La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
J'appelle maintenant dans le texte du Sénat les articles du projet de loi constitutionnelle sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, je sollicite la réserve des amendements n°s 305 , 302 , 250 rectifié et 303 jusqu'après l'examen de l'article 30 sexies.
Les amendements n°s 305 , 302 , 250 rectifié et 303 sont donc réservés jusqu'après l'examen de l'article 30 sexies.
Je suis saisi d'un amendement n° 121 , tendant à supprimer l'article 1er B.
La parole est à M. Bernard Debré, pour soutenir cet amendement.
Devant cette foule en délire (Sourires), je voudrais défendre cet amendement, qui vise à supprimer l'article 1er B parce que je ne le comprends pas.
La notion d'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives figure déjà dans la Constitution. En outre, s'agissant des responsabilités professionnelles et sociales, je ne vois pas comment la parité pourrait être appliquée. Comment, par exemple, l'hôpital pourrait-il compter une moitié d'infirmiers et une moitié d'infirmières ?
Si je suis très favorable à la parité pour les fonctions électives, le reste me paraît superfétatoire, inutile et inatteignable.
En première lecture, j'ai eu l'occasion de rappeler que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 16 mars 2006, avait demandé au constituant de prendre position. Ce que nous avons fait. Avis défavorable.
La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
Défavorable, pour les mêmes raisons.
Cet amendement, que nous avions déjà défendu en commission des lois lors de la première lecture, vise à supprimer de l'article 1er de la Constitution les mots « d'origine, de race » pour les remplacer par le mot « origines ». Même si, au Sénat, quelques-uns de nos collègues des bancs de la gauche ont défendu le maintien de la notion de race, nous pensons qu'elle tend à installer une forme de discrimination contre laquelle nous nous battons. Tous les scientifiques ont prouvé que cette notion est particulièrement inefficace et que, ne signifiant rien, mieux vaut la remplacer par « espèce humaine ».
Mes collègues communistes avaient, je le rappelle, déposé une proposition de loi qui allait dans le même sens.
La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour soutenir l'amendement n° 232 .
Cet amendement est conforme à ce qui est inscrit dans la Convention européenne des droits de l'homme : il faut lutter contre toutes les formes de discriminations, y compris celles liées au sexe et à l'orientation sexuelle. Il nous semble que cela pourrait figurer dans la Constitution, que nous souhaitons adapter à notre société telle qu'elle est aujourd'hui.
La parole est à M. Christian Vanneste, pour soutenir l'amendement n° 83 .
Si mon amendement, comme celui de M. Mamère, vise à supprimer le mot « race » de la Constitution, j'avais personnellement combattu, il y a quelques années, la proposition de loi de M. Vaxès, car elle portait sur l'ensemble des textes juridiques reposant sur la notion de race. Je m'explique.
Premièrement, la notion d'« origine » englobe celle de « race » qui est une des formes de l'origine. Le mot « race » est donc une redondance inutile à l'article 1er de la Constitution.
Deuxièmement, au Sénat, M. Badinter a employé l'argument que j'avais moi-même employé il y a quelques années contre la proposition de loi Vaxès, à savoir que l'on ne peut pas condamner le racisme si le mot « race » est supprimé. De la même façon que l'on ne peut pas supprimer une forme de crime si l'on n'emploie pas, dans un texte pénal, le mot qui désigne le crime.
C'est la raison pour laquelle le terme « race » doit être maintenu dans l'ensemble des textes à caractère pénal visant à lutter contre les discriminations, mais que sa présence dans la Constitution peut parfaitement être évitée.
Enfin, la Constitution est un texte qui sacralise les termes ; or le mot « race » n'y est pas véritablement employé de façon négative : la race est présentée comme l'une des caractéristiques de la personne, au même titre que l'origine.
En conclusion, faisons en sorte de retirer le mot « race » de la loi fondamentale – car il n'a aucun fondement scientifique, mais uniquement une valeur idéologique pour ceux qui s'avouent être racistes –, et conservons-le dans les textes qui condamnent le racisme.
Quel est l'avis de la commission sur les six amendements en discussion ?
En première lecture, la commission avait donné un avis défavorable à une série d'amendements similaires. L'avis de la commission est également défavorable en deuxième lecture.
La suppression du mot « race » de l'article 1er de la Constitution ne le ferait en rien disparaître de notre ordre juridique puisqu'il figure également dans le préambule de la Constitution de 1946, dans l'article 1er de la Charte des Nations unies, dans l'article 2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, dans l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans l'article 3 de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, dans le préambule de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
J'arrête là l'énumération pour ajouter que nous pouvons nous prévaloir du soutien de M. Badinter qui, en première lecture au Sénat, a indiqué qu'« il serait incompréhensible que, de l'article 1er, nous retirions d'un seul coup ce qui est la condamnation du racisme exprimée dans la Constitution ».
Dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, une telle suppression apparaîtrait comme un recul. Nous donnerions le sentiment aux autres États de ne plus combattre le racisme ou toute forme de discrimination fondée sur la race, même si la notion de « race » n'a pas de fondement scientifique. Avis défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 208 .
La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.
Cet amendement est très important : il reprend une revendication de longue date du parti Vert et d'autres familles politiques françaises. L'adoption du mode de scrutin proportionnel donnerait un vrai sens politique à cette réforme des institutions, en permettant une meilleure représentation de toutes les familles politiques à l'Assemblée nationale, et donc une meilleure représentation de la diversité politique et sociale. Malheureusement, le Gouvernement et le rapporteur, dont je connais déjà la réponse, l'ayant entendue en commission des lois, ne sont pas favorables à cet amendement essentiel qui aurait permis…
…que cette réforme ne s'apparente pas à du bricolage, et qu'elle soit sincère.
Je suis saisi d'un amendement n° 65 .
La parole est à M. Noël Mamère, pour le défendre.
Cet amendement est également très important pour nous, je l'ai dit tout à l'heure au nom de mon groupe en défendant la motion de renvoi en commission, puisqu'il concerne le vote des étrangers.
Je rappelle à Mme la garde des sceaux et à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement que l'Espagne envisage le vote des étrangers non communautaires pour les élections municipales et européennes. Cette proposition avait été formulée dans notre propre pays il y a déjà bien longtemps – je pense à François Mitterrand en 1981 – et, ici même, le vote des étrangers non communautaires aux élections locales avait été approuvé par la majorité de la gauche lors de l'examen d'une proposition de loi des Verts que j'avais présentée en leur nom.
Sur les bancs de la droite, on nous explique qu'il faut adosser le principe du vote des étrangers sur la nationalité. Or, depuis le traité de Maastricht, il y a une discrimination,…
…puisqu'on peut être espagnol, italien ou allemand, vivre en France et voter aux élections municipales en tant que ressortissant de l'Union européenne, mais qu'on ne peut pas voter à ces mêmes élections quand on habite depuis quarante ou cinquante ans dans notre pays, qu'on n'a pas choisi la nationalité française tout en faisant partie intégrante de ce pays !
C'est donc une forme de discrimination et nous ne pouvons pas accepter qu'il y ait en France des citoyens à part entière et des citoyens de seconde zone.
Aujourd'hui, ceux qui n'ont pas le droit de participer à leur destin collectif, qui pourtant sont comptabilisés pour déterminer le nombre de conseillers municipaux dans une ville, auxquels on demande de respecter les lois de la République, qui ont des droits et des devoirs, ne sont pas considérés de la même manière par les élus – bien conscients qu'ils ne peuvent pas être sanctionnés par eux. En outre, les enfants de ces personnes qui ne votent pas se considèrent souvent comme des étrangers de l'intérieur.
Les amendements n°s 305 , 302 , 250 rectifié et 303 ayant été réservés, le vote sur l'article 1er B est également réservé jusqu'à l'examen de ces amendements.
Sur l'article 1er, je suis saisi d'un amendement n° 87 .
La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir.
Je souhaiterais que, après l'alinéa 1 de l'article 1er, soit précisé que les partis doivent respecter le principe de laïcité. Si toutes les confessions peuvent s'exprimer librement, c'est le principe de laïcité, clef de voûte du pacte républicain, qui doit prévaloir dans la sphère publique. Les partis politiques, acteurs de la vie publique, doivent donc respecter non seulement la souveraineté nationale et la démocratie, mais aussi la laïcité.
Avis défavorable. Comme en première lecture, ce principe nous semble suffisamment protégé.
Vous rendez-vous compte de ce que vous venez de dire, monsieur le rapporteur ? (Sourires.)
Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
L'exposé sommaire de l'amendement n° 4 explique – sinon élégamment, du moins rapidement – qu'il s'agit d'un « amendement de précision ». En vérité, chacun le sait, cet amendement a fait l'objet d'une longue et difficile négociation entre certains parlementaires, certains groupes ou certaines parties de groupe : il fallait donner le sentiment que cette rédaction garantissait mieux le pluralisme et l'équité de la représentation. Plusieurs députés et sénateurs centristes s'étaient en effet émus et avaient annoncé que jamais ils n'adopteraient ce texte s'il ne marquait pas un progrès vers une loi électorale plus juste. C'est pour répondre à cette déclaration qu'on en est arrivé à cette rédaction contournée, un peu étrange, dont nos débats donneront une interprétation, en particulier au Conseil constitutionnel et chaque fois qu'il y aura proposition d'une nouvelle loi électorale.
Permettez-moi de rappeler ce qu'a été l'argumentation de plusieurs d'entre nous en première lecture et depuis que les débats sont ouverts sur le sujet. Nous sommes nombreux à penser que rien de substantiel ne sera changé dans les rapports entre l'exécutif et le législatif tant qu'une loi électorale plus juste n'aura pas été adoptée. En réalité, dans la situation actuelle, il n'y a pas de véritable indépendance du législatif par rapport à l'exécutif. Seule une loi électorale qui enracinerait la représentation nationale – ou une partie de la représentation nationale – non pas dans sa dépendance à l'égard du pouvoir ou du principal parti de l'opposition, mais dans son lien avec des millions de Français qui ont voté pour elle, permettrait de créer une réelle autonomie du législatif par rapport à l'exécutif. Je vais jusqu'à dire que cela vaut même s'il s'agit d'un nombre relatif de sièges : j'ai défendu l'idée de 10 % des sièges, comme correctif du scrutin majoritaire, car cela suffirait à modifier le rapport entre le législatif et l'exécutif.
L'amendement n° 320 ou le sous-amendement n° 328 , qui défend la même disposition, visent à inscrire dans la Constitution le principe du caractère équitable de la représentation – et pas seulement de l'expression ou des expressions. On peut avoir toutes les expressions que l'on veut, si la représentation n'est pas équitable, l'autonomie du législatif par rapport à l'exécutif ne sera pas assurée.
Mon intervention a donc deux buts : défendre l'amendement et le sous-amendement, et interroger le rapporteur sur l'interprétation qu'il fait du texte qu'il défend et dont on voit qu'il est le résultat d'échanges extrêmement élaborés. Je veux lui demander ce que peut bien signifier, dans son esprit, « les expressions pluralistes ». Je ne doute pas que sa réponse sera éclairante.
Monsieur Bayrou, « les expressions pluralistes », cela signifie que chaque force politique peut s'exprimer.
D'autre part, vous avez vous-même formulé l'argument qui, malheureusement pour vous, va motiver un avis défavorable, lorsque vous avez justifié votre amendement et votre sous-amendement par votre volonté de parvenir à une loi électorale. Avec la constance dont nous faisons preuve depuis le début de cette discussion, je répète que nous ne voulons pas entrer dans des débats concernant la loi électorale, qui n'a pas sa place dans la Constitution.
La commission émet donc le même avis qu'en première lecture : elle est défavorable au sous-amendement n° 328 et à l'amendement n° 320 , leur préférant l'amendement d'équilibre qu'elle propose à l'Assemblée.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements et sur le sous-amendement ?
Nous faisons nôtres les déclarations de M. Bayrou, qui expose une demande bien légitime que nous avons nous-mêmes formulée, à travers des amendements certes plus concrets. La contribution de l'amendement Bayrou est intéressante en ce qu'elle va avoir une incidence sur le bloc de constitutionnalité. En effet, des lois se préparent, qui concernent les modes de scrutin. « Ne pas parler des modes de scrutin, mais y penser toujours » : telle est la devise du Gouvernement. On pourrait ajouter : « et les préparer en sous-main », car M. Marleix conduit des consultations, en dehors de cet hémicycle, dans les couloirs aux tentures lourdes. La dague au côté (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),…
..il se prépare à découper la carte électorale avec son bistouri. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je vois que vous m'écoutez : c'est une chance pour moi, et un grand privilège.
Pendant que nous discutons du sexe des anges, M. Marleix prépare donc le charcutage électoral et le nouveau mode de scrutin aux régionales. Du reste, comment peut-on laisser Mme la garde des sceaux dire que la réforme constitutionnelle n'a rien à voir avec les modes de scrutin, alors que, précisément, la bataille avec le Sénat s'est déroulée autour de la question de la représentativité du collège sénatorial ?
M. Montebourg sait ce qui se passe au sein de l'exécutif ! C'est une nouvelle preuve de l'ouverture ! (Sourires.)
Avant même qu'il ne soit soumis au Conseil d'État, l'avant-projet de loi constitutionnelle… (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce que je dis ne vous intéresse pas ? (« Si ! si ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pardonnez-moi de vous importuner : peut-être aspiriez-vous à davantage de tranquillité. Le secrétaire d'État acquiesce, mais il est naturel que le parlementaire dérange le ministre dans son sommeil. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et il est tout aussi naturel qu'il s'adresse librement à ses collègues. Pardonnez-moi, aussi, d'avoir été interrompu. (Sourires.)
Je disais donc que, avant d'être soumis au Conseil d'État, l'avant-projet de loi constitutionnelle comportait une mention concernant le mode de scrutin sénatorial. Après le Conseil d'État, avec les arbitrages gouvernementaux, on est revenu en arrière, puis on est passé au laminoir du Sénat, et on est revenu au statu quo. L'affaire des modes de scrutin est donc bien dans le débat constitutionnel.
Il y a beaucoup trop d'hypocrisie dans cette affaire, et c'est pourquoi nous soutenons les déclarations de M. Bayrou. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Il y a une très grande constance dans la pensée de François Bayrou et dans l'affirmation de la ligne politique qu'il défend : en effet, sans l'introduction d'une dose de proportionnelle, le centrisme, en France, ne peut être majoritaire.
Mais je tiens aussi à dire à M. Montebourg que tous les Présidents de la République ont répugné à introduire une référence à la loi électorale dans la Constitution. Ainsi, jamais François Mitterrand n'a voulu qu'on le fasse. La meilleure loi électorale est celle qui permet à une majorité de survivre. Elle n'a donc rien à voir avec la Constitution. Elle est liée à des contingences politiques et nous nous efforçons tous, avec plus ou moins de bonheur, et en faisant appel à des appuis extérieurs, de déterminer le meilleur scrutin, c'est-à-dire celui qui nous renverra à l'Assemblée nationale. (Sourires.)
Nous venons d'entendre, dans la bouche du rapporteur, deux ou trois expressions qui méritent d'être relevées.
