La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (nos 1210 rectifié, 1441, 1435).
Hier soir, l'Assemblée a commencé l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 459 à l'article 1er.
Je suis saisi d'un amendement n° 459 .
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
Cet amendement vise à supprimer, à la fin de l'alinéa 2, les mots : « en tenant compte des aspects psychologiques du patient », le rapporteur ayant lui-même rappelé, lorsqu'il a repoussé plusieurs amendements, que la loi ne doit pas être trop bavarde. Or ces mots sont un exemple de bavardage inutile et doivent être de ce fait supprimés, à moins qu'on ne les complète par une référence à l'environnement familial, social ou économique.
La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour donner l'avis de la commission.
Défavorable.
Certes, la commission est sensible à l'argument de M. Préel quant à la nécessité d'éviter les lois trop bavardes. Toutefois, la précision en cause est importante et certaines associations y sont très attachées. De plus, cet élément figure dans le code de la santé publique.
La parole est à Mme la ministre de la santé et des sports, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 459 .
Même avis que la commission.
(L'amendement n° 459 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 928 .
La parole est à M. François Asensi.
Cet amendement vise à mentionner également les aspects « sociaux » du patient, qui peuvent être déterminants pour une bonne prise en charge de ceux-ci. L'accueil des publics les plus précaires est pour l'essentiel supporté par l'hôpital public. Cette spécificité doit être prise en compte dans le financement des missions de service public dans la mesure où, prenant de plus en plus d'ampleur, elle exige des réponses appropriées.
La pauvreté a notamment des conséquences très importantes sur l'état général des personnes, leurs pathologies étant souvent plus nombreuses et plus lourdes – ce fait est avéré – et la durée de leur séjour plus longue. Il n'est pas concevable de les renvoyer chez elles ou dans la rue sans avoir proposé des solutions aux problèmes sociaux qu'elles rencontrent. Parallèlement au suivi médical, ces patients ont donc besoin d'un véritable suivi social.
Nous avons donc déposé cet amendement afin que le projet de loi prenne en considération cette dimension.
Défavorable.
En effet, cette précision, qui ne figure pas dans le code de la santé publique, nous est apparue superfétatoire.
Même avis que la commission.
Nous avons montré, hier, combien le fait d'être sans logis ou de vivre dans des conditions sociales médiocres modifiait, voire alourdissait la prise en charge des patients, d'où notre volonté d'insister sur ce point. La considération s'impose non seulement du point de vue humain mais également des points de vue financier et médical, en raison des polypathologies dont ces patients sont atteints.
Il serait dommage de ne pas prendre en compte la réalité sociale non seulement de l'Île-de-France, mais également des grandes métropoles de notre pays, qui connaissent toutes des situations de précarité.
Le revenu par habitant de la Seine-Saint-Denis est nettement inférieur à celui de l'ensemble de l'Île-de-France. Je tiens également à appeler votre attention, madame la ministre, sur le fait qu'un enfant sur quatre y vit en dessous du seuil de pauvreté et que le revenu moyen des habitants de Neuilly est sept fois supérieur à celui de la population de Clichy. Il est donc évident que ces habitants connaissent de grandes difficultés et qu'un accompagnement social du patient est nécessaire. Y renoncer créerait des inégalités supplémentaires aux dépens des publics les plus défavorisés, non seulement en Seine-Saint-Denis mais, plus généralement, en France.
(L'amendement n° 928 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 261 .
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement vise à assurer la participation du secteur médico-social au parcours de soins.
Je suis sensible aux préoccupations du rapporteur.
Je tiens toutefois à lui indiquer que l'alinéa 4 de l'article 1er prévoit déjà explicitement que les établissements de santé participent à la coordination des soins en relation avec les établissements et les services médico-sociaux.
L'amendement étant satisfait, je vous demande, monsieur le rapporteur, de bien vouloir le retirer.
Je le retire, monsieur le président, compte tenu des précisions apportées par Mme la ministre.
(L'amendement n° 261 est retiré.)
Les amendements identiques nos 262 et 1014 visent à préciser que, dès lors que l'hospitalisation se fait à domicile, le domicile est entendu comme le lieu de vie de la personne, quel qu'il soit.
Je tiens à ajouter que la rédaction des amendements identiques nos 262 , de la commission, et 1014, de M. Delatte, nous paraît plus complète que celle de l'amendement n° 1091 , qui a le même objet. C'est la raison pour laquelle je précise sans attendre que la commission a émis un avis défavorable à l'amendement n° 1091 .
Je demande à M. le rapporteur de bien vouloir retirer son amendement car il est déjà satisfait.
En effet, depuis 2007, les établissements de santé, au travers des structures d'hospitalisation à domicile et des équipes mobiles gériatriques, ont vocation à intervenir dans les EHPAD et il convient de promouvoir ce dispositif qui commence à être mis en oeuvre. Il peut en effet répondre aux besoins de santé des personnes très âgées qui relèvent souvent, comme vous l'avez signalé, monsieur le rapporteur, d'une prise en charge globale. Or, comme celle-ci ne justifie que rarement le recours à un plateau technique pointu, elle peut être assurée dans leur environnement habituel.
C'est pourquoi, s'il est évidemment indispensable que les soins des établissements de santé puissent être délivrés au sein des structures médico-sociales, il n'apparaît toutefois pas utile de préciser la notion de domicile dans le code de la santé publique dès lors que les besoins de soins peuvent être couverts, au choix de la personne, au domicile personnel ou dans une institution considérée comme un substitut du domicile.
Cette demande légitime étant, je le répète, déjà satisfaite par les rédactions actuelles, je demande le retrait de ces amendements.
Il s'agissait d'une préoccupation de nombreux membres de la commission. Toutefois, compte tenu des précisions apportées par Mme la ministre, je retire l'amendement n° 262 .
Oui, monsieur le président, et pour les mêmes raisons que M. le rapporteur.
(L'amendement n° 1014 est retiré.)
La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour défendre l'amendement n° 1091 .
Monsieur le président, nous ne souhaitons pas retirer l'amendement n° 1091 du fait que les précisions qu'il vise à inscrire dans le texte sont essentielles pour éviter toute confusion fâcheuse entre domicile et lieu de vie.
Les EHPAD ne sont pas, en effet, les seuls établissements concernés : il existe plusieurs formes d'établissements médico-sociaux, ne serait-ce que les maisons d'accueil spécialisées – MAS – ou les établissements du secteur psychiatrique. Nous devons maintenir cette précision.
Madame la ministre, vous affirmez que ces amendements sont déjà satisfaits par le texte. Je tiens toutefois à rappeler que la commission a adopté à l'unanimité l'amendement n° 262 . C'est du reste la raison pour laquelle je n'ai pas maintenu l'amendement que j'avais déposé sur le même sujet et que je me suis rallié à l'amendement de la commission, la précision qu'il tend à inscrire dans le texte me paraissant importante.
Il est d'autant plus regrettable que le rapporteur ait retiré l'amendement n° 262 voté par l'ensemble de la commission que l'amendement, n° 1091 , déposé par le groupe socialiste, est moins bien rédigé. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Rolland, dois-je vous rappeler que vous êtes le rapporteur de l'ensemble de la commission ? Pour une fois qu'un amendement a été adopté à l'unanimité en commission, vous pourriez le maintenir afin qu'il soit mis aux voix. On verra alors le sort qui lui sera réservé !
Nous aussi reprenons l'amendement n° 262 , tout en précisant que nous ne sommes pas certains que la rédaction de l'amendement n° 1091 soit moins convaincante que celle de la commission.
Nous nous étions ralliés en commission à une rédaction commune. Nous regrettons que ce que ce qui a été fait en commission soit défait par le rapporteur en séance publique.
L'amendement n° 262 est donc repris à la fois par M. Préel et par Mme Touraine.
Je suis saisi d'un amendement n° 1209 .
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Cet amendement vise à prendre en considération les dimensions culturelles dans la réflexion sur l'hôpital public.
Défavorable.
En effet, la commission considère tout d'abord qu'il est inutile d'alourdir le texte – ce que nous avons déjà rappelé à plusieurs reprises ce matin.
De plus, des associations existent déjà qui ont pour objet de mettre en valeur le patrimoine historique des établissements de santé.
Je suis sensible à la dimension culturelle de l'hôpital public et à l'indispensable sauvegarde d'un patrimoine parfois très intéressant. Cette préoccupation ne me paraît pas toutefois relever des missions définies à l'article 1er.
C'est la raison pour laquelle je demande à Mme Boyer de bien vouloir retirer son amendement.
Je suis défavorable à cet amendement, non seulement pour les raisons avancées par M. le rapporteur et par Mme la ministre, mais également parce que les questions éthiques mentionnées dans cet alinéa 6 concernent, outre l'éthique médicale, l'éthique propre au fonctionnement de l'hôpital public.
Lorsque nous avons abordé hier la question de la T2A, nous avons rappelé que le bon usage de l'argent public devait être intimement lié au fonctionnement de l'hôpital. Contrairement à la conception de l'hôpital que certains de nos collègues essaieront bientôt d'inscrire dans le projet de loi, nous pensons que le but de l'hôpital n'est pas la rentabilité financière mais de réussir à conjuguer pensée médicale et bon usage de l'argent public, un bon usage dont la dimension éthique est évidente.
C'est la raison pour laquelle, je le répète, lorsqu'on évoque les principes éthiques qui doivent inspirer la conception de l'hôpital, il ne s'agit pas seulement de déontologie médicale. Ce serait donc amoindrir la portée de ces principes que d'y raccrocher un aspect dit culturel. Il est vrai que de nombreux bâtiments hospitaliers participent du patrimoine culturel de notre pays mais l'obligation de s'insérer à l'intérieur de ce patrimoine pose déjà suffisamment de problèmes aux hôpitaux publics du fait que le souci de préserver les bâtiments aboutit parfois à en freiner la rénovation.
Ajouter le mot « culturelles » affaiblirait ce souci d'éthique. Il est vrai que de nombreux bâtiments hospitaliers font partie de notre patrimoine culturel, ce qui pose parfois un problème, la rénovation de certains établissements ayant pu s'en trouver fortement freinée. Aussi cet aspect se trouve-t-il déjà suffisamment présent au sein de l'hôpital public. En revanche, la question éthique mérite d'être mise en valeur et donc, à ce titre, je ne souhaite l'addition d'aucune autre considération.
Je suis saisi d'un amendement n° 263 .
La parole est à M. le rapporteur.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel qui vise à supprimer l'alinéa 7 de l'article 1er, dont nous retrouvons la teneur au sein de l'article 2.
Favorable.
Vous allez un peu vite, monsieur le président, et je souhaite revenir sur l'amendement n° 107 qui me paraît fondamental.
Monsieur Le Guen, l'amendement n° 107 est présenté par le seul M. Debré. Or, celui-ci étant absent, l'amendement ne peut être repris, aux termes de notre règlement.
Je souhaite donc faire un rappel au règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Certes, notre collègue Jean-Louis Debré est absent pour le moment, même si je ne doute pas de sa présence assidue par la suite. Reste que son amendement est, à mon avis, très important. Il témoigne de la teneur des discussions au sein de la commission Marescaux.
Vous n'êtes pas sans savoir, chers collègues, mais peut-être certains d'entre-vous n'ont-ils pas assisté aux précédents débats, que la commission Marescaux, constituée à l'initiative du Président de la République pour réfléchir à l'avenir des CHU, en concomitance, malheureusement, avec la présente discussion, a demandé à l'unanimité que les hôpitaux universitaires soient exclus du champ d'application des dispositions concernant l'hôpital.
Bernard Debré se fait donc le porte-parole de l'ensemble des membres de la commission Marescaux. Aussi, monsieur le président, ce point mérite-t-il des explications précises de la part de madame la ministre, afin que nous sachions si elle tient absolument à bafouer les préconisations de ladite commission, et à tenter de passer en force sur la question des hôpitaux universitaires.
On ne peut pas, sous prétexte que M. Debré a quelques minutes de retard, éluder une question fondamentale qui provoque un conflit majeur jusqu'au plus haut niveau de l'État, sur les logiques qui doivent prévaloir pour l'organisation de l'hôpital public entre, d'une part, les CHU et, de l'autre, un certain nombre d'hôpitaux très importants pour nos concitoyens mais qui ne sont pas des hôpitaux universitaires.
Le règlement, monsieur Le Guen, dispose qu'on ne discute pas d'un amendement dont l'auteur est absent.
La parole est à Mme la ministre de la santé.
Je trouve curieux que M. Le Guen ait fait un rappel au règlement alors que, justement, dans votre grande sagesse, monsieur le président, vous avez appliqué le règlement. (Sourires et applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe UMP.)
Je constate simplement que Mme la ministre évite d'aborder des questions essentielles pour l'avenir de l'hôpital universitaire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Les hospitaliers universitaires et l'ensemble de nos concitoyens qui comptent sur les CHU apprécieront la manière dont on traite l'hôpital sur les bancs de cette assemblée !
Le présent article définit les différentes missions de service public donnant lieu à des financements spécifiques via les MIGAC. Il ouvre également la possibilité pour les établissements privés d'exercer « tout ou partie de ces missions de service public ». À l'heure où le Gouvernement tend à estomper la frontière entre établissements publics et privés, et prévoit la convergence tarifaire entre les deux, cette disposition est de nature, une fois encore, à favoriser outrageusement les établissements privés.
