La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Avec notre président de groupe François Sauvadet et tous les députés du Nouveau Centre, chaque semaine nous vous interpellerons, monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la production laitière, tant que la crise ne sera pas réglée !
Nous nous y sommes engagés auprès des producteurs laitiers et nous continuerons à le faire, car nous sommes convaincus qu'il ne peut y avoir en France de pays sans paysans !
Dans chaque région de production laitière, cette question n'est pas qu'agricole ; elle est tout autant d'ordre environnemental. Essayez d'imaginer ce que seraient les paysages sans producteurs laitiers ! Et nous ne nous résolvons pas davantage à accepter une désertification rurale préjudiciable à l'aménagement de notre territoire.
Vous le savez, monsieur le ministre, il s'agit d'une crise grave et sans précédent. Les cours ont chuté jusqu'à 50 % par rapport à 2008 : c'est l'existence même des producteurs qui, aujourd'hui, est menacée.
Hier à Vienne, avec les ministres européens de l'agriculture, vous vous êtes mis d'accord sur une batterie de mesures, notamment sur une aide supplémentaire de 300 millions d'euros en 2010 pour soutenir la filière.
Pouvez-vous confirmer devant la représentation nationale les termes de cet accord et décliner les mesures à court terme décidées hier à Vienne ? Nos producteurs de lait attendent légitimement des mesures immédiates de soutien permettant de leur garantir un revenu minimum décent. Ils veulent vivre du fruit de leur travail.
Enfin, à plus long terme, quelles sont vos propositions, monsieur le ministre, dans le cadre de la politique agricole commune, sur la rénovation des régulations des productions agricoles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur Leroy, je vous remercie, et je remercie les députés du Nouveau Centre de poser régulièrement ces questions. (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Les producteurs de lait le méritent.
Cela me permet également de faire le point devant vous sur les progrès réguliers que nous enregistrons en ce qui concerne la régulation du marché du lait, et des marchés de produits agricoles en général, au niveau européen.
Nous avons enregistré trois progrès cette semaine.
D'abord, la Grèce m'a annoncé ce matin, alors que je quittais Vienne, qu'elle rejoindrait le groupe des vingt États européens en faveur de la régulation du marché du lait (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC), ce qui porte à vingt-et-un sur vingt-sept le nombre d'États européens en faveur de la régulation des marchés.
La deuxième bonne nouvelle est que nous nous sommes entendus hier, lors d'une réunion de ce groupe tenue à Vienne à l'initiative de la France, pour demander le déblocage de 300 millions d'euros supplémentaires sur le budget communautaire de 2010, pour soutenir immédiatement les producteurs de lait, en France et en Europe.
Enfin, troisième bonne nouvelle, les aides de la PAC seront débloquées dès vendredi pour l'ensemble des producteurs, un mois et demi en avance par rapport aux délais d'usage.
Je profite de votre question pour dire que, au-delà de la filière du lait, ce sont toutes les filières agricoles qui souffrent, c'est la France agricole tout entière qui souffre aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.) Nous sommes déterminés, avec le Président de la République et le Premier ministre, à apporter aux agriculteurs toutes les réponses nécessaires pour faire face à cette crise : des réponses immédiates pour soulager leur trésorerie, des réponses structurelles pour leur permettre d'être compétitifs face aux autres agriculteurs européens, et des réponses en matière de régulation européenne des marchés du lait et des produits agricoles en général. Je ne cèderai pas d'un pouce (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) sur cette mise en place d'une régulation européenne des marchés agricoles. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Yves Cochet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, une fois n'est pas coutume, je ferai de la publicité. Mais je vous rassure : il s'agit de promouvoir le service public de la télévision… J'invite en effet tous nos concitoyens, parlementaires et membres du Gouvernement compris, à regarder un documentaire intitulé Nucléaire, le cauchemar des déchets, diffusé ce soir sur ARTE, à vingt heures quarante-cinq. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La politique officielle de la France consiste à retraiterles déchets provenant des centrales nucléaires à La Hague. On dit souvent « recycler » : le mot « recyclage », emprunté au vocabulaire de l'écologie, est évidemment un écran de fumée. À partir des combustibles usés, il s'agit de produire des déchets dits « utiles » dont, en réalité, on ne sait pas quoi faire. Certes, ils sont composés de 1 % de plutonium, que l'on essaye effectivement de recycler dans les centrales nucléaires, mais l'on obtient surtout 95 % d'uranium de retraitement que l'on ne sait pas recycler en France.
Le documentaire diffusé ce soir nous apprend que cet uranium de retraitement est envoyé, par bateau puis par train, en Sibérie, à huit mille kilomètres de France, pour être réenrichi par les Russes, ce que nous ne savons pas faire. On nous rétorque qu'une fois valorisé, il peut revenir en France, mais ce documentaire nous apprend qu'il n'en est rien puisque ne reviennent dans notre pays que 10 % de ce que nous avons exporté en Russie, tandis que 90 % de ces déchets restent sur place !
Les images nous montrent qu'ils sont stockés à ciel ouvert dans une sorte de ville fantôme, une cité secrète du nom de Tomsk 7, sans que personne ne sache vraiment ce qu'ils deviennent.
Madame la secrétaire d'État – je m'adresse à vous puisque M. le ministre d'État n'est pas là –, vous annoncez l'ouverture d'une enquête dans l'entreprise EDF pour avoir des informations. C'est inutile ! Répondez plutôt à ma question : êtes vous déterminée à demander à EDF de rapatrier l'ensemble de l'uranium de retraitement français qui se trouve en Russie ?
La parole est à Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Jean-Louis Borloo qui m'a prié de vous transmettre sa réponse.
Monsieur Yves Cochet, vous parlez de décharges et de déchets ; mais il faut être précis avec ces termes car ils relèvent d'une réglementation très stricte.
En adoptant la loi de 2006, la France a clairement indiqué qu'elle ne souhaitait pas accueillir de déchets radioactifs sur son territoire. Comme nous respectons la réciprocité qui est l'un des principes de base du droit international, nous n'exportons pas nos déchets radioactifs.
Dans votre question, monsieur le député, vous parlez de matières, comme l'uranium ou d'autres combustibles nécessaires au fonctionnement des centrales, qui font l'objet de contrats commerciaux avec différents opérateurs. L'uranium acheté aux pays producteurs est enrichi et transformé en combustible dans les pays qui disposent des outils pour le faire, sous le contrôle de l'agence internationale de l'énergie atomique et de l'agence EURATOM. Il ne s'agit donc pas de déchets mais de la matière uranium. Si un électricien souhaite utiliser du combustible fabriqué à partir du retraitement de l'uranium issu des combustibles usées plutôt que de l'uranium naturel, il fait des économies sur la matière première uranium.
La question n'est pas nouvelle : en 1984, Édith Cresson avait déjà été saisie de ce même problème. Ce qui est nouveau en revanche, c'est la détermination du Gouvernement à ce que tout cela se passe dans la transparence.
C'est la raison pour laquelle Jean-Louis Borloo a demandé à Henri Revol, président du Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire, de réunir cet organe et de formuler des recommandations pour répondre à votre question.
J'ai souhaité qu'EDF, qui a indiqué qu'elle ne disposait pas de tous les éléments d'information, fasse preuve d'une totale transparence. Il lui appartient désormais de mener une enquête interne afin de répondre à toutes les questions posées. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Yves Censi, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, ce matin, à onze heures, le Président de la République a prononcé un discours pour présenter les conclusions d'une longue consultation, menée dans la France entière, à tous les niveaux des acteurs de l'éducation en France, en vue de mettre en oeuvre la réforme des lycées.
Cette réforme avait été évoquée il y a un an, avant que soit à nouveau engagée cette concertation, autour de Xavier Darcos puis de Luc Chatel, dont la nécessité est à la hauteur de ce grand enjeu. Selon le Président de la République, la double exigence de justice et d'efficacité impose aujourd'hui une mobilisation de tous pour faire en sorte que le lycée soit non seulement fier de ses meilleurs élèves, ceux qui réussissent – je pense aux 65 % d'une classe d'âge qui obtiennent le baccalauréat – mais sache aussi épanouir les autres,…
…ceux qui connaissent le plus de difficultés.
Nos lycées doivent aujourd'hui savoir répondre à toute la diversité de l'ensemble de ses élèves.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous donner les lignes de force de cette réforme des lycées ? Pouvez-vous aussi nous assurer de votre détermination à la mettre en oeuvre ?
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur Censi, dans la mondialisation, l'éducation est la plus grande richesse de notre pays.
Dans cet esprit, depuis 2007, le Gouvernement a entrepris un effort considérable qui a d'abord concerné la modernisation des universités. Je veux dire à tous ceux qui ont critiqué la loi sur l'autonomie des universités qu'au 1er janvier 2010, cinquante et une d'entre elles auront choisi le statut d'autonomie que les députés de la majorité a rendu possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ensuite, dans un contexte budgétaire très contraint, le Gouvernement a affecté, durant trois années de suite – et nous allons continuer de le faire –, 2 milliards d'euros supplémentaires à l'université et à la recherche. Il a aussi donné des moyens nouveaux à la recherche privée avec le crédit impôt recherche.
Enfin, le Gouvernement a réformé la formation professionnelle.
Maintenant, nous devons proposer au lycée les moyens d'évoluer pour qu'il soit en mesure de répondre au défi de cette bataille de l'intelligence.
Nous connaissons les difficultés actuelles du lycée : il réussit bien mais il ne parvient à atteindre les objectifs qui lui ont été fixés ni en ce qui concerne le nombre de bacheliers, ni en matière de préparation à l'enseignement supérieur, puisque près d'un étudiant sur deux échoue en première année d'université, ni même en remplissant tout simplement sa vocation qui consiste à offrir une solution à tous, au-delà même des 80 % de chaque classe d'âge qu'il devrait mener au baccalauréat.
Les difficultés ont été identifiées depuis longtemps : au problème d'orientation s'ajoutent l'insuffisance de l'accompagnement personnalisé et une grande faiblesse, très ancienne, dans l'apprentissage des langues.
Nous avions demandé à Richard Descoings de conduire une concertation avec l'ensemble de la communauté éducative, ce qu'il a fait dans de très bonnes conditions. Il a rendu un rapport remarquable dont nous nous sommes inspirés pour vous proposer les grandes lignes d'une réforme, qui vont encore faire l'objet de concertations et de discussions avec la communauté éducative.
Il s'agit d'abord de mettre en place une meilleure orientation. Elle devra être plus progressive : il faut reconnaître le droit à l'erreur. Elle devra être plus ouverte à tous les talents : il ne doit plus y avoir de dictature de la seule filière scientifique. Elle devra être plus juste : il ne faut pas qu'elle soit subie.
Ensuite, nous voulons mettre en place un véritable accompagnement personnalisé. De tous les systèmes d'éducation qui existe dans le monde, le lycée français est celui où l'on compte le plus grand nombre d'heures de cours. Les lycéens français ont environ 25 % d'heures de cours de plus que dans la moyenne des autres pays de l'OCDE. Nous proposons qu'une partie de ce temps soit affectée à un accompagnement personnalisé qui permette de conduire chaque élève vers la réussite en fonction de ses talents et de ses difficultés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Enfin, nous proposons de mettre en place un véritable plan d'urgence pour l'apprentissage des langues étrangères.
À partir d'aujourd'hui, cette réforme fait l'objet d'une concertation avec la communauté éducative, ce qui explique l'absence de Luc Chatel devant votre assemblée. Nous sommes ouverts aux suggestions et aux remarques qui nous seront faites, mais s'il y a une chose que nous n'accepterons pas, c'est l'immobilisme. Nous ne parlons pas de notre propre avenir, mais du sort de notre jeunesse et nous n'avons pas le droit de la laisser échouer. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Olivier Dussopt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Avant de vous poser ma question, madame la ministre de l'économie, permettez-moi de rappeler qu'il y a dix ans aujourd'hui, sous les injures et en dépit des caricatures, notre assemblée faisait preuve d'un grand courage politique en adoptant de manière définitive, à l'initiative du gouvernement de Lionel Jospin, le texte instituant le PACS. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Cette avancée sans équivalent en matière d'égalité des droits était une initiative courageuse, qui a été couronnée de succès.
Aujourd'hui, c'est dans un autre domaine que nous avons besoin de courage politique.En effet, nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à connaître des difficultés financières importantes. Or, dans près de 90 % des cas que nous étudions tous dans nos permanences, le crédit revolving – ou crédit rechargeable, pour employer le terme français – est à l'origine de ces situations désespérées.
Les taux d'intérêt sont proches de 20 % ; la confusion entre carte de fidélité et carte de crédit est sciemment entretenue ; les campagnes publicitaires sont agressives ; les techniques employées sont telles qu'un crédit rechargeable se transforme rapidement en une véritable dette à vie et d'aucuns profitent parfois de la faiblesse de certains clients, se souciant peu de leur solvabilité ou de leur capacité à rembourser.
L'acte de crédit est devenu un acte quotidien proposé par toutes les entreprises qui se lancent dans la vente de crédits. Le crédit, qui ne finance plus des achats exceptionnels mais les dépenses de la vie courante, apparaît comme une réponse à la question du pouvoir d'achat que vous ne parvenez pas à résoudre.
Aussi le groupe socialiste a-t-il déposé une proposition de loi qui sera examinée jeudi, à l'initiative notamment de nos collègues Alain Néri et François Brottes. Par ce texte, nous proposons de supprimer le crédit revolving et de mieux encadrer le crédit à la consommation, appuyé sur l'acquisition d'un bien, pour répondre aux besoins légitimes de trésorerie des ménages. Nous proposons également de mieux encadrer la publicité sur les crédits bancaires et d'interdire la double rémunération des vendeurs, qui sont souvent commissionnés tant sur le produit vendu que sur le crédit.
Votre réponse se limite trop souvent à l'évocation des commissions de surendettement. Ma question sera simple, madame la ministre. Allez-vous encore et toujours laisser les plus forts s'enrichir aux dépens des plus faibles ou allez-vous faire preuve de volontarisme politique en soutenant notre proposition de suppression du crédit revolving ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur le député Dussopt, le volontarisme du Gouvernement se traduira, sous l'autorité du Premier ministre, par le dépôt d'un projet de loi sur le crédit à la consommation et le surendettement que votre assemblée sera amenée à examiner, je l'espère, avant la fin de l'année.
Quelle année ? Nous avons déposé une proposition de loi qui sera débattue jeudi. Pourquoi attendre ?
Je suis sûre que nous nous retrouverons…
…pour lutter ensemble contre les excès et les abus, contre l'irresponsabilité d'un certain nombre d'acteurs du monde financier dans le domaine du crédit à la consommation. J'espère donc que vous soutiendrez notre projet de loi.
S'agissant du crédit renouvelable, je citerai quelques chiffres. En France, 9 millions de ménages utilisent le crédit à la consommation. (« Combien de surendettés ? » sur les bancs du groupe SRC.) C'est donc un outil populaire et utile pour acheter un certain nombre de biens d'équipement ménager, des véhicules automobiles ou des objets de la vie quotidienne.
Il s'agit non seulement d'un outil utile au consommateur,…
…mais aussi d'un secteur d'activité économique. Ainsi, 40 % de la vente par correspondance sont financés par du crédit renouvelable. Ce sont donc des milliers d'emplois qui sont en jeu. L'interdire, monsieur le député Dussopt, serait irresponsable. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
En revanche, nous pouvons l'encadrer, prévoir une part d'amortissement et faire cesser cette publicité insensée qui laisse penser au consommateur qu'il obtiendra un crédit sans que cela lui coûte et sans avoir à affronter le remboursement. Vous nous trouverez donc au rendez-vous pour lutter, grâce à notre projet de loi, contre les excès et les abus. Telle est la position du Gouvernement. J'espère que vous saurez nous rejoindre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – « À jeudi ! » sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Michel Vauzelle, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Michel Vauzelle. Monsieur le Premier ministre, il y a quelques jours, la votation citoyenne destinée à défendre le service public de La Poste a remporté un grand succès. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – « Hou ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Aujourd'hui, au-delà de La Poste, c'est l'ensemble des services publics qui sont menacés par la politique du Gouvernement, une politique de privatisation de l'État.
Face à la mondialisation financiariste et bancaire, la loi semble n'être plus faite par le peuple et les représentants de la nation, conformément à la Constitution, mais par les forces mondiales de l'argent, le Gouvernement se souciant uniquement de compétitivité et de rentabilité.
Le démantèlement des services publics correspond à cette politique. Nous manquons ainsi de fonctionnaires, qu'il s'agisse d'infirmières, d'aides-soignants, d'éducateurs, d'enseignants, de cheminots ou même d'agents de la sécurité nationale. Pensons aux personnes âgées, aux jeunes, à tous ceux qui n'ont pas de bouclier fiscal pour protéger leur grande fortune.
La révision de la Constitution qui est intervenue il y a plus d'un an permet désormais au peuple de s'exprimer et de défendre en particulier les services publics grâce à l'institution du référendum d'initiative parlementaire et de soutien populaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, jeudi prochain, le groupe socialiste défendra une proposition de résolution pour vous demander de respecter les engagements du Président de la République et d'une large majorité de la représentation nationale. Quand allez-vous respecter votre devoir et présenter les textes organiques relatifs à l'article 11 de la Constitution et au référendum d'initiative populaire, sans lesquels la volonté du peuple, exprimée par le Congrès, ne sera pas respectée ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député, je voudrais tout d'abord vous rappeler qu'en un peu plus d'un an, le Gouvernement a déposé onze projets de loi destinés à mettre en oeuvre la réforme de la Constitution adoptée le 21 juillet 2008…
…et que huit de ces onze textes ont déjà été examinés ou adoptés.
Par ailleurs, nous avons déjà eu l'occasion d'effleurer, ici même, le 29 septembre, lors de la discussion du texte relatif à l'article 13 de la Constitution, la question de la mise en oeuvre de la disposition à laquelle vous faites référence et, ainsi que vous l'avez dit vous-même, nous pourrons à nouveau l'aborder dans deux jours, lors de l'examen de la proposition de résolution que votre groupe a déposée.
Toutefois, je veux d'ores et déjà vous rassurer : le texte que vous appelez de vos voeux sera déposé sur le bureau des assemblées avant la fin de l'année.
Vous pouvez comprendre, monsieur Vauzelle, qu'un tel texte mérite une préparation extrêmement soigneuse, de façon, en particulier, à ce que les résultats des votations qui pourraient être mises en oeuvre ne soient susceptibles d'aucun soupçon de fraude – et je ne fais naturellement référence à rien du tout. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Le Gouvernement est très attaché à la mise en oeuvre de ce dispositif, mais je m'interroge un peu sur l'espèce de frénésie qui semble avoir saisi l'opposition sur l'application de la réforme de la Constitution qu'elle n'a pas votée. Serait-ce l'expression d'un regret ? Reconnaissez-vous que cette réforme est excellente ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Christian Vanneste, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Le mois dernier, l'assassinat de Mme Hodeau a ému la France entière. Son meurtrier a pu être retrouvé rapidement parce que sa voiture avait été filmée par une caméra de vidéosurveillance, puis localisée par un hélicoptère de la gendarmerie. En 1993, la Grande-Bretagne avait, elle aussi, été émue par le meurtre d'un petit garçon de trois ans par deux garçons de dix ans, qui furent également arrêtés grâce à une caméra de vidéoprotection.
La Grande-Bretagne est dotée aujourd'hui de 4, 5 millions de caméras, alors que la France n'en posséderait que 20 000. Chacun appréciera la différence.
La vidéoprotection n'est plus dans notre pays un véritable sujet de débat : 78 % des Français y sont désormais favorables. L'usage de la vidéoprotection répond à un double objectif : d'une part, elle permet d'identifier les individus, d'autre part, de faciliter l'élucidation des crimes et délits. Elle est donc à la fois préventive et corrective.
La proposition de loi de notre collègue Ciotti, que nous avons votée récemment, a interdit le port de masques ou de cagoules à proximité d'une manifestation. Les événements scandaleux qui viennent de survenir à Poitiers montrent à quel point cette disposition était juste, puisque 300 casseurs d'extrême gauche ont dévasté le centre-ville en se dissimulant sous des cagoules et des masques. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Il faut évidemment se féliciter de l'intervention rapide de la justice et de l'État, qui a permis d'identifier et de condamner huit des auteurs des faits. Il n'en demeure pas moins qu'une généralisation de la vidéosurveillance et de l'interdiction des masques rendrait le travail des forces de sécurité encore plus efficace.
Je voudrais savoir, monsieur le ministre, quelles sont les mesures prises dans le domaine de la vidéosurveillance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur Roy, vous avez déjà eu un avertissement. Le prochain sera inscrit au procès-verbal, en application de l'article 70 du règlement. (Protestations sur les bancs du groupe SRC - Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
Monsieur le député, en prenant appui sur l'actualité récente, vous évoquez la question très importante de la vidéoprotection. Vous avez raison : la vidéoprotection, ça marche !
Comme vous le savez, une enquête publique diligentée par l'inspection générale de l'administration a montré que, dans les collectivités faisant usage de la vidéoprotection, la délinquance diminuait deux fois plus vite que dans les collectivités non équipées. C'est d'ailleurs un sentiment largement partagé par les Français, puisque nos compatriotes, lorsqu'ils sont interrogés à ce sujet, estiment à plus de 80 % que cela peut améliorer la sécurité.
Que faut-il faire ? D'abord augmenter rapidement le nombre de caméras de vidéoprotection sur notre territoire. Leur nombre, d'environ 20 000 à l'heure actuelle, doit être porté à 60 000 d'ici à 2011. Le Premier ministre a d'ailleurs décidé que nous devions nous doter des moyens nécessaires pour y parvenir, en passant de 12 millions d'euros consacrés à cet équipement en 2009 à 20 millions d'euros en 2010.