Ainsi, il explique que le sens de son amendement est de déclarer que toutes les forces politiques peuvent s'exprimer. Monseigneur est trop bon ! (Sourires.) En fait, ce n'est pas la Constitution qui fait que nous pouvons nous exprimer, mais la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui n'est pas susceptible – que je sache – d'être remise en cause par les rédactions hasardeuses du Gouvernement ou de la majorité. La vraie question, c'est de savoir si, oui ou non, cette liberté d'expression débouche sur une représentation honnête – ou honorable – des courants politiques au sein de l'Assemblée.
Pour aller au fond de cette discussion centrale, je veux reprendre ici une phrase de Michel Debré que Jean-Pierre Soisson a rappelée lors du débat en première lecture. Présentant au Conseil d'État la logique de la Constitution de la Ve République, Michel Debré en donnait la définition suivante : c'est « un chef de l'État et un Parlement séparés, encadrant un Gouvernement issu du premier et responsable devant le second », phrase admirable de clarté et de simplicité dans la pensée. Qu'est-ce qui ne va pas dans nos institutions ? Qu'est-ce qui manque, pour que l'équilibre décrit par Michel Debré soit réalisé ? C'est extrêmement simple : il faudrait qu'il y ait séparation – « un chef de l'État et un Parlement séparés ». Or, nous le savons bien, il n'y a pas séparation, mais dépendance de l'un par rapport à l'autre. Comment retrouver la séparation – et, donc, l'équilibre ? Le seul moyen serait que les principales forces politiques soient représentées au Parlement non pas en fonction de leur rapport avec le prince ou avec le principal parti d'opposition, mais en fonction du soutien de la population. À l'heure actuelle, le principe d'égalité du suffrage est complètement bafoué.
Madame la garde des sceaux, affirmer qu'il n'y a aucun lien entre la Constitution et les modes de scrutin, c'est se moquer du monde.
Veuillez m'excuser, mais, pour l'instant, les parlementaires sont encore libres de dire à peu près ce qu'ils veulent dans cet hémicycle…
Moi aussi !
…et ils ont bien l'intention de le rester.
Le caractère équitable de la représentation est au centre du rééquilibrage des rapports entre le Parlement et l'exécutif. Voilà pourquoi il ne s'agit pas d'une question annexe, secondaire, accessoire, d'un moindre niveau que certains des sujets dont nous traitons ici. Il s'agit au contraire d'une question centrale et de principe. De la réponse qu'on lui apportera découlera celle qu'on donnera à la question de savoir s'il y a quelque chose dans cette modification constitutionnelle, ou s'il n'y a rien, comme nous sommes plusieurs à le soupçonner.
Franchement, M. Bayrou en la circonstance parle d'or parce qu'il vient d'exprimer ce que nous pensons ici et, bien au-delà des bancs de la gauche, ce que pense une bonne partie de l'opinion française, qui estime ne pas être représentée sur les bancs de cet hémicycle. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il ne s'agit pas de savoir s'il faut introduire la proportionnelle. La question posée par M. Bayrou est une question de principe, non pas sur le pluralisme des expressions, comme le propose l'amendement du rapporteur, qui n'est que l'objet d'un marchandage avec quelques-unes ou plutôt une composante de la majorité pour obtenir ces trois-cinquièmes tant recherchés pour le Congrès de Versailles du 21 juillet,…
…mais sur la représentation de ces expressions.
Le fait de refuser cet amendement de principe, comme vous vous apprêtez à le faire, semble-t-il, signifie que la réforme que vous nous proposez est une réforme d'apparence, une réforme décorative, une réforme en trompe-l'oeil, un leurre. Il ne s'agit que d'une illusion, qui consiste à faire croire au bon peuple de France que l'on va donner plus de pouvoirs au Parlement alors même que l'on renforce les pouvoirs d'un Président de la République qui, de plus, n'est pas responsable devant le Parlement.
Mais, dehors, la vie continue. Nous sommes là en train de discuter de questions « hors sol » et, pendant ce temps, la société souffre, vit des moments difficiles, notamment après les promesses non tenues du Président de la République sur le pouvoir d'achat.
Un certain nombre de nos concitoyens s'estiment sous-représentés – je pense en particulier à ces étrangers non communautaires qui n'ont même pas le droit de participer à des choix qui décident de notre destin collectif.
Mais je pense aussi à tous ces Français d'origine qui vivent dans notre pays et qui ne s'estiment pas représentés ici à l'Assemblée nationale du fait du système électoral, qui exclut.
Pour reprendre une expression qui a été utilisée il y a quelques instants par M. Montebourg, je trouve assez intéressant et amusant de voir que les mânes de François Mitterrand ont été réveillés par un député de droite, qui fut d'ailleurs son ministre.
Celui-ci nous a expliqué que l'ancien Président de la République n'avait pas voulu introduire la question du système électoral dans la Constitution. Sans doute, mais ce qui est proposé par notre collègue Bayrou n'est pas non plus de cet ordre. Son amendement de principe vise à renforcer la diversité politique et sociale dans notre hémicycle. Car, il faut bien l'admettre, cette diversité sociale est fort mal représentée à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je mets aux voix le sous-amendement n° 328 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Il s'agit d'un autre amendement de principe également très important, à propos des médias.
L'article 4 de la Constitution traite de l'apport des partis politiques en ce qu'ils permettent la manifestation du suffrage. Si les partis politiques permettent la manifestation du suffrage, il me semble qu'il existe un pouvoir qui, lui, permet la constitution du suffrage et de la conviction politique, et ce pouvoir, ce sont les médias.
Nous savons tous pertinemment que des problèmes d'indépendance se posent à leur égard. Une illustration vient de nous en être donnée cette semaine, qui a touché les médias de l'audiovisuel public et, par ricochet, les médias de l'audiovisuel privé. La totalité de la publicité de l'audiovisuel public va être drainée vers l'audiovisuel privé. Or nous savons que l'influence de cette manne sonnante et trébuchante n'est pas négligeable. Et, dans le même temps, on annonce que le président des chaînes de télévision publiques sera nommé par l'exécutif !
On voit bien que les problèmes d'indépendance se multiplient dans ce domaine des médias, si important pour la constitution de l'opinion démocratique.
L'amendement n° 318 vise à affirmer cette indépendance des médias et à préciser les devoirs constitutionnels qui devraient être les nôtres dans ce domaine de l'indépendance des médias.
Oh ! le texte que je défends n'est pas très original : il n'est, après tout, qu'un écho lointain du texte du Conseil national de la Résistance, qui soulignait qu'on allait devoir construire un système démocratique dans lequel les médias seraient indépendants de l'État et des puissances d'argent.
Je demande simplement que la loi garantisse l'indépendance des médias à l'égard des puissances d'argent, des intérêts des actionnaires et de l'État, et les protège des conflits d'intérêt, qui ne manquent pas de se poser lorsque des groupes sont en même temps propriétaires de médias et clients ou fournisseurs de l'État.
Il s'agit donc d'un amendement de principe, qui précise de manière explicite, me semble-t-il, ce que devraient être, dans une démocratie authentique, les devoirs constitutionnels à l'égard de l'indépendance des médias.
(M. Bernard Accoyer remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.)
Monsieur Bayrou, pour ma part, je respecte chaque amendement de mes collègues. Je n'aurai donc pas les mots très durs que vous avez eus, je ne parlerai pas de rédaction hasardeuse, je ne dirai pas qu'on ne vous a pas attendu pour penser à cela. Je rappellerai simplement à mes collègues que l'article XI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 prévoit que « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la loi. »
Dans ces conditions, vous comprendrez que l'avis de la commission soit défavorable.
Monsieur Bayrou, vous reprenez un amendement qui n'avait pas été adopté en première lecture. Je rappelle simplement qu'après la première lecture au Sénat, le projet de loi constitutionnelle prévoit désormais que la loi fixe les règles concernant la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias. Votre préoccupation me paraît donc satisfaite par le texte du Sénat.
Et par la pratique présidentielle ? (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La nouvelle modification que vous proposez ne s'impose pas, d'autant que plusieurs décisions du Conseil constitutionnel ont déjà confirmé qu'il s'agissait d'un objectif de valeur constitutionnelle. Le Gouvernement souhaite donc le retrait de cet amendement, à défaut son rejet.
L'amendement déposé par notre collègue François Bayrou vient à point nommé, au moment même où le Président de la République s'attache à inverser cette proposition du Conseil national de la Résistance sur l'indépendance de l'État et des puissances d'argent. Voilà que le Président de la République nous invente une télévision d'État, et non pas une télévision publique, et se laisse aller à faire des cadeaux aux puissances d'argent.
Je rappelle pour mémoire que nous sommes dans un pays où de grandes entreprises qui répondent à des commandes publiques sont très largement majoritaires dans des chaînes privées telles que le groupe TF1 ou le groupe M6. Exception française de plus : une grande chaîne privée détient plus de 45 % des parts de marché.
Nous savons que ce sont les plus grands marchands d'armes de ce pays, qui sont autant d'amis du Président de la République, qui détiennent la majorité de la presse écrite. Et le Président de la République vient de leur faire de nouveaux cadeaux, en leur accordant la publicité de France Télévisions et, grâce à un amendement que l'un de ses porteurs d'eau, M. Lefebvre, a fait adopter en douce à l'occasion d'une loi récente, en augmentant le seuil de concentration de ces grands groupes pour permettre à TF1, qui avait fait une erreur stratégique monumentale en n'acceptant pas de rentrer dans la TNT, de pouvoir y entrer par la fenêtre alors qu'elle n'avait pas voulu y entrer par la porte.
Nous sommes, dans ce domaine de l'information et des médias, dans la situation d'une République bananière, avec un Président de la République qui se fait maintenant l'arbitre des élégances et vient nous expliquer quelles sont les émissions qu'il juge bonnes et celles qui ne lui plaisent pas, un Président de la République qui est directeur des programmes et conseiller du président de France Télévisions, qui lui a renvoyé le compliment avant d'être lui-même renvoyé à ses responsabilités.
Nous sommes en train d'écrire la chronique de la mort annoncée du service public de la télévision. Je suis sûr que, dans quelques mois, nous entendrons quelques voix à droite s'élever pour nous dire que le service public va si mal qu'il faut en réduire le périmètre. Et comment va-t-on procéder ? On va vendre France 3. Comme on a vendu des immeubles à la découpe, on va vendre les stations régionales de France 3. À qui ? Aux grands groupes de presse régionaux qui sont déjà prêts à fondre sur leurs proies. On va tuer le service public de la télévision.
C'est pourquoi, comme l'ont fait d'autre pays, y compris des pays qui sont considérés comme beaucoup plus libéraux que nous – je pense en particulier aux États-unis d'Amérique, où il existe des lois anticoncentration dans les médias –, il faut inscrire dans la Constitution le principe de l'indépendance des médias car la pratique à laquelle nous a habitués ce Gouvernement, et que le Président de la République défend, c'est la très grande dépendance des médias. J'ai le sentiment de revenir à mon adolescence, lorsque j'avais vu apparaître à la télévision le ministre de l'information, qui s'appelait M. Peyrefitte, répondre à M. Léon Zitrone, qui lui demandait ce qui allait changer dans le journal de vingt heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je partage complètement les préoccupations de M. Bayrou à l'égard du pluralisme des médias et pour l'ensemble des médias. Il est vrai, je le dis au passage, que nous avons parfois le sentiment, au regard de certains organes de la presse quotidienne régionale, que le pluralisme des médias n'est pas toujours assuré. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Mais je rappelle également, monsieur Bayrou, qu'en ce domaine le Conseil constitutionnel a donné en 1986 valeur constitutionnelle aux principes du pluralisme des médias, particulièrement en ce qui concerne la presse et que, par conséquent, l'organisation de ce pluralisme dépend aujourd'hui du domaine de la loi, et non du domaine constitutionnel. Le pluralisme est déjà dans la Constitution !
S'il y a des insuffisances, des éléments à ajouter, c'est par la voie législative que cela doit être fait, pas par la voie constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous défendons avec empressement l'amendement de M. Bayrou, d'autant plus que nous avions déposé un amendement identique en première lecture et que nous défendrons ultérieurement un amendement de cette nature.
M. Bayrou va beaucoup plus loin que ce que le droit, la Constitution et l'organisation juridique de nos institutions ordonnent aujourd'hui en matière de médias car il fixe une mention impérative : que la loi protège contre les conflits d'intérêt et les intrusions contre l'indépendance. Ce serait une obligation pour le législateur d'organiser la protection de cette indépendance. Mme la garde des sceaux à l'instant a répondu en disant que l'amendement était satisfait parce que, dans l'article 34, la loi fixait les règles relatives au pluralisme. Mais c'est une mention purement formelle.
Là, c'est une mention aux vertus impératives qui est demandée, et je comprends d'ailleurs pourquoi vous l'esquivez d'un revers de main négligent. En effet, si cet amendement était adopté, M. Sarkozy serait immédiatement bridé dans sa tentative de contrôle ou de reprise de contrôle par l'État de France Télévisions. Car l'amendement organise la protection constitutionnelle des organes de presse audiovisuels publics ou privés à l'égard de l'État et d'un certain nombre d'intérêts économiques. S'il était voté, les législateurs que nous sommes auraient l'obligation d'organiser leur protection ou leur sanctuarisation.
Voilà bien la difficulté où le pouvoir se retrouve, dans sa turpitude. Nous l'avons souligné tout à l'heure : si l'on additionne le contrôle des médias, dont il décide aujourd'hui, à la monopolisation de la parole publique, sur les chaînes, grandes ou petites, par le Président de la République et ses collaborateurs, on constate que le pouvoir contrôle désormais les médias et que ceux-ci ont totalement perdu leur indépendance. Le pluralisme n'est plus assuré dans notre pays depuis plusieurs mois. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Avec ses déclarations de principe généreuses, la Constitution ne permet pas actuellement d'empêcher le pouvoir d'exercer de tels abus sur ce contre-pouvoir que constitue le quatrième pouvoir médiatique. Voilà pourquoi vous n'avez pas répondu à la question fondamentale, madame la garde des sceaux.
M. Bayrou soutient un amendement dont l'adoption empêcherait la prise de contrôle des médias que tente en ce moment M. Sarkozy. Son rejet pèsera lourd sur le pluralisme dans la vie quotidienne. Le traiter avec autant de légèreté est aussi inacceptable que détestable. Pour notre part, monsieur Bayrou, nous voterons l'amendement, car nous ne voulons pas laisser s'installer la croyance que l'on peut tout faire, même jouer avec le système médiatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je mets aux voix l'article 1er, modifié par l'amendement n° 4 .
(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 88 , tendant à supprimer l'article 2.
La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir cet amendement.
Par l'amendement n° 88 , je propose en effet de supprimer l'article 2, qui me paraît dangereux. Je l'ai déjà dit, mais vous savez qu'en politique, mieux vaut mieux se répéter que se contredire : il s'agit de l'article Potomak, d'un copié-collé de la Constitution américaine, comme si celle-ci était un deus ex machina.
Mais réfléchissons un peu. Si aucun Président de la République élu pour cinq ans ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs, on risque d'aboutir – et l'on y aboutira – à des situations déplorables pour la conduite des affaires publiques. En effet, lors de la neuvième année, voire dès la huitième année du deuxième quinquennat, quand on sait que le mandat du Président de la République s'achèvera dans quelques mois, on n'a plus affaire qu'à un demi-président, à ce que les Américains appellent un lame duck, c'est-à-dire un canard boiteux.
