Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de l'outre-mer, collègues de l'Assemblée, le vote de ce budget 2010 intervient dans un contexte malaisé et tendu à la fois. C'est l'évidence même. Le monde entier est toujours en désarroi, enlisé dans une crise à nulle autre pareille loin d'être maîtrisée.
Cette crise systémique n'a épargné bien sûr aucun pays, du plus grand au plus petit. Les prétendus garde-fous et autres boucliers protecteurs n'ont pas résisté à ses assauts.
C'est vous dire que la Martinique, elle aussi, a été atteinte de plein fouet. Qui plus est, elle a été ébranlée par une grève générale de trente-huit longs jours, en février et mars de cette année. Ce double choc a évidemment laissé des traces bien tangibles, qui viennent s'ajouter à celles qui existaient déjà.
En voici quelques-unes. Ce sont 440 redressements et liquidations judiciaires qui ont été prononcés à ce jour. Ce sont 39 103 demandeurs d'emplois dénombrés à la fin du mois d'août, avec un glissement annuel de 10,6 %, hissant du même coup le taux de chômage jusqu'à la barre des 24 %. Les licenciements pour motif économique et les fins de contrat s'élèvent aux deuxième et troisième trimestres à plus de 7 500.
Mais c'est aussi le logement social en panne sèche aggravée alors que les demandes recensées dépassent la dizaine de milliers.
C'est encore la continuité territoriale devenue discontinuité territoriale depuis déjà plus de deux ans.
C'est le passeport mobilité devenu passeport immobilité, pénalisant directement les étudiants de condition modeste.
C'est la loi de développement économique pour l'outre-mer, la LODEOM, votée en urgence le 27 mai 2009 et non mise en route jusqu'à présent.
C'est aussi le RSTA discriminé par soustraction de la prime pour l'emploi.
C'est le chlordécone, ce pesticide insidieux qui imprègne nos sols et nos eaux. Les recherches pluridisciplinaires qui s'imposaient n'ont pas été déclenchées immédiatement. Nous sommes en pleine stupéfaction.
En conséquence, c'est la pêche interdite dans les rivières et les baies infestées. C'est le tourisme, déjà mal en point, qui prend un coup supplémentaire.
Avec, en plus, une desserte aérienne insuffisamment adaptée, en coût et en logistique, pour drainer de nouveaux flux touristiques.
Avec, en plus, la délivrance très parcimonieuse des visas à nos voisins caribéens, ce qui les froisse et les dissuade de venir séjourner en Martinique, territoire par ailleurs non couvert par l'accord de Schengen. Nous sommes là en pleine aberration.
Ce sont les problèmes et les incompréhensions rencontrés lors de la signature, il n'y a pas si longtemps, des accords de partenariat économique avec la plupart des États de la Caraïbe, accords signés – écoutez bien – sans tenir compte de nos réalités propres, alors qu'à l'unisson, le gouvernement français et la Commission européenne nous exhortent à nous insérer pleinement dans le marché régional. Nous sommes là en pleine contradiction.
J'arrête là l'énumération des constats de blocage, la jugeant suffisamment éloquente et édifiante pour nous appeler à changer de méthode et de cap.
L'autre volet de mon intervention aura trait aux réformes en cours en Martinique.
Je reste ébahi devant l'offensive qui s'apparente en fait à un démantèlement des prérogatives des collectivités régionales. C'est regrettable, et pourquoi ? Parce qu'au nom de la clarification des compétences, nécessaire par endroits, on prend le risque majeur de balkaniser, de disperser et donc d'affaiblir.