Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de l'outre-mer, mes chers collègues, nous venons d'entendre l'annonce de l'arrivée d'un nouveau parlementaire parmi nous.
Monsieur le président, la sécheresse des actes officiels ne vous a pas permis d'en indiquer la raison. Permettez-moi de vous transmettre une émotion que je crois partagée par tous, puisque cette arrivée est la conséquence de la disparition de l'un de nos collègues dont je ne partageais pas toutes les opinions mais que je respectais profondément.
Permettez-moi, au nom de tous mes collègues du groupe SRC, de vous dire notre profonde sympathie et notre véritable émotion à l'annonce de l'issue tragique de la maladie contre laquelle notre collègue Jean-Paul Charié s'est battu brièvement.
Madame la secrétaire d'État, avant d'en venir au budget pour 2010, je reviendrai sur l'année 2009. Celle-ci fut marquée par les événements qui ont secoué les départements d'outre-mer pendant l'hiver 2008-2009, et qui ont eu quatre conséquences.
La première conséquence a été la signature d'un protocole d'accord comportant de nombreuses perspectives et quelques engagements dont l'un mérite d'être souligné avec une certaine force : l'instauration du revenu supplémentaire temporaire d'activité, c'est-à-dire d'une prime pour les salariés du secteur privé de ces départements. Cette prime a été fixée à 100 euros partout, sauf en Guadeloupe où elle s'élève à 200 euros.
En dépit du titre choisi – RSTA –, cette mesure est bien une prime et non pas une incitation à la reprise d'activité pour certains de nos concitoyens qui jugeraient cette incitation nécessaire. En outre, dans tous les documents que j'ai pu consulter à propos de cette prime, rien n'indique qu'elle doive s'imputer sur la prime pour l'emploi à partir de l'année 2010.
Je voulais revenir sur ce point car je ne crois pas qu'il soit bon que l'État donne l'impression de reprendre d'une main une année ce qu'il a pu donner de l'autre l'année précédente. Comme beaucoup de collègues, je jugerais cette manière de faire déloyale. Elle compromettrait la qualité de la signature de l'État et la chose n'est pas admissible dans un pays comme le nôtre.
Peut-être nous fournira-t-on des documents prouvant que l'imputation était envisagée d'emblée ? À ce jour, je n'ai pas connaissance que de tels documents existent et à défaut de telles preuves, l'article 11 de la loi de finances – telle qu'adoptée lors d'un vote solennel par l'Assemblée nationale avant d'être transmise au Sénat – devra être revu.
Faute de cette révision, je crains que les populations ne perdent confiance dans la parole de l'État, et aussi que les troubles – dont personne ne souhaite la réédition – ne se reproduisent à plus ou moins brève échéance.
La deuxième conséquence des événements de l'hiver 2008-2009 fut l'examen de la LODEOM par le Parlement. Ce projet de loi avait été déposé au Sénat où il a séjourné – je ne vois pas d'autre terme – environ sept mois avant que l'urgence ne fût déclarée.
En raison des événements intervenus, le Parlement a modifié assez sensiblement ce texte, et notamment le régime d'exonération de cotisations sociales : les économies prévues par la loi de finances précédente ont été réduites de manière très sensible par l'adoption de la LODEOM. C'est le premier aspect de cette loi que je voulais souligner.
La LODEOM a aussi instauré un nouveau régime de zone franche d'activités, sur lequel tout le monde s'est manifestement accordé.
Enfin, elle a créé une prime de 1 500 euros au plus par an, non soumise à cotisations sociales, dont le coût reste inconnu. En effet, interrogés par mes soins, madame la secrétaire d'État, vos services n'ont pas encore été capables d'indiquer quel était le coût de cette disposition pour le budget de l'État. En revanche, ils ont su nous indiquer le coût du « reprofilage » des exonérations de cotisations sociales.
Troisième conséquence : les prix des carburants. Ceux-ci ont focalisé l'incompréhension ou la colère – voire souvent les deux – d'une grande partie de la population des départements d'outre-mer, pour une raison aisée à comprendre : les populations savaient que le prix du baril baissait sur le marché international, alors qu'elles voyaient le prix à la pompe continuer à monter.
En fait, le phénomène était inévitable. En effet, dès le début de 2007, les préfets avaient reçu des instructions très claires pour que les prix à la pompe ne suivent pas les cours du baril pour des raisons qui n'ont échappé à personne : le pouvoir de l'époque voulait que la hausse des prix du carburant ne se répercute qu'avec un effet retard. La conséquence était inéluctable : l'effet retard s'est aussi fait sentir à la baisse.
Après les troubles, les prix des carburants ont été gelés, ce qui a coûté 44 millions d'euros à l'État, si l'on en croit le décret d'avances qui fut soumis à la commission des finances. J'ignore où en sont les négociations entre les pouvoirs publics et les compagnies pétrolières.
D'un côté, il nous est dit que les compteurs continuent de tourner. De l'autre, il nous est affirmé que le Gouvernement s'efforce de limiter le plus possible la période d'indemnisation – la somme de 44 millions indiquée dans le décret d'avances serait alors un solde de tout compte. Au cours de ce débat, madame la secrétaire d'État, il faudra que vous nous indiquiez clairement ce qu'il en est.
Quatrième conséquence de ces événements : le projet des états généraux de l'outre-mer. Nous en connaissons le calendrier, mais ils ne sont pas encore conclus.
