La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Mes chers collègues, le nombre des victimes du séisme qui a frappé le centre de l'Italie augmente d'heure en heure.
Hier, l'Assemblée a marqué son émotion. Je vous invite aujourd'hui à renouveler nos condoléances au peuple italien en observant quelques instants de silence. (Mmes et MM. les parlementaires et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.)
Monsieur le Premier ministre, les excès des rémunérations de certains dirigeants de grandes entreprises publiques ou privées ayant bénéficié d'aides publiques de l'État ont légitimement choqué nos concitoyens, en cette période de difficultés économiques liées à la crise mondiale.
Le groupe Nouveau Centre a plaidé pour l'encadrement de toutes ces formes de rémunération, qu'il s'agisse des parachutes dorés, des retraites chapeaux, des distributions d'actions gratuites, des stock-options, etc. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.), et a proposé au Gouvernement une base législative à cette fin.
Jeudi dernier, lors de la réunion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative, notre collègue centriste Jean Arthuis, président de la commission des finances du Sénat,…
…a en effet fait adopter, à l'unanimité des groupes, un amendement visant à donner, par la loi, au Gouvernement les moyens de publier rapidement un nouveau décret permettant d'encadrer réellement ces différentes formes de rémunérations excessives.
Monsieur le Premier ministre, ma question est toute simple.
Lors du vote final de la loi de finances rectificative, le jeudi 9 avril, le Gouvernement se déclarera-t-il favorable à cette proposition ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Monsieur le député, bien évidemment, avec la crise – mais ce serait également vrai sans cela –, le Gouvernement est très attentif aux méthodes de rémunération des dirigeants de grandes entreprises.
Il attend de ceux-ci des comportements exemplaires. À cet égard, l'actualité récente a montré que nous avions besoin de fixer des règles du jeu claires, souci partagé, je crois, sur tous les bancs de cette assemblée.
Le Gouvernement a réagi avec beaucoup de rapidité, de précision et de détermination, notamment en ce qui concerne les entreprises qui sont aidées d'une façon exceptionnelle par l'État en cette période de crise.
Il a décidé trois mesures qui sont des mesures d'interdiction, vous le savez : l'interdiction d'attribuer des stock-options ou des actions gratuites aux dirigeants ; l'interdiction de verser des rémunérations variables quand elles ne sont pas la contrepartie de bons résultats de l'entreprise, notamment lorsqu'elles sont indexées sur le cours de la bourse qui n'a rien à voir avec la performance de l'entreprise en elle-même ; l'interdiction enfin de verser des rémunérations variables si ces dirigeants procèdent à des vagues de licenciements dans les entreprises – ce point est évidemment très important.
Par ailleurs, les entreprises publiques devront soumettre à leur conseil d'administration l'adoption de règles éthiques tout à fait claires, nous allons y veiller.
Allant au-delà de ce décret, le Sénat a souhaité adopter il y a quelques jours l'amendement à la loi de finances rectificative que vous venez d'évoquer. Cet amendement va tout à fait dans le sens de l'action du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et quelques bancs du groupe UMP.) Il montre que Gouvernement et Parlement partagent les mêmes objectifs en la matière, ce dont je me félicite. Je me réjouis d'ailleurs que vos collègues socialistes et communistes au Sénat aient également voté cet amendement : c'est la meilleure manière de montrer le soutien qu'ils apportent à la politique du Gouvernement dans ce domaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le ministre des affaires étrangères et européennes, dans moins de quinze jours se tiendra à Genève la conférence dite de Durban II sur la lutte contre le racisme, la xénophobie et l'intolérance. Pour notre part, si nous partageons tous les objectifs affichés, nous sommes très réservés sur son organisation et scandalisés par les conclusions préparées par le Comité des droits de l'homme.
Si la Commission des droits de l'homme de l'ONU a été rebaptisée depuis 2006 « Comité des droits de l'homme », et si l'ancien Secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan, et l'ensemble des États membres ont ainsi souhaité juguler certaines dérives et éviter que les États les plus autoritaires ne fassent de l'entrisme pour se soustraire à la réprobation internationale, cette réforme a-t-elle atteint les objectifs assignés ? Je vous laisse juge : le comité préparatoire de la conférence est présidé par la Libye, avec, pour vice-présidents, les représentants de l'Iran, du Pakistan, de Cuba, de la Russie, de l'Indonésie et de la Turquie. Autant d'États où la liberté de pensée et d'expression, où les droits de l'homme peuvent s'épanouir sans aucune contrainte, n'est-ce pas ?
Le comité demande, à l'initiative de l'Azerbaïdjan soutenu par les pays membres de l'Organisation de la conférence islamique, que tous les États assimilent la critique des religions à du racisme et adoptent des législations pénales qui la répriment. Si les dernières négociations tendent à accréditer un recul des États islamiques, on verra, quand le temps aura dissipé la fumée des manoeuvres sémantiques, réapparaître la réalité, c'est-à-dire la volonté d'interdire de critiquer les religions et les lois de tel ou tel dieu.
La réintroduction du délit de blasphème, cette atteinte directe à la liberté d'expression et à notre laïcité ne suffit encore pas aux yeux de ces pays : ils souhaitent également faire émerger l'idée de « spécificités culturelles » et de « communautés » pour s'exonérer de la Déclaration universelle des droits de l'homme dont on fête le soixantième anniversaire.
Nous ne pouvons plus tolérer que notre pays cautionne par sa présence de telles dérives. Aussi, monsieur le ministre, nous vous demandons solennellement que la France, comme l'ont fait le Canada, les États-Unis et l'Italie, se retire de la conférence de Durban. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le député, je partage votre inquiétude, qui me semble néanmoins prématurée, puisque c'est le 9, c'est-à-dire après-demain, que le texte nous sera remis.
Mais reprenons les éléments que vous avez évoqués.
Il est évident que nous ne pouvons pas accepter le délit de blasphème, pas plus que nous ne pouvons accepter qu'un pays ou une religion soit stigmatisé. Sur ce sujet, l'opinion nationale, mais aussi l'opinion européenne sont très fermes.
Faut-il pour autant nous retirer de cette conférence ? Le texte qui nous a été présenté il y a quelques jours a été considérablement modifié dans le bon sens. Ce travail s'est déroulé sous la plume d'un négociateur russe, aidé par les représentants d'un groupe de pays. Pour le moment, la notion de blasphème ne figure pas dans le texte. Celui-ci semble au contraire très acceptable. Il est à nouveau devant le Comité des droits de l'homme, à Genève, et il nous sera transmis, dans sa version définitive, dans deux jours.
Après cette date, à la suite des experts, un certain nombre de pays rendront leurs conclusions. Si nous n'avons pas satisfaction, nous nous retirerons de cette commission, et peut-être poserons-nous la question de notre participation à la conférence, qui doit se tenir à Genève du 20 au 24 avril.
Il est vrai que nous devons nous expliquer. Vous m'avez demandé si le Comité est utile. Je crois que oui. Est-il efficace ? Pas toujours, loin de là. Vous avez d'ailleurs cité certains pays, qui ont encore la possibilité de déposer des amendements – par exemple l'Iran ou la Syrie. C'est pourquoi, je vous en prie, monsieur le député, attendons encore deux jours.
Monsieur le Premier ministre, le 2 avril s'est tenue à Londres la conférence du G20, qui regroupe les vingt puissances les plus influentes, sinon les plus fortes de la planète.
Par l'intermédiaire du Président de la République, la France a joué un rôle très actif dans la tenue de ce sommet et dans l'obtention de ses résultats. Ce G20 marque à l'évidence le retour des États et du politique, dans un domaine qui avait été abandonné à l'idéologie du « laisser-fairisme ».
Ce sommet a adopté certains principes en vue de remettre de l'ordre dans la finance internationale : ils concernent le contrôle des fonds spéculatifs, la lutte contre les paradis fiscaux, l'encadrement des rémunérations et des pratiques des opérateurs du marché, sans parler des fonctions additionnelles du FMI pour la relance économique, d'un fonds de financement du commerce international, du retour des États émergents et du renforcement de leur rôle dans les institutions financières internationales. Autant de principes qui vont dans le bon sens. Mais, comme toujours, il faut aller au-delà des principes et des déclarations, il faut les mettre en oeuvre. Comme dans l'amour, tout est dans l'exécution !
Ma question est simple : quelles initiatives le gouvernement français prendra-t-il pour mettre vraiment en oeuvre ces bons principes ?
Monsieur le député, beaucoup avaient prévu l'échec de cette rencontre, ce qui ne relevait pas nécessairement d'une erreur de jugement, compte tenu des divergences qui opposaient ses participants. Mais son échec éventuel aurait été une très mauvaise nouvelle pour le monde, car il aurait ajouté de la crise à la crise.
Les chefs d'État l'ont compris et ils ont fait les efforts nécessaires pour parvenir à un accord. Je veux souligner le rôle essentiel joué par la France et par l'Allemagne. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Leur entente a été déterminante pour parvenir au succès que l'on sait.
Vous l'avez rappelé, la principale décision concerne l'extension de la régulation à des secteurs qui n'y étaient pas soumis : les fonds d'investissement et les paradis fiscaux. Par ailleurs, des décisions courageuses ont été prises sur les rémunérations, du moins sur le principe, ainsi que sur les normes comptables, même s'il aurait sans doute été possible d'aller plus loin. Enfin, la décision d'une solidarité avec les pays émergents l'a emporté. J'avais évoqué devant votre Assemblée la possibilité de doubler le montant des fonds d'intervention du FMI ; c'est finalement un triplement qui a été arrêté.
À présent, chaque gouvernement va mettre en oeuvre ces mesures dans sa législation nationale, en donnant des instructions aux régulateurs nationaux pour qu'ils les appliquent. Mais tout n'a pas pu être décidé dans le cadre de ce sommet, et d'autres réunions auront lieu.
Le succès du G20 est une bonne nouvelle pour le monde. Les plans de relance sont désormais mieux coordonnés. Des deux côtés de l'Atlantique, chacun reconnaît que la relance est au coeur des politiques, compte tenu des caractéristiques différentes, sur le plan économique et social, des systèmes européens et américain. C'est une bonne nouvelle, car nous nous sommes attaqués aux causes profondes de la crise.
Une autre bonne nouvelle tient au fait que la solidarité avec les pays les plus pauvres est au rendez-vous. Je suis fier que la France ait été à l'origine de ce succès. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Yves Durand, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, après avoir annoncé qu'il claquerait la porte s'il n'obtenait pas satisfaction, le Président de la République s'est félicité des résultats du G 20, (« Et alors ! » sur les bancs du groupe UMP.) en tentant d'ailleurs de s'en attribuer, à lui seul, le mérite.
D'ores et déjà, il importe que votre gouvernement mette effectivement en oeuvre les recommandations intervenues lors de ce sommet.
Ainsi, comment comptez-vous respecter la recommandation n° 10 du G 20 : « Nous nous engageons à aller aussi loin qu'il faudra dans l'effort budgétaire pour relancer la croissance », alors que vos choix fiscaux et en particulier le bouclier fiscal (Ah ! sur les bancs du groupe UMP. – Quelques applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) vous enlèvent toute marge de manoeuvre pour mener un véritable plan de relance ? De ce fait, vous n'y consacrez que moins de 1 % du PIB, alors que les autres pays européens, notamment l'Allemagne, y consacrent plus de 2 %.
Je cite encore la recommandation n° 26 : « Nous nous engageons à soutenir ceux qui vont souffrir de la crise en créant des emplois et à travers des mesures de soutien aux revenus ». Comment comptez-vous l'appliquer, comme vous l'ont demandé des millions de Français en descendant dans la rue et comme nous vous le proposons dans notre plan de relance, vous qui refusez toute politique de hausse des salaires, vous qui supprimez des milliers d'emplois dans la fonction publique, vous qui tuez l'emploi en défiscalisant les heures supplémentaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous vous demandons simplement de respecter à Paris les engagements pris par le Président de la République à Londres.
Dés le 30 avril prochain, vous aurez l'occasion de montrer votre volonté de mettre en oeuvre les avancées du G 20 en demandant à votre majorité de voter la proposition de loi socialiste sur l'encadrement des rémunérations des dirigeants. Ce serait, monsieur le Premier Ministre, le moyen de montrer aux Français que les menaces de chaise vide du Président de la République n'étaient pas que des rodomontades ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le Président, mesdames et messieurs les députés, monsieur Yves Durand, veuillez excuser Christine Lagarde, qui est en déplacement avec le Président de la République mais qui vous aurait sinon répondu.
Comme l'a dit le Premier ministre, que n'aurait-on entendu sur vos bancs si le G 20 avait été un échec ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Or voilà que le G20 a été une réussite, portée dès le début par la détermination du Président de la République française, comme vous-même avez été obligés de le souligner, car c'est bien grâce à cette détermination que ce sommet a abouti, et que toutes les demandes de la France ont été honorées. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.)
Je n'en prends qu'un exemple, celui des paradis fiscaux, point qui, si je ne m'abuse, tenait à coeur à certains députés socialistes depuis des années. Ils furent ainsi le sujet d'un rapport de M. Peillon et de M. Montebourg, qui n'avait d'ailleurs donné lieu à aucune avancée sous le gouvernement Jospin. C'est grâce à la détermination du président et aux négociations menées dans le cadre du G 20 que, pour la première fois, il y aura une régulation des paradis fiscaux. Nous disposions d'une liste indigente de seulement trois paradis fiscaux. Nous disposerons désormais d'une liste réaliste arrêtée avec l'OCDE et de vraies sanctions, que nous sommes déterminés à appliquer.
Mais il y a quelque chose je ne comprends pas. Je ne pense quand même pas que le parti socialiste perdrait son identité en reconnaissant de temps en temps – de temps en temps seulement, à l'occasion d'un rendez-vous historique comme celui-là par exemple –, que de bonnes choses se font, que le Président de la République prend des initiatives qui font avancer dans le bon sens. Cela ne devrait quand même pas vous écorcher la langue ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Je me contente d'une citation, que je tire d'une interview donnée au Figaro : « Le succès incontestable de ce G20, la détermination des chefs d'État, les décisions qui ont été prises constituent des éléments de retour à la confiance décisifs pour que l'économie reparte ». Elle n'est pas d'un député socialiste, elle n'est pas d'un membre du Gouvernement, elle est de Dominique Strauss-Kahn. Lui, au moins, a le courage de ses opinions. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean-Philippe Maurer, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre de l'intérieur, le week-end dernier, en marge du sommet de l'OTAN, les quartiers du Port-du-Rhin et du Neuhof ont été les victimes d'une bande de casseurs, les « Black blocks », qui étaient venus à Strasbourg pour tout détruire.
Deux mille individus cagoulés ont engagé les hostilités dès jeudi soir. Ils ont notamment ravagé le quartier du Port-du-Rhin, armés de barres de fer et de matraques, détruisant la seule pharmacie du quartier, un hôtel, des bâtiments publics et privés, dégradant une chapelle et une église.
Ils sont trop lâches pour agir à visage découvert. En Allemagne, en revanche, aucun individu cagoulé ne peut prendre part à une manifestation et ce fait est passible d'une sanction.
Les militants anti-OTAN ont donc entraîné dans leur sillage des casseurs qui oeuvrent pour la paix à coups de cocktails molotov et de jets de pierres.
Les dégâts provoqués par ces voyous sont nombreux…
…et j'ai une pensée pour les Strasbourgeois qui ont vécu ce traumatisme, et pour les commerçants de ces quartiers dont certains ont tout perdu.
Permettez-moi aussi, car j'étais sur le terrain durant toutes ces journées, de rendre hommage au courage des fonctionnaires de police et de gendarmerie, qui ont dû faire face à des situations bien difficiles.
A ce sujet, les attaques de M. Ries, maire de Strasbourg, concernant la sécurisation de la ville, sont regrettables, puisque quelques jours avant le sommet, il vous déclarait que le dispositif déployé à Strasbourg était parfaitement adapté. Pourquoi aujourd'hui se contredit-il ?
L'heure est aux réparations, et donc à un soutien financier qui aide les habitants et les commerçants de ces quartiers à retrouver l'espoir et à oublier les traumatismes causés par ces dégâts.
Madame la ministre, je souhaiterais savoir si ces bandes de casseurs extrêmement violentes ont été identifiées et arrêtées, et connaître le dispositif que compte mettre en place l'Etat pour aider à la réparation des dommages causés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur Maurer, je vous remercie d'abord d'avoir rendu hommage aux forces de police et de gendarmerie. Elles le méritent. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Il faudrait plutôt une commission d'enquête ! (Huées sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai, ce matin, présidé la réunion de debriefing sur ces événements et je peux vous affirmer que, pendant toutes ces journées, elles ont agi avec professionnalisme et avec sang-froid. Elles ont permis que le sommet se déroule sans que l'on ait à déplorer des blessés graves, voire des morts, comme ce fut le cas lors de précédents sommets, et ce ne fut pas facile. En effet, le jour de la manifestation, certains groupes très violents, casqués, masqués, armés, ont commis des dégradations extrêmement importantes. D'ores et déjà, un certain nombre de ces personnes ont été interpellées et déférées à la justice et six d'entre elles ont déjà été condamnées à des peines d'emprisonnement ferme.
Devant la menace réelle que représentaient ces groupes hyper-violents, les forces de police ont privilégié la protection des personnes. Mais je comprends l'émotion des Strasbourgeois qui ont subi les dégradations que vous avez évoquées. Nous allons bien sûr les aider. L'État prendra en charge l'indemnisation des dégradations et des pertes d'exploitation. Dès hier, le préfet a commencé à réunir les victimes, et je l'ai chargé d'organiser, dès cette semaine, une réunion avec les assureurs et les victimes afin de trouver les meilleures solutions. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le premier ministre, il y a sept ans, avec Vincent Peillon, aujourd'hui député européen, nous avons créé, au sein de l'Assemblée nationale, une mission d'information qui a dénoncé l'ensemble des pratiques des paradis fiscaux européens.
À cette époque, je puis attester que la majorité nous a reproché notre combativité sur ce terrain. En fait, vous avez pris la défense des paradis fiscaux ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Or ce travail d'enquête a débouché sur une loi que la majorité de gauche a votée – il s'agissait, en quelque sorte, du testament du gouvernement de Lionel Jospin. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) Elle est toujours en vigueur, et elle permet des sanctions et des embargos sur les transactions financières en provenance, et à destination, des paradis fiscaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Monsieur le Premier ministre, voilà sept ans que vous êtes au pouvoir, et vous avez purement et simplement enterré cette loi ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Mais pendant ces sept années de pouvoir, vous avez fait mieux.
Vous avez d'abord soutenu et fait approuver une directive européenne sur l'épargne, qui reconnaît, renforce et sanctuarise le secret bancaire en contrepartie du paiement d'un impôt forfaitaire par ceux qui fraudent le fisc en se mettant à l'abri dans les paradis fiscaux européens. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous avez ensuite confié la présidence de l'Eurogroupe à une personnalité venant d'un paradis fiscal, M. Juncker, dont le libéralisme n'a d'égal que l'arrogance. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Enfin, lorsqu'il y a deux ans, l'artiste Johnny Hallyday est parti en Suisse en choisissant l'exil fiscal, il a reçu les encouragements publics de l'actuel Président de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le Premier ministre, pendant toutes ces années, vous avez été plutôt aux côtés des paradis fiscaux, pour servir votre politique et justifier la baisse des impôts sur les grandes fortunes et les grands patrimoines… (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Comment allez-vous faire pour être crédible… ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Monsieur Montebourg, en ce moment, le parti socialiste aime bien demander pardon : d'une certaine façon, vous pourriez vous excuser de poser cette question en ces termes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est insultant pour la majorité, et insultant pour le Gouvernement ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Jamais gouvernement n'a autant fait pour lutter contre les paradis fiscaux. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Telle est la réalité, monsieur Montebourg. Souvenez-vous : sous quel gouvernement les listes que vous critiquez aujourd'hui, en disant qu'elles ne servent à rien, ont-elles été arrêtées en 2000 ? Sous un gouvernement de gauche, monsieur Montebourg.
D'une certaine façon, vous avez laissé faire. Vous avez tenté d'amuser la galerie avec une mission d'information mais, au fond, que s'est-il passé du point de vue juridique ? Rien, absolument rien ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous avez fait de la provocation, monsieur Montebourg, et vous continuez à provoquer, mais il n'en restera rien. La provocation n'est jamais une solution politique ; vous devriez le savoir.(Mêmes mouvements.)
Qu'a fait le Président de la République ? (« Rien ! » sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.) En réalité, ce qui vous ennuie, c'est le succès du G20 ; c'est que le couple franco-allemand ait parfaitement fonctionné et que le Président de la République française ait obtenu que la communauté internationale décide de lutter sans faiblesse contre les paradis fiscaux.
Aujourd'hui il existe deux listes de paradis,…
…la liste des pays qui respectent les normes de l'OCDE, et celle de ceux qui ont décidé de se mettre en conformité avec celles-ci. Et nous suivrons l'évolution de ces derniers ; nous ne laisserons pas les choses suivre leur chemin sans contrôle. Le G20 se réunira dès cet automne pour assurer un suivi, et les pays qui n'auront pas respecté leurs obligations, ou dont les actes n'auront pas été conformes aux intentions qu'ils ont affichées, retourneront dans la liste noire des paradis fiscaux. Ils seront mis au ban des nations.
Voila notre stratégie. Elle s'applique également aux pays européens qui ont décidé de lever le secret bancaire. Ils avaient d'ailleurs pris cette décision avant le G20. En effet, de la même façon qu'il y a un succès du G20, il y a un succès de l'avant-G20. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le ministre de l'agriculture, en Martinique, pour des raisons diverses – non-déclaration, non-cotisation ou cotisation insuffisante à la sécurité sociale –, les retraités agricoles vivent dans la précarité, et j'emploie un euphémisme.
Actuellement, environ 5 000 salariés agricoles sont âgés de 39 à 49 ans, et 65 % d'entre eux travaillent dans la filière de la banane. Pour qu'ils ne se retrouvent pas dans la situation de leurs aînés, il est souhaitable qu'une retraite complémentaire soit mise en place. Pour information, conformément à la loi du 4 mars 2002 et aux décrets d'application successifs, les exploitants agricoles en bénéficient déjà.
Monsieur le ministre, ma question est double. Quelles sont les mesures que pourrait prendre le Gouvernement quant à la création d'une retraite complémentaire pour les salariés agricoles ? Quelles sont les mesures qui pourraient être prises pour les retraites actuelles ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le président Marie-Jeanne, comme vous le savez, dans les départements français d'outre-mer, il n'y a pas de régime spécifique pour les retraités agricoles. Les personnes concernées ne bénéficient pas d'une affiliation à la MSA, elles sont affiliées au régime général. Cela explique qu'en 1975, lorsque plusieurs décrets ont généralisé la retraite complémentaire pour les salariés agricoles relevant de la MSA, le mouvement qui a eu lieu en métropole ne s'est pas étendu aux départements d'outre-mer.
