Madame la secrétaire d'État, je sais que ce budget s'inscrit dans un contexte extrêmement difficile dont je n'ai nullement l'intention de vous faire porter la responsabilité directe. Je veux parler du déficit, qui atteint 140 milliards d'euros, soit 8,55 % du PIB, de la dégradation continue des finances publiques et du contexte de crise mondiale.
Mais, qu'on le veuille ou non, certains choix, à notre niveau, ont été source de grandes difficultés. Je songe au bouclier fiscal, à la défiscalisation des heures supplémentaires et à des réformes fragilisantes : celle de la taxe professionnelle, qui nous concerne directement, et celle du service public – sur La Poste, j'ai mon idée, qui est personnelle, mais aussi politique.
Je songe également aux décisions relatives au RSTA, à propos desquelles je partage le point de vue de Victorin Lurel : la parole de l'État doit impérativement être respectée. Jérôme Cahuzac l'a également rappelé.
Je n'intente aucun procès d'intention au Gouvernement, et surtout pas à vous, mais je souhaite que l'on prenne conscience de la gravité de la situation. À la Martinique, 418 entreprises ont été liquidées en 2008, 312 en 2009 ; près de 10 000 emplois ont été ainsi sacrifiés. 60 % des jeunes de moins de vingt-six ans sont sans activité et la commande publique est au plus bas. D'un million de visiteurs, la fréquentation touristique est tombée à 500 000.
Est-ce une crise sociale, une crise économique ou une crise identitaire ? Je préfère pour ma part la formule de Jacky Dahomey, que Victorin Lurel connaît bien : il s'agit d'une crise sociétale majeure et sans précédent où la revendication fondamentale d'égalité des droits au sein de la République vient heurter le désir profond d'être martiniquais, guadeloupéen ou guyanais.
Madame la secrétaire d'État, je ne réduirai pas mon analyse à un exercice comptable ; cela a déjà été fait. Je voudrais en revanche poser quelques questions de fond, car si le rôle de l'État est important, il est également primordial d'instaurer sur place une dynamique économique. Où en sont les textes d'application de la LODEOM ? Qu'en est-il du fonds exceptionnel d'investissement, de l'aide au fret, de la création de zones franches d'activité, du fonds de continuité territoriale ? Où en est le projet de reconnaissance pleine et entière de la pharmacopée locale, qui constitue désormais un atout pour notre pays ?
S'agissant du logement, nous saluons les achats en VEFA, et je me félicite personnellement du travail que nous avons accompli ensemble pour tenter de mettre fin à l'habitat indigne. Je rappelle que 60 000 maisons sont concernées par ce dernier, voire 80 000 pour tout l'outre-mer. Mais permettez-moi de ne pas comprendre l'application pernicieuse de la défiscalisation applicable au logement social. Je suis très inquiet ; je souhaite que vous réussissiez, mais Jérôme Cahuzac a raison d'appeler notre attention sur la complexité du processus et d'envisager que la sacralisation de la LBU puisse contribuer à la poursuite de la construction.
Quant au SMA, le projet de tripler le nombre de jeunes concernés constitue une excellente initiative, aux réserves près, formulées par Victorin Lurel, qui portent sur la réduction du temps. Mais il s'agit de la seule solution proposée aux problèmes des jeunes. Or, le financement des contrats aidés, seul capable de se substituer aux défaillances d'une économie qui ne peut créer d'activité directe, perd 748 millions d'euros, après 600 millions l'année dernière.
Enfin, madame la secrétaire d'État, quel sens donnez-vous à l'article 72-2 de la Constitution, qui dispose que toute compétence transférée aux collectivités, y compris nouvelle, doit s'accompagner des ressources correspondantes ? Lorsque l'on évoque à propos de la Nouvelle-Calédonie une dette de 100 millions d'euros au titre de la DGDE, lorsque l'on supprime unilatéralement, sans discussion, le soutien accordé à la Polynésie française – on l'a rappelé tout à l'heure –, lorsque la dette résultant des exonérations de charges risque selon la commission d'atteindre 614 millions d'euros d'ici à 2010, on est en droit de s'interroger sur la capacité de l'État à respecter une règle régalienne inscrite dans la Constitution.
Madame la secrétaire d'État, je vous mets en garde à l'heure où la France s'interroge sur l'identité nationale. À chaque société sa crise, à chaque peuple le droit de se replier sur lui-même. Mais les conséquences sont connues d'avance : xénophobie, racisme, discrimination, exclusion, intolérance, peur de l'autre, défaut de reconnaissance. À l'heure des grandes mutations écologiques, des tragédies humaines liées à la famine, aux risques majeurs et aux dépossessions, à l'heure où le multiculturalisme devient un enjeu de société essentiel, notamment en France…