En effet, la possibilité offerte à ceux-ci de choisir « tout ou partie des missions de service public » qu'ils souhaiteraient remplir n'est pas offerte aux établissements publics qui doivent, eux, les remplir toutes. Nous sommes par conséquent farouchement opposés à cette possibilité pour les établissements privés de se voir attribuer de telles missions – et les financements publics qui vont avec – car nous considérons que tel n'est pas leur objet. La grande majorité des établissements privés a pour raison d'être de générer des dividendes pour les actionnaires. Aussi personne ne nous fera croire que c'est par philanthropie ou par sens de l'intérêt général qu'ils accepteront de se charger de telles missions.
Cette crainte est renforcée par la faculté de choisir parmi les missions de service public un peu comme dans un self-service. On devine que les cliniques privées choisiront, par exemple, l'enseignement universitaire et post-universitaire y voyant la possibilité de disposer d'internes à moindre coût et, surtout, de les garder après la fin de leurs études, ce qui ne manquera pas d'aggraver les difficultés de recrutement auxquelles doit faire face l'hôpital public.
C'est pourquoi nous proposons de distinguer deux catégories de missions de service public, les unes obligatoires, et les autres, en quelque sorte facultatives. Ainsi, les établissements privés qui accepteraient de remplir de telles missions s'acquitteraient obligatoirement et au minimum des cinq missions : permanence des soins, actions d'éducation et de prévention pour la santé et leur coordination, accueil des patients en situation de précarité, actions de santé publique et, enfin, actions de prévention en matière de santé environnementale.
Les autres missions, de la sixième à la neuvième, restent, pour leur part, facultatives. C'est seulement s'ils acceptent de participer aux cinq premières missions, manifestant ainsi nettement leur intérêt pour les actions de santé publique et d'intérêt général, que les établissements privés pourraient être autorisés à accueillir des internes.
Avant de poursuivre la réflexion de notre collègue Asensi, laissez-moi regretter que la ministre ne s'explique pas davantage sur le point que nous soulevons depuis maintenant quarante-huit heures et qui, manifestement, ne préoccupe pas seulement les députés de l'opposition, mais aussi l'ensemble des personnels hospitaliers, si l'on juge par l'inquiétude qu'ils manifestent, les médecins hospitaliers faisant d'ailleurs grève. Ils se demandent quel sort leur sera réservé à l'issue de l'examen de ce texte.
L'amendement n° 1089 répond précisément à la volonté de conforter – au coeur de l'hôpital public – le socle des missions de service public que vous voulez démanteler par le biais d'un article qui semble anodin voire positif, puisque vous y décrivez les missions de service public, mais qui revient, en fait, à mieux brader ces missions à des établissements privés qui pourront les choisir à la carte, picorant de-ci de-là ce qui leur conviendra en fonction des conditions du marché local, des caractéristiques de leurs personnels et de celles de la population qu'ils ont à prendre en charge.
Or, si nous voulons assurer, non pas la compétition, mais la complémentarité entre le service public hospitalier et les établissements de santé privés à but lucratif, nous devons faire en sorte que des règles communes s'appliquent à l'ensemble de ces établissements et que, notamment, les établissements privés ne puissent pas choisir à la carte les missions qu'ils vont accomplir mais qu'il leur soit imposé un bloc de missions de service public : permanence des soins, lutte contre l'exclusion sociale, actions d'éducation et de prévention pour la santé, actions de santé publique.
La coordination de l'ensemble de ces missions représente un coût d'ensemble pour le secteur public hospitalier, qui reste toutefois inférieur à l'addition des coûts de chaque mission. Si l'on permet au secteur privé de ne choisir que celles qui les arrangent, on voit bien comment, dans tel établissement privé spécialisé dans la chirurgie de la main, par exemple, on va former des chirurgiens, au détriment de la prise en charge de la précarité, du suivi des soins, de l'enseignement thérapeutique. On voit donc bien de quelle manière se renforcera un système lucratif à tel ou tel endroit.
Je rappelle, madame la ministre, puisque nous vous avons déjà interrogée sur ce point en commission, que nous sommes quelque peu perplexes et préoccupés par le flou de votre réponse. Selon vous, en effet, nous ne devrions pas nous inquiéter puisque cette délégation au secteur privé de missions de service public ne serait effective qu'en cas de carence du secteur public ; toutefois, vous ajoutez qu'il s'agira dans le même temps de reconnaître l'excellence de certains établissements. Ce dernier argument laisse malheureusement la porte ouverte à toutes les dérives. En l'occurrence, c'est le secteur public qui en paiera le prix fort.
La commission a rejeté ces deux amendements visant à créer un bloc de missions de service public commun aux établissements qui les exercent. Un tel dispositif est en effet contraire à la philosophie du texte.
En effet, comme cette philosophie fait prévaloir l'intérêt du patient, il convient de pouvoir répondre à la carte à ses besoins. Il serait donc regrettable que l'on puisse se passer de la collaboration d'établissements privés dans l'incapacité de remplir la totalité des missions de service public.
En outre, il ne faut pas donner dans la caricature. Les missions de service public seront déléguées par le directeur général de l'ARS. Il ne saurait donc être question pour les établissements privés de picorer selon leur bon vouloir, pour reprendre le mot de Mme Touraine.
Nous sommes donc entièrement rassurés sur la portée du texte. Aussi je vous propose de rejeter ces deux amendements.
Je crains qu'on ne fasse une confusion et je souhaite rassurer Mme Touraine.
Il ne s'agit pas, pour les établissements privés, de venir « picorer » dans les missions de service public.
C'est inexact, vous n'avez pas compris. Le directeur général de l'ARS peut constater des carences dans l'exercice des missions de service public sur le territoire relevant de sa compétence. À ce stade, c'est lui qui demande à tel ou tel établissement d'exercer ces missions de service public. En aucun cas, par conséquent, les établissements privés ne sont appelés à picorer, comme dit Mme Touraine.
Il s'agit de l'intérêt des patients et de celui des territoires. Aucune confusion n'est donc possible. On ne doit pas coucher l'administrateur sanitaire dans un lit de Procuste où il serait empêché de mener une politique et d'avoir une gestion au service du patient. Rassurez-vous donc : en aucun cas un établissement de santé ne décidera d'assumer telle mission de service public comme on prend un produit sur une étagère.
Nous touchons ici un point fondamental. Comme l'a très bien dit M. le rapporteur, il concerne toute la philosophie du texte, dont je crains malheureusement que nous ne l'ayons trop bien comprise.
J'ai lu, par exemple, ce qu'a écrit le rapporteur sur cet article 1er. Il nous dit que les établissements publics ne seront plus, désormais, définis par leur statut mais par les missions qu'ils accompliront, oubliant d'ailleurs que le terme de statut ne vient pas du ciel, car derrière certains établissements, il y a les finances publiques, et derrière les autres, de plus en plus nombreux, il y a les fonds de pension. C'est une différence colossale.
Nous, nous ne considérons pas, à la différence de M. le rapporteur, que ces missions qui vont définir les établissements puissent être attribuées à la carte. Le service public, c'est un menu complet. Du moins, il doit avoir des bases définies, assurées, sans quoi c'est une fragmentation, un picorage, comme l'a souligné Mme la ministre,…
Moi, j'ai dit ça ?
…faute de quoi les établissements privés assumeront uniquement les charges les plus prestigieuses ou les plus rentables. L'exemple de la chirurgie de la main est particulièrement juste. À Bordeaux, nous avons l'exemple de la chirurgie du rachis, qui pourrait alors, selon ce projet de loi, ne plus être assurée à l'hôpital public et être transférée au secteur privé..
On peut craindre, on craint déjà que quand cette personne unique qu'est le directeur de l'ARS constatera une carence, ce ne soit en réalité une carence de moyens de l'hôpital. Et ces moyens vont, de facto, être transférés au privé, avec les bénéfices qui vont avec. Cela, c'est le noeud gordien de cette réforme dite de l'hôpital.
Cet article 1er consacré aux missions des établissements de santé est fondamental. Il s'agit de ne pas reproduire les erreurs du passé. Nous devons énoncer très précisément et très clairement quelles sont ces missions. Et c'est pourquoi nous proposons, comme l'ont dit Marisol Touraine et Michèle Delaunay, de dire très nettement qu'il y a un socle, un bloc de missions de service public devant être assurées par tous les établissements de santé, sans exception, ce socle incluant la permanence des soins, la lutte contre l'exclusion sociale et les actions d'éducation et de prévention pour la santé.
Oui, il s'agit bien aussi de s'assurer, dans la loi, que les établissements privés ne choisiront pas à la carte les missions les plus lucratives.
Ce matin, j'ai l'impression d'assister à un remake. D'ailleurs, certains acteurs qui étaient déjà là en juillet 2007 sont de nouveau dans l'hémicycle. La loi LRU de Mme Pécresse, que nous avions examinée alors, commençait par un article 1er consacré aux missions de l'enseignement supérieur. Mme Bachelot reproduit les mêmes erreurs que sa collègue. Elle est en train de se « pécressiser ».
Et je vais vous dire pourquoi. Mme Pécresse avait proposé une loi sur la gouvernance sans plan pluriannuel d'accompagnement prévoyant les moyens financiers et humains.
Et vous voyez le résultat, monsieur Apparu : moins de deux ans après l'adoption de cette loi, il y a le feu partout dans l'enseignement supérieur.
Parce que 1,8 milliard, ce n'est pas un plan pluriannuel ? C'est quoi ?
Avec ce projet de loi, vous faites exactement le même raisonnement. Vous énoncez des missions, dans le cadre d'une loi d'organisation, en refusant par ailleurs de vous donner les moyens d'assurer ces missions de service public.
C'est un mensonge ! Les moyens sont là, pour l'université comme pour l'hôpital !
Il faut énoncer très clairement ces missions de service public, mais il faut que les moyens suivent. Je constate qu'il y a zéro centime dans le plan de relance, et que s'agissant des emplois dans la fonction publique hospitalière, vous ne citez plus de chiffre depuis quelques jours, madame Bachelot, alors que vous aviez déclaré un peu trop vite, ici même, en réponse à la question posée par l'un de nos collègues, que 25 000 avaient été créés en 2008. Les services de votre ministère, dans un article paru dans Le Monde il y a quelques semaines, disaient qu'au mois de septembre, seuls 4 000 emplois avaient été créés. Faut-il en conclure qu'entre septembre 2008 et janvier 2009, 21 000 autres l'ont été ? Cela fait rire dans tous les hôpitaux publics depuis quelques jours.
Ce qu'il faut aujourd'hui, ce sont des missions, mais ce sont surtout de nouvelles règles de financement pour les hôpitaux publics. Et cela implique de revenir sur l'évolution insuffisante de l'ONDAM hospitalier comme sur la T2A dans les CHU. Cela implique aussi de prendre en compte l'aménagement du territoire et les missions de service public.
Je suis saisi d'un amendement n° 857 .
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
Dans son alinéa 10, l'article 1er dispose que « les établissements de santé peuvent être appelés à mener ou à participer à une ou plusieurs des missions de service public » qu'il énumère ensuite. Cet amendement a pour but d'apporter deux précisions.
D'une part, il propose que cette disposition concerne « les établissements publics de santé et les établissements de santé privés d'intérêt collectif », c'est-à-dire les PSPH.
D'autre part, il précise que ces établissements « sont appelés prioritairement » à remplir ces missions de service public.
Aux termes du projet de loi, le directeur de l'agence régionale de santé peut autoriser un établissement privé commercial à assurer des missions de service public. Il convient de préciser les conditions dans lesquelles ces missions sont assurées, en se fondant sur le constat d'une carence du service public hospitalier, dans le cas où l'hôpital public ou l'établissement de santé privé d'intérêt collectif ne peuvent l'assurer pour des raisons locales, tenant en particulier à la démographie médicale. Il est donc proposé, par cet amendement, de préciser les conditions dans lesquelles les missions de service public peuvent être exercées par les établissements de santé.
Cet amendement reprend, en fait, l'argumentation présentée par Mme la ministre il y a quelques instants, à l'occasion d'un amendement précédent, lorsqu'elle a évoqué les problèmes de carence. Je suis donc certain qu'elle sera favorable à la précision que je propose.
Avis défavorable. Il semble que cet amendement vise à introduire une priorité dans l'exercice des missions de service public,…
…pour certaines catégories d'établissement. Or l'esprit de la loi, ce n'est pas de raisonner en fonction des catégories d'établissement, mais en fonction d'un objectif qui est la satisfaction des besoins des patients sur un territoire. Comme nous l'avons dit à l'occasion des amendements précédents, il s'agit, pour le directeur de l'ARS, de confier les bonnes missions aux bons établissements, sur le territoire adapté.
Je demanderai à M. Préel de retirer son amendement. Je crois qu'il y a, là aussi, un peu de confusion. Bien entendu, les établissements de service public ont vocation à assurer en priorité les missions de service public. Et d'ailleurs, comme je l'ai expliqué lors de la discussion de l'amendement précédent, c'est le directeur général de l'ARS qui confiera ces missions de service public en cas de carence, en cas de manque, en cas de difficulté, à tel ou tel établissement privé. Il jugera en fonction des besoins de la population.