Monsieur Marie-Jeanne, pour que nous puissions avancer comme vous le souhaitez, il faut, d'une part, que les employeurs soient volontairement affiliés à l'ARRCO, le régime général de retraite complémentaire obligatoire, et, d'autre part, que se tienne une concertation entre les partenaires sociaux. Cela est possible puisque ce fut le cas en 1999, en Guyane.
Avec Yves Jégo, dans le cadre des états généraux de l'outre-mer, nous inviterons les partenaires sociaux à discuter de cette question pour que les trois autres départements d'outre-mer puissent suivre l'exemple de la Guyane.
Monsieur Marie-Jeanne, je conclurai en vous rappelant que de nombreux retraités agricoles en outre-mer pourront bénéficier de l'engagement pris par le chef de l'État et le Premier ministre de revaloriser le minimum vieillesse de 25 % d'ici à 2012. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et NC.)
La parole est à Mme Geneviève Levy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et à la jeunesse, annoncée par le Président de la République en décembre dernier dans le cadre du plan de relance de l'économie, la prime de solidarité active, d'un montant de 200 euros, est versée depuis hier.
Le Gouvernement montre, une nouvelle fois, qu'il porte une attention toute particulière aux plus fragiles.
En effet, cette prime exceptionnelle est destinée aux 4,1 millions d'allocataires du revenu minimum d'insertion, de l'allocation de parent isolé et des aides au logement ou du revenu de solidarité active, expérimenté depuis le début 2009 dans trente-quatre départements.
Cette prime, qui vise à aider les foyers les plus démunis en ces temps difficiles, est une avance sur le revenu de solidarité active, qui sera versé à partir du 6 juillet 2009 et concerne les mêmes bénéficiaires que la prime de solidarité active.
Monsieur le haut-commissaire, pouvez-vous réaffirmer l'objectif fort et ambitieux du Gouvernement (Sourires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), qui entend faire oeuvre de justice afin que personne ne reste au bord du chemin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Allô !
La parole est à M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse.
Madame la députée, la prime de solidarité active, d'un montant de 200 euros, est en effet versée depuis cette semaine à 4 millions de ménages modestes, notamment aux allocataires de minima sociaux : RMI et allocation de parent isolé. Mais elle s'adresse également à quelque 3 millions de travailleurs modestes, oubliés de la prime pour l'emploi, qui vivent dans des foyers, qu'il s'agisse de célibataires gagnant un tout peu plus que le SMIC ou de couples ayant deux enfants et gagnant environ deux SMIC.
Ces personnes, qui ont des difficultés pour boucler leurs fins de moi, bénéficieront, cette semaine, de 200 euros pour compléter leurs revenus. Et ce n'est que justice, comme vous l'avez dit.
Cette mesure prépare la mise en place, dans trois mois, du revenu de solidarité active. Les bénéficiaires de cette prime ont été informés qu'ils pouvaient réaliser un test d'éligibilité, afin de vérifier qu'ils allaient bien recevoir le RSA. Ainsi, vendredi dernier, un million de personnes se sont connectées sur le site de la CNAF pour faire ce test. Ce chiffre impressionnant montre combien le dispositif suscite une attente forte. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Vous avez donc bien fait de voter la loi au moment de la crise, pour que les foyers les plus modestes bénéficient du RSA.
Aujourd'hui, non seulement le Gouvernement, mais aussi les conseils généraux, de droite comme de gauche, les caisses d'allocations familiales et le Pôle emploi sont mobilisés pour que nos concitoyens puissent bénéficier de la solidarité, qu'ils travaillent déjà ou qu'ils reprennent un emploi. Et je suis certain que nous nous retrouverons pour agir avec la même détermination en faveur des jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Armand Jung, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, en marge des cérémonies officielles du sommet de l'OTAN à Strasbourg, quelques centaines de casseurs ont choisi le symbole du Pont de l'Europe, qui relie la France à l'Allemagne, Strasbourg à Kehl, pour se livrer à ce qu'il faut bien appeler la mise à sac de deux quartiers : le Port-du-Rhin et le Neuhof.
Au-delà de nos différences d'appréciation sur les missions de l'OTAN et sur l'opportunité de rejoindre le commandement intégré de l'Alliance, les Strasbourgeois ont le droit de savoir ce qui s'est réellement passé durant ces longues heures pendant lesquelles ils ont eu le sentiment d'avoir été abandonnés par les pouvoirs publics. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Comment se fait-il qu'avec autant de policiers, de CRS, de militaires présents à Strasbourg, ces deux quartiers aient pu faire l'objet de dégradations sans précédent : un hôtel et une pharmacie incendiés, un poste de douane saccagé, une chapelle et le mobilier urbain attenant dégradés ?
Rien de semblable n'a été constaté à Kehl, de l'autre côté du Rhin. Y aurait-il eu des dysfonctionnements dans la chaîne de commandement et de sécurité ? (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Ces deux quartiers auraient-ils été abandonnés à leur sort durant ce sommet ? Les Strasbourgeois, qui ont dû limiter leurs activités et leurs déplacements pendant près d'une semaine, auraient apprécié que les forces de l'ordre soient plus efficaces dans la prévention des risques encourus et que le Pont de l'Europe, lieu hautement symbolique, soit mieux protégé, et pas uniquement au moment du passage des chefs d'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le Premier ministre, il est de la responsabilité de l'État, organisateur du sommet de l'OTAN, de réparer ce qui peut être réparé et de redonner un nouveau visage à la Porte de France. (Mêmes mouvements.) Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour réhabiliter les quartiers du Port-du-Rhin et du Neuhof et pour indemniser les habitants qui ont subi de graves dommages ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur le député, je ne saurais vous laisser mettre en cause les forces de police et de gendarmerie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Le débriefing qui a eu lieu ce matin a montré que ces forces étaient parfaitement proportionnées aux événements. Du reste, le fait que le sommet se soit déroulé et qu'il n'y ait pas eu de problème dans Strasbourg, ni avant samedi, le prouve.
La réalité, c'est que des groupes extrêmement violents s'étaient donné rendez-vous de ce côté-ci du Rhin.
Pendant trois jours, chaque fois qu'ils sont sortis, encagoulés et armés de barres de fer, les forces de police les ont refoulés à l'intérieur du camp. Le samedi, ces groupes ont profité de la manifestation pacifiste pour s'introduire en son sein,…
…d'autant que celle-ci n'avait pas de service d'ordre suffisant, et l'ont utilisée pour aller commettre un certain nombre de dégradations.
Nous avons pu neutraliser certains d'entre eux, mais nous n'avons pu empêcher certaines dégradations que, comme vous, je regrette profondément. Ainsi que je l'ai indiqué à M. Maurer, des mesures ont été prises pour indemniser intégralement les personnes, comme M. le Premier ministre l'avait annoncé au maire de Strasbourg, qui l'avait appelé à ce sujet.
Monsieur le député, j'aimerais que l'on ait tous l'honnêteté de condamner ceux qui sont à l'origine des violences, plutôt que les forces de police. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Que n'ai-je entendu sur les bancs de l'opposition avant cette manifestation : les forces de police auraient été trop nombreuses, le dispositif disproportionné ! (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
On prédisait des violences policières ; il n'y en a pas eu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Jean-Sébastien Vialatte, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et concerne le paiement des cotisations au titre du RSI des chefs d'entreprise indépendants.
Rappelons que le régime social des indépendants est un organisme couvrant la protection sociale des artisans, commerçants et professions libérales, auquel quatre millions de chefs d'entreprise indépendants sont affiliés. Unifié depuis juillet 2006, le RSI a mis en place en janvier 2008 le principe d'un interlocuteur social unique.
La création de l'opérateur unique ne s'est pas faite facilement, mais les difficultés de la genèse du RSI sont désormais derrière lui. Les cotisations pour 2009 ont été bien calculées et le taux de recouvrement des assurés mensualisés s'est élevé à 98 % en janvier dernier. Il reste cependant un travail de rattrapage considérable des sommes dues au titre de l'année 2008.
C'est dans ce contexte que la crise économique que nous connaissons vient s'ajouter à ces débuts difficiles. En effet, les entreprises indépendantes ne sont pas épargnées et sont confrontées à des problèmes pour faire face au paiement de leurs cotisations. Elles reçoivent du RSI des appels de cotisations basées sur leur chiffre d'affaires de 2007. Compte tenu de la baisse de leur activité en 2008 et par conséquent de la baisse de leurs revenus, le montant des cotisations est surestimé, et la régularisation n'interviendra pas avant fin 2009. La plupart de ces entreprises se demandent comment elles vont pouvoir s'acquitter de ces charges.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous informer sur les moyens pouvant être mis en oeuvre pour soutenir le secteur des micro-entreprises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Monsieur le député, le Gouvernement prend évidemment en compte toutes les difficultés qui surviennent durant la crise que nous traversons, en particulier celles touchant la population des travailleurs indépendants, qui dépend aujourd'hui du régime social des indépendants. La création de ce régime social constitue une véritable avancée en matière de règlement des cotisations, notamment en raison de l'avantage résidant dans le fait de relever d'un régime unique plutôt que de régimes multiples.
Votre question appelle des réponses à plusieurs niveaux. Premièrement, je veux vous indiquer que les travailleurs indépendants peuvent adapter le versement de leurs cotisations au montant exact de leur chiffre d'affaires : ils peuvent verser un peu plus que ce qui est demandé s'ils estiment que le niveau de leur chiffre d'affaires le leur permet ; à l'inverse, un chiffre d'affaire moins important que celui de l'année précédente peut justifier qu'ils décident de verser moins.
Deuxièmement, les travailleurs indépendants qui rencontrent de véritables difficultés peuvent aussi bénéficier de délais de paiement. Nous réservons aujourd'hui une suite favorable à 95 % des demandes de délais de paiement qui sont faites. J'ai renforcé ces mesures le 23 mars dernier. Par ailleurs, un fonds national d'aide sociale et d'action sociale a été mis en oeuvre, et plus de 11 0000 dossiers déposés en 2008 ont ainsi été acceptés par l'interlocuteur social unique.
Enfin, Christine Lagarde et Hervé Novelli ont mis en place au nom du Gouvernement le régime des auto-entrepreneurs, qui permet aux travailleurs indépendants qui le souhaitent de régler leurs cotisations ou leurs contributions sociales « au fil de l'eau », c'est-à-dire en fonction du chiffre d'affaires réalisé : ainsi, en l'absence de chiffre d'affaires, il n'y a pas de cotisations sociales à régler.
Comme vous le voyez, il existe aujourd'hui plusieurs réponses à la question que vous posez, monsieur le député. J'appelle évidemment tous les travailleurs indépendants qui connaîtraient ce type de difficultés à se rapprocher de la caisse gérant le régime social dont ils dépendent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Corinne Erhel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
En préalable, je voudrais préciser qu'à aucun moment, nous n'avons remis en cause le travail des forces de l'ordre (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Un sondage récent montre que pour les Français, la croissance durable est le principal vecteur de sortie de la crise. Chacun doit prendre conscience qu'il n'y a pas d'activité économique sans respect de l'environnement et sans équité sociale.
La politique de rémunération fait partie intégrante du développement durable et est un élément de la responsabilité sociale de l'entreprise. Or, sur cette question, vous ne proposez que des mesurettes, au point que le Parlement a désavoué votre décret sur la rémunération des dirigeants. Quant à la juste rémunération des salariés, elle passe évidemment par autre chose que les heures supplémentaires ! C'est avant tout d'un salaire décent que les Français ont besoin. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.) Le sentiment d'injustice sociale est naturel lorsque les salariés licenciés ou précaires découvrent que certains de leurs dirigeants touchent encore des sommes indécentes.
Le volet social du développement durable, c'est aussi l'égalité entre les hommes et les femmes, les conditions de travail, la formation professionnelle, des stratégies d'entreprise prenant en compte l'ensemble d'une filière – les télécoms ou l'automobile par exemple – et les emplois qui y sont liés.
La crise est l'occasion de repenser notre modèle économique afin que la croissance durable ne reste pas une vaine promesse ! Alors, monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin cesser de n'avoir sur cette question qu'un discours incantatoire (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et changer notre droit en prenant des mesures concrètes pour tous à la hauteur de cette dépression exceptionnelle ? Nous vous donnons rendez-vous le 30 avril pour l'examen de nos trois propositions de loi concrètes.
La parole est à Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.
d'État chargée de l'écologie. Madame la députée, on ne vous a pas attendue pour constater qu'il y avait des inégalités sociales, notamment en matière d'environnement ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je vous rappelle que le Grenelle de l'environnement, qui s'est tenu avant la crise, avait bien pour objet de poser le principe de la croissance verte que vous évoquez. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Le résultat est un plan d'investissement de 440 milliards d'euros – que vous avez également voté, je vous le rappelle. C'est aussi 550 000 emplois d'ici à 2020 et le principe de la négociation à cinq. Aujourd'hui, dans toutes les négociations, le principe est d'associer les syndicats pour prendre une décision.
La parole est à Mme Michèle Tabarot, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la secrétaire d'État à la famille, l'ouverture aujourd'hui du procès de la mère du petit Ryan, poursuivie pour avoir abandonné son fils de trois ans, nous rappelle la situation difficile des nombreux enfants victimes de désintérêt parental dans notre pays. Chaque année, en France, 23 000 enfants sont placés sur décision de justice, parfois sans espoir de retour dans leur famille biologique.
Jean-Marie Colombani, dans son rapport sur l'adoption, estime que plus de 2 000 enfants placés durablement pourraient faire l'objet d'une déclaration judiciaire d'abandon et devenir adoptables.
Dans le cadre des travaux du Conseil supérieur de l'adoption, nous avons également relevé que, lorsque l'abandon est prononcé, l'enfant a en moyenne passé plus de six ans dans des foyers. Ce délai est beaucoup trop long. Il compromet les chances de l'enfant de prendre un nouveau départ dans la vie.
Les causes de cette situation sont diverses Tout d'abord, la notion de désintérêt parental est trop imprécise. Mais il y a aussi la frilosité de certains travailleurs sociaux qui hésitent à engager la demande de déclaration judiciaire d'abandon. Pourtant, dans l'intérêt des enfants, il faut désormais franchir une étape.
Madame la secrétaire d'État, vous avez présenté la semaine dernière le projet de loi de réforme de l'adoption. Avec ce texte, nous avons l'opportunité d'affirmer que l'intérêt supérieur de l'enfant doit toujours primer sur le maintien du lien biologique. Pouvez-vous nous préciser en quoi cette réforme permettra de mieux prendre en compte la situation des enfants délaissés sur notre territoire afin qu'eux aussi puissent avoir la chance d'être adoptés ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.
Madame la députée, en votre qualité de présidente du Conseil supérieur de l'adoption, vous êtes très au fait de ce sujet sensible. Vous l'avez rappelé, le Gouvernement a présenté un grand projet de réforme de l'adoption qui repose sur trois piliers, le premier étant le délaissement parental avéré et durable. Les chiffres sont en effet éloquents : alors que 23 000 enfants sont placés par décision judiciaire, 219 seulement ont été introduits dans le circuit de l'adoption et nombre d'entre eux passent de famille d'accueil en famille d'accueil pendant six ans en moyenne. Ils ont ensuite beaucoup de difficultés à construire leur avenir d'adulte.
C'est la raison pour laquelle nous avons proposé de modifier l'article 350 du code civil pour permettre au parquet de saisir le tribunal de grande instance, et à ces enfants, qui font l'objet d'un délaissement parental durable et avéré, d'entrer dans le parcours de l'adoption. Nous n'avons fixé aucun objectif chiffré parce qu'il s'agit, vous l'avez rappelé, de prendre en considération l'intérêt supérieur de l'enfant. Les décisions seront prises au cas par cas. Nous allons établir avec les travailleurs sociaux et la justice un référentiel permettant de définir les critères du délaissement parental. Nous serons ainsi plus précis.
La réforme de l'agrément constitue le deuxième pilier du dispositif. Il s'agit d'avoir une meilleure lisibilité de l'ensemble des agréments. Aujourd'hui, 29 000 familles détiennent un agrément mais il n'y a eu que 4 000 adoptions.
Le troisième pilier, c'est la réforme de l'Agence française de l'adoption, à laquelle nous allons permettre d'être beaucoup plus performante en lui donnant les moyens d'agir, notamment au niveau international. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Patrick Lebreton, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la ministre de l'intérieur, des collectivités locales et de l'outre-mer, dans les nuits de dimanche à lundi et de lundi à mardi, la traîne du cyclone Jade a entraîné des chutes de pluie d'une rare violence sur le sud de la Réunion et particulièrement sur les communes de Saint-Joseph, de Petite-Île et de Saint-Philippe, ainsi que des Hauts de Saint-Pierre.
Par endroits, la pluviométrie a atteint 488 millimètres sur une période de vingt-quatre heures. Le ruissellement des eaux a entraîné le débordement de nombreuses ravines et des glissements de terrains se sont produits. Les dommages matériels résultant de ce déchaînement des éléments sont considérables. C'est ainsi que des routes ont été totalement détruites, des maisons inondées et des commerces dévastés. Les écoles sont pour l'heure fermées.
Au moment où je vous parle, des centres d'hébergement ont été ouverts et près de cinquante personnes ont été recueillies. Plus d'une centaine de maisons ont été touchées, 15 kilomètres de routes sont hors d'état à Saint-Joseph. Les agriculteurs ont été particulièrement touchés, les glissements de terrain ayant ravagé les terres cultivées. Au moins vingt kilomètres de voiries d'exploitation sont par ailleurs hors d'état.
Selon les premières constatations, les dégâts sur les exploitations sont très largement supérieurs à ceux résultant du récent cyclone Gaël. Il s'agit d'un nouveau coup du sort porté au sud de la Réunion, région déjà socialement sinistrée et souffrant de retards structurels importants.
Madame la ministre, si je me permets de vous interpeller c'est que la situation est d'une gravité exceptionnelle et requiert la mobilisation urgente de toutes les énergies, de toutes les bonnes volontés. En conséquence, au vu de ce premier constat, quelles mesures d'urgence envisagez-vous de mettre en oeuvre pour rétablir la situation dans le sud de la Réunion et soutenir les collectivités ainsi que les familles, les commerçants et les agriculteurs touchés ? Plus particulièrement, allez-vous reconnaître l'état de catastrophe naturelle comme l'urgence et la gravité de la situation le commandent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur le député, dès dimanche, le préfet de la Réunion a mis en oeuvre tous les dispositifs nécessaires pour porter secours aux personnes. Jusqu'à quarante-huit sapeurs-pompiers ont été engagés dans cette opération. Trente-quatre personnes ont été évacuées et d'ailleurs relogées dans des logements municipaux. Aucun mort n'est heureusement à déplorer malgré l'imprudence de certains automobilistes qu'il faut souligner.
Aujourd'hui, le retour à la vie normale est en train de s'organiser. Les écoles devraient ainsi rouvrir dès demain. Pour autant, il convient à présent de panser les plaies, et elles sont importantes.
J'ai d'ores et déjà donné instruction au préfet de faire en sorte que les dossiers de demande de reconnaissance de catastrophe naturelle puissent être établis le plus rapidement possible. Par ailleurs, il faut qu'avec les maires de Saint-Joseph, Saint-Pierre et Petite-Île, qui sont les communes les plus touchées, nous ayons les moyens d'aller le plus vite possible et de réunir, le cas échéant et de façon exceptionnelle, la commission. Le recensement des pertes agricoles est aujourd'hui en cours.
Enfin, le fonds de solidarité des communes victimes de catastrophes naturelles pourra également être utilisé pour faire face aux dégradations que vous avez indiquées. Je tiens à souligner l'entière solidarité de tout cet hémicycle, je pense, et de toute la nation aux victimes de cette tempête. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Jean-Pierre Dupont, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité.
Lors de son discours de Douai, prononcé en décembre dernier, le Président de la République a annoncé un ensemble de mesures constituant le volet social du plan de relance national.
Parce que la relance passe aussi par le secteur social, où les investissements d'aujourd'hui sont les richesses de demain, vous avez, dès cette annonce, appelé de vos voeux la mise en place d'un plan de relance dédié au secteur médico-social, et notamment aux établissements accueillant des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées.
En effet, les besoins et la prise en charge des plus fragiles d'entre nous sont des générateurs d'emplois non négligeables ; emplois, qui plus est, pérennes. Le secteur médico-social sera ainsi dans les années à venir un moteur pour notre économie. Il est donc indispensable d'en tenir compte dans la mise en oeuvre du plan de relance.
Jeudi dernier, vous avez ainsi présenté, avec vos collègues Brice Hortefeux et Patrick Devedjian, les différents projets retenus dans le cadre du plan de relance du secteur médico-social. Dès cette année, 70 millions d'euros viendront s'ajouter aux 260 millions d'euros déjà prévus pour 2009 par le plan d'aide à l'investissement de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Ce financement exceptionnel de l'État permettra de financer de nouveaux projets ou d'accélérer des projets en cours, comme par exemple l'ouverture de nouveaux établissements d'accueil ou la modernisation d'établissements existants, avec à la clef de nombreux emplois.
Les médias nationaux se sont surtout attachés à présenter le volet « personnes âgées » de ce plan. Il serait donc souhaitable, madame la secrétaire d'État, que vous détailliez aujourd'hui devant la représentation nationale les moyens alloués plus particulièrement aux établissements accueillant des personnes handicapées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.
Monsieur Jean-Pierre Dupont, nous avons fourni ces jours derniers de nombreuses informations sur les efforts fournis par le Gouvernement dans le cadre du plan de relance, mais vous me donnez aujourd'hui l'occasion de préciser les mesures prises en faveur du monde du handicap.
En 2009, les moyens attribués aux établissements et services pour personnes handicapées augmentent de 350 millions d'euros, soit une progression de 4,6 %. Ces moyens vont permettre de créer 6 900 places nouvelles pour les adultes et les enfants en situation de handicap.
Avec le plan de relance, le Gouvernement a voulu aller plus loin : 1 200 places viendront s'ajouter aux 6 900 précédentes, et ce dès 2009, l'ensemble générant 2 000 emplois pérennes pour les professionnels du médico-social dans le champ du handicap.
Vous avez également rappelé que, pour favoriser l'investissement, nous avons annoncé avec Brice Hortefeux et Patrick Devedjian 67 opérations d'investissement devant être réalisées dans le cadre du plan de relance. Ces opérations permettront de maintenir 5 000 emplois salariés dans le bâtiment pendant toute la durée de ce plan de relance. 16 de ces opérations d'investissement concernent des établissements pour personnes handicapées, pour un montant total de 20 millions d'euros, qui généreront 110 millions d'euros de financement complémentaire, selon le principe du multiplicateur.
Enfin, le plan de relance doit aussi permettre d'accélérer la construction et la rénovation de bâtiments de l'État et de services de transport public, qui nous permettront d'améliorer l'accessibilité à ces équipements...