Et il faudra aller plus loin, protéger les commerces de proximité, les halls d'immeuble, les parkings, bref, partout où il faut assurer la protection de nos compatriotes,. La vidéoprotection permet d'identifier les délinquants, de prévenir, souvent, la réalisation de faits délictueux et, enfin, d'éviter les polémiques : autant de raisons qui nous encouragent à multiplier les efforts dans ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse à M. Borloo, mais puisqu'il est absent, ses oreilles, comme le célèbre train, siffleront trois fois : parce qu'il avalise le plan de démantèlement du fret SNCF à travers l'abandon de 60 % des activités du wagon isolé ; parce que cela amènera un surplus d'un million et demi de camions sur les routes, en contradiction avec les engagements du Grenelle de l'environnement ; enfin, parce que son plan de soutien de 7 milliards fait figure de plan de communication !
Sur le terrain, en fait d'engagement massif, c'est bien d'un désengagement massif qu'il s'agit. « À nous de vous faire préférer la route et la taxe carbone », voilà votre politique !
Alors que l'ouverture à la concurrence en 2006 devait permettre le report modal de la route vers le rail, trois ans plus tard, la part du ferroviaire a baissé de trois points dans le transport de marchandises. Contre toute attente, vous aggravez l'ouverture à la concurrence de Bruxelles et engagez la privatisation du secteur !
Pratiquement tous les triages de la SNCF seront fermés. Seuls trois sites sur les onze du réseau national seraient maintenus. À Somain, dans ma circonscription, nous serons nombreux, le 7 novembre prochain, à résister pour que le triage ne se transforme pas en coquille vide et pour sauver les 400 emplois menacés !
Oui, le fret ferroviaire doit être déclaré d'intérêt général. Il faut garantir l'avenir du wagon isolé,…
…en assurant sa fiabilité et sa qualité. Il faut s'opposer aux restructurations brutales en cours à la SNCF et donner à celle-ci les moyens de développer le wagon isolé. Il faut contraindre les clients à avoir recours au rail pour le transport de matières dangereuses. J'attends une réponse sur ces points précis, et j'espère obtenir le rendez-vous que j'ai demandé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
Monsieur le député, avant la crise qui a vu tous les modes de transport perdre du tonnage – cela vaut aussi bien pour le fluvial que pour le ferroviaire et le routier… (M. Gremetz brandit un tract .– Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
..le fret ferroviaire avait commencé à se développer dans tous les pays d'Europe – même en Grande-Bretagne, un pays dont on s'est beaucoup moqué, le fret ferroviaire regagnait des parts de marché – sauf en France.
L'objectif du Grenelle de l'environnement est donc de développer le fret ferroviaire et le fret fluvial ; à ce sujet, vous savez que le Gouvernement s'est engagé dans le grand projet du canal Seine-Nord.
En ce qui concerne le ferroviaire, l'engagement national apporté par Jean-Louis Borloo consiste en l'apport de 7 milliards d'euros d'investissements, principalement sur les infrastructures : il s'agit de développer les autoroutes ferroviaires, le transport combiné dans les ports, le fret express, bref, faire en sorte que le fret ferroviaire regagne des parts de marché dans notre pays.
À l'effort de 7 milliards d'euros de l'État issu du Grenelle de l'environnement et du schéma national des infrastructures s'ajoute un effort d'un milliard porté par la SNCF. La SNCF assure actuellement 80 % du fret ferroviaire de notre pays, les 15 % restants étant répartis entre les autres opérateurs européens, publics ou privés.
La SNCF adapte son dispositif et va choisir de nouvelles plates-formes de distribution et de répartition des lots. Il n'est pas question de se lancer dans un vaste plan de suppression. Aucune décision n'est prise pour le triage de Somain et je me tiens à votre disposition, monsieur Candelier, pour vous recevoir et évoquer cette question avec vous quand vous le souhaiterez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Patrice Calméjane, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Le 29 septembre 2008, vous avez présenté à Saint-Denis un plan de réforme du fichier des personnes surendettées, afin de mieux lutter contre le surendettement des ménages. À cette occasion, vous avez mis en exergue le problème de liaison des informations entre la commission de surendettement de la Banque de France et les tribunaux. Suite à cela, j'ai écrit à Mme la garde des sceaux, pour lui proposer de faire de la Seine-Saint-Denis, dont je suis député, le département pilote d'une expérimentation qui reposerait sur le transfert d'informations relatives à l'endettement – exclusivement sous forme de fichiers informatiques – entre le monde judiciaire et le monde bancaire, proposition dont je vous ai également fait part. À ce jour, rien de concret n'a été fait. Je souhaite donc plus que jamais, en cette période de crise mais également de rentrée, que vous nous informiez sur l'état d'avancement de ce dossier.
Hier, en présence de M. Loos, rapporteur, de M. Goulard, et de mon collègue de Seine-Saint-Denis, M. Gaudron, nous nous sommes de nouveau rencontrés dans les locaux de la Banque de France, afin de discuter avec la commission de surendettement du département et de faire un bilan des assises qui se sont tenues cette année.
Pouvez-vous faire le point sur le projet de loi portant réforme du crédit à la consommation, déjà débattu en juin au Sénat et qui devrait venir en discussion très prochainement ?
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Jeudi !
Je terminerai en faisant remarquer, que contrairement à ce que prétend la gauche de cet hémicycle, le Gouvernement et la majorité s'occupent du quotidien des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Monsieur Calméjane, nous nous occupons du quotidien des Français, c'est une évidence, et nous nous sommes rendus hier chez vous, avec François Loos et François Goulard, rapporteur et rapporteur pour avis du projet de loi sur le crédit à la consommation, et en compagnie du député Gérard Gaudron, afin d'étudier la manière dont la commission de surendettement travaille dans votre circonscription.
Nous avons pu constater qu'un certain nombre de vos propositions ont abouti. Ainsi, les fichiers d'information sont désormais transmis par voie électronique entre les greffes des tribunaux et la Banque de France, ce qui permet d'accélérer le traitement des dossiers examinés par la commission de surendettement. C'est un exemple pratique d'amélioration du dispositif ; d'autres suivront.
Les assises du surendettement que nous avons conduites en mai et juin 2009, grâce à l'intervention de la Banque de France, nous ont notamment permis de dégager plusieurs pistes. En premier lieu, les surendettés qui sont propriétaires de leur résidence ne doivent pas être écartés des commissions de surendettement ; le projet de loi qui sera soumis à votre assemblée traitera de cette question. D'autre part, les intérêts intercalaires qui sont facturés malgré des plans homologués ne doivent pas non plus être infligés à des personnes surendettées ayant respecté les termes du plan. Il s'agit là de solutions très pratiques, adaptées à la situation de ceux de nos concitoyens en situation de surendettement. En effet, vos interventions et l'action globale de la majorité vont nous permettre de traiter le mieux possible la question du surendettement et du crédit à la consommation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le ministre du travail et des relations sociales.
Depuis un an, le chef de l'État condamne avec virulence certaines pratiques en matière de rémunérations. Mais où en sommes nous aujourd'hui ? La crise économique est là, et tout continue comme avant, y compris dans des entreprises qui bénéficient de l'aide de l'État, donc des contribuables.
Faut-il rappeler que la Société générale aurait provisionné 33 millions d'euros pour la retraite de six mandataires sociaux ? Est-il nécessaire d'évoquer les 28 millions d'euros provisionnés par la BNP-Paribas pour ses quatre plus hauts responsables ? Le chef de l'État avait pourtant prévenu qu'il ne se contenterait pas de recommandations faites par les grands dirigeants pour assainir cette situation et qu'il n'hésiterait pas à recourir à la loi si rien n'évoluait.
Comme rien n'évolue, nous lui proposons donc d'agir par la loi. C'est pourquoi nous portons devant la représentation nationale une proposition de loi posant les bases d'une politique des hauts revenus. Le choix qui a été fait est de ne retenir que les dispositions qui pourraient faire l'objet d'un consensus, puisqu'elles reprennent les intentions exprimées par le Président de la République. Ces dispositions portent notamment sur le plafonnement des salaires des dirigeants d'entreprises aidées, la limitation des bonus des traders, la suppression des stock-options, la suppression des parachutes dorés et la limitation des retraites chapeaux. Au regard de ces propositions consensuelles, nous vous demandons, monsieur le ministre, un engagement clair en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Madame Carrillon-Couvreur, le Gouvernement attend de l'ensemble des entreprises qu'elles soient exemplaires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) En période de difficultés, lorsque la crise économique est à nos portes, tout le monde doit montrer l'exemple, surtout à la tête des entreprises. C'est ce que nous avions demandé à l'ensemble des représentants du monde de l'entreprise, qui nous ont proposé le code AFEP-MEDEF, lequel reprend dans ses grandes lignes le dispositif que vous évoquez (Protestations sur les bancs du groupe SRC), à savoir le plafonnement des indemnités de départ, le non-cumul entre le contrat de travail et le mandat social, la mise en place d'un comité des rémunérations, le paiement d'une part variable de rémunération, sous réserve uniquement de réalisation des objectifs.
Vous rétorquerez que les grands principes, c'est bien mais pas suffisant ; vous aurez raison. C'est pour cela que nous avons demandé à l'Autorité des marchés financiers d'examiner sur pièce la manière dont ce code est appliqué. L'AMF, sous l'autorité de Jean-Pierre Jouyet, a ainsi fourni en juillet un premier rapport qui porte sur soixante entreprises, soit 80 % de la capitalisation boursière du CAC 40. Sur ces soixante entreprises, l'harmonisation n'est pas parfaite : 88 % d'entre elles appliquent le code AFEP-MEDEF avec l'ensemble du dispositif que je vous indiquais. J'ai donc demandé à Jean-Pierre Jouyet de réexaminer la manière dont le code est appliqué sur l'ensemble de l'année 2009. Sur la base de ses conclusions, nous prendrons des dispositions. D'ores et déjà, la commission des lois de votre assemblée a modifié la proposition de loi du président Ayrault en en retenant notamment le principe d'un comité des rémunérations.
Le Gouvernement examinera avec attention et intérêt cette proposition modifiée par la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Luc Reitzer, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à notre ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.
L'aménagement du territoire, la lutte contre sa désertification, le soutien aux activités économiques, constituent une priorité pour chacune et chacun d'entre nous, comme pour le Gouvernement.
C'est la raison de la création du Fonds national de revitalisation des territoires, destiné précisément à venir en aide aux territoires touchés par les restructurations d'entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire.
Annoncé par le Président de la République au mois de février 2008, lancé au mois d'avril 2009, ce fonds doit permettre, d'ici trois ans, l'octroi de 135 millions d'euros sans garantie aux entreprises en difficulté, favorisant ainsi le développement et la création d'emplois.
Six mois après la mise en oeuvre de ce dispositif, j'aimerais savoir, monsieur le ministre, combien de territoires ont été déclarés éligibles, et quelles sommes ont pu y être mobilisées.
Permettez-moi enfin une touche un peu plus régionale : sachant qu'aucun projet de la région Alsace, qui a pourtant perdu en une année plus de 23 500 emplois, n'a encore été labellisé, je souhaiterais connaître les perspectives d'entrée de nouveaux territoires dans ce dispositif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.
Comme vous l'avez très bien rappelé, monsieur Reitzer, l'aménagement du territoire comporte évidemment une dimension économique. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Encore faut-il le rappeler régulièrement, parce que c'est la vérité, et le Gouvernement le montre à travers son action. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le Fonds national de revitalisation des territoires, dont j'ai la responsabilité avec mes collègues Laurent Wauquiez et Christian Estrosi (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC) répond à cet objectif. Il a un rôle déterminant à jouer dans les bassins d'emploi durement touchés par la crise économique, grâce, comme vous l'avez dit, à l'octroi de prêts sans garantie aux entreprises.
Pour répondre précisément à votre question, depuis le mois d'avril dernier, vingt-quatre territoires ont bénéficié de ce dispositif, pour un montant total de prêts de 40,5 millions d'euros. Au terme du dispositif, soit dans trois ans, nous espérons que 135 millions d'euros auront été prêtés sans garantie par OSEO, et que ces territoires auront bénéficié de 400 millions d'euros de financements privés et publics.
L'État et la Caisse des dépôts et consignations ont constitué un fonds de garantie de 45 millions d'euros auprès d'OSEO. Nous espérons que, dès la fin de cette année, six territoires nouveaux seront agréés et pourront bénéficier de cette procédure, pour le soutien de plus de cinquante projets.
Pour ce qui concerne la région Alsace, aucun dossier n'y a encore été labellisé ; un dossier est en cours de préparation, et je peux vous assurer qu'il sera étudié dans le meilleur des esprits. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. — Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Ma question s'adresse à M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse.
Monsieur le haut-commissaire, quelle confiance peuvent avoir aujourd'hui les jeunes Français en vos paroles et en votre plan pour la promotion des jeunes ? Au moment même où vous nous le présentez, nous apprenons la nomination de M. Jean Sarkozy à la tête de l'établissement d'aménagement du plus gros quartier d'affaires européen : la Défense. (« Honte ! Honte ! » et vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous connaissez pourtant les chiffres : 25 % des jeunes sont aujourd'hui au chômage, et parmi eux de nombreux diplômés ; vous connaissez la souffrance de toute une génération ne trouvant ni débouchés, ni emploi.
Quel signe leur donne-t-on aujourd'hui ? Où est la promotion du travail et de l'effort ? Où est le mérite ? Où est l'exemplarité républicaine, que nous devons d'abord exiger au plus haut niveau de l'État ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Où est le signe donné à l'université, que Mme Pécresse a pour mission de porter, et alors que ce quartier est le fer de lance de la région Île-de-France où elle est candidate ?
De quelle expérience, de quelle preuve de caractère et d'intégrité a fait preuve M. Sarkozy pour voir choir dans ses mains cet héritage de coups tordus dénoncés en 2007 par la Cour des comptes ?
Comment ne pas voir, ne pas comprendre qu'il s'agit de l'appropriation d'un département par une famille et par un clan ? Comment cette nomination peut-elle ne pas être empuantie de l'entêtante odeur… (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Votre temps est épuisé.
La parole est à M. Benoît Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Jusqu'à preuve du contraire… (Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Jusqu'à preuve du contraire, dans une démocratie, la seule légitimité qui vaille, c'est celle de l'élection ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Jean Sarkozy a une double légitimité (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) : Il a été élu au suffrage universel direct, et il a été élu par ses pairs président du groupe UMP au conseil général des Hauts-de-Seine ! (Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Demain, s'il devient président de l'Établissement pour l'aménagement de la région de La Défense, il aura été élu par un conseil d'administration. Voilà la vérité, madame la députée ! (« Honte ! » et huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Contrairement à ce que vous pensez, à l'EPAD, ce n'est pas un homme seul ne décide. (Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C'est un conseil d'administration composé d'hommes et de femmes qui, ensemble, président aux destinées de l'établissement. (Mêmes mouvements.)
Voilà la vérité : oui, les compétences sont là ; oui, la connaissance du terrain est là ! Qu'est-ce qui interdirait à Jean Sarkozy de se porter candidat à un tel poste ? (« Honte ! Honte ! »)
Est-ce son âge, son diplôme ou son nom ? Si vous considérez que le seul fait d'être jeune en politique rend illégitime la prise de responsabilité, nous ne partageons pas votre analyse ! (Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Et je vous invite à le dire aux 11 300 élus de moins de vingt-cinq ans qui, tous les jours, s'engagent pour notre pays ; je vous invite à dire tous les jeunes diplômés de bac+2 qu'ils n'ont aucune compétence ! (Mêmes mouvements.)
Voilà la vérité ! Ayez un peu de décence, et considérez les gens sur leurs actes, et non sur leur acte de naissance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. — Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Alain Suguenot, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Laurent Wauquiez, jeune secrétaire d'État à l'emploi, et concerne un sujet sérieux.
Depuis le début de la crise, le Gouvernement s'est mobilisé sur le front de l'emploi, avec deux priorités : d'une part, maintenir dans l'emploi en évitant les licenciements ; d'autre part, aider les salariés qui ont perdu leur travail et leur permettre de rebondir.
Dans ce cadre, des mesures directement opérationnelles ont été mises en place, avec les partenaires sociaux, pour renforcer l'utilisation des outils de maintien dans l'emploi. Il s'agit notamment de soutenir l'activité partielle et la formation, action qui a rendu de grands services, et de mieux accompagner les salariés licenciés économiques, avec l'extension à quarante bassins d'emploi du contrat de transition professionnelle et l'amélioration de la convention de reclassement personnalisé.
Aider les salariés à rebondir, cela implique aussi, peut-être même en priorité, de faire en sorte que nos entreprises continuent à embaucher et à créer de l'emploi. Je pense en particulier aux plus petites d'entre elles, celles qu'on appelle les TPE, qui jouent un rôle crucial dans notre économie, avec près de 3 millions d'embauches par an, mais qui sont aussi, vous en conviendrez, les plus fragilisées dans la crise.
Dans le cadre du plan de relance, une aide spécifique à l'embauche pour les entreprises de moins de dix salariés a donc été instaurée, sous forme d'une exonération totale de cotisations patronales au niveau du SMIC. Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous indiquer combien d'embauches…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. À La Défense ?
…ont pu être réalisées, depuis sa création, grâce à ce dispositif intelligent, quel type d'entreprises en a bénéficié, quel est le profil des salariés recrutés et, surtout, si ce dispositif sera maintenu pour 2010 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Monsieur le député, vous le savez, ce ne sont pas les très grandes entreprises qui font la réalité du marché de l'emploi dans notre pays, mais bien les PME qui sont implantés dans nos territoires, notamment les toutes petites entreprises, celles de moins de dix salariés. C'est pour cela qu'avec Christine Lagarde, nous avons conçu un dispositif simple et efficace, ciblé sur ces entreprises, qui s'appelle « zéro charges ».
Ce dispositif est simple, parce qu'il couvre toutes les embauches, en CDD comme en CDI. Il est efficace, parce qu'il s'adresse aux entreprises et leur permet, pour des embauches au niveau du SMIC, de ne payer aucune charge. Il peut être téléchargé le plus facilement du monde sur le site de Pôle emploi. Il ne nécessite de remplir qu'une seule page, non des formulaires en quinze exemplaires.
Les résultats parlent d'eux-mêmes puisque ce dispositif a permis à ce jour 500 000 embauches – 4 000 embauches par jour. Cela en fait, avec l'activité partielle, notre outil de politique de l'emploi le plus efficace dans le contexte de crise actuel.
J'ajoute, parce que je sais que cette question vous tient à coeur, que les embauches ne se sont pas faites sous la forme de contrats précaires, bien au contraire : le nombre d'embauches en CDI est plus important que les années précédentes, et ce sont surtout les toutes petites entreprises qui en ont bénéficié.
Parce qu'on n'abandonne pas un outil qui marche, surtout dans cette période, le Gouvernement a décidé de le prolonger pour un an, jusqu'à la fin du premier semestre 2010, sur des bases claires : toutes les entreprises qui embaucheront pendant cette période en bénéficieront pendant un an à compter de la date de l'embauche.
Derrière tout cela, il y a un changement de cap. Jusqu'à présent, nous menions une politique de l'emploi trop passive qui intervenait surtout après les licenciements. Tout en étant très conscient de la difficulté dans cette crise, aujourd'hui, le but est de rendre notre politique de l'emploi plus active : nous voulons agir avant les licenciements, en développant l'activité partielle et en allant chercher les emplois, même en période de crise, là où l'on peut, avec le « zéro charges ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, je voudrais vous parler de la situation d'un soldat français. Il s'appelle Ounoussou Guissé, il est brigadier au 1er Régiment de hussards parachutistes de Tarbes.
Quand je l'ai rencontré l'année dernière, dans le cadre d'une mission parlementaire en Afghanistan, où il se battait courageusement, portant les couleurs de la France – son régiment a d'ailleurs versé beaucoup de sang dans ces combats durs –, il m'a demandé de l'aider pour faire venir, en France, sa femme sénégalaise à qui l'on refuse de délivrer un visa pour qu'elle puisse venir vivre auprès de lui.
Ma première question, monsieur le Premier ministre, est la suivante : la République est-elle encore la République lorsqu'elle empêche ses soldats de retrouver leur femme quand ils reviennent du champ de bataille ?
Mais il y a pire ! Alors que, depuis un an, je suis intervenu à plusieurs reprises, dans la discrétion, auprès de différents ministres, pour essayer, en vain, de régulariser cette situation, on a contesté à ce soldat, dans le cadre des procédures, sa nationalité française, sous prétexte que son père, déclaré français en 1960, n'aurait peut-être pas résidé assez longtemps avec sa famille sur le territoire de la France.
Monsieur le Premier ministre, la République est-elle encore la République…
… quand elle conteste à l'un de ses soldats la nationalité française qui est la sienne depuis sa naissance ?
Mais il y a pire ! Alors que le tribunal administratif devant lequel ce soldat a défendu ses droits a donné droit à sa requête – il a donc été reconnu français –, la Chancellerie a fait appel de ce jugement. (« Hou ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le Premier ministre, la République est-elle encore la République quand elle s'acharne ainsi à essayer de reprendre une nationalité qu'elle a accordée légalement il y a si longtemps ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR et sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le député, soulever une vraie question ne justifie pas les amalgames auxquels vous venez de procéder. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Je vais vous répondre.
Tout d'abord, je vous indique que les soldats Guissé, Ounoussou et Amara, son frère, seront reçus cet après-midi par le ministre de la défense, Hervé Morin. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Celui-ci s'est mobilisé dès le début, avec toute l'institution militaire, et s'est tourné vers la garde des sceaux, Michèle Alliot-Marie.