Si un établissement privé décide, par exemple, de faire de l'éducation à la santé, je trouve qu'il s'engage dans une démarche tout à fait intéressante. J'accepterai bien entendu un amendement visant à reconnaître la qualification d'établissement de santé privé d'intérêt collectif à des établissements qui continueront d'assurer les missions qui leur sont confiées et qui pourraient, aux termes du contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, se voir confier d'autres missions.
Je le répète, la procédure d'attribution des missions de service public sera très encadrée par les agences régionales de santé, pour satisfaire les besoins de la population qui ne seraient pas couverts.
Il me semble, monsieur Préel, que votre précaution, dont je comprends l'esprit, est inutile. Elle me paraît même pouvoir provoquer un certain nombre de difficultés. Moi, je souhaite que tous les établissements de santé soient mobilisés pour remplir des fonctions de service public, et, sur le mode du volontariat ou chaque fois que l'on aura besoin d'eux, sur décision de la direction de l'ARS, des missions comme l'éducation à la santé ou la permanence des soins.
Même si cet amendement ne nous semble pas aller suffisamment loin, nous le voterons, si du moins M. Préel ne le retire pas.
Vous nous dites, madame la ministre et monsieur le rapporteur, qu'au fond, l'esprit de la loi, c'est de pouvoir établir un service de santé à la carte, en allant « au plus près du terrain », et sous le regard d'une agence régionale de santé dont on ne sait absolument pas en fonction de quels critères ou principes, avec quels moyens et après quelles évaluations elle va décider qu'ici, il y a carence, et que là, au contraire, le service public hospitalier assure parfaitement ses missions. Le terme de carence lui-même est d'ailleurs sujet à discussion et à caution.
Au lieu de nous rassurer, vos précisions nous inquiètent. On a le sentiment que c'est l'arbitraire qui va dominer. Et sans parler d'arbitraire, sans voir des complots partout dans les administrations et les instances destinées à gérer notre système public de santé, on peut parfaitement imaginer qu'il y ait, à un moment donné, une volonté politique de recentrer le service public hospitalier sur certaines missions et de confier d'autres missions au secteur privé.
Il nous semble donc qu'il faut, au minimum, introduire dans la loi un certain nombre de critères et de précisions permettant de définir ce que sont les missions de service public et la manière dont va s'organiser le constat d'une prétendue carence.
Pour notre part, nous irions beaucoup plus loin encore que l'amendement présenté par M. Préel, mais c'est en tout cas un pas dans la bonne direction.
Comme Mme Touraine vient de le dire, nous allons voter cet amendement. Bien qu'insuffisant, il manifeste de la part de M. Préel, qui appartient à la majorité, une préoccupation que nous partageons. Je constate que M. Debré avait déposé un amendement qui n'a pas pu être défendu tout à l'heure mais qui répondait, lui aussi, aux mêmes préoccupations que les nôtres.
Le service public hospitalier est mort du fait de cet article 1er. Place aux missions de service public « des établissements de santé », sans aucune précision sur la façon dont le directeur de l'ARS pourra constater la carence et attribuer à tel ou tel établissement privé la charge d'une mission de service public.
Les directeurs des agences régionales de santé, recrutés par annonce dans les journaux économiques, peuvent venir de n'importe quel horizon. On ne sait trop sur quels critères ils seront choisis, mais étant donné la philosophie managériale de votre texte, ils pourront très certainement venir, par exemple, du secteur des banques d'investissement, lesquelles ont fait leurs preuves dans un passé récent.
Le directeur de l'ARS ne pourra-t-il pas, non seulement constater, mais éventuellement organiser la carence, pour attribuer une mission de service public à un établissement qu'il aura préjugé plus apte à l'assumer que l'établissement public ? Dans son édition du 6 novembre dernier, Le Quotidien du Médecin a publié un article très intéressant, dans lequel quatre directeurs, qui conservaient l'anonymat, parlaient cartes sur table. Le directeur d'un centre hospitalier public répondait par avance à votre argument concernant les effectifs, madame la ministre, puisqu'il écrivait ceci : « Il y a des départs non remplacés, des redéploiements. Dans les services de soins, il n'y a pas de suppression directe, mais des recompositions qui permettent d'économiser des emplois soignants. Personne ne me le demande, la consigne n'est pas officielle, mais je n'ai pas le choix. » Cela veut dire que la carence pourra être organisée par le rationnement, ce qui permettrait ensuite à un directeur, en fonction de sa personnalité, de transmettre à tel ou tel établissement privé une mission de service public, sans que cette mission soit assise sur un bloc de service public.
Voilà pourquoi, madame la ministre, nous voterons l'amendement de M. Préel, qui reflète la même inquiétude que la nôtre.
Cet amendement, malgré ses limites, est tout à fait intéressant. Cela dit, madame la ministre, on est en pleine hypocrisie. Vous parlez de carence du service public, mais quand on veut tuer son chien…
Pourquoi l'hôpital public est-il en grande difficulté ? Je suis président du conseil d'administration de l'hôpital Robert-Ballanger à Aulnay-sous-Bois. Dans un environnement social catastrophique, qui voit des situations dramatiques, l'hôpital public accueille tous les patients, quelle que soit leur origine, en leur offrant à la fois des soins de qualité et un suivi.
L'ARS, futur grand manager, décidera où il y a carence et où le privé pourra se substituer à l'hôpital. Mais les majors privées de la santé en France, telle la Générale de santé, ont des comptes à rendre à leurs actionnaires, des dividendes à leur verser. Évidemment, elles chercheront à prendre les missions les plus lucratives. Par conséquent, il est important de définir un bloc de missions de service public de manière à empêcher un dépeçage de l'hôpital public par le privé.
Manifestement, on est là au coeur de la philosophie de votre texte : article un, liquider l'hôpital public et donner toute sa place au privé. Voilà la rupture selon le Président de la République !
J'ai bien entendu la demande de retrait de Mme la ministre, mais cet amendement me paraît important et je le maintiens.
La mission essentielle des établissements de santé, c'est de soigner en fonction des besoins de santé de l'ensemble de la population, sans aucune discrimination, à quoi s'ajoutent des missions de service public – enseignement, recherche, prévention. Les missions de service public, aujourd'hui, sont remplies en priorité par le service public hospitalier et le privé d'intérêt collectif – ce que l'on appelle les PSPH.
Je ne suis pas opposé à ce que les établissements privés puissent assurer des missions de service public, notamment en cas de carence du service public. Mais ce sera aux ARS de veiller, demain, à ce que ces missions soient remplies sur le territoire de santé. Aussi, il me paraît nécessaire d'indiquer dans la loi que ce n'est qu'en cas de carence du service public hospitalier et des PSPH que le privé pourrait être appelé à remplir ces missions de service public, et que celles-ci sont assurées en priorité par les établissements publics de santé et les PSPH.
(L'amendement n° 857 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 856 .
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
J'ai une certaine expérience des débats à l'Assemblée nationale et je constate qu'il est toujours aussi difficile d'améliorer les textes, même lorsque l'on présente des arguments convaincants. C'est le jeu de l'Assemblée…
Le nouvel article L. 6112-1 du code de la santé publique présenté par le projet de loi clarifie la définition des missions de service public en spécifiant que tout établissement peut y participer quel que soit son statut, qu'il soit privé ou public.
Si cette volonté de faire participer tous les établissements aux missions de service public est à saluer, ceux-ci doivent pouvoir le faire dans des conditions équilibrées de droits et d'obligations entre les établissements. Ainsi, l'objet de l'amendement est de rappeler le principe de l'égalité des établissements hospitaliers en termes de missions de service public.
La commission a repoussé cet amendement. Elle considère, comme je l'ai déjà dit, que la précision est inutile dans la mesure où les obligations attachées à l'exercice d'une mission de service public ont été soigneusement précisées par le texte.
Avis défavorable pour les mêmes raisons. Les préoccupations de M. Préel sont déjà satisfaites par la rédaction du texte.
Les préoccupations de M. Préel, non plus que les nôtres, ne sont aucunement satisfaites, comme nous l'avons déjà dit. Il n'y a aucune garantie que le noyau dur des missions de service public soit transféré en même temps que l'une ou l'autre. Cela déséquilibre la charge entre les établissements hospitaliers : entre les hôpitaux et les cliniques, pour appeler les choses par leur nom.
Nous donnons là à une seule main la possibilité d'ouvrir un robinet et de vider le service public, alors que rien ne permettra le mouvement en sens contraire si l'on s'aperçoit que la mission est mal assurée. Rien ne permettra de ramener dans le service public, en y consacrant les moyens adéquats, les missions que l'on aura transférées.
Une fois encore, j'insiste : prenez toute la mesure – je m'adresse en particulier à ceux qui travaillent dans les hôpitaux – de ce que c'est à une seule main que vous confiez la possibilité d'aménager, de créer, d'entretenir la carence et de transférer.
Je suis entouré de spécialistes de l'hôpital et du système de santé français, qui ne cessent de m'alerter, que ce soit dans l'hémicycle ou ailleurs, sur les dangers du texte. J'ai cru comprendre que la préoccupation est partagée sur d'autres bancs que ceux de la gauche de sauver le service public, qui est en danger. En témoignent les premiers amendements, qui ont été rejetés, le rapporteur nous opposant la philosophie du texte – mais c'est bien ce qui nous inquiète.
Je suis encore plus inquiet lorsque j'entends un argument aussi mince – s'il fallait le mettre entre deux tartines, le sandwich ne serait pas de qualité ! – que celui consistant à dire que l'amendement de M. Préel est très bien mais déjà satisfait par le texte. Si l'on a un doute, si l'on considère qu'un amendement a du sens, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le retenir. Deux précisions valant mieux qu'une, et le rapporteur ayant dit qu'il était favorable à l'esprit de l'amendement, je lui suggère de revenir sur sa décision s'agissant de l'amendement de M. Préel. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Comme M. Roy, je pense qu'il vaut mieux dire les choses bien, les redire même, plutôt que d'en laisser certaines de côté. L'argument du rapporteur serait recevable si l'amendement précédent avait été adopté. L'article 1er est celui qui définit un « bouclier » de service public et, puisque l'amendement n° 857 n'a pas été adopté, il ne me paraît pas superflu de réaffirmer ce principe. Je ne vois pas en quoi la répétition présenterait un inconvénient. Parfois, la redite est utile.
Mon rappel se fonde l'article 58, alinéa 1, de notre règlement. M. Debré n'est pas présent pour défendre ses amendements, mais il ne saurait tarder sans doute, et je voudrais insister sur la portée de ces amendements, en m'attachant non pas au fond – ce n'est pas l'objet d'un rappel au règlement –, mais au principe même de notre discussion.
Vous évitez systématiquement de répondre à nos inquiétudes et à nos interrogations concernant le découplage, totalement contre-nature et contre-productif, entre le présent texte et les prochaines réformes que vous allez annoncer, notamment sur le volet universitaire, celui des CHU. Si ces inquiétudes n'étaient que les nôtres, nous pourrions éventuellement nous résigner à votre attitude. Le problème, c'est que ces inquiétudes sont celles de tout le milieu hospitalier, comme le montre la grogne grandissante qui s'empare des établissements.
Je ne crois pas, à voir les réactions qui s'expriment de manière de plus en plus fréquente et de plus en plus forte au sein des CHU et de l'hôpital public, que l'on puisse dire, comme certains voudraient le faire croire, qu'il s'agit là d'un mouvement politique. Ceux qui ont eu l'occasion de rencontrer, dans leur circonscription, les médecins, les présidents de commissions médicales d'établissement, les chercheurs des établissements publics hospitaliers, et de les entendre exprimer leur inquiétude et leur préoccupation s'agissant de l'avenir de la recherche et de l'enseignement au sein des CHRU, du lien entre la recherche clinique et la clinique médicale, du lien entre recherche fondamentale et recherche universitaire, tous ceux-là savent bien que ces gens ne sont pas mus par des préoccupations politiques : ils ont fait part de préoccupations exclusivement professionnelles.
Non seulement je m'étonne, mais je suis très inquiète de savoir que des dispositions législatives, qui devraient être au coeur du dispositif examiné aujourd'hui, seront présentées au Sénat et qu'une autre loi viendra peut-être en discussion on ne sait quand, sans que l'articulation entre l'exercice de la médecine dans les CHRU et la recherche et l'enseignement soit clarifiée.
J'appelle votre attention, madame la ministre, sur le fait que votre position, qui est aussi celle du Gouvernement, loin d'apaiser les inquiétudes, les attise et ne fait que renforcer le malaise qui existe aujourd'hui au sein de l'hôpital public.
Je suis saisi d'un amendement n° 931 .
La parole est à M. François Asensi.
Cet amendement tend à introduire dans les missions de service public les actions de prospective et de prévention en matière de santé environnementale. Cette question doit faire partie intégrante des missions de l'hôpital qui, de fait, est le plus souvent en première ligne pour traiter les pathologies souvent lourdes dues à la dégradation de l'environnement. C'est sans doute l'échelon où l'on peut le mieux relever ce défi qu'est le combat contre les maladies d'origine environnementale, notamment l'épidémie de cancers à laquelle nous sommes confrontés, les maladies dues à l'amiante et aux pesticides ou encore les maladies chroniques comme l'asthme ou le diabète.