La parole est à M. Guy Delcourt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse au membre du Gouvernement qui voudra bien me répondre. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Le Président de la République Nicolas Sarkozy a certes « la banane », mais, face à l'injustice sociale, aux salariés licenciés, il persiste et signe sur le bouclier fiscal. D'un taux de 60 % avant l'élection présidentielle, la barre effective est désormais passée à 39 %, en intégrant la CSG et la CRDS : de quoi distribuer des chèques équivalents à trente années de SMIC à une poignée de contribuables privilégiés, dont certains disposent de revenus atteignant parfois trois cents fois le SMIC.
Les socialistes, selon le Premier ministre, n'auraient jamais rien fait, ni ne font jamais aucune proposition – et il nous le dit sans sourire. Le problème est que l'électeur entend et qu'il jugera.
Le groupe socialiste, radical et citoyen proposera, le 30 avril, une série de propositions de loi d'équité sociale, et l'opinion publique mesurera alors quel est l'engagement de chacun des députés présents. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Vous l'avez compris : la question que je vous adresse concerne l'adoption de mesures d'urgence qui répondent à l'exigence de justice sociale. La remise en cause du bouclier fiscal démontrerait enfin que le chef de l'État et le Gouvernement ont pris la mesure de la situation sociale de la majorité des Français, et non de quelques privilégiés seulement, objets d'une attention permanente et qui, quoi que vous en pensiez, placent leur argent dans les paradis fiscaux.
Je vous remercie de votre réponse, attendue bien au-delà des bancs socialistes de cette assemblée, car je n'ai fait que reprendre pour l'essentiel les propos du prédécesseur du Premier ministre, M. Dominique de Villepin, qui partage notre point de vue.
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Monsieur Guy Delcourt, cela fait deux mille cinq cents fois que vous nous posez la question du bouclier fiscal, et cela fait donc deux mille cinq cents fois que nous vous répondons. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Au risque de susciter votre réprobation, je répète que le bouclier fiscal est un taux d'imposition à 50 %, fondé sur le principe de justice fiscale. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Au-delà de ce taux, en effet, la pression fiscale devient contreproductive pour nos citoyens, qui sont enclins à s'exiler, même si cela risque d'être moins vrai désormais avec la levée du secret bancaire. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Il était anormal en revanche que, jusqu'au vote du dernier projet de loi de finances, des contribuables aient pu s'exonérer totalement de l'impôt en utilisant des niches fiscales. C'est pour cette raison que le Gouvernement a fait voté par la majorité le plafonnement de ces niches, ce qui rapporte infiniment plus à l'État que le bouclier fiscal ne lui coûte. Je vous donnerai le moment venu tous les chiffres nécessaires.
Vous nous reprochez de ne pas prendre de mesures d'urgence : c'est faux ! Nous n'arrêtons pas de prendre des mesures dans le domaine social, qu'il s'agisse du RSA ou de l'exonération pour deux tiers de l'impôt sur le revenu de 2008 des contribuables les plus modestes.
Bouclier fiscal
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)
La conférence des présidents propose que l'ordre du jour de la semaine du 4 au 7 mai, réservée au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques, soit ainsi fixé :
Mardi 5 mai, après les questions au Gouvernement, questions à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, et à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, sur la lutte contre la délinquance ;
Mercredi 6 mai, après les questions au Gouvernement, débat sur la compensation des charges transférées aux collectivités territoriales ;
La suite des séances de l'après-midi et les séances du soir des mardi 5 et mercredi 6 mai, ainsi que les séances du jeudi 7 mai, seront consacrées à la discussion de la proposition de résolution tendant à modifier le règlement de l'Assemblée nationale.
Il n'y a pas d'opposition ?
Il en est ainsi décidé.
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.
La parole est à M. Serge Letchimy.
Je voudrais tout d'abord saluer Alfred Almont et l'assurer de toute ma sympathie. Il a énormément travaillé ce texte et il tenait, je le sais, à être présent parmi nous.
Je voudrais également manifester toute ma solidarité avec La Réunion, qui connaît le même type de problèmes que nous avons connu en Martinique.
Avant de commencer mon intervention, je voudrais faire une mise au point. La réforme nous impose ce circuit très particulier : il est paradoxal de discuter du renvoi en commission d'un texte issu de la commission.
J'insiste également sur les conditions dans lesquelles nous avons travaillé : ce document n'a été disponible que lundi matin. Je sais que cela a été difficile aussi pour M. le rapporteur. Vous l'avez dit, monsieur le président Ollier, comme le président Migaud : il est nécessaire de disposer des documents de travail au moins deux à trois jours à l'avance.
J'insisterai encore sur la question du droit d'amendement. Il y a vraiment un problème, car ici nous avons assisté à la construction progressive d'amendements anonymes. Pourtant, la possibilité pour un parlementaire de travailler un amendement et de le présenter in fine en séance me paraît un droit extrêmement important dans une démocratie parlementaire. Or ici, ce n'est plus le cas : en cours de route, l'amendement prend le nom du rapporteur de la commission pour avis ou de celui de la commission saisie au fond. Ce n'est pas que je doute de l'honnêteté des rapporteurs de redonner la main à l'initiateur de l'amendement, mais je crois que c'est un vrai problème auquel il faut réfléchir. Je connais vos réflexions pertinentes sur la question, monsieur le président Ollier.
J'aborderai un dernier point liminaire : nous avons déjà discuté hier de ce sujet, je serai donc rapide. La question du langage se pose – je parle de la barbarie linguistique qui concerne l'outre-mer.
Moi, je ne suis pas un « domien » ni un « outre-mérien », je ne suis pas plus un « rupien ». Je suis un Martiniquais, oui, proprement Martiniquais ; et je ne me sentirai mieux en France que quand on nous acceptera, moi et les autres, comme Martiniquais, et quand on acceptera de même les Guadeloupéens.
Eh oui, je suis Martiniquais.
C'est très important, car cette barbarie linguistique est un stigmate ; elle donne le sentiment d'un cliché catégoriel assez surprenant, au détriment de ce que j'appelle la personnalité collective des peuples de l'outre-mer – notamment de la Guadeloupe, de la Guyane, de La Réunion et de la Martinique.
Nous sommes face à un choix cornélien. Quel que soit l'avis que nous pouvons avoir sur ce texte, il est clair qu'il recèle certaines réponses à la crise – on ne peut pas vous reprocher cela. Cependant, nous ne pouvons nous dispenser d'analyser les choix intellectuels faits au fond : c'est un devoir, une obligation.
Le texte est fondé sur un triptyque emploi, logement, pouvoir d'achat. Mais comment dissocier ces éléments de trois autres : la gouvernance, les choix économiques, la rénovation sociétale ?
Je voudrais enfin poser une question avant de commencer mon analyse. Le Président de la République a annoncé un rendez-vous législatif après les états généraux. Mais y aura-t-il une loi nouvelle pour les outre-mer – terme que je n'aime pas, mais que j'utilise pour la compréhension – ou y aura-t-il des textes éparpillés ici et là, dans des lois de nature économique ou financière, voire des lois de finances ? La réponse à cette question doit être claire, car c'est d'elle que dépendra l'apport des états généraux.
Je l'ai dit à plusieurs reprises : le choix de saisir au fond la commission des finances pour un projet de loi de développement économique me semble extrêmement ambigu – l'excellent président de cette commission ne me contredira pas. C'est l'économique qui devrait définir les grandes orientations, en utilisant les éléments financiers et fiscaux, et non le contraire.
On pourrait ajouter aux alertes, aux récriminations, aux doléances entendues dans les débats qui ont eu lieu ici même hier, mais aussi à celles qu'ont lancées des générations de parlementaires qui se sont succédé à cette tribune, on entendrait, de mon point de vue le même contrepoint, à tout le moins stérile, comme un concert immobile dans une chambre d'écho.
Je sais, monsieur le secrétaire d'État, que vous n'êtes pas le premier auteur de ce texte, et que vous avez d'ailleurs tout fait pour l'améliorer, mais vous en portez aujourd'hui la responsabilité au nom du Gouvernement.
J'ai vécu en première ligne – comme d'autres – ce phénomène qui s'est produit en Martinique et en Guadeloupe, et cela m'a persuadé d'une chose : l'heure n'est ni à la demi-mesure ni à l'exacerbation d'une logique mortifère d'abdication ou de défaite. L'heure est à la refondation : refondation de ce que l'on appelle lapidairement DOM-TOM, mais aussi refondation de l'idée que nous nous faisons de la République, de l'Europe, de leurs fonctions et de leurs rôles dans un monde aussi changeant et ouvert qu'imprévisible.
Je n'ai donc aucune intention de me contenir dans une analyse comptable de votre projet de loi. Ce serait tomber dans cet abîme de facilité au fond duquel nous nous sommes installés – je dis bien nous, Martiniquais et Guadeloupéens, mais vous aussi : nous nous contentons de traiter le plus immédiat en tournant le dos à toute perspective et à tout horizon. Pourtant, et il faut le reconnaître, au plus haut niveau de l'État, et à celui qui est le vôtre, on a dressé un constat affligeant de la situation : « essoufflement du mode de développement antillais », « dépendance vis-à-vis des importations », « économie de comptoir », « situations de monopole »... Le Président de la République est même allé beaucoup plus loin : le 19 février, il a évoqué « la fin d'un cycle historique ». Il parle, si je comprends bien, de la nécessité de mettre fin aux pwofitasyon, mot générique pour désigner les exploitations outrancières, les abus de positions dominantes, de puissance ou de force vis-à-vis de consommateurs affaiblis et captifs.
Pour faire face à ces mécanismes mortifères qui minent les outre-mer, qui facilitent toutes les logiques de prédation économique, votre projet de loi a résolument pris le parti du refus d'une véritable audace, celle du dépassement des codifications classiques des politiques de développement dans nos pays.
Elle emprunte, comme cela a été fait de toute éternité, la voie classique des exonérations de charges et de la défiscalisation, conceptualisées par l'État. C'est paradoxal, car cette voie est censée nous mener à une véritable autonomie économique. Mais comment peut-on parvenir à une autonomie économique sans levier d'auto-institution du développement, notamment sans véritables leviers fiscaux ?
Monsieur le secrétaire d'État, cette voie, déjà largement empruntée, n'a fait que renforcer notre dépendance, n'a fait que renforcer notre assistanat ! L'idée d'autonomie économique est généreuse, et c'est surtout de l'assumer, de l'explorer, de la comprendre qui nous permettra d'envisager enfin les voies originales et audacieuses qu'une telle ambition de développement endogène exige.
Ce n'est pas le chemin qui fait l'horizon, mais bien l'horizon qui dégage le chemin. Au-delà de l'idée, il s'agit de bâtir des résiliences, des résistances propres aux petites économies insulaires ainsi qu'au plateau amazonien, réinscrit dans le contexte sud-américain.
Nous sommes au XXIe siècle, à l'ère de la mondialisation, du capitalisme financier et de ses dérégulations les plus obscènes. Nous vivons une crise climatique qui nous impose des alternatives économiques, énergétiques et sociales fondées sur une nouvelle éthique du développement dans les domaines de l'innovation technologique et écologique, des champs inexplorés de la science du vivant et de la technologie marine et terrestre, caractérisés par la biodiversité. Nous devons sortir de l'impasse du déséquilibre entre politique financière et politique fiscale, qui ne favorise pas la création d'emplois – vous l'avez répété à plusieurs reprises, le taux de chômage dans ces pays n'a pas considérablement évolué.
C'est un appel à un nouveau paradigme que je lance. Il s'adresse d'abord à nous, Martiniquais, Guadeloupéens, Réunionnais, Guyanais. Nous devons porter un nouveau regard sur nous-mêmes, notamment sur le mode et la nature de notre consommation et de notre production, mais aussi sur les valeurs essentielles à une société de progrès, fondée sur la solidarité et le partage équitable des richesses. Nous devons également revoir notre posture vis-à-vis de l'Europe : nos relations devraient être fondées sur nos atouts plutôt que sur nos handicaps. Car si l'Europe nous accompagne de manière significative sur le plan financier, affirmant ainsi une politique de solidarité, elle nous contraint en matière de gouvernance interne.
L'idée d'autonomie économique que vous avez lancée et que le Premier ministre a lancée en Martinique ouvre en outre un nouveau champ des possibles, la perspective d'un recommencement fondé sur le respect et la reconnaissance mutuels entre l'hexagone et nos terres lointaines.
Il ne s'agit pas de replâtrer un projet législatif qu'une crise inattendue a rendu obsolète, mais de ne pas craindre de se donner le temps d'aller à l'essentiel. Car, pour une vraie politique, il n'y a jamais qu'une urgence : l'urgence de l'essentiel. Et c'est sur fond de cette urgence que s'élève notre demande de renvoi en commission.
Vous affichez des chiffres en guise de réponse à la crise, alors qu'il faudrait se préoccuper d'émancipation et de démocratie économique. Vous proposez des règles et des mécanismes pour contraindre les politiques fiscales, cher rapporteur, notamment la défiscalisation, quand il faudrait redessiner le paradigme même de nos économies insulaires.
Car cette crise dans les outre-mer est bien un appel à la refondation politique, au sens de l'utopie qu'Aimé Césaire a appelée de ses voeux. Nous devons la considérer non comme un brouillard de revendications sociales, mais comme le souffle impressionnant d'une recherche de sens. Nous devons faire preuve de cette clairvoyance, voire de cette solennité, seul moyen d'éviter, comme l'ont écrit les quatre évêques des départements d'outre-mer, une défaite irrémédiable qui serait en fait la défaite de l'homme.
Monsieur le secrétaire d'État, même s'il nous faut reconnaître que vous avez tout fait pour apporter des réponses financières à de nombreux problèmes posés par la crise, même si nous ne devons pas oublier que ce projet sert de « pompier législatif » dans l'attente des conclusions des états généraux, permettez-moi de n'être convaincu ni par sa portée économique ni par sa philosophie politique déficiente.
La gravité de la situation impose de sortir des sentiers battus ; or, je l'ai dit, ce n'est possible qu'à condition d'inventer un horizon nouveau. L'essentiel, donc l'urgence, c'est d'ouvrir nos sociétés à une inventivité sociale permanente : on peut difficilement parler d'autonomie économique sans parler d'autonomie sociale et politique, au sens des réseaux de dialogue, de concertation, de créativité participative, qui permettront de relever les différents défis auxquels nous sommes confrontés. Tout a été expérimenté, sauf cette idée très simple d'une libération de la créativité par un processus de responsabilisation dans lequel les droits à égalité – pour citer l'un des entretiens que vous avez accordés à la presse, monsieur le secrétaire d'État – et les droits aux libertés trouveront pleinement à s'exprimer en termes politiques, économiques et sociaux.
Sans responsabilisation, les lois d'orientation se succèdent, se reproduisent et s'en vont. Et que nous reste-t-il ? Ici, dans l'hexagone, une impression de mépris, de dépendance et d'assistanat, à laquelle s'ajoutent des discriminations larvées et l'ignorance quasi totale de ce que nous sommes. Nous représentons 2,5 millions d'habitants ; 559 000 kilomètres carrés ; 10 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, soit 97 % de la surface maritime française encore inexplorée ; 80 % de la biodiversité française et l'un des vingt-cinq « points chauds de biodiversité » du monde, ce qui confère à l'Europe et à la France une dimension planétaire essentielle. Mais quel parti les outre-mer en tirent-ils ?
Nos pays sont victimes d'un désastre social structurel, malgré une croissance canalisée par un système de « profitation » financière mondialisée qui y trouve un terreau colonial propice. Notre taux de chômage est très élevé – 25 % à 30 % selon le Bureau international du travail. Notre PIB moyen ne dépasse pas 15 747 euros par habitant, contre 28 721 en France. Le taux de pauvreté atteint 20 % en Guyane et 12 % en Guadeloupe comme en Martinique, contre 6 % dans l'Hexagone. Dans nos régions, 15 % des salaires sont équivalents au SMIC, contre 6 % en France. Mais voici le plus grave : le taux de couverture est en moyenne de 8,5 % dans les outre-mer, contre 89,9 % en France.
En outre, l'industrie et l'agriculture ne représentent que 6 % des emplois et le tourisme ne couvre que 7 % du PIB. Le taux d'activité des jeunes n'est que de 19 %, contre près de 40 % dans l'hexagone, et le taux de chômage des femmes est de cinq points plus élevé qu'en France. Nous en arrivons à une situation inacceptable : nous ne produisons que 10 % à 15 % en moyenne de ce que nous consommons, maraîchers inclus, et, dans le secteur de la pêche, la production ne dépasse pas 30 % de notre consommation.
S'agissant du foncier, de nombreux élus l'ont indiqué hier, le cas particulier de la Guyane révèle des freins d'État inadmissibles qui empêchent les collectivités locales de disposer des terres et d'être véritablement impliquées au titre du schéma minier. Qu'elles cessent d'assister en spectatrices au pillage de leurs richesses naturelles, et qu'elles impulsent une politique énergétique, minière et écologique à la mesure du défi guyanais !
Le fait que le code minier n'ait pas été réformé depuis neuf ans malgré la législation et la délivrance par l'État d'autorisations de recherche et d'exploitation au large de Trinité, en Martinique, et au large de la Guyane constituent une provocation et témoignent d'un refus d'impliquer la Guyane et la Martinique dans une dynamique de développement. Une fois de plus, les prérogatives sont laissées aux seules mains de trusts transnationaux dont on sait qu'ils n'ont aucune éthique, voire aucune morale.
La Martinique perd mille hectares de terre agricole par an et sa réserve utile – Alfred Marie-Jeanne l'a dit hier – est passée de 60 000 hectares il y a quinze ans à 27 000 aujourd'hui. À cette allure, il n'y aura bientôt plus de terre pour l'agriculture, encore moins pour les Martiniquais. La situation est aggravée par le problème des pesticides, notamment de l'empoisonnement des terres par le chlordécone et de ses conséquences épidémiologiques, sanitaires et économiques, aujourd'hui inconnues. En outre, plus de 15 000 hectares en friche sont encore plus menacés. Face à cette situation inquiétante, tout le monde recule, alors qu'il aurait fallu sortir de la structure agraire coloniale, appliquer avec vigueur la loi sur les terres en friche, et prendre des mesures de salut public permettant, par exemple en Martinique, de bloquer au moins 50 000 hectares de terres agricoles pendant au moins vingt ans, sans possibilité de déclassement, afin de protéger la production locale.
On pourrait également s'interroger sur l'obscure réalité des monopoles, sur les pactes d'exclusivité qui faussent la concurrence, sur le coût du fret et du transport, sur les conditions techniques et administratives de formation des prix, qui échappent mécaniquement aux institutions locales, invalidées en permanence. Vous avez du reste saisi l'autorité de la concurrence à ce sujet.
Telles sont, monsieur le secrétaire d'État, les réalités que dissimule la prétendue autonomie économique : l'absence de gouvernance sociale, fiscale et administrative.
Avant d'évoquer ce qui choque dans votre texte, je tiens à vous dire que le Gouvernement auquel vous appartenez a été bien inspiré de soutenir les activités porteuses d'avenir, dont l'agronutrition, au titre des zones franches globales d'activité ; de créer un fond exceptionnel d'investissement pour soutenir les investissements publics de valorisation et d'aménagement ; d'accorder une priorité territoriale aux zones en difficulté ; de réintroduire une dégressivité plus attractive des exonérations de charges, afin de faciliter le recrutement de cadres ; d'appliquer les décisions de l'État sur les bas salaires. À ce propos, j'appelle votre attention sur l'applicabilité et la convertibilité du bonus exceptionnel, essentiel si l'on veut sortir définitivement de la crise.
Venons-en à ce qui choque. Il aura malheureusement fallu cette crise pour révéler le caractère inadapté du texte, dont le titre ne mentionne plus la « promotion de l'excellence ». Les abattements et les exonérations que vous proposez auraient dû donner lieu à des évaluations annuelles des performances des entreprises. D'ailleurs, le texte n'oblige ni n'incite à l'embauche, malgré la gravité de la situation de l'emploi.
Quant à la continuité territoriale, le retard demeure considérable, même si des actions significatives, telle la défiscalisation des câbles, vont dans le bon sens. Alors que l'on baisse le prix des voyages en avion entre l'outre-mer et la France, comment expliquer qu'il continue d'intégrer une taxe « carburant » instituée en 2003, en lien avec les événements du 11 septembre, et qui est passée en deux ans de 69 à 170 euros ? Vous devriez exiger d'Air France qu'elle modifie cette taxation dans le cadre de la négociation sur les prix que vous menez.
Ce qui choque, c'est aussi l'absence de mesures exceptionnelles destinées aux microentreprises, pourtant souhaitées par nombre de nos parlementaires. Les TPE et les activités commerciales de proximité représentent 90 % du tissu économique et constituent le premier vivier d'activité et d'emplois. Le FISAC, que vous évoquez souvent, se contente d'accompagner le dispositif d'aménagement. Il aurait été essentiel de soutenir ces activités, d'autant que ces petites entreprises n'ont pas droit à des prestations sociales décentes, malgré des taux de cotisation exorbitants, car les caisses de retraite sont excentrées dans l'hexagone, en raison d'un décret du 30 décembre 1992 qui n'a pas autorisé l'extension du droit commun aux départements d'outre-mer.
Ce qui choque, c'est encore la discontinuité et l'absence d'évaluation et de lisibilité des politiques publiques fiscales et financières, qui ne font l'objet ni d'un bilan sérieux, ni des études d'impact prévues par la loi. Ma collègue Jeanny Marc y a fait allusion hier. L'enjeu fondamental est d'unir en une équation dynamique et féconde fiscalité, développement et responsabilité.
Il me paraît d'ailleurs essentiel – c'est un second appel – de moderniser la fiscalité outre-mer afin que les collectivités locales ne soient pas dépendantes d'une fiscalité assise sur la consommation, donc sur les importations, ce qui réduit la production locale potentielle.
Monsieur le secrétaire d'État, votre zone franche globale d'activité aurait pu être plus novatrice. Malheureusement fondée sur le seul soutien à l'activité, elle n'est donc pas aussi globale que son nom le laisse penser. Il s'agit d'une activité sans marché, sans désenclavement, sans accès au crédit ni à l'immobilier d'entreprise, sans promotion des filières, sans encadrement des circuits de distribution, sans mobilisation de l'épargne locale pour créer un fonds d'investissement.
Cette politique de développement est incapable de faire appel à l'épargne publique pour rattraper nos retards considérables en matière d'infrastructures, qui nous privent notamment d'infrastructures touristiques dignes de ce nom ; incapable de faire, par exemple, de la ville de Saint-Pierre un projet d'intérêt national – c'est une nécessité pour le tourisme – et de la doter de l'aménagement escompté ; incapable d'ériger en priorités les domaines d'excellence de l'écologie économique ou de l'agriculture biologique ; incapable de donner à nos pays un véritable statut géopolitique de coopération en matière d'échanges économiques régionaux ; incapable de nous doter d'une position politique stratégique qui ne soit pas invalidée par une coopération digne d'une république de comptoir.