Je considère que ce n'est pas à la Constitution de décider si un Président de la République peut faire un, deux ou trois mandats. C'est au peuple. Il peut d'ailleurs arriver qu'un Président de la République se représente en fin de deuxième mandat parce que les circonstances le dictent. Mais il n'y a rien de pire que de fixer un terme de manière aussi brutale. Dans un tel cas, chacun se dit que le Président n'en a plus que pour quelques mois. Passez muscade. C'est terminé ! Et alors, ce sont les affaires de l'État qui en souffrent. C'est la raison pour laquelle je vous demande de décider, en votant l'amendement, la suppression de l'article 2.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement.
Je suis saisi d'un amendement n° 67 .
La parole est à M. Noël Mamère, pour le défendre.
Tout comme celui du Gouvernement...
Je mets aux voix l'amendement n° 67 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
L'article 3 bis porte sur le référendum d'initiative populaire.
Étant donné l'usage qui a été fait du référendum dans la vie politique française, on ne connaît pas clairement son avenir. À diverses reprises, nous avons vu que, lorsque l'exécutif prenait une initiative comme celle-ci, il s'exposait à beaucoup de dangers, le risque principal étant que les électeurs, au lieu de répondre à la question posée, expriment leurs états d'âme ou leurs insatisfactions à l'égard de l'action gouvernementale dans son ensemble.
Mais, cette fois, avec le référendum d'initiative populaire, dont l'organisation paraît compliquée, on ouvre une hypothèse nouvelle. Sera-t-elle suivie de réalisations concrètes ? J'éprouve les plus grands doutes à cet égard, car le système est, à juste titre d'ailleurs, si complexe et si protecteur, qu'il est peu probable que les conditions qui permettraient de le faire aboutir soient jamais réunies.
Quoi qu'il en soit, il est de la plus haute importance que soit préservé l'amendement plein de bon sens du Sénat, visant à ce que la proposition de loi soumise à référendum soit adoptée sous réserve d'un seuil de participation des électeurs. Je comprends mal pourquoi le texte prévoit que ce seuil soit fixé par une loi organique. Ne serait-il pas plus simple que le Constitution le décide elle-même, dès lors qu'elle en adopte le principe ? Quoi qu'il en soit, il me paraît sage qu'un tel seuil existe. En effet, si jamais la procédure devait aboutir, ce qui est possible, il est indispensable que le suffrage recueille un minimum de participation.
Prenons un exemple simple. Nous venons de débattre des OGM, qui pourraient donner lieu à un référendum d'initiative populaire.
À coup sûr, ceux qui sont défavorables aux OGM se mobiliseraient, tandis que les indécis ou les indifférents resteraient chez eux.
Non, mais je souhaite qu'elle fonctionne. Il ne s'agit pas d'installer des mécanismes juridiques qui permettront à certains de parvenir à leurs fins, mais de prévoir un seuil de participation minimum, garantissant que la démocratie fonctionne dans des conditions légitimes.
Tel qu'il revient du Sénat, l'article 3 bis est pour nous d'une grande importance.
En première lecture, le Nouveau Centre a défendu l'idée d'un référendum populaire, tirée du rapport du comité Balladur. Notre but était de permettre à nos concitoyens d'intervenir dans le processus législatif. Aujourd'hui, en effet, les citoyens sont appelés à élire tous les cinq ans leurs représentants, ou cette partie de leurs représentants au Parlement que sont les députés. Mais, une fois qu'ils l'ont fait, ils n'ont pas voix au chapitre dans le processus législatif pendant cinq ans et sont censés nous juger sur nos actes et sur nos votes, dont bien peu d'électeurs en réalité ont connaissance, à l'issue de ces cinq années.
Le dispositif du référendum, repris à notre initiative des propositions du comité Balladur, est à mon sens équilibré.
Tout d'abord, il nécessite l'intervention de 20 % des parlementaires. Or, que l'on soit dans la majorité ou dans l'opposition, on est toujours en capacité de réunir une telle proportion de députés ou de sénateurs. La mesure n'est donc pas un moyen de freiner ni de bloquer les initiatives.
Deuxièmement, il faut recueillir les signatures de 10 % des électeurs inscrits sur les listes électorales, ce qui représente une incitation, y compris pour ceux qui ne votent pas habituellement, à s'inscrire sur ces listes pour bénéficier de ce qu'on pourrait appeler un « droit de pétition », entre guillemets.
Enfin, il permet une mobilisation citoyenne, à l'initiative des partis politiques, des groupements ou des syndicats.
Nous sommes satisfaits de voir que la proposition est maintenue dans le texte qui revient du Sénat, et qu'elle n'a pas été dénaturée, si ce n'est sur un point, à propos duquel je suis en désaccord avec M. de Charette : la proposition de loi soumise à référendum ne peut être adoptée sans un seuil de participation des électeurs que nous autres constituants ne connaîtrions pas au moment où nous votons la disposition, puisqu'il serait fixé par une loi organique.
J'avoue que le raisonnement de notre collègue me paraît très curieux. En effet, si 10 % des électeurs font la démarche de présenter leur carte d'électeur et de signer une pétition, démarche approuvée par 20 % des parlementaires, pourquoi faudrait-il encore prévoir un seuil ? D'ailleurs, si l'on appliquait un tel seuil de participation aux élections législatives, municipales ou cantonales, on aurait parfois bien du mal à trouver des élus !
Lorsque le peuple s'exprime, on ne peut pas considérer qu'il y a, d'un côté, des gens qui ne savent pas quoi dire et, de l'autre, des opposants de principe : il y a ceux qui s'expriment et ceux qui ne s'expriment pas. Or, jusqu'à preuve du contraire, dans la République française, ceux qui ne s'expriment pas laissent les autres décider à leur place. Prétendre le contraire relève d'une mauvaise argumentation. Le seuil doit être supprimé, ce qui serait conforme aux propositions du comité Balladur, afin de laisser aux citoyens le droit d'intervenir dans le processus législatif.
Je suis saisi d'un amendement n° 186 .
La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour soutenir cet amendement.
La proposition émanant du comité Balladur était acceptable. Il ne s'agissait pas à proprement parler d'un référendum d'initiative populaire, mais d'initiative populaire et parlementaire. C'était un compromis, puisqu'une sorte de verrou assurait que les grands partis d'opposition, qui disposent d'un nombre de députés ou de sénateurs suffisant, pouvaient déclencher le référendum avec le soutien de la population. Mais, de fil en aiguille, après le laminoir des navettes et des lectures, nous voilà dans l'impossibilité pratique d'organiser un référendum.
Ou disons plutôt que l'organisation systématique du découragement civique a permis que l'on soit sûr de donner satisfaction à M. de Charette – c'est du moins ainsi que je résumerai la situation.
Si vous vous en réjouissez, à l'évidence nous le déplorons. Toutes les conditions requises – absence d'abrogation, impossibilité de renouveler la proposition avant deux ans en cas d'échec, nécessité du contrôle – additionnées les unes aux autres donneront légitimement aux citoyens l'impression qu'on se moque du monde. Soit on prévoit un référendum à leur initiative, comme il en existe, d'usage assez facile, dans tous les pays européens, soit on fait semblant d'organiser, comme sur une scène de théâtre,…
…la possibilité éventuelle de réunir des signatures pour engager le référendum…
Mais je ne m'oppose pas, vous allez voir : je propose.
…et l'on se trouve finalement dans l'impossibilité pratique d'organiser une telle opération. L'argumentation de M. de Charette confirme mon analyse : il faudrait à présent un quorum !
Cela n'a aucun sens, en effet. Je rejoins M. Lagarde : s'il fallait vérifier la présence des électeurs dans les bureaux de vote, chaque fois que des décisions importantes sont prises, on pourrait s'interroger sur la vitalité de notre démocratie.
Le principe d'un référendum d'initiative populaire incite à la participation démocratique. C'est pourquoi nous défendons son rétablissement sous une forme simple, tel qu'il avait été imaginé par le comité Balladur.
J'interviendrai en une fois sur la série d'amendements. Notre assemblée a voté à la quasi-unanimité un référendum dont le principe était issu des propositions du comité Balladur.
Deux modifications ont été apportées par le Sénat.
La première prévoit que, lorsqu'un processus aura été jusqu'au référendum et que celui-ci aura échoué, il ne sera pas possible de recommencer l'opération avant deux ans. La commission propose de conserver cet ajout du Sénat.
Celui-ci a introduit une deuxième disposition, que M. de Charette vient d'évoquer. Elle consiste à exiger un seuil minimum de participation. Mais la commission a jugé contradictoire et incohérent d'exiger un seuil de participation quand le référendum est en partie d'origine populaire, alors qu'on n'en exige pas pour les autres référendums d'origine présidentielle.
Un amendement de la commission tendra donc à supprimer le seuil.
Sur tous les autres amendements, la commission émet un avis défavorable, souhaitant le retour au dispositif voté en première lecture à l'Assemblée, à une seule nuance près.
Sur l'amendement n° 186 , elle émet donc un avis défavorable, pour les raisons que je viens d'indiquer.
L'essentiel du dispositif est issu d'un amendement présenté par l'opposition, auquel le Gouvernement avait donné un avis favorable. Comme vient de l'indiquer M. le rapporteur, le Sénat y a apporté quelques ajustements techniques. L'amendement n° 186 prévoit un autre dispositif, que le groupe socialiste avait déjà proposé en première lecture avant de le retirer au bénéfice de ce qui allait devenir l'article 3 bis. Comme en première lecture, et pour les mêmes raisons qu'indiquées par le rapporteur, le Gouvernement y est défavorable.
Vous me permettrez d'ajouter quelques mots, puisque M. Montebourg trouve ma proposition absurde ou incohérente – je ne sais plus quel mot cruellement injuste il a employé.
Il est vrai que j'éprouve les plus grandes réserves à l'égard du référendum d'initiative populaire, qui risque de donner lieu à des débats politiques incessants. Ne croyez pas un seul instant qu'il pourra contribuer à revaloriser le Parlement ni à faire progresser la vie démocratique de notre pays : il ne fera que rendre le débat politique incompréhensible pour nos concitoyens !
En outre, je persiste à penser, monsieur le rapporteur, qu'une telle consultation n'a aucun rapport avec le référendum organisé à l'initiative du Président de la République, qui est d'une autre nature et dont l'effet mobilisateur est bien plus important. C'est pourquoi ce que vous appelez un quorum, c'est-à-dire un seuil minimal de participation, me paraît indispensable pour que le résultat de la consultation soit pris en compte. La position du Sénat me paraît donc raisonnable. Elle apporte une amélioration indispensable à un article que, sur le fond, je considère plus nuisible qu'utile.
Je suis saisi d'un amendement n° 54 .
La parole est à M. Christian Vanneste, pour le soutenir.
Il s'agit d'étendre le champ d'application de la procédure référendaire aux problèmes de société, en autorisant d'y recourir pour l'adoption de projets de loi contenant une disposition « d'importance nationale ». La formule choisie est inspirée par la constitution d'un pays dont il a beaucoup été question : l'Irlande.
Elle a permis à cette démocratie beaucoup plus vivante que la nôtre de soumettre à sa population des questions de société telles que la place de l'Église catholique dans l'État, le droit des parents adoptifs, le droit à la vie de l'enfant à naître ou la légalisation partielle de l'avortement. Sur tous ces sujets, nous croyons détenir la solution alors que c'est à la population d'en décider en fonction de ses évolutions, de sa sociologie et de ses croyances profondes.
En adoptant le référendum d'initiative populaire, nous moderniserions nos institutions conformément à la volonté de leur fondateur. En effet, il n'y a rien de plus gaulliste que le recours au peuple. Le général de Gaulle a non seulement souhaité l'élection du Président de la République au suffrage universel, mais il a également eu recours au référendum en de nombreuses occasions, la dernière ayant eu une issue malheureuse pour lui. J'ajoute que le citoyen est plus et mieux informé qu'hier, et qu'il souhaite participer davantage à la vie démocratique.
Enfin, il me semble que la rareté des référendums a affaibli leur valeur et, souvent, transformé leur sens, la population ayant tendance à répondre à une autre question que celle qui est posée. Si nous faisions régulièrement appel au peuple grâce à ce que les Suisses appellent des « votations », les décisions populaires auraient une plus grande validité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable sur cet amendement.
Je mets aux voix l'amendement n° 54 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 209 .
La parole est à M. Noël Mamère, pour le défendre.
La commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 209 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
La commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 151 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
La commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 184 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
La commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 233 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 234 .
La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.
La commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 234 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je l'ai déjà défendu : il tend à supprimer l'alinéa 7 de l'article 3 bis.
Cet amendement défend un principe dont M. Sarkozy aurait dû s'inspirer au lieu de s'employer à faire passer en force le traité de Lisbonne : on aurait évité ainsi bien des déconvenues. Nos amis Irlandais ont en effet compris – et une partie d'entre nous s'en réjouit – que ce texte n'était qu'une pâle copie du traité constitutionnel proposé en 2005.
Il faut en finir avec cette pratique détestable consistant à faire passer par la fenêtre ce que les citoyens ont fait sortir par la porte, c'est-à-dire par la voie référendaire.
Cet amendement, qui reprend une proposition de loi examinée à l'occasion d'une « niche » parlementaire, interdit donc aux parlementaires d'aller à l'encontre d'une décision prise par la voie du référendum. Si les citoyens rejettent un projet par référendum, celui-ci ne doit pouvoir leur être soumis à nouveau que suivant la même procédure.
C'est une question de transparence et, surtout, de respect à l'égard de nos concitoyens et de leur expression, à l'heure où le référendum d'initiative populaire se transforme de plus en plus en référendum d'initiative parlementaire.
Les Français se sont prononcés majoritairement contre le traité constitutionnel. Bien qu'ayant voté « oui » à l'époque, je pense, comme beaucoup d'autres, qu'il aurait été nécessaire de revenir devant eux plutôt que de procéder comme le Président de la République et de faire adopter un traité prétendument simplifié dans le dos de ceux qui s'étaient exprimés démocratiquement.
Les amendements proposés me semblent donc logiques. Ils correspondent à notre souci de renforcer la vitalité démocratique et de faire respecter la décision des citoyens.
La commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable sur ces amendements.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
Ces amendements ont l'apparence de la logique : quand le peuple s'est prononcé dans un sens, il lui revient, à lui seul et non à ses représentants, d'aller éventuellement en sens contraire. Mais inscrire cette disposition dans la Constitution serait une autre façon de contredire le vote populaire. C'est même ce qui résulte des propos de M. Braouezec. Ce dernier reproche à Nicolas Sarkozy de n'avoir pas soumis à un référendum un texte préalablement rejeté par cette procédure. Mais M. Sarkozy a été élu Président de la République en annonçant aux Français qu'il ferait adopter un « mini » traité qui ne serait pas soumis à une consultation populaire. Si les Français avaient voulu un référendum, ils ne l'auraient pas élu. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Vous ne pouvez donc pas contraindre le Président de la République à trahir ses promesses électorales. C'est peut-être votre habitude personnelle, mais on ne saurait prendre un engagement et faire le contraire dès le lendemain.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est leur spécialité !