Ce sont les plus pauvres et les plus fragiles de nos concitoyens qui sont le plus souvent touchés par les graves manques dans ces domaines. Votre projet de loi ignore ces questions. C'est ce que nous voulons corriger par cet amendement.
Les actions de prospective et de prévention en matière de santé environnementale relèvent des ARS. Il faut laisser, bien évidemment, aux établissements de santé leur priorité : les soins.
La commission a repoussé cet amendement.
Avis défavorable.
Madame la ministre, je ne suis pas sûr que l'hôpital, en tant que tel, soit le mieux habilité à s'occuper de l'ensemble de la santé environnementale.
Deux questions très importantes sont implicitement posées dans cet amendement, sur lesquelles je vous demande de réfléchir : d'une part, l'impact de l'hôpital sur l'environnement et, d'autre part, l'impact de la crise environnementale, de la crise énergétique sur le fonctionnement de l'hôpital.
On nous dit qu'il y a suffisamment d'argent aujourd'hui pour investir dans l'hôpital public. Mais, si nous avions en tête la réalité des conséquences du Grenelle de l'environnement, si nous disposions d'études, qui n'existent pas, sur l'impact énergétique de l'hôpital, si nous prenions la mesure exacte de la gestion – j'allais dire « améliorée » – du rejet des déchets de l'hôpital public, déchets toxiques et médicaments, nous considérerions que l'hôpital mérite des soins plus attentifs, des budgets d'investissement beaucoup plus importants, pour prendre en compte les problèmes de santé environnementale ou simplement le rôle de l'hôpital dans le réchauffement climatique et les rejets de CO2.
Je remercie nos collègues du groupe GDR d'avoir posé cette question. Je constate qu'au moment où nous parlons d'un plan d'investissement pour l'hôpital, aucun de ces points n'est pris en compte.
Je voudrais fournir un exemple de l'acuité de ces questions : l'hôpital Robert-Ballanger, situé tout près de l'aéroport Charles de Gaulle et de l'aéroport du Bourget. La présence de ces deux aéroports a des conséquences sur la santé des riverains. Vous nous dites, madame la ministre, que ce n'est pas le rôle de hôpital de s'en préoccuper. Qui doit le faire ? Le ministère de la santé ? Aucune étude épidémiologique n'a été réalisée sur l'impact de ces aéroports sur la santé. On sait, intuitivement, que des pathologies sont liées à la présence de ces aéroports.
Les avionneurs et les lobbies de l'aviation ne veulent pas réaliser ces études.
Je suis très sensible aux préoccupations de santé environnementale, mais ce n'est pas le rôle de l'hôpital de mener ces études. Vous chargeriez inutilement un hôpital public dont vous reconnaissez qu'il exerce déjà de nombreuses missions.
Les ARS auront un rôle prééminent – pilote, si j'ose dire – pour prendre en compte ces questions.
Monsieur Le Guen, dans les critères que j'ai fixés pour Hôpital 2012, les questions environnementales et la qualité environnementale sont des facteurs de choix très importants et font partie des lignes directrices que j'ai retenues pour les plans d'investissement. C'est un point majeur.
Des consignes extrêmement précises ont été données, dans ce cadre, aux promoteurs des projets de rénovation et de reconstruction hospitalières.
(L'amendement n° 931 n'est pas adopté.)
L'amendement souligne le rôle des associations dans la lutte contre l'exclusion, qui sont des acteurs essentiels. Il nous semblait important de les citer.
La commission a adopté cet amendement. L'amendement n° 1093 est identique.
En revanche, la rédaction de l'amendement n° 932 , qui évoque une « dynamique de réseaux », nous semble trop imprécise. La commission y a donc donné un avis défavorable.
La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour défendre l'amendement n° 1093 .
Nous nous réjouissons de l'avis favorable de la commission.
Le début du texte imposait cette mention des associations de lutte contre l'exclusion. Elles ont un rôle majeur, qu'il convient de ne pas oublier ni de négliger. Il importe donc de les associer.
La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l'amendement n° 932 .
L'article définit les missions de service public que peuvent être appelés à remplir les établissements de santé. Parmi celles-ci figure la lutte contre l'exclusion, menée en association avec d'autres structures ou instances : services sociaux de l'État, collectivités locales et associations.
En se contentant de viser les associations qui oeuvrent dans le domaine de l'insertion, la rédacttion proposée est plus restrictive que celle qu'elle remplace et qui évoque les associations oeuvrant dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion.
Cette différence n'est pas anodine. Nous considérons, en effet, qu'il est tout aussi important de lutter pour l'insertion des personnes marginalisées que de les empêcher de tomber dans une situation d'exclusion.
S'il est nécessaire d'associer à la mission des établissements de santé les associations qui luttent contre l'exclusion sociale, il est tout aussi nécessaire d'y associer celles qui tentent de prévenir cette exclusion. C'est l'objet de l'amendement n° 932 , dont la défense aura permis, par ailleurs, de souligner l'imbrication des différentes formes de lutte contre l'exclusion et la nécessité qui en découle pour les différents acteurs qui prennent part à ce travail de réseau.
M. Asensi vient pratiquement d'exprimer ce que je souhaitais dire.
Lorsque l'on fait une énumération, on risque évidemment d'oublier un certain nombre d'acteurs, en réglant la focale sur l'un ou sur l'autre.
Le texte prend en compte la nécessité de lutter contre l'exclusion sociale et la précarité et indique qu'il faut associer à ce combat des acteurs extrahospitaliers – les associations de lutte contre l'exclusion, mais bien d'autres également, que vous avez excellemment énumérées. L'énumération exhaustive n'est pas possible.
Je vous aurais bien proposé de retirer cet amendement, mais je m'en remettrai à la sagesse de l'Assemblée. Cela étant, vous risquez d'obtenir un effet contraire à celui que vous recherchez comme moi : donner toute leur place aux associations de lutte contre l'exclusion aux côtés d'autres acteurs.
Je voudrais, malgré l'intervention de Mme la ministre, dont je peux comprendre la logique, insister pour que soit mentionné spécifiquement le rôle des associations de lutte contre les exclusions dans la prise en charge sanitaire.
La question de la précarité dans les établissements de santé est un problème majeur, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises. En effet, la prise en charge pour une pathologie identique et les soins à apporter à une personne en situation précaire ou d'exclusion ne sont pas identiques à ceux que réclame une personne parfaitement intégrée.
Tous ceux qui exercent des responsabilités et sont engagés au niveau local dans la lutte contre les exclusions, que ce soit par l'intermédiaire des conseils généraux ou par l'intermédiaire de ces associations, savent que la préoccupation essentielle évoquée par les associations de lutte contre les exclusions, notamment dans l'accompagnement professionnel des personnes concernées, c'est la difficulté qu'il y a à prendre en charge les problèmes de santé de personnes qui ne peuvent accéder au marché du travail ou qui ne peuvent même pas être accompagnées dans un « processus professionnalisant » si l'on ne prend pas en même temps en charge leurs problèmes de santé liés à cette situation de précarité.
La spécificité de la situation de précarité justifie que l'on mentionne les associations de lutte contre les exclusions, à un moment où va être mis en oeuvre, dans les départements, le revenu de solidarité active dans des conditions qui ne sont pas toujours extrêmement faciles et à un moment où se pose la question du lien entre accompagnement professionnel et prise en charge sociale, sanitaire notamment. À cela s'ajoute l'accroissement du nombre de cas de pauvreté et de précarité pour des raisons économiques sur lesquelles il n'est pas nécessaire de revenir.
Le rôle des associations de lutte contre l'exclusion est donc malheureusement appelé à se renforcer. Il est nécessaire de les reconnaître, afin qu'elles puissent pleinement jouer leur rôle.
L'amendement a le mérite de mettre l'accent les problèmes d'exclusion et d'inégalité sociale en matière de santé.
Un numéro spécial du Bulletin épidémiologique hebdomadaire paru en janvier indique que les inégalités sociales de santé ne cessent de s'aggraver et que le ver de l'inégalité sociale prospère.
Tout le système sanitaire paraît doucement mais sûrement gangrené par ces inégalités sociales. À côté des difficultés d'accès aux soins dues aux problèmes démographiques et financiers que nous connaissons, il ne faut pas méconnaître les difficultés spécifiques qui affectent de larges secteurs de la population.
Dans notre pays, les inégalités sociales de santé sont restées trop largement ignorées. Mme Touraine a indiqué qu'elles pourraient s'aggraver encore avec la crise. Le professeur Desjoyaux a récemment écrit que le système de santé allait devoir être plus attentif à telle et telle catégorie de population qui allait souffrir en priorité de la crise. Aujourd'hui, il faut placer au premier rang des préoccupations du système de santé les inégalités sociales. C'est ce qui a été fait au Royaume-Uni, dont on critique largement le système de santé, mais qui, à cet égard, a fait des efforts, comme d'ailleurs la Suède.
Voilà pourquoi nous voterons cet amendement.
Monsieur Bapt, je ne voudrais pas que vous donniez un sentiment inverse de celui que vous avez en tête.
La particularité de l'hôpital est d'accueillir tout le monde et de dispenser des soins de qualité à chacun, quels que soient sa couleur de peau ou son statut social.
Les inégalités sociales peuvent avoir une influence sur certaines maladies et sur la façon dont sera gérée l'après-hospitalisation.
Mais, durant la période de l'hospitalisation, nous devons être très attentifs à ce qu'il y ait aucune inégalité dans les soins dispensés, quel que soit le statut social du malade.
Je suis saisi d'un amendement n° 1090 .
La parole est à Mme Michèle Delaunay.
Cet amendement vise à compléter la liste des missions de service public eu égard au développement des soins ambulatoires. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons, après l'alinéa 19, insérer les précisions suivantes : « La participation à des filières de soins et d'accompagnement ou à des dispositifs de coordination des prises en charge qui articulent les interventions de la médecine ambulatoire, les établissements et services de santé et médico-sociaux, en direction des personnes rencontrant des difficultés dans l'accès à des soins adaptés et aux différentes formes d'accompagnement médico-social, notamment les personnes âgées ou les personnes handicapées ».
Si l'on ne procède pas à la correction de l'article 1er, on risque de « requalifier » des établissements de service public en pénalisant les publics les plus vulnérables pour lesquels ces établissements sont essentiels.
La commission a repoussé cet amendement. L'alinéa 4 de l'article 1er – qui définit, dans une rédaction proche de celle proposée par Mme Delaunay, l'ensemble des missions des établissements de santé, publics ou privés – précise qu'ils « participent à la coordination des soins en relation avec les membres des professions de santé exerçant en pratique de ville et les établissements et services médico-sociaux, dans le cadre défini par l'agence régionale de santé ».
La légitime préoccupation de Mme Delaunay est satisfaite par la rédaction de l'alinéa 4 de l'article 1er, comme vient de le souligner M. le rapporteur.
Avis défavorable, donc.
La coordination des soins est particulièrement nécessaire pour les populations vulnérables, en termes d'accompagnement des soins, de suivi et de prévention secondaire. C'est la raison pour laquelle nous avons tant insisté sur le bloc de mission de service public. Or nous regrettons que vous ne l'ayez pas accepté. Il nous semble primordial que les établissements privés chargés d'une mission de service public soient dans l'obligation d'assurer ce continuum.
Votre proposition est déjà satisfaite !
(L'amendement n° 1090 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 463 .
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
Nous proposons, après l'alinéa 23, d'insérer l'alinéa suivant : « Sur chaque territoire de santé, les missions de service public (…) sont dispensées à un niveau de proximité. »
Le projet de loi propose de rendre les missions de service public divisibles, en fonction des besoins du territoire. Il nous paraît que la constitution d'une offre de service public hospitalier sur un territoire donné ne peut être laissée à la seule appréciation de l'agence régionale de santé, mais que la loi doit définir un cadre général afin de garantir clairement à chaque citoyen le service public auquel il peut prétendre. Aussi convient-il qu'au-delà de la possibilité pour l'ARS de désigner les personnes qui seraient chargées d'assurer une mission de service public non assurée sur un territoire de santé, la loi pose le principe, que sur chaque territoire de santé, les missions de service public doivent être assurées et qu'elle définisse celles qui sont nécessaires à un niveau inférieur à celui du territoire de santé. Ces missions, au nombre de quatre, sont consubstantielles à l'exercice d'un service public hospitalier de proximité. Il s'agit de la permanence des soins, des actions d'éducation et de prévention pour la santé et leur coordination, de la lutte contre l'exclusion sociale et des actions de santé publique.
Après avoir examiné avec attention la proposition de notre collègue Jean-Luc Préel, la commission a donné un avis défavorable, car ces préoccupations relèvent du schéma régional d'organisation des soins, document établi par l'agence régionale de santé.
Avis défavorable pour les raisons données par M. le rapporteur.
La proximité, élément très important pour certaines missions, sera appréciée par l'agence régionale de santé en fonction du SROS.