Je souligne que l'affaire actuellement pendante devant la cour d'appel de Rouen concerne la nationalité de leur père au moment de l'indépendance. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Cette affaire est en délibéré, mais je peux vous dire que, en matière de reconnaissance de la force noire, du rôle joué par les soldats issus de ces pays, leurs pères, leurs grands-pères, pour notre liberté, nous n'avons aucune leçon à recevoir… (« Hou ! » sur les bancs du groupe SRC.)
…tant sur le plan mémoriel que sur le plan de la décristallisation des pensions, M. Falco le sait bien. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Très concrètement, ces soldats ont la possibilité de déposer une demande de naturalisation auprès de l'autorité militaire… (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
…laquelle déférera cette demande au préfet et le dossier sera instruit dans le meilleur esprit. (De nombreux députés des groupes SRC se lèvent et font claquer leur pupitre.)
Je peux vous dire que le Gouvernement s'engage à trouver des solutions et que les soldats Guissé ne seront pas reniés par la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Démission ! Démission !
La parole est à M. Alain Cousin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.
Madame la secrétaire d'État, vous le savez mieux que personne, pour les entreprises françaises, petites et moyennes, exporter est un véritable défi. Des efforts très importants sont réalisés par le Gouvernement et par de nombreux conseils régionaux pour encourager et accompagner les entreprises qui veulent répondre à cet immense défi. Pour autant, les exportateurs ont souvent vu, ces derniers mois, leur couverture de crédit réduite, voire coupée.
Madame la secrétaire d'État, avec Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, vous avez lancé ce matin le dispositif Cap Export qui devrait pouvoir répondre aux besoins de nos entreprises en la matière. Je vous remercie de bien vouloir développer cette très bonne initiative devant la représentation nationale.
La parole est à Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.
Monsieur le député Alain Cousin, en tant que président de UBIFRANCE vous êtes particulièrement bien placé pour connaître ces questions. L'une des conséquences les plus graves de la crise mondiale, dans tous les pays du monde, c'est la chute du commerce international et de son financement. Christine Lagarde et moi-même travaillons donc depuis des mois pour accompagner mieux encore que dans le passé les entreprises sur les marchés étrangers.
Nous une avons eu une attitude pro-active sur les grands contrats par l'intermédiaire de la Coface et nous avons profondément rénové l'assurance prospection pour les PME qui vont à la découverte de l'international. Mais il fallait innover davantage puisque la crise a fait apparaître des situations inédites, à savoir la difficulté pour les PME, pour les exportateurs, de trouver des garanties face aux risques d'impayés de la part de leurs clients étrangers. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre nous avait demandé, au mois de juin dernier, de trouver un dispositif inspiré de Cap et Cap +, qui ont fait la preuve de leur efficacité sur le plan domestique. Nous avons travaillé avec les assureurs crédits, les fédérations professionnels, et avec la Commission européenne. Celle-ci nous a donné son accord le 5 octobre dernier, ce qui nous a permis ce matin, avec Christine Lagarde, de participer à la signature de premiers contrats d'assurance permettant à la garantie de l'État de sécuriser les assureurs crédits et leurs clients entreprises lorsque les garanties sont réduites ou annulées par le marché. C'est un dispositif très innovant sur lequel plusieurs pays étrangers commencent à se pencher pour s'en inspirer. Nous sommes fiers d'avoir encore une fois été en avance sur des idées nouvelles pour permettre à nos entreprises de tirer pleinement partie de la reprise qui s'annonce à travers le monde. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, avant de poser ma question qui s'adresse à M. le Premier ministre, je voudrais dire à quel point la réponse de M. Bockel nous a semblé pathétique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le Premier ministre, dans votre intervention du 18 septembre dernier, reprise par le Président de la République en direct de New York, vous pointiez encore une fois du doigt les collectivités locales, regrettant qu'elles embauchent, selon vous, 36 000 nouveaux fonctionnaires par an, contrairement au Gouvernement qui se félicite de réduire inexorablement le nombre d'agents publics.
Déclaration pour le moins paradoxale, alors même que l'État, en transférant plus de 90 000 agents TOS et plus de 30 000 agents de l'équipement pour ne citer qu'eux, a contribué à une hausse mécanique sur laquelle les collectivités n'ont aucune prise et qui représente près de 90 % des emplois nouveaux dans ces collectivités ces dernières années.
Parallèlement, en choisissant de ne remplacer qu'un fonctionnaire d'État sur deux partant à la retraite, vous mettez à sac les services publics de notre pays (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP),…
…et ce pour une économie budgétaire de l'ordre de 500 millions d'euros, alors que dans le même temps la baisse de la TVA dans la restauration coûte quelque 2,5 milliards aux finances publiques, sans effets bénéfiques visibles.
Pour compléter cette politique tant inefficace qu'inique, vous refusez de vous attaquer aux niches fiscales, de remettre en cause le bouclier fiscal, mais vous n'hésitez pas à mettre à mal les finances des collectivités en démantelant leur autonomie fiscale au travers de la suppression de la taxe professionnelle, qui conduira fatalement à reporter le poids de l'impôt sur les ménages, déjà lourdement pénalisés, et à réduire les politiques publiques conduites en faveur de nos concitoyens.
Les services publics, éléments essentiels de la solidarité entre les hommes et les territoires, sont le seul capital partagé par tous. Monsieur le Premier Ministre, vous avez déclaré : « Comment imaginer que ce système puisse continuer ? Moi, je vous le dis, il ne continuera pas. » Souhaitez-vous, après avoir dépecé les services publics d'État,…
Votre temps est épuisé.
La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. (« Boucher ! », « Charcutage ! », « Les ciseaux ! » sur les bancs du groupe SRC.)
à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Madame la députée Pérol-Dumont, vous m'avez posé une question sur la taxe professionnelle et vous l'avez élargie au problème des ressources des collectivités locales.
Le Gouvernement a bien entendu les inquiétudes exprimées par de nombreux élus locaux sur la suppression de la taxe professionnelle. C'est pourquoi il a pris des engagements qui ont été récemment réitérés devant le Comité des finances locales réuni à Bercy.
Premier engagement, la réforme de la taxe professionnelle, – que le président Mitterrand appelait l'« impôt imbécile », dois-je vous le rappeler –, ne menacera pas le niveau des ressources des collectivités territoriales. En effet, la diminution des recettes de TP à hauteur de 22 milliards d'euros sera intégralement compensée à chaque collectivité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Deuxième engagement, cette compensation sera bien entendu pérenne, madame Pérol-Dumont. Elle vaudra dès l'entrée en vigueur de la réforme pour les collectivités,…
…c'est-à-dire en 2011, et pour les années suivantes. Le texte de la réforme ne prévoit évidemment pas de diminuer cette compensation après 2011, 2010 étant une année neutre ou, si vous préférez, une année blanche.
Troisième engagement, qui est important, le Gouvernement a bien précisé qu'il reviendrait au Parlement, dont c'est aussi le rôle, de déterminer quelle doit être la répartition optimale des ressources de substitution entre les différentes collectivités locales.
Ǎ titre personnel, j'estime que les intercommunalités doivent recevoir une fraction de la future cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée.
Suppression de la taxe professionnelle
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)
L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.
Dans les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi, la parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, mes chers collègues, le Gouvernement a décidé d'ouvrir le secteur des paris en ligne à la concurrence, restant fidèle, tout au long de nos discussions, au point de vue qui a présidé à la rédaction du projet de loi. À sa décharge, il faut reconnaître que la réglementation des activités à risque sur la toile est une question complexe.
On peut cependant se demander pourquoi, entre les deux options qui s'offraient à lui, le Gouvernement a choisi d'ouvrir le secteur au privé au lieu de renforcer le rôle des opérateurs traditionnels – La Française des jeux, le PMU – et de la coordination européenne.
Oui, pourquoi ouvrir les jeux en ligne aux opérateurs privés, compte tenu des dangers que nous avons dénoncés ? Pourquoi introduire la menace de trucages ou de manipulations qui, sans être intrinsèquement liés à cette décision, peuvent en découler ? Pourquoi prendre le risque d'affaiblir les filières hippique ou sportive en mettant en danger les circuits traditionnels de financement ? Pourquoi augmenter le risque d'addiction, que favorise le recours à l'écran, en développant les paris en ligne et en permettant qu'ils fassent l'objet de publicité ? Pourquoi encourager une économie spéculative, alors que le Gouvernement s'était engagé à moraliser l'économie casino ? Pourquoi prend-il de tels risques, alors qu'il pouvait tenter de définir une autre orientation ? Les contraintes européennes, nous n'avons dit, n'étaient pas déterminantes.
Nous pouvons vous remercier sur un point, monsieur le ministre : pendant le débat, vous avez accepté, contre l'avis du rapporteur, que l'interdiction d'accès aux sites illégaux ne puisse être prononcée que par un juge judiciaire. L'argument de l'efficacité, que nous a opposé le rapporteur, posait en effet problème sur le plan des libertés.
À cet égard, je profite de l'occasion, monsieur le président, pour vous demander, comme le fera le groupe socialiste, la mise en place d'une mission d'information parlementaire, transversale à plusieurs commissions, sur la manière d'équilibrer la nécessaire répression des activités illégales sur la toile et la protection des libertés.
Pour l'instant, nous abordons cette question au cas par cas : hier à propos de la protection des droits d'auteur, aujourd'hui à propos des jeux en ligne, et demain à propos de la pédophilie. Il est indispensable que le législateur se dote d'une philosophie globale sur le sujet.
Le projet de loi fait entrer le loup des opérateurs privés dans la bergerie des petits parieurs. Tristan Bernard, qui s'y connaissait en matière de jeu, disait qu'il avait pu s'offrir avec ses gains une casquette de yachtman, alors que le montant de ses pertes équivalait au prix du bateau. En promettant à beaucoup de parieurs qu'ils pourront s'acheter une casquette de yachtman, le Gouvernement garantit à quelques opérateurs privés triés sur le volet qu'ils pourront acquérir un ou plusieurs bateaux. Je parle bien entendu de manière imagée : n'allez pas penser que je vise un cas particulier.
Je pense qu'il faut voter contre ce texte et contre le choix de société qu'il propose en soumettant à l'argent un domaine qui avait toujours été soumis au contrôle d'un monopole public. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.) Il met en place un engrenage qui, sous la pression des différents opérateurs, conduira fatalement à une dérégulation progressive. Le rendez-vous que nous avons pris ne nous permettra que de constater, dans dix-huit mois, un affaiblissement des protections.
C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre le projet de loi et invite l'Assemblée nationale à lui emboîter le pas. Pour manifester votre conception de la réglementation des jeux, je vous engage, chers collègues, à conforter la tradition républicaine avec laquelle rompt le projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Roland Muzeau, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le ministre, la première question qui vient spontanément à l'esprit en ces temps de crise économique et sociale est pourquoi un tel empressement à ouvrir le secteur des jeux et paris à la concurrence ? À vous entendre, il fallait répondre à de prétendues pressions européennes ; or aucun texte européen n'impose la libéralisation que vous avez décidée.
En l'absence de toute législation communautaire, c'est le droit national qui s'applique. Dans le respect des traités existants, la jurisprudence reconnaît le droit des États à maintenir un monopole et des restrictions légales sur le secteur des jeux, pourvu qu'ils soient dûment motivés, respectent des raisons impérieuses d'intérêt général, soient strictement proportionnés et non discriminatoires.
La seule contrainte émanant de Bruxelles venait de la Commission européenne, qui demandait à la France de mettre sa politique en cohérence avec les raisons invoquées pour maintenir le monopole public. En clair, si la France défend l'intérêt général et veut, pour cela, limiter l'ampleur des jeux, elle peut maintenir son monopole. Le choix dangereux que vous avez fait n'est donc pas dicté par l'Europe, mais fondé sur une conception libérale du secteur des jeux, située aux antipodes de la réglementation qui prévaut en France depuis le XIXe siècle.
Le deuxième argument avancé pour justifier l'ouverture à la concurrence articule lutte contre l'offre illégale de jeux et de paris en ligne, et préservation de la santé publique.
Pour ce qui est de la lutte contre l'offre illégale, vous avez, comme le rapporteur, fait un aveu d'échec par anticipation, puisque vous avez affirmé que l'arsenal juridique existant permettrait de faire obstacle au développement de l'offre illégale – dans ce cas, que n'avez-vous déployé cet arsenal dès l'apparition des jeux en ligne ? – et que la compétence territoriale des juges entravait les poursuites.
En matière de lutte contre la fraude, on ne le sait que trop : tout est affaire de volonté et de courage politiques. L'aveu d'impuissance de l'État augure mal de son action future en matière de lutte contre l'offre illégale.
Les arguments selon lesquels l'ouverture à la concurrence et la publicité qui l'accompagne permettraient de préserver l'ordre social et la santé publique ne sont pas plus recevables. Il est en effet paradoxal d'exposer les joueurs, sous couvert de les protéger, à une publicité massive en faveur de l'offre légale : ne sait-on pas que, en matière de jeux, il n'y a pas d'autre moyen d'éviter les comportements addictifs et compulsifs, pour préserver la santé publique, que de réduire le plus possible l'offre ? Certes, vous avez saupoudré votre texte de quelques garanties louables – création de l'ARJEL, encadrement a minima de la publicité,engagements des opérateurs –, mais elles sont très insuffisantes face aux risques que constitue la libéralisation.
Dans le domaine sportif, le texte, qui légalise le pari à cote – pratique interdite dans de nombreux pays pour son éthique discutable –, n'organise rien de moins que la possibilité pour les sociétés sportives de contracter directement avec les opérateurs de jeux et de paris. Il ouvre ainsi la voie aux dérives que connaît le Royaume-Uni, où fraudes, corruption et trucages font régulièrement la une des journaux. Par ce biais, le texte met en péril le financement équitable du sport via les fédérations sportives, alors que les changements de taux et d'assiette des prélèvements font planer une incertitude sur le niveau des recettes allouées au CNDS.
Pour la filière hippique, si nous ne pouvons que nous réjouir du maintien de la forme mutuelle des paris, nous craignons que l'ouverture à la concurrence n'hypothèque les retours sur la filière, qui emploie directement 70 000 personnes et contribue à en faire vivre 120 000.
Enfin, le texte porte une contradiction irréductible entre le signal qu'il envoie à nos concitoyens et les discours du Président de la République sur la valeur travail et la moralisation du capitalisme financier, preuve, s'il en était besoin, que le Gouvernement ne connaît qu'une valeur : le fric. À côté du « travailler plus pour gagner plus », on pourra désormais, avec la bénédiction de l'État, « parier plus pour perdre plus », alors même que 47 % des joueurs de notre pays sont des personnes en très grande précarité.
Pour toutes ces raisons, le groupe GDR votera contre le texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Je fais d'ores et déjà annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Nouveau centre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le secteur des jeux d'argent avait connu peu d'évolution sur le plan législatif depuis la loi de 1891 sur l'organisation du pari mutuel hippique ou celle de 1907 sur l'exploitation des casinos dans les villes d'eau. Pourtant, avec l'émergence des jeux et paris sur internet, il y avait matière à réfléchir sur la capacité du Parlement français à faire évoluer son droit.
Ces dernières années, l'offre de jeux a considérablement évolué, puisqu'on compte aujourd'hui sur toute la planète près de 25 000 sites illégaux ouverts à des millions de joueurs.
En France, on estime que 25 % de ces 25 000 sites illégaux proposent des jeux et des paris en ligne en langue française et que deux à trois millions de joueurs font régulièrement des jeux et des paris en ligne. Il était donc important que le Gouvernement puisse proposer aujourd'hui à l'Assemblée nationale et demain au Sénat une évolution législative qui devrait permettre à ces joueurs de rentrer dans la sphère légale.
De même, les sociétés qui exploitent aujourd'hui des jeux « en dur » auront la capacité de proposer, demain, une offre renouvelée et faire en sorte que de nouveaux jeux fassent leur apparition, à côté des jeux traditionnels, dans des structures françaises légales.
Le projet de loi prévoit également de mieux maîtriser et contrôler l'addiction des joueurs aux jeux à travers la traçabilité. Les mesures adoptées donnent des garanties au législateur et permettront, j'en suis sûr, de faire avancer la question importante de l'addiction que nous ne pouvons pas ignorer et qui concerne 1 à 2 % des joueurs.
Enfin, les nouveaux opérateurs seront soumis à des demandes d'agrément qui seront instruites par l'Autorité de régulation des jeux en ligne, l'ARJEL. Ces licences, qui seront attribuées sous réserve du respect d'un cahier des charges très précis, permettront aux différents opérateurs d'évoluer en toute légalité sur le territoire français. Cette autorité indépendante aura également pour mission de contrôler le respect de leurs obligations.
Tels sont les différents éléments qui permettront au Parlement français dans sa grande majorité, d'apporter son soutien à ce texte de loi, car nous ne pouvons plus laisser des millions de joueurs dans l'illégalité ni les opérateurs exercer dans un cadre illicite.
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, le groupe Nouveau centre tient à saluer le travail que vous avez effectué et la grande ouverture d'esprit dont vous avez fait preuve. Des amendements du groupe Nouveau centre ont pu être adoptés, et je tiens à vous en remercier.
Il nous appartiendra également de faire évoluer la loi dans les mois et les années qui viennent, car, si le texte est aujourd'hui complet, il demeure encore imparfait sur certains aspects.
Voilà pourquoi le groupe Nouveau centre votera ce projet et apportera son concours à cette évolution législative très attendue. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur divers bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, pour le groupe Union pour un mouvement populaire.
Mes chers collègues, ce débat a suscité sur tous nos bancs beaucoup d'engouement et de sérieux.
Rappelons qu'actuellement 75 % des paris en ligne se font sur des sites illégaux. Le groupe UMP ne croit pas à l'effet de la prohibition. Sortir du marché gris, aller vers une offre légale, l'encadrer, insister sur la nécessité d'un financement très en amont de la prévention et de la recherche, encourager et protéger les filières : tels sont les objectifs de ce texte. En ce sens, je rejoins les propos de M. Perruchot qui vient d'exprimer tout l'enjeu d'un texte difficile qui pose des questions de société.
Nos compatriotes sont en effet très attentifs à toutes les questions touchant à l'addiction. Pour les aborder, la seule solution consiste à sortir de la brume et du caractère illégal des sites en ligne. Je vous invite donc à adopter le présent texte. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 514
Nombre de suffrages exprimés 508
Majorité absolue 255
Pour l'adoption 302
Contre 206
(Le projet de loi est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés (nos 1893,1949).
Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé d'appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d'un temps attribué aux groupes de trente heures.
Chaque groupe dispose des temps de parole suivants : le groupe UMP, huit heures trente ; le groupe SRC, onze heures vingt-cinq ; le groupe GDR, cinq heures quarante-cinq ; le groupe NC, quatre heures vingt et les députés non inscrits, cinquante minutes.
En conséquence, chacune des interventions des députés, en dehors de celles du rapporteur et du président de la commission saisie au fond, sera décomptée sur le temps du groupe de l'orateur.
Les temps de parole figurant sur le « jaune » ne sont en tout état de cause qu'indicatifs.
La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'Intérieur et aux collectivités territoriales.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement vous invite aujourd'hui à ratifier l'ordonnance 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés. Cette ordonnance a été prise suite à l'habilitation que vous lui avez donnée, par l'article 2 de la loi du 13 janvier 2009 dont vous avez débattu voici près d'un an.
Il s'agit de la dernière étape de l'ajustement de la carte électorale commencée il y a dix-huit mois. Le Président de la République a confié au Gouvernement cet exercice très difficile et politiquement délicat parce que le Conseil constitutionnel l'a demandé à plusieurs reprises aux gouvernements qui se sont succédé depuis 1997.
La loi adoptée en 1986 lors du retour au scrutin majoritaire leur imposait d'y procéder depuis 1999, année du deuxième recensement général de population intervenu depuis la précédente délimitation fondée sur celui de 1982.
Les gouvernements de M. Rocard et de M. Jospin ne l'ont pas fait, non plus que les suivants.
Fidèles à la politique de réforme conduite depuis l'élection de Nicolas Sarkozy en mai 2007, nous ne pouvions pour notre part, quels que soient la complexité et les risques de la tâche, laisser se creuser davantage les écarts démographiques importants apparus entre les 577 circonscriptions législatives: 35 794 habitants pour la circonscription la moins peuplée, la deuxième circonscription de la Lozère, 213 421 pour la plus peuplée, la sixième du Var, soit un rapport dans la représentation de ces circonscriptions qui s'étend de un à six.
L'objet même de la réforme à accomplir, qui vous concerne directement, et l'extraordinaire difficulté des questions à résoudre justifiaient de recourir à la procédure des ordonnances: Ce faisant, nous sommes d'ailleurs dans la tradition de la Ve République, cette procédure ayant été employée en 1958 comme en 1986, même si l'ordonnance a alors été transformée au dernier moment en projet de loi.
Les dispositions de l'ordonnance doivent prendre effet lors du prochain renouvellement général de l'Assemblée nationale; sa ratification expresse donnera force de loi à ce qui reste pour l'instant un simple acte administratif.
Il vous appartient donc aujourd'hui, mesdames et messieurs les députés, de vous prononcer, conformément aux dispositions de l'article 38 de notre constitution, sur le texte que le Gouvernement a élaboré sur la base de la délégation, encadrée avec précision, que vous lui avez donnée.
C'est ce qu'a fait votre commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République en vous invitant à adopter l'ordonnance dans une version conforme à celle du Gouvernement.
Au fond, et j'insiste sur les mots, vous ne sauriez ici discuter du tracé de telle ou telle circonscription…
…surtout s'il s'agit de votre propre secteur d'élection (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.).