On nous le répète depuis un an, le Président de la République a été élu pour faire ceci, il a été élu pour faire cela…
Il reste pourtant quelques gaullistes sur ces bancs, même si je n'en vois pas beaucoup. Ils sont réduits à des vestiges, mais encore bien vivants.
Monsieur Brard, restez-en au fond, et évitez les questions de personne !
Quand je qualifie ainsi Bernard Debré, Jean-Pierre Grand et quelques autres, c'est tout à leur honneur !
Le Président de la République, je le rappelle, avait aussi promis d'être le Président du pouvoir d'achat.
Si vous jugez que certaines promesses doivent être tenues et d'autres non, vous nous servez là un faux argument.
Le général de Gaulle, lorsqu'il organisait un référendum, avait l'habitude de faire trancher deux ou trois questions par une seule réponse.
Si l'on suit votre logique, ce sont des centaines de questions qui auraient eu une réponse unique lors de l'élection présidentielle. Je pense donc, monsieur Lagarde, que vous ne croyez pas un mot de ce que vous dites.
On ne peut se prétendre démocrate et imposer le bâillon à son peuple. En 2005, les 90 % de parlementaires qui avaient approuvé la révision constitutionnelle ont été désavoués par 55 % des Français.
Quelle que soit la position du Parlement, la décision ultime, pour nous, appartient au peuple français et s'exprime par sa voix.
Vous ne pouvez pas le priver de son droit à s'exprimer sur son avenir sous prétexte qu'une question serait trop difficile à comprendre.
Monsieur le président, M. Lagarde ne me laisse pas terminer mon propos. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Les deux amendements de M. Mamère et de M. Braouezec coulent de source : la démocratie exige que nous les votions.
Exceptionnellement, je vais donner la parole à un autre orateur du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour une brève intervention.
M. Lagarde ne devrait pas tirer argument du fait qu'il s'agit d'une promesse du Président de la République…
…car, des promesses, il en a fait d'autres, qu'il a beaucoup de mal à tenir. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je me souviens notamment de celles concernant la justice sociale, le pouvoir d'achat, les droits de l'homme, les inégalités. Vous ne pouvez pas ne retenir que les promesses qui vous arrangent.
Par ailleurs, je rappelle aux membres de la commission des lois ici présents que, lorsque j'ai présenté une proposition de loi contenant cette disposition au mois de février dernier, un certain nombre d'élus de la majorité m'avaient assuré qu'ils auraient voté cette modification de la Constitution si elle n'avait pas visé à remettre en cause le traité de Lisbonne. M. Mariani m'avait ainsi affirmé que, dans un contexte différent, il la voterait des deux mains. Eh bien, c'est le moment !
Je suis saisi d'un amendement n° 185 .
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.
L'une des difficultés que nous rencontrons dans l'élaboration de cette révision constitutionnelle tient aux nombreux renvois à une loi organique que comporte le projet de loi. Or les modalités de l'adoption d'un projet de loi organique ne sont pas les mêmes que celles d'un projet de loi constitutionnelle au Congrès, où il est nécessaire de parvenir à un consensus élargi. Le renvoi systématique à une loi organique exclut ainsi l'exigence du consensus, et nous le déplorons.
Or l'article 3 bis renvoie à trois reprises à une loi organique. Pour une grande part, son contenu sera donc moins déterminé par la rédaction que nous allons adopter que par cette loi organique. S'agissant de l'organisation d'un référendum que l'on peut continuer d'appeler d'initiative populaire – même si sa forme a été modifiée –, c'est proprement inacceptable, non seulement parce que la composition des deux assemblées est ce qu'elle est, mais aussi parce que la procédure altère la volonté des constituants.
C'est pourquoi nous proposons que la loi organique qui déterminera les conditions d'exercice de ce référendum soit adoptée à la majorité qualifiée des trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein de chaque assemblée.
La commission et le Gouvernement sont défavorables à l'amendement n° 185 .
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'article 3 bis, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 3 bis, ainsi modifié, est adopté.)
L'article 4 a été abondamment présenté comme l'instrument d'un changement profond. Or il s'agit d'un leurre.
Un tel changement était pourtant envisageable : il aurait consisté à soumettre la proposition de nomination du Président de la République à son approbation par le Parlement à la majorité qualifiée, ce qui aurait exigé la formation d'un consensus. Un certain nombre d'entre nous avions d'ailleurs défendu cette solution lors de la campagne présidentielle.
Bien loin d'être un progrès, le texte que l'on nous propose est, je le répète, un leurre. Il prévoit en effet que les nominations proposées par le Président de la République ne pourront être rejetées qu'à une majorité qualifiée des trois cinquièmes, laquelle sera impossible à atteindre sans l'accord du parti présidentiel. Il s'agit d'une illustration supplémentaire de la dépendance du législatif à l'égard de l'exécutif. Cette dépendance est telle que vous pouvez bien transférer à la majorité parlementaire des responsabilités qui appartiennent à l'exécutif mais, en pratique vous ne changerez rien.
Je défendrai tout à l'heure un amendement de repli extrême, qui vise à soumettre la proposition de nomination du Président de la République à un avis conforme du Parlement, même à une majorité simple.
Que l'on ne présente pas, en tout cas, comme un progrès une mesure destinée à leurrer les citoyens, et qui est d'ailleurs révélatrice du caractère de ce projet de loi, au moins au point où nous en sommes.
L'article 4 ne cesse en effet de déranger. Sous couvert de consensus, qui est l'alibi de l'immobilisme, on mélange les genres. Le Président de la République, élu au suffrage universel, tient sa légitimité du peuple et de lui seul ; il est le pivot des institutions et représente le peuple. Et l'on voudrait que son pouvoir de nomination soit soumis à l'avis d'une commission mixte paritaire ?
Cette commission pose d'ailleurs un autre problème, car elle met une nouvelle fois sur un pied d'égalité l'Assemblée et le Sénat, alors que ce dernier ne procède pas du suffrage universel direct. Il s'agit là d'une autre atteinte aux fondements et à l'économie générale de la Ve République.
Non seulement l'article 4 affaiblit le pouvoir du Président de la République, car c'est à lui qu'il incombe de nommer ceux qui occuperont certains emplois et fonctions, mais il fait du Sénat l'équivalent de l'Assemblée nationale. Ce mélange des genres est contraire à toute la tradition de la Ve République et, surtout, à l'équilibre des institutions. C'est la raison pour laquelle nous devons supprimer cet article.
Bien que M. Myard ait exposé tous les arguments en faveur de la suppression de l'article 4, je donne la parole à M. Bernard Debré, qui souhaite soutenir l'amendement n° 122 .
Tout d'abord, il est vrai que, si la majorité des trois cinquièmes est requise pour que le Parlement puisse s'opposer à une nomination, il ne s'y opposera jamais. Donc, c'est un leurre. En revanche, monsieur Bayrou, si les nominations doivent être confirmées par un vote du Parlement à la majorité simple, elles seront à l'évidence des nominations politiques.
Il me semble que la première chose à faire serait de réduire le nombre des nominations qui relèvent du pouvoir du Président de la République, car il y en a beaucoup trop. Pour celles qui doivent rester de sa responsabilité, j'estime que la procédure actuelle est satisfaisante.
La parole est à M. Hervé de Charette, pour soutenir l'amendement n° 140 .
Monsieur le président, il s'agit d'un article important, qui mérite qu'on lui consacre quelques instants.
Première observation : le Président de la République avait annoncé, lors de sa campagne électorale, cette réforme.
En tout cas, quelque chose s'y rapportant. Mais ce n'est pas parce que je l'ai soutenu lors de sa campagne et que je continue de le soutenir aujourd'hui dans son action que je ne peux pas dire librement ce que je pense de telle ou telle de ses propositions et considérer que celle-ci soit particulièrement fâcheuse.
Deuxième observation : le nombre des nominations qui relèvent du Président de la République est invraisemblablement élevé. S'il en est ainsi, mesdames, messieurs les membres du groupe socialiste, c'est à cause de M. Mitterrand qui, prévoyant, au mois de février 1986, qu'il allait devoir affronter un gouvernement de droite et du centre, a allongé de façon inconsidérée le nombre des nominations relevant du Président de la République ou décidées en conseil des ministres, afin d'étendre le plus possible les pouvoirs qui lui resteraient. La première décision raisonnable, qui aurait pu être prise depuis vingt ans, aurait donc consisté à réduire cette liste au plus juste. Car, s'il est normal que le Président de la République assume, en tant que plus haute autorité de la nation, la responsabilité de nommer les titulaires des grands postes qui sont mentionnés dans la Constitution, il serait souhaitable que cela s'arrête là.
Troisième observation : l'idée selon laquelle l'intervention du Parlement dans le processus de nomination serait un élément positif me paraît totalement fausse. Je suis en effet convaincu que l'institutionnalisation d'un système – qui ne manquera pas de s'étendre progressivement – dans lequel les nominations sont soumises à l'avis d'une commission parlementaire n'est pas un progrès pour la démocratie, mais qu'elle favorise les manoeuvres en tout genre. Celui ou celle qui sera candidat promettra, rassurera, garantira, bref, fera tout ce qu'il faut pour obtenir la majorité requise. C'est pourquoi je pense que ce texte n'est pas bon.
Cela ne signifie pas pour autant que le Parlement ne doive pas intervenir dans certaines nominations – c'est du reste déjà le cas. Mais, puisque l'article 4 renvoie à une loi organique, il perd pratiquement toute sa valeur. Il sera en effet toujours temps, le moment venu, de recourir à une procédure parlementaire pour des nominations à des postes précis, si nous estimons que le fonctionnement de la démocratie l'exige.
Je m'arrête là, car je sens que M. le rapporteur s'impatiente.
Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements de suppression ?
En première lecture, nous avons cherché à éviter plusieurs écueils. Ne voulant pas d'une commission politique spécialisée dans les nominations, nous avons fait le choix de renvoyer aux commissions spécialisées de chaque assemblée. Cette solution permet en outre d'éviter, comme le souhaite M. Myard, d'établir une parité entre l'Assemblée et le Sénat, puisque la composition de la commission de l'Assemblée nationale est plus nombreuse que celle du Sénat.
Par ailleurs, nous n'avons pas voulu non plus priver le Président de la République de son pouvoir de nomination, mais soumettre ses propositions à un avis du Parlement afin d'ôter préventivement au Président de la République l'idée qu'il pourrait avoir de nommer à un poste important une personne choisie pour les services qu'elle lui aura rendus, plutôt que pour ses compétences. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Et ce n'est jamais arrivé, je vous le concède.
Quant à l'argument selon lequel il serait impossible d'obtenir un avis défavorable à la majorité qualifiée des trois cinquièmes – qui représente un vote unanime de l'opposition et d'un tiers de la majorité –, il ne me paraît pas valable. Encore une fois, le principal intérêt du dispositif est préventif.
Je rappelle par ailleurs que nous avons déjà appliqué cette procédure pour le poste de contrôleur général des prisons.
Nous avons auditionné la personne concernée devant la presse puis, après avoir demandé aux journalistes de se retirer, nous avons débattu entre nous et voté à bulletin secret. Tous les députés qui étaient en commission des lois ce jour-là ont pu mesurer ce qu'étaient ces nouveaux pouvoirs des commissions spécialisées, consistant à émettre à bulletin secret un avis sur une nomination.
Monsieur le président, la commission des lois proposera de revenir au texte qui avait été voté en première lecture, à une nuance près : la nouvelle rédaction autorisera l'audition séparée du candidat par les deux commissions spécialisées de l'Assemblée et du Sénat.
Il ne sera donc plus obligatoire de réunir les deux commissions, qui pourront voter séparément, et leur avis sera la fusion des deux votes.
C'est le souhait du Sénat, dont un des arguments est d'assurer un meilleur fonctionnement du dispositif, la commission de chaque assemblée auditionnant le candidat, par exemple à la future présidence d'EDF, puis émettant son vote, le jour habituel de sa réunion. Le rythme de travail des commissions n'en sera rendu que plus efficace.
Monsieur le président, la commission des lois devant proposer un amendement visant à rétablir, à cette nuance près, le texte adopté à l'Assemblée nationale en première lecture, elle émet, je le répète, un avis défavorable aux amendements tendant à supprimer l'article 4.
Défavorable.
L'article 4 a pour objet d'encadrer le pouvoir de nomination du Président de la République pour les raisons que nous avons déjà indiquées en première lecture, et non de le transférer au pouvoir législatif.
Nicolas Sarkozy, alors candidat, s'était du reste engagé à faire adopter une telle mesure durant la campagne présidentielle, et c'est une proposition du comité Balladur issue des auditions auxquelles il a procédé. Toutes les nominations ne seront pas soumises à l'avis des commissions, notamment pas celles qui relèvent de l'exécutif – je pense aux directeurs de l'administration centrale. Cette mesure concernera en revanche les présidences d'établissements publics ou d'autorités indépendantes, comme cela s'est très bien passé pour le contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Monsieur Bayrou, nous ne souhaitons pas d'avis conforme, car il reviendrait à transférer au pouvoir législatif le pouvoir de nomination du Président de la République, que nous souhaitons simplement encadrer.
Il s'agit d'un point névralgique de la réforme : c'est pourquoi je souhaite appeler l'attention de nos collègues et des membres du Gouvernement sur le fait que nous n'ayons pas été entendus, que ce soit sur la proposition de François Bayrou ou sur nos amendements qui reprenaient strictement, contrairement à ce qu'a prétendu Mme la garde des sceaux, les propositions du comité Balladur. Celles-ci, en effet, organisaient non pas le transfert au pouvoir législatif du pouvoir de nomination, mais la codécision, afin de garantir la neutralité des personnalités nommées non pas à des fonctions d'exécution politique – recteur, ambassadeur ou directeur d'administration centrale –, mais à des fonctions quasi juridictionnelles, appartenant à la maison commune de la République, pour lesquelles des garanties d'indépendance, de neutralité et d'objectivité doivent être offertes aux usagers.
Le fait que les désignations au Conseil supérieur de l'audiovisuel ou au Conseil constitutionnel relèvent de ce mécanisme est pour nous la certitude que cette réforme n'aura aucun effet, puisque, dès lors qu'elle se situe dans le fait majoritaire, il nous faudra, dans le cadre de la commission mixte paritaire, convaincre, sur chaque nomination, dans les commissions compétentes, une cinquantaine de députés ou de sénateurs. Nous le savons, le fait majoritaire jouera à plein et aucun droit de veto ne pourra être exercé. Il s'agit donc d'une simple organisation des apparences d'encadrement sans aucune codécision entre la majorité et l'opposition, telle qu'elle existe, par exemple, au Parlement européen pour des décisions importantes. Serait-ce un drame que les décisions concernant le Conseil constitutionnel ou le Conseil supérieur de l'audiovisuel fassent l'objet d'une procédure requérant l'accord de tous ? C'est cela que nous demandions ! L'amendement que nous défendons, avec constance et fidélité, avec patience même, tant nous l'avons défendu sans être entendus, aurait pu – je parle au conditionnel passé – nous convaincre d'avancer vers vos positions. Mais vous avez décidé de soumettre les mécanismes de nomination à la force, voire à la dureté du fait majoritaire.