L'amendement de notre collègue Jean-Luc Préel est tout à fait bienvenu ! Sa proposition relève de la loi et non du SROS !
Nous adhérons à l'idée de M. Préel d'instaurer, par la loi, un droit opposable à un véritable accès aux soins de proximité – ce qui ne signifie pas tous les soins –, notamment la permanence des soins, élément majeur du dispositif.
Ne nous renvoyez pas aux ARS chaque fois que nous parlons d'accès aux soins !
Elles vont l'avoir !
Si l'on veut véritablement, madame la ministre, que la proximité des soins soit un droit – qui, certes, n'est pas encore un droit opposable même si cela pourrait être envisageable –, il faut l'inscrire dans la loi. Nos collègues de la majorité savent bien, pour se l'entendre dire régulièrement, que nos concitoyens expriment une réelle inquiétude à ce sujet. Dans le cadre de cette restructuration hospitalière, il faut également garantir l'accès à un certain nombre de soins primaires, voire à un certain nombre de soins de niveau secondaire, sur l'ensemble du territoire national. C'est que propose notre collège Préel !
Permettez-moi de vous faire remarquer que c'est un parlementaire de la majorité qui présente cet amendement ! Les débats seraient-ils désormais verrouillés ? Cela signifierait-il que la majorité est reprise en main : « Circulez, il n'y a rien à voir » ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous êtes bien placé pour savoir ce qu'est une reprise en main ! Elle est plutôt radicale chez vous !
L'objectif serait-il de légiférer le plus vite possible sur un texte qui ne donne satisfaction à personne dans cet hémicycle ? Ou allons-nous pouvoir faire notre travail de parlementaire ?
Le sens profond de cette loi, c'est l'accession aux soins pour tous ! (« Voilà ! » sur les bancs du groupe SRC.) Et celle-ci doit être définie à un niveau général et ne peut être renvoyée au seul SROS. La loi doit poser le principe de la proximité.
Chacun sait que, sans établissements de santé publique, il est extrêmement difficile de structurer une permanence des soins – notamment pour une population rurale disséminée. Toutes les maisons de permanence de garde s'appuient, dans la majorité des cas, sur des établissements de santé publique.
Ne pas inscrire ces soins de proximité dans la loi enlèverait à celle-ci beaucoup de sa force.
Je rejoins tout à fait les propos tenus par M. Le Guen et M. Leteurtre.
Il m'a semblé, madame la ministre, que vous n'avez pas nié le bien-fondé de l'amendement de M. Préel, et que vous avez renvoyé au titre IV. La question est de savoir si vous reprendrez les termes exacts de l'amendement quand nous examinerons l'organisation territoriale du système de santé.
La permanence des soins concernant directement les établissements de santé, ne pourrions-nous pas, d'ores et déjà, au titre I, retenir la proposition de nos collègues du Nouveau Centre ?
Nous croyons tous à l'importance de la notion de proximité et c'est déjà ce qui se pratique sur le terrain.
Cela étant, je vous rappelle qu'un texte législatif ne doit pas être un catalogue de bonnes intentions. Le Conseil d'État nous met régulièrement en garde contre l'inflation de lois bavardes qui n'ont plus aucun caractère juridique.
Nos divergences ne portent pas sur le fond, mais sur le rôle de la loi !
Nous l'avons constaté tout au long de nos débats en commission. J'estime qu'il ne faut pas encombrer la loi en y ajoutant des dispositions d'ordre réglementaire.
Ne vous méprenez pas : je partage totalement l'idée de nos collègues du groupe Nouveau Centre. Mais de grâce, pas de fausses querelles ! Finissons-en avec ces textes interminables et ces lois bavardes !
Je regrette la tournure que prend notre discussion. Loin de nous l'idée de vouloir une loi bavarde, monsieur le président Méhaignerie ! Nous voulons une loi pour la santé de proximité, ainsi que pour l'égalité et l'accès de tous aux soins.
Nous souhaitons défendre la qualité du système de santé français.
Il n'y a pas, d'un côté, ceux qui souhaiteraient enjoliver un texte – parfait à vos yeux – par de multiples fioritures et, de l'autre, ceux qui répondraient sérieusement aux attentes de la population. Il n'y a ici que des parlementaires qui souhaitent participer à l'élaboration d'un texte crédible et sérieux sur la santé.
À l'évidence, madame la ministre, votre texte ne répond ni aux attentes des Français, ni à celles des professionnels, pas plus qu'à celles des parlementaires, y compris ceux issus de vos rangs.
Je m'élève contre le fait que vous donnez à penser que nous ne proposerions que des ajouts inutiles alors que nous voulons seulement exercer notre rôle de législateur.
Dans la mesure où vous nous refusez la possibilité de débattre et d'avancer sur ces questions, je demande une suspension de séance de dix minutes.
Rappel au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures, est reprise à onze heures cinq.)
Rappel au règlement
Je souhaite réagir aux propos du président de la commission, qui m'ont choqué.
Comment peut-on considérer comme un bavardage inutile l'inscription dans la loi du droit de nos compatriotes à accéder à des soins hospitaliers de proximité ? Comment peut-on confier à des fonctionnaires des agences régionales de santé, qui agiront sans véritable cadre législatif, le soin de décider de leurs priorités en matière de proximité hospitalière ? Comment pouvez-vous, alors que le chapitre consacré à la santé publique interdit les cigarettes-bonbons, accuser de bavardage ceux de vos collègues qui présentent des amendements tendant à garantir des soins hospitaliers de proximité ?
Certains ici sont prêts, au nom de la rentabilité hospitalière, à massacrer le tissu hospitalier de notre pays… (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
…, à fermer autant d'hôpitaux et à supprimer autant d'emplois qu'il sera nécessaire pour se conformer aux contraintes budgétaires qu'ils se sont eux-mêmes fixées et qu'ils imposent au seul hôpital, puisqu'ils n'en font peser aucune ni sur la médecine de ville…
… ni, au-delà du secteur de la santé, sur le budget de l'État.
Et l'on nous explique qu'il n'est pas nécessaire d'inscrire dans la loi la notion de proximité des services publics hospitaliers, qu'il n'y a là que bavardage ! Nous sommes profondément choqués par cette attitude et par la manière dont on refuse ainsi de prendre en considération un amendement par ailleurs issu des rangs de la majorité.
Pour atténuer ce choc, j'aimerais répondre à M. Bapt. Je rappelle que le texte dit très clairement au titre IV que « le schéma d'organisation sanitaire a pour objet de prévoir et susciter les évolutions nécessaires de l'offre de soins », et le répète deux ou trois fois.
Cet amendement a été adopté par la commission, malgré mes réserves.
Il me semblait en effet, sans reprendre le débat qui vient d'avoir lieu, que la précision ne s'imposait pas : le président de la commission vient de le dire, le texte rappelle maintes fois l'exigence d'efficacité et de proximité, fondée sur les besoins de la population, et le rôle primordial du schéma régional d'organisation des soins, défini à l'article 26 par une longue série d'alinéas et dont nous aurons l'occasion de reparler tout au long de notre débat.
À titre personnel, je suis donc défavorable à l'amendement.
L'amendement insiste à juste titre sur la prise en considération des besoins de la population, qui constitue en effet l'un des axes structurants du projet de loi. Mais je comprends également M. Rolland lorsqu'il fait valoir que l'amendement est déjà satisfait par la rédaction du texte.
Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée. Si vous jugez utile d'apporter cette précision, cela permettrait de répondre plus généralement à l'observation de M. Le Guen.
Cet avis devrait satisfaire tout le monde, cher monsieur le rapporteur.
La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l'amendement n° 1094 .
Je vais faire plaisir à M. Préel : en toute objectivité, l'amendement n° 1094 , voté par la commission et déposé par moi-même et par les membres de mon groupe…
…, est nettement moins bon que ne l'était son amendement n° 463 , qui a été rejeté.
En effet, notre amendement tend simplement à préciser que les missions de service public devront être définies en fonction des besoins de la population, appréciés par les ARS lorsqu'elles établiront les SROS. C'est mieux que rien, soit…
… mais, la définition des besoins de la population étant totalement subjective, l'amendement de M. Préel était bien meilleur, puisqu'il précisait l'exigence de proximité applicable à certaines missions de service public, qu'il énumérait, et l'inscrivait ainsi dans le droit positif, ouvrant la voie, le cas échéant, à des recours.
L'amendement n° 1094 , assez bizarrement combattu par notre rapporteur, qui souhaite sans doute supprimer toute référence aux besoins de la population dans l'établissement des SROS,…
…n'est donc qu'un pis-aller.
Mais je constate le refus répété de la majorité – à l'exception, naturellement, de M. Préel – d'inscrire dans la loi, au titre des missions de service public, l'exigence d'un service hospitalier de proximité.
Afin d'assurer les missions de service public, il convient de prendre en compte, me semble-t-il, les besoins de la population appréciés dans le schéma régional d'organisation des soins. Comme vient de l'indiquer Jean-Marie Le Guen, il aurait été souhaitable de mentionner également la proximité. Cela paraît d'autant plus nécessaire, madame la ministre, que ce projet de loi est présenté par ses détracteurs, sans doute à tort, comme ayant uniquement une finalité financière. Il serait donc judicieux de la part du Gouvernement d'intégrer cette dimension dans ce texte en donnant un avis favorable à ces amendements au lieu de s'en remettre à la sagesse de l'Assemblée.
J'aurai l'occasion à plusieurs reprises de défendre des amendements allant en ce sens car je suis convaincu que la première mission des établissements de santé n'est pas de résoudre des problèmes financiers mais de soigner la population en prenant en compte ses besoins, tels qu'ils sont précisés dans le projet médical et le projet d'établissement.
Pour finir, monsieur le rapporteur, je dois vous avouer que je suis toujours ennuyé lorsqu'un rapporteur fait part de son avis personnel. Il devrait seulement s'exprimer au nom de la commission.
Monsieur Préel, en indiquant que la commission avait adopté cet amendement mais qu'à titre personnel il y était défavorable, M. le rapporteur a été parfaitement honnête.
La parole est à Mme Michèle Delaunay.
Cette précision est importante. Il est essentiel de montrer que nous ne sommes pas seulement dans une logique de moyens mais aussi de besoins. Nous ne dirons jamais assez que c'est l'objectif principal de notre système de santé que d'y répondre.
(Les amendements identiques nos 265 , 859 et 1094 sont adoptés.)
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 266 et 1096 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 266 .
Monsieur le président, nous sommes dans la même situation que tout à l'heure : cet amendement a été accepté par la commission contre l'avis du rapporteur. Comme les communautés hospitalières de territoire n'ont pas de personnalité morale et qu'elles sont composées d'établissements publics de santé, la précision apportée dans l'amendement ne me semblait en effet pas indispensable. J'ajoute que confier des missions à ces communautés en tant que telles pourrait conduire à diluer les responsabilités.
Monsieur le rapporteur, je ne veux pas être désagréable avec vous mais je tiens à apporter une précision. Tous les mots, dans notre belle langue française, ont un sens : « accepté » ne signifie pas la même chose que « adopté ». L'amendement a fait l'objet d'un vote en commission, il a donc été adopté et non pas simplement accepté.
Je vous remercie de me donner la parole, monsieur le président. En tant que cosignataire de l'amendement adopté par la commission, je tiens à indiquer que même si l'article L. 6141-2 précise que les communautés hospitalières de territoire sont des établissements de santé au même titre que les centres hospitaliers et les groupements de coopération sanitaire de droit public exerçant des activités de soins soumises à autorisation, il convient d'ajouter, dans un souci d'exhaustivité, les communautés hospitalières de territoire à la liste des établissements susceptibles d'exercer des missions de service public.
Un établissement pourra adhérer à une communauté hospitalière de territoire, soit sous sa forme fédérative, soit sous sa forme intégrée. Dans ce dernier cas, la communauté devra reprendre les activités des différents établissements. Il paraît donc indispensable de préciser que les communautés hospitalières de territoire pourront remplir des missions de service public.
Je considère que l'amendement n° 1096 rectifié est défendu.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?
Il n'est pas imaginable qu'une communauté hospitalière de territoire puisse ne pas remplir des missions de service public. Le projet de loi prévoit d'attribuer l'exercice de ces missions à des établissements de santé. Or une communauté hospitalière est constituée de plusieurs de ces établissements publics. C'est donc au travers de ses membres et pour leur compte qu'elle pourra exercer de telles missions.
Ces amendements sont donc satisfaits et je demande leur retrait.
(Les amendements identiques nos 266 et 1096 rectifié ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1095 .
La parole est à Mme Michèle Delaunay.
Je me suis déjà exprimée longuement à ce sujet. Avis défavorable.
(L'amendement n° 1095 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 860 .
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
Cet amendement se justifie par son texte même. Nous demandons que les décisions soient prises après analyse des besoins et des flux de la population, de l'organisation de l'offre de soins existante et des ressources humaines médicales et soignantes disponibles.
La commission a repoussé cet amendement : la précision qu'il apporte lui a paru inutile parce qu'elle est évidente.
Cette précision relève du domaine réglementaire. Même si je comprends les préoccupations de M. Préel, je serais très heureuse qu'il retire cet amendement.
