Nous venons d'entendre, dans la bouche du rapporteur, deux ou trois expressions qui méritent d'être relevées.
Ainsi, il explique que le sens de son amendement est de déclarer que toutes les forces politiques peuvent s'exprimer. Monseigneur est trop bon ! (Sourires.) En fait, ce n'est pas la Constitution qui fait que nous pouvons nous exprimer, mais la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui n'est pas susceptible – que je sache – d'être remise en cause par les rédactions hasardeuses du Gouvernement ou de la majorité. La vraie question, c'est de savoir si, oui ou non, cette liberté d'expression débouche sur une représentation honnête – ou honorable – des courants politiques au sein de l'Assemblée.
Pour aller au fond de cette discussion centrale, je veux reprendre ici une phrase de Michel Debré que Jean-Pierre Soisson a rappelée lors du débat en première lecture. Présentant au Conseil d'État la logique de la Constitution de la Ve République, Michel Debré en donnait la définition suivante : c'est « un chef de l'État et un Parlement séparés, encadrant un Gouvernement issu du premier et responsable devant le second », phrase admirable de clarté et de simplicité dans la pensée. Qu'est-ce qui ne va pas dans nos institutions ? Qu'est-ce qui manque, pour que l'équilibre décrit par Michel Debré soit réalisé ? C'est extrêmement simple : il faudrait qu'il y ait séparation – « un chef de l'État et un Parlement séparés ». Or, nous le savons bien, il n'y a pas séparation, mais dépendance de l'un par rapport à l'autre. Comment retrouver la séparation – et, donc, l'équilibre ? Le seul moyen serait que les principales forces politiques soient représentées au Parlement non pas en fonction de leur rapport avec le prince ou avec le principal parti d'opposition, mais en fonction du soutien de la population. À l'heure actuelle, le principe d'égalité du suffrage est complètement bafoué.
Madame la garde des sceaux, affirmer qu'il n'y a aucun lien entre la Constitution et les modes de scrutin, c'est se moquer du monde.