Monsieur le président, nous sommes au regret de constater que le rendez-vous n'a pas eu lieu sur un point sensible de la réforme. C'est là une des occasions manquées de la première, de la deuxième et, je le crains, dernière lecture de ce texte.
Messieurs Bayrou et Montebourg, cette procédure, loin d'être une illusion, est une vraie révolution dans nos institutions. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) En effet, présenter des nominations devant une commission c'est, d'une certaine façon, les soumettre à un contrôle qui n'avait encore jamais existé.
Introduire un effort de transparence, c'est se soumettre à la discussion. C'est vrai que le dispositif ne prévoit pas la codécision, comme vous l'auriez sans doute souhaité, mais il n'en reste pas moins que certaines dispositions sont adoptées dans l'hémicycle à la majorité des trois cinquièmes et que, si une nomination est contestable, il sera plus facile que vous le croyez de réunir la majorité des trois cinquièmes pour s'y opposer.
La codécision introduit, pour sa part, un autre risque : celui du marchandage politique dans les nominations, qui est un poison bien plus mortel que le fait de procéder à des nominations sans consultation du Parlement. (M. Pierre Lequiller applaudit.)
Nous sommes presque tous convenus que l'article 4 est important, les explications de M. Bayrou et de M. Myard nous confrontant à deux visions extrémistes du sujet. Pour M. Myard, il convient de laisser le Président de la République faire comme il lui plaît : il nomme qui il désire, cela ne nous regarde pas, circulez, il n'y a rien à voir !
Dans la seconde vision, les trois cinquièmes de l'Assemblée et du Sénat doivent valider la proposition de nomination, ce qui revient à donner un droit de veto à l'opposition sur toute nomination. Or comme c'est le Président de la République ou, plus généralement, l'exécutif, et non l'opposition, qui ont la responsabilité du fonctionnement des institutions, le risque serait trop important. C'est pourquoi le dispositif retenu nous paraît valable.
Quoi qu'il en soit, on ne saurait faire à cet article le procès de ne rien changer. Au contraire, ne rien changer, c'est ce que s'apprêtent à faire ceux qui voteront contre ce dispositif, comme M. Myard pour qui, je le répète, le Président de la République doit pouvoir faire ce qu'il veut. On râlera, assurément, parce que tel ou tel ancien ministre des affaires étrangères devient président du Conseil constitutionnel ou parce qu'un ancien ministre de l'intérieur ou un ancien candidat malheureux à la mairie de Paris devient président de la Cour des comptes. Mais rien ne changera. Au contraire, le dispositif prévu change la situation en matière de nomination, du fait, notamment, de l'audition – ce qu'a montré le rapporteur. Si les parlementaires font leur travail et si la personne pressentie n'est pas compétente ou est, de façon trop évidente, un partisan, alors elle pourra être publiquement bousculée et la nomination par l'exécutif rendue très difficile, voire impossible.
Quant à l'avis des trois cinquièmes, il ne tient pas la route une seconde ! Comme Édouard Balladur le rappelle aujourd'hui dans un article, si la majorité simple d'une commission s'élève contre la nomination, par exemple, d'un juge constitutionnel, par le Président de la République ou par le président d'une des deux assemblées, nous savons tous que, non pas juridiquement, mais politiquement, l'un ou l'autre ne pourra pas nommer une personnalité ainsi contestée. C'est un vrai changement, et ce n'est pas la peine de feindre de penser le contraire !
Il s'agit d'un de ces points majeurs de la réforme que nous avons identifiés en première lecture et qui reviennent en deuxième lecture. C'est sur ces points-là qu'il convient de débattre, puisque c'est d'eux que dépendra le vote de tel ou tel groupe, permettant d'atteindre au Congrès la majorité des trois cinquièmes.
Sur la question des nominations, il est normal de laisser à l'exécutif le droit ou la prérogative de mettre en oeuvre la politique sur laquelle il a été élu et pour laquelle il a obtenu la confiance de l'Assemblée nationale. Il est donc indispensable que la plupart des nominations à l'administration centrale relèvent du seul privilège du Président de la République ou du Premier ministre. Cette question ne fait pas débat entre nous.
Ce qui est en cause, ce sont les nominations dans les autorités indépendantes, dont le nom indique bien que leur composition obéit à un régime de nomination différent de celui du droit commun. Le Conseil constitutionnel qui, compte tenu de l'évolution ouverte par le texte qui nous est soumis, appréciera jusqu'à des saisines de la part de nos concitoyens, sera appelé de ce fait à jouer à tout moment un rôle majeur d'autorité juridictionnelle de dernier ressort en matière d'appréciation de la constitutionnalité des lois. Comment comprendre dès lors que sa composition puisse rester inchangée ? S'il est légitime de changer la règle de désignation au Conseil constitutionnel ou au Conseil supérieur de l'audiovisuel, c'est bien parce qu'il s'agit d'autorités dont les décisions, qui s'imposent aux pouvoirs publics, doivent faire l'objet de toute la confiance de l'opposition, de la majorité et des citoyens.
La bonne façon de procéder serait de requérir pour ces nominations la majorité des trois cinquièmes. Quelle est la différence entre une majorité des trois cinquièmes et une opposition des trois cinquièmes ? C'est qu'une majorité des trois cinquièmes requiert l'accord de l'opposition et qu'une opposition des trois cinquièmes requiert celui de la majorité. Cette distinction, vous en conviendrez, est importante.
Si l'on veut que le Conseil constitutionnel, le Conseil supérieur de l'audiovisuel et l'ensemble des institutions qui protégent les libertés individuelles puissent avoir l'autorité et la légitimité nécessaires pour intervenir, il faut vraiment changer leur mode de désignation et leur composition. Cette remarque vaut pour les nominations effectuées tant par Président de la République que par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Si, comme c'est le cas depuis plusieurs années, ce que je déplore, la majorité présidentielle est la même que la majorité de l'Assemblée nationale et du Sénat, la logique est implacable : au bout de quelques années, compte tenu du système de nomination, c'est la même famille politique qui décide en matière d'autorités indépendantes.
Nous en sommes là pour le Conseil constitutionnel et pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Le Président de la République vient d'annoncer qu'il nommera le président du futur ensemble public de l'audiovisuel. J'établis donc un lien entre le système de nomination pour les autorités administratives indépendantes dont nous débattons, et le pluralisme dans l'audiovisuel.
Supprimer l'intervention du Conseil supérieur de l'audiovisuel pour désigner le président du futur ensemble du service public de l'audiovisuel ne poserait pas de problème si ce président était désigné par le Parlement à la majorité des trois cinquièmes.
Par conséquent, chers collègues, si nous ne trouvons pas sur ce point un compromis, comment pourrons-nous considérer qu'il y a eu progrès des droits du Parlement et affirmation du pluralisme dans l'audiovisuel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Le pouvoir de nommer les membres du Conseil constitutionnel est donné au président de l'Assemblée nationale, au président du Sénat et au Président de la République. Il s'agit de désigner des personnalités qualifiées pour un mandat non-renouvelable et pour une longue période. Ces trois caractéristiques sont censées garantir l'indépendance de cette personne vis-à-vis de celle qui l'a nommée et lui permettre, ainsi, de ne se consacrer qu'à son travail.
Ensuite, j'ai relevé une inexactitude : jamais un Président de la République n'avait proposé jusqu'alors de soumettre ces nominations à un avis. Qu'avait proposé le comité Balladur ? Une commission mixte ad hoc de l'Assemblée nationale et du Sénat devait procéder à des auditions publiques et cette commission émettre un avis. Cet avis ne devait pas être public et ne liait en rien l'autorité qui nommait, cet avis fût-il négatif et dans quelque proportion que ce fût.
Puisque tout le monde est de bonne foi dans ce débat, j'entends vous rappeler que c'est grâce aux auditions auxquelles nous avons procédé en commission des lois que nous avons réalisé un pas en avant.
Ainsi, le fait que l'avis soit contraignant s'il est négatif à la majorité des trois cinquièmes constitue bien un pas supplémentaire par rapport à ce que proposait le comité Balladur !
Vous pouvez estimer que ce n'est pas suffisant ; je respecte cette opinion tout en me disant que certains gouvernements que vous souteniez alors auraient peut-être pu, eux, aller plus loin.
En tout état de cause, si l'on est de bonne foi, j'insiste, on doit reconnaître que jamais, sous la Ve République, on n'avait proposé la publication d'un avis qui pouvait aller jusqu'à se transformer en veto.
Si vous considérez qu'un tel dispositif ne va pas assez loin, monsieur Hollande, admettez qu'il va franchement dans le sens que vous souhaitez. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je souhaite donner un exemple pour essayer de convaincre nos collègues de l'avancée majeure que constitue la proposition du Gouvernement et du rapporteur.
Qu'est-ce qui change dans le dispositif proposé ? C'est la publicité préalable à la nomination. Rappelez-vous de l'affaire de la Villa Médicis. Que s'est-il passé ? En temps habituel, nous aurions découvert le nom de la personne nommée par décret un mercredi matin. Tout le monde aurait pu ne pas se montrer favorable à cette nomination, mais nous n'aurions rien pu changer.
Or, avec le présent dispositif, c'est exactement l'inverse qui va se passer, comme ce fut le cas pour cette affaire. Le nom du futur directeur de la Villa Médicis a fuité. La presse, les milieux culturels ont pu s'élever contre la future nomination. C'est cette transparence organisée qui a conduit à rompre avec la pratique ordinaire et c'est cette publicité, cette transparence préalable aux nominations que nous vous proposons. Ce changement du processus de sélection des candidats proposés par le Président de la République, voilà l'innovation majeure.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos de M. Hollande, qui, sur certains points, se sont révélés convaincants. J'ai noté, en particulier, qu'il a parlé des autorités administratives indépendantes, alors que le texte ne les évoque pas.
Le projet dispose : « Une loi organique détermine les emplois ou fonctions […]. » Il n'est pas question des autorités administratives indépendantes.
Évidemment, s'il s'agissait de nommer le président de l'Autorité des marchés financiers, le président de l'Autorité de la concurrence, le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel, bref, une liste limitative de candidats à certaines fonctions,…
…liste dont nous aurions connaissance aujourd'hui et qui ne concernerait que les autorités administratives indépendantes, pourvues, ainsi que le soulignait M. Montebourg, d'un pouvoir quasi juridictionnel,…
Tous les arguments évoqués par ailleurs restent valables, mais, j'insiste, le dispositif aurait tout de même une autre allure.
Ce qui nous est proposé est une liste « d'emplois ou de fonctions » dont nous n'avons pas le détail. De surcroît, nous ne savons pas le moins du monde les intentions du Gouvernement. On a parlé d'EDF. Le président d'EDF, entreprise publique, serait donc marchandé – appelons les choses comme elles sont – au Parlement entre la commission des affaires économiques de l'Assemblée et celle du Sénat ! Or il ne s'agit pas du tout, en l'occurrence, d'une autorité administrative mais d'un chef d'entreprise qui gère quantité de milliards, qui engage de nombreuses actions territoriales et qui, évidemment, aura fait campagne pour obtenir le poste. On peut donc en effet craindre, dans ce cas, des risques de marchandages.
C'est bien ce que je dis : c'est la République de la confusion et des marchandages !
Aussi, je souhaite dire au Gouvernement et à M. le rapporteur qui écoute attentivement mes propos (Sourires), que nous aurions besoin sur ce point d'une précision dont l'importance serait considérable, précision qui déterminerait ma position vis-à-vis de cet article.
La parole est à M. Charles de Courson, pour une très courte intervention. Dix orateurs sur ces seuls amendements, admettez, mes chers collègues, que c'est beaucoup.
Nous avons le choix entre le maintien de la monarchie absolue et l'avènement d'une monarchie tempérée. Eh bien ! pour ma part, je préfère la monarchie tempérée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur Hollande, je souhaite que chacun prenne la mesure de ce que les lignes bougent de manière très importante grâce à cette réforme constitutionnelle. (Sourires.) La meilleure preuve, c'est qu'il est des parlementaires au sein même de notre groupe qui s'interrogent sur le fait de savoir si l'on n'en donnerait pas trop au Parlement.
Notre proposition visant à instaurer un droit de veto des trois cinquièmes constitue une avancée inédite.
Cela me permet de prendre date avec vous pour la suite du processus de révision constitutionnelle. On ne peut pas, d'un côté, affirmer qu'on n'obtient pas assez et, de l'autre, récuser une avancée aussi significative.
Monsieur Hollande, je sais que vous vous montrez très réticent à voter cette réforme, mais je dois vous avouer qu'en écoutant vos déclarations et celles de certains de vos amis, plus j'avance dans le temps, moins je comprends votre opposition.
En effet, sur tous les sujets évoqués, nous renforçons les compétences du Parlement dans son rapport à l'exécutif.
L'exemple des nominations est typique : les trois cinquièmes, le droit de veto, voilà des années que des parlementaires appartenant à toutes les formations politiques le demandent,…
…tout en dénonçant le caractère partisan de telle ou telle nomination. Voilà que, cette fois, le Président de la République, celui dont certains de vos amis disent tant de mal…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Des noms !
Des noms ? On a entendu ce soir Mme Royal établir un lien on ne peut plus grotesque entre ses mésaventures personnelles – que je déplore, d'ailleurs –, je fais allusion au cambriolage dont elle a été victime, et les propos paraît-il désobligeants qu'elle aurait tenus à l'égard du Président de la République. Reconnaissez que ce lien est tout de même ténu et ces considérations bien éloignées de ce qu'on peut attendre d'un débat démocratique moderne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je regrette votre position, monsieur Hollande, car l'histoire ne repassera pas les plats. Les avancées que nous proposons sont suffisamment considérables pour que vous puissiez, vous aussi, à gauche, en tirer le meilleur profit dans l'intérêt de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je précise à M. de Charette que les personnalités dont il s'agit sont les représentants nommés au sein des autorités administratives indépendantes ainsi que les présidents d'entreprises publiques. Le vote en première lecture de l'amendement précisant qu'il s'agissait d'« emplois et fonctions » était justifié par le fait, par exemple, que la personne qui siège au CSA n'occupe pas un emploi ; aussi le mot fonction permet-il de mieux recouvrir les différentes situations.
Je suis saisi d'un amendement n° 154 .
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.
Cet amendement n'est pas tout à fait étranger à la discussion en cours qu'il convient de maintenir à un certain niveau. M. Copé, lui, prépare sûrement l'avenir comme chroniqueur de faits divers.
On peut certes s'exprimer avec componction, comme vous l'avez fait, ou bien se placer dans un dilemme étrange, celui que nous propose Charles de Courson selon lequel nous avons le choix entre monarchie absolue et monarchie modérée.
Or entre la peste et le choléra, on ne choisit pas. Il n'y a qu'un régime qui vaille : celui de la démocratie dans le cadre républicain.
En réalité, mes chers collègues, ce qui bloque tout, vous le savez, c'est le fait majoritaire.
Les propositions que vous faites, aussi bonnes soient-elles, ne sont que cautère sur jambe de bois parce que, précisément, tout est bloqué par le fait majoritaire.
Je vais vous raconter une anecdote toute fraîche. (« Non ! » sur de très nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Si, j'insiste !
Elle sera aussi brève qu'éclairante, comme vous allez le constater.
