La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures trente.)
M. le Président a pris acte, en application de l'article L.O. 176 du code électoral, de la cessation, mercredi 29 juin, à minuit, du mandat de députée de Mme Françoise de Salvador et de la reprise de l'exercice du mandat de M. Georges Tron, dont les fonctions gouvernementales ont pris fin par décret du 29 mai 2011.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, depuis 2004, la Polynésie française n'a cessé d'affronter des crises politiques qui ont empêché d'ancrer toute action publique dans la durée.
Ni la loi organique du 27 février 2004, ni même la réforme du 7 décembre 2007 n'ont permis de mettre un terme à l'instabilité politique locale, puisque onze gouvernements se sont succédé en l'espace de quelques années, sans que jamais l'un d'entre eux parvienne à disposer d'une continuité suffisante à l'exercice de son action.
Ce qui va être au coeur de nos échanges, ce n'est ni plus ni moins que l'avenir d'un territoire de la République qui souhaite retrouver ses repères. Le Président de la République a souhaité mettre en oeuvre la réforme institutionnelle que j'ai l'honneur de vous présenter, pour rétablir la stabilité politique et redonner ainsi du sens, de la cohérence et de la durée à l'action publique. Alors, je vous le demande, choisissons ensemble les évolutions institutionnelles qui, au-delà des femmes et des hommes d'aujourd'hui, ouvrent des perspectives pour les Polynésiens de demain.
Chacun le sait, permettre de dégager une majorité dans les urnes ne sert à rien si celle-ci se délite au gré d'alliances opportunistes qui servent des intérêts personnels et contredisent le vote des Polynésiens. J'ai bien conscience qu'en 2004 comme en 2007, mes prédécesseurs poursuivaient le même but et que les aléas et les renversements d'alliance ont eu raison de leurs bonnes intentions.
Il n'y a pas de solution miracle, mais il nous appartient de nous saisir de l'opportunité de ramener la stabilité politique qui manque tant à ce territoire.
Avant d'en venir à une présentation du contenu du projet de loi, je voudrais au préalable vous faire part des objectifs qui ont guidé la démarche que j'ai adoptée.
Le premier objectif que s'est assigné le Gouvernement est de rétablir la stabilité politique.
Il n'est pas normal que, dans les heures qui suivent un scrutin, les adversaires d'hier deviennent des alliés de circonstance en détournant le résultat des urnes au profit non pas de l'intérêt général mais d'ambitions personnelles. Ce qui est en jeu, c'est le respect du vote des Polynésiens, c'est-à-dire le respect de l'expression démocratique. De très nombreux Polynésiens et Polynésiennes pensent que la situation ne peut plus durer. Cette instabilité chronique mine la Polynésie française, la ronge et finit par distendre les liens du vouloir vivre ensemble qui sont au coeur de son projet de société et de sa tradition ancestrale.
Le second objectif consiste à redonner de la cohérence et de la durée à l'action publique, ce qui constitue l'une des conditions pour permettre à la Polynésie française d'exercer pleinement ses compétences.
À cet égard, le projet de loi qui vous est soumis n'entend pas remettre en cause l'autonomie qui est garantie par l'article 74 de la Constitution, mais cette autonomie ne peut servir de prétexte pour refuser l'intervention de l'État quand il s'agit de mettre un terme aux dérives.
Face à une situation économique qui se dégrade, un produit intérieur brut qui recule, un tourisme qui régresse et une commande publique qui ne parvient plus à soutenir la croissance du territoire, je comprends les doléances de la société civile polynésienne, qui appelle de ses voeux un véritable effort de redressement budgétaire.
La Polynésie française ne peut plus vivre au-dessus de ses moyens. Je me félicite que cette prise de conscience soit de plus en plus souvent partagée par une partie de la classe politique locale et par de nombreux acteurs de la société civile polynésienne. Grâce à elle, la mission conduite tout au long de l'année 2010 par trois corps d'inspection pour diagnostiquer les causes de la crise a pu formuler des préconisations pour tenter de limiter l'hémorragie des finances publiques et ce, en accord avec les deux derniers gouvernements successifs.