Votre texte ne traite pas de certaines questions cruciales. C'est dommage. Je veux parler de celles qui pourraient nous faire cheminer ensemble vers la recherche du sens, celles qui mettent en jeu l'identité comme dynamique d'épanouissement, celles qui ont trait à la possibilité pour nous d'inscrire notre existence dans le bassin de vie auquel nous appartenons sans pour autant nous écarter de l'ensemble français ou de l'espace européen, celles encore qui permettent, à travers le fait syndical, d'établir une vraie démocratie sociale et un vrai dialogue social en donnant une cohésion à des sociétés habitées par les traces humiliantes de la colonisation et de l'exploitation de l'homme par l'homme, celles enfin relatives au statut de la langue créole après qu'un amendement voté le 22 mai 2008 a levé l'obstacle que constituait la décision du 15 juin 1999 du Conseil Constitutionnel qui s'était opposé à la signature de la charte européenne des langues régionales.
Je sais, monsieur le secrétaire d'État, que vous m'inviterez à formuler toutes ces propositions dans le cadre des états généraux : comme si les choix économiques et financiers étaient dissociables des choix de société, donc des choix humains ! Je crains, de surcroît, que ces états généraux manquent d'énergie si cette loi, qui les précède, continue d'être si peu audacieuse et si peu pertinente. C'est à nous d'assurer la pleine participation du peuple, tant dans l'hexagone que dans les différents pays.
S'il y a un cri auquel on ne saurait rester sourd, c'est celui de la jeunesse dont la moitié est au chômage. Je m'associe à l'appel de Huguette Bello, d'Alfred Almont et d'Alfred Marie-Jeanne et à ceux qui plaident en faveur d'une loi spécifique aux jeunes d'outre-mer. Je l'ai appelée « plan Marshall » mais elle pourrait porter le nom de l'un de ceux qui vivent leur malheur comme un vrai suicide social. Nous présenterons des amendements en ce sens.
S'il y a un dossier important, voire innovant, dans votre texte, c'est celui du logement et de l'habitat. J'ai d'ailleurs accepté, à votre demande, d'apporter ma contribution à la question de la résorption de l'habitat insalubre dans les départements d'outre-mer. Mais la situation est grave. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 65 000 demandes non satisfaites pour 7 700 logements financés par l'État en 2007 dont seulement 2 500 HLM. Pour ce qui est de la Martinique, il faudrait trente-neuf ans pour rattraper les retards accumulés. Dans ces conditions, toute solution et initiative allant dans le sens de l'amélioration de la situation est à saluer. Je me félicite donc de l'alignement du forfait charges, du dispositif de lutte contre la vacance et l'indivision, de la mise en place des conventions d'action foncière, les CAFO, du lissage de la fin de la défiscalisation dans le logement libre et intermédiaire, du maintien de la défiscalisation pour les primo-accédants, de la revalorisation des prix plafond, qui approchent les 2 200 euros, de l'éligibilité de la réhabilitation à la défiscalisation et de l'application du dispositif Scellier.
Pour répondre à ces besoins extrêmement importants, monsieur le secrétaire d'État, vous nous proposez une solution qui m'apparaît comme particulièrement dangereuse, délicate et incertaine. Je rappelle que 80 % des 65 000 demandes de logement relèvent du social ou du très social. Or aucune simulation, sauf en Nouvelle-Calédonie, comme l'a relevé Huguette Belo, ne démontre la capacité de ce montage d'atteindre le montant du loyer correspondant à un logement locatif social – 5,60 euros le mètre carré – et encore moins celui d'un logement locatif très social.
L'investissement par la défiscalisation est une initiative privée. Dépendant de la volonté des uns et des autres de participer au dispositif, elle est aléatoire.
Je rappelle que le droit au logement est un droit inaliénable et imprescriptible reconnu par la loi relative au droit au logement, qui donne à l'État une responsabilité d'intérêt public majeure. Or nous risquons d'aller progressivement vers une privatisation du financement du logement social, comme plusieurs de mes collègues l'ont rappelé. Votre engagement, monsieur le secrétaire d'État, d'assurer la constance de l'augmentation sur trois ans dépend de la longévité politique du gouvernement qui prend cette décision. Elle est donc susceptible d'être remise en cause. La tentation de ponctionner sur la LBU pour équilibrer le financement de la politique du logement risque de remettre en cause le principe que vous avez énoncé. C'est la raison pour laquelle il faut sacraliser cette LBU, en la consacrant au financement de la politique du logement social, car la défiscalisation aboutira certainement à des loyers supérieurs à 5,60 euros par mètre carré.
Cela est d'autant plus vrai que la mise à l'index de ceux qui, grâce à la défiscalisation, se substituent à l'État pour les investissements publics, que le durcissement de votre texte sur toute une série de paramètres comme la modification des seuils d'agrément – de 4,6 millions à 1 million puis à 2 millions d'euros –, le plafonnement global des niches, qui intègre désormais le logement social, le caractère très avantageux du dispositif Scellier applicable en outre-mer ainsi que de celui applicable à l'hexagone, risquent de vous empêcher de disposer des 200 millions d'euros que vous souhaitez obtenir par la défiscalisation.
Monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de vous rendre sensible au risque d'une déstabilisation potentielle des politiques du logement social. Celui-ci tient d'abord à nos propres carences locales en matière de politique foncière : il est de notre responsabilité de créer des établissements publics fonciers dans les différents départements, car les politiques de construction sont devenues complexes. On ne peut plus sacrifier une dizaine d'hectares de champs de banane ou de champs de canne pour mener à bien de vastes programmes de construction de logements. Nous sommes désormais obligés de rentrer dans la complexité du foncier et d'apporter des réponses techniques appropriées. Ce risque provient ensuite de la débudgétisation progressive du financement du logement public, au profit – je n'hésite pas à employer ce mot – d'une privatisation potentielle, une évolution qui ne dépend pas directement de la volonté du Gouvernement actuel mais qui a partie liée avec la philosophie qui est déclinée aujourd'hui.
Monsieur le secrétaire d'État, il existe un vieil adage, sans doute issu d'une vieille conception de la colonisation, selon lequel « ce qui ne rapporte pas coûte ». Cela nous renvoie à toute la campagne de dénigrement menée contre « l'outre-mer qui nous coûte cher ».
J'ai déjà évoqué tout ce que nos pays apportent à l'image de la France et à son rayonnement. Toutefois, je refuse le troc, je préfère vous proposer aujourd'hui ou demain de donner une âme aux ambitions de cette loi : une philosophie politique.
Chers collègues, les nations orgueilleuses ont, durant des millénaires, fondé leur développement sur une perception centralisée et verticale de leur unité. Mais à mesure que le monde est devenu monde, ces nations ont dû renoncer à cette verticalité pour mieux vivre la richesse des solidarités latérales et des interdépendances complexes. L'idée de l'Europe se réalise ainsi dans la solidarité et dans l'interdépendance des nations qui la constituent, dans la solidarité et dans l'interdépendance nées de la diversité des cultures, des langues, de visions du monde qui fondent non seulement sa richesse mais le principe même de sa vitalité et de son apport indispensable au monde. L'idée de l'Europe n'est qu'une étape vers l'union globale de toutes les unions possibles. Elle n'est qu'une étape vers ce moment où la conscience-monde sera riche de toutes les nations et cultures que les hommes ont pu produire et qu'ils veulent vivre de manière transversale.
Le métabolisme planétaire n'est pas seulement constitué de grandes dynamiques naturelles, il se fonde aussi sur cette diversité étonnante qui fait l'unité humaine et sans laquelle l'espèce humaine ne saurait affronter les grands défis auxquels elle doit faire face pour sa survie même – et c'est de la survie de ces départements qu'il est question aujourd'hui. Et ce qui est vrai à l'échelle de la planète et des unions de peuples l'est à l'échelle de chacune des nations.
Reconnaître les diversités intérieures, mobiliser les différences, libérer les imaginaires et les créativités, faire chanter les langues et les cultures, respecter les dieux et les croyances, ne tolérer aucune ombre dans les histoires communes et insuffler le sens des responsabilités contre toutes les anesthésies et les apathies, voilà les fondements des nouvelles alliances et du nouveau pacte républicain dont nous avons besoin ! Voilà les valeurs sur la base desquelles la France devrait aujourd'hui repenser ses liens et ses rapports avec les pays que l'on dit d'outre-mer !
Même lorsque nous nous serons accordés sur les mesures économiques urgentes et sur les outils de fiscalité susceptibles de nourrir nos élans, il restera en effet toujours cette nécessité de penser la République nouvelle : une République qui ne craint pas sa diversité mais qui sait en faire un atout ; une République qui ne réduit pas les peuples à des populations mais qui, au contraire, les nomme, les accueille, les stimule et se stimule avec eux dans des liens de solidarité et de responsabilité ; une République qui ne demande pas à choisir entre la sujétion irresponsable ou le largage mais qui assume, dans le respect de l'autre, les solidarités et les responsabilités qui lui viennent de son histoire.
Ce sont ces liens de solidarité et de responsabilité qui donneront du sens à tous les dispositifs que nous pourrions envisager. Pour cela, il faut rompre avec ce cycle infernal des lois financières qui dessinent les contours du développement, et prendre le temps de penser autrement.
Prenons ce temps, monsieur le secrétaire d'État, et réexaminons ce projet de loi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur Letchimy, renvoyer le texte en commission alors que nous examinons la rédaction qui en est issue, en vertu des nouvelles dispositions en vigueur, ne me paraît pas le meilleur moyen pour l'améliorer.
Avec beaucoup de talent et une vision claire de l'avenir, vous avez su nous faire part de votre perspective sur ces nouveaux horizons qui s'ouvrent à nous. J'aimerais pouvoir vous apporter le texte parfait, la loi cathédrale qui règlerait d'un seul coup, en quelques articles, ces problématiques si profondes et si lourdes, si douloureuses quelquefois. Je suis devant vous avec une loi plus humble : plus modeste mais plus pragmatique sans doute. Elle apporte des outils nouveaux qui sont autant de réponses à des sujets qui vous préoccupent, je le sais, qu'il s'agisse du logement de nos compatriotes les plus en difficulté, de l'activité et de la production locales, de l'emploi ou du pouvoir d'achat. Je crois qu'il y a matière à progrès dans le texte du Gouvernement, comme vous avez bien voulu le reconnaître.
Les horizons nouveaux que le XXIe siècle ouvre nécessitent de faire preuve d'imagination et de débroussailler des chemins audacieux. Les états généraux nous en donnent la possibilité et je peux vous rassurer sur la volonté du Gouvernement et du chef de l'État d'en faire un moment de créativité, d'imagination, de rupture avec un passé qui n'a pas toujours été à la hauteur de nos espoirs.
Je n'ai retenu, vous le comprendrez, que le côté positif des appréciations que vous portez sur ce projet de loi. Pour ce qui est des parties qui suscitent vos interrogations, je vous propose que nous travaillions ensemble à les améliorer encore. Vous avez souhaité savoir quelle était la philosophie du texte du Gouvernement : c'est celle de la responsabilité et des efforts partagés. Je suis certain que nous saurons nous retrouver autour de ce combat.
La parole est à M. Gaël Yanno, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
Monsieur Letchimy, sachez que je vous ai écouté avec beaucoup d'attention. Vous avez défendu avec talent et conviction votre motion de renvoi en commission, mais je n'ai pas entendu d'arguments suffisants pour justifier son adoption.
Comme vous le savez, la commission des finances s'est réunie à deux reprises après que la commission des lois et la commission des affaires économiques, saisies pour avis, se sont elles-mêmes réunies. Le 31 mars, nous avons auditionné les deux ministres concernés : Mme Michèle Alliot-Marie et M. Yves Jégo. Le 1er avril, durant près de dix heures, de seize heures jusqu'à deux heures et demie du matin, jeudi 2 avril, nous avons examiné l'ensemble des 453 amendements déposés par des députés de l'ensemble des bancs de cet hémicycle. Nous avons pu, à cette occasion, débattre des différents sujets que vous avez évoqués lors de la défense de votre motion.
Il est temps d'examiner ce projet de loi, adopté en conseil des ministres le 28 juillet 2008, et voté par le Sénat le 12 mars dernier. Nous disposons de tous les éléments pour déterminer notre position vis-à-vis des dispositions proposées par le Gouvernement et amendées par le Sénat, et des amendements présentés par nos collègues députés. Même s'il existe des divergences entre nous, nous sommes parvenus à un accord sur certains sujets, au-delà des clivages politiques. Il me semble donc utile, non seulement pour nos travaux parlementaires, mais aussi pour les populations d'outre-mer, d'engager ce débat aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle je vous propose de ne pas voter cette motion de renvoi en commission.
Dans les explications de vote, la parole est à M. René-Paul Victoria, pour le groupe UMP.
Mes chers collègues, si nous sommes ici, c'est que nous sommes élus d'une circonscription, mais aussi élus de la nation. Et c'est parce que nous sommes élus de la nation française que nous pouvons faire vivre la démocratie. Chacun, quel que soit son territoire d'origine, représente une fraction de la population française dont l'appartenance au peuple français est reconnue par la Constitution au nom d'un idéal de justice, de liberté, d'égalité et de fraternité.
Le texte qui nous est soumis vise à faire progresser davantage l'expression de cette liberté. La démarche engagée depuis 2007 pour enrichir et partager nos réflexions, discuter en commission, de façon que chacun puisse prendre ses responsabilités y participe grandement.
Ce projet de loi permet aussi d'aller vers davantage d'égalité, compte tenu des éléments incontournables et intangibles que sont notre histoire et notre géographie. Il contient des mesures spécifiques adaptées à nos difficultés, à la crise actuelle, permettant à nos entreprises de poursuivre leur développement. C'est en accordant ces moyens à nos entreprises, qu'elles soient grandes, moyennes ou petites, que nous parviendrons à donner à ce texte la dimension sociale qui nous est chère.
En aidant les entreprises, nous aidons ceux qui travaillent déjà à maintenir leur emploi et nous faisons aussi en sorte que des emplois nouveaux se créent demain, pour procurer à celles et ceux qui sont au bord du chemin une activité. En aidant nos entreprises, nous mettons en oeuvre une politique de formation professionnelle, indispensable aujourd'hui. En aidant nos entreprises, nous soutenons aussi les grands secteurs prioritaires que nous avons définis : recherche et développement, technologies de l'information et de la communication, tourisme et activités de loisirs, agronutrition, environnement, énergies renouvelables. Nous discutons donc d'un texte d'une portée exceptionnelle.
Au-delà des notions de liberté et d'égalité, j'espère que nous parviendrons aussi à mettre en oeuvre la notion de fraternité en veillant à ce qu'un ancrage régional permette à chaque bassin de population, à chaque bassin de développement de s'exprimer dans chaque partie du monde, au nom de la France, mais aussi de l'Europe.
Si ce texte n'a pas pour vocation de régler tous les problèmes, il nous garantit la liberté pour bien vivre dans la fraternité et tendre vers une égalité entre tous les citoyens français en respectant les lois de la géographie, de l'histoire et des valeurs humaines qui nous sont chères. Aussi, mes chers collègues, je vous demande de rejeter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, nous devons convenir que le présent texte nous a donné du fil à retordre. En effet, comme il se superpose au précédent, il appelait des vérifications, des renvois, des simulations, de façon à nous assurer que toute mesure nouvelle ou aménagée constituait bien une amélioration pour nos sociétés et nos territoires. C'est ainsi, monsieur le secrétaire d'État, que vous devez entendre les demandes réitérées de procéder à des études d'impact.
Ces difficultés ne sont pas imputables à une perfide manoeuvre de votre part, ni même à d'inconcevables incompétences de notre part. Elles ont une cause plus profonde et plus durable. En effet, lorsqu'il s'agit de légiférer sur l'outre-mer, nous accomplissons l'exercice périlleux de la dérogation à la norme juridique en assumant toutes les ambivalences de cette dérogation à l'identité législative, ambivalences qui sont généralement réglées soit par la durée limitée, soit par le champ corseté de son application.
Et parce que la dérogation ne peut être une norme en soi, puisqu'elle est une exception à la norme, les textes sur les outre-mer sont régulièrement fondés sur un terrain meuble comme les savanes guyanaises, où se mêlent le mouvant de la spécificité et la terre ferme du droit commun.
Pourtant, la réforme constitutionnelle de 2003 a essayé de prévoir des niveaux d'exception à la norme juridique commune : c'est la faculté d'adaptation qui nous était reconnue et qui a été confirmée ; c'est également l'expérimentation qui se trouve écartelée, soit par la généralisation qui finalement invalide ses motifs, soit par l'abandon qui éteint la pertinence de son bien-fondé ; c'est enfin l'habilitation qui sollicite le Parlement, souvent très sensible aux besoins de subsidiarité bien connus des parlementaires élus locaux. Malheureusement, le même Parlement est pris à la gorge par un exécutif qui se montre toujours chicaneur lorsqu'il s'agit de desserrer ou de partager une prérogative. Le constituant comme le législateur sont donc restés au milieu du gué.
Nous n'avancerons pas tant que nous n'admettrons pas que, pour lever l'ambiguïté des relations entre la France et ses outre-mer, il faut deux voies concomitantes : le courage moral de part et d'autre et le projet politique, et la clarté juridique. Et ce n'est nuire ni au principe général d'égalité ni au principe d'indivisibilité de la République que de concevoir, avec la stabilité constitutionnelle plutôt qu'avec les aléas d'un calendrier législatif, les possibilités de choix statutaires tout en réaffirmant le caractère unitaire de l'État plutôt que cette nature subreptice d'État fédéral qui s'ignore, et en reconnaissant aussi non des spécificités mais des réalités géographiques, économiques, culturelles et sociales. Deux constitutions européennes s'y essaient depuis une trentaine d'années, l'espagnole et la portugaise ; ces États n'ont pas sombré.
Pour l'instant, nous sommes dans la difficulté de l'entre-deux et nous devons faire avec, en nous rappelant ce que les députés ont dénoncé à la tribune, à savoir les conditions exécrables dans lesquelles nous avons dû préparer ce débat public. Tout le travail en amont qui a été fait en commission s'est retrouvé dans une impasse, car, à la veille du débat public, nous ne disposions plus de délai pour travailler.
Sept députés vous ont dit clairement hier, et en particulier Jeanny Marc, que l'éloignement de nos territoires des centres de décision ne doit pas servir de prétexte pour que nous soyons transformés en cobayes.
Chaque jour, nous faisons l'expérience de l'initiative, de l'expérimentation. Les personnes les plus vulnérables de nos territoires suppléent tous les jours les absences de l'État et parfois les carences de certains responsables locaux, eux-mêmes confrontés à la nécessité de jongler entre la multiplication des pains – c'est la bonne semaine – et surtout la rigueur des règles.
Nous sommes donc constamment confrontés à ces difficultés, et c'est en ce sens que nous sommes des laboratoires : laboratoires de l'inventivité, du courage, du refus de l'abdication devant l'adversité. Mais nous savons aussi pertinemment que ces grandes qualités, nous les partageons avec des hommes et des femmes, ici et ailleurs, qui refusent les coups du sort, les revers de la nature, les inégalités, les injustices, un monde désespérant d'égoïsme et de morgue.
Il faut revenir en commission, et vous le savez, monsieur le rapporteur, d'autant qu'hier vous nous proposiez à nouveau trois séances de travail.
Ces séances, nous les voulons dans le formalisme de la commission parce que nous n'avons disposé que de quarante-huit heures à peine pour déposer nos amendements, y compris le week-end. Et surtout, le rapport, qui compte plus de 600 pages, a été disponible sur Internet samedi dernier, à treize heures, et dans sa version papier seulement lundi.
Pour ces raisons accessoires et surtout pour les raisons principales de fond méthodiquement présentées par M. Letchimy, je demande le renvoi de ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Mes chers collègues, je suis très heureux de présider cette séance, d'une part, parce qu'il s'agit d'un texte très important sur l'outre-mer, d'autre part, parce que c'est une première dans notre activité : je vais appeler les articles du projet de loi dans le texte de la commission.
Depuis 1958, en effet, c'est la première fois que notre assemblée est appelée à se prononcer, en application du nouvel article 42 de la Constitution, sur la base du texte adopté par la commission et non plus sur celle du texte du projet de loi. C'est donc une petite révolution pour notre mode de travail.
La semaine dernière, la commission des finances a adopté 198 amendements qui sont intégrés au texte que nous examinons aujourd'hui. C'est sur ce texte que portent les amendements, y compris ceux du Gouvernement.
La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
Monsieur le président, vous parlez de révolution, mais nous ne sommes pas allés jusqu'à supprimer l'article 40 de la Constitution.
Vous avez fait observer que de nombreux amendements avaient été examinés – près de 500. En tant que président de la commission des finances, j'ai dû appliquer la non-recevabilité financière à 15 % d'entre eux. Il en reste donc encore beaucoup en discussion.
L'article 40 a été opposé aux amendements qui, soit proposaient l'augmentation d'une charge publique, que ce soit pour l'État, pour une collectivité territoriale ou pour un opérateur public, soit proposaient des diminutions de recettes non gagées par une augmentation de recettes correspondante, soit enfin proposaient une disposition relevant du domaine exclusif des lois de finances ou de financement de la sécurité sociale, comme le précise la loi organique.
Sur l'article 1er A, plusieurs orateurs sont inscrits.
La parole est à M. Pierre Méhaignerie.
Je mesure, comme beaucoup d'autre ici, les attentes, les espoirs et les frustrations des jeunes dans les départements d'outre-mer. Si nous avons un devoir de responsabilité, nous avons également un devoir de vérité. Comme ingénieur agronome, je me suis passionné pour le développement de l'agriculture dans les départements d'outre-mer. Je me suis également intéressé au développement du logement. J'avais emmené l'ensemble des ministres de l'agriculture de l'Europe dans ces départements pour les convaincre de la nécessité d'y aider l'agriculture. Je me rappellerai toujours les propos de certains d'entre eux, à leur départ : « Monsieur Méhaignerie, les surrémunérations du secteur public ne permettront pas le développement du secteur privé, ni économiquement ni moralement ».
Je suis étonné que le problème des surrémunérations du secteur public ne soit jamais abordé ici alors qu'il conditionne le développement économique des départements et territoires d'outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je tenais à le dire au nom de certains de mes collègues qui aiment les départements d'outre-mer.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j'ai souhaité intervenir pour souligner l'importance que j'accorde à cet article, ainsi qu'aux articles 1er B et 1er C.
En effet, ces trois articles, sur les trente-trois que compte le projet de loi – soit deux pages sur les soixante-dix-huit du texte issu de la commission –, traitent des revendications concernant le pouvoir d'achat. Or c'est à partir de ces articles que le projet de loi a quelque chance d'apporter un début de réponse à la détresse des populations d'outre-mer.
