Il s'agit d'un de ces points majeurs de la réforme que nous avons identifiés en première lecture et qui reviennent en deuxième lecture. C'est sur ces points-là qu'il convient de débattre, puisque c'est d'eux que dépendra le vote de tel ou tel groupe, permettant d'atteindre au Congrès la majorité des trois cinquièmes.
Sur la question des nominations, il est normal de laisser à l'exécutif le droit ou la prérogative de mettre en oeuvre la politique sur laquelle il a été élu et pour laquelle il a obtenu la confiance de l'Assemblée nationale. Il est donc indispensable que la plupart des nominations à l'administration centrale relèvent du seul privilège du Président de la République ou du Premier ministre. Cette question ne fait pas débat entre nous.
Ce qui est en cause, ce sont les nominations dans les autorités indépendantes, dont le nom indique bien que leur composition obéit à un régime de nomination différent de celui du droit commun. Le Conseil constitutionnel qui, compte tenu de l'évolution ouverte par le texte qui nous est soumis, appréciera jusqu'à des saisines de la part de nos concitoyens, sera appelé de ce fait à jouer à tout moment un rôle majeur d'autorité juridictionnelle de dernier ressort en matière d'appréciation de la constitutionnalité des lois. Comment comprendre dès lors que sa composition puisse rester inchangée ? S'il est légitime de changer la règle de désignation au Conseil constitutionnel ou au Conseil supérieur de l'audiovisuel, c'est bien parce qu'il s'agit d'autorités dont les décisions, qui s'imposent aux pouvoirs publics, doivent faire l'objet de toute la confiance de l'opposition, de la majorité et des citoyens.
La bonne façon de procéder serait de requérir pour ces nominations la majorité des trois cinquièmes. Quelle est la différence entre une majorité des trois cinquièmes et une opposition des trois cinquièmes ? C'est qu'une majorité des trois cinquièmes requiert l'accord de l'opposition et qu'une opposition des trois cinquièmes requiert celui de la majorité. Cette distinction, vous en conviendrez, est importante.
Si l'on veut que le Conseil constitutionnel, le Conseil supérieur de l'audiovisuel et l'ensemble des institutions qui protégent les libertés individuelles puissent avoir l'autorité et la légitimité nécessaires pour intervenir, il faut vraiment changer leur mode de désignation et leur composition. Cette remarque vaut pour les nominations effectuées tant par Président de la République que par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Si, comme c'est le cas depuis plusieurs années, ce que je déplore, la majorité présidentielle est la même que la majorité de l'Assemblée nationale et du Sénat, la logique est implacable : au bout de quelques années, compte tenu du système de nomination, c'est la même famille politique qui décide en matière d'autorités indépendantes.