Comme le disait ici même, le 24 mars 1910, le socialiste auvergnat Alexandre Varenne rapportant un projet de loi opérant à un ajustement partiel, pour refuser de procéder par voie législative à un redécoupage général qui aurait pourtant été nécessaire : « Vous serez obligés de l'opérer ici publiquement, après des tractations dans les couloirs, et vous donnerez alors au pays le spectacle d'une Chambre dont les élus s'occupent à échanger entre eux des cantons, le canton « rhubarbe » contre le canton « séné » ».
Vous êtes en effet, mesdames et messieurs les députés, dans une situation singulière, qui ne vous est pas familière faute de précédent depuis 1936 : celle de devoir débattre et voter d'un texte qui peut affecter directement vos conditions d'élection.
Une situation de conflit d'intérêts en quelque sorte, qui conduit en général des élus d'une assemblée à « se déporter », afin de ne pas entacher le vote exprimé de la moindre suspicion d'intérêt personnel.
Vous qui êtes chargés de faire la loi et d'exprimer par là même, selon la formule consacrée, la volonté générale, vous ne sauriez naturellement encourir un tel reproche.
La délimitation qu'il vous est proposé d'adopter n'est d'ailleurs pas destinée au seul scrutin de 2012, mais à au moins deux élections législatives, voire davantage.
La question qui vous est posée est, plus simplement, de savoir si le travail accompli depuis un an par le Gouvernement correspond ou non, globalement, à la mission que vous lui avez confiée…
…et s'il peut en quelque sorte lui en être donné quitus, comme l'ont d'ailleurs fait récemment la commission constitutionnelle de contrôle ainsi que le Conseil d'État.
Afin d'éclairer votre position, il m'appartient de vous donner les raisons des choix que nous avons faits pour accomplir notre mission, dans le respect des critères que vous nous aviez fixés dans la loi d'habilitation, critères qui ont été éclairés et parfois complétés par la décision du Conseil constitutionnel du 8 janvier dernier.
Ces choix concernaient d'abord les chiffres du recensement à prendre en compte, ensuite les modalités de la répartition des sièges de députés entre les départements et les collectivités d'outre-mer, puis la délimitation des circonscriptions dans les départements et collectivités dont le nombre de sièges varie, ainsi que dans ceux dont certaines circonscriptions ont une population trop éloignée de la population moyenne départementale, enfin la création de sièges destinés à la représentation des Français établis hors de France et la délimitation des circonscriptions correspondantes.
Ces quatre opérations, sur lesquelles je vais maintenant revenir en détail, ont été conduites dans la plus grande transparence, conformément à la volonté exprimée par le Premier ministre le 16 septembre 2008, lorsqu'il a reçu les responsables des groupes et des formations politiques représentés dans votre assemblée et au Sénat. C'est à moi qu'il a confié cette mission. J'ai reçu un très grand nombre de parlementaires et toutes celles et tous ceux qui le souhaitaient ont pu, comme je m'y étais engagé, accéder aux locaux du ministère de l'intérieur dans lesquels se trouvaient les cartes et les chiffres du recensement.
Je tiens à le souligner ici très clairement : chacun des courriers que j'ai reçus sur ce sujet a été étudié avec la plus grande attention.
Je dois d'abord évoquer rapidement les éléments démographiques sur lesquels nous nous sommes fondés.
Comme nous sommes en matière électorale, le chiffre de population à prendre en considération est la population municipale, et non la population totale, ainsi que le prévoit l'article R. 25-1 du code électoral. Les derniers chiffres authentifiés, pour les départements de métropole et les départements d'outre-mer, comme pour les collectivités de Saint-Barthélémy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, sont ceux issus du décret du 30 décembre 2008, pris en application de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, que nous devons au gouvernement de M. Lionel Jospin. Dans cette nouvelle méthode de recensement glissant – vous allez bientôt réaliser à quel point il est glissant - effectuée chaque année, les chiffres publiés fin 2008 sont réputés être ceux constatés au 1er janvier 2006. Ce décalage a soulevé de nombreuses questions, puisque des communes, à la date à laquelle le chiffre de leur population a été publié, disposaient de chiffres plus récents, du fait de recensements intervenus en 2007 ou en 2008.
Cette méthodologie voulue par le gouvernement Jospin ne facilite donc pas la tâche...
Pour la Nouvelle-Calédonie et les collectivités d'outre-mer, les chiffres authentifiés sont ceux issus de leur dernier recensement global, puisque la loi de 2002 a maintenu pour ces territoires un recensement général de population tous les cinq ans. Il en résulte, et je tiens à attirer d'emblée votre attention sur cette injustice, une anomalie pour la Nouvelle-Calédonie, dont le recensement date de 2004 et pour laquelle un nouveau comptage de population vient seulement d'être réalisé. Alors que la population de la Polynésie française, recensée en 2007, dépasse le chiffre qui lui donne droit à trois sièges de député contre deux jusqu'à présent, la Nouvelle-Calédonie n'a pas droit à ce troisième siège au vu de sa population recensée en 2004, même si elle l'obtiendrait à coup sûr avec les résultats du recensement en voie de publication... Admirez la simplicité du dispositif ! Nous devrons certainement, une fois certifiés les chiffres de ce recensement, réfléchir à la manière de remédier à ce traitement injuste.
Dans les deux cas, départements et collectivités d'outre-mer, la population recensée comprend à la fois les ressortissants français et les étrangers, alors même que nos députés sont censés représenter la nation. Le Conseil constitutionnel a en effet censuré l'amendement, déposé par votre collègue René Dosière et adopté à l'unanimité par votre assemblée, qui aurait permis de prendre en compte la situation particulière de territoires où la population étrangère est très forte. Ce faisant, il n'a pas condamné a priori une méthode fondée sur la comptabilisation de la seule population française, mais il a considéré que nous ne pouvions y recourir sans le faire de façon uniforme dans l'ensemble du pays.
Je ne vous cache pas mon étonnement car ce raisonnement nous conduit à attribuer un siège supplémentaire de député à Mayotte. Certes, Mayotte compte 186 452 habitants selon le recensement réalisé en 2007, ce qui lui donne droit en théorie à ce siège supplémentaire, mais l'INSEE a confirmé officiellement que plus d'un tiers de la population de Mayotte est étrangère et que plus de 40 000 personnes y vivent en situation irrégulière, comme l'avait signalé M. René Dosière. Sans cet apport, Mayotte ne pourrait prétendre à ce deuxième siège.
S'agissant des Français établis hors de France, vous aviez prévu, faute de disposer d' un recensement exhaustif de la population concernée, analogue à ceux opérés en métropole ou outre-mer, de « prendre en compte », c'était la formule, les personnes immatriculées dans nos consulats, ce qui laissait une certaine souplesse d'interprétation. Or, saisi par le groupe socialiste, le Conseil constitutionnel a imposé, dans sa décision du 8 janvier dernier, de calculer le nombre de leurs futurs députés et de délimiter leurs circonscriptions d'élection sur la base de la totalité de ces immatriculations, ce qui a augmenté le nombre de sièges à leur attribuer. Nous en avions envisagé entre sept et neuf, il a fallu en prévoir onze.
Dans le souci de respecter l'égalité de traitement entre les Français vivant sur le territoire national et ceux établis à l'étranger, ce sont les chiffres des personnes immatriculées au 1er janvier 2006 qui ont servi de référence pour effectuer ces opérations.
En ce qui concerne la répartition des sièges de députés, je rappelle que vous avez décidé, lors de la révision constitutionnelle de 2008, de plafonner le nombre des membres de votre assemblée à 577, chiffre résultant de la réforme de 1985. Pour la première fois, un ajustement de la carte électorale s'est donc fait sans augmentation du nombre des sièges ; je tiens à insister sur ce point.
Je souligne en effet que, sous le Second empire, la chambre est passée de 430 à 490 députés, que la IIIe République a débuté avec 526 et fini avec 598 députés et qu'en 1985 et 1986 le nombre des députés est passé de 491 à 577. Effectuer cette révision de la carte électorale à nombre constant de sièges, voire avec un effectif diminué, si l'on tient compte de la création de sièges non pourvus pour les collectivités de Saint-Barthélémy et de Saint-Martin et pour les Français de l'étranger, était une des difficultés majeures à laquelle nous avons été confrontés.
La population française s'établissait au 1er janvier 2006 à 65 195 877 habitants, dont 63 185 925 dans les départements, 741 424 en Nouvelle-Calédonie et dans les collectivités d'outre-mer et 1 268 528 ressortissants immatriculés à l'étranger. Une répartition strictement proportionnelle aurait donc conduit à attribuer un siège de députés pour 112 991 habitants. Nous devions toutefois tenir compte des petites collectivités d'outre-mer, qui peuvent faire l'objet des seules exceptions à la règle de la répartition sur des bases essentiellement démographiques admises par le Conseil constitutionnel. Celui-ci a en effet permis, dans sa décision du 9 janvier 2009, d'attribuer un siège à une collectivité d'outre-mer de faible population dès lors qu'elle est très éloignée de tout autre département ou collectivité.
Les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon – 6 125 habitants – et de Wallis-et-Futuna – 13 484 habitants – justifient par leur éloignement de toute autre terre française que leur soit maintenu le siège de député dont elles ont constamment bénéficié depuis 1958. En revanche – c'est un point auquel vous étiez particulièrement attaché – les nouvelles collectivités de Saint-Barthélémy – 8 255 habitants – et de Saint-Martin – 35 263 habitants –, créées par la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer mais sans que soit pourvu immédiatement le siège de député attribué à chacune d'elles, ne peuvent, du fait de leur proximité, être chacune représentée par un député à l'Assemblée nationale. Faute de pouvoir établir la quatrième circonscription de la Guadeloupe, qui comprend à l'heure actuelle ces deux collectivités, car cela mettrait en cause une répartition fondée sur le respect des frontières départementales, nous avons choisi de leur prévoir un siège de député commun.
Ces trois sièges étant attribués, les 574 sièges de députés restant ont pu être répartis proportionnellement aux populations que je viens de citer, à raison de 556 pour les départements, soit quatorze de moins qu'en 1986, sept pour les autres collectivités d'outre-mer, soit dix au total et trois de plus qu'en 1986, et onze pour les Français de l'étranger.
Les 556 sièges des départements ont été attribués aux cent départements en fonction de leurs populations respectives, selon la méthode traditionnelle dite de la tranche, apparue en 1885 et adoptée de nouveau en 1958, comme lors de l'introduction de la proportionnelle en 1985 et du retour au scrutin majoritaire en 1986.
En 1985, cette méthode – j'ai de bonnes références – a été présentée par M. Pierre Joxe, alors ministre de l'intérieur,…
…comme le mode de répartition le plus simple et le plus compréhensible. Le montant de la tranche a été porté de 108 000 à 125 000 habitants, afin de tenir compte de l'augmentation générale de la population.
Le choix de cette méthode de répartition, qui a été soumis à la commission de contrôle constitutionnel et sur lequel celle-ci a donné un avis favorable, est justifié, tout d'abord, par son caractère traditionnel pour la répartition des sièges : introduite par la loi électorale du 16 juin 1885, elle a constamment été utilisée depuis lors et elle régit aujourd'hui la répartition des sénateurs entre les départements.
De plus, son impact est plus faible sur la situation actuelle que les autres méthodes de répartition, ce qui a paru adapté à une réforme qui se veut plus un ajustement qu'une véritable refonte de la carte électorale : cette méthode permet en effet de ne toucher que quarante-deux départements contre cinquante avec une répartition proportionnelle au plus fort reste et soixante avec le système de la plus forte moyenne.
Enfin, les effets de la méthode de la tranche sont limités sur la représentation des petits départements, dont deux seulement – la Creuse et la Lozère – se retrouvent au-dessous du seuil donnant droit à deux députés. Or nous nous devions de regarder de près le nombre de départements auquel le calcul ne donnerait qu'un député, puisque la décision du Conseil constitutionnel du 8 janvier 2009 a condamné la règle attribuant deux députés à chaque département, quelle que soit sa population : ce nombre serait beaucoup plus élevé – quatorze – si l'on choisissait la méthode de la répartition proportionnelle, que ce soit à la plus forte moyenne ou au plus fort reste, ou même la méthode dite de Sainte-Laguë. Outre les départements que j'ai cités, ceux qui n'auraient plus droit qu'à un député seraient les Alpes-de-Haute-Provence, les Hautes-Alpes, l'Ariège, le Cantal, la Corse-du-Sud, la Haute-Corse, le Gers, le Lot, la Haute-Marne, la Meuse, le Territoire de Belfort et la Guyane.
Il s'agit à nos yeux d'un élément déterminant et je pense que vos collègues des départements concernés seront d'accord – ils sont treize de l'opposition et onze de la majorité – : notre mode de scrutin, qui reste un scrutin d'arrondissement, ne peut conduire à des circonscriptions au territoire trop étendu. C'est ce que nous n'avons pu éviter pour la Creuse et pour la Lozère, départements auxquels seule une révision constitutionnelle permettrait de conserver deux députés, conformément à une tradition républicaine maintenue par le Gouvernement de M. Fabius, lors du passage au scrutin proportionnel en 1985, et approuvée par tous les groupes politiques.
La dernière raison de notre choix tient au fait que le Conseil constitutionnel, dans sa décision de janvier 2009, n'a pas condamné, bien au contraire, cette méthode de répartition, employée systématiquement sous les IIIe, IVe et Ve Républiques.
Au vu de leurs chiffres de population, le nombre de sièges a ainsi été modifié dans quarante-deux départements : il est diminué dans vingt-sept départements, qui perdent une, deux, voire trois circonscriptions – ces départements comptent actuellement 195 circonscriptions et, on ne l'a pas suffisamment souligné jusqu'à présent, ces 195 sièges sont répartis à raison de 106 pour la gauche, soit 54 %, et de 89 pour la majorité, soit exactement l'inverse du rapport de forces dans votre assemblée tout entière.
Je me demande si, dans ses calculs sur les effets supposés du découpage, le parti socialiste a bien pris en compte cet élément, alors que, dans la réduction de trente-trois circonscriptions frappant ces vingt-sept départements, une formation est, bien évidemment, d'autant plus exposée à en perdre qu'elle en détient un grand nombre aujourd'hui : c'est le constat que font d'ailleurs d'imminents observateurs, dont j'ai pu lire les articles.
(M. Marc Le Fur remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
Inversement, le nombre de sièges est augmenté en Polynésie française, à Mayotte et dans quinze départements, qui comptent ensemble 101 circonscriptions.
La répartition issue de ces calculs a donné lieu à un avis favorable de la commission constitutionnelle, installée le 22 avril dernier dans la composition prévue par l'article 1er de la loi d'habilitation du 13 janvier 2009 : trois magistrats des plus hautes juridictions, choisis par leurs pairs, et trois personnalités désignées, après avis d'une des commissions des lois des assemblées parlementaires ou des deux réunies, par les plus hautes autorités de l'État. Chacun sait que l'une de ces trois personnalités avait, au moment de sa nomination, des responsabilités dans une des formations politiques de l'opposition. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Il me faut maintenant aborder la façon dont nous avons redélimité les circonscriptions.
De nouvelles circonscriptions ont dû, tout d'abord, être délimitées dans les quarante-deux départements et les quatre collectivités d'outre-mer qui ont, soit perdu une, deux ou trois circonscriptions, soit en ont gagné une ou deux ; c'est ce que j'ai appelé le redécoupage.
Il en a été de même dans vingt-cinq autres départements de métropole et d'outre-mer, dont les inégalités de population apparues entre les circonscriptions doivent être réduites, et qui ont fait l'objet d'un simple remodelage. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le nombre de ces départements n'était que de douze dans la version initiale de l'ordonnance soumise à la commission. En effet, le parti que nous avions retenu au départ dans les départements à nombre de sièges inchangé était de remédier seulement aux écarts les plus importants, sans modifier la carte des circonscriptions lorsque la population de celles-ci ne dépassait pas de plus ou moins 20 % la population moyenne départementale, limite qui avait déjà été retenue en 1986.
Ce choix était conforme aux engagements pris devant vous et aux termes mêmes de l'habilitation que vous nous aviez donnée.
Toutefois, la commission, suivie du reste par le Conseil d'État, a considéré qu'il fallait réduire davantage encore, dans ces départements également, les inégalités les plus flagrantes. Le Gouvernement a donc suivi l'avis de la commission constitutionnelle et du Conseil d'État pour treize autres départements.
Non, c'est faux et nous vous le démontrerons ! Vous mentez ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est en vue de respecter au mieux la portée de votre habilitation de ne pas élaborer une nouvelle carte électorale complète, que nous avions de même été conduits à ne pas modifier, dans les départements dont le nombre des députés varie, les circonscriptions qui n'avaient pas à l'être : ce sont des circonscriptions dans lesquelles, pour reprendre les termes employés en 1927 lors du rétablissement du scrutin uninominal, « se sont, pendant plus de vingt ans, cristallisés, polarisés l'action électorale et l'exercice du suffrage universel ».
Toutefois, à la suite de la recommandation de la commission ou, après elle, du Conseil d'État, qui ont eu, tous deux, la même préoccupation conservatrice mais en ont relativisé la portée par rapport aux écarts démographiques, les limites de certaines de ces circonscriptions ont dû être modifiées de façon beaucoup plus rigoureuse. Le nombre de circonscriptions dont les limites sont inchangées et qui était initialement de 264 sur 577 a ainsi été ramené à 238.
Les critères de délimitation que vous nous aviez fixés, repris des critères utilisés en 1986 et complétés par l'interprétation du Conseil constitutionnel, ont été scrupuleusement respectés. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
C'est faux ! Nous vous le démontrerons ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Premier critère : les écarts de population entre circonscriptions passent grosso modo, c'est-à-dire si on exclut les petites collectivités d'outre-mer, d'un rapport de 1 à 6 à un rapport de 1 à 2,4 sur l'ensemble du territoire : de 60 903 habitants pour la seconde circonscription des Hautes-Alpes à 146 025 habitants pour la sixième circonscription de la Seine-Maritime.
Vous en conviendrez : le progrès est notable par rapport à 1986, où les populations variaient au départ de 34 485 à 123 765 habitants, soit un rapport de 1 à 4 à l'époque.
À peine plus de 6 % des circonscriptions dépassent de plus de 20 %, en excédent ou en déficit, la moyenne nationale dans les départements, contre 9 % en 1986 et 17 % en 1958, soit trois fois moins. La marge d'écarts au sein d'un même département est le plus souvent limitée entre plus et moins 15 % par rapport à la moyenne, alors qu'en 1986 le nombre de circonscriptions où l'écart était supérieur à 17,5 % était de sept, il est aujourd'hui réduit à zéro. La limite de plus ou moins 20 % n'est franchie que pour les circonscriptions des Français de l'étranger, ce que le Conseil constitutionnel a expressément autorisé.
La nouvelle délimitation constitue donc sur ces deux plans un incontestable progrès : jamais, durant les quelque 130 années où notre République aura connu le scrutin majoritaire uninominal, la recherche de l'équilibre démographique n'aura été poussée aussi loin. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Les distorsions étaient en particulier beaucoup plus importantes avec le scrutin d'arrondissement de la IIIe République, parce que les populations des arrondissements étaient devenues très disparates avec le temps et que la notion d'écart par rapport à la moyenne départementale n'a été introduite qu'en 1986.
Quel aplomb extraordinaire ! Quel cynisme !
Deuxième critère : la continuité des circonscriptions.
Les solutions retenues sur ce point en 1986 ont été maintenues et les exceptions peuvent être justifiées au cas par cas par des considérations géographiques liées notamment à l'existence d'enclaves dans les départements du Nord, des Pyrénées orientales, du Vaucluse, des Hautes Pyrénées, et cætera.
Troisième critère : l'unité des cantons.
Les cantons présentant une solution de continuité ont été soit inclus dans une seule circonscription, soit répartis conformément à leur discontinuité. Nous nous étions par ailleurs imposés la règle du respect des limites cantonales, comme le Gouvernement l'avait fait en 1986, ce qui n'était nullement obligatoire, contrairement à ce que l'on raconte.
Permettez-moi de souligner que les 133 découpages cantonaux ont été réalisés par des Gouvernements socialistes entre 1982 et 2000…
…et que la carte cantonale ne peut donc être imputée à la majorité actuelle.
Or, si l'on excepte la ville de Marseille où cette règle n'est pas imposée, moins d'un quart des cantons de plus de 40 000 habitants – quarante-deux, pour être exact – ont été partagés, l'objectif étant de réduire les écarts démographiques entre des circonscriptions voisines.
Les 52 secteurs d'élection des membres de l'assemblée des Français de l'étranger ont été, quant à eux, intégralement inclus dans une même circonscription.
Quatrième critère : l'unité des communes.
Conformément aux dispositions législatives, plusieurs communes de moins de 5 000 habitants ont été réunifiées au sein d'une même circonscription ; deux d'entre elles ont conduit à des remodelages départementaux pour cette seule raison, comme dans l'Isère et dans l'Yonne.
D'autres principes généraux ont présidé aux choix retenus pour ajuster la carte électorale : suppression des circonscriptions dans l'ordre croissant de leur population, pas de respect systématique de la carte de l'intercommunalité en raison de son caractère fluctuant et parce qu'il ne s'agit pas de collectivités territoriales ni de circonscriptions électorales, retour au découpage de 1958 lorsque la démographie le permettait.
Les projets de redécoupage ou de remodelage ont été soumis à la commission indépendante prévue par l'article 25 de la Constitution. Ils ont été validés pour l'essentiel et, je vais y revenir, rendus conformes à l'avis de la commission dans un grand nombre de cas.
J'en viens enfin aux circonscriptions destinées à la représentation des Français de l'étranger.
La création des onze sièges dédiés à nos compatriotes établis hors de France conduisait à « découper le monde » en onze circonscriptions.
Ce découpage sans précédent n'a pas été arrêté sans concertation.