Pour ma part, je suis convaincu que l'une des conditions de leur succès est le maintien du RSTA, et réside dans le sentiment que l'État – en l'occurrence le Gouvernement – tient la parole donnée, respecte les engagements souscrits. Cela signifie que l'article 11 de la loi de finances – adopté par notre Assemblée en dépit des objurgations de certains collègues et de moi-même – soit assez radicalement revu pour ne pas dire supprimé.
Venons-en au budget pour 2010. Il ne connaît pas de franche modification de tendance ou de choix politiques par rapport aux budgets des années précédentes. On ne peut pas parler de véritable continuité ministérielle : madame, vous êtes le troisième ministre auquel je m'adresse en trois ans, en présentant le budget au nom de la commission des finances. En revanche, les politiques menées connaissent, elles, une certaine continuité. Là est probablement l'essentiel et le plus rassurant pour les populations concernées comme pour la représentation nationale.
Ce budget d'un peu plus de deux milliards d'euros en autorisations d'engagement et d'un peu moins de deux milliards d'euros en crédits de paiement ne représente que 11,7 % de l'effort total du pays en faveur des outre-mer.
Une part importante de ce budget est d'ailleurs consacrée à des mesures de défiscalisation, la dépense fiscale atteignant environ 3,6 milliards d'euros en 2010, soit une augmentation de 6,3 %. Celle-ci, je ne vous le cache pas, m'a un peu interpellé, tant elle apparaît anormalement élevée au regard des efforts affichés par le Gouvernement pour maîtriser la dépense fiscale ; mais il ressort de nos débats en commission des finances et des explications de notre collègue Gaël Yanno qu'elle tient davantage à des effets de périmètre qu'à des mesures nouvelles.
Même s'il ne représente qu'un peu moins de 12 % de l'effort global en faveur des outre-mer, ce budget concerne deux programmes majeurs : l'emploi d'une part, le logement et le cadre de vie de l'autre. Le premier se compose, pour l'essentiel, des exonérations de cotisations sociales. J'avais indiqué que les économies espérées dans le PLF pour 2009 seraient moindres suite à l'adoption de la LODEOM : c'est bien sûr la conséquence directe des événements qui ont eu lieu et des signaux que le pouvoir et le Parlement ont accepté d'envoyer aux salariés et aux départements d'outre-mer. Pour autant, ces exonérations emportent en principe une conséquence que dicte l'article 131, alinéa 7, du code de la sécurité sociale, lequel impose à l'État de compenser le manque à gagner pour les organismes de protection sociale ; or, à mon très vif regret, la dette de l'État à leur égard augmentera encore de 55 millions d'euros en 2010, atteignant ainsi quelque 670 millions. Cet ordre de grandeur, rapporté à la centaine de milliards de la dette du pays, est sans doute peu spectaculaire ; pour autant, les efforts de bonne gestion doivent être consentis par tous. Je me permets donc, au nom, je crois, de l'ensemble des membres de la commission des finances, d'exprimer mon regret pour cette nouvelle augmentation de la dette de l'État envers les organismes de protection sociale, et ce en dépit des obligations prévues par le code de la sécurité sociale. Les efforts à fournir à l'avenir n'en seront que plus importants, puisqu'il faudra bien apurer les comptes.
S'agissant de l'emploi, la vraie satisfaction vient du service militaire adapté. Cette politique est en effet un succès, que je salue chaque année depuis mon premier rapport avec sincérité et conviction. Le Président de la République a d'ailleurs lui-même fait part de son intention de doubler le nombre de nos concitoyens visés par ce dispositif en le portant à 6 000, contre 3 000 actuellement ; mais ce doublement, qui devait s'étaler sur trois ans entre 2010 et 2012, n'interviendra qu'à partir de 2011, de sorte qu'il s'effectuerait en deux ans seulement. Nous nous féliciterions tous que cet engagement présidentiel soit tenu, mais vous me permettrez, madame la secrétaire d'État, d'exprimer des doutes très sérieux à cet égard, dès lors que l'objectif n'aurait pas été atteint en trois ans, malgré l'augmentation des crédits de 113 à 144 millions d'euros.
Les exonérations de cotisations sociales et le service militaire adapté sont deux politiques qui, d'une certaine façon, se complètent. Si j'ai exprimé mon regret que l'État ne respecte pas ses obligations légales, attendons quelque temps encore pour vérifier l'efficacité des exonérations et de la création de nouvelles zones franches d'activité.
Le second programme que vous avez à gérer, madame la secrétaire d'État, intéresse le logement et le cadre de vie. S'agissant du logement, le présent budget propose un changement majeur, puisque la défiscalisation prévue serait désormais réservée au seul logement social. Je me félicite de cette évolution, que j'avais préconisée dans mes précédents rapports ; cependant je ne puis y souscrire sans réserves, pour une raison que nos collègues comprendront aisément lorsque je leur aurai décrit le système envisagé. Celui-ci, calqué sur la défiscalisation de l'investissement industriel et inscrit à l'article 199 undecies C du code général des impôts, prévoit que les contribuables concernés pourront constituer une société dont le but sera précisément de construire du logement social, ladite société pouvant déduire à concurrence de 50 % la totalité des investissements consentis à cette fin. L'avantage fiscal ainsi obtenu se répartirait ensuite, à due proportion, entre les différents contribuables ayant constitué la société, 65 % de cet avantage devant être rétrocédés sous forme de loyers bonifiés aux organismes de logements sociaux pendant cinq ans, au terme desquels ces organismes deviendraient propriétaires des logements, sachant qu'ils pourraient les louer aux ayants droit dès la première année.