Un peu naïvement peut-être, j'estime que nous sommes à l'Assemblée nationale aussi pour répercuter les appels au secours de nos électeurs. Je ne suis pas comme certains qui, après avoir été au premier rang des manifestations à La Réunion, déclarent, une fois arrivés ici – je les ai entendus hier avec surprise – que le projet de loi est excellent et qu'ils le voteront avec plaisir. La moindre des choses, je le répète, serait que nous puissions nous faire l'écho de la détresse de nos populations, une détresse qui ne date pas de la crise.
Dans une question du mois de juin dernier, c'est-à-dire avant le déclenchement de la crise, j'avais appelé l'attention du Gouvernement sur le mal-être de certains habitants de La Réunion ou des autres départements d'outre-mer, et les difficultés qu'ils rencontraient pour vivre. J'avais évoqué ce que, invité par une association caritative, j'avais vu dans un vieux gymnase tristement rebaptisé « Le resto des mangeurs de miettes » : cette association caritative redistribuait à la population des colis alimentaires qu'elle avait constitués à partir des surplus que les supermarchés destinaient au rebus. J'ai vu, non pas des chômeurs ou des RMistes, mais des travailleurs venir prendre furtivement leur colis. C'est dire la détresse d'une partie de la population !
La Réunion est un département français, vous le savez probablement. Or, dans ce département français, plus de 52 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. C'est une réalité. Chacun sait que cela fait dix-huit mois qu'on évoque ce projet de loi, qu'on le présente et qu'on le retire, ce qui eût été acceptable dans une période normale, les ministres se glorifiant, souvent à juste titre, de prendre le temps de la concertation.
Il faut se rendre compte de l'impact que cette loi aura sur les outre-mer, surtout lorsqu'on s'apercevra que l'essentiel n'est pas le triptyque pouvoir d'achat, emploi et économie, mais défiscalisation, exonération, franchise – DEF. C'est un projet économique puisque son objet explicite est de promouvoir le développement économique des outre-mer.
Toutefois, ce texte comporte trois articles relatifs aux pouvoir d'achat. Après mon intervention dans la discussion générale, le secrétaire d'État ainsi que, notamment, M. Diefenbacher, se sont étonnés de la proposition de rendre impérative la réglementation des prix de certains produits de première nécessité. Ce n'est pas que nous voulions revenir à une économie administrée mais, plus simplement, nous ne devons pas raisonner dans cet hémicycle comme s'il s'agissait de n'importe quels départements français. Les économies de nos départements et collectivités d'outre-mer sont gênées par de nombreuses entraves. Je peux accepter d'entrer un instant dans l'habit d'un ultralibéral et convenir de la sincérité de ceux de mes collègues qui promeuvent la concurrence. Malheureusement, cette concurrence n'a jamais été ni pure ni parfaite dans nos départements d'outre-mer en raison de certains facteurs sur lesquels je ne reviendrai pas.
Si je souhaite rendre impérative une réglementation des prix portant sur certains produits significatifs, c'est pour donner un signal fort à tous ceux qui nous écoutent et qui nous regardent.
Monsieur Victoria, vous avez parlé d'égalité, de fraternité et de liberté. Or, m'exprimant au nom de la collectivité de Wallis-et-Futuna, je me permettrai de vous demander si ce texte répond vraiment au souci d'égalité.
Même si la motion de renvoi en commission a été rejetée, je tiens à rappeler que ce projet de loi pour le développement économique des outre-mer est comme une histoire sans fin : nous l'avons attendu une première fois pour en retirer un profond sentiment d'injustice. En effet, après que ses contours eurent été dessinés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009, ce texte à versions multiples est, de fait, conçu pour les départements d'outre-mer. Mieux encore : il a fallu un soulèvement des populations de ces départements contre la vie chère pour se rendre compte du caractère restrictif des dispositions de ce texte et de l'insuffisance de ses mesures incitatives en faveur du développement économique.
Force est de constater que nos collectivités d'outre-mer ne sont concernées que pour une infime partie des dispositifs prévus. On ne peut que regretter ce manque de considération porté à nos îles lointaines, en particulier à Wallis-et-Futuna, comme si nos barrières de corail avaient pour effet naturel d'arrêter les ondes de choc de la crise mondiale. Nos collectivités sont les moins bien loties du projet de loi : c'est pourquoi j'ai le profond sentiment que l'État a programmé son désengagement de l'outre-mer.
Monsieur le secrétaire d'État, vous le savez comme moi, le développement économique de Wallis-et-Futuna n'est pas amorcé et le chômage va s'accélérant. Les effets de la crise accentuent les problématiques existantes, qui étaient jusque-là mineures. Ainsi, la double insularité de l'île de Futuna reste entière : durant un mois, il n'y avait plus aucun avion pour cette île. Les prix demeurent dans tous les secteurs – commerce, carburant, desserte aérienne –encore plus élevés qu'en Guadeloupe. De plus, la majorité de la population ne voit aucune amélioration de son pouvoir d'achat, surtout en ce qui concerne les personnes âgées. Quant au chômage, il touche plus de 50 % de la population. Les chiffres ne sont pas indiqués, mais je puis vous affirmer que seulement 20 % de la population est salariée, alors même que nous ne bénéficions ni du RMI ni du RSA ni d'allocations chômage. Trois cents jeunes sortent chaque année du système scolaire : ils ont des difficultés à trouver du travail sur place et sont obligés de s'expatrier en Nouvelle-Calédonie, voire en métropole. Certains jeunes diplômés, souhaitant travailler sur le territoire, n'ont pas la priorité sur certains postes occupés par des fonctionnaires expatriés. Un accord particulier entre la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna et l'État a, finalement, été signé le 27 mars dernier et, dès le 8 avril, j'ai posé, ici, une question orale au Gouvernement sur la commission de suivi de cet accord. Les actions inscrites dans la précipitation ne me semblent ni rassurantes ni prometteuses pour constituer des solutions durables.
Il s'agit, dans le cadre du projet de loi, de créer des emplois émergents destinés aux jeunes et aux handicapés.
Par ailleurs, en matière de pouvoir d'achat, les aides prévues pour les chantiers de développement, les personnes âgées et les actions de formation professionnelle ne seront pas à la hauteur des besoins. Il est donc urgent, dans le cadre de ce texte, de reconsidérer la collectivité de Wallis-et-Futuna, qui doit faire face à de multiples handicaps structurels.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, il est très important que les articles visant à permettre aux pouvoirs publics de réglementer les prix des produits de première nécessité pour plus de transparence soient votés, au risque de provoquer de grands frissons chez notre collègue Michel Diefenbacher. Il est heureux que les sénateurs aient comblé une grave lacune du projet gouvernemental et que notre commission des finances ait confirmé ces rédactions, auxquelles je proposerai quelques ajouts. Ne pas voter cet article nous ferait passer à côté des principales préoccupations de nos concitoyens d'outre-mer. Cela reviendrait également à nous rendre coupables d'une ignorance fautive à l'égard des revendications portées par les puissants mouvement populaires qui ont animé ces territoires durant plusieurs semaines. Il est temps que le législateur intervienne afin de combattre l'injustice criante que constitue la vie chère dans les collectivités d'outre-mer.
Cela fait des années que les gouvernements successifs font preuve d'un attentisme inacceptable alors que nous savons que les prix élevés ont des causes précises, que j'avais du reste dénoncées dans le rapport d'information de la commission des finances de mars 2007 relatif à la transparence des règles applicables aux pensions de retraite et aux rémunérations d'outre-mer.
Il est temps de faire acte de volonté politique, de mettre fin à ces situations insupportables et rendues d'autant plus dramatiques par la crise que nous traversons.
Je fais écho à ce qu'a déclaré Pierre Méhaignerie : les arguments qu'on nous sert habituellement pour justifier cet état de fait et l'inaction des pouvoirs publics, tels l'éloignement, le coût de l'importation, l'étroitesse des marchés, ne suffisent pas à expliquer pourquoi l'emblématique pot de yaourt, le lait, le gaz, les fruits et légumes peuvent être jusqu'à trois fois plus chers qu'en métropole.
Ces écarts de prix découlent bien plus des situations de monopole, de l'attitude révoltante du patronat local, héritier idéologique et économique des colons esclavagistes – je pense en particulier aux Antilles –, agrippé à ses profits, ainsi que de mécanismes artificiellement construits dont les tenants et les aboutissants sont particulièrement pervers et connus, notamment pour le Pacifique.
Nous pouvons nommer ceux qui s'en mettent plein les poches. Voulez-vous que je vous dise qui est derrière le Nutella, par exemple ? Qui est derrière les médicaments ? C'est connu. Et, face à l'urgence, il est urgent de ne rien faire – principe que les gouvernements ont pratiqué jusqu'à présent.
Les mécanismes en vigueur visent à privilégier les importateurs en place au détriment des nouveaux entrants et à organiser des pénuries pour augmenter les prix de vente des produits locaux. Par ailleurs, l'amplitude injustifiée et injustifiable des marges et, surtout, les situations de monopole ou d'oligopole qui permettent aux producteurs locaux d'aligner leurs prix de vente sur ceux des produits importés, expliquent le prix aberrant de certains produits.
Cette situation nuit au consommateur, qui ne peut choisir qu'entre des produits chers, mais aussi à l'ensemble des économies locales, car les producteurs locaux ne sont pas incités à augmenter leur production. Par conséquent, le niveau anormalement élevé des marges des importateurs et des distributeurs a des conséquences négatives sur le tissu économique local et sur l'emploi.
On comprend donc mal le silence assourdissant des chantres de la concurrence libre et non faussée, qui ne perdent pas une occasion de s'égosiller en métropole mais qui se taisent dès lors qu'il s'agit de l'outre-mer. Il est indispensable qu'une intervention publique sérieuse mette fin aux effets insupportables de ces mécanismes spéculatifs dont résulte la vie chère.
Le taux de chômage dramatique, aggravé par la crise qui frappe de plein fouet les collectivités d'outre-mer,…
…rend d'autant plus urgente une connaissance précise et une réglementation efficace des prix des produits de première nécessité. Au risque de me répéter, on peut résoudre le problème de la vie chère en garantissant le pouvoir d'achat. Comme moi, tous nos collègues d'outre-mer peuvent désigner nommément ceux qui profitent du prix excessif de chaque produit et savent de quelle manière il est fixé. Je pourrais vous parler de celui des oignons en Nouvelle-Calédonie, des melons à La Réunion, des bananes aux Antilles…
Nous en sommes au début de la discussion du texte et en particulier de l'article 1er relatif au pouvoir d'achat. Vous n'êtes pas sans savoir que l'outre-mer vit la crise actuelle avec autant de difficultés que d'autres régions de métropole et du monde.
Malgré cela, nous avons travaillé à pacifier les tensions dans chaque territoire. Je pensais que nous allions vraiment examiner les dispositions du présent projet dans le but de redonner confiance à nos populations et à l'ensemble des acteurs économiques.
J'ai eu l'occasion, ici et ailleurs, de dire notre ras-le-bol : ras-le-bol qu'à chaque discussion budgétaire ou autre, on identifie l'outre-mer à des régions qui bénéficient des niches fiscales, qui bénéficient d'avantages outranciers. Franchement, ce n'est pas rendre service à notre population qui souffre – les petits comme les classes moyennes. C'est peut-être aussi la raison pour laquelle le Gouvernement a voulu mettre en place le revenu de solidarité active : pour rendre à une partie de la population sa dignité par le travail.
Mais on évoque à nouveau la surrémunération, alors que chacun sait que nous sommes ouverts à la discussion sur le sujet. Lorsqu'il s'est agi de l'indemnité temporaire de retraite, nous avons discuté avec le secrétaire d'État dans le but de modifier le dispositif en vigueur. Or, aujourd'hui, on allume le feu. Que veut-on pour nos territoires et nos départements ? Que, demain, les émeutes reprennent de plus belle ? Que le feu se propage tous azimuts ?
Il serait criminel, aujourd'hui, dans cet hémicycle, de vouloir réveiller des démons alors que l'État a créé un observatoire qui, même s'il n'a pas encore trouvé sa vitesse de croisière, s'est bien mis au travail. L'État a mis en place des commissions, nommé des experts pour étudier la formation des prix, notamment celui du carburant. Nous nous préparons pour ces états généraux sans tabou, pour reprendre les mots du Président de la République.
À qui donc profite le crime ? Je me pose la question. Au moment des explications de vote sur la motion de renvoi en commission, j'ai évoqué l'histoire et la géographie. Seulement, sommes-nous comptables de ce que nos aînés nous ont laissé ? Peut-être que, forts de notre richesse, de notre identité, nous allons proposer un nouveau modèle de développement à notre jeunesse.
Alors, plutôt que d'accuser l'autre, plutôt que de sortir le fusil pour l'assassiner, je préfère travailler en tentant de résoudre les problèmes, de redonner espoir à notre jeunesse, de redonner confiance aux acteurs économiques et de faire en sorte que vive la France !
Le présent article est la conséquence directe des accords conclus dans les départements d'outre-mer à la suite d'événements qui ont trop duré. Le texte initial ne comportait pas les dispositions prévues par cet article. Si je me permets de le rappeler, ce n'est pas pour le reprocher au secrétaire d'État puisque ce n'est pas sous son autorité que le projet initial fut soumis au Sénat mais sous celle d'un autre dont on dit qu'il nourrit de grandes ambitions ministérielles dans un secteur au demeurant aussi important que délicat. Or un tel manque d'anticipation concernant son domaine de compétences de l'époque laisse mal augurer de son action dans le domaine visé – l'agriculture – qui, aujourd'hui, nécessite une politique responsable et non provocatrice.
Je souhaite répondre à Pierre Méhaignerie mais pas dans les mêmes termes que M. Victoria qui a tenu, me semble-t-il, à l'encontre du président de la commission des affaires sociales, des propos un peu durs puisqu'il a parlé de « crime », de « sortir le fusil », de « mettre le feu », d'« encourager les émeutiers » – autant d'expressions excessives. Pour ma part, je n'ai pas entendu d'appel à l'émeute ni à l'incendie dans les propos de M. Méhaignerie mais plutôt constaté soit des reproches, soit des regrets, soit une tentative de légitimation.
Des reproches qui seraient adressés aux députés de l'opposition qui, depuis 1958, n'ont été majoritaires que pendant quinze ans, c'est-à-dire relativement peu de temps. Il est vrai néanmoins que nous n'avons pas modifié un système objectivement inflationniste puisque les surrémunérations reviennent à répondre à une offre d'évidence excessive. Voilà le reproche que ferait M. Méhaignerie à la gauche.
Des regrets, ensuite, qui concernent la période qui se situe entre l'époque où Pierre Méhaignerie, avant d'entamer une brillante carrière politique, était ingénieur agronome, et son intervention sur le présent article. Il lui est arrivé en effet d'être un membre important du Gouvernement, avant de devenir président de la commission des finances et, aujourd'hui, président de la commission des affaires sociales. J'ai donc perçu dans ses propos comme des regrets de n'avoir pu, alors qu'il exerçait des responsabilités ministérielles, agir comme le lui dicte aujourd'hui sa conscience, ou bien de n'avoir pu convaincre ses collègues.
À moins, dernière hypothèse, qu'il ne s'agisse d'une légitimation qui imputerait à la dépense publique, en France en général et en métropole en particulier, aujourd'hui dans les départements d'outre-mer, une des raisons de la situation grave que connaît le pays. Or c'est précisément parce que la dépense publique est ce qu'elle est que la France souffre de la crise plutôt moins que ses voisins. Les mêmes qui dénonçaient, à l'époque, l'assistanat social, parlent aujourd'hui d'amortisseurs sociaux et de solidarité. Avant de dénoncer la dépense publique, peut-être convient-il de bien en mesurer les effets positifs quand la situation est difficile et que certains de nos concitoyens l'éprouvent tous les jours.
Rappelez-vous, monsieur Méhaignerie, que le déficit budgétaire sera cette année de 105 milliards d'euros et que le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne permettra une économie que de 500 millions d'euros. Avant d'attribuer à la dépense publique la responsabilité de nos maux, tâchons de voir la réalité avec davantage de lucidité que M. Victoria dont les propos, je le répète en présence de notre collègue Méhaignerie, me paraissent excessifs.
En somme, s'il n'y a ni reproche pour nous ni regret pour lui-même et ses amis dans son discours, alors peut-être M. Méhaignerie s'est-il bien lancé dans une tentative de légitimation qui, de toute façon, ne paraît pas opportune au moment où nous examinons ce texte.
Nous abordons la partie du texte consacrée au pouvoir d'achat et la première remarque à laquelle nous avons eu droit a concerné la surrémunération, donc le supplément de vie chère. J'aurais pu me lancer dans une tirade idéologique et contester les propos tenus par notre estimé collègue Méhaignerie.
J'entends en effet ces arguments depuis de longues années, même lorsque j'étais étudiant. Il n'existait qu'une seule étude économique, celle de Bernard Mendès France, le fils de Pierre Mendès France. Elle concernait l'île de La Réunion. Un tableau entrée-sortie devait permettre de vérifier l'impact du supplément de vie chère et de mesurer l'efficacité d'un franc introduit dans telle ou telle filière et d'apprécier ce qu'il rapportait en termes de valeur ajoutée.
Jusqu'ici, il n'a jamais été prouvé, par des études crédibles et largement diffusées, que le supplément pour vie chère serait à l'origine du non-développement de nos régions et qu'il « siphonnerait », si j'ose dire, les talents, dans la mesure où il les inciterait à se porter de préférence vers le secteur public en laissant le secteur privé dépourvu.
D'ailleurs, dans ce dernier, il existe des conventions collectives et des accords professionnels, voire interprofessionnels, qui majorent les salaires de 30 à 40 %.
Notre collègue Brard l'a dit excellemment, il y a – et c'est un beau mot créole – « profitation ». Contrairement à ce que l'on dit, ce n'est pas le supplément pour vie chère qui entraîne la cherté de la vie. C'est une pétition de principe idéologique, c'est se laisser prendre à un prisme théologique que de croire que ce sont d'abord les salaires qui sont la cause de la profitation, que ce sont d'abord les salariés qui sont les fauteurs d'inflation. Ce n'est pas vrai.
Ensuite, je ne suis même pas sûr que les dépenses et transferts publics contribuent à une dynamique inflationniste autoentretenue. Les mécanismes de formation des prix, dans nos régions, sont faussés. Notre collègue Brard l'a dit également, lorsqu'on importe en région insulaire, lorsqu'il y a oligopole ou oligopsone, lorsqu'il y a peu d'« offreurs », et parfois peu de demandeurs, comment voulez-vous que la loi de l'offre et de la demande joue ?
Pourtant, certains viennent nous dire que, lorsqu'il y a « profitation », ce sont très certainement les salariés, et en particulier ceux du secteur public, qui seraient à l'origine de la vie chère en Guadeloupe et dans les outre-mer en général. En réalité, ce sont les mécanismes de formation des prix, ce sont les circuits, ce sont les privilèges, c'est l'inertie de l'État qui en sont cause, et ce depuis toujours. On a laissé faire.
Je rappelle qu'en 1952, c'est l'État lui-même qui, reconnaissant que le coût de la vie était plus élevé pour les fonctionnaires qu'il envoyait chez nous, a décidé d'octroyer ce supplément pour vie chère. Il a fallu, comme il n'y a pas si longtemps, des grèves générales, la même année, pour que soit généralisé ce supplément, qui constituait un élément de discrimination insupportable. On reconnaissait alors le niveau élevé du coût de la vie. Aujourd'hui, c'est pire encore. Car depuis lors, des mécanismes autoentretenus, des accélérateurs sont venus aggraver ces inégalités et ces injustices.
De grâce, attaquons-nous d'abord aux mécanismes de formation des prix, aux circuits, aux profits, aux marges bénéficiaires, et discutons du pouvoir d'achat d'où qu'il vienne, au lieu d'entretenir ce mythe selon lequel le supplément pour vie chère serait à l'origine des problèmes que nous connaissons dans nos régions.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les propos de notre collègue Pierre Méhaignerie. Je dois dire mon désarroi devant ce qui a pu être dit. Nous sommes en train de discuter d'un texte important, à vocation économique, pour l'ensemble de l'outre-mer. Et ce n'est pas rendre service aux outre-mer que de tenir de tels propos sur les prétendues « surrémunérations ». Ce discours a été tenu depuis de nombreuses années, notamment par notre collègue, et il porte atteinte à la légitimité même de ce que nous pouvons représenter.
Je veux dire ici toute ma désapprobation, et rappeler que ce texte renvoie aux articles 73 et 74 de la Constitution, qui autorisent le recours à des instruments spécifiques.
Je voudrais également rappeler à notre collègue que la départementalisation engage les outre-mer, mais aussi la France.
Si nous voulons aller de l'avant, nous n'y parviendrons pas en remettant en question ces droits acquis. Ce n'est en tout cas pas de cette manière que nous nous grandirons.
Je rappelle à mon collègue Jean-Claude Fruteau que les mouvements qui ont eu lieu à La Réunion, notamment le 5 mars dernier, exprimaient notre désarroi face à la vie chère. Il s'agit ici d'un débat économique, et il n'y a pas lieu de faire des amalgames, qui relèvent d'une approche purement médiatique.
Nous en venons à l'examen des amendements à l'article 1er A.
Je suis saisi d'un amendement n° 333 .
La parole est à Mme Jeanny Marc.
Cet amendement répond à un souci de clarté et de cohérence. Il convient à nos yeux de codifier, en l'insérant dans l'article L. 410-2 du code de commerce, cet alinéa qui vise à réglementer le prix de vente des produits ou familles de produits de première nécessité bénéficiant d'une situation de monopole. Il faut autoriser l'exécutif à déroger au principe de la libre concurrence, comme le permet l'article 349 du traité de Lisbonne, ratifié par la France. Cet article est plus récent, et plus avantageux que le paragraphe 2 de l'ex-article 299 du traité instituant la Communauté européenne.
Nous ne sommes pas ici, je le rappelle, pour valider des intentions ou approuver des mesures, mais pour écrire ou modifier la loi.
Ce titre Ier A, « Soutien au pouvoir d'achat », n'était pas dans le projet de loi initial, adopté en conseil des ministres en juillet 2008. Il a été introduit par le Sénat. Nous examinons donc trois articles, dont l'article 1er A donne effectivement à l'État la faculté, et non l'obligation, de réglementer, après avis des conseils régionaux, dans toutes les collectivités d'outre-mer où il a compétence dans ce domaine, les prix des familles de produits de première nécessité qu'il aura déterminées avec la collectivité territoriale concernée.
D'une part, l'amendement de Mme Marc restreint le champ d'application de cette disposition à certaines collectivités, alors que l'article, lui, s'applique à toutes les collectivités où l'État a compétence en matière de réglementation des prix.
D'autre part, la rédaction proposée ne permet pas la consultation des conseils régionaux.
L'avis de la commission est donc défavorable.
Nous souscrivons sur le fond aux remarques faites par Mme Marc, mais nous rejoignons l'avis de la commission. La rédaction proposée n'apporterait rien à celle qu'a adoptée le Sénat. Elle nous semble donc redondante. Or, la loi se doit de ne pas être bavarde, et d'être le plus synthétique possible. Avis défavorable, par conséquent, d'autant que cet amendement risque de restreindre le champ d'application de l'article, comme l'a relevé le rapporteur.