J'ai en effet tenu à consulter les associations et les sénateurs représentant les Français de l'étranger, ainsi que le ministère des affaires étrangères. La délimitation est inspirée d'un projet commun aux sénateurs de la majorité et de l'opposition pour sept circonscriptions sur onze.
Je tiens le document à votre disposition.
Cette délimitation privilégie la géographie plutôt que le strict respect de l'égalité démographique des circonscriptions.
C'est vrai ! Les socialistes donnent toujours dans la caricature, comme pour la taxe carbone !
Trois des onze nouveaux secteurs électoraux – les deux d'Amérique et celui d'Asie-Océanie – présentent d'ailleurs un écart par rapport à leur moyenne de plus de 20 %, afin de maintenir une relative cohérence de leurs limites.
Enfin, six circonscriptions ont été délimitées en Europe, y compris la circonscription de Méditerranée qui s'étend jusqu'à Israël,…
Tout le monde a compris que l'Italie ne se situait pas en Méditerranée ! Vous inventez une nouvelle géographie mondiale !
…ce qui correspond au poids des Français établis en Europe, soit un peu plus de la moitié de nos expatriés.
J'ajoute que, en application de l'alinéa 2 de l'article 3 de la loi d'habilitation, une ordonnance a été adoptée le 29 juillet dernier pour prévoir des dispositions spécifiques à l'élection des onze députés des Français de l'étranger.
Cette ordonnance, indispensable pour permettre en pratique leur élection et qui sera suivie dans les prochains mois d'un décret d'application, a également été élaborée en étroite concertation avec les représentants des Français de l'étranger. Elle fait l'objet d'un projet de loi de ratification déposé dans votre assemblée en même temps que le présent projet.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, l'ordonnance dont il vous est proposé la ratification a fait l'objet d'un contrôle sans précédent lors de son élaboration. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je l'affirme ici aujourd'hui sans crainte d'être démenti :…
…aucun des onze autres découpages réalisés depuis l'instauration du scrutin uninominal en 1815, n'avait été entouré d'autant de garanties. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
L'examen du projet par le Conseil d'État, qui a disposé d'un mois pour le faire, a en effet été précédé de son étude exhaustive par la commission indépendante prévue par l'article 25 de la Constitution. Celle-ci a été placée dès sa création au niveau d'une institution de la République, comme l'avait souhaité dans son rapport le comité sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République présidé par Édouard Balladur.
Elle a été constituée peu de temps après le vote de la loi fixant sa composition ; et ses règles d'organisation et de fonctionnement et l'annonce de sa composition, équilibrée, n'ont fait l'objet d'aucune critique. Elle a consacré vingt-quatre séances à la mission qui lui était confiée, puis a examiné les projets dont elle était saisie ainsi que les correspondances qui lui ont été adressées ; enfin, elle a rendu à deux reprises un avis sur ces projets, avis dont chacun a pu prendre connaissance en lisant le Journal officiel.
Le Gouvernement a pris en compte ses propositions, en totalité ou en partie,…
…dans 23 départements. La délimitation qu'il a retenue ne s'écarte de celle prévue pour les circonscriptions « montrées du doigt » parce que trop ou insuffisamment peuplées, que pour 23 d'entre elles, soit 4 % du total des circonscriptions.
Les raisons détaillées pour lesquelles Le Gouvernement n'a pas suivi l'avis de la commission ont été fournies à la commission des lois pour chacune de ces 23 circonscriptions.
Après ce double examen complet, absolument sans précédent en matière de découpage électoral, la question est finalement celle-ci : l'ordonnance respecte-t-elle les exigences de la Constitution (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.) et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel…
Plusieurs députés du groupe SRC. Non !
…relatives à l'élection de l'Assemblée nationale « sur des bases essentiellement démographiques, selon une répartition des sièges de députés et une délimitation des circonscriptions respectant au mieux l'égalité devant le suffrage » ?
Plusieurs députés des groupes SRC et GDR. Non !
Cette question sera bien celle soumise au Conseil constitutionnel si, comme cela paraît probable au vu des déclarations que j'ai entendues ici ou là, il devait être saisi de la loi de ratification. Or vous savez comme moi que la haute juridiction constitutionnelle a déjà jugé en la matière qu'elle ne disposait pas d'un pouvoir d'appréciation aussi large que le vôtre et qu'elle ne pourrait censurer un découpage électoral que s'il méconnaissait manifestement les exigences de la Constitution. Méfiez-vous donc de ne pas vous tirer une seconde balle dans le pied ! (Sourires.)
Je n'ai pas le sentiment que le nombre de sièges affectés à chaque département comme à chaque collectivité d'outre-mer, ou que la délimitation retenue pour chacune de leurs circonscriptions respectives, encoure un tel reproche. Le groupe socialiste vous affirmera sans doute que le nouveau découpage ne permet pas à une majorité de voix de gauche d'obtenir toujours une majorité de sièges ; mais j'attends toujours qu'il nous le démontre sérieusement.
Je me souviens encore des critiques de même nature portées contre le découpage si décrié de 1986.
Comme l'avait montré une étude publiée par le journal Le Monde, dès le 9 octobre 1986, il n'en était rien et les élections de juin 1988 donnèrent à la gauche 303 sièges sur 577.
Du reste, le découpage n'empêcha pas non plus l'alternance aux élections législatives de 1997.
Finalement, c'est bien ce qu'a dû estimer le Conseil d'État quand il a donné un avis favorable au présent projet de ratification.
Pour terminer, je ferai deux observations plus générales, tirées du travail que nous venons d'accomplir.
La première est liée aux fondements mêmes de notre méthode de recensement de la population et aux leçons que nous en tirons en matière électorale. Alors que chacun de vous représente la nation, le nombre de sièges affectés à chaque partie de notre territoire – ce n'est évidemment pas le cas pour les députés élus par les Français installés à l'étranger – est calculé en tenant compte de la population étrangère, ce qui conduit à attribuer aujourd'hui un siège supplémentaire à Mayotte…
…comme un autre le sera probablement à la Guyane qui connaît également une très forte immigration venue des pays voisins. Il résulte deux conséquences paradoxales de ce décalage croissant entre population et électeurs : une partie de la population est prise en compte dans le calcul de sièges pour l'attribution desquels elle ne peut cependant avoir aucune influence, faute d'avoir le droit de vote, et les députés des circonscriptions où sont présents un grand nombre d'étrangers, comme celles de certains départements de la région parisienne, par exemple, sont élus par un nombre d'électeurs beaucoup moins élevé que ceux des autres circonscriptions.
La Creuse, avec plus de 100 000 électeurs inscrits, va désormais peser deux fois moins que certaines circonscriptions de Paris ou de la banlieue qui n'en ont que 50 000.
La IIIe République, qui a parfois pris en compte les électeurs et non la population pour calculer le nombre de députés de chaque département, n'était-elle pas finalement plus respectueuse de l'égalité du suffrage ?
Il me souvient d'ailleurs que Léon Blum a écrit des commentaires intéressants sur ce point. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
Vous n'allez tout de même pas nous faire croire que vous étiez là ? (Sourires.)
C'est une question sur laquelle il faudra, me semble-t-il, nous interroger à l'avenir.
Seconde observation : nous en sommes au douzième découpage depuis l'instauration du scrutin majoritaire uninominal en 1815…
…et vingt-neuf chambres sur quarante et une ont été élues depuis lors selon ce mode de scrutin auquel les Français sont très attachés. Chacune de ces douze opérations a balancé entre la recherche de l'équilibre démographique optimal, quitte à susciter des soupçons, voire des polémiques, sur les choix retenus dans la délimitation des circonscriptions pour y parvenir, et l'appui sur une circonscription administrative traditionnelle, le canton ou, pendant très longtemps, l'arrondissement, pour éviter les conflits, quitte à obtenir un déséquilibre plus important dans les populations des circonscriptions, comme c'était le cas sous la IIIe République qui conserva pendant soixante ans les limites d'environ 40 % des circonscriptions.
Comment concilier au mieux, à l'avenir, l'équilibre démographique, les entités géographiques, une rigoureuse équité politique et la nécessité d'un ajustement périodique, puisque la méthode du recensement glissant, que j'ai évoquée il y a un instant, risque de nous conduire à effectuer des ajustements permanents de notre carte électorale ?
On ne pourra donc plus attendre vingt-cinq ans pour modifier la carte électorale qui vous est proposée. Je sais que le président de la commission des lois, M. Warsmann, s'est tout récemment soucié d'éviter une automaticité de ces modifications, – laquelle est impossible en pratique compte tenu de la difficulté de la tâche comme le retard de l'ajustement demandé depuis dix ans par le Conseil constitutionnel le prouve –, en renvoyant à la commission indépendante de contrôle le soin de tirer en quelque sorte la sonnette d'alarme en cas d'aggravation des écarts de population.
Pour tout vous dire, je me demande, s'il ne faut pas envisager, comme pour les commissions de délimitation au Royaume Uni ou pour la commission des circonscriptions en Allemagne, d'attribuer une compétence plus large à la commission que le Premier ministre a mise en place il y a six mois.
Voilà deux sujets sur lesquels, bien au-delà de la question du découpage dont nous allons discuter, je vous invite, mesdames et messieurs les députés, à réfléchir dans les prochains mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur divers bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Charles de La Verpillière, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui invités à ratifier l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés.
En premier lieu, cette ordonnance modifie le tableau de répartition qui fixe le nombre de députés pour chacun des départements et chacune des collectivités d'outre-mer. La nouvelle version du tableau de répartition permet de prendre en compte la création de onze circonscriptions pour les députés représentant les Français de l'étranger et procède à une modification du nombre de sièges attribués dans quarante-deux départements ainsi que dans quatre collectivités d'outre-mer, en raison des évolutions démographiques survenues entre le recensement de 1982, lequel avait servi de base à la distribution des sièges de députés effectuée en 1986 et la population recensée au 1er janvier 2006.
En second lieu, cette ordonnance modifie les tableaux nos 1 et 1 bis annexés au code électoral, qui fixent les limites des circonscriptions législatives, respectivement, dans les départements et dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, et elle crée un nouveau tableau n° 1 ter, qui délimite les circonscriptions des députés représentant les Français établis hors de France.
Appelés à ratifier cette ordonnance, nous devons tout d'abord déterminer les conditions et les limites de notre contrôle.
La commission des lois a estimé qu'il ne serait pas conforme à l'esprit de l'article 38 de la Constitution que l'Assemblée nationale refasse, en totalité ou partiellement, le travail de répartition et de délimitation accompli par le Gouvernement.
En adoptant la loi d'habilitation du 13 janvier 2009, nous avons fait le choix de ne pas procéder nous-mêmes, au risque de manquer d'objectivité, à une opération qui concerne au premier chef chacune et chacun d'entre nous. Cette sage décision a été explicitement validée par le Conseil constitutionnel le 8 janvier 2009, lorsqu'il a écarté le recours formé contre la loi d'habilitation.
Tout à fait logiquement, la commission des lois n'a donc pas accepté les amendements qui lui ont été présentés…
…et qui tendaient à remettre en cause la délimitation opérée entre telle ou telle circonscription de tel ou tel département.
Cela signifie-t-il que la saisine du Parlement est de pure forme et que l'examen du projet de loi de ratification ne nous permet pas de contrôler le contenu de l'ordonnance ? Certainement pas.
Nous devons, en premier lieu, vérifier le respect des règles de procédure posées par la Constitution, notamment par son article 25, et par la loi du 13 janvier 2009.
Nous devons, en second lieu, contrôler l'application des règles de fond fixées par la loi d'habilitation, qui peuvent se résumer à une seule : la répartition des sièges et la délimitation des circonscriptions doivent se faire « sur des bases essentiellement démographiques, et sous réserve des adaptations justifiées par des motifs d'intérêt général ».
Vous remarquerez que ce critère démographique, qualifié d'essentiel par la loi, est en réalité devenu presque exclusif au vu de la décision du Conseil constitutionnel, qui a écarté toute autre considération. Cette contrainte renforcée a certainement compliqué la tâche du Gouvernement, monsieur le secrétaire d'État, mais la nôtre s'en trouve, d'une certaine façon, simplifiée.
Ainsi, j'en viens à l'examen des conditions de procédure et de fond qui ont présidé à l'édiction de l'ordonnance du 29 juillet 2009.
L'avant-projet d'ordonnance a d'abord été soumis à l'avis de la commission indépendante…
…prévue par l'article 25 de la Constitution, mise en place en avril 2009 et présidée par M. Yves Guéna.
Après un premier avis rendu par cette commission le 23 juin, le Gouvernement a soumis de nouvelles propositions à la commission concernant sept départements. Un second avis a alors été rendu.
Ce n'est qu'après cet échange approfondi que le Conseil d'État a été saisi du projet d'ordonnance. À l'issue de l'examen par ce dernier, le Gouvernement a de nouveau procédé à une nouvelle délimitation des circonscriptions dans neuf départements.
Il convient de souligner l'importance du travail effectué par la commission indépendante et par le Conseil d'État, ainsi que les conséquences de ce travail.
En ce qui concerne la répartition des sièges entres les départements, les collectivités d'outre-mer et les circonscriptions des Français de l'étranger, le Gouvernement a fait une stricte application de la méthode de la tranche, en utilisant comme diviseur le chiffre de 125 000 habitants.
Pour les députés représentant les Français établis hors de France, il a fallu appliquer ce diviseur à la population totale des inscrits sur les registres consulaires, conformément à ce qui avait été exigé par le Conseil constitutionnel. C'est la raison pour laquelle le chiffre de onze députés est proposé.
Par ailleurs, les deux départements de la Lozère et de la Creuse, qui comptaient moins de 125 000 habitants au 1er janvier 2006, ont vu le nombre de leurs députés réduit à un. Vingt et un autres départements perdent un siège, deux départements deux sièges, et deux autres départements trois sièges.
En sens inverse, onze départements gagnent un siège, et quatre départements deux sièges. Le chiffre total des gains est inférieur de quatorze sièges au chiffre total des pertes, en raison des onze sièges attribués aux députés représentant les Français établis hors de France, ainsi que des trois sièges supplémentaires attribués aux collectivités d'outre-mer : un troisième siège à la Polynésie française, dont la population est désormais supérieure à 260 000 habitants ; un deuxième siège à Mayotte – vous en avez longuement parlé, monsieur le secrétaire d'État –, qui compte plus de 180 000 habitants ; et un siège commun aux deux nouvelles collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.
La commission indépendante a approuvé le recours à la méthode de la tranche et la répartition qui en découle, et qui vient d'être présentée.
S'agissant de la délimitation des circonscriptions, dans un premier temps, le Gouvernement avait envisagé de ne procéder à une nouvelle délimitation que dans les départements qui perdaient ou gagnaient des sièges de députés, ainsi que dans les départements dont certaines circonscriptions avaient des écarts à la moyenne supérieurs à 20 %, c'est-à-dire dans seulement cinquante-quatre départements au total.
Suite à l'avis de la commission indépendante et à celui du Conseil d'État, le Gouvernement a choisi de modifier également la carte électorale dans treize autres départements, afin de réduire des écarts démographiques qui, en soi, respectaient les seuils fixés par le législateur, mais avaient paru cependant élevés et avaient fait l'objet de propositions ou de suggestions de la commission indépendante.
Par ailleurs, la délimitation des circonscriptions a été modifiée pour suivre les propositions ou les suggestions formulées par la commission, totalement dans seize cas et partiellement dans neuf autres. Les quelques cas dans lesquels l'avis n'a pas été suivi ont fait l'objet de la part du Gouvernement de fiches explicatives, qui sont annexées au rapport de la commission des lois et permettent de comprendre, ou d'ailleurs de critiquer, les raisons du découpage finalement retenu.
Lorsque le Gouvernement a procédé à une modification des limites des circonscriptions législatives, il a incontestablement respecté les conditions qui avaient été posées par la loi d'habilitation, à savoir : premièrement, le respect de la continuité territoriale des circonscriptions,…
Ce n'est pas fini ! Cela ne fait que commencer ! Il vaudrait mieux vous y habituer !
…sauf dans le cas des enclaves départementales – par exemple, pour le Vaucluse, l'enclave de Valréas ; deuxièmement, le respect de l'unité des communes de moins de 5 000 habitants et des cantons de moins de 40 000 habitants ; troisièmement, et surtout, le respect d'un écart maximal à la moyenne départementale inférieur à 20 %.
Au total, 238 circonscriptions législatives sont conservées dans leurs limites actuelles. Soixante-sept départements et quatre collectivités d'outre-mer connaissent, par contre, une modification plus ou moins substantielle de leur carte électorale.
Le présent redécoupage ne peut donc être accusé de frilosité ou de partialité.
Il a pleinement pris en compte les critères objectifs qui avaient été fixés par le législateur et confirmés par le Conseil constitutionnel ; il a également pris en compte l'avis émis par la commission indépendante instituée par l'article 25 de la Constitution. Ce sont des circonscriptions au poids démographique beaucoup plus comparable qu'auparavant qui résultent de ce travail.
Ainsi la circonscription la plus peuplée, la sixième de Seine-Maritime, compte désormais un peu plus de 146 000 habitants, et la circonscription la moins peuplée, la deuxième des Hautes-Alpes, en comprend près de 61 000. Dans l'ancien découpage, la circonscription la plus peuplée comptait 213 421 habitants, et la moins peuplée 35 794 habitants.
Par ailleurs, soixante-huit circonscriptions seulement comptent désormais moins de 100 000 habitants, contre 175 auparavant. En sens inverse, seulement deux circonscriptions comptent plus de 140 000 habitants, contre quarante-six auparavant.
Enfin, alors que 109 circonscriptions présentaient un écart à la moyenne départementale supérieur à 15 %, cela n'est plus le cas que de seize circonscriptions, dans douze départements, et sans que l'écart maximal de 20 % soit jamais dépassé.
Les seuls écarts démographiques importants concernent certaines circonscriptions pour l'élection des députés représentant les Français établis hors de France. Encore s'agit-il de circonscriptions pour lesquelles des contraintes géographiques insurmontables empêchaient de réduire ces écarts, comme l'a expliqué le secrétaire d'État.
L'ordonnance aura donc respecté l'ensemble des conditions de forme et de fond qui devaient présider à son adoption. Le résultat .auquel elle aboutit permet de rétablir une carte législative conforme aux principes constitutionnels, particulièrement au principe de l'égalité du suffrage.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois vous invite à ratifier l'ordonnance du 29 juillet 2009 sans y apporter de modification.
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Bruno Le Roux.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le débat que nous allons avoir durant ces prochains jours, s'il peut sembler peu passionnant à nos concitoyens, surtout en cette période de grave crise économique et sociale, est pourtant essentiel à notre démocratie.
La délimitation des circonscriptions législatives en vigueur lors du dernier renouvellement général de l'Assemblée nationale date de la loi du 24 novembre 1986. Elle ne permettait plus de respecter le nécessaire équilibre démographique entre les circonscriptions et rendait nécessaire leur redélimitation, comme le Conseil constitutionnel avait eu l'occasion de le rappeler à plusieurs reprises ces dernières années.
L'un des arguments que vous mettez en avant depuis maintenant plusieurs mois, monsieur le secrétaire d'État, consiste à nous dire que nous n'avions qu'à le faire ! En réalité, plusieurs gouvernements auraient pu le faire. Et puisque vous pointez toujours du doigt celui de Lionel Jospin, je vous rappelle que, au cours de la législature 1997-2002, les résultats du recensement ont été connus vers la fin de l'année 2000. Par conséquent, d'une part, il n'aurait pas été juste de procéder à un redécoupage au début de cette législature, car il se serait appuyé sur des chiffres qui auraient changé dans les deux années qui suivaient ; et d'autre part, nous avons pris la responsabilité de juger qu'il n'était pas raisonnable non plus de procéder à un redécoupage dans les deux ans qui précédaient l'élection législative.
Je souhaite donc mettre un point final à cette discussion autour d'un argument qui n'en est pas un. Plusieurs gouvernements auraient pu procéder auparavant au redécoupage électoral. Entre 1997 et 2002, nous n'avons pas pensé que c'était essentiel, et nous avons estimé, au moment où il fallait le faire, que ce n'était pas bon pour l'Assemblée nationale dans son ensemble. C'était là une réaction saine du point de vue de notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Par l'article 2 de la loi du 13 janvier 2009 relative à la commission prévue par l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés, la majorité de cette assemblée a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions destinées à modifier la répartition des sièges de députés, ainsi que la délimitation des circonscriptions législatives. C'est sur le fondement de cette habilitation que le Gouvernement a adopté en conseil des ministres, le 29 juillet 2009, l'ordonnance portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés.
Cette ordonnance, qui, au creux de l'été, n'a pas soulevé grand intérêt, modifie le tableau n° 1 annexé à la loi du 11 juillet 1986 relative à l'élection des députés, qui fixe le nombre des députés pour chacun des départements et chacune des collectivités d'outre-mer.
La nouvelle version du tableau de répartition du nombre de sièges permet aussi de prendre en compte la création de onze circonscriptions pour les députés représentant les Français de l'étranger. Elle procède à une modification du nombre de sièges attribués dans quarante-deux départements, ainsi que dans les collectivités d'outre-mer, en raison des évolutions démographiques intervenues, vous l'avez rappelé, entre le recensement de 1982, qui avait servi de base à la distribution actuelle des sièges de députés, et la population recensée au 1er janvier 2006.
Pour autant, ce nouveau tableau révèle de profondes inégalités, engendrées notamment par la méthode dite de la tranche commencée, ou méthode Adams, que vous avez à nouveau mise en oeuvre, monsieur le secrétaire d'État. J'y reviendrai.