Pour notre part, nous considérons qu'il s'agit d'un amendement de bon sens. Le Gouvernement ne peut pas, d'un côté, prétendre mettre en place un service public répondant aux besoins de la population et, d'un autre côté, refuser toutes les précisions relatives aux conditions dans lesquelles est assuré l'accès à des soins de proximité au motif qu'elles ne seraient pas de nature législative. Ces précisions apparaissent au contraire hautement nécessaires, tant le texte est flou à ce sujet.
C'est un point essentiel à nos yeux et je m'étonne, madame la ministre, que vous refusiez d'inscrire de telles précisions dans votre texte, qui comporte, par ailleurs, toute une série de mesures, en particulier au titre III, sur l'importance ou l'urgence desquelles on peut s'interroger.
L'accès à des soins de proximité constitue pour nous le coeur du dispositif. C'est la raison pour laquelle nous voterons cet amendement.
(L'amendement n° 860 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 460 .
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
Cet amendement vise à préciser, à la fin de l'alinéa 32, que la signature ou la révision du contrat peut être à l'initiative de l'un ou l'autre des signataires et qu'à la date de publication de la loi, les établissements de santé exerçant déjà des missions de service public seront prioritaires.
Le présent projet de loi prévoit que les missions de service public soient inscrites dans le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens signé entre l'établissement de santé et l'ARS. Au cas où une mission de service public ne serait pas assurée sur un territoire donné, une procédure dérogatoire donne à l'ARS le pouvoir de désigner un établissement pour exercer cette mission. Toutefois, le texte, dans sa rédaction actuelle, manque de clarté quant à la procédure de dévolution de ces missions aux établissements. L'attribution de la mission de service public apparaît comme unilatérale, alors qu'elle est inscrite dans un contrat – le contrat d'objectifs et de moyens. Par ailleurs, rien dans le texte ne garantit à un établissement qui assurerait dès aujourd'hui une mission de service public qu'il verra cette mission reconnue dans son contrat.
La loi doit garantir aux établissements de santé la possibilité de demander la reconnaissance des missions de service public qu'il assume déjà. Par ailleurs, il convient que l'ARS veille à ce que, dans un souci d'efficience de la politique de santé publique, l'attribution des missions de service public à l'échelle du territoire soit juste et rationnelle.
La commission a rejeté cet amendement, considérant qu'il n'y avait pas de raison de faire bénéficier certains établissements d'une sorte de privilège lié à l'antériorité, dans le cadre de nécessaires restructurations ou de doublons. Il n'y a pas de raison que certaines situations perdurent du seul fait de leur ancienneté.
Pour améliorer l'accès aux soins, le projet de loi prévoit deux outils : les schémas régionaux d'organisation des soins, qui préciseront les missions de service public nécessaires dans chaque territoire de santé et les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens, qui permettront de décliner le contenu des SROS dans les établissements de santé et de reconnaître les missions de service public qu'ils exercent.
La première partie de votre amendement, monsieur Préel, est satisfaite par le droit commun des contrats. Quant aux missions de service public déjà exercées par les établissements de santé, elles seront mentionnées dans le contrat de chaque établissement dès l'entrée en vigueur de la loi.
C'est bien la réponse aux besoins de la population qui doit être privilégiée pour l'attribution des missions de service public. Les futures agences régionales de santé feront évidemment preuve de discernement à cet égard.
Si je souscris à votre préoccupation, je crains que cet amendement n'alourdisse la loi et ne soit source de confusion juridique. Aussi, je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, j'émets un avis défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 930 .
La parole est à M. François Asensi.
Il est défendu.
(L'amendement n° 930 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Cet amendement a été adopté par la commission, contre l'avis de son rapporteur.
Avec l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, l'hospitalisation à domicile devient l'une des modalités de l'hospitalisation, au même titre que l'hospitalisation avec hébergement et l'hospitalisation ambulatoire. Même si elle conserve un régime d'autorisation spécifique, elle est bien incluse dans l'hospitalisation. La précision apportée dans l'amendement est donc inopérante.
La parole est à Mme Marisol Touraine, pour soutenir l'amendement n° 1097 .
Je veux insister sur la nécessité de bien définir les soins et les prestations qui doivent être apportés aux personnes hospitalisées à domicile, notamment quand il s'agit de soins palliatifs.
Dans certaines zones de mon département, notamment dans les zones rurales où l'accès aux soins de proximité est difficile, voire quasiment impossible compte tenu des distances, certains soins ne sont plus assurés depuis quelques jours. Jusqu'à présent, ces soins étaient prodigués grâce à l'intervention d'unités qui se déplaçaient d'établissement en établissement ou d'un domicile à l'autre. Ils ont été interrompus parce que les équipes doivent se relocaliser, soit dans les établissements, soit sur des centres plus urbains. Les personnes en fin de vie qui sont à domicile et en grande précarité psychologique devraient pouvoir bénéficier de soins d'accompagnement et de soutien.
Il nous paraît donc nécessaire d'inscrire dans la loi qu'on ne peut pas faire de distinction entre l'hospitalisation en établissement et à domicile. Sinon, on aboutira à une médecine à deux vitesses qui serait préjudiciable au développement de l'hospitalisation à domicile. Comment pourra-t-on demander à une personne de rester chez elle si elle n'y trouve pas la même qualité de soins que dans un établissement ?
L'intégration de l'hospitalisation à domicile est évidemment très importante et constitue l'une des missions de service public des établissements de santé.
Madame Touraine, l'alinéa 3 de l'article 1er du projet de loi intègre explicitement l'hospitalisation à domicile comme une mission pouvant être exercée par tout établissement de santé. La précision apportée par ces amendements n'est donc pas nécessaire et elle pourrait même être une source de confusion juridique.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que ces amendements soient retirés. Je précise qu'il ne s'agit en aucun cas d'indifférence vis-à-vis de l'hospitalisation à domicile, bien au contraire.
Là plus que partout ailleurs, le problème de la proximité est important. Dans la pratique cancérologique, qui inclut malheureusement les soins palliatifs, la possibilité pour une patient de retourner à domicile est très différente selon que sont ou non mis en place des soins d'hospitalisation à domicile. Dans cette période où le temps est compté, l'équité territoriale, l'équité entre les patients est indispensable.
Voilà pourquoi il est important de préciser que les soins à domicile sont partie intégrante des missions de service public.
(Les amendements identiques nos 267 et 1097 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1051 .
La parole est à M. Patrick Lebreton.
Parmi les missions qu'un établissement de santé doit être en mesure de garantir aux patients, il est nécessaire d'insister sur la sécurité des soins.
Il y a trois semaines, le magazine L'Express livrait un palmarès 2009 des hôpitaux. Or, quelle ne fut pas notre surprise, de voir que, à La Réunion, dans la liste noire des hôpitaux exclus du palmarès figuraient trois établissements qui n'avaient pas livré d'informations. Vous savez bien que les risques d'infection nosocomiale nous inquiètent au plus haut point.
Cette sécurisation s'entend à l'égard des risques liés aux choix thérapeutiques, aux actes de prévention, de diagnostic ou de soins eux-mêmes, à l'usage de biens et produits de santé comme aux interventions et décisions des autorités de santé.
Cet égal accès à la sécurité des soins suppose une réelle politique de remise à niveau des établissements sanitaires fragilisés, notamment en outre-mer, mais aussi un nombre de praticiens suffisant pour répondre aux besoins des populations et assurer leur sécurité.
La commission a repoussé cet amendement puisque l'égal accès à des soins de qualité est déjà garanti par l'alinéa 34. Il me semble que la sécurité des soins est incluse dans la qualité.
Même avis.
Dans toutes les considérations de politique hospitalière au plan scientifique et politique, on fait bien la distinction entre la qualité et la sécurité des soins. Les accidents dramatiques qui se sont produits ces dernières semaines montrent que, tout en ayant des soins de qualité, des problèmes de sécurité peuvent se poser.
Les revues internationales font de plus en plus la distinction entre la qualité et la sécurité des soins, pour les renforcer mutuellement.
Je trouve qu'il y a, dans l'attitude du Gouvernement, une certaine forme d'incompréhension vis-à-vis des politiques hospitalières qui mettent en évidence non seulement la qualité mais aussi la sécurité des soins.
(L'amendement n° 1051 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 464 .
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
Je considère que les obligations à l'égard des patients prévues au 1° et au 2° de l'article L. 6112-3 doivent être également applicables aux établissements de santé privés d'intérêt collectif, parce que ceux-ci sont tenus aux obligations attachées à l'exercice du service public que sont l'égal accès à des soins de qualité et l'accueil et la prise en charge vingt-quatre heures sur vingt-quatre ou son orientation vers un autre établissement ou une autre institution pour l'ensemble de leurs missions et non simplement pour celles de service public.
La commission est défavorable à cet amendement.
Dans quelques instants, nous allons examiner l'amendement n° 271 , adopté par la commission, qui définit le régime juridique de la nouvelle catégorie des établissements de santé privés d'intérêt collectif et fixe toutes les garanties que ceux-ci doivent respecter.
Aussi, je demande à M. Préel d'attendre l'examen de l'amendement n° 271 .
Même si nous reconnaissons la qualité des établissements de santé privés d'intérêt collectif, ils ne sauraient être assimilés à des établissements publics, car il y aurait alors un risque de confusion. L'ensemble des obligations mentionnées à l'alinéa 40 de l'article 1er ne s'imposent pas forcément aux établissements privés sans but lucratif.
C'est la raison pour laquelle je demande à M. Préel de retirer son amendement.
Je constate que le Gouvernement et le rapporteur viennent de nous donner des explications contradictoires. En effet, le rapporteur nous indique que cette excellente idée sera traitée ultérieurement, tandis que le Gouvernement considère qu'elle est dangereuse et qu'elle ne doit pas être retenue.
Mme la ministre considère qu'on ne peut pas traiter les établissements publics de la même façon que les établissements privés, même si on les définit ultérieurement comme étant d'intérêt collectif. Mais il me semble que l'on parle ici des patients et non des établissements, patients à qui l'on donne des droits qui seraient les mêmes dans le secteur privé et dans le secteur public. Voilà pourquoi il me semble utile d'adopter cet amendement.
Il ne s'agit pas des missions de service public des établissements mais des obligations à l'égard des patients. Aussi, cela nous paraît la moindre des choses que d'indiquer qu'elles s'appliquent aussi bien dans les établissements publics de santé que dans les établissements de santé privés d'intérêt collectif, c'est-à-dire dans les hôpitaux PSPH.
Je voudrais que le Gouvernement nous donne des précisions sur ce sujet, car je me demande si le débat a été bien compris.
Pour ma part, je ne me suis peut-être pas montré assez insistant. Dans l'intérêt du patient, il s'agit de dire que les anciens PSPH doivent offrir les mêmes avantages que le service public, notamment en matière tarifaire. C'est ce que proposait notre collègue Préel : il restait attaché à ce que les établissements de statut privé d'intérêt collectif, dont je n'ai pas encore l'acronyme en tête…
… – appelons-les ESPIC –, garantissent les mêmes droits que le service public aux patients. Voilà ce que proposait notre collègue, par exemple en matière tarifaire. Si nous ne le faisons pas, des ESPIC bien espiègles pourraient alors avoir la forme d'un établissement sans but lucratif, mais pratiquer une politique tarifaire qui ne serait plus régie par l'opposabilité des tarifs.
L'amendement de notre collègue Préel me paraissait opportun et je pense que nous devons y réfléchir.
Cet échange traduit une confusion. M. Le Guen parle de certaines dispositions, en particulier tarifaires, qui permettaient aux anciens PSPH – désormais appelés ESPIC – de bénéficier des mêmes conditions tarifaires que les établissements publics. Nous y sommes attachés.
Évidemment au profit des patients. Nous allons en parler plus tard, comme l'indiquait M. le rapporteur, au moment de la définition des ESPIC, en rappelant bien cette possibilité, pour qu'il n'y ait aucun recul mais au contraire des avancées en ce qui concerne la sanctuarisation du statut juridique des établissements.
Auparavant, il n'y avait aucune mention juridique sur le statut des PSPH.
Cela étant, l'amendement Préel-Jardé-Leteurtre-Benoit peut faire penser qu'il s'agit d'étendre aux établissements de santé privés d'intérêt collectif toutes les obligations attachées au service public.
C'est cette confusion que je souhaite lever en donnant un avis défavorable à l'amendement de M. Préel. Mais bien entendu, les inquiétudes de M. Le Guen seront levées au moment de l'examen de l'article relatif à ces questions tarifaires.
À ce moment de la discussion, permettez-moi une petite observation : sur ce sujet très important – et sur d'autres qui le sont moins – nous avons la mauvaise habitude de nous contenter de parler par sigles. Nous devrons faire un gros effort à l'extérieur de cet hémicycle pour que la population puisse comprendre exactement de quoi nous parlons. Nous atteignons un niveau technocratique qui ne favorise pas l'adhésion de notre population (Approbation.)
Observation retenue, monsieur le président. Les établissements participant au service public hospitalier deviennent des établissements de santé privés d'intérêt collectif.
Voyez que l'on peut rendre le débat plus clair, surtout pour nos concitoyens.