Nous partageons tous la préoccupation de Mme Marc. Mais aux observations qui ont été faites, j'en ajouterai deux.
La première est que l'intention de Mme Marc, qui est de bien décrire les spécificités de l'outre-mer, conduit à une rédaction qui n'est pas complètement satisfaisante. Ainsi elle ne correspond pas, par exemple, à la situation de la Guyane, qui n'est pas insulaire, et dont la superficie n'est pas faible. Il y a là quelque chose qui me gêne.
Deuxième observation, qui complète d'ailleurs une remarque du rapporteur, l'amendement de Mme Marc ne mentionne pas l'avis du conseil régional. Même, il ne mentionne pas la possibilité d'une réglementation particulière à chacun des départements d'outre-mer, alors que cette préoccupation est prise en compte dans la rédaction que la commission a approuvée.
Pardonnez-moi, monsieur Diefenbacher, mais, que je sache, la Guyane, même si elle est continentale et non insulaire, fait partie des régions ultrapériphériques mentionnées dans l'article 349 du traité de Lisbonne.
J'ajoute, monsieur le secrétaire d'État, que nous avions dit que nous allions lutter contre la profitation. Or, la mesure proposée par cet amendement permet de lutter contre le monopole.
(L'amendement n° 333 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 384 .
La parole est à M. Jean-Claude Fruteau.
Cet amendement propose de remplacer, dans le texte adopté par la commission des finances, les mots : « peut réglementer », par le mot : « réglemente ». Vous n'en serez pas surpris : c'est cohérent avec ce que j'ai dit tout à l'heure dans mon intervention sur l'article.
La situation sociale dans laquelle se trouve une majorité des populations d'outre-mer fait, me semble-t-il, obligation à l'État d'intervenir pour rétablir une certaine justice sociale, pour geler les marges des entreprises, des distributeurs, sur un certain nombre de produits.
Il est bon que le texte adopté par la commission des finances ouvre la possibilité de le faire. Mais ce n'est qu'une possibilité. Ce n'est pas avec une « possibilité », après laquelle il faudra courir pendant des mois et peut-être des années, que l'on arrivera à faire baisser le coût des produits de première nécessité.
On m'opposera, comme je l'ai déjà entendu hier, que la disposition proposée constitue une atteinte au libre jeu de la concurrence, et qu'il faut compter sur celle-ci pour faire baisser les prix, etc. Il se trouve, et je l'ai déjà dit, que cette concurrence n'existe pas dans nos départements. Dès lors, laisser les choses suivre leur cours, c'est se condamner à l'immobilisme.
Cette mesure est drastique, je le reconnais, mais elle me paraît être le seul moyen de faire baisser le prix d'un certain nombre de produits de première nécessité. Cela heurte sans doute quelques idéologies, l'ultralibérale mais peut-être aussi celle de certains de mes amis. C'est possible. Mais je pense que ce qui importe, c'est d'envoyer un signal fort et de parvenir véritablement à une baisse des produits de première nécessité. C'est la première réponse à apporter à la crise qui frappe une grande partie de nos populations.
Nous partageons tous ce souci de soutenir le pouvoir d'achat, notamment celui de nos compatriotes d'outre-mer. C'est bien dans cet esprit qu'a été rédigé l'article 1er A. C'est bien aussi dans cet esprit que le Gouvernement a émis un avis favorable quand le Sénat a souhaité l'adopter. Nous sommes donc rassurés sur les intentions du Gouvernement.
Nous souhaitons lui laisser la faculté de réglementer dans ce domaine. Il me paraît excessif de transformer cette faculté en obligation. Le Gouvernement réglementera après avis des conseils régionaux. Le secrétaire d'État nous a rappelé qu'il partageait le souci de soutenir le pouvoir d'achat.
La rédaction retenue dans le texte de la commission – « peut réglementer » – paraît suffisante. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
C'est aussi – mais cela ne surprendra pas M. Fruteau – un avis défavorable.
En premier lieu, des accords ont été conclus sur le terrain et ils varient selon les départements. Certains concernent des produits, d'autres des familles de produits ; certains des centaines de produits, d'autres davantage. C'est plus dans l'initiative locale que se trouve une partie des réponses que dans une mesure trop impérative.
D'autre part, qui dit prix réglementé dit compensation des marges, par le contribuable, aux fournisseurs, c'est-à-dire, en l'occurrence, à la grande distribution. L'exemple du prix de l'essence l'a bien montré : à terme, une réglementation, qui finit toujours, un jour ou l'autre, par n'être pas forcément maîtrisée comme il serait souhaitable, aboutit en fin de compte à l'exact contraire de ce que vous souhaitez, monsieur le député. Que la disposition proposée ait pour effet de faire financer les marges des sociétés de grande distribution par de l'argent public, vous avouerez que ce serait un paradoxe assez surprenant.
Le Gouvernement travaille avec la grande distribution. Il souhaite, après avoir demandé à l'Autorité de la concurrence un avis sur la formation des prix, reformater le système. Il souhaite mettre en place des procédures de contrôle. Et c'est seulement si nous n'arrivons pas à obtenir ainsi des baisses significatives et durables sur les produits de première nécessité que le Gouvernement usera de cette possibilité que lui donne l'article 1er A.
La position de la commission est équilibrée, raisonnable. Je comprends parfaitement à quoi vous appelez à travers cet amendement, mais le Gouvernement y est défavorable, car cela aurait, me semble-t-il, aujourd'hui plus d'inconvénients que d'avantages.
Je suis assez étonné par les arguments et par l'exemple utilisés pour justifier l'inertie du Gouvernement.
Nous sommes moins exigeants que l'article L. 410-2 du code de commerce, qui prescrit de réglementer. Vous remplacez ce que j'appellerai un « impératif » par un « facultatif ». Nous ne comprenons pas la frilosité du Gouvernement, à moins que ce refus de contrôler des marges ne procède d'une position idéologique.
Si vous faites le calcul par rapport à ce qui se pratiquait avant l'ordonnance Balladur de 1986 qui a porté libéralisation des prix, sauf pour huit produits, dont le carburant, vous constatez une explosion des marges de « profitation ».
Je suis président du conseil régional. Ce dernier décide de la tarification en matière d'octroi de mer. Vous nous avez demandé, monsieur le secrétaire d'État, de baisser cet octroi de mer sur des familles de produits – soit des milliers de produits. Nous avons discuté de ce point et nous avons travaillé en bonne intelligence. En contrepartie, vous deviez faire un geste sur la TVA – nous y reviendrons tout à l'heure.
Nous avons fait un effort considérable, afin de baisser les tarifs de l'octroi de mer sur des centaines de familles de produits, qui représentent des milliers de produits. Mais il n'y a que deux contrôleurs à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Sans contrôle des prix et sans réglementation impérative au moins pour ces centaines de produits, pour ces familles de produits, comment les décisions prises à l'Assemblée nationale pourront-elles être respectées et exécutées ?
Nous travaillons pour les marges de ces entreprises-là. Pour quelques produits emblématiques placés en tête de gondole, des centaines et des centaines d'autres subiront des augmentations subreptices et clandestines, que personne ne pourra contrôler. Seule une réglementation, conformément aux prescriptions du code de commerce, me semble être de nature à répondre à l'objectif du législateur.
Mon cher collègue, nous n'avons pas la même lecture de l'article L. 410-2 du code de commerce, qui précise qu' « un décret en Conseil d'État peut réglementer les prix après consultation de l'Autorité de la concurrence ». Le code de commerce ne va donc pas plus loin que l'article 1er A.
Je pense que la réglementation des prix doit être l'extrême limite, l'exception, lorsque l'on ne peut pas faire autrement. Laisser croire que des économies réglementées sont des économies où l'inflation et les marges sont plus faibles, est, à terme, une erreur. Il vaut mieux organiser la concurrence plutôt que de réglementer un nombre important de prix.
C'est la raison pour laquelle la rédaction initiale de l'article 1er A me paraît satisfaisante.
Monsieur le secrétaire d'État, décidément, ce qui s'est passé au mois de février vous a assagi, et vous avez découvert le compassionnel.
Vous dire la vérité, messieurs, vous tendre le miroir pour vous montrer à quel point vous êtes horribles lorsqu'il s'agit de venir en aide aux gens modestes vous gêne ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Oui ! la « profitation » a des soutiens sur vos bancs. Vous le dire vous fait enrager, mais il faut bien que certains vous le disent, puisque c'est la vérité.
M. Jégo est patelin – zen, diraient les jeunes –, mais il ne cède rien. Les termes « réglemente » et « peut réglementer » ne sont pas équivalents. Il n'est jamais excessif de vouloir protéger efficacement les consommateurs des DOM. Il ne suffit pas de leur affirmer : « Nous partageons votre préoccupation et nous sommes d'accord avec vous. » L'amour, chez vous, reste platonique. Nous, nous vous proposons de consommer (Sourires), si j'ose dire.
Vous voulez vous en remettre à l'initiative locale et c'est très habile de votre part. Sinon, vous avez peur que ne s'affirment des préoccupations communes et que ne se dégagent des solutions qui soient un dénominateur commun de haut niveau. En vous en remettant à des solutions locales, vous espérez protéger plus efficacement les privilégiés, …
Un député du groupe UMP. Vive le Gosplan !
…dont vous êtes – que vous le vouliez ou non – les fondés de pouvoir, même s'il faut reconnaître que certains d'entre vous ont l'oreille moins dure que les Békés que nous avons vus à l'oeuvre en Guadeloupe pendant le mouvement social. Nous avons parfaitement compris que certains, faute de précéder le mouvement, ont essayé de le suivre, sans se laisser trop distancer.
Mais la réglementation, c'est plus de justice. Vous savez que, en l'espèce, la liberté est celle du renard dans le poulailler. Vous êtes avec le renard, nous avec les poules, qu'il faut protéger.
(L'amendement n° 384 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 385 .
La parole est à M. Jean-Claude Fruteau.
Dans la ligne de l'amendement précédent, vous comprendrez que je souhaite modifier légèrement l'article 1er A, en substituant aux mots « de produits ou de famille de produits », les mots : « d'au moins cent familles de produits qui forment un total qui ne peut être inférieur à cinq cents articles. »
Cette proposition est issue de la plate-forme revendicative du collectif des organisations syndicales, politiques et associatives de la Réunion. La réglementation des prix, impérative ou facultative – elle sera facultative compte tenu de votre vote –, doit laisser au consommateur le choix d'acheter des produits de première nécessité d'entrée de gamme ou non, sachant que, malheureusement, les produits alimentaires d'entrée de gamme sont plus caloriques et moins nutritifs que les autres.
Il s'agit, d'une part, de répondre aux demandes formulées par les collectifs et, d'autre part, de répondre efficacement à la détresse sociale et aux difficultés rencontrées par la majorité des Réunionnais – je ne répéterai pas les arguments développés sur l'article.
L'amendement vise à réglementer les prix d'un nombre minimal de familles de produits – cent familles représentant cinq cents produits –, tandis que la rédaction initiale laisse au Gouvernement la possibilité, en accord avec le conseil régional, de déterminer, par collectivité territoriale d'outre-mer, la gamme de produits et de familles faisant l'objet d'une telle réglementation.
Il faut conserver une certaine souplesse en la matière et laisser la possibilité aux conseils régionaux de rendre les avis qu'ils souhaitent, de conseiller comme ils l'entendent le Gouvernement pour adapter aux particularités de chaque collectivité territoriale d'outre-mer la liste des familles de produits nécessaires à soumettre à cette nouvelle réglementation.
La commission est défavorable à cet amendement.
Monsieur Lurel, je tiens à vous rassurer : il y a une différence entre réglementer et contrôler.
Je confirme que le Gouvernement souhaite mettre en place, notamment par la réforme de la direction départementale de la concurrence et de la répression des fraudes, les moyens de contrôler les modalités de formation des prix, pour lutter contre les abus, les dérives, les marges arrière, afin que tout puisse être transparent. Sans doute la transparence est-elle le meilleur gage de la baisse des prix, avec la concurrence. Il n'y a donc pas d'ambiguïté sur notre volonté.
Lorsqu'il y a réglementation des prix, le Gouvernement fixe le prix de vente. Dans ce cas, il est obligé d'engager une négociation avec le fournisseur et avec le distributeur. Si le prix de vente n'est pas à la hauteur des marges du distributeur ou du fournisseur, il faut compenser. C'est tout le débat que nous avons sur l'essence. Nous avons tous pu voir que l'utilisation de ce dispositif nécessitait d'être parfaitement encadrée.
Nous sommes donc défavorables à cet amendement. Monsieur Fruteau, je reconnais toute la logique de votre position, mais vous ne laissez pas assez de souplesse. Fixer obligatoirement le nombre des produits à cent risque de nous condamner à un blocage dans le cas où la discussion nous permettrait d'aboutir sur quatre cents produits et où il n'en resterait que trente ou quarante à réglementer. Je comprends votre souhait, mais je crois que la loi doit rester la plus souple possible.
L'arme existe, elle figure dans le texte. Elle doit nous permettre, ajoutée aux outils de mesure et de contrôle de l'État, de disposer de tout ce qui est nécessaire pour aller dans le sens de la baisse de prix, pas seulement pour les articles de première nécessité, mais aussi pour les biens de consommation les plus courants.
Le chiffre « cent » a été avancé lors d'un certain nombre de conflits, je le reconnais. Mais n'oublions pas qu'il y existe environ 16 000 références dans un supermarché. Il ne faut donc pas nous interdire un effort qui irait au-delà de ce que vous prévoyez.
L'arme que nous donne cette loi nous permet d'avancer plus efficacement et plus loin. Le Gouvernement, comme la commission, est donc défavorable à cet amendement, dans un esprit à la fois de contrôle et de transparence.
J'interviens pour la première fois dans ce débat et je dirai que j'ai le sentiment, en tant que métropolitain, que nos collègues d'outre-mer sont soumis à une double peine.
Premièrement, ils se heurtent au problème du pouvoir d'achat, dont nous continuerons à parler tout au long du débat et dont il sera également question pendant les états généraux. Mais, en corollaire, l'activité économique est largement pénalisée dans ces territoires du fait qu'en métropole, chacun a maintenant pris conscience que les produits alimentaires y étaient très chers, ce qui incite à passer ses vacances ailleurs.
Par ailleurs, je n'ai pas vu de contradiction entre les propos du rapporteur et ceux de M. Fruteau, qui n'a pas dit que l'on fixait dans la loi les cent familles de produits concernées. Au contraire, il a bien précisé qu'il pouvait s'agir de cent familles différentes à la Réunion, en Guadeloupe et en Martinique.
Il n'y a pas de différence entre vous, mais simplement le fait que, comme d'habitude, la majorité cherche à trouver, ainsi que l'a dit le secrétaire d'État, des souplesses pour pouvoir monter une « sauce » à sa convenance et essayer de lâcher le moins possible.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez évoqué la DGCCRF, mais encore faudrait-il lui donner des moyens. Rapporteur, pour la commission des affaires économiques, des crédits de la consommation, j'ai fait observer qu'elle en manquait cruellement. Je ne suis pas sûr qu'en ajoutant sans cesse à ses missions, vous ne la mettiez pas hors d'état de les assumer toutes comme il convient.
Monsieur le secrétaire d'État, vous parlez de contrôler les abus mais vous dites également que l'État devrait verser des compensations. En quoi ces compensations se justifieraient-elles s'il y a abus ? Il faut que la DGCCRF mette fin à ceux-ci. Ce n'est pas le rôle de la puissance publique de toujours payer.
Un certain nombre de monopoles se sont constitués. Tout le monde cherche à comprendre pourquoi il y a de tels écarts de prix entre métropole et outre-mer. Chacun sait que ce n'est pas simplement en raison de l'éloignement, mais parce que ces monopoles existent.
La DGCCRF sera-t-elle habilitée à lutter contre ces monopoles et pas simplement à contrôler les abus ? Telle est la question. Monsieur le secrétaire d'État, il faut une règle pour pouvoir contrôler les abus. Tant que vous ne l'aurez pas définie, il n'y aura pas de contrôle. Il faut mettre fin aux abus et, pour cela, se mettre en mesure de comprendre ce qui se passe réellement dans le processus de fixation des prix.
Vous avez tenté, monsieur le secrétaire d'État, de disqualifier la réglementation et, dans une moindre mesure, le contrôle – ce dernier n'étant pas, selon vous, à mettre sur le même plan. La réglementation, avez-vous dit, ne donne pas de résultat. Vous en avez voulu pour preuve les dérives que nous avons connues suite à la réglementation relative aux carburants.
Ce n'est pas, nous le savons tous outre-mer, le principe de l'arrêté préfectoral qui est en cause, c'est le fait que les préfets n'ont pas la maîtrise dans ce domaine. La technostructure des compagnies pétrolières a, en fait, par le biais d'une formule ésotérique et compliquée, barre sur les fonctionnaires d'État. Voilà d'où proviennent les dérives. Le principe de la réglementation n'y est pour rien.
Notre collègue Fruteau définit une sorte de périmètre minimal en proposant de réglementer les prix d'au moins cent familles de produits qui forment un total ne pouvant être inférieur à cinq cents articles. Or c'est justement un point qui me pose problème en tant que président d'une collectivité, car cela réduira le format de l'accord général – 165 articles – que nous avons passé avec les organisations syndicales et de consommateurs. Nous nous sommes, en effet, tous engagés à faire des baisses de prix sur des milliers de produits.
Selon l'économie générale de ce texte, nous allons réglementer et, peut-être, contrôler – cela reste une faculté, quelque chose de « platonique ». Bref, nous contrôlerons peut-être une centaine de produits et vous me demandez, comme j'en ai pris l'engagement devant la population de mon département, de faire des baisses sur des milliers de produits, qui ne feront l'objet d'aucun contrôle ? Cela signifie la poursuite de la « profitation » et l'explosion des marges des distributeurs. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'État, m'aider à résoudre cette contradiction ?
Notre débat prend un tour irréel ! Nos collègues de l'opposition tentent, en effet, de démontrer que notre famille politique défend les monopoles. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Au contraire, nous sommes on ne peut plus favorables, partout, au développement de la concurrence.
S'agissant de l'amendement dont nous sommes saisis, si nous nous engageons dans la voie d'une réglementation et d'un contrôle obligatoires, nous faisons, en réalité, le choix de la « boulimie » de réglementation et de contrôle. Bref, de l'embouteillage de nos administrations. Combien de produits ou de familles de produits faudra-t-il contrôler ? De grâce, laissons l'administration, en liaison avec le conseil régional, déterminer, dans chacun de ces départements, le nombre de produits qui devront faire l'objet d'une réglementation et de contrôles.
L'amendement n° 385 est d'ordre réglementaire. Par conséquent, il n'a pas sa place dans le projet de loi.
L'État ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes pour renoncer à exercer ses responsabilités, monsieur Diefenbacher.
Depuis quelques jours, aussi bien en commission que dans l'hémicycle, on nous accable d'un sophisme : le prix administré n'a pas empêché les abus, il ne serait donc pas efficace. La raison de l'échec tient bien plutôt à une incapacité de l'État, pour mille et une raisons, notamment faute d'expertise disponible, mais également faute de rigueur et d'exigence, car il aurait pu réclamer cette expertise. Voilà pourquoi nous avons été confrontés à cette situation. Il est pour le moins étonnant que vous n'intégriez pas cette donnée dans vos raisonnements. Pour vous, il s'agit de revenir à la situation antérieure et de nier les événements qui se sont déroulés dans les outre-mer, à savoir une mobilisation longue, forte, crédible et responsable et, surtout, la mise en cause de pratiques devenues ordinaires dans ces sociétés.
Face à ces pratiques, l'État se contentera-t-il, une nouvelle fois, de proclamer des credo, une nouvelle religion sur la négociation – on peut d'ailleurs se poser la question de savoir pourquoi il n'a pas négocié plus tôt – ou devons-nous considérer que cet État a une responsabilité ?
Pour vous, la responsabilité incombe au prix administré et vous êtes même allé, monsieur Diefenbacher, jusqu'à prétendre que la libéralisation des prix en métropole a conduit à leur baisse. Par conséquent, selon votre logique, les prix administrés provoquent l'inflation. Non ! Le prix administré est de la responsabilité de l'État. Dans des situations de monopole, la responsabilité de l'État vis-à-vis des citoyens est de les garantir contre tout abus. Or le prix administré a fonctionné comme un filet de sécurité. M. le secrétaire d'État en convient, au demeurant. Toutefois, il déclare que le prix administré aboutit à faire payer des marges par le consommateur. Tel n'est le cas que si l'État prend acte des prix déterminés par l'entreprise de monopole et qu'il valide ces prix par un prix administré. Il trahit alors le consommateur et l'oblige à financer la marge de l'entreprise monopolistique. Mais, si l'État considère, au contraire, que son rôle est d'amortir et de tempérer les abus inévitables en situation de monopole, le contrôle se fera plus en amont, évitant ces situations.
Des mesures ont été prises dans de nombreux pays européens, notamment en Espagne. Les États qui s'assument en tant que tels et qui se posent la question de leur responsabilité à l'égard de la société, de l'État de droit et de l'égalité entre citoyens, ces États conçoivent leur intervention dans l'économie de façon à garantir les conditions de juste prix afin que de ne pas fragiliser davantage les revenus les plus vulnérables.
(L'amendement n° 385 n'est pas adopté.)
(L'article 1er A est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 325 portant article additionnel après l'article 1er A.
La parole est à Mme Jeanny Marc.
En janvier et février derniers, la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion ont traversé une crise sans précédent liée à la situation de monopole des grands groupes de la distribution. Mon amendement vise à empêcher les opérations de concentration au terme desquelles les entreprises ou des groupes de personnes concernées détiendraient ensemble une part de marché, exprimée en chiffres d'affaires, de plus de 25 %.
Si nous voulons lutter contre la « profitation », il convient d'adopter ma proposition.
Avis défavorable. Mon argumentation vaudra pour cet amendement et pour les suivants, jusqu'à l'amendement n° 386 rectifié inclus.
L'article 1er A du titre Ier A, intitulé « Soutien au pouvoir d'achat », prévoit une réglementation des prix. L'article 1er B vise à améliorer la concurrence en rendant les prix entre métropole et outre-mer plus transparents. Avec l'article 1er C, il s'agit de prendre acte des accords négociés aux Antilles permettant l'exonération de charges sociales en cas de versement d'un bonus.
Là, il s'agit d'un autre sujet et, si nous le traitions, la motion de renvoi en commission consistant à demander davantage de temps pourrait se justifier car cela exigerait un vaste débat sur la formation des prix pratiqués outre-mer, comme du reste en métropole, ainsi que sur le rôle respectif des grandes surfaces et du petit commerce, ou sur la concurrence dans l'urbanisme commercial.