Dans le même temps, votre ordonnance modifie les tableaux nos 1 et 1 bis annexés au code électoral, qui délimitent les circonscriptions législatives respectivement dans les départements et collectivités d'outre-mer, et en Nouvelle-Calédonie ; elle crée aussi un nouveau tableau, n° 1 ter, relatif aux limites des circonscriptions des députés représentant les Français établis hors de France. L'examen de ce tableau permettra d'apporter quelques notes d'humour dans ce débat. D'ailleurs, Jean-Jacques Urvoas a déjà fait en commission certaines remarques qui n'ont appelé que peu d'observations de votre part.
J'ai apprécié que, dans son rapport, notre rapporteur se moque gentiment en s'interrogeant sur cette circonscription qui va de Kiev à Wellington, en passant par Tokyo et Téhéran. Monsieur le secrétaire d'État, je vous sais partisan de la circonscription, du scrutin uninominal et également des réunions en appartement et du serrement de mains sur les marchés. Dans cette circonscription, cette technique électorale ne sera pas de tout repos ! Veillez à en avertir les candidats UMP.
L'aberrant mode de scrutin que vous proposez aujourd'hui pour cette circonscription des Français de l'étranger ne veut absolument rien dire.
Exactement.
J'expliquerai pourquoi vous avez choisi cette délimitation et ce mode de scrutin.
Nous voici aujourd'hui, suite au dépôt devant notre assemblée du projet de loi de ratification, dans un débat utile. En effet, en matière électorale, il est souhaitable que les dispositions prises par voie d'ordonnance acquièrent une valeur législative, donc qu'elles soient débattues. Et le débat à l'Assemblée nationale permet d'échanger des arguments.
Je suis particulièrement heureux, monsieur le rapporteur, que la commission des lois ait accepté d'examiner, même s'ils ont été rejetés – je n'aurais osé envisager le contraire –, les amendements déposés par le groupe socialiste. Cela nous permettra, comme c'est notre rôle ici, de nourrir le débat, d'opposer des arguments à votre redécoupage, voire de proposer des sous-amendements. Pour nous, le Parlement n'est pas une chambre d'enregistrement.
À n'en pas douter, ce débat parlementaire permettra aussi au Conseil constitutionnel de contrôler la constitutionnalité des dispositions de l'ordonnance ainsi ratifiée.
Avant d'entrer plus avant dans la démonstration du caractère contestable du redécoupage, je veux dire quelques mots sur le contexte de ce qui, mis bout à bout, pourrait s'appeler le mécano électoral de l'UMP.
Monsieur le secrétaire d'État, vous découpez les circonscriptions législatives en même temps que vous travaillez à une réforme territoriale dont le seul aspect qui semble véritablement vous passionner est, une fois encore, le mode de scrutin, que vous voulez totalement modifier.
Pourquoi tant d'énergie dépensée à ces réformes des modes de scrutin quand ces derniers permettent d'assurer une grande clarté dans le choix des électeurs et des majorités stables ? Avez-vous totalement substitué à vos références gaullistes – qui devraient être interpellées – le principe sarkozyste du « tout-est-possible-du-moment-que-cela-profite-à-l'UMP » ? Nous savons que, pour vous, il y a aujourd'hui trop de régions à gauche, trop de départements à gauche.
Bien sûr, c'est par le mode de scrutin qu'il faut régler ce problème. Pour cela, aucune hésitation, même s'il faut inventer quelque chose en rupture totale avec nos traditions républicaines.
Ces mêmes traditions, monsieur le secrétaire d'État, que vous invoquez parfois avec des trémolos dans la voix, ne résistent pourtant pas au seul intérêt qui guide aujourd'hui le Président de la République : l'intérêt électoral de l'UMP et lui seul. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je dois dire que vous y mettez beaucoup de zèle et d'énergie. Dans cette cour qu'est devenu l'Élysée, dont on lit, ici ou là, les grâces et les disgrâces, je ne doute pas que vous soyez, pour l'instant, bien installé au coeur du clan. Il reste tant de perspectives de tripatouillages à faire dans les prochains mois !
Vous avez une nouvelle certitude, mais que valent les certitudes en matière électorale ? On se trompe bien souvent. Vous pensez que le mode de scrutin à un tour, contraire à toutes nos traditions électorales, est aujourd'hui le mieux adapté à l'UMP. Point besoin, donc, d'avoir d'autre réflexion : si c'est bon pour l'UMP, c'est bon pour la démocratie.
Après les modifications par amendements de nuit – nombre d'entre nous s'en souviennent ici – du mode de scrutin en Polynésie, après la modification par proposition de loi du mode de scrutin en Corse, il y a quelques semaines, le gouvernement Sarkozy cherche toujours à répondre à la même question : comment adapter les modes de scrutin aux intérêts électoraux de l'UMP ?
La proposition de loi venait de M. Alfonsi.
Je dois reconnaître, monsieur le secrétaire d'État, que vous avez conduit ce redécoupage avec bonhomie, prêtant une oreille attentive (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP), parfois même manifestant la volonté de faire plaisir aux députés. Avec 230 députés de gauche et plus de 340 députés de droite, je comprends bien l'intérêt de contenter au maximum, notamment les députés de gauche, même si vous n'avez pas toujours réussi. Figer le rapport de forces tout en élargissant son Facebook parlementaire : c'est très tentant de se faire plein d'amis dans l'Assemblée quand on fait le redécoupage électoral ! (Sourires.)
Je souhaite m'arrêter quelques instants sur un étrange paradoxe : lorsque cela a été possible, vous n'avez pas hésité à renforcer les circonscriptions de gauche d'aujourd'hui. En effet, plus il y a de voix de gauche dans une circonscription, moins il y en a dans les autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
C'est simple et cela sert efficacement vos intérêts en rendant plus difficile l'alternance dans plusieurs dizaines d'entre elles. C'est donc avec un grand professionnalisme, et, je veux en témoigner, dans une relation qui fut des plus agréables,…
…que vous avez conduit, monsieur le secrétaire d'État, un travail qui ne peut être jugé que dans sa globalité et qui est, malheureusement, partisan.
Il est d'abord partisan dans la méthode de répartition des sièges, j'y reviendrai.
Il est aussi partisan dans le choix des circonscriptions redécoupées. La statistique ment rarement, et celle des députés non concernés par le redécoupage est la suivante : au groupe SRC, 73 membres sur 204, soit 35 % ; au groupe GDR, 9 sur 25, soit 35 %, au groupe UMP, 140 sur 314, soit 45 %. D'un seul coup, 10 % de députés en plus ne sont pas concernés par le redécoupage !
Sur une assemblée de 577 membres, l'existence d'un écart de 10 % pour un groupe par rapport aux autres ne manque pas d'allumer des signaux de suspicion de partialité.
Enfin, vous avez été partisan dans les choix de redécoupage. Tout cela amène des résultats dont l'orientation est tellement à sens unique – toujours au bénéfice de l'UMP – qu'elle rend fragile votre projet du point de vue des règles constitutionnelles. Je souhaite maintenant en apporter la démonstration.
Je commencerai par la méthode que vous avez mise en oeuvre.
L'élément nouveau – nouveauté toute relative toutefois – fut la commission dite « indépendante » de l'article 25 de la Constitution. Après avoir été saisie le 30 avril dernier, elle a remis au Premier ministre, le 23 juin 2009, un avis qui a été publié au Journal officiel du 27 juin 2009. Je constate qu'elle n'a souhaité ni auditionner ni comparer les projets, et qu'elle n'a travaillé qu'en relation étroite – de très bonne qualité néanmoins – avec M. le conseiller du Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
En totale indépendance, elle était installée au ministère de l'intérieur et en relation unique avec le Gouvernement ! Je regrette qu'elle n'ait pas diversifié davantage les échos qui auraient pu lui revenir sur les projets de redécoupage.
Le rapporteur a donc raison de l'appeler, dans son rapport, « commission de l'article 25 » et non pas commission indépendante.
Dans cet avis, la commission s'est prononcée, d'une part, sur la répartition des sièges, et, d'autre part, sur la délimitation des circonscriptions.
Concernant la répartition des sièges, elle a accepté que soit retenue la méthode dite de la tranche, ou encore méthode Adams, déjà utilisée lors des précédents redécoupages.
En matière de délimitation des circonscriptions, la commission a, de façon assez incompréhensible, formulé différents types d'observations, qu'elle a appelés propositions ou suggestions suivant les départements. Elle devrait y réfléchir dans le futur, car nous allons voir que les mêmes critères appliqués à différents départements aboutissent à une proposition pour les uns, à une suggestion pour les autres. Il n'y a absolument aucune grille de lecture compréhensible pour distinguer entre les suggestions, qui n'engagent pas le Gouvernement, et les propositions, sur lesquelles il doit rendre compte. Je montrerai que l'appellation « suggestion » aurait pu être suscitée par le Gouvernement pour certains départements où la commission ne pouvait pas se taire mais où on ne voulait pas prendre en compte ce qu'elle proposait. De ce point de vue, nous devons être totalement éclairés.
La commission aurait pu susciter une évolution des règles encadrant l'opération de redécoupage, notamment celle de l'écart de plus ou moins 20 % par rapport à la population moyenne des circonscriptions du département. Ce pourcentage permet de très larges disparités et aurait aisément pu être descendu à 10 %, comme le suggérait la Commission de Venise du Conseil de l'Europe dans son code de bonne conduite électorale, à l'article IV selon lequel l'écart maximal admissible (entre les circonscriptions) ne devrait pas dépasser 10 % et en tout cas 15 %, sauf circonstance spéciale.
Au final, malgré ce travail très commun, le texte de l'ordonnance ne respecte pas ces propositions dans neuf départements et ne retient rien des propositions dans treize départements. Là encore, il y a des explications à donner, en dehors des quelques fiches que vous avez pu transmettre au rapporteur, sur la différence que vous avez faite entre les propositions de la commission de l'article 25.
Je n'évoque pas ici les suggestions qui furent balayées même quand, et je pense à la Seine-Saint-Denis, elles avaient la même force et reposaient sur les mêmes critères que des propositions formulées pour d'autres départements.
Pour ce qui est de la méthode de répartition, le découpage électoral se déroule en deux parties distinctes.
La première consiste à répartir les sièges entre différents départements, proportionnellement à leurs populations respectives. Le véritable enjeu de cette première opération réside dans la répartition des restes, car le calcul de répartition peut entraîner de plus grands écarts à la justice électorale que la seconde opération, le découpage même des circonscriptions.
Il est légitime de penser qu'un découpage respecte la justice électorale lorsque l'obtention de 50 % des voix permet de récolter 50 % des sièges ou, plus généralement, quand la majorité des voix donne la majorité des sièges, quel que soit l'écart. J'y reviendrai dans quelques minutes, pour vous démontrer avec plaisir comment votre projet ne respecte pas cet élément pourtant essentiel.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de m'avoir fait porter, après notre premier débat à l'Assemblée nationale, l'excellent Atlas historique des circonscriptions électorales françaises, car il était en rupture de stock, on ne le trouvait nulle part. L'auteur, Bernard Gaudillère, conclut en soulignant qu'aucune majorité politique en charge de l'opération de redécoupage n'a résisté à la tentation du gerrymandering ou du salamandering, du nom du gouverneur du Massachusetts qui, entre 1810 et 1812, avait fait un découpage appelé « charcutage » aux États-Unis.
Il considère le découpage comme une arme électorale, ce qui explique qu'on a systématiquement refusé en France de le confier à un organisme indépendant. Je note la conclusion de votre propos, monsieur le secrétaire d'État, selon lequel, pour la première fois, le Gouvernement accepte d'envisager de se séparer de cette prérogative du redécoupage électoral pour le confier à une commission constitue une avancée.
Vous comprendrez que nous prendrons soin de vérifier que cette commission est bien indépendante.
Pour nous assurer de la réalité de cette avancée du Gouvernement…
En attendant, la réaction de méfiance au sein de l'opinion publique ne pourra malheureusement qu'être renforcée par les conséquences de votre ordonnance.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 8 janvier dernier, a émis de sérieuses réserves à propos des règles du redécoupage. Il a insisté sur le fait que la répartition devait se faire sur des « bases essentiellement démographiques », précisant notamment : « selon une répartition des sièges de députés et une délimitation des circonscriptions législatives respectant au mieux l'égalité devant le suffrage. »
Le sujet de la répartition des sièges peut paraître banal : après tout, il suffit de répartir proportionnellement les sièges entre les départements en fonction de leur nombre d'habitants. Mais cette répartition ne tombe jamais juste et l'enjeu réside, je l'ai dit tout à l'heure, dans la répartition du reste. Plusieurs méthodes existent donc pour ce faire, dont les résultats sont très sensiblement différents.
Vous avez, monsieur le secrétaire d'État, fait référence à cette question lors de notre précédent débat parlementaire. « Naturellement, disiez-vous, il serait possible de disserter à l'infini sur le choix d'une autre méthode qui permettrait une répartition différente, supposée plus équitable ; les revues scientifiques sont d'ailleurs remplies d'articles exposant les mérites comparés des méthodes d'Adams, de Jefferson, d'Hamilton ou de Sainte-Laguë, que votre rapporteur a décrites, exemples à l'appui. » Je regrette que notre rapporteur, en décrivant les différentes méthodes n'ait pas fourni un tableau comparatif de leurs divers effets : cela aurait été particulièrement instructif. Il ne suffit pas de dire qu'il existe différentes méthodes ; il aurait été intéressant – je vais en donner quelques exemples –, de montrer leurs effets sur la répartition des sièges.
Vous terminiez votre propos, monsieur le secrétaire d'État, par ces mots : « Mais nous ne sommes pas là à la recherche du meilleur système de répartition. » Étrange phrase !
Très discutable en tout cas, car la répartition par département permet de bien plus grands écarts à la démographie que la délimitation des circonscriptions.
La méthode Adams ou méthode de la « tranche commencée » est celle que vous avez employée. Comme vous l'expliquiez, monsieur le secrétaire d'État, la méthode de répartition retenue dite « de la tranche » date de la loi électorale du 16 juin 1885 où la tranche était alors de 75 000 habitants, ce que vous avez contesté en commission, avançant le chiffre de 93 000 habitants
Je comprends que ce chiffre puisse vous faire peur, car lorsqu'on se situe sur la tranche de 75 000 à laquelle il est fait référence, alors que nous sommes aujourd'hui sur une tranche de 125 000 habitants, on imagine bien que les effets ne sont pas exactement les mêmes. Le problème est que la population de notre pays a augmenté et, du coup, la tranche également. Ainsi la méthode de la répartition a perdu les vertus qu'on pouvait lui prêter à l'époque, générant de profondes inégalités entre les départements.
Vous auriez pu ajouter que la méthode d'Adams est employée exclusivement en France et qu'elle n'est reconnue nulle part ailleurs dans le monde. Elle est dite de la « tranche commencée », car dès qu'un département a plus d'habitants qu'un multiple de la tranche – 125 000 aujourd'hui – on lui accorde un siège supplémentaire. Ce diviseur de 125 000 habitants, choisi par le Gouvernement, s'écarte de 11 % de la circonscription idéale, qui correspond à la population française divisée par 577, autrement dit 112 998 habitants. Ce mécanisme a pour effet de favoriser les petits départements qui encaissent mieux l'augmentation du diviseur.
Un travail très intéressant mené par M. Duquesne, un jeune chercheur, dans un mémoire de recherche fait sous la direction de Jean-Claude Colliard, montre que les cinquante départements les plus peuplés ont une population d'un peu plus de 48 millions d'habitants. Ils disposent de 430 sièges avec la méthode de Sainte-Laguë et de 417 avec celle d'Adams. Les cinquante départements les moins peuplés ont une population totale de 14 millions d'habitants et disposent de 127 sièges avec la méthode Sainte-Laguë et de 139 sièges avec celle d'Adams. Ce qui donne, avec la méthode Adams, un député pour 117 000 habitants dans les cinquante départements les plus peuplés, contre un député pour 102 000 dans les cinquante départements les moins peuplés, soit un différentiel de 13 % en faveur des petits départements.
Avec la méthode de Sainte-Laguë, les résultats sont d'un député pour 113 000 habitants pour les cinquante plus grands départements et un député pour 112 000 habitants pour les cinquante plus petits, soit un différentiel d'à peine 1 % en faveur des petits départements. Soit 13 % de différentiel avec la méthode choisie par le Gouvernement, contre 1 % avec la méthode Sainte-Laguë !
Le constat est encore plus net lorsque l'on refait ce calcul avec les vingt départements les plus et les moins peuplés : on obtient avec la méthode Adams un député pour 119 000 habitants dans les vingt départements les plus peuplés et un député pour 93 000 habitants dans les vingt départements les moins peuplés, soit un différentiel de 22 % en faveur des petits départements. Les voix de trois électeurs de ces petits départements comptent donc autant que les voix de quatre électeurs des grands départements…
La méthode de Sainte-Laguë nous donne quant à elle un député pour 114 000 habitants dans les vingt départements les plus peuplés et un député pour 118 000 habitants dans les vingt départements les moins peuplés, soit un différentiel de 3 % en faveur des grands départements. Contre 22 % de différence avec votre méthode !
Ce jeune étudiant conclut son mémoire en notant : « Ce simple exemple empirique confirme une nouvelle fois ce que l'on savait déjà sur les méfaits de la méthode Adams et les bienfaits de la méthode de Sainte-Laguë en ce qui concerne l'égalité démographique. » Et de conclure : « Il s'agit désormais de comprendre les raisons qui ont poussé à ce choix, en déni total de la justice électorale ».
J'espère que nous saurons éclairer ce jeune étudiant pendant le débat et que vous parviendrez, monsieur le secrétaire d'État, à expliquer pourquoi, au mépris de toute justice électorale, vous avez continué à choisir cette mauvaise méthode.
Nous avons pris exemple sur la méthode Joxe !
Vous pouvez prendre modèle sur d'illustres exemples, mais vous ne devez pas oublier que le temps passe, que l'évolution se fait et que le progrès continue sa marche.
Monsieur le secrétaire d'État, il est toujours bon d'avoir des références, mais il faut savoir évoluer avec son temps.
La méthode est dépassée. Ce n'est pas, je crois, Pierre Joxe qui me démentira. Quoi qu'il en soit, nous saisirons le Conseil constitutionnel.
Je souhaiterais maintenant examiner en détail les effets de votre découpage appliqué au scrutin de 2007. La chose est particulièrement aisée à mettre en oeuvre : il suffit d'appliquer à toutes les nouvelles circonscriptions les votes exprimés par nos concitoyens en 2007 aux élections législatives et aux élections présidentielles, s'agissant des Français vivant à l'étranger. Sur la totalité des circonscriptions, la méthode n'entraîne aucun biais et les effets de candidatures s'ils peuvent exister, ici ou là, s'annulent et ne donnent aucun avantage à personne. L'exercice est très facile. Je m'étonne, monsieur le rapporteur, que ne figure pas dans votre rapport l'application des votes de nos concitoyens lors du scrutin de 2007 au redécoupage que vous nous proposez dans l'ordonnance.
Les résultats sont très intéressants. Sur les trente-trois circonscriptions qui disparaissent, le rapport est-il équilibré ? Vingt-trois touchent la gauche et dix seulement la droite ! En tout cas, telle n'est pas notre conception de l'équilibre de ce côté de l'hémicycle.
Sur les trente-trois circonscriptions créées, le rapport est-il équilibré ? Neuf auraient donné un député de gauche, vingt-quatre un député de droite ! Là encore, ce n'est pas la conception que nous nous faisons de l'équilibre.
Quelle aurait été la physionomie de notre assemblée en 2007 après votre découpage, monsieur le secrétaire d'État ? Soyez heureux, chers collègues de la majorité : vous auriez eu dix-huit collègues de plus, sans rien faire, par le simple effet du redécoupage électoral, même si cela n'est pas très bien réparti entre les deux groupes majoritaires, car l'UMP aurait gagné vingt sièges là où le Nouveau Centre en aurait perdu deux. Les non-inscrits auraient été amputés de trois sièges. Quant à la gauche, elle compterait quatorze députés de moins – onze pour les socialistes et trois pour le groupe GDR.
Récapitulons : un seul gagnant avec l'application de votre redécoupage aux résultats électoraux de 2007 : le groupe UMP avec vingt sièges de plus et des députés en moins pour tous les autres groupes.
Monsieur le secrétaire d'État, qu'est-ce qui peut conduire à des effets aussi déséquilibrés – car il n'y a forcément pas d'impartialité ? Peut-être allez-vous nous éclairer. Pour ma part, je ne vois rien d'autre ici que les effets d'un découpage trop orienté, trop partisan.
Pour corriger ces déséquilibres, nous proposons d'abroger votre ordonnance sur vingt-neuf départements et de revoir ici, ensemble le découpage de ceux-ci et le découpage des circonscriptions pour les Français de l'étranger.
Je ne résiste pas au plaisir – je vous ferai porter ce dossier lorsque je descendrai de la tribune – de vous commenter le document que nous avons présenté ce matin. Il fait état d'un certain nombre d'éléments, en échos à vos propos, monsieur le rapporteur, sur ces circonscriptions ciselées, toujours en respectant les critères constitutionnels.
Regardez le schéma du Tarn : après votre redécoupage, tout est concentré dans le haut… Si vous aviez pu imaginer un corridor ou une passerelle pour relier ce petit canton, à gauche sur la carte à cette circonscription, je suis certain que vous auriez essayé de le faire ! On concentre des cantons de gauche dans une circonscription,…
…c'est mieux pour les collègues UMP d'à côté ! Mais cela n'arrive même pas à rendre heureux le Nouveau Centre, qui s'estime lésé dans cette affaire. Comme quoi elle était véritablement faite pour l'UMP !
En ce qui concerne la carte de la Seine-et-Marne, vous savez qu'il était possible de faire quelque chose, sans qu'il soit nécessaire de redécouper des cantons.