La parole est à M. le rapporteur.
Les grands esprits se retrouvent : évidemment, nous prendrons l'habitude d'utiliser le sigle développé pour les établissements de santé privés d'intérêt collectif.
Je voudrais dire que la commission a adopté l'amendement n° 271 , que nous examinerons dans quelques instants et qui reprend toutes les obligations à l'égard des patients, en précisant notamment que ces derniers ne subiront pas de préjudice en matière de tarif.
Toutes les inquiétudes de M. Préel seront donc levées par cet amendement. C'est pourquoi la commission a donné un avis défavorable à son amendement.
(L'amendement n° 464 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 465 .
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
Je fais preuve d'une grande constance, me direz-vous, mais ces amendements me tiennent à coeur.
Celui-ci porte sur les tarifs et prévoit les honoraires opposables pour les patients se présentant dans les nouveaux établissements de santé privés d'intérêt collectif. J'aimerais être certain qu'il va être satisfait par votre amendement suivant. Je propose un amendement qui me paraît indispensable pour améliorer une situation, et on m'explique qu'il sera satisfait plus tard. Le problème, c'est qu'il faut croire aux paroles du rapporteur, monsieur le président.
Si je comprends bien, monsieur Préel, vous nous dites qu'il ne faut pas remettre à demain ce qu'on peut faire le jour même.
Défavorable, car il s'agit d'un amendement de cohérence avec l'amendement n° 464 .
Je suis évidemment favorable à cet amendement, mais je voudrais surtout attirer l'attention de nos collègues pour que peut-être chacun se reprenne : depuis ce matin, sur ce sujet ou sur d'autres, les votes sont clivés – majorité UMP contre le reste de l'Assemblée nationale. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
On nous a vanté l'idée que ce débat allait être ouvert, que, finalement, il était consensuel. En fait, amendement après amendement, avec des votes parfois contradictoires en commission, le groupe UMP a décidé de fermer le débat…
…et d'imposer une orientation systématique, alors même que beaucoup de ses membres ne sont pas persuadés de la justesse des positions. Nous sommes dans un débat complètement fermé, alors qu'il en va quand même de l'intérêt majeur de nos concitoyens. J'interviens donc pour exprimer le souhait que nos collègues adoptent une attitude plus décontractée, et ne se sentent pas comme dans un parti godillot.
Le Parlement est déjà suffisamment méprisé par le Gouvernement ; si la majorité en rajoute, je ne sais pas où nous allons ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
(L'amendement n° 465 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 109 .
La parole est à M. Bernard Debré.
Je voudrais simplement expliquer pourquoi j'ai retiré cet amendement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Votre réaction est très intéressante, car je l'ai retiré en commission.
Il y a eu une erreur que j'assume pleinement : il a été déposé d'abord en séance, puis en commission. Je le retire pour deux raisons. D'abord, parce que nous avons eu une discussion avec Mme Bachelot-Narquin : hier, elle nous a répété que les amendements concernant les CHU seront examinés ensemble, une fois rendues les conclusions de la commission Marescaux.
Je sors de cette commission. On nous a demandé d'aller vite pour que les conclusions de la commission Marescaux puissent être examinées non seulement par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, mais aussi au Sénat.
À partir du moment où je n'ai pas encore les conclusions de la commission Marescaux, je trouve difficile de présenter des amendements.
J'ai trouvé plus sage et plus apaisant de dire que nous allons travailler dans la sérénité pendant encore quelques semaines.
Une fois que la commission aura rendu ses conclusions, nous pourrons alors voir comment il est possible de les intégrer via des amendements dans le présent projet de loi ou de les traduire dans un texte de loi spécifique. Comme Mme Bachelot-Narquin l'a expliqué hier, on pourra alors voir comment en tenir compte pour réformer les CHU et la loi HPST. Il était donc tout naturel que je retire cet amendement.
Monsieur le député Debré, j'entends bien votre souhait de retirer cet amendement, mais il n'est pas venu par erreur en séance, compte tenu du sérieux et de la qualité du travail de nos services.
C'était mon erreur, pas celle des services de l'Assemblée. Mon assistant l'a déposé en séance avant de le déposer en commission.
C'est pourquoi nous l'avons eu en séance. Mea culpa. Comme je l'ai annulé et retiré en commission, il n'aurait pas dû venir en séance.
En intervenant tout à l'heure sur la manière dont le groupe UMP était repris en main, je ne savais pas que vous alliez en donner la démonstration la plus évidente quelques secondes après, monsieur Debré. Vous en êtes à vous excuser d'avoir déposé des amendements, mon cher collègue !
Abordons le fond. Vous, personnellement, trouvez-vous légitime et acceptable que la réforme des CHU soit potentiellement adoptée à la va-vite par le Sénat, sans que l'Assemblée nationale ait son mot à dire ?
Vous, personnellement, trouvez-vous normal que l'on aborde la réforme de la loi Debré de 1958 dans ces conditions ?
Vous, praticien hospitalier et professeur des universités, trouvez-vous normal que la nation réforme les CHU après examen du texte dans une seule de ses deux assemblées – à savoir le Sénat –, sans que l'Assemblée nationale ait son mot à dire sur le fond du débat ?
Vous qui, praticien hospitalier et professeur des universités, êtes attaché à l'idée d'une réforme des CHU, estimez-vous normal qu'on leurre ainsi les membres de la commission Marescaux en leur disant que leur travail sera éventuellement relayé par voie d'amendement au Sénat, alors que nous avons toute raison de croire que le Conseil constitutionnel censurera les articles relatifs à la réforme des CHU, repoussant celle-ci de plusieurs années ? Êtes-vous prêt, en tant que parlementaire et professeur de médecine, à accepter que l'on traite ainsi une réforme de cette importance ?
Si vous souhaitez discuter de l'amendement qui vient d'être retiré, monsieur Le Guen, il convient que vous le repreniez ; est-ce le cas ?
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 109 , que vient de reprendre M. Le Guen ?
Comme l'a expliqué Mme la ministre, dans un pays démocratique comme le nôtre, tous les travaux parlementaires sont encadrés par des rapports, des missions ou des expertises, sur lesquels nous nous sommes évidemment appuyés dans le cas présent. Nous serons tout aussi attentifs aux conclusions de la commission Marescaux.
Prendre le prétexte du calendrier pour retarder l'examen du texte me semble davantage relever de certains us parlementaires que du souci d'efficacité qui anime la majorité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je tiens d'abord à remercier Bernard Debré d'avoir retiré son amendement : cela montre qu'il a bien compris le tuilage des travaux confiés à la commission Marescaux dont il est membre.
Voilà les vis bien resserrées ! Comme cela doit être douloureux de siéger sur les bancs de l'UMP !
S'il y a une chose que l'on ne peut reprocher à M. Debré, monsieur le Guen, c'est de manquer d'indépendance d'esprit !
Je ne pense pas que M. Debré ait l'habitude de recevoir des ordres de qui que ce soit : sa démarche, vous pouvez au moins lui en donner crédit, est personnelle.
Le projet de loi permet des avancées considérables pour les établissements de santé et notamment les CHU ; il ne faudrait pas qu'un malentendu les en prive. Les CHU seront les premiers à bénéficier de la liberté d'organisation interne, des possibilités de coopération interrégionale et des fondations hospitalières. S'ils exercent des missions spécifiques d'enseignement et de recherche, ils répondent parfaitement à la définition des établissements de santé et en remplissent, avec l'excellence de leur expertise, des missions essentielles pour notre système de soins. Un CHU est un hôpital ; aussi la nouvelle gouvernance, plus autonome, leur permettra-t-elle de développer encore leur excellence et leur logique de différenciation.
Les dispositions législatives que nous soumettons à votre examen ne sont en rien contradictoires avec les futures propositions de la commission Marescaux. Je m'en suis d'ailleurs longtemps entretenue avec le professeur Marescaux, qui a bien voulu en convenir. Il est encore trop tôt pour se prononcer sur les travaux de cette commission, qui se poursuivront encore pendant quelques semaines ; il est néanmoins clair que les préconisations porteront sur les aspects financier – elles trouveront alors leur place dans le PLFSS – et réglementaire, ainsi que sur le remodelage des MERRI, les missions d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation, dans le sillage des travaux de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins. La commission Marescaux nous proposera sans doute des éléments sur cette partie essentielle du financement des CHU, puisque, rappelons-le, 1,6 milliard d'euros des MERRI – sur un total de 1,8 milliard – leur sont dédiés ; on peut donc imaginer d'autres modalités. Ce travail technique pourrait prendre place lors d'une prochaine campagne tarifaire et, si la commission Marescaux le préconise, par le biais de dispositions législatives que je viendrai, le cas échéant, présenter avec Valérie Pécresse aux commissions de votre assemblée.
Bref, nous travaillons dans la plus grande transparence, et j'attends avec un beaucoup d'intérêt les conclusions de la commission Marescaux sur l'enseignement et la recherche dans les CHU, commission à laquelle, je le répète, M. Debré participe activement, ainsi que Mme Génisson.
Je veux répondre aux interventions précédentes.
Il est vrai que, lors de l'installation de la commission Marescaux le 9 janvier dernier, nous espérions une loi spécifique en rapport avec ses missions, ou, à tout le moins, avoir le temps d'intégrer nos conclusions dans le présent texte. Ce dernier, nous en sommes conscients, est très attendu, même si nous proposerons de l'amender. En un mot, le temps que nous souhaitons est incompatible avec le calendrier d'examen du projet de loi, lequel ne concerne pas seulement les CHU.
Que faire, dès lors ? Nos conclusions, qui préconiseront sans doute des évolutions importantes, sont attendues au début du mois de mars ; nous les soumettrons à Mme Bachelot et à Mme Pécresse : si le Gouvernement les juge intéressantes – nous ne sommes pas un Parlement bis –, nous les discuterons, peut-être, d'ailleurs, avant le début du mois de mars, en commission des affaires culturelles, comme M. Méghaignerie et Mme Bachelot s'y sont engagés.
Trois hypothèses sont possibles. La première est qu'aucune proposition législative ne relaye nos travaux, ce qui m'étonnerait. La seconde est que ces modifications soient introduites par voie d'amendement ; à cet égard, je regrette en effet que le calendrier ne nous ait pas permis de le faire pour le présent texte, mais ce calendrier relève de l'expression démocratique.
Oui, mon cher collègue : urgence qui tient à ce que la réforme hospitalière est attendue par les personnels.
Troisième hypothèse, évoquée par Mme la ministre hier : si les préconisations de la commission Marescaux ne peuvent être traduites dans le projet de loi, il conviendra de le faire dans un autre véhicule législatif. Et ce ne sera pas dans deux ou trois ans : la volonté du Gouvernement – d'après ce qu'il m'a dit – comme des membres de la commission Marescaux est d'agir au mieux pour les CHU.
Je me sens donc tout à fait à l'aise : il aurait en effet été pour le moins déstabilisant d'exclure les CHU du projet de loi que nous examinons.
En effet, monsieur le rapporteur, le travail parlementaire est accompagné par des missions ou des études. Mais je note que l'exécutif prend désormais un malin plaisir à donner ses conclusions avant que les commissions n'aient rendu leur rapport. Je ne reviens pas sur l'audiovisuel, dont nous avons longuement débattu, mais je rappelle que, dans un autre domaine, le Président de la République s'est exprimé bien avant la fin des travaux de la commission Balladur.
Certes, Mme la ministre est plus courtoise que le Président de la République : au moins reconnaît-elle l'existence de la commission Marescaux, dont, dit-elle, il serait discourtois d'anticiper les conclusions, de sorte qu'on l'oblige à presser le pas, même si ladite commission ne sera jamais à l'heure.
Je n'oblige personne !
Ce que vient de nous dire le professeur Debré est la meilleure preuve que vous n'attendrez pas les conclusions de la commission !
Or, notamment sur les bancs de l'UMP, on ne cesse de parler de la revalorisation du Parlement. Très tranquillement, et pour ne pas gêner l'ensemble du Parlement, on annonce à l'Assemblée qu'elle n'aura pas à discuter de certains points intéressant l'organisation hospitalière, le tout avec un peu de vaseline… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Levez les yeux vers les tribunes : des groupes scolaires assistent à nos débats !
Mes chers collègues, veuillez vous calmer et laisser M. Rogemont poursuivre.
Je remplace la vaseline par de l'huile d'argan, si l'on veut ! Cela glissera d'autant mieux ! (Mêmes mouvements.)
Vous n'avez que la revalorisation du Parlement à la bouche, mes chers collègues,…
…mais, puisque les travaux de la commission Marescaux se prolongeront après les débats de l'Assemblée, on présentera des amendements au Sénat ! Toutefois, ajoute-t-on pour être gentil avec l'Assemblée, on organisera tout de même une petite réunion de la commission des affaires culturelles, afin de discuter à bâtons rompus, entre érudits, des suggestions de la commission Marescaux, le tout, évidemment, sans vote.
Nous ne siégeons pas à l'Assemblée pour cela mais pour voter les projets de loi : c'est donc l'ensemble du dispositif législatif, et en l'occurrence celui qui concerne l'hôpital, qui doit être soumis à notre examen.