Les amendements n°s 325 à 386 rectifié abordent cette question qui est un réel sujet de préoccupation, mais qui doit être abordée dans le cadre des états généraux. Le Président de la République nous offre en effet là l'opportunité de mettre à plat un certain nombre – le plus grand possible – de dispositifs économiques afin que nous soyons en mesure d'apporter une réponse durable aux difficultés rencontrées par ces différentes collectivités territoriales. Faisons-le dans ce cadre, mais pas au détour d'amendements, car il est important d'associer à cette réflexion les différents partenaires sociaux, notamment les chambres consulaires et les syndicats. Des réunions doivent avoir lieu dans l'ensemble des collectivités d'outre-mer afin d'aboutir à des solutions réelles aux difficultés rencontrées sur le terrain.
Le sujet est en effet crucial, puisqu'il s'agit des concentrations et de la nécessité de mettre en place des contrôles. Je comprends tout à fait que les parlementaires saisissent l'occasion de ce projet de loi pour faire des propositions en ce domaine. Cela étant, je partage l'avis du rapporteur. Si nous nous mettons à fixer des normes qui, sur le papier, sont séduisantes – et je serais prêt à les accepter –, nous risquons d'aboutir au contraire du but recherché. Quels engagements pouvons-nous prendre afin que personne ne pense que nous voulons botter en touche ou que le Gouvernement refuserait – comme l'a vigoureusement laissé entendre Mme Taubira, mais il ne suffit pas de dire les choses avec vigueur pour qu'elles soient vraies – d'aller dans le sens de la régulation, de la transparence, de la recherche d'une nouvelle structuration de l'économie,…
…ce dans le contexte – on peut le regretter, mais telle est bien la situation –d'une économie mondiale libéralisée ?
J'ai saisi l'Autorité de la concurrence. Grâce à la loi de modernisation de l'économie, loi récente puisqu'elle ne date que de 2008, l'Autorité de la concurrence est en mesure de donner son avis sur les phénomènes de concentration. Elle doit remettre son avis avant l'été – ce n'est donc pas aux calendes grecques – épousant ainsi le calendrier des états généraux. Je souhaiterais que les auteurs des amendements approuvent l'idée de créer un groupe de suivi travaillant en parallèle avec cette Autorité de la concurrence afin de présenter une proposition complète sur les problèmes de concentrations, d'organisation ou de libéralisation du commerce et de la grande distribution. Nous sommes soumis en effet à deux impératifs : favoriser la concurrence – car c'est elle qui fait baisser les prix – et éviter les concentrations qui engendrent toutes sortes de difficultés.
Ce groupe de travail réunissant des parlementaires de tous bords politiques pourrait proposer au Gouvernement de faire évoluer la réglementation commerciale outre-mer et de créer des outils afin de mieux lutter contre les dérives. Dans ces conditions – et c'est un engagement que prend le Gouvernement –, il serait possible d'introduire dans un texte de loi les fruits d'un travail sérieux, – non que le vôtre travail ne le soit pas, madame Marc, mais une approche globale se fondant sur une évaluation des outils existants et conforme à l'esprit des états généraux serait préférable.
Sur des sujets aussi compliqués, il faut prendre le temps de la réflexion avant de proposer des articles très spécifiques, voire une loi particulière. Dans cet esprit, qui est celui des états généraux, je ne suis pas hostile à ce que l'engagement que je prends soit formalisé afin d'avancer sur l'ensemble des questions posées par ces amendements, sur la base d'une étude sérieuse de la réalité.
Quelqu'un a dit tout à l'heure que cela justifiait le renvoi du texte en commission. Je ne pense pas que trois ou quatre réunions supplémentaires de la commission suffiraient à nous procurer tous les éléments utiles. D'autre part, ce projet de loi comporte plusieurs autres dispositions très attendues, qui justifient qu'on ne retarde pas son adoption.
En résumé, il n'est pas question de lâcher cette affaire des concentrations, car elle est importante, mais je souhaite que nous nous attachions à effectuer un travail d'évaluation le plus précis possible en vue d'aboutir à une législation opérationnelle. Telle est la proposition que je vous fais au nom du Gouvernement sur ces sujets.
Non, monsieur le président, mais je souhaite ajouter un mot – je serai très brève, à mon habitude.
Comme je le disais hier, si l'article 7 de la nouvelle loi organique avait été respecté, nous aurions disposé d'une étude d'impact.
Il n'y a pas d'étude d'impact sur un amendement !
Il aurait fallu, soit renvoyer le texte à plus tard, soit prendre des engagements qui permettent de répondre concrètement à la crise.
Je prends acte de la réponse de M. le secrétaire d'État mais je n'aime pas que le rapporteur botte en touche comme il vient de le faire en disant que sa réponse valait pour la plupart des amendements qui vont venir en discussion.
Quand vous lisez un texte, monsieur le rapporteur, en l'occurrence l'article L. 410-2 du code du commerce, allez jusqu'au bout. Vous avez bien dit qu'un décret en Conseil d'État pouvait réglementer, mais la dernière partie de l'article va plus loin : « Le décret est pris après consultation du Conseil national de la consommation. Il précise sa durée de validité qui ne peut excéder six mois. » Six mois, ce n'est pas l'éternité et nous ne demandons d'ailleurs pas une régulation éternelle des prix. Nous voulons simplement que l'on tienne compte de la cherté de la vie parce que cette question a été au coeur des débats à l'occasion de l'événement majeur que nous venons de connaître. Je souligne au passage que la paternité des mots ne me revient pas. C'est le Président de la République lui-même qui a parlé d'« exagération », de « monopoles »
J'admets que les engagements pris sur place – sur les cent familles de produits, sur les quatre cents produits – ne sont que locaux, mais je considère qu'était également affirmée la nécessité d'accompagner ce dispositif par la définition, pour une durée donnée, de grands principes, afin de ne pas tomber dans une régulation systématique.
J'en reviens à l'amendement de notre collègue. Vous savez pertinemment que le grand problème tient à l'existence de monopoles. Si vous n'acceptez pas la proposition de Mme Marc aujourd'hui, prenez l'engagement d'apporter une réponse dans le cadre des études que vous avez demandées à ce sujet. L'enjeu, ce n'est pas d'apporter ponctuellement des réponses, c'est de définir une stratégie de développement des économies insulaires qui fasse jouer à la fois la concurrence et la régulation. C'est cela le principe.
Une autre point me semble essentiel. Ces monopoles ne sont pas construits de manière classique, c'est-à-dire conformément à la définition du code du commerce et de la LME, mais à partir de variables qui ne sont pas identifiables clairement, de sorte que le processus de formation des prix et les conséquences à en tirer pour la régulation ne sont pas accessibles par un calcul simple.
Enfin, je vous en prie, monsieur le secrétaire d'État, faites vite. Quand la LME a été votée et que l'autorisation a été donnée de créer des surfaces commerciales non plus de 300 mètres carrés mais de 1 000 mètres carrés, le temps de régler un problème de légalité et il y a eu une inflation de constructions un peu partout. Si vous prenez trop de temps, je crains que ceux qui maîtrisent ces monopoles ne puissent s'organiser très rapidement, avec des structures un peu fluctuantes et surtout invisibles, pour créer les systèmes de monopole que vous connaissez bien.
Donc, monsieur le rapporteur, ne nous dites pas que vous ferez la même réponse à tous les amendements parce qu'en agissant ainsi, vous nous privez du droit d'amendement et surtout de débat.
Ne nous donnez pas de réponses standards, habillez-les comme vous voulez mais faites que ce soient des réponses claires.
Je voudrais dire à Mme Marc que nous partageons entièrement sa préoccupation…
…qui est de lutter contre les abus de position dominante. Mais justement, de ce point de vue, la rédaction de son amendement est probablement trop restrictive car il n'est pas nécessaire qu'un groupe dépasse la norme de 25 % pour présenter un risque d'abus de position dominante. Certains peuvent présenter ce risque avec un niveau de concentration inférieur. Il vaut donc mieux laisser toute sa souplesse au texte.
En revanche, je souscris tout à fait à la proposition de M. le secrétaire d'État de constituer un groupe de travail, de manière à définir une typologie des concentrations qui peuvent conduire à un abus de position dominante. Elles peuvent être multiformes, notre collègue Letchimy l'a très bien montré. Regardons comment on peut travailler plus efficacement avec l'Autorité de la concurrence. Le tort que nous avons peut-être eu dans le passé, c'est de ne pas avoir saisi d'une manière suffisamment régulière, voire systématique, le Conseil de la concurrence, aujourd'hui appelée l'Autorité de la concurrence, lorsque des anomalies étaient constatées.
(L'amendement n° 325 n'est pas adopté.)
Il est défendu.
(L'amendement n° 330 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Il est défendu.
(L'amendement n° 327 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Ces amendements, qui reviennent sur les dispositions adoptées en 2008 dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie, visent à prendre en compte les particularités géographiques et la réalité économique des départements d'outre-mer.
L'implantation sans autorisation de grandes surfaces couvrant jusqu'à 1 000 mètres carrés prévue par la loi LME constitue sans doute là plus qu'ailleurs une réelle menace pour le commerce de proximité. Elle risque aussi, du fait de l'insularité et de la faible taille des marchés, d'encourager des situations de monopole.
La règle de l'uniformité n'a aucune raison de s'appliquer en matière d'urbanisme commercial. Dans ce domaine où les incidences en termes d'aménagement, de concurrence, de déplacements, de prix à la consommation, de productions locales, sont fortes, la prise en compte de spécificités est indispensable – la crise actuelle qui secoue l'ensemble des outre-mer le démontre éloquemment.
La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin, pour soutenir l'amendement n° 209 .
Dans le même esprit, je propose de rejeter le dispositif de la LME pour revenir à celui qui avait été adopté en 2003. Mais, dans la mesure où le secrétaire d'État vient de prendre l'engagement que cette question serait discutée lors des états généraux, je m'en remets à sa sagesse.
(L'amendement n° 209 est retiré.)
Je regrette que M. Didier Robert ne soit pas là : j'aurais aimé que nous nous accordions, entre députés d'outre-mer, pour préférer à la recherche de l'effet médiatique le souci de cohérence. Quand la crise fait rage, on ne peut pas dire une chose puis adopter une autre posture dans l'hémicycle.
Comment peut-on défendre le petit commerce de proximité, comment peut-on condamner les situations de monopole outre-mer quand, dans le même temps, on refuse purement et simplement de rétablir des outils de régulation qui ont fait leurs preuves hier – je veux parler du fameux seuil des 300 mètres carrés qui existait auparavant – ? M. Diefenbacher a demandé un peu de souplesse, soit, mais, avant la loi LME, cette souplesse n'existait-elle pas ? La législation n'assurait-elle pas une protection dans nos territoires d'outre-mer ? Nous devons faire preuve de cohérence.
Monsieur le secrétaire d'État, nous vous l'avons dit hier, nous ne voulons pas que tout soit renvoyé aux états généraux. L'objectif recherché par ces amendements doit sinon être inscrit dans le marbre, en tout cas faire partie des discussions lors de rendez-vous prochains.
Monsieur Letchimy, je ne rejette pas tous ces amendements d'un revers de la main. Je considère simplement que, s'ils posent de vraies questions qui préoccupent nos concitoyens, il faut examiner cela en détail lors des états généraux. M. le secrétaire d'État a pris des engagements clairs, qui devraient être de nature à rassurer leurs auteurs, à savoir que ces sujets de concurrence et d'urbanisme commercial seront examinés à brève échéance.
Dans ces conditions, je crois inopportun d'insérer un nouvel article. La commission des finances a donc émis un avis défavorable sur ces amendements en discussion commune.
Je vous rassure, monsieur Lebreton, je n'ai pas l'intention de dire sur chaque amendement : attendez les états généraux, circulez, il n'y a rien à voir. Mais, si nous voulons être efficaces sur ces sujets, si nous voulons faire évoluer la toute récente loi de modernisation de l'économie, il faut que nous disposions de moyens d'expertise pour déterminer les niveaux et les critères pertinents.
Je propose donc à l'Assemblée de créer un groupe de travail sur les questions d'organisation des marchés de la distribution et d'abus de position dominante. Je souhaite que ce groupe puisse nous remettre avant l'été des propositions en vue de faire évoluer la législation en tenant compte des préoccupations qui sous-tendent chacun de ces amendements. Le Gouvernement étudiera évidemment ces propositions et elles pourront être introduites dans les projets de loi qui suivront les états généraux, peut-être dès l'été puisque nous avons des rendez-vous législatifs. À la suite du choix fait par les Mahorais, un texte de loi organisant la marche vers la départementalisation de Mayotte devra en effet être voté. Cela peut nous fournir une occasion d'avancer sur cette question essentielle. Nous sommes là au coeur des difficultés qui ont été dénoncées et ce sera d'ailleurs le sujet d'un des ateliers des états généraux – sur l'organisation de la distribution, le circuit, la formation des prix.
Faisons oeuvre d'évolution, préparons un paquet législatif ou réglementaire sur l'organisation des marchés de la grande distribution. Ainsi, nous serons efficaces. Je propose que le groupe soit constitué de tous les groupes de l'Assemblée, afin de répondre aux attentes des uns et des autres et de confronter le seuil fixé ici, la surface fixée là, pour être sûrs que tout cela fonctionne.
Permettez-moi d'être en total désaccord avec vous. Nous touchons ici à l'urbanisme commercial, c'est un fait, mais nous touchons aussi à l'organisation du développement économique.
Vous nous renvoyez à des lois systématiques mais j'ai participé des nuits entières, ici, au débat sur la LME. Nous avons présenté des amendements pour maintenir le seuil. Mme Louis-Carabin a également mené une bataille très courageuse pour essayer de réduire cette possibilité de passer mécaniquement, sans autorisation, à 1 000 mètres carrés, d'autant plus que le rôle des élus et des chambres de commerce à l'intérieur de la politique d'urbanisme commercial a été restreint. Actuellement, nous constatons une espèce de libéralisation systématique de la construction de surfaces supérieures à 300 mètres carrés.
Comment pouvez-vous répondre, quand on vous interroge sur des questions essentielles, que le problème sera traité à une date ultérieure ? Depuis le commencement de ce débat, vous ne nous avez envoyé aucun signe positif. Pourtant le problème est réel. Faute de lutter contre le monopole, vous vous contentez de dénoncer la profitation ou les oligopoles. Il faut pourtant reconstruire la dynamique commerciale et, si cette loi fait l'objet d'une déclaration d'urgence, n'est-ce pas justement parce que vous vouliez envoyer un signal fort ?
Politiquement, il est urgent de le faire. Or je vous rappelle que M. Lebreton a déposé trois amendements progressifs. L'amendement n° 252 vous propose de retenir la surface de 300 mètres carrés, l'amendement n° 251 , un peu moins strict, va jusqu'à 400 mètres carrés et l'amendement n° 250 , encore plus souple, jusqu'à 500 mètres carrés. Faut-il que je dépose un sous-amendement proposant le seuil de 550 mètres carrés, afin que vous acceptiez de faire une concession ?
Mais prenez garde : les 100 000 personnes qui sont dans les rues en Guadeloupe équivalent à 12 millions de personnes en métropole, et les 30 000 manifestants de Martinique correspondent à 4 à 5 millions de métropolitains. Ne croyez pas avoir affaire à une faible mobilisation ! C'est un mouvement de grande ampleur. D'ailleurs, la loi a été conçue parce qu'il n'existait au fond aucune perspective. C'est pour cela que nous avons accepté de vous apporter notre contribution. Quel sens aurait-elle si nos amendements sont systématiquement refusés ?
Ce texte n'a jamais eu la vocation de résoudre toutes les difficultés économiques des outre-mer.
Initialement, elle comportait trois titres : les mesures de soutien aux économies et aux entreprises, la relance du logement et la continuité territoriale. Le quatrième comporte des dispositions diverses.
Le titre IER A ajouté par le Sénat est lié à l'actualité, et par conséquent opportun. Mais il ne peut pas tout englober. C'est la raison pour laquelle je vous engage à prendre le temps de la réflexion. Des états généraux sont prévus, non dans six mois, mais dans seulement quelques jours. Dans ce cadre, nous aborderons les sujets avec l'ensemble des partenaires concernés. La réflexion sera ensuite transcrite dans une loi. Pour l'heure, dans le cadre du projet de loi pour le développement économique des outre-mer, il ne me paraît pas opportun d'ouvrir ce débat.
Même si M. Diefenbacher affirme que nous faisons un procès d'intention aux membres de son groupe, je souscris totalement aux propos de M. Letchimy. Il semblerait que les adorateurs de la liberté aient un peu de mal à contrôler les distributeurs, les monopoles ou les oligopoles, au nom de leur attachement à la concurrence libre et non faussée.
J'ai sous les yeux un article du Canard enchaîné du 25 mars intitulé « La dépression des fraudes. » Il explique que, sous prétexte de moderniser, nous sommes en train de rogner les pouvoirs de la répression des fraudes. Une circulaire du 31 décembre émanant du Premier ministre démantèle la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, pour la remplacer par les DDI, les directions départementales interministérielles, ce qui se traduira, à compter de 2011, par 250 fonctionnaires en moins. Les autres, s'ils sont maintenus, seront placés sous la direction des préfets. Or l'article remarque que ceux-ci ne vont jamais à l'encontre de l'intérêt des entreprises, surtout quand elles emploient.
Souvenez-vous de la phrase de Lacordaire. En 1848, ce prêtre défroqué qui avait de belles formules disait : « Entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime, et la loi qui affranchit. » Votre projet de loi voue un culte à la liberté sans contrainte, ainsi qu'à la concurrence libre et non faussée, au moment même où vous démantelez la direction générale chargée de contrôler l'application des lois. Je comprends certes le libéralisme, tel que nous le pratiquons, mais pas cette inertie face au dépeçage et à la disparition du petit commerce. Dans mon département, où l'on voit s'installer les grandes surfaces, la direction de la concurrence ne peut déclencher aucune procédure quand les seuils de concentration sont dépassés. À quoi jouons-nous ?
Le Gouvernement est en train de raboter nos ambitions, arguant que ce projet de loi n'a pas vocation à défendre les outre-mer ni à tout régler, et qu'il faut renvoyer la discussion à une nouvelle étape, les états généraux en l'occurrence. Mais, à la faveur de la discussion de certains amendements, ne pourrait-on pas avancer de manière significative et rendre la loi plus efficace ?
J'en reviens aux amendements en discussion, qui visent à fixer la taille au-delà de laquelle l'extension ou la création d'une grande surface doit être soumise à autorisation.
Intuitivement, je suis tout disposé à penser que les règles applicables aux départements d'outre-mer peuvent différer de celles de la métropole, notamment parce que leur économie est plus limitée. Encore faut-il, pour définir un seuil, disposer de certains éléments d'appréciation. Les uns plaident pour 300 mètres carrés, d'autres pour 400, d'autres pour 500. Il me semble nécessaire d'effectuer une étude complémentaire avant que nous puissions prendre une décision.
Ce qui est extraordinaire dans notre pays où chacun s'accorde, du Président de la République aux parlementaires, à reconnaître que nous légiférons beaucoup trop, c'est que, chaque fois que nous examinons un texte, nous renvoyons le règlement des problèmes à une autre loi.
Lors de l'examen de la LME, auquel il a beaucoup participé, Serge Letchimy avait soulevé ce problème de surface. « Ce n'est pas le moment ! », lui avait-on répondu. Le Gouvernement annonçait en effet l'examen d'une loi sur les outre-mer. Le ministre alors présent dans l'hémicycle – un autre que M. Jégo, mais qui appartenait au même Gouvernement que lui – l'a répété plusieurs fois. Arrive le projet de loi annoncé, et que répond-on à M. Letchimy ? « Ce n'est pas le moment ! »
Pour suivre régulièrement nos débats, notamment ceux qui entourent la loi de finances et le vote du budget des outre-mer, je constate que les membres du Gouvernement ont une fâcheuse tendance à se servir de cette formule. Il faudrait tout de même qu'un jour, « ce soit le moment. »
Deuxièmement, il est certes difficile de déterminer le seuil à partir duquel l'extension ou la création d'une grande surface doit être soumise à autorisation. Mais avez-vous mis aussi longtemps pour fixer la vitesse au-delà de laquelle on effectuerait des contrôles radar ? Il est tout aussi arbitraire de trancher entre 89, 90 ou 91 kilomètres heure, mais, à un moment, il faut bien se décider. Or la limite de 300 mètres carrés ne date pas d'hier. C'est le seuil fixé par la loi Galland, ministre qui appartenait à votre majorité.
Je connais mal la situation qui nous intéresse. Mais il semblerait que, depuis la libéralisation effectuée par la fameuse LME, on ait construit dans notre pays 5 millions de mètres carrés de grandes surfaces, sans pour autant faire baisser les prix. Alors, de grâce, arrêtez de faire diversion, et de nous renvoyer à un texte ultérieur au motif que l'on ne pourrait pas déterminer le seuil idéal !
Je terminerai, monsieur Diefenbacher, par une observation qui vaudra pour le reste du débat. Quand vous nous avez dit que vous étiez opposé aux monopoles, vous auriez dû ajouter « publics », car votre point de vue n'est pas le même en ce qui concerne les monopoles privés. Dans ce cas, d'ailleurs, vous préférez parler d'« entreprises qui ont atteint la taille critique ». (Sourires sur les bancs du groupe SRC.) Quand elles ont atteint cette taille, elles sont devenues des monopoles, comme Bouygues, et on les aide, d'ailleurs, à en devenir. Mais, dès lors qu'il s'agit du secteur privé, cela ne vous pose pas de problème.
(L'amendement n° 14 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos 13 , 252 , 251 et 250 .)
Je tiens à défendre cet amendement, car je n'oublie pas que M. le secrétaire d'État, quand il est venu nous rendre visite, pendant la période de crise, avait promis que, une fois apportées les réponses immédiates, les solutions à plus long terme trouveraient leur placent dans une loi. Or un des premiers problèmes qui se posent est celui de la profitation, et les amendements que j'ai déposés visent à le régler.
À ce stade du débat, on nous annonce qu'il faut attendre les états généraux, mais je crains que nous n'ayons pas le temps, en un mois, de régler tous les problèmes, et que l'on nous réponde encore, à l'issue de ceux-ci, qu'il est trop tôt ou trop tard.
L'amendement n° 328 vise à garantir la bonne information des assemblées locales en matière d'urbanisme commercial. Il est donc de la même veine que les précédents. Monsieur le secrétaire d'État, je vous propose de les relire pour mesurer la situation de monopole qui s'est instaurée dans mon département, laquelle a été à l'origine d'une exaspération qui peut reprendre à tout instant.
L'amendement propose que les schémas de cohérence territoriale, qui sont déjà transmis pour concertation aux communes et aux groupements de communes, le soient également aux conseils régionaux et aux parlementaires. Mais la concertation existe déjà. En outre, les parlementaires n'ont pas de responsabilités locales à ce niveau. Pour les raisons que j'ai déjà indiquées, la commission émet donc un avis défavorable.