Vous connaissez le papillon de l'Hérault par coeur, la géographie très particulière de la Somme, tout comme le découpage fait pour Aurélie Filippetti sur la Moselle ou Christian Hutin sur le Nord. Un certain nombre de camarades présents, qui se trouvent dans le même cas, sont avides de vous poser des questions pour savoir comment vous comptez prouver au Conseil constitutionnel et à notre Assemblée que vous avez respecté les critères constitutionnels.
Sur tous ces départements dont nous débattrons ensuite, Voilà donc, monsieur le secrétaire d'État, une somme de critères non respectés, de petits avantages octroyés qui, ajoutés les uns aux autres, rendent ce découpage fortement partisan et l'exposent ainsi à la censure constitutionnelle.
Je souhaite maintenant éclairer notre assemblée sur la distorsion dans l'égalité de suffrage de nos concitoyens qu'entraîne votre ordonnance de découpage et sur l'inégalité qu'elle entraîne face à l'alternance politique. La délimitation des circonscriptions législatives a des répercussions profondes sur la composition de l'Assemblée élue au suffrage direct et sur la formation de la majorité politique qui organise le fonctionnement de notre système de gouvernement.
L'institution d'une nouvelle autorité chargée d'examiner le découpage de façon approfondie dans une procédure permettant l'expression d'opinions contradictoires aurait pu offrir la chance d'un progrès marquant dans l'impartialité de cet élément-clé de la construction démocratique.
Nous aurions, en effet, souhaité que la commission inscrive dans ses travaux une exigence nouvelle : la garantie d'un droit des citoyens à exercer sans entrave le choix d'une majorité politique ! La majorité de l'Assemblée nationale, je le dis de façon solennelle, doit représenter la majorité des électeurs qui se sont prononcés dans l'élection.
L'indépendance de la commission n'ayant pas été jusque-là, c'est maintenant à notre Assemblée et demain, sûrement, au Conseil constitutionnel de se saisir de cette question.
Même si le parti socialiste, après débats, a préconisé un complément proportionnel au scrutin uninominal à deux tours, nous restons fortement attachés à la formation d'une majorité stable et cohérente organisée dans une alliance politique présentée en toute clarté aux électeurs, qui permet un choix éclairé des citoyens entre des orientations politiques diverses, sans tomber dans la dispersion et les combinaisons.
L'élection des députés au scrutin uninominal par circonscription met en oeuvre ce principe majoritaire, en l'assortissant d'une préoccupation de proximité entre l'élu et les citoyens.
Comment peut-on caractériser le fait majoritaire dans la marche de la démocratie française ? On est passé par des phases historiques variées. Toutefois, de façon continue depuis les élections législatives de 1962, la majorité parlementaire a été disputée entre la droite et la gauche rassemblées dans un deuxième tour, où quasiment toutes les candidatures se regroupaient selon ce clivage.
La structure interne de ces deux majorités potentielles a varié. Des forces affirmant vouloir les dépasser se sont exprimées, atteignant parfois des résultats substantiels au premier tour : deux des huit élections présidentielles, en 1969 et 2002, ont échappé à cette opposition droite-gauche.
Pourtant, au cours des onze dernières élections législatives organisées au scrutin majoritaire, la constance du clivage droite-gauche s'est imposée. C'est la clé de voûte de notre démocratie parlementaire. Le résultat des élections législatives de 2007 est représentatif de cette situation installée dans notre vie politique nationale.
Sur 570 circonscriptions – abstraction faite, dans ce calcul, des sept circonscriptions des collectivités d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie dont les systèmes de partis sont nettement distincts de celui de la métropole et des DOM et se prêtent malaisément à un classement droite-gauche – 460 ont donné lieu à un second tour ; seize seulement ont fait exception à la confrontation gauche-droite, du fait du jeu local de la règle d'accès au second tour. Parmi ces seize exceptions, six seulement ont vu la présence d'une formation non intégrée dans les alliances à vocation majoritaire : le MODEM dans cinq cas, le Front national dans un cas. Seulement trois de ces candidats ont été élus, dont l'un a rejoint, peu après, un des groupes de la majorité. Tous les autres députés élus – dont les 110 élus au premier tour – se classaient au sein des deux grandes familles de la droite et de la gauche.
Le système des circonscriptions constitue donc le maillon vital pour traduire la volonté démocratique majoritaire entre ces deux grands rassemblements. Si, par suite de distorsions, la majorité soutenue par une majorité d'électeurs ne trouve pas sa traduction dans la composition de l'Assemblée nationale, c'est tout notre édifice démocratique qui est ébranlé.
Si l'on veut éviter cette déviation grave, il convient que notre assemblée s'approprie ce débat et s'assure de l'équité du découpage quant à l'issue finale du scrutin législatif.
Au considérant 26 de sa décision du 8 janvier dernier, le Conseil constitutionnel a, à nouveau, énoncé son intention d'écarter un découpage « arbitraire », mais il reste à donner un contenu à ce grief encore théorique, ce à quoi nous nous emploierons : selon nous, un découpage arbitraire est un découpage ayant pour effet d'établir un déséquilibre structurel entre les forces politiques en présence.
J'aurais souhaité que, dans nos travaux préparatoires à notre débat, nous prenions les moyens de nous assurer que la majorité électorale du pays, telle qu'elle se forme au second tour des élections législatives, soit en mesure d'acquérir une majorité des sièges à l'Assemblée au suffrage direct, constituant la majorité parlementaire nécessaire au bon fonctionnement de nos institutions. À l'évidence, cela demande une appréciation d'ensemble prenant en compte la somme finale des transformations apportées à la délimitation des circonscriptions au lieu de se borner à les évaluer isolément dans chacun des départements ou collectivités intéressés par le projet d'ordonnance.
Cette appréciation d'ensemble doit explicitement prendre en considération les résultats des élections législatives récentes dans les limites des nouvelles circonscriptions proposées, pour en évaluer objectivement l'impact sur le droit à l'alternance.
Le paradoxe serait que l'analyse de l'effet du redécoupage sur le choix futur d'une majorité démocratique soit débattue partout dans la presse, sauf ici, devant notre Assemblée.
Cette demande, monsieur le secrétaire d'État, n'est pas d'opportunité politique ; elle bénéficiera, demain, à quiconque pourra emporter une majorité, sans que son succès soit contesté, lors des élections législatives postérieures à la nouvelle définition des circonscriptions.
Cette demande fait référence au principe d'égalité du suffrage énoncé à l'article 3 de la Constitution, qui s'applique aussi au regard des préférences politiques exprimées par les citoyens dans leur vote et à l'exigence de la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la nation, édictée à l'article 4.
Cette demande ne pourrait être écartée par le Gouvernement que s'il décide que la question du « droit équitable à l'alternance » n'est pas pertinente pour juger la loyauté d'un découpage législatif ou que la confrontation droite-gauche n'est pas la grille d'analyse réaliste des résultats d'une élection législative. Vous auriez certainement du mal à réfuter l'une ou l'autre de ces affirmations…
Le débat que nous proposons d'ouvrir se résume à la question suivante : l'ensemble des formations politiques constituant des majorités alternatives, soit de droite, soit de gauche, telles qu'elles se sont constituées à toutes les élections législatives des cinquante dernières années ont-elles des chances égales d'obtenir au moins la moitié des sièges de l'Assemblée dès lors qu'elles atteignent 50 % des voix lors du second tour des élections législatives ?
La réponse à cette question s'obtient en comparant les résultats des 570 circonscriptions à un chiffre national représentant la « balance » électorale finale, lors du second tour et en procédant au même décompte après le remodelage des circonscriptions. C'est un travail de sciences politiques basique auquel nous avons souhaité nous livrer, qui ne pose aucune difficulté. Si vous avez de meilleures propositions, nous sommes prêts à les examiner.
Pour établir la réalité d'un droit effectif à l'alternance autour d'un pivot à 50 % des suffrages, il convient d'établir de manière fiable un chiffre national de voix de second tour pour chacune des deux grandes tendances de l'opinion.
Ce travail s'effectue naturellement pour les 444 circonscriptions, soit 77,9 % du total où s'est effectivement tenu un second tour opposant un candidat de droite – UMP, Nouveau Centre, divers droite – à un candidat de gauche – socialiste, communiste, radical de gauche, Vert, mouvement républicain et citoyen, divers gauche.
Pour compléter cela, nous proposons une méthode simple et transparente afin de définir un chiffre comparable dans les 126 circonscriptions n'ayant pas donné lieu à un second tour droite-gauche.
À ceux qui trouvent ma démonstration trop compliquée, je conseille de patienter encore quelques instants. Je ne fais du reste que répondre à la demande du Gouvernement.
Il ressort des résultats globalisés des 444 circonscriptions de référence qu'en partant du score total de premier tour –42,38 % – des candidats des partis de gauche et d'extrême gauche, y compris les quelques divers gauche, on a un résultat de second tour représentant 8,33 points de pourcentage supplémentaires.
Cette variation favorable à la gauche entre les deux tours est élevée, mais elle poursuit un mouvement déjà constaté en 1997 et 2002 où ce gain était de 6,5 % et de 6,6 %. À l'élection présidentielle de 1995, il avait été de 7, 3 %.
Sur les 126 circonscriptions sans deuxième tour « type », cela conduit à retenir une extrapolation consistant à appliquer la même variation de plus 8,33 % à partir du total de premier tour des candidats d'extrême gauche, de gauche et divers gauche.
Sans doute avez-vous une meilleure méthode, monsieur le secrétaire d'État, et j'attends avec impatience le modèle que va nous soumettre le Gouvernement ! Inutile de préciser que, pour notre part, nous avons soumis le nôtre aux différentes fondations qui s'occupent de sciences politiques ainsi qu'à des instituts de statistiques.
Pour maintenir l'équilibre des deux groupes de circonscriptions dans l'addition finale, il convient également d'appliquer à ces 126 résultats une baisse uniforme du nombre de suffrages exprimés égale à celle constatée entre les deux tours des législatives, à savoir moins 1,96 % – le nombre de votants au second tour était moins important.
Le résultat de premier tour de ces 126 circonscriptions et sa traduction en score de deuxième tour permettent d'établir un rapport droite-gauche de 63,3 % pour la droite et de 36,6 % pour la gauche.
Toute cette méthodologie, que je tiens bien sûr à la disposition de notre rapporteur, du Gouvernement et demain du Conseil Constitutionnel, confirme qu'en appliquant à ces circonscriptions le même schéma global de reports qu'à celles où le deuxième tour droite-gauche a réellement eu lieu, le risque d'erreur reste limité.
En me livrant à cette démonstration, je ne fais que répondre à votre demande, monsieur le secrétaire d'État. Le sujet est, en effet, difficile. Il est beaucoup plus facile de rejeter nos arguments et de décréter qu'ils sont faux. Je préfère que vous contestiez notre méthode plutôt que de la balayer d'un revers de main.
J'ai seulement dit que c'était migraineux !
Il est parfaitement possible de recréer un score de second tour pour toutes les circonscriptions ; cela ne pose aucun problème.
Toute autre méthode, notamment celle consistant à appliquer des pourcentages de répartition, ne serait pas juste et le risque d'écart serait plus élevé.
Je note que, même si pour l'ensemble des circonscriptions envisagées on atteignait une erreur globale de 1 % des suffrages exprimés sur l'écart gauche-droite, ce qui constituerait une hypothèse extrême, l'impact sur le résultat national reconstitué serait de moins de 0, 25 %.
En utilisant cette méthode, on obtient pour le total national des 570 circonscriptions un chiffre de 47,53 % pour la gauche – donc 52,47 % pour la droite – aux élections de 2007.
Cette méthode permet également de reconstituer de façon simple un « deuxième tour simulé » pour chaque circonscription n'ayant pas eu de deuxième tour droite-gauche et donc de situer les 570 circonscriptions d'aujourd'hui sur une échelle relative, des plus favorables aux plus défavorables à chacun des deux camps.
Appliquée à chaque canton ou fraction de canton, elle permet aussi d'évaluer les effets d'un nouveau découpage en rendant additifs les résultats obtenus dans des circonscriptions ayant eu des configurations différentes de second tour.
Ainsi, quelle que soit la combinaison de cantons ou de fractions de cantons envisagée pour délimiter une circonscription, une évaluation homogène de l'impact politique peut être faite.
Dans notre évaluation effectuée en faisant usage de la méthode que je viens d'exposer et en se fondant sur les résultats des élections législatives de 2007, le découpage actuel ne donnerait aux candidats de gauche que 279 sièges sur 577, contre 298 à la droite, quand la gauche atteindrait 50 % des suffrages de second tour.
Le découpage actuel donne donc un léger avantage à la droite – qui garde une majorité de neuf à dix sièges quand les voix s'équilibrent à 50-50 – même si les circonscriptions marginales sont plus nombreuses à son avantage : en passant de 50 à 53 %, la droite acquiert 84 sièges, alors qu'avec la même avance, la gauche n'en gagnerait que 56.
Le déséquilibre actuel de huit sièges en défaveur de la gauche, n'affectant plus gravement la possibilité d'alternance, est menacé de laisser place à un désavantage se comptant en dizaines de sièges du fait de la méthode retenue dans le projet du Gouvernement
Votre méthode revient, partout où c'est possible, à constituer des circonscriptions peu nombreuses et très favorables à la gauche,…
…en sorte de dégager un nombre au contraire fortement accru de circonscriptions favorables à la droite avec des marges moindres.
À l'issue du redécoupage Marleix, les résultats évoluent, en effet, fortement car la gauche n'obtiendrait plus que 260 sièges sur 577 à 50 % contre 317 à la droite avec un avantage qui passe donc à 28 ou 29 sièges en faveur de la majorité.
Le même modèle permet de voir sans contestation possible que, pour atteindre la majorité, la gauche devait, en 2007, faire 50,4 % des voix ; en 2012, avec votre redécoupage, elle devrait faire 51,4 % des voix !
Voilà un élément supplémentaire pour mettre en lumière la partialité du redécoupage. Si j'ai insisté longuement sur la méthode, c'est que j'attends une réponse circonstanciée de votre part, monsieur le secrétaire d'État.
Il est dangereux, mon cher collègue, de dire que vous n'avez rien compris. À trop le répéter, on pourrait vous croire !
Il existait pourtant des critères permettant d'éliminer le risque d'arbitraire et de partialité dans la délimitation des nouvelles circonscriptions.
Il n'est pas possible, par le simple jeu du rapprochement géographique de cantons ou de fractions de cantons, d'aboutir avec certitude à un découpage politiquement neutre.
Le respect de règles claires et égales de délimitation permet au moins de s'en approcher et je ferai ici des commentaires sur l'application précise des critères énoncés dans l'article d'habilitation de la loi du 13 janvier 2009, complétés dans la décision du Conseil constitutionnel, qui auraient pu prévenir vos dérives, monsieur le secrétaire d'État.
La priorité aurait dû aller à l'établissement d'une égalité démographique aussi précise que possible. La loi du 13 janvier 2009 impose qu'aucune circonscription ne s'écarte de plus de 20 % de la moyenne du département ou du territoire, mais le Conseil constitutionnel dans sa décision précise, comme une réserve d'interprétation impérative, qu'un écart aussi élevé à la moyenne ne devrait être approché que dans des cas exceptionnels et justifiés par un motif d'intérêt général.
En effet, faire pleinement usage de cet écart aboutit, si le nombre d'électeurs est proportionnel à la population, à donner à deux électeurs d'une circonscription le même poids qu'à trois électeurs dans la circonscription voisine.
Dans de nombreux cas, le projet préparé par le Gouvernement fait un usage excessif de cette marge de variation. Or il apparaît presque partout possible de proposer des découpages sans écart entre circonscriptions supérieur à 10, voire à 5 % de la moyenne visée, sauf dans quelques départements urbains où l'on peut trouver une concentration de cantons de 25 000 à 40 000 habitants non divisibles, ce qui rend difficile l'ajustement autour du chiffre moyen, compris le plus souvent entre 110 000 et 120 000.
Il aurait donc été nécessaire que, dans tous les départements et territoires touchés, l'écart de population soit, monsieur le secrétaire d'État, inférieur à 10 % de la moyenne départementale, seuls faisant exception les rares cas d'impossibilité géographique. Tel est le sens des propositions que nous formulerons par voie d'amendement.
Dans les départements où le remodelage est effectué, il y a lieu d'examiner attentivement le choix des circonscriptions modifiées ou transformées en rapport avec la nécessité démographique, qui constitue un indice de la volonté de détourner la réforme. Autrement dit, lorsque les circonscriptions existantes se trouvent proches de la moyenne de population qui constitue la nouvelle norme, le choix de les transformer ou de les supprimer répond à un autre objectif, qui ne peut être que la convenance politique. Nous vous donnerons des dizaines d'exemples de circonscriptions qui étaient à cheval sur la moyenne départementale et que vous avez pourtant supprimées, poursuivant à l'évidence d'autres objectifs que l'égalité démographique. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Ce débat permettra de vérifier si une nouvelle délimitation affectant des circonscriptions actuelles proches de la cible démographique est géographiquement inévitable. Dans le cas contraire, ce sera un indice déterminant de partialité.
Un critère complétant ces deux points clés est celui du nombre de cantons et de communes divisés. Seuls peuvent être partagés entre deux ou plusieurs circonscriptions les cantons dont la population dépasse 40 000 habitants.
Là encore, le Conseil constitutionnel, en contrôlant la disposition fixant ce seuil, a ajouté que les cas de partage de cantons devraient être exceptionnels et justifiés par un motif d'intérêt général.
En l'occurrence, ce motif ne peut être que la réalisation d'un équilibre démographique qui ne pourrait être atteint autrement. Lorsqu'un canton est divisé, le respect de l'impartialité oblige donc à vérifier si c'est le seul moyen de parvenir à l'égalité démographique.
Lorsque l'on constate qu'il est possible de procéder à une délimitation égalitaire des circonscriptions sans partager de canton, c'est cette formule qui doit être préférée. Tel sera le sens de plusieurs autres amendements que nous avons déposés.
De même, l'hypothèse du partage d'une commune, inscrite par précaution dans la loi, doit rester exceptionnelle.
La délimitation des circonscriptions ne peut enfin s'opérer par un regroupement artificiel de cantons ou de fractions de cantons. Il est toujours préférable de respecter les entités géographiques ou urbaines, et, en tout cas, de former des ensembles présentant une véritable cohérence géographique. L'analyse des cartes consécutives au découpage du Gouvernement fait apparaître des circonscriptions qui associent des cantons à peine contigus alors qu'une répartition par ensembles compacts respecte aussi bien, voire davantage, l'impératif d'égalité de population.
C'est le rôle de notre Assemblée et, demain, si nous ne le faisons pas, du Conseil constitutionnel, que d'écarter de tels projets, qui, connus des habitants et des élus locaux, apparaissent comme des opérations inspirées par une approche uniquement partisane.
Le Gouvernement a produit et transmis aux formations politiques un document d'orientation qui, affirmait-il, guiderait sa démarche dans l'approche des diverses situations locales. Pour ne prendre que deux exemples, il y indique que, lorsque le député aujourd'hui élu dans une circonscription détient un mandat local, sa commune ou son canton ne seront pas séparés de la majeure partie de la circonscription maintenue ou transformée ; or plusieurs cas montrent que cette recommandation n'a pas été observée. Le redécoupage de 1958 aurait également pu servir de base à plusieurs découpages lorsque l'on revenait au même nombre de circonscriptions ; pourtant, bien que vous en fassiez un critère dans votre guide, ce principe n'a pas été respecté dans de nombreux départements.
Enfin, l'appréciation des effets politiques de la nouvelle délimitation est le sujet central du débat sur ce projet. Il est selon nous nécessaire de prendre en considération les données électorales propres à chaque département ou territoire et d'apprécier la répartition des voix obtenues par chacune des deux grandes tendances d'opinion.
Ainsi, lorsque le total départemental des voix de gauche et de droite présente un équilibre donné, la répartition des voix dans chaque circonscription rapportée à la moyenne départementale fournit un critère très sûr d'appréciation de l'inspiration des choix opérés. Par exemple, lorsque, dans un département présentant un équilibre cinquante-cinquante entre les deux grandes tendances – gauche et droite –, trois circonscriptions donnent des majorités de gauche voisines de 60 % et les sept autres des majorités de droite de 52 à 57 %, démonstration est faite de l'absence d'impartialité.
Ainsi, dans de nombreuses circonscriptions, vous avez artificiellement « gonflé » les voix de gauche pour préserver d'autres circonscriptions pour la droite. Lorsque nous identifierons de telles situations, nous remettrons donc en cause vos propositions et en formulerons de nouvelles, plus respectueuses.
Je pense avoir clairement montré que votre ordonnance, monsieur le secrétaire d'État, ne respecte pas, dans de nombreux cas, les règles édictées par le Conseil constitutionnel. Elle méconnaît aussi à plusieurs reprises les avis de la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et du Conseil d'État. Votre objectif était d'obtenir un petit avantage pour la majorité ; mais, par effet d'entraînement, vous aboutissez à un découpage inacceptable et malheureusement partisan.
Le droit de suffrage des Français est la chose la plus importante de notre démocratie. De grandes voix se sont élevées dans notre Assemblée pour le défendre. Je lisais il y a peu le discours de Victor Hugo à l'Assemblée nationale le 21 mai 1850 : il y montrait que le suffrage universel ne souffre par définition aucune restriction, alors que le comité parlementaire et la majorité conservatrice de l'époque préparaient une loi qui le limitait.
Monsieur le secrétaire d'État, votre découpage partisan ne satisfait pas les principes édictés par le Conseil constitutionnel et ne permet pas l'équilibre démocratique dans cette Assemblée autour de 50 %, donc ne respecte pas le droit de suffrage de nos concitoyens. Il apparaît bien comme une restriction de ce dernier. Voilà pourquoi je demande à l'Assemblée de voter la motion de rejet préalable. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.