Bref, on se « fout de la gueule » des députés ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Merci, monsieur Rogemont, d'édulcorer un peu votre langage : cela n'affaiblira pas vos arguments.
N'exagérons rien ! Il n'a pas dit : « Casse-toi pauv'con » ! Il n'est pas Président de la République !
On se fout de notre tête en essayant de nous faire croire qu'une petite réunion de commission suffira à informer l'Assemblée nationale qui, in fine, ne décidera de rien concernant les CHU.
En effet ; je veux seulement demander à Mme la ministre, qui a déjà été députée et qui le redeviendra certainement quand elle aura quitté son ministère, de respecter l'Assemblée nationale et de nous assurer que les textes relatifs aux CHU seront non seulement discutés en commission – un discussion de salon, en quelque sorte – mais surtout votés par l'Assemblée nationale !
Le présent texte a trait à la réforme de l'hôpital, et son article 1er concerne les missions des établissements de santé. La discussion de ce projet à l'Assemblée nationale nous semble être le cadre naturel pour aborder la situation des CHU, dont on sait qu'ils ont des caractéristiques bien spécifiques.
Le problème n'est pas nouveau ; la commission Marescaux s'est réunie bien tard au mois de janvier. Nous, députés du groupe SRC, n'avons eu de cesse – comme d'ailleurs la Fédération hospitalière de France…
Qui soutient le projet de loi !
Nous n'avons eu de cesse, disais-je, de tirer la sonnette d'alarme dès le mois d'avril, s'agissant de la situation financière exceptionnelle des CHU et du déficit cumulé. Je rappelle que 30 CHU sur 31 étaient déficitaires en 2008, soit 800 millions d'euros – presque un milliard d'euros de déficit cumulé !
Ce n'est pas à force de répétition que vos erreurs deviendront justes !
J'entends bien Mme Bachelot nous dire que ce déficit ne concerne que quelques établissements – il serait dû pour 80 % à cinq ou six établissements. Soit, mais ce sont tous des CHU, et la plupart de grande taille !
Non ! Vous connaissez mal les chiffres !
Je connais mieux les chiffres que vous, qui prétendiez que 25 000 emplois ont été créés en 2008 dans la fonction publique hospitalière – une déclaration qui a, partout en France, provoqué un certain dépit.
Je n'ai jamais dit cela : j'ai parlé du secteur sanitaire !
Je le répète : les CHU se trouvent dans une situation particulière. Je l'observe à Saint-Étienne, où le déficit atteint trente millions d'euros et où, il y a deux semaines, on nous a fait voter par une voix d'écart un plan de retour à l'équilibre qui prévoit la suppression de trois cents emplois. Une voix d'écart !
Les élus et les administrateurs ont été mis devant le fait accompli. Ils n'ont pas eu le choix : telle est la réalité dans de nombreux CHU aujourd'hui, car les règles de financement de ces centres ne sont pas adaptées à leur spécificité – qu'il s'agisse de la tarification à l'activité, conséquence de la concurrence des établissements privés sur les missions les plus lucratives, ou de l'évolution insuffisante des enveloppes consacrées aux missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation – les MIGAC – et aux missions d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation, dites MERRI.
Voilà ce dont nous voulons parler ici, à l'Assemblée nationale. Et voilà de quoi nous ne pourrons pas parler, puisque l'on nous dit que la commission Marescaux travaillera dans les prochaines semaines, de sorte que nous seront contournés et dessaisis de ces sujets. La discussion est pourtant essentielle : il s'agit d'étudier le changement des règles de financement des CHU, car, en l'état de leur application, elles contribuent à asphyxier ces établissements. Les conséquences de ce sous-financement sont dramatiques pour l'emploi : plusieurs milliers de postes sont concernés par les plans de retour à l'équilibre !
Le débat de ce matin est essentiel, et permet d'éclairer les positions des uns et des autres. Nous ne manquerons pas d'en tirer les enseignements dans les séances à venir.
Tout d'abord, par leur prise de position sur les amendements que nous avons déposé concernant les missions de service public, le Gouvernement et la majorité ont confirmé qu'ils souhaitaient faire la part belle aux cliniques privées en leur permettant de piocher à la carte dans le menu des missions de service public.
D'autre part, en rejetant tout à l'heure un amendement de M. Préel, le Gouvernement et la majorité ont confirmé notre inquiétude pour les établissements de proximité, puisqu'ils ont refusé que ceux-ci soient prioritaires dans l'exercice des missions de service public.
J'en viens aux CHU, à la commission Marescaux et à l'amendement de M. Debré que nous venons de reprendre. L'indépendance d'esprit de M. Debré n'est pas en cause ; entre hier soir et ce matin, en revanche, son indépendance a, s'agissant du passage à l'acte, connu une certaine érosion. Les membres de la commission Marescaux s'attendent à ce que celle-ci propose plusieurs modification sur l'avenir des CHU ; nous en attendons tous les conclusions.
Cela étant, le recadrage dont M. Debré semble avoir fait l'objet m'incite à comparer la commission Marescaux à la commission Marleix, qui étudie le découpage des circonscriptions électorales.
Quoi qu'il en soit, s'agissant des conclusions que la commission Marescaux rendra le moment, le problème de méthode demeure. Mme la ministre souhaite le régler – le moment venu, donc – par le biais d'un véhicule législatif. Dès lors, chacun peut constater – la ministre et la commission Marescaux nous l'ont elles-mêmes confirmé – que l'Assemblée nationale sera shuntée : nous n'aurons pas l'occasion de discuter, dans l'hémicycle, des éventuelles conclusions de ladite commission. Après avoir tenté de nous museler en supprimant le droit d'amendement, le Gouvernement s'apprête à contourner l'Assemblée nationale et mettre fin au bicamérisme, rien de moins. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Convenons que cette procédure sera jugée anticonstitutionnelle. Dès lors, ce que M. Bernard Debré aura permis par sa participation à la commission Marescaux et par son acceptation du contournement de l'Assemblée nationale sera sans doute censuré par M. Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel.
Pour conclure, monsieur le président, le débat que nous avons ce matin nous offre un condensé des éléments qui font le pouvoir actuel : le glissement progressif – et à marche forcée, disons-le – vers le démantèlement du service public d'une part et, d'autre part, pour que le pays continue de fonctionner en dépit de la situation politique, économique et sociale, la tentation autoritaire que nous avons constatée ce matin à l'occasion de la reprise en main de ceux qui, parmi nos collègues de l'UMP, pourraient manifester des velléités d'indépendance et s'exprimer librement. À débattre avec nous, ceux-là finissent par comprendre que nos arguments sont les meilleurs !
(L'amendement n° 109 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement rédactionnel de la commission, n° 270.
(L'amendement n° 270 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Si la vie des médecins n'est pas toujours simple dans les hôpitaux, les établissements privés.
L'amendement n° 466 vise à clarifier les conditions de la rupture de contrat. En effet, toute obligation nouvelle entraîne des conséquences sur les contrats que des médecins libéraux ont signé avec l'établissement de santé privé.
Or, l'obligation de renégocier les contrats et l'imposition de nouvelles obligations aux médecins libéraux titulaires de contrats d'exercice constitue une atteinte à la liberté contractuelle, protégée par la Constitution et par le Conseil constitutionnel. Dans ce domaine, il faut donc être à la fois précis et prudent.
De façon générale, la rupture du contrat d'exercice libéral soulève de grandes difficultés. Elle constitue un préjudice particulièrement grave pour les praticiens qui perdraient leur outil de travail, et un net déséquilibre est à prévoir dans la négociation. Ne mésestimons pas non plus le risque que les établissements de santé privés s'abritent derrière un prétendu refus du praticien pour rompre son contrat à bon compte.
Nous sommes là au coeur du texte : dans le cadre de la coopération entre établissements de santé, envisagée afin d'améliorer leur efficience, il est à craindre que, si les praticiens de certains établissements privés étaient amenés à refuser les missions de service public proposées audit établissement, celui-ci serait contraint de les refuser à son tour. Dès lors, nous ne pourrions répondre à toutes les propositions qui sont faites dans ce projet de loi. Il est donc important que les établissements privés puissent, le cas échéant, imposer des missions de service public aux praticiens qui exercent en leur sein.
La manière dont sont rendues opposables aux praticiens libéraux exerçant dans les cliniques privées auxquelles ils sont liés par un contrat d'exercice les garanties attachées à la participation aux missions de service public n'offre pas la sécurité juridique nécessaire pour que le dispositif fonctionne bien.
La commission Larcher, dans son avis rendu sur l'avant-projet de loi, a souligné combien « les conditions de renégociation des contrats passés entre les cliniques et leurs praticiens libéraux pourraient s'avérer délicates ». Elle ajoute que « la renégociation de ces contrats doit être bien sécurisée ».
La loi ne peut se contenter de prévoir la renégociation de l'ensemble des contrats individuels sans prévoir les dispositions préservant du risque double de rupture du contrat d'exercice et d'obligation d'indemniser le praticien par l'établissement.
Aussi, l'amendement n° 467 vise à interdire explicitement la rupture du contrat d'exercice pour le motif que l'établissement est engagé dans une mission de service public.
Avis défavorable. Ces amendements posent une excellente question : celle des garanties de sécurité juridique. Aucune des rédactions alternatives n'apporte ces garanties, telles qu'elles sont recommandées par le rapport Larcher.
Le texte vise à aboutir à un équilibre où la rupture du contrat ne peut être l'occasion de léser le praticien ou l'établissement, et qu'une faute ne puisse être imputée ni à l'une ni à l'autre des parties.
La rédaction proposée va dans ce sens, mais je constate que le Gouvernement propose un sous-amendement à ce sujet. Je souhaiterais donc entendre l'avis de Mme la ministre sur ce point.
Je le défendrai lors de la présentation d'un amendement ultérieur.
Dans ce cas, je confirme l'avis défavorable de la commission aux trois amendements en discussion.
Cette disposition, proposée par un certain nombre de députés, fait peser sur un établissement ayant accepté une mission de service public la charge de la rupture du contrat avec le praticien qui refuserait d'y participer et de modifier son contrat en conséquence.
Adoptée, elle porterait une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle, et pourrait entraîner un effet pervers d'éviction, préjudiciable aux établissements de santé privés concernés.
Je suis consciente des questions que soulèvent les conséquences de ces nouvelles dispositions. À cet égard, je soutiendrai dans quelques instants un amendement proposé par M. Bur, qui sera de nature à réconcilier les deux points de vue. C'est à cette occasion que je présenterai un sous-amendement.
Je demande aux auteurs des amendements de bien vouloir les retirer, puisque nous allons examiner une disposition qui devrait leur donner satisfaction.
Ce sujet, que j'ai abordé rapidement lors de la discussion générale, montre que le texte est mal préparé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je tenais à le dire, car le sujet est important et délicat. On voit bien la contradiction et le manque de cohérence que recèle ce mécanisme. Je ne vois pas comment – les regards de certains d'entre nous se sont d'ailleurs croisés tout à l'heure – il serait possible de refuser aux praticiens le droit de rompre leur contrat. Lorsque les conditions du contrat initial sont modifiées de façon substantielle, le droit commun autorise le praticien a invoquer la rupture.
Si le directeur de l'ARS attribue à un établissement des missions de service public, et si, en conséquence, des contrats avec des praticiens sont rompus, l'établissement n'est plus en mesure de répondre aux missions en question. Il y a donc contradiction. Il faut que celui qui a confié la mission de service public à l'établissement puisse retirer cette décision. Sinon, on tourne en rond, et l'on arrive à confier une mission de service public à un établissement qui ne se trouve plus en mesure de l'exercer.
Cette contradiction doit être absolument levée, et cela ne peut se faire que dans le respect du droit commun en matière de contrats. Le texte initial, tel qu'il nous est proposé, respecte le droit commun ; je suis curieux de voir quelle rédaction Mme la ministre va nous proposer.
Comme mon collègue Dominique Tian, qui a déposé le même amendement, j'estime que la loi doit pouvoir s'appliquer. Les établissements publics hospitaliers auxquels on aurait confié des missions de service public doivent pouvoir réellement les exercer sans être mis en difficulté par rapport aux praticiens.
Je vais suivre l'avis du rapporteur et de Mme la ministre et écouter avec attention cette nouvelle proposition de rédaction.
Je retire mon amendement.
(L'amendement n° 913 est retiré.)
Concrètement, on voit bien de quoi il s'agit : lorsqu'un établissement de santé privé acceptera une mission de service public, tout se jouera sur le problème des astreintes et des gardes.
La difficulté est là. Si l'établissement de santé privé accepte cette mission, parce qu'il n'y a que lui qui pourra la remplir, il y aura des conséquences majeures pour le professionnel et pour le médecin.
Je souhaite que le secteur privé conserve cette obligation de service public, mais – et je ne suis pas corporatiste – on ne peut pas pénaliser des médecins qui se sont engagés de cette façon avec un contrat particulier. Les établissements de santé privés ont une logique où l'élément financier n'est pas neutre : il est clair que cela doit être traité, mais pas aux dépens du professionnel.
(L'amendement n° 466 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 467 n'est pas adopté.)
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi portant réforme de l'hôpital.
La séance est levée.
(La séance est levée à douze heures trente-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma