Ce n'est pas, en tout cas, la solution adéquate pour la Martinique, où se trouvent empilés conseil général et conseil régional. Ce n'est surtout pas là que réside l'efficacité recherchée.
De plus, au lieu de fusionner et de confusionner les élus, il urge au contraire de fusionner les deux collectivités et les deux assemblées dans le cadre d'une gestion plus autonome, proposée, je le rappelle très humblement, par le congrès des élus de Martinique.
Plus inquiétant encore, c'est qu'au nom d'une réforme globale de la fiscalité promise et attendue, on procède déjà à la réduction drastique de la voilure des conseils régionaux en matière d'autonomie fiscale.
Qui en pâtirait ? Ce serait à coup sûr les autres collectivités et les secteurs économiques. Ce n'est pas là que réside la rigueur réclamée. Ces dispositions sont vécues plutôt comme une sanction injuste et injustifiée, d'où le grand émoi répandu.
Ce qui jusqu'alors avait fait consensus, me semble-t-il, c'est bien l'élargissement et la consolidation des prérogatives au niveau des entités régionales pour permettre en contrepartie à l'État d'exercer pleinement ses missions les plus essentielles. C'était l'axiome de départ. Ce revirement soudain est incompréhensible et en laisse pantois plus d'un, à commencer par moi-même.
Car il faut de bonne foi reconnaître et admettre que les conseils régionaux, tous responsables confondus, se sont évertués depuis leur création, avec les moyens du bord dont ils disposaient, à accomplir de façon honorable les missions transférées par l'État lui-même. Souvent, trop souvent même, on a pointé un doigt accusateur sur les régions d'outre-mer, en les rendant coupables de tous les maux.
C'est l'occasion pour moi de rappeler sereinement que la région Martinique a été la première créée, trois ans avant toutes les autres. Elle a relevé le défi.
Elle a également été la première à recevoir en transfert la gestion des routes nationales. Elle a relevé le défi.
Elle a fait partie de la première vague des régions à avoir accepté le transfert du public « jeunes en difficultés » de seize à vingt-cinq ans ayant quitté le cursus scolaire sans qualification. Elle a relevé le défi.
Dois-je rappeler qu'elle a été la seule à laisser inchangée sa part de taxe sur les carburants depuis douze ans ?
Quant au coût de la vie qui serait renchéri de façon exponentielle à cause de l'octroi de mer, je laisse bien volontiers la réponse au spécialiste ad hoc en la matière qu'est l'Autorité de la concurrence. Après enquête, elle déclare ceci : « Selon les relevés effectués sur un échantillon d'environ soixante-quinze produits importés de métropole dans les quatre DOM, les écarts de prix en magasin avec la métropole dépassent 55 % pour plus de 50 % des produits échantillonnés, un pourcentage trop élevé pour trouver exclusivement sa source dans les frais de transport et l'octroi de mer. »
Surtout, l'Autorité identifie dans son avis plusieurs particularités des circuits d'approvisionnement des marchés domiens permettant aux opérateurs de s'abstraire partiellement du jeu concurrentiel, seul capable de faire baisser les prix en faveur du consommateur domien.
Madame la secrétaire d'État, puisqu'il faut réformer, réformons. Celui qui s'adresse à vous en est le premier convaincu ; j'espère que personne n'en doute. Mais entendons-nous bien sur le sens à donner à la réforme, car il y a réforme et réforme. Il y a celle qui préconise un retour au galop du naturel jacobin dépassé. Celle-là, je la récuse d'emblée car elle serait totalement inappropriée et inefficace dans la situation martiniquaise. On assisterait à une recentralisation vers Paris et à une déconcentration massive vers le préfet. Ce serait là une double spoliation.
Aujourd'hui, notre polygone de sustentation n'a de raison d'être que s'il repose sur quelques fondamentaux, que je décline en substance : la démocratie, confortée ; la responsabilité, démultipliée ; le développement endogène durable et partagé, consolidé ; la recherche et l'innovation, encouragées ; les relations et les rapports économiques et sociaux, rénovés ; la coopération, libérée.
Madame la secrétaire d'État, c'est le pari que nous devons tenir. C'est le pari que nous devons soutenir. C'est le pari que nous devons réussir. L'heure n'est plus aux vaines polémiques de diversion, et encore moins à l'entretien chimérique des brûlots. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)