Charles Amédée de Courson a raison ; mais là où il se trompe c'est qu'il pense qu'on va vers la monarchie tempérée. Or l'on se dirige vers la monarchie absolue et même absolutiste. Tout à l'heure, en effet, sous la houlette éclairée de Didier Migaud et de Gilles Carrez, nous étions les invités de la direction de la SNCF pour une discussion d'ailleurs passionnante. M. de Courson était également présent.
Il était intéressant de constater de quelle manière la mission du président de la SNCF a été déterminée. Le président a d'abord été reçu par le Président de la République, puis, à part, par le Premier ministre, puis, de nouveau à part, par M. Borloo, puis, encore à part, par M. Bussereau. Il s'agit d'une interprétation personnelle, ce n'est pas M. Pepy qui nous l'a dit. J'imagine que tout cela a été mis et agité dans un shaker, d'où est sortie une proposition de lettre de mission.
Et qui, selon vous, signa la lettre de mission ? Je vous le donne en mille : le seul qui n'avait pas la compétence pour le faire et qui, pourtant, violant la Constitution, le fit, à savoir le Président de la République.
J'entends, par cet exemple, illustrer à quel point nous avons dérivé puisque nous nous trouvons dans un système qui n'est plus celui de la République.
Notre amendement est très simple. Plutôt que d'une majorité négative, comme celle que vous proposez, nous suggérons que les nominations en question soient confirmées éventuellement par une majorité positive des trois-cinquièmes. Je ne répéterai pas ce que François Hollande a dit il y a quelques instants – peut-être avait-il lu notre amendement avec beaucoup d'attention et qu'il en avait compris tous les ressorts puisque l'argumentation qu'il a développée est celle qui sous-tend notre proposition.
Et après tout, si vous regardez des pays que vous considérez comme de grandes démocraties, des démocraties exemplaires, je pense aux États-Unis,…
…là-bas, une majorité positive est nécessaire. Et si vos intentions sont honnêtes, sincères, véritables, il vous est facile d'adopter cet amendement, puisqu'à ce moment-là, le fait majoritaire ne jouerait plus.
Je suis saisi d'un amendement n° 187 .
La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.
Cet amendement me donne l'occasion de répondre au président du groupe UMP. Pour nous, cette disposition, qui nous placerait, si nous revenions aux responsabilités, sous l'épée de Damoclès sénatoriale, est inacceptable. Par contre, lorsque vous êtes aux responsabilités, nous sommes, nous, dans une situation telle que le veto que vous nous proposez d'institutionnaliser nous serait inaccessible.
Nous ne pouvons donc pas aujourd'hui considérer qu'il s'agit d'une disposition équitable, symétrique et équilibrée. Elle est injuste, dissymétrique, et vous favorise structurellement, en raison de la maîtrise perpétuelle du Sénat.
Et cela nous ramène donc au problème du mode de scrutin du Sénat, premier point difficile, qui s'enchaîne et s'articule avec ce deuxième point névralgique que François Hollande a pointé du doigt tout à l'heure.
Vous voyez donc que nous sommes aujourd'hui obligés de considérer que votre réforme est pour nous une régression. Car elle ne nous place pas à égalité devant l'exercice des responsabilités et de l'exécutif. Jean-François Copé, invoquant les mânes de l'histoire, nous a placés, paraît-il, devant nos responsabilités. Mais elles sont prises, nos responsabilités ! Nous avons décidé de nous opposer à cette disposition, parce qu'elle nous place dans un état d'infériorité structurelle si nous arrivions aux responsabilités, pendant qu'elle vous exonère, vous, de toute responsabilité dans l'exercice du pouvoir de nomination.
C'est ce déséquilibre qui provoque de notre part le rejet de ce texte. Il y a bien là une occasion manquée. Et je pense que la responsabilité qui est la vôtre est assez lourde dans l'échec de ce que nous aurions pu faire ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Le seul rôle de la loi organique, c'est de déterminer la liste des emplois ou fonctions. Toute la procédure est dans la Constitution. L'introduction de cet avis est bien une avancée historique.
La commission est donc défavorable à l'amendement de M. Montebourg.
C'est le même amendement que l'amendement n° 185 . Avis défavorable, donc.
Je suis saisi d'un amendement n° 235 .
La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.
La commission et le Gouvernement sont défavorables à cet amendement.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
En défendant cet amendement, je répondrai d'un mot à ce qu'a dit tout à l'heure Mme la garde des sceaux, qui indiquait que si l'on demandait au Parlement un avis positif, à la majorité simple ou à la majorité qualifiée, ce serait un transfert du droit de nomination. Évidemment non, puisque cet avis ne peut être exprimé que sur la proposition du Président de la République. C'est le Président de la République qui propose. Le Parlement donne son sentiment. Il y a donc là création d'une codécision, comme cela a été rappelé, entre le Parlement et le Président de la République, sur proposition de celui-ci. Le Parlement n'a pas le droit de proposition. L'origine de la décision et la prééminence du Président de la République sont donc évidemment respectées.
Cet amendement vise simplement à transformer en avis positif le droit de veto hypothétique et irréaliste que l'on nous propose.
La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour soutenir l'amendement n° 236 .
La parole est à M. Gérard Charasse, pour soutenir l'amendement n° 252 .
Cet amendement répond toujours au même souci de réhabiliter les droits du Parlement et de lui permettre de mieux encadrer les prérogatives du Président de la République, et notamment en matière de nominations.
Le Sénat a prévu qu'une « commission mixte paritaire issue des commissions parlementaires compétentes de chaque assemblée » rende un avis public sur les nominations prévues à l'article 13 de la Constitution, à l'exception de celles mentionnées dans son troisième aliéna.
Or, chacun sait qu'une commission mixte paritaire est composée, comme son nom l'indique, d'un nombre identique de députés et de sénateurs, et ne permet donc pas de connaître l'avis de chacune des deux assemblées.
Cet amendement propose donc de modifier la rédaction du Sénat en prévoyant que les commissions permanentes des deux assemblées rendent chacune un avis public à la majorité des trois cinquièmes sur les nominations prévues à l'article 13 de la Constitution, à l'exception, bien sûr, de celles contenues dans son troisième aliéna.
Et en cas de désaccord entre les deux assemblées, autrement dit si l'une au moins des deux assemblées s'y oppose, la nomination ne pourrait avoir lieu.
La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour soutenir l'amendement n° 188 .
L'amendement n° 6 est un amendement de la commission. Elle y est donc favorable, et défavorable aux quatre autres.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement de la commission, qui satisfait d'ailleurs celui de M. Charasse. Il est défavorable aux autres amendements.
L'article 6 a été supprimé par le Sénat.
Deux orateurs sont inscrits.
La parole est à M. Hervé de Charette.
Je serai extrêmement bref. La question est très simple : faut-il supprimer le droit de grâce, l'améliorer, le transformer, le soumettre à condition ?
Le Président de la République vient de nous démontrer qu'il était tout à fait inutile de réformer la Constitution sur ce point, puisqu'il a annoncé qu'il ne ferait pas usage du droit de grâce collective dont il dispose.
Faut-il écrire tout cela dans la Constitution ? Je ne le pense pas. Je redis ce que j'ai dit en première lecture. L'existence du droit de grâce, individuelle ou collective, fait partie des nécessités de notre vie collective, à certains moments de notre histoire. Le fait qu'il figure dans la Constitution me paraît nécessaire. Que le Président de la République en fasse un usage restreint, qu'il mesure pleinement sa responsabilité, que chaque Président ait sa façon d'en faire usage, tout cela est parfaitement normal, parfaitement légitime, et nul n'est besoin de modifier le texte pour cela.
Certains collègues proposent la suppression pure et simple de l'article 17 de la Constitution, donc du droit de grâce. D'autres souhaitent l'encadrer. D'autres encore souhaitent que le droit de grâce ne soit possible qu'à titre individuel.
Pour ma part, il me paraîtrait plus sage d'en rester à la rédaction actuelle de l'article 17 de la Constitution.
Et ce pour une bonne et simple raison. L'utilisation du droit de grâce a singulièrement évolué depuis le début de la Ve République. Elle se fait, on le voit notamment après chaque élection présidentielle, dans un cadre de plus en plus restrictif.
C'est vrai que le droit de grâce a été quelque peu dévoyé en devenant, à certains égards, une variable d'ajustement par rapport à des problèmes qui, a priori, n'ont rien à voir avec le droit de grâce mais qui sont plutôt liés à la surpopulation carcérale.
Ce qui me paraît essentiel, c'est qu'il puisse y avoir une certaine responsabilité de celui qui a le droit de grâce, en l'occurrence, le Président de la République, pour qu'il l'utilise avec parcimonie et, en tout état de cause, avec toute la prudence nécessaire.
Mais pour autant, adopter l'amendement de la commission qui tend à restreindre le droit de grâce en ne l'autorisant qu'à titre individuel, ce serait lier les futurs Présidents de la République, ce qui n'est pas souhaitable, notamment lorsque l'on songe aux circonstances exceptionnelles dans lesquelles ils pourraient être amenés à exercer ce droit. Souvenons-nous en effet qu'à l'époque, le droit de grâce a été aussi inscrit dans la Constitution dans le but de permettre au Président de la République, à un moment donné, de faire face à certaines « blessures de l'histoire », en gommant un certain nombre de difficultés. Tout le monde a en mémoire, plus particulièrement, les événements d'Algérie, avec tout ce qu'ils ont eu de dramatique.
Le fait de limiter l'usage du droit de grâce n'est assurément pas quelque chose de positif. Cela lierait trop le Président de la République, l'actuel titulaire de la fonction comme ses successeurs. En ce qui me concerne, je pense donc qu'il serait plus sage d'en rester à la rédaction actuelle de la Constitution.
Le point de vue que nous défendons n'est absolument pas le même que celui de notre collègue Philippe Folliot, puisque nous nous prononçons pour la suppression pure et simple du droit de grâce, considérant qu'il s'agit d'une survivance monarchique,…
…d'un pouvoir discrétionnaire du Président de la République.
Si l'on veut renforcer le pouvoir du Parlement, si l'on veut renforcer la démocratie parlementaire, on ne peut donc pas laisser ce pouvoir au Président de la République.
J'entends ce qui a été dit par M. Folliot. Le droit de grâce serait utile pour sortir de certaines périodes de l'histoire. À un moment donné, il faut bien essayer, non pas de régler les comptes mais de faire avancer notre société. À mon avis, cela ne dépend pas du droit de grâce du Président de la République, mais d'un certain contexte de la société qui doit nous conduire, nous, parlementaires, à prendre un certain nombre de décisions. Cela ne me semble pas être du ressort du Président de la République. Le droit de grâce ne fait que conforter et renforcer un peu plus ce super-pouvoir d'un super-Président de la République tel qu'il résultera de cette réforme constitutionnelle.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 155 .
On le sait bien, à chaque élection présidentielle cette question a été remise sous les projecteurs.
Rappelons que l'amnistie est une forme de pardon, qui va au-delà de la grâce, puisqu'elle supprime l'infraction elle-même.
Un sondage de la SOFRES réalisé à l'approche de la dernière élection présidentielle a démontré que les mauvaises habitudes de nos compatriotes reprenaient le dessus. Ainsi, les infractions en ville semblaient en pleine recrudescence : 52 % des Français déclaraient rouler en ville à 65 kilomètresheure, contre 48 % deux ans auparavant.
En 1981, ces mesures individuelles étaient réservées à quelques personnalités qui s'étaient illustrées dans les domaines scientifique, culturel ou humanitaire, et à des résistants ou engagés volontaires en temps de guerre.
En 1988, elles avaient été étendues à des Français qui s'étaient distingués dans le domaine économique, puis à des personnalités engagées dans le secteur humanitaire.
En 2002, les collègues qui étaient présents à cette époque s'en souviennent certainement, ce fut l'extension du champ de l'amnistie à des sportifs de haut niveau. Je ne citerai pas de nom.
Comme le rappelait Noël Mamère, il s'agit d'un héritage d'un autre temps, d'un autre régime. Nous proposons de supprimer cette prérogative accordée au Président de la République. Il s'agit du fait du prince, qui s'ancre dans une tradition, qui peine à trouver sa légitimité dans un régime républicain.
La commission a choisi de maintenir le droit de grâce individuel du Président de la République. Le droit de grâce collectif est supprimé. En revanche, nous ne constitutionnalisons pas la commission qui doit donner un avis.
L'amendement vise donc à rédiger ainsi l'article 17 de la Constitution : « Le Président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel. »
La commission est défavorable à tous les autres amendements.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour défendre l'amendement n° 156 .
On peut considérer qu'il s'agit d'un amendement de repli.
Je vais citer une déclaration : « Amnistie. Séparons les pouvoirs. Ce qui est inacceptable une fois de plus, c'est l'ingérence de l'exécutif dans le judiciaire. Quelle légitimité en démocratie pour le Président de décréter qu'un jugement ne doit pas être exécuté ? Si l'amnistie est quelquefois nécessaire, dans ces cas limités et exceptionnels, c'est à la Cour de cassation toutes chambres réunies, la plus haute instance judiciaire de notre pays, à prendre cette décision d'amnistie. Je proposerai donc que cette disposition soit adoptée dans le programme de réforme de l'UMP. » Ces propos émanent de M. Patrick Devedjian, grand ami du président Jean-François Copé.
Nous proposons de rédiger ainsi l'article 17 de la Constitution :
« Le Président de la République a le droit de faire grâce après avis des bureaux de l'Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil supérieur de la magistrature. Sa décision est contresignée par le Premier ministre et le Garde des Sceaux. »
Cela permettra de réhabiliter le rôle du Premier ministre et celui du ministre de la justice, garde des sceaux.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour défendre l'amendement n° 239 .
Nous avions eu, en première lecture, un débat intéressant sur le droit de grâce. Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche avait rappelé l'évidente nécessité pour un corps social de se doter d'un instrument permettant d'aller au-delà de la nécessaire application de la loi dans son extrême rigueur, et parfois même au-delà du début de l'exécution de la décision.
Le droit de grâce est un instrument indispensable qui permet de régler des situations dépassant l'application stricte de la règle de droit, notamment pour des raisons humanitaires. Aucun corps social ne peut se priver de cet élément, au risque de déshumaniser totalement la rigueur de la loi.
Je rappelle que les conditions du droit de grâce ne ressemblent en rien à celles de l'amnistie. Le droit de grâce maintient l'intégralité des effets de la sanction autres que la privation de liberté, contrairement à l'amnistie.
Avant l'abolition de la peine de mort, le droit de grâce s'exerçait après avis du Conseil supérieur de la magistrature. Afin d'atténuer la dimension monarchique de ce droit, compte tenu de sa nature régalienne, l'avis d'une commission nous semble nécessaire. Nous proposons donc que le droit de grâce individuel soit maintenu, mais que le Président de la République exerce ce droit ultime après l'avis d'une commission ad hoc.
La parole est à M. Charles de Courson, pour défendre l'amendement n° 129 .
La commission est favorable à l'amendement n° 7 . Elle est défavorable à tous les autres amendements.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement de la commission des lois, qui rétablit le droit de grâce individuel, en supprimant le droit de grâce collective, et donc défavorable à tous les autres amendements.
Le droit de grâce collective a été utilisé jusqu'à maintenant uniquement comme un outil de régulation de la population carcérale. On a pu en mesurer les effets !
Nous souhaitons donc supprimer le droit de grâce collective et maintenir le droit de grâce individuel pour des cas exceptionnels ou des raisons humanitaires. Le bureau des grâces à la Chancellerie instruira les dossiers avant de les transmettre au Président de la République.
Je plaiderai, comme d'autres lors de la défense d'amendements, pour que la rédaction de la Constitution ne nous fasse pas sombrer dans le ridicule.
Il est, en effet, franchement ridicule de prévoir un nombre maximal de 577 députés et encore plus de fixer le chiffre maximal de sénateurs à 348, leur nombre venant d'être augmenté d'une vingtaine. Respectons la dignité du texte constitutionnel, en nous épargnant ces précisions à l'unité près. Qu'il faille être raisonnable, en modérant le nombre des élus est impératif. Mais ne nous enfermons pas, pour l'avenir, dans un carcan si dérisoire ! Je suis de ceux qui s'opposeront à cette précision excessive.
Je suis saisi d'un amendement n° 8 .
La parole est à rapporteur, pour le soutenir.
Le Parlement vote la loi. L'amendement n° 8 vise à rédiger ainsi les deux dernières phrases de l'alinéa 2 de l'article 9 : « Il contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques. »
Cela permet ainsi de définir les trois missions du Parlement. La commission souhaite sur le reste de l'article un vote conforme au texte du Sénat, afin de ne pas rouvrir le débat sur les modes de scrutin.
La commission est défavorable à l'ensemble des autres amendements à l'article 9.
Bravo pour cette rédaction simple, claire, conforme aux principes constitutionnels. Enfin quelque chose qui nous honore !
Nous souhaitons par cet amendement revenir sur deux points qui, en première lecture, ont fait l'objet d'une très longue discussion à l'Assemblée. Il s'agit de la fixation du nombre maximum de députés par la Constitution et celle de la représentativité des députés, élus de la nation au suffrage universel direct.
Le premier point est non seulement juridiquement douteux mais politiquement hypocrite. La fixation à douze du nombre maximum de députés représentants les Français de l'étranger constitue une sorte de handicap. Nous ne sommes pas aux jeux olympiques, mais cela ne saurait tarder. (Sourires) Le suffrage universel olympique fera subir à une partie du peuple de France et à ses représentants susceptibles d'être désignés un retard de douze points.
Cette manière inconsidérée de procéder est inacceptable. Le lien entre le handicap créé au détriment des députés de l'opposition et le processus de reconstitution des circonscriptions, dans lequel le Gouvernement s'est inscrit, constituent les prémices d'une réorganisation électorale visant à réduire les effets catastrophiques sur le plan électoral de la politique actuelle du Gouvernement.
Aucune démocratie ne s'honore à trifouiller, triturer les conditions dans lesquelles s'exprime le suffrage universel. La plus grande partie d'entre nous a toujours refusé la manipulation des urnes. Nous sommes fondamentalement attachés à la loyauté des scrutins, qui est le socle de la démocratie et légitime la volonté populaire. Mais lorsqu'il s'agit de l'instrument constitutionnel, on n'est plus aussi effarouché et l'on accepte, d'une certaine manière, ces manipulations…
Notre amendement tend, après le mot : « nationale », à rédiger ainsi la fin de l'alinéa 4 de l'article 9 : « sont élus au suffrage direct. Un dixième d'entre eux sont élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle dans les conditions prévues par une loi. »
Il ne s'agit pas de créer un handicap pour une partie de la population de France, mais au contraire d'en exprimer toute la réalité, notamment par l'usage de la proportionnelle. Voilà tout le sens du mot « démocratie ».
Nous sommes revenus à plusieurs reprises, lors de la première lecture et au début de la deuxième lecture, sur la nécessité d'une plus juste représentation de toutes les familles politiques dans notre assemblée.
Notre amendement vise, comme celui de nos collègues socialistes, à introduire une dose de proportionnelle, qui permettra cette plus juste représentation.
Nous aurons l'occasion, lors de la défense d'amendements ultérieurs, de revenir sur ce que vous transformez en une sorte de « grande épicerie ». En voulant fixer le nombre de députés dans la Constitution, on perçoit les artifices concoctés dans l'arrière-boutique. L'introduction de députés représentants les Français de l'étranger sera une pénalité pour la gauche.
Défendre l'inscription du nombre de sénateurs et de députés dans la Constitution me semble relever, monsieur le rapporteur, de comptes d'apothicaire, alors que, dans le même temps, vous refusez d'inscrire dans la Constitution la question du système électoral, en tout cas de prévoir une dose de proportionnelle, au motif que ce ne serait pas d'ordre constitutionnel. En quoi la fixation du nombre de pas députés et de sénateurs serait-elle plus conforme aux règles constitutionnelles que l'élection d'un dixième des députés à la proportionnelle ?
J'attends des explications, qui relèveront plus, à mon avis, d'arguments politiciens que de réponses techniques.
J'attends vos explications ! Je présume qu'elles relèveront plus de la réponse politicienne que de la technique constitutionnelle.
La parole est à M. Gérard Charasse, pour soutenir l'amendement n° 254 .
Autant nous sommes défavorables à l'inscription dans la Constitution du nombre de députés et de sénateurs, autant il nous paraît important que le mode de scrutin mixte y figure, car il permet de combiner scrutin majoritaire et scrutin proportionnel et d'assurer une meilleure représentativité des différents courants politiques de notre pays.
Conformément à l'article 34 de la Constitution, nous souhaitons laisser à la loi le soin de fixer la règle du régime électoral de l'Assemblée nationale, autrement dit de décider comment se combineront les deux modes de scrutin proportionnel et majoritaire. D'ailleurs, selon l'organisation et les modalités de cette combinaison entre scrutin majoritaire et scrutin proportionnel, les effets escomptés en termes de représentation du corps électoral seront très différents. Il nous importe que l'Assemblée nationale soit représentative du corps électoral.
Avis défavorable aux deux amendements. Monsieur Mamère, ce que vous avez qualifié de « calcul d'épicier », à savoir l'inscription dans la Constitution du nombre maximum de parlementaires, existe en Belgique, en Bulgarie, au Danemark, en Finlande, en Islande, en Italie, au Luxembourg, en Norvège, aux Pays-Bas, en Pologne, en République tchèque, en Slovaquie, en Slovénie, en Suède, en Croatie, en Espagne, en Grèce, en Irlande et au Portugal !
Avis défavorable.
Le groupe Nouveau Centre soutient, comme en première lecture, les amendements nos 241 et 70 . La raison est simple : l'Assemblée nationale ne représente pas aujourd'hui la diversité des opinions. Nous sommes favorables au scrutin majoritaire, qui permet de dégager des majorités et d'être efficace. L'instillation d'une dose modeste de proportionnelle – 10 % – permettra à certains courants de pensée qui ne sont pas présents aujourd'hui de pouvoir s'exprimer. La représentation nationale retrouvera tout son sens. Certains nous opposent que ce mode de scrutin permettra à l'extrême droite ou à l'extrême gauche d'être présentes au sein de cette enceinte. Pourquoi pas ? Nous préférons les combattre, ici, à l'Assemblée, argument contre argument, plutôt que de les laisser prospérer comme ils le font trop souvent en usant de démagogie dans la rue ou ailleurs !
Les amendements de nos collègues sont raisonnables et responsables. Tout en consacrant le fait majoritaire, ils permettent à tous les courants d'opinion qui composent notre république d'être représentés, afin qu'ils s'expriment au sein de notre assemblée. Aller vers un schéma de « presque bipartisme » – ou de quadripartisme – n'est assurément pas un progrès. C'est pourquoi nous soutenons ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
Ces amendements sont relativement modérés : prévoir un pourcentage de 10 % ne bouleversera pas le paysage de cette assemblée. En revanche, cela consacrera une première avancée qui est loin d'être négligeable. J'ai donc du mal à comprendre la réticence du Gouvernement. Les familles politiques de ce pays sont loin d'être représentées dans cet hémicycle. Si l'on ne change rien, le fait majoritaire restera très puissant.
Le Gouvernement souhaite fixer le nombre de députés dans la Constitution, ce qui me paraît tout à fait excessif. En outre, le rapporteur a eu une attitude quelque peu méprisante à l'égard de M. Mamère. En réponse à ses arguments, il a égrené le nombre de pays qui ont inscrit le nombre de députés dans leur constitution. Cette liste est bien mince : il a cité une quinzaine de pays, ce qui est bien peu par rapport au nombre de pays dans le monde, même si tous ne sont pas des démocraties.
Il a cité les pays européens !
Par ailleurs, on ne peut prétendre qu'une décision est juste au motif que le pays voisin l'a prise également. L'histoire a montré que des pays voisins ont pris des décisions bien malheureuses et que la France s'est honorée en étant à l'avant-garde du combat !
Je mets sur le compte de l'heure tardive ces explications tirées par les cheveux ! Proposer 10 %, ce n'est tout de même pas la mer à boire. C'est au mieux une timide avancée !
Voilà un autre point majeur de cette réforme.
Lors de la campagne présidentielle, le Président de la République, alors candidat, s'était déclaré favorable à l'introduction d'une part de proportionnelle…
Nous étions donc en droit d'attendre qu'il y ait, au moins à l'Assemblée nationale, mais peut-être aussi au Sénat, l'instillation d'une part de scrutin proportionnel. Nous proposons le pourcentage de 10 %, ce qui a l'avantage de ne pas altérer le principe majoritaire et de permettre à des sensibilités politiques insuffisamment représentées ou pas représentées du tout d'être présentes à l'Assemblée nationale.
Si cet amendement était repoussé, il serait logique qu'au Sénat, une modification du mode de scrutin permette de renforcer la part de proportionnelle, qui a été, rappelons-le, réduite ces dernières années. Or on nous dit qu'il n'y aura aucune modification du mode de scrutin sénatorial.
Je demande donc au groupe UMP la raison pour laquelle il refuse de voter un engagement de campagne de Nicolas Sarkozy ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. Bayrou a parfaitement exprimé ce que je pense quant à l'introduction dans la Constitution du nombre des parlementaires, députés ou sénateurs. La constitutionnalisation du nombre des parlementaires est tout à fait inutile.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 189 .
Il serait intéressant que nos collègues de l'UMP répondent à la question que François Hollande vient de leur poser !
Faut-il faire figurer des éléments chiffrés dans la Constitution ? Notre rapporteur, évoquant la simplification de la loi, est partisan d'une Constitution la plus allégée possible. Sur ce point, il devrait écouter l'opposition, car il n'y a nulle trace de cette tradition dans notre histoire constitutionnelle, qui est longue. Seuls trois régimes, qui ont tous mal fini, ont prévu le nombre de députés : la constitution de 1791, celle de l'an III et celle de 1848. Je note, du reste, que les trois constitutions avaient prévu des assemblées beaucoup plus nombreuses que la nôtre ! En outre, le nombre de 577 que vous proposez de figer est totalement conjoncturel. Depuis 1958, l'Assemblée nationale a régulièrement changé le nombre de députés : de 491 – dernier en date – on est passé à 577. Il n'y a aucune raison de se priver de cette liberté, même si l'on comprend la motivation du rapporteur, en première lecture, qui était de conserver le nombre actuel. Pour autant, c'est une contrainte supplémentaire qui nous met à la merci du veto du Sénat, si, dans l'avenir, nous devions être amenés à proposer une augmentation du nombre de députés.
En n'inscrivant pas ce nombre dans la Constitution, nous contribuons à la simplifier.
La parole est à M. Gérard Charasse, pour soutenir l'amendement n° 253 .
La parole est à M. François Bayrou, pour soutenir l'amendement n° 310 .
M. Urvoas a raison : dès l'instant où vous constitutionnalisez le nombre de parlementaires – et il faudrait peut-être que ce soit un chiffre rond ! – cela signifie que vous donnez à l'autre assemblée un droit de veto au cas où vous voudriez modifier ce nombre.
Lorsque les majorités sont opposées, toute évolution, à la hausse, est vouée à l'échec. Il serait donc très imprudent de nous lancer dans cet exercice.
Avis défavorable.
Vous avez déclaré tout à l'heure, monsieur Bayrou, que le Sénat en avait profité pour se rajouter une vingtaine de sièges. Non, monsieur Bayrou, c'est la réforme de 2003 qui a prévu l'évolution du nombre de sénateurs jusqu'à 348.
Depuis son origine, le Sénat, compte tenu de son mode d'élection, joue un rôle politique important de contrepoids à la volonté populaire. La Haute assemblée, toujours à droite, bloque toute velléité de transformation progressiste de la société. Nous avons tendance à penser que la majorité, surtout au Sénat, résiste à toutes les pressions, même les plus cordiales : à plusieurs reprises, des présidents de la République ont souhaité voir évoluer le mode de scrutin du Sénat, notamment par l'amélioration de la représentation grâce à une modification du collège électoral : cela figurait, du reste, dans les propositions du comité Balladur, qui étaient, à cet égard, très claires.
C'est pourquoi nous souhaitons réaffirmer que le Sénat doit assurer la représentation des collectivités territoriales, non pas « en tenant compte » de leur population mais « en fonction » de leur population, afin qu'il soit représentatif des populations qu'il est censé représenter.
La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour soutenir l'amendement n° 242 .
Il s'agit du serpent de mer de cette réforme et il serait temps de le sortir de l'eau avant de nous mettre d'accord une fois pour toutes sur la question sénatoriale.
La rédaction initiale de l'avant-projet de loi, avant qu'il ne soit soumis au Conseil d'État, nous avait paru évolutive et intéressante. Et nous nous sommes battus depuis le début de nos débats pour rétablir cette formulation inspirée du comité Balladur, qui n'engage à rien d'autre qu'une modification du collège sénatorial, selon les dispositions transitoires figurant à la fin du projet de loi. Mais même sur ce point, le Gouvernement a opéré un retour en arrière et le Sénat a tout détruit. Nous ne pouvons continuer à travailler dans des conditions pareilles et laisser le conservatisme sénatorial exercer son droit absolu à prélever des péages dans son propre intérêt. Le même scénario se reproduit à chaque fois : le Sénat tire bénéfice pour lui-même d'une réforme institutionnelle pour l'adoption de laquelle il a la possibilité d'avoir le dernier mot ou du moins d'empêcher l'Assemblée nationale de l'avoir. Nous voici donc dans la main des sénateurs les plus inamovibles !
Pourtant, il y a quelques années, devant l'émotion suscitée dans l'opinion par l'« anomalie » sénatoriale, pour reprendre une formule de Lionel Jospin – un euphémisme par rapport à ce que nous sommes nombreux à considérer comme un scandale antidémocratique –, M. de Raincourt, qui préside aujourd'hui le groupe UMP du Sénat, avait déposé une proposition de loi visant à l'auto-réforme du Sénat. Cette générosité n'était pas allée loin, certes, mais au moins était-elle inspirée par la volonté de transformer le collège sénatorial.
Pour notre part, en précisant que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République « en fonction de leur population », nous donnons à la future réforme un caractère impératif, qui obligera le législateur organique à instituer une certaine proportionnalité. Ce faisant, nous défendons le rétablissement de votre propre avant-projet de loi, monsieur le secrétaire d'État.