Un député UMP. C'est vous qui n'en aurez bientôt plus !
Monsieur Le Roux, j'ai écouté très attentivement votre exposé,…
…mais aucune des raisons que vous avez invoquées ne peut conduire à rejeter ce projet de loi. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
Vous ne faites pas un beau boulot, certes, mais mettez-y un peu de conviction !
Je rappelle que c'est déjà avec un grand retard que nous actualisons le découpage de 1986 et que la loi du 24 novembre 1986, qui a validé ce dernier, prévoyait une révision des limites des circonscriptions en fonction de l'évolution démographique après le deuxième recensement général de la population suivant la dernière délimitation.
Deux recensements généraux – et non un seul – ont eu lieu depuis, en 1990 et en 1999. Notre carte électorale viole donc la loi que vous, parlementaires, avez édictée : nous sommes dans l'illégalité depuis près de neuf ans.
Ai-je besoin de souligner que c'est la délimitation actuelle des circonscriptions qui pose un véritable problème constitutionnel, compte tenu des écarts de population apparus depuis 1986 entre les circonscriptions ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ai-je encore besoin de mentionner que c'est le Conseil constitutionnel qui a rappelé à tous les gouvernements successifs depuis 1999 l'obligation de corriger ces écarts démographiques et qui l'a redit le 15 mai 2003, le 7 juillet 2005, le 3 mai 2007 et le 29 mai 2008 ?
Le projet de loi de ratification de l'ordonnance…
… vise donc à répondre à ces critiques et à ces véritables sommations…
…puisque le Conseil constitutionnel avait alors déclaré que le travail devait être effectué aussitôt après les élections législatives de 2007.
Plus de deux ans se sont écoulés depuis ce scrutin et vous êtes bientôt à mi-mandat, mesdames et messieurs les députés…
Comment pourriez-vous donc attendre plus longtemps avant de renouer avec la légalité au sein de l'une des chambres de notre institution parlementaire ?
Ne pas le faire exposerait à des risques d'annulations toutes les élections partielles qui peuvent se produire à tout moment dans notre démocratie… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
… sans compter ce qui se passerait s'il fallait procéder à un renouvellement général de l'Assemblée nationale.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mesdames et messieurs les députés, je vous demande au nom du Gouvernement de repousser la motion de rejet préalable qui vous est soumise.
J'ajoute que M. Le Roux, comme tous les responsables du PS dans la presse, cite le chiffre de 51,4 % de voix au niveau national requises pour que la gauche puisse espérer obtenir une majorité de sièges à l'Assemblée nationale.
Plusieurs députés du groupe SRC. Oui ! Et alors ?
Vous aviez dit exactement la même chose en 1986.
J'ai retrouvé le numéro du journal Le Monde de l'époque, qui faisait état d'une étude commandée par MM. Jean-Marie Colombani et Jérôme Jaffré. Vous conviendrez que ce ne sont pas là des références négligeables !
Or cette étude commandée par Le Monde à la SOFRES (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) concluait que le découpage électoral d'alors, auquel vous accordiez le même traitement, était nationalement équitable. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous auriez pu le rappeler ! C'est si vrai que vous ne l'avez pas modifié pendant les vingt années que vous avez passées au pouvoir ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) S'il avait été si inefficace, vous l'auriez modifié ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Quant aux critiques méthodologiques, monsieur Le Roux, en 2007, 110 députés ont été élus dès le premier tour. Dès lors, pour plusieurs circonscriptions, les calculs doivent être bien entendu effectués en comparant des blocs de premiers tours et des deuxièmes tours, ce qui fausse les résultats.
L'application uniforme d'un même coefficient multiplicateur à toutes les circonscriptions est extrêmement discutable d'un point de vue méthodologique.
S'il peut en effet donner une indication, il est illusoire de penser qu'une modification du rapport de forces national s'applique uniformément dans toutes les circonscriptions, ce mode d'élection étant avant tout une somme d'élections locales, avec les bonus ou malus que chaque député peut légitimement recevoir dans sa propre circonscription. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Du reste, le PS n'a jamais communiqué ses calculs détaillés ni prouvé ses déclarations.
Votre démonstration était extrêmement confuse sur ce point, monsieur Le Roux ; j'en suis désolé, car j'ai beaucoup de respect pour vous.
Du reste, le géographe Frédéric Salmon, auquel sa connaissance du sujet et son indépendance ont valu une certaine notoriété dans la presse (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), vient de communiquer des résultats détaillés et librement consultables sur Internet : il parvient à des conclusions pour le moins éloignées de celles du PS. À ses yeux, « le redécoupage n'induit pas un déséquilibre en faveur de la droite, mais rétablit une inégalité en faveur de la gauche résultant de l'évolution du découpage de 1986 ». (Rires sur les bancs du groupe SRC.) « Le redécoupage rétablit une équité électorale globale sans avantager à l'évidence la droite. Le PS ne peut produire le détail de ses chiffres… »
« … sur lesquels j'ai les plus grands doutes. » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) « Il clamera qu'il perd comme d'habitude davantage de sièges que la droite dans cette opération, mais il se gardera, je pense, de donner la projection en sièges des résultats de 2007, avec une égalité de voix entre droite et gauche et une avance de presque trente sièges qui en découlait à cette date, quelque torsion que l'on fasse subir aux chiffres. »
Sur la base du second tour de l'élection présidentielle de 2007, l'évolution induite par le redécoupage est la suivante : pour les 337 circonscriptions touchées…
…, pour la gauche, 130 avant, 122 après ; pour la droite, 207 avant, 204 aujourd'hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j'ai écouté avec beaucoup d'attention l'exposé de notre collègue Bruno Le Roux.
Et je dois dire qu'au fil du temps, l'accumulation de ses arguments et la longueur de ses explications m'ont fait douter de la justesse de son raisonnement. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Si vous ne souhaitez pas que je réponde, chers collègues, c'est sans doute que cela vous gêne.
Je n'aurai pas la cruauté, monsieur Le Roux, de reprendre un à un tous vos arguments : certains, vous l'admettrez, n'ont rien à voir avec le débat d'aujourd'hui,…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Lesquels ?
…je pense notamment à la digression à laquelle vous vous êtes livré concernant le changement éventuel de mode de scrutin pour l'élection des conseillers territoriaux. Elle n'a pas lieu d'être dès lors que le Gouvernement et sa majorité ont affirmé leur volonté de maintenir pour l'élection des députés le scrutin majoritaire uninominal à deux tours.
Je m'en tiendrai à vos deux seuls véritables arguments – et, là, je suis certain de ne pas déformer votre pensée – qui concernent, l'un, la méthode de répartition des sièges, l'autre, la méthode utilisée pour la délimitation des circonscriptions.
S'agissant de la méthode de répartition des sièges, vous avez critiqué la méthode utilisée, celle d'Adams, dite de la tranche commencée, avançant que celle-ci donne aux petits départements une représentation plus favorable qu'aux grands. Cela mériterait d'être nuancé.
Après tout, c'est la tranche marginale qui est incomplète et le phénomène de la répartition des restes peut se produire dans n'importe quel département, y compris un grand.
Admettons que cela avantage les petits départements – vous avez forcément utilisé des arguments simplificateurs et je veux y répondre. Mais votent-ils plus d'un côté que de l'autre ? Je n'en sais rien. Je pourrais vous citer beaucoup de départements, l'Ariège par exemple, qui ne sont pas très grands et dont le comportement électoral est bien connu.
Surtout, cette méthode de la tranche a pour elle d'être une constante dans notre République. Elle a été utilisée pour la première fois en 1885 et réaffirmée solennellement cent ans plus tard, en 1985, par Pierre Joxe.
Cette méthode, comme toute méthode, a ses inconvénients et ses avantages au premier rang desquels, la simplicité et l'ancienneté.
J'en viens maintenant aux critiques que vous avez adressées à la méthode de délimitation des circonscriptions à l'intérieur des départements.
Selon vous, le découpage auquel nous sommes parvenus serait orienté…. (« Ah oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC), structurellement déséquilibré et avantageux pour la droite. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC),
Pour étayer cette affirmation, vous vous avez suivi, monsieur Le Roux, un très long et laborieux raisonnement, qui pèche à de multiples titres. Vous avez en effet tenté de reconstituer ce qu'auraient été les résultats en 2007 dans les nouvelles circonscriptions en procédant par placage.
Ce faisant, vous avez été obligé de reconnaître qu'il y avait un problème avec les 126 circonscriptions pourvues dès le premier tour et que cela fonctionne seulement pour le deuxième tour où il suffit de réaffecter les résultats des anciennes circonscriptions dans les nouvelles.
À ce moment-là, vous avez parlé vous-même d'« extrapolation » – extrapolation et non projection – des résultats du premier tour sur le second tour.
Si vous ne me laissez pas parler, mon cher collègue, c'est que vous êtes gêné.
Comme par hasard, vous avez estimé que dans ces circonscriptions pourvues au premier tour, la gauche aurait systématiquement gagné 8 % s'il y avait eu un second tour. Pourquoi ? On n'en sait trop rien. Les candidats UMP n'auraient-ils pas gagné eux aussi des voix ? Pour ma part, j'ai été élu au premier tour avec 53,25 % des voix (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC) et s'il y en avait eu un second, je pense que j'aurais obtenu 60 %, voire plus. Vous n'en tenez pas compte.
Vous ne tenez pas compte pas non plus – vous ne pouvez le faire – des glissements intervenus entre le premier et le deuxième tours.
Or, vous le savez bien, du premier au deuxième tour, il existe des modifications dans les tendances de l'électorat, nous l'avons constaté à plusieurs reprises.
Avec cette extrapolation, votre démonstration s'achève donc en queue de poisson.
C'est pourquoi je ne vois aucune raison de voter votre motion de procédure, d'autant que vous n'avez pas su non plus définir ce qui serait selon vous un découpage politiquement neutre. Qu'est-ce qu'un découpage politiquement neutre. pour le parti socialiste ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Dans un département où il y a cinq députés, est-ce donner trois circonscriptions à la droite et deux à la gauche ou trois à la gauche et deux à la droite ? Et selon quels critères, au vu de quels résultats ? Cela consiste-t-il à essayer de reproduire dans chaque département l'image que vous vous faites de la situation politique du pays ?
Honnêtement, je ne vois pas ce que signifie pour vous un découpage politiquement neutre.
Le Gouvernement a utilisé, comme la loi d'habilitation le lui demandait,…
…des critères purement démographiques et uniquement démographiques. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Il n'y avait pas d'autres méthodes et le résultat est conforme à la loi d'habilitation et à la Constitution. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, je demande, au nom du groupe UMP, une suspension de séance. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Motion de rejet préalable
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures dix.)
Je fais ce rappel au règlement, monsieur le président, car il nous a semblé que vous avez suspendu la séance sans indiquer la durée de l'interruption. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Il ne la connaissait pas !
Cela ne me paraît pas conforme à notre règlement. Je souhaiterais que, après la séance de charcutage du texte à laquelle nous venons d'assister, on évite de charcuter le règlement de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Si j'ai bien compris, le problème concernait nos collègues de l'UMP, que le secrétaire d'État Marleix essaye de conforter en vue des confrontations électorales pour les décennies à venir…
…pour éviter toute alternance, mettant ainsi fin au jeu démocratique, ce qui est inacceptable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Aussi, afin qu'il n'y ait aucune contestation sur le vote qui va suivre, je vous demanderai, monsieur le président, de bien vouloir procéder à un vote par assis et levé, ce qui vous facilitera la tâche de compter les pour et les contre. Ce serait la moindre des choses pour respecter la démocratie dans cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe GDR.)
Les propos de M. Néri, particulièrement scandaleux et offensants (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), constituent une mise en cause inacceptable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
L'ordonnance que ce projet de loi ratifie est conforme au mandat que nous avons donné au Gouvernement et elle respecte les injonctions du Conseil constitutionnel : en aucun cas nous ne pouvons accepter que vous parliez de « charcutage ». (« C'est bien du charcutage ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Néri, ce découpage est opportun, juste et transparent. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il est opportun, car il répond à des demandes répétées et insistantes du Conseil constitutionnel. (Mêmes mouvements.) Je vous rappelle, à la suite du secrétaire d'État et du rapporteur, que le recensement sur lequel s'appuyait le dernier découpage datait de 1982 ! (Mêmes mouvements.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ce n'est pas un rappel au règlement ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Comment pouvez-vous estimer aujourd'hui qu'il s'agit d'un charcutage ? Je tiens à dénoncer ces propos scandaleux. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le secrétaire d'État, pendant une heure, nous avons essayé d'avoir un échange. Les députés de la majorité, pour une grande partie d'entre eux, sont arrivés bien tardivement dans l'hémicycle (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC) et se sont plaints des propos de M. Néri, alors que nous avions déjà tenté de débattre avec le Gouvernement.
Chers collègues de la majorité, je comprends que ce projet de loi de ratification ne vous pose que peu de problèmes, puisqu'il vise à assurer à l'UMP une majorité des plus confortable, en tout cas beaucoup plus confortable que celle qu'elle détient aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Seulement, si le fait majoritaire peut fonctionner dans cette assemblée, encore faut-il que vous soyez majoritaire dans l'hémicycle !
Or vous avez été dans l'obligation de demander une suspension de séance pour rameuter vos députés. Monsieur Ciotti, si vous aviez écouté nos arguments, vous auriez pu tenter de les combattre, mais vous n'avez répondu à rien.
Je vous accorde que, dans ce débat, vous avez tout à gagner. Tant que vous serez les plus nombreux, le caractère partisan de ce découpage ne pourra pas être vraiment débattu et il ne pourra pas être contesté. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Reste, mes chers collègues que, si vous voulez que le fait majoritaire s'applique, vous devriez essayer d'être au moins présents dans l'hémicycle lorsqu'il y a des votes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous en venons aux explications de vote sur la.
La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe Nouveau Centre.
Nous en venons aux explications de vote sur la motion de rejet préalable.
La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après l'exposé parfois trop long de notre collègue, et son prétendu débat avec le Gouvernement, je souligne que des gouvernements soutenus hier par l'opposition auraient pu nous faire des propositions de redécoupage. Ils ne l'ont pas fait !
Nous pouvons tous constater que le secrétaire d'État a pris du temps pour la concertation, pour entendre et écouter, et pour recevoir tous les parlementaires qui l'ont souhaité.
Dans tous nos groupes, certains parlementaires se retrouvent en difficulté : la discussion générale permettra d'aborder ces points. Le Nouveau Centre souhaite donc que nous passions rapidement à la phase suivante du débat : il votera donc contre la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les députés communistes, Verts et du parti de gauche vont voter cette motion de rejet préalable par réflexe de gauche et par solidarité avec le groupe socialiste, tout en ayant avec lui des divergences importantes sur le fond. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Le Gouvernement a refusé toute autre méthode que la méthode par tranche, sous prétexte qu'une dizaine de départements n'éliraient alors qu'un seul député. En quoi cela pose-t-il un problème, monsieur le secrétaire d'État, si cette méthode assure une meilleure représentation des Français à l'Assemblée nationale ? Craigniez-vous que le Cantal perde un député ?
Monsieur Marleix, vous avez admis que onze circonscriptions des Français de l'étranger avaient été découpées en respectant des critères plus géographiques que démographiques. Or cela est contraire aux décisions du Conseil constitutionnel et au principe de l'égalité des Français devant le suffrage universel, gravé dans le marbre de notre Constitution.
Il est étonnant de constater que vous faites souvent référence aux découpages de 1958 et de 1986 en laissant croire que le mode de scrutin choisi serait la panacée pour la démocratie. Je vous rappelle que, en 1958, le parti communiste français était le premier parti de France avec 19 % des voix au premier tour (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), alors que l'UNR rassemblait 17 % des voix. À l'issue du second tour, en raison de ce mode de scrutin inique, dix députés communistes seulement étaient élus dans une chambre bleu horizon.
En 1986, avec 11 % des voix, le parti communiste français ne comptait que vingt-sept députés. Avec un sixième des suffrages, il aurait pourtant logiquement pu prétendre à un sixième des élus à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire soixante députés.
En 2002, pour élire un député UMP, il fallait moins de 30 000 voix, mais il en fallait 58 000 pour élire un député communiste et 360 000 pour élire un député Vert. J'en parlais tout à l'heure avec Martine Billard, dont vous supprimez la circonscription, avec une circonstance aggravante, puisque Martine Billard est une femme. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Finalement, dans ce débat, on a l'impression que deux formations politiques s'opposent sur le mode de scrutin sans aborder la question de la véritable représentation de l'opinion publique.
Le parti socialiste et l'UMP détiennent 90 % des sièges de l'Assemblée nationale : ce n'est pas leur faire injure que de considérer que cela ne représente pas leur influence dans notre pays.
Nous voterons la motion de rejet préalable, mais nous sommes favorables à un scrutin proportionnel.
Monsieur Marleix, à titre personnel, je ne suis pas un thuriféraire de la proportionnelle intégrale. Dix-sept pays de l'Union européenne ont d'ailleurs des modes de scrutin mixtes, à la fois majoritaires et proportionnels. La France et la Grande-Bretagne sont les seuls à conserver un scrutin uniquement majoritaire et, conséquence de ce mode de scrutin inique et injuste favorisant un bipartisme qui asphyxie la démocratie en France, des pans entiers de l'opinion publique ne sont pas représentés à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, chacun, dans cette assemblée, reconnaît qu'il est nécessaire de procéder à un redécoupage électoral.
Le découpage en vigueur depuis la loi du 24 novembre 1986 est, en effet, issu du recensement de 1982. Il fallait donc effectuer un redécoupage, mais il fallait qu'il soit transparent et juste. Ces deux conditions étaient essentielles pour notre démocratie et pour la crédibilité de l'institution parlementaire.
En matière de transparence, il aurait fallu respecter des conditions de formes et de fond. Pour la forme, il n'aurait pas fallu confier le découpage à celui qui fut l'expert électoral du RPR avant de devenir le secrétaire national de l'UMP chargé des élections – le signe donné n'était guère positif. Au-delà de la compétence reconnue de M. Marleix, cela induisait évidemment des soupçons de partialité qui ne pouvaient que nuire à l'indispensable consensus qu'aurait dû permettre ce travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Par ailleurs, nous avons toujours été sceptiques quant à la notion d'indépendance pour ce qui concerne la commission indépendante prévue par la Constitution. Le rapporteur cohérent avec lui-même, ne l'appelle d'ailleurs jamais ainsi ; il la désigne plutôt comme la commission de l'article 25. En effet, par rapport à quoi cette commission est-elle indépendante ? Nous aurions préféré une commission dont le caractère pluraliste soit reconnu.
En effet, contrairement à l'assurance donnée par la garde de sceaux lors de la révision constitutionnelle, cette commission indépendante n'était composée ni de spécialistes du droit électoral, ni de statisticiens, ni de démographes et, pour couronner le tout, elle était présidée par celui qui fut le dernier secrétaire général de l'UDR. Au passage, on peut se demander pourquoi cette commission n'a pas été saisie par le Gouvernement une fois son projet modifié selon les recommandations du Conseil d'État. En fait, cette commission s'est révélée être plutôt un alibi qu'une garantie d'impartialité.
Il aurait aussi fallu remplir des conditions de fond et conduire une démarche qui veille à maintenir une cohérence géographique par rapport aux limites administratives déjà existantes – il aurait aussi pu s'agir de la rétablir quand cela était nécessaire. Or, monsieur le secrétaire d'État, vous avez fait l'inverse : vous n'avez pas hésité à couper des cantons en deux et à écarteler des communes entre plusieurs circonscriptions ; vous avez écarté des logiques intercommunales ou des cohérences liées à des collectivités dont le rôle s'accroît aujourd'hui. Bref, pour de mauvaises raisons, vous n'avez pas hésité à construire des aberrations, niant les réalités géographiques des départements, allant même jusqu'à trouver dans des lignes de chemins de fer des points de passage obligés.
Ce que vous avez fait est parfois indigne de notre République. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Dans bien des cas, vous avez ignoré les règles posées par le Conseil constitutionnel. (Mêmes mouvements.) Vous avez piétiné les critères démographiques et massacré des évidences géographiques. (Mêmes mouvements.)
Bruno Le Roux en a fait la démonstration implacable, et le rapporteur et le secrétaire d'État ne lui ont opposé aucun argument valable. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Son travail était solide, rigoureux, précis, argumenté.
Monsieur le secrétaire d'État, pour vous permettre d'éviter de rester dans l'histoire comme l'exécuteur zélé des intérêts électoraux de l'UMP et comme le maître d'oeuvre d'un charcutage avéré et partisan, nous allons voter la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les arguments utilisés par l'opposition sont proprement fallacieux et scandaleux. Jamais un redécoupage n'aura été entouré d'autant de garanties (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) – garanties constitutionnelles, avis du Conseil d'État, avis d'une commission indépendante, ne vous en déplaise. (Mêmes mouvements.)
M. le secrétaire d'État a fait dans sa démonstration la preuve que ce redécoupage avait été entouré de toutes les garanties. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il n'est donc pas nécessaire d'allonger ce débat. Nous voterons, évidemment, contre cette motion ; de même que, demain, nous voterons contre la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, pour accéder à la demande de M. Néri, je vais mettre aux voix la motion de rejet préalable en demandant à chacun de se lever pour exprimer son vote.
(La motion de rejet préalable, mise aux voix par assis et levé, n'est pas adoptée.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi pénitentiaire ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif au transfert aux départements des parcs de l'équipement et à l'évolution de la situation des ouvriers des parcs et ateliers ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif à l'orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma