Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pourquoi faut-il toujours manifester pour être entendu quand il s'agit de l'outre-mer ? Ce n'est pas la première fois que je pose, y compris à cette tribune, cette question fondamentale. La constatation vaut d'ailleurs pour tout l'outre-mer : il n'est que de se rappeler les événements qui ont secoué la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion en début d'année, ou encore les manifestations et mouvements sociaux qui ont ponctué ces derniers mois à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Concernant plus particulièrement l'archipel, la prise en compte du travail effectué en amont par les parlementaires et les élus locaux aurait permis de mieux appréhender les dossiers essentiels que sont la pêche, la desserte maritime et la revalorisation des retraites. Mais l'inertie et le manque d'intérêt de l'administration ont provoqué d'inévitables mouvements de mécontentement dont nous aurions pu faire l'économie, si seulement les élus, les parlementaires en particulier, avaient été écoutés.
Nous avons finalement obtenu des avancées sur ces trois dossiers, et j'ai bon espoir que nous parvenions à les régler enfin tous ensemble. Je me suis fait confirmer que vos services, madame la ministre, assureront le suivi nécessaire auprès des ministères concernés, afin que l'ordonnance tant attendue rende applicable mon amendement à l'article 72 de la loi pour le développement économique des outre-mer, relatif à l'actualisation des régimes de retraites de l'ENIM et de la Caisse de prévoyance sociale de Saint-Pierre-et-Miquelon. Je tiens ici à vous confirmer l'attente des retraités, mais surtout à souligner combien certains sont en difficulté, notamment avec l'arrivée de l'hiver et de ses inévitables charges de chauffage.
Concernant la desserte maritime de nos îles, l'instabilité des solutions mises en place par l'État ces six dernières années handicape tout le développement économique et a créé une tension quasi insupportable entre les acteurs locaux. Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir, là aussi, tiré la sonnette d'alarme et affirmé sans cesse la nécessité de mettre en place une solution publique et collective. Ce dossier pollue l'existence des Saint-Pierrais et des Miquelonnais depuis bien trop longtemps ; ils sont d'ailleurs nombreux à s'être mobilisés dernièrement en signant une pétition demandant au Conseil territorial la tenue d'un référendum local sur la question d'un service public unique. Je souhaite donc vraiment que la discussion qui s'est ouverte avec vos services en début de semaine, madame la secrétaire d'État, nous mène enfin à une solution durable et concertée. Je reste confiante.
Pour revenir au sujet principal de cette séance, lorsque je regarde les chiffres du budget 2010 pour ce qui concerne Saint-Pierre-et-Miquelon, je ne peux que m'alarmer et conclure que la crise sociale a de beaux jours devant elle…
Avec Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon est la seule collectivité qui voit diminuer les crédits d'État. Une baisse de plus de 3 millions d'euros en crédits de paiement depuis l'année dernière sur une dépense totale de 77 millions d'euros représente tout de même une baisse de plus de 4 % de l'engagement global de l'État. Les crédits de la Mission Agriculture et Pêche ont été coupés de moitié en deux ans, avec une disparition totale des crédits à la pêche.
L'État dépense moins pour l'action « développement de la pêche » à Saint-Pierre-et-Miquelon que dans les Terres australes et antarctiques françaises ! Cela ne concerne pas la totalité des crédits attribués au secteur de la pêche, mais c'est tout de même ahurissant.
Plus grave encore, la mission Outre-mer baisse de près de 4 millions d'euros en crédits de paiement entre 2009 et 2010. Ce choc frappe tout particulièrement l'action « conditions de vie outre-mer », qui est pourtant l'élément clé du soutien de l'État à notre collectivité.
Comment ne pas faire le lien entre cette baisse des crédits pour les conditions de vie et la suppression de la prime à la cuve ? Cette mesure, créée en 2005, que mes interventions, à la suite de mon élection, avaient finalement réussi à rendre applicable dans l'archipel, le Gouvernement a décidé, sans consultation ni étude d'impact, de la supprimer. Elle était pourtant juste, car ciblée sur les ménages dans le besoin. C'est plus que regrettable. Or, selon les services de M. Woerth, que j'ai contactés dès l'annonce publique de cette suppression, aucune dérogation à leur niveau ne peut intervenir, la décision étant nationale. Aussi, madame la secrétaire d'État, je vous propose qu'elle soit maintenue de façon dérogatoire en outre-mer. Et cela, compte tenu des contraintes exceptionnelles qui sont les nôtres, de la structure spécifique de nos économies et de la crise économique et sociale d'ampleur que nous traversons tous.
L'État déclare avoir fait un « effort exceptionnel » envers Saint-Pierre-et-Miquelon cette année, notamment dans le dossier du transport maritime. Nous sommes en droit de nous inquiéter de ce qui aurait pu se passer si cet « effort exceptionnel » n'avait pas eu lieu !
Madame la secrétaire d'État, il est grand temps que nous sortions des préjugés faciles sur l'outre-mer « sur-aidé » et que nous mettions enfin en place une politique de développement qui permette aux projets de chaque territoire de se concrétiser par la valorisation de leurs ressources. Cela ne se fera pas sans le soutien de l'État. Pour y arriver, je reste persuadée que l'avenir des outre-mer doit s'inscrire dans un grand dessein national, celui de la mer. Je l'ai dit hier dans cet hémicycle, je crois fermement à un destin plus grand que celui des outre-mer. Les territoires ultramarins, je le répète, font de la France le deuxième domaine maritime mondial et notre pays doit pouvoir s'appuyer sur nos territoires pour relever ce « défi océanique ».
À l'instar de ce qu'ont écrit mon collègue Philippe Folliot et son co-auteur Xavier Louy dans leur ouvrage France-sur-mer, un empire oublié, je suis convaincue de la pertinence d'un grand « Ministère de la mer et des outre-mers ».