La parole est à M. Gérard Charasse, pour soutenir l'amendement n° 215 .
Défavorable.
J'aimerais expliquer pourquoi je voterai contre l'article 9. Fixer le nombre maximal de députés et de sénateurs est à la fois inutile et dangereux. Le projet initial du Gouvernement entendait limiter le nombre de ministres et de secrétaires d'État. Nous n'avons pas retenu cette disposition et, fort curieusement, nous acceptons d'inscrire dans la Constitution une limitation du nombre de députés qui n'a d'autre justification que l'idée fumeuse selon laquelle l'augmentation du nombre de députés serait impopulaire. Pour ma part, je pense que l'augmentation du prix de l'essence l'est bien davantage.
Mais il y a plus grave. Le nombre de sénateurs étant porté de 323 à 348, leur proportion au sein du Parlement réuni en Congrès augmente, ce qui rend encore plus difficile une révision de la Constitution sans l'accord de la Haute assemblée, compte tenu de la règle des trois cinquièmes. L'équilibre entre l'Assemblée et le Sénat est profondément modifié : nous affaiblissons l'Assemblée nationale, élue au suffrage universel, au profit du Sénat, dont tout le monde admet que la légitimité est inférieure.
Qui plus est, avec ce déséquilibre figé, nous, députés, élus par le peuple, deviendrons dépendants des sénateurs s'agissant de la modification du nombre des membres de notre assemblée.
Voilà qui est bien déraisonnable pour une mesure qui n'est que cosmétique. Je voterai donc contre l'article 9.
Pour ma part, j'avais voté en faveur du plafonnement du nombre de ministres et de secrétaires d'État afin de mettre un terme à l'inflation qui préside à la constitution de certains gouvernements. Mais je suis tout à fait favorable à la limitation du nombre des députés et des sénateurs.
Nous sommes trop nombreux et nous ne disposons pas de suffisamment de pouvoirs. La réaction des électeurs après qu'on leur a expliqué combien nous sommes au total et combien d'entre nous sont présents dans l'hémicycle plaide d'ailleurs en faveur des solutions préconisées dans l'article 9.
Je forme également le voeu que nous en restions à l'essentiel dans ce débat : les moyens de renforcer le rôle du Parlement. Ils seront considérablement accrus par cette réforme et j'espère qu'elle sera massivement adoptée.
La limitation du nombre des députés et des sénateurs ne ferait qu'alourdir la Constitution et il va de soi que c'est dans une loi organique qu'une telle disposition a sa place. Mais au-delà se pose un problème beaucoup plus grave : l'équilibre entre les deux assemblées.
La Ve République donne la priorité à l'Assemblée nationale et le rappeler n'est pas rabaisser le rôle du Sénat, qui est très utile dans le débat législatif. Or dans ce projet de loi constitutionnelle, les deux assemblées sont mises à égalité, ce qui est une erreur. C'est d'ailleurs l'une des raisons, il faut le savoir, du blocage du système politique italien. Et je regrette que nous allions dans ce sens. Je ne peux donc voter cet article 9. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe Nouveau Centre.)
Je suis saisi d'un amendement n° 71 .
La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.
Cet amendement me permet de revenir à la charge après le rejet de l'amendement de M. Montebourg. Une nouvelle fois, nous affirmons que cette réforme ne sera pas une véritable réforme tant que le mode de scrutin pour l'élection des sénateurs ne sera pas modifié. Nous partageons les propos de M. Myard sur l'égalité des deux assemblées, mais, tant que le Sénat sera élu de la sorte, il demeurera un verrou dans l'adoption de toute grande réforme et restera le complice de la majorité de l'Assemblée nationale. À cet égard, nous faire croire que notre assemblée pourra contrôler certaines nominations au CSA ou au Conseil constitutionnel est un leurre : elles procéderont purement et simplement d'un accord entre la majorité du Sénat, qui est à droite, et celle de l'Assemblée. Si vos intentions de réforme étaient sincères, vous ne pourriez qu'accepter les amendements visant à modifier le mode d'élection des sénateurs, car ils vont dans le sens d'un déverrouillage de nos institutions.
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 157 .
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.
Vous ne voulez rien changer au mode d'élection du Sénat, mais peut-être pourriez-vous au moins accepter d'améliorer sa représentativité en adoptant cet amendement de repli. Nous proposons que, dans les départements ayant droit à deux sièges de sénateurs au plus, l'élection ait lieu au scrutin majoritaire à deux tours et que dans ceux ayant droit à trois sièges de sénateurs au moins, l'élection se fasse au scrutin proportionnel, suivant la règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. Les conseils municipaux éliraient un nombre de délégués déterminés en fonction de la population des communes, à raison d'un délégué par tranche de 300 habitants.
La représentativité du Sénat serait bien mieux assurée si elle était déterminée « en fonction de la population » et je ne vois pas pourquoi le Gouvernement et la majorité persistent à lui préférer la formulation « en tenant compte de ».
Défavorable.
Il est légitime de prévoir une représentation des Français de l'étranger puisqu'ils sont nombreux – plus d'un million et demi. D'ailleurs, elle est déjà introduite au Sénat et le débat sur leur représentation à l'Assemblée nationale peut s'ouvrir.
Toutefois, il n'est pas possible d'introduire une représentation des Français de l'étranger à l'Assemblée nationale sans modifier le nombre de députés.
Votre disposition, qui vise à constitutionnaliser le nombre de députés, empêche même la réforme que vous proposez, puisque vous rendez encore plus difficile le redécoupage des circonscriptions.
Vous estimez qu'il serait possible de représenter les Français de l'étranger – douze sièges – tout en refusant d'instiller la proportionnelle dans le mode de scrutin à l'Assemblée nationale. Vous accumulez donc les contradictions.
Par ailleurs, comment demander la création de douze circonscriptions pour les Français de l'étranger alors que vous ne nous donnez aucune précision quant au mode de scrutin, au redécoupage, à l'organisation même du scrutin, à la carte des circonscriptions ?
Pour toutes ces raisons, nous considérons qu'une telle réforme ne peut pas trouver sa place dans la révision de la Constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Gérard Charasse, pour soutenir l'amendement n° 257 .
Nous souhaitons que la représentation des Français établis hors de France se fasse exclusivement au Sénat, comme c'est le cas actuellement, et non de façon spécifique à l'Assemblée nationale, en créant des circonscriptions dédiées à cette catégorie de citoyens français sans augmenter le nombre des députés.
J'ajoute que les Français de l'étranger sont déjà représentés à l'Assemblée nationale puisqu'ils sont inscrits sur les listes électorales des circonscriptions actuelles et qu'ils peuvent donc voter par procuration.
Enfin, je rappelle qu'en vertu de l'article 3 de la Constitution, article non modifié par le présent projet de loi constitutionnelle, chaque député est le représentant de la nation tout entière.
Naturellement, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Pourquoi « naturellement » ?
Monsieur Hollande, cette idée de créer des députés représentant les Français établis à l'étranger se retrouve dans deux propositions de loi constitutionnelles déposées par les parlementaires socialistes.
Ce sont peut-être des erreurs, mais je vous signale que l'exposé sommaire de votre amendement indique qu'il s'agit quasiment d'une violation de la Constitution. Au contraire, je crois que la disposition correspond à un besoin.
Monsieur Migaud, on peut avoir fait deux fois la même erreur, mais admettez que ce n'est pas la disposition qui motive votre opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le secrétaire d'État, que je sache, votre formation a changé trois fois de nom : d'abord ce fut l'UDR, puis le RPR et maintenant l'UMP. On peut changer, même lorsque l'on prétend défendre la même politique !
Je n'appartiens pas au parti socialiste et mon groupe n'a pas fait de proposition de loi visant à créer des circonscriptions pour les Français de l'étranger.
Comme le disait à l'instant François Hollande avec son humour habituel, que se passerait-il si un député de l'étranger parlait en langue régionale ? Je vois déjà certains d'entre vous protester violemment contre l'utilisation de cette langue, qui, paraît-il, est incompatible avec la Constitution.
En fait, vous nous proposez un mauvais coup, une bidouille...
Mais non !
..adossée sur cette technique d'épicerie que vous venez de nous soumettre, visant à fixer le nombre de députés.
Voilà un moyen supplémentaire pour vous d'affaiblir la gauche, car nous savons bien comment les choses vont se passer.
Comment l'a fort bien dit à l'instant M. Hollande, vous ne nous avez rien dit quant à la façon dont seraient redécoupées les circonscriptions. Et pourquoi déterminer des circonscriptions de l'étranger alors même que ces Français établis à l'étranger sont rattachés à des circonscriptions de notre territoire et qu'ils peuvent voter par procuration ?
Dites-nous plutôt franchement que c'est une magouille supplémentaire...
..et qu'avec M. Marleix, vous avez endossé votre tablier de charcutier et pris votre gros couteau.
Découpage électoral, Français de l'étranger, fixation du nombre de députés : voilà qui fait tout de même beaucoup ! Toutes ces pratiques relèvent d'une république bananière !
Vous nous servez un paquet bien ficelé, mais quand on l'ouvre, on se rend compte qu'il contient des choses inavouables. Ce paquet aura pour effet de travestir l'expression du suffrage et de le manipuler pour qu'il vous convienne mieux.
Arrêter quand vous nous proposez une réforme constitutionnelle qui prévoit de limiter le nombre de députés à 577, quand vous écartez tout scrutin proportionnel, même réduit, quand vous créez douze nouveaux députés qui s'imputeront sur les 577 existants et dont on sait déjà, pour des raisons évidentes, qu'ils n'appartiendront jamais à l'actuelle opposition, quand vous ficelez le tout par un découpage des circonscriptions ? On ne va quand même pas vous remercier !
Vous savez qu'au-delà ce sont les Français eux-mêmes que vous êtes en train de trahir en trafiquant le suffrage universel. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) On s'indigne – et c'est légitime – en cas de fraude électorale, dans le comptage des voix par exemple, et on accepterait que la loi constitutionnelle vienne rompre la loyauté qui est due par tout républicain à l'expression du suffrage universel.
Voilà ce que vous faites dans ce paquet ficelé ! C'est pourquoi nous continuerons à dire que vous avez trahi le suffrage universel en manipulant, par la loi constitutionnelle, l'expression du vote des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Nous ne sommes pas là pour partager la France en circonscriptions qui seraient éternellement soit de gauche, soit de droite. Le problème, qui a été posé à de nombreuses reprises, est en fait ici celui du mode de scrutin.
En ce qui me concerne, j'ai toujours été hostile à la représentation des Français de l'étranger à l'Assemblée nationale parce que cela ouvre assez logiquement la voie à la proportionnelle. En effet, on ne voit pas très bien comment des circonscriptions pourraient représenter des individus qui sont très éloignés géographiquement.
Ce qui légitime le vote par circonscription, le suffrage uninominal, c'est la possibilité pour des femmes et des hommes d'élire quelqu'un qu'ils connaissent, qu'ils jugent, qu'ils réélisent ensuite. C'est le vote de proximité, c'est le vote personnel. Malheureusement, la représentation des Français de l'étranger ne peut pas correspondre à cette exigence. C'est la raison pour laquelle je la refuse. Je voterai donc cet amendement sans toutefois partager certains des arguments qui ont été avancés.
Ce qui est extraordinaire avec les socialistes, c'est qu'une idée appelle nécessairement une dépense. Pour représenter les Français de l'étranger, les membres du groupe socialiste proposent tout simplement d'augmenter le nombre de députés. Mais dans un pays qui compte plus de députés qu'aux États-Unis alors qu'il dispose de moins de moyens, on peut faire aussi bien en répartissant différemment les députés sur le territoire. Et ce n'est pas la peine de hurler avant d'être battus. Une commission va être mise place et chacun sera consulté sur le redécoupage. S'il ne vous convient pas, vous pourrez en discuter. En tout cas, ce n'est pas le débat de ce soir.
Essayons de revenir à un peu plus de raison.
En première lecture, lorsque l'Assemblée nationale a fixé le nombre maximal de députés, il ne lui a pas semblé convenable alors de fixer le nombre de sénateurs. Le Sénat a, pour sa part, défini le nombre maximal de sénateurs, qui correspond d'ailleurs au chiffre actuel. Comme c'est le cas dans de nombreux pays, nous avons deux assemblées, dont le nombre de membres ne peut pas excéder un nombre qui sera prévu dans la Constitution.
Quant aux Français de l'étranger, se pose un problème puisqu'ils élisent les sénateurs, mais qu'ils ne peuvent pas élire des députés.
Si, ils peuvent élire les députés, puisqu'ils sont inscrits sur les listes électorales.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ils sont inscrits sur les listes électorales. Ils votent donc !
Comme tous les Français, ils ont le droit d'être représentés dans les deux assemblées du Parlement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il est assez surprenant de voir une partie des membres de notre assemblée vouloir empêcher près d'un million et demi de nos concitoyens d'être représentés...
Je commence à comprendre pourquoi vous ne voulez pas l'admettre puisque vous n'êtes pas capable d'écouter un argument contraire, monsieur Le Bouillonnec !
Il se trouve que ces personnes ne pourraient pas être représentées au même titre que les électeurs de la circonscription de M. Le Bouillonnec ou M. Hollande, c'est-à-dire des gens qui, regroupant des intérêts communs, peuvent désigner leur député de la nation, mais aussi en fonction de leur zone géographique.
On a entendu tous les arguments, notamment que l'élection serait jouée d'avance. Très franchement, j'ai envie de vous répondre que vous êtes bien peu sûrs de vous pour ne pas être capables de convaincre les électeurs. Et si l'on regarde les résultats du vote des Français de l'étranger à l'élection présidentielle, notamment en Europe où ils sont les plus nombreux, on s'aperçoit que Ségolène Royal n'y a pas fait un si mauvais score, laissant même présager la possibilité d'élire des députés socialistes.
On a entendu également que l'éloignement géographique entre les uns et les autres empêcherait de les représenter. Au cas où vous ne le sauriez pas, mes chers collègues, nos deux collègues de la Polynésie française représentent des électeurs dispersés sur une zone géographique aussi vaste que l'Union européenne.
L'argument de la distance développé par M. Vanneste est donc totalement absurde.
Enfin, M. Le Bouillonnec indique que les Français de l'étranger peuvent voter par procuration. Mais j'image qu'il n'a pas souvent regardé quel est le nombre exact de personnes qui votent par procuration et qui habitent à l'étranger, pour des raisons professionnelles, à l'heure où la mobilité professionnelle est souvent imposée à des salariés. Elles sont relativement peu nombreuses pour la simple raison qu'il leur faut trouver quelqu'un de la même commune en qui elles aient confiance.
La réforme leur permettra d'avoir leur propre député et de faire entendre leur voix à l'Assemblée nationale. Vous ne le voulez pas : c'est dommage !
Madame Lebranchu, il a été acquis dans le rapport de un à trois, environ : aucune hésitation n'est possible.
Je suis saisi d'un amendement n° 130 .
Est-il défendu, monsieur Lagarde ?
Même avis.
Je mets aux voix l'article 9, modifié par l'amendement n° 8 .
(L'article 9, ainsi modifié, est adopté.)
Prochaine séance, cet après-midi, mercredi 9 juillet, à seize heures trente :
Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 9 juillet 2008, à zéro heure quarante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma