale, d'assainissement, de routes ou de services publics – je pense, bien sûr, aux transports en commun.
C'est si vrai qu'à la suite de demandes que j'ai pu faire dans le cadre du rapport spécial, un fonds a été créé par l'État, afin d'aider – uniquement en investissement, cela va de soi – les collectivités ultramarines qui, à l'évidence, en auraient besoin. Le rapport que suggère notre collègue Letchimy permettrait de doter certaines de ces collectivités à partir de ce fonds, avec des critères objectifs, opposables et transparents, et lèverait toute suspicion éventuelle sur l'attribution de dotations à telle collectivité plutôt qu'à telle autre.
Le pouvoir a consenti à la création de ce fonds dans le dernier projet de budget, il l'a doté dans le précédent et doté de façon supplémentaire dans le cadre du plan de relance, preuve que ce fonds est pris au sérieux. Il me semble donc cohérent de demander un rapport, de sorte que les collectivités puissent être dotées dans les conditions que la transparence requiert, en tout cas aux yeux des élus de la nation.
La situation des collectivités d'outre-mer est particulièrement préoccupante. Compte tenu des indicateurs dont nous disposons, nous savons qu'avec la crise que viennent de vivre ces territoires, leurs recettes vont considérablement diminuer. Aussi, le problème que vous soulevez, monsieur le député, doit être replacé dans la question globale du financement de ces collectivités. Comme je l'ai dit pour l'amendement précédent, la commission d'évaluation pourrait se charger de cette étude. Mais il est nécessaire d'aller plus loin, car il faudra accompagner les collectivités qui, pour certains territoires, ont besoin de réaliser des équipements publics dans le domaine de l'éducation ou de la santé. C'est la raison pour laquelle je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
Cet amendement soulève effectivement une vraie question. Je connais la difficulté dans laquelle se trouvent financièrement nombre de collectivités d'outre-mer. Ce qui me gêne quelque peu dans la rédaction de l'amendement, c'est qu'il laisse entendre que le Gouvernement dispose seul de toute la solution, laquelle, c'est évident, doit être partagée.
Cela dit, mon observation est mineure et n'enlève rien à l'intérêt de cette proposition à laquelle je serai, par conséquent, personnellement favorable.
J'ai cosigné l'amendement, mais je tiens cependant à préciser, pour éviter toute ambiguïté, qu'il s'agit de l'ensemble des communes d'outre-mer, dont les villes capitales. En effet, toutes les collectivités, notamment communales, rencontrent de grandes difficultés. Cette année, elles viennent de perdre pratiquement 30 millions d'octroi de mer. On ne sait pas, de plus, ce qui va se passer avec la réforme de la taxe professionnelle.
Je me suis opposé, en son temps, à un amendement comparable. Il s'agissait alors de tenter, à budget constant, de transférer des ressources des régions et des communes vers les villes capitales. Mais tel n'est pas le cas aujourd'hui. Le problème doit, en effet, être examiné dans sa globalité. Le constat de Serge Letchimy est juste. Toutes les communes de nos régions rencontrent de véritables problèmes, surtout après la crise mondiale, la crise sociale et après la crise due à la politique du Gouvernement, qui n'est pas encore parvenu aux résultats escomptés ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Mais vous le savez chers collègues ! Nos territoires connaissent une triple crise. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
De plus, je ne peux pas laisser dire à mon excellent collègue Diefenbacher que la solution n'appartient pas à l'État et, en l'espèce, au Gouvernement ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je citerai l'exemple de la Guyane dont la DGF n'est pas fondée. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mes propos choquent, mais c'est pourtant une évidence.
Monsieur le président, si je suis interrompu, comprenez que je prenne le temps de poursuivre mon propos !
On ne peut admettre de tels propos, chers collègues ! Le budget est déjà contraint, restreint, réduit à la portion congrue. Ce rapport permettrait de préparer le budget pour 2011. Mais l'État doit, sans attendre, prendre ses responsabilités et conforter les budgets de nos collectivités !
Je soutiendrai donc l'amendement de Serge Letchimy.
(L'amendement n° 17 est adopté.)
Prochaine séance, jeudi 5 novembre 2009 à neuf heures trente :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2010 : Travail et emploi.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt et une heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma