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Intervention de Victorin Lurel

Réunion du 7 avril 2009 à 15h00
Développement économique des outre-mer — Article 1er a

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVictorin Lurel :

Nous abordons la partie du texte consacrée au pouvoir d'achat et la première remarque à laquelle nous avons eu droit a concerné la surrémunération, donc le supplément de vie chère. J'aurais pu me lancer dans une tirade idéologique et contester les propos tenus par notre estimé collègue Méhaignerie.

J'entends en effet ces arguments depuis de longues années, même lorsque j'étais étudiant. Il n'existait qu'une seule étude économique, celle de Bernard Mendès France, le fils de Pierre Mendès France. Elle concernait l'île de La Réunion. Un tableau entrée-sortie devait permettre de vérifier l'impact du supplément de vie chère et de mesurer l'efficacité d'un franc introduit dans telle ou telle filière et d'apprécier ce qu'il rapportait en termes de valeur ajoutée.

Jusqu'ici, il n'a jamais été prouvé, par des études crédibles et largement diffusées, que le supplément pour vie chère serait à l'origine du non-développement de nos régions et qu'il « siphonnerait », si j'ose dire, les talents, dans la mesure où il les inciterait à se porter de préférence vers le secteur public en laissant le secteur privé dépourvu.

D'ailleurs, dans ce dernier, il existe des conventions collectives et des accords professionnels, voire interprofessionnels, qui majorent les salaires de 30 à 40 %.

Notre collègue Brard l'a dit excellemment, il y a – et c'est un beau mot créole – « profitation ». Contrairement à ce que l'on dit, ce n'est pas le supplément pour vie chère qui entraîne la cherté de la vie. C'est une pétition de principe idéologique, c'est se laisser prendre à un prisme théologique que de croire que ce sont d'abord les salaires qui sont la cause de la profitation, que ce sont d'abord les salariés qui sont les fauteurs d'inflation. Ce n'est pas vrai.

Ensuite, je ne suis même pas sûr que les dépenses et transferts publics contribuent à une dynamique inflationniste autoentretenue. Les mécanismes de formation des prix, dans nos régions, sont faussés. Notre collègue Brard l'a dit également, lorsqu'on importe en région insulaire, lorsqu'il y a oligopole ou oligopsone, lorsqu'il y a peu d'« offreurs », et parfois peu de demandeurs, comment voulez-vous que la loi de l'offre et de la demande joue ?

Pourtant, certains viennent nous dire que, lorsqu'il y a « profitation », ce sont très certainement les salariés, et en particulier ceux du secteur public, qui seraient à l'origine de la vie chère en Guadeloupe et dans les outre-mer en général. En réalité, ce sont les mécanismes de formation des prix, ce sont les circuits, ce sont les privilèges, c'est l'inertie de l'État qui en sont cause, et ce depuis toujours. On a laissé faire.

Je rappelle qu'en 1952, c'est l'État lui-même qui, reconnaissant que le coût de la vie était plus élevé pour les fonctionnaires qu'il envoyait chez nous, a décidé d'octroyer ce supplément pour vie chère. Il a fallu, comme il n'y a pas si longtemps, des grèves générales, la même année, pour que soit généralisé ce supplément, qui constituait un élément de discrimination insupportable. On reconnaissait alors le niveau élevé du coût de la vie. Aujourd'hui, c'est pire encore. Car depuis lors, des mécanismes autoentretenus, des accélérateurs sont venus aggraver ces inégalités et ces injustices.

De grâce, attaquons-nous d'abord aux mécanismes de formation des prix, aux circuits, aux profits, aux marges bénéficiaires, et discutons du pouvoir d'achat d'où qu'il vienne, au lieu d'entretenir ce mythe selon lequel le supplément pour vie chère serait à l'origine des problèmes que nous connaissons dans nos régions.

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