Je serais presque tenté d'émettre un avis favorable. Mais la loi prévoit déjà que des observatoires informent les collectivités locales. L'amendement n'innove donc qu'en ce qui concerne l'information des parlementaires, qui n'ont cependant pas le pouvoir d'empêcher une décision dans ce domaine. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.
M. le rapporteur et M. le secrétaire d'État ont affirmé que les exécutifs locaux, si ce n'est les EPCI ou les communautés d'agglomération, sont informés. Mais les présidents de région n'ont jamais reçu de schémas d'aménagement d'urbanisme commercial. Je peux citer l'exemple de la Martinique.
Je ne vois pas en quoi l'amendement de notre collègue visant à informer les parlementaires de ce qui se passe sur leur territoire serait de nature à bousculer les équilibres ou à retarder les procédures. Vous avez eu un bon mouvement tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, allez jusqu'au bout : cela ne vous engage pas beaucoup !
La LME prévoit que les schémas de développement commercial sont élaborés directement par les collectivités territoriales à partir des données collectées par l'observatoire d'équipement commercial. Elles ont donc quelques pouvoirs en la matière.
L'amendement n° 328 n'apporte de nouveauté qu'en ce qui concerne l'information des parlementaires, qui, me semble-t-il, manifestent déjà le souci d'être informés. Cependant, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
Mme Marc verra ainsi que le Gouvernement ne manifeste aucune volonté de blocage imputable à je ne sais quelle intention perverse. Si elle souhaite même que ce soit une sagesse positive, elle l'est ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)
(L'amendement n° 328 est adopté.)
Je suis saisi de quatre amendements, nos 323 , 12 , 208 et 386 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 12 , 208 et 386 rectifié sont identiques.
La parole est à Mme Jeanny Marc, pour soutenir l'amendement n° 323 .
Cet amendement vise à rétablir l'article L. 752-10 du code de commerce supprimé par l'article 102 de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008.
Il s'agit donc de remettre en vigueur une disposition votée en 2003 dont l'objectif était de limiter, dans les départements d'outre-mer, la constitution de monopoles dans la grande distribution.
Adoptée sur initiative parlementaire, cette disposition prévoit en effet que dans le domaine du commerce de détail à prédominance alimentaire de plus de 300 mètres carrés, aucun groupe ne peut détenir plus de 25 % de la surface totale sur l'ensemble d'un département d'outre-mer.
Au moment où les crises qui secouent l'outre-mer ont mis en évidence la cherté de la vie et par conséquent le problème de la formation et de la transparence des prix, il est important de revenir sur une suppression qui favorise les situations de quasi-monopole contre lesquelles il est devenu encore plus urgent de lutter.
La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin, pour défendre l'amendement n° 208 .
Cet amendement a également pour objet de rétablir la disposition de 2003 supprimée en 2008.
La parole est à M. Jean-Claude Fruteau, pour défendre l'amendement n° 386 rectifié .
La commission a émis un avis défavorable à ces amendements pour les raisons que je viens de développer.
Cela entre tout à fait dans le champ du groupe de travail sur l'organisation des marchés que j'ai proposé de mettre en place. C'est une vraie question, mais il faut y apporter des réponses durables. Rejet.
(L'amendement n° 323 n'est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 12 , 208 et 386 rectifié ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 411 .
La parole est à M. Victorin Lurel.
Nous abordons un sujet aisé pour M. le secrétaire d'État, le taux de TVA. (Sourires.) Notre amendement n° 411 a pour objet de réduire au taux zéro la TVA sur les produits de première nécessité, tandis que pour les autres, le taux normal serait réduit d'un cinquième.
Lorsque le mouvement social a commencé en Guadeloupe, le secrétaire d'Etat est venu et a fait des propositions. Le sénateur Jacques Gillot, président du conseil général, et moi-même, avons aussi fait des propositions pour faciliter la sortie de crise : nous étions prêts, avec les maires, à faire un effort en diminuant l'octroi de mer, si, en contrepartie, l'État en faisait un en diminuant la TVA. Si, en métropole, le président Chirac s'est épuisé à essayer d'obtenir du Conseil européen un vote à l'unanimité pour appliquer un taux réduit de TVA sur la restauration, l'hôtellerie, le tourisme, pour les outre-mer français, cette autorisation préalable n'est pas nécessaire, en vertu de la sixième directive. On peut donc y procéder sans en référer à Bruxelles.
On m'a aussi objecté – le secrétaire d'État s'en souviendra – que cela ne représentait que 285 000 euros. Selon mes vérifications, c'est un peu plus. Mais de toute façon, c'est une mesure supportable sur le plan budgétaire et efficace sur le plan économique. Nous persistons donc à demander que l'engagement pris sur ce point soit tenu, car la mesure est de nature à relancer l'économie et à soutenir l'activité. Nous en avons bien besoin, pour affronter les conséquences d'une triple crise : celles de la politique appliquée depuis un an, il faut le dire, celles de la crise mondiale qui ne se fait encore sentir sur nos rivages que par la frilosité des banques, et celles, positives bien entendu, mais également négatives, du mouvement social qui a pesé sur nos économies pendant quarante-quatre jours en Guadeloupe, en Martinique, et aussi à la Réunion. Ce que nous demandons au Gouvernement, c'est de faire quelque chose qui est possible et qui sera efficace.
Après les questions de concurrence et d'urbanisme commercial, nous abordons celle de la TVA. En outre-mer, les taux sont de 8,5 % pour le taux normal et de 2,10 % pour le taux réduit, contre 19,6 % et 5,5 % en métropole. Notre collègue propose de passer de 8,5 % à 6,8 % et de 2,1 % à 0 %. Il n'y a pas eu de calcul d'impact, me semble-t-il, car je ne peux croire qu'une telle diminution dans trois départements d'outre-mer – puisque l'amendement se limite à trois départements – ne représente pas une perte supérieure pour le budget de l'État. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement ainsi que sur l'amendement n° 428 qui concerne le même objet.
Je rassure Victorin Lurel : j'ai parfaitement le souvenir de ces débats, longs, passionnés et passionnants. Sur la TVA, le Gouvernement a toujours été très clair. Ouvrir un débat sur ce sujet, vous en avez bien conscience, ne pourrait longtemps se limiter à l'outre-mer. Il faudrait bien entendu mesurer l'impact de mesures dans ce domaine. Mais les évaluations auxquelles on a procédé dans votre département montrent que la baisse ne serait que de quelques centimes par produit, et surtout, on n'est pas capable de contrôler que la grande surface répercuterait cette diminution. Sur certains produits, nous l'avons constaté ensemble, ces quelques centimes ne couvrent même pas le coût du changement d'étiquette : cela n'a alors aucun sens.
À la place, nous avons proposé une mesure beaucoup plus ample, qui est incluse dans les protocoles signés dans chacun des départements d'outre-mer, qui est de mettre en place un fonds spécial, notamment pour soutenir l'action sociale. À une baisse de quelques centimes dont on n'est pas sûr qu'elle se répercutera, le Gouvernement a préféré une mesure sociale de plus grande portée. Cohérent avec lui-même – comme vous le restez de votre côté –, il émet donc un avis défavorable sur cet amendement, ce qui ne sera pas pour vous surprendre, puisque j'ai exprimé cette position à de très nombreuses reprises.
Je suis peut-être un peu têtu. Sur la catégorie dont le taux de TVA passerait de 8,5 % à 6,1 %, et qui comporte par exemple les couches-culottes et les aliments pour bébé, nous avons fait l'effort de passer d'une taxe de 7,5 % pour l'octroi de mer à 2,5 %. Cela représente sept millions d'euros de perte. Pour cette même gamme de produits, diminuer la TVA qui est actuellement à 8,5 % représente certainement une autre somme que 285 000 euros, même si on ne l'a pas fait calculer précisément par des économistes. Si l'on veut relancer l'activité et favoriser le pouvoir d'achat notamment pour les produits de première nécessité, il y a là un effort que nous avons fait.
Autre exemple : quelques conseillers du mouvement social, qui sont par ailleurs contrôleurs douaniers, m'avaient demandé que l'on diminue les taux d'octroi de mer sur les médicaments. Mus par de bons sentiments, nous l'avons fait, en demandant que la baisse soit répercutée sur le consommateur final, en l'espèce le patient. Nous avons perdu ainsi huit millions de recettes en diminuant le taux. Nous avons dû les reprendre, car deux centrales pharmaceutiques qui ont le monopole de l'importation et donc du négoce se sont approprié ces sommes en augmentant leurs marges. Nous demandons donc à l'État de contrôler que les marges ne sont pas abusives et que les baisses sont bien répercutées sur le consommateur final par la baisse des prix. C'est donc un volontarisme économique que nous vous demandons de manifester, ce qui n'a rien d'antinomique avec le jeu du marché. Pour certains, l'intervention de l'État, c'est une véritable insulte à la libre concurrence. Mais puisque le Gouvernement affiche sa bonne volonté, parole donnée doit être tenue.
(L'amendement n° 411 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 428 .
La parole est à M. Victorin Lurel.
Défendu.
(L'amendement n° 428 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 189 .
La parole est à M. Victorin Lurel.
Notre amendement n° 189 propose de diminuer de 2,5 % à 1 % la part que l'État récupère sur l'octroi de mer pour la gestion de cette taxe et les frais de fonctionnement. Pour la Guadeloupe seulement, ce montant atteint 4,4 millions d'euros. Il correspond à un service rendu, certes, le recouvrement de l'octroi de mer. Ce produit sert à rémunérer les services de l'État, mais aussi à payer les primes aux douaniers. Mais cela coûte entre 2,5 et 3 millions. Sur un produit de 4,4 millions qui entrent dans ses caisses, il reste à l'État, si je puis dire, un surprofit de la « profitation ». Nous lui demandons d'être plus raisonnable. Pour rendre à César ce qui appartient à César, ma prédécesseure à la présidence de région avait fait la même demande, qui, à l'époque, avait été favorablement accueillie. Un prélèvement de 2,5 %, c'est trop. Des maires de ma connaissance, pour avoir admis des commissions de cet ordre, jusqu'à 3 %, se sont retrouvés sur les bancs infamants du tribunal correctionnel. L'État pourrait faire un geste, qui faciliterait les choses.
J'ai bien entendu les arguments que notre collègue avait déjà développés en commission. Mais celle-ci a émis un avis défavorable, car ce prélèvement correspond à des dépenses de l'État.
M. Lurel défend avec constance, et talent, les mêmes causes en présentant les mêmes arguments. Mais, à l'instant, il nous disait que l'État ne se donne pas les moyens de contrôler l'application des baisses de l'octroi de mer décidées par la collectivité territoriale. Or ce sont maintenant ces mêmes moyens auxquels il demande à l'État de renoncer. Il s'agit notamment d'acheter les logiciels nécessaires pour assurer un contrôle sur des milliers de produits. On ne peut scier la branche sur laquelle on est assis. En revanche, je m'engage auprès du président du Conseil régional de Guadeloupe, et de ceux des autres régions, à faire contrôler par les services compétents de l'État l'application des baisses de l'octroi de mer et leur répercussion sur le pouvoir d'achat. Mais ne réduisons pas les crédits qu y sont consacrés.
Monsieur le secrétaire d'État, votre conclusion est la bonne.
Il faudrait savoir ce qui, à tous les niveaux – y compris au vôtre –, contribue à la hausse des prix. J'ai lu le compte rendu de l'intervention de Mme Michaux-Chevry au Sénat qui montre clairement qu'il y a bien une contestation sur le niveau important des frais d'assiette perçus par l'État, et sur l'utilisation qu'il en fait. L'objectif n'est donc pas seulement de redistribuer les sommes en question à des collectivités locales ; il s'agit surtout de ramener le taux de 2,5 % à un niveau plus juste.
Par ailleurs vous avez évoqué la TVA. Elle était autrefois fixée à 7,5 % dans les départements d'outre-mer, mais elle a été augmentée pour financer une politique d'emploi. Malgré le fait que cette dernière n'ait pas porté ses fruits. le taux de la TVA n'a jamais été ramené à son niveau d'origine. Je ne veux pas que nous puissions laisser entendre que la TVA est déjà faible et que sa diminution, visant à réduire le prix des produits de première nécessité, ne participerait pas à une stratégie de baisse des prix.
Monsieur le secrétaire d'État, je prends acte de l'engagement que vous venez de prendre, et du fait que vous intégrerez ces points dans les études que vous avez demandées sur la formation des prix. Toutefois, je soutiens l'amendement n° 189 de M. Lurel.
(L'amendement n° 189 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 223 .
La parole est à M. Victorin Lurel.
La question de la qualité du dialogue social est prégnante partout en outre-mer.
Jusqu'au 26 février dernier, il n'y avait pas d'accord interprofessionnel salarial en Guadeloupe. Cela prouve que les évolutions ne sont pas rapides, et que le dialogue entre partenaires sociaux est difficile à nouer et à conclure. Une incitation supplémentaire est donc peut-être nécessaire.
Les entreprises de Guadeloupe – le reproche ne concerne sans doute pas seulement celles-là – se contentent en effet trop souvent d'engranger les aides, les dépenses fiscales, la défiscalisation, les exonérations de charges patronales de sécurité sociale, sans respecter les prescriptions du code du travail. Je pense notamment aux dispositions relatives aux négociations annuelles obligatoires, aux accords d'entreprise, aux accords de branche, aux conventions collectives ou aux accords interprofessionnels.
Sans conditionner la mesure à un progrès immédiat, il faudrait prévoir un délai au terme duquel l'entreprise devra avoir passé un accord auquel serait subordonné le maintien des avantages obtenus. Mon amendement n° 223 porte sur les entreprises de plus de cinq salariés, mais, dans les amendements nos 224 et 195 , je propose d'adopter le même dispositif respectivement pour les entreprises de plus de dix salariés, et de plus de vingt salariés.
Je veux conserver un équilibre : il ne faut pas que cette mesure permette aux organisations syndicales d'exercer un chantage sur les entreprises en les menaçant de leur faire perdre un avantage. Je propose donc que le montant de ce dernier soit réduit de 20 % si, après un certain délai, aucun accord n'est signé.
Ces amendements sont de nature à moderniser le dialogue social en outre-mer. Ils inciteront les partenaires sociaux à conclure un accord et permettront peut-être de moderniser tant la pensée que la pratique d'un certain patronat en Guadeloupe.
L'amendement n° 223 tend à créer, tout comme les amendements nos 224 et 195 , une condition supplémentaire pour pouvoir bénéficier de certains des avantages prévus dans ce projet de loi – notamment des exonérations de charges sociales.
Si nous adoptions ces amendements nous donnerions un énorme pouvoir aux organisations syndicales, et les entreprises seraient punies en cas d'échec des négociations.
Il ne me semble pas utile que les dispositifs d'exonération de charge prévoient une telle contrainte. La commission est donc défavorable aux amendements nos 223 , 224 et 195 .
En fait, nous cherchons à faire en sorte que les négociations annelles obligatoires sur les salaires se déroulent dans de bonnes conditions. Mais faut-il pour cela contraindre les entreprises, comme le préconisent les amendements de M. Lurel ?
Le rapporteur vient de relever une première difficulté, mais, pour qu'ils soient applicables, encore faudrait-il pouvoir aussi croiser les informations. En effet, les services qui suspendraient une partie de la réduction des cotisations sociales ne sont évidemment pas les mêmes que ceux qui contrôlent le droit du travail.
Le problème de la fluidité du dialogue sociale se pose bien. M. Lurel le soulignait : l'accord interprofessionnel global sur les salaires signé cette année est une première pour la Guadeloupe : en ce début du vingt et unième siècle, cette situation n'est pas sans poser certaines questions.
Au nom du Gouvernement je donne un avis défavorable à l'amendement n° 223 dans sa rédaction actuelle. Je suis toutefois favorable à ce que nous essayions de trouver le moyen de vérifier que la négociation annuelle obligatoire a bien lieu. Le dispositif proposé par M. Lurel est trop, contraignant, mais il faut absolument que l'obligation de négocier soit respectée.
Reste à savoir s'il faut exiger que cette négociation donne un résultat. Nous appartient-il de nous substituer aux acteurs sociaux ? Faudra-t-il ensuite que nous anticipions sur les résultats des négociations ? En tout état de cause, ces questions méritent d'être examinées, et ce travail doit se faire avec les organisations professionnelles syndicales et patronales.
Une réflexion approfondie et rapide s'impose donc pour instaurer un dialogue social et rendre plus fluides les négociations salariales afin d'éviter le conflit, des jours de blocage, et la venue d'un ministre sur le terrain pour parvenir à ce que les partenaires sociaux se parlent. Je constate à ce sujet qu'à la Martinique, en Guyane ou à la Réunion, le dialogue social est plus fluide qu'en Guadeloupe.
Monsieur le secrétaire d'État, il me semble que les exonérations de charges patronales de sécurité sociale ont déjà été subordonnées à une condition. En effet, pour en bénéficier, les entreprises doivent consacrer 5 % du montant de l'avantage à la formation professionnelle – le montant de cinq cents euros s'est transformé en un pourcentage.
Vous confondez, monsieur Lurel, cela porte sur l'impôt sur les sociétés !
Reste qu'une petite conditionnalité est bien posée.
Cela dit, au bénéfice de vos engagements, je suis prêt à retirer mes trois amendements afin qu'avec les syndicats soit menée la réflexion que vous proposez.
Je suis saisi d'un amendement n° 204 .
La parole est à M. Victorin Lurel.
Cet amendement vise à conditionner les avantages attribués aux entreprises au maintien des effectifs – voilà qui fait très libéral ! (Sourires) –, à l'amélioration des salaires – c'est bien votre combat, monsieur Jégo, depuis que vous avez fréquenté le mouvement social en Guadeloupe et en Martinique ! (Sourires) – et à l'engagement du Gouvernement à se battre pour des prix raisonnables et à lutter contre la « profitation » – puisque vous êtes devenu, monsieur le secrétaire d'État, un apôtre de ce combat. (Sourires.)
Au passage, voilà un mot qui entrera bientôt dans le dictionnaire de la langue française et qui constitue encore un apport de la diversité créole. (Sourires.) Je suis certain, monsieur Jégo, que vous aiderez notre action à prospérer.
(L'amendement n° 204 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 412 .
La parole est à M. Victorin Lurel.
Cet amendement prévoit que : « Le Gouvernement remet chaque année un rapport relatif aux moyens attribués outre-mer aux directions départementales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et récapitulant les opérations menées ainsi que les sanctions données aux dérives éventuellement constatées. »
Les DDCCRF ont, ces dernières années, perdu beaucoup de leurs agents. Ces derniers me pardonneront, mais ils sont réduits à la portion congrue.
Une circulaire de M. le Premier ministre a démantelé la direction générale parisienne pour affecter les services dans les diverses directions départementales interministérielles, les DDI, qui comprendront les anciennes directions départementales des fraudes et les anciennes directions régionales des entreprises, de la consommation, du travail et de l'emploi. Les DDI seront supervisées par les préfets. Or ceux qui connaissent la situation – je pense à M. Diefenbacher qui siège parmi nous et qui a été préfet de Guadeloupe – savent les pressions que subissent ces derniers quand de gros employeurs violent les lois que nous votons dans cet hémicycle.
Toutes les mesures relatives au pouvoir d'achat que nous adoptons n'auront pas d'effet si les moyens de les faire appliquer ne sont pas donnés aux services déconcentrés de l'État. Je veux bien communier avec vous dans une « théologie de la liberté », mais, manifestement, cela ne sera pas opérant !
Pour éviter de voir sur nos rivages ce qui se produit déjà à Paris, mon amendement demande simplement qu'un rapport soit remis au législateur sur les moyens mis en oeuvre pour lutter contre la dérive des prix.
Monsieur le secrétaire d'État, je rappelle que, dans l'accord du 4 mars, l'engagement a été pris par l'État – c'est écrit en lettres de feu – sinon de créer des postes, du moins de renforcer les moyens des directions départementales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
Cet amendement ne procède pas d'un sentiment de méfiance, il s'agit seulement se donner un moyen supplémentaire de nous voir tous réunir ensemble.
Défavorable ! Cela existe déjà dans les rapports au préfet.
(L'amendement n° 412 n'est pas adopté.)
, suppléant M. Alfred Almont, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. M. Almont étant momentanément indisponible, je présenterai les amendements de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 236 a pour objet de permettre une coopération entre les autorités locales et les DDCCRF afin de lutter contre certaines pratiques commerciales abusives ou frauduleuses. Il va dans le sens d'une plus grande responsabilisation des collectivités d'outre-mer et d'une meilleure collaboration avec les services de l'État.
En commission des finances, on nous a objecté que les conseils régionaux et généraux d'outre-mer pouvaient déjà confier des études ou des actions aux DDCCRF, mais je ne crois pas que cela se fasse vraiment.
La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l'amendement n° 160 .
Nous avons un petit problème de forme, que Serge Letchimy et d'autres collègues ont évoqué en commission. Il s'est accentué avec la réforme constitutionnelle, et avec ce qui ce prépare pour notre nouveau règlement : celles et ceux qui sont auteurs des amendements perdent leur paternité – en quelque sorte leur petite parcelle de gloire – quand ces derniers sont adoptés par les commissions. Ainsi, notre collègue Almont porte l'amendement n° 236 au nom de la commission des affaires économiques, mais ce texte a été préparé par d'autres, parmi lesquels votre serviteur.
Notre rapporteur y a émis un avis défavorable, au motif que cette coopération peut être mise en oeuvre dans le cadre contractuel. Or, j'ai essayé de passer par cette voie : il faut demander l'autorisation au préfet, qui, selon la coloration politique de la collectivité, accepte ou non. J'aurais donc préféré que cette possibilité soit inscrite dans le marbre de la loi, laquelle imposerait ainsi une obligation qui ne serait pas très contraignante. Cela ne mange pas de pain, monsieur le secrétaire d'État. Faites plaisir à la représentation nationale : nos débats se déroulent dans un bon esprit !
Nous avons bien entendu les arguments qui ont été développés, notamment par la commission des affaires économiques. Néanmoins, les conseils régionaux et les conseils généraux ont la possibilité de confier des travaux aux services déconcentrés de l'État dans le cadre conventionnel. La loi n'a donc pas à intervenir dans ce domaine. Avis défavorable de la commission.
Défavorable, mais pour des raisons différentes de celles de la commission. Tout d'abord, les collectivités territoriales n'ont pas autorité sur les services déconcentrés de l'État ; cela ne pourrait donc se faire que par la voie contractuelle.
Ensuite, et surtout, il s'agit d'une question de gouvernance, qui devrait, me semble-t-il, être étudiée dans le cadre de l'article 73 de la Constitution. Nous pourrions ainsi habiliter les collectivités d'outre-mer à exercer cette compétence. Je serais donc plus maximaliste que vous, car je souhaiterais confier aux collectivités une véritable autorité, partagée avec l'État, sur les services chargés du contrôle de la concurrence.
(Les amendements identiques nos 236 et 160 ne sont pas adoptés.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite du projet de loi pour le développement économique des outre-mer.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma