Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes réunis pour l'exercice coutumier d'examen de la Mission Outre-mer du budget 2010. Cette année encore, ce budget semble en augmentation. Mais celle-ci n'est que de façade et cache mal un certain désintérêt, mais surtout une absence totale d'ambition de votre gouvernement pour l'outre-mer.
Année après année, vous semblez suivre un schéma unique, une sorte de matrice du désengagement qui conduit à construire un budget pour l'outre-mer presque uniquement pour combler les exonérations de charges et les dettes de l'État – mais pas toutes.
Je profite de la tribune qui m'est offerte pour vous informer, madame la secrétaire d'État, ou plus sûrement pour vous rappeler la situation dramatique dans laquelle se trouve la plupart de nos collectivités territoriales. Rassurez-vous, je n'entends pas évoquer ici la suppression de la taxe professionnelle, qui est la prochaine embûche que votre gouvernement a placée soigneusement sur la route des collectivités territoriales. Non, mon propos portera plutôt sur les dettes qui existent déjà. Il sera toujours temps de se pencher sur la suppression de la taxe professionnelle le jour où l'UMP aura mis fin à la cacophonie qui entoure ce projet…
En effet, avant que nos collectivités départementales ne sombrent et ne soient acculées à la faillite, dans l'incapacité totale d'assumer leurs charges et leurs missions, n'est-il pas temps que l'État règle enfin ses dettes sociales ?
Pour le seul département de La Réunion, la dette sociale de l'État vis-à-vis du conseil général, qui était de 265 millions d'euros au mois de juin, se rapproche maintenant dangereusement des 300 millions.
Cette dette se répercute sur les budgets des centres d'action sociale des communes et je crains ce jour prochain où les collectivités se retrouveront dans l'incapacité totale de verser les minima sociaux.
Qu'aurez-vous alors à proposer aux populations d'outre-mer, à ces deux millions de Français qui se désespèrent ? Des assises, des tables rondes, un Grenelle de promesses ou bien des états généraux ?
Nous avions été plusieurs, au plus fort de la crise de février dernier, à porter l'initiative des états généraux. Dans notre ambition, il devait s'agir d'un événement permettant, pacifiquement et sans tabou, premièrement d'évoquer toutes les difficultés structurelles de nos territoires ; deuxièmement, de tracer les pistes d'avenir ; troisièmement, de déterminer les objectifs communs à atteindre au profit de l'amélioration des conditions de vie de nos concitoyens.
Nous attendions des mesures fortes, de nature à offrir aux territoires et à la population des perspectives de développement économique, de développement social à la mesure des enjeux et de la gravité de la situation.
Lors de l'examen de la LODEOM, votre prédécesseur avait d'ailleurs renvoyé bon nombre de nos amendements, pour ne pas dire l'immense majorité, à la conclusion des états généraux.
Or force est de constater qu'au terme du processus, de cette grande consultation, qui a tant mobilisé, qui a tant laissé espérer de nombreux acteurs de la vie sociale et économique outre-mer, les résultats sont loin d'être à la hauteur.
En effet, l'annonce du développement du nautisme en Guadeloupe ou même du classement de La Réunion au patrimoine mondial de l'UNESCO sont, je n'en doute pas, des décisions sectorielles qui auront très probablement des effets positifs et que nous ne saurions rejeter. Cependant, je ne crois pas que ces mesures seront suffisantes pour conduire très vite l'outre-mer sur le chemin de la prospérité et du mieux-vivre pour tous.
En outre, si le Gouvernement était tenté de « vendre » une seconde fois les prétendues avancées de la LODEOM, toujours non suivies d'effet, cette tentative serait fort mal vécue.
La crise sociale et la désespérance sont redevenues silencieuses, les feux des projecteurs se sont éteints, les manifestants sont rentrés chez eux et les CRS dans leurs casernes ; mais la population est déçue et la réplique sociale doit être redoutée.
Comme la plupart de mes collègues, sur tous les bancs de cet hémicycle, nous déplorons ce budget sans réel objectif politique, sans aucune perspective, en fait sans solutions.
Encore une fois, la ligne budgétaire unique, outil essentiel pour résoudre la crise du logement, est en baisse. Or vous ne pouvez ignorer que la crise du logement qui secoue l'outre-mer est aiguë et que le secteur du bâtiment et de la construction vit une crise sans précédent.
Le bâtiment a en effet perdu près d'un quart de ses emplois ces derniers mois. Ce budget aurait été une opportunité pour réagir et pour soutenir massivement ce secteur et les personnes qui y sont employées, comme votre Gouvernement a soutenu les banques et les financiers l'an dernier.
Ces graves problèmes que nous autres, élus de terrain, rencontrons au quotidien ne semblent décidément avoir que peu d'écho ou en tout cas ne sont pas pris en considération à Paris.
L'entrée en vigueur du RSA sans cesse repoussée, le RSTA qui amputera la prime pour l'emploi, la réduction drastique des contrats aidés : autant d'éléments qui trahissent le profond désintérêt, pour ne pas dire le mépris de l'actuel Gouvernement pour les outre-mer.
Vous vous targuez de renforcer le service militaire adapté, déclarant en faire la pierre angulaire de votre politique outre-mer en doublant le nombre de jeunes accueillis sur les trois prochaines années. Je vous rejoins sur cet objectif, madame la secrétaire d'État. J'estime en effet que le SMA est un instrument fondamental pour intégrer les jeunes ultramarins. On estime à près de 80 % le taux d'intégration des jeunes ayant accompli le service militaire adapté ; nos communes y participent.
Mais une fois encore, vos ambitions résistent mal à l'épreuve des chiffres. En effet, comment pensez-vous remplir cet objectif ambitieux alors que seulement cinquante-quatre nouveaux contrats sont prévus dans le projet de loi de finances ?
Enfin, la publication des décrets d'application de la LODEOM, que nous aurons attendus près de deux ans alors que nous avions, dans l'urgence et la précipitation, bâclé l'examen de cette loi, devra visiblement attendre encore. Pourquoi avoir déclaré l'urgence sur ce texte et n'en avoir pas permis un second examen par les deux chambres, si c'était pour tarder autant à prendre les mesures réglementaires indispensables à son application ?
Madame la secrétaire d'État, les acteurs socio-économiques et les populations n'en peuvent plus d'attendre ces mesures et je ne saurais trop vous inciter à les prendre rapidement. Je vous avoue que les populations ultramarines ont de moins en moins confiance en ce Gouvernement.