Certaines de ces préconisations ont été reprises dans le projet de loi du Gouvernement, mais je me réjouis surtout que les débats parlementaires aient enrichi le texte d'autres propositions tout aussi symboliques et qui ont le même objectif de rationalisation des finances publiques. À titre d'exemple, j'ai pris connaissance de l'amendement déposé par le rapporteur, qui vise à contingenter de manière réaliste le nombre de collaborateurs de cabinet. Je ne peux qu'émettre un avis favorable à cet amendement.
Cette convergence de propositions, dans l'esprit du rapport Bolliet, est indispensable pour permettre à la Polynésie de respecter le plan de redressement des finances locales particulièrement strict qui conditionne le versement de la seconde tranche du prêt de 42 millions d'euros consenti, à ma demande, par l'Agence française de développement.
J'en viens à la méthode que j'ai veillé à observer pour élaborer ce projet de loi.
La concertation était l'une des conditions de la réussite de cette réforme. C'est pourquoi je me suis mise à l'écoute de toutes les propositions constructives, d'où qu'elles viennent. En mai 2010, j'ai confié au conseiller d'État Barthélémy une mission, dont les conclusions ont servi de base à la réflexion commune. En septembre 2010, j'ai provoqué des rencontres à Paris avec les représentants des principales formations politiques polynésiennes. Enfin, je me suis déplacée en Polynésie en octobre 2010 pour entendre et recevoir les personnalités de la société civile et, à nouveau, les responsables politiques.
À travers cette écoute et grâce à la qualité des débats parlementaires et des travaux de la commission des lois, le projet de loi qui vous est soumis devrait, je le crois, répondre à l'objectif de permettre cette stabilité que tous les acteurs locaux ont appelée de leurs voeux tout au long de la phase de concertation.
Mesdames, messieurs les députés, il me reste à vous présenter le contenu du projet de loi organique qui vous est soumis.
La première ligne directrice est simple : assurer la stabilité des institutions passe nécessairement par un ajustement du régime électoral.
Alors que le projet du Gouvernement maintenait les quatre circonscriptions actuelles des archipels éloignés, appelées à élire douze des cinquante-sept représentants à l'assemblée, mais procédait à la fusion des circonscriptions actuelles des îles du Vent et des îles Sous-le-Vent, le Sénat a préféré créer une circonscription unique,…
..divisée en huit sections, dont le contour géographique et le nombre d'élus sont en réalité identiques à ma proposition.
Votre commission des lois partage cette conception. Je m'y rallie donc volontiers car elle présente incontestablement plus d'avantages que d'inconvénients et l'ensemble des forces politiques représentatives a adhéré progressivement à cette formule.
Le projet de loi ne revient pas sur le mode de scrutin proportionnel à la plus forte moyenne à deux tours, qui représente la diversité des opinions. En revanche, j'ai acquis la conviction qu'il convenait d'attribuer une forte prime à la liste ayant obtenu la majorité, pour limiter l'effet d'éparpillement de la représentation proportionnelle. Sur ce point, votre commission partage l'analyse du Sénat et la mienne puisqu'elle maintient cette prime à un tiers des sièges et qu'elle les répartit à l'avance au sein des sections.
Seconde ligne directrice de la réforme : améliorer le fonctionnement des institutions doit permettre dans la durée l'action de la majorité du gouvernement, c'est-à-dire de celle qui aura gagné les élections.
Ma priorité, vous l'avez compris, c'est de veiller au respect du verdict des urnes en mettant un terme aux comportements opportunistes. Ce qui est certain, en effet, c'est que la Polynésie française mérite mieux que les blocages et les dérives actuelles.
Certaines mesures que j'ai proposées ne font plus débat, qu'il s'agisse de la limitation à deux mandats consécutifs de la durée du mandat du président de la Polynésie française, ce qui peut aider au renouvellement de la classe politique polynésienne, ou bien encore de la possibilité de renouveler de façon anticipée ou annuelle le bureau de l'assemblée uniquement en cas de démission de son président.
Ce que certains entendent encore contester concerne une mesure à laquelle je suis particulièrement attachée et qui constitue la clé de voûte de la réforme. Je veux évidemment parler de la motion de défiance, dont le dépôt et surtout le vote doivent être rendus plus difficiles. Votre commission des lois partage d'ailleurs cette analyse puisqu'elle maintient, comme je l'avais proposé, le passage du seuil de recevabilité de la motion du quart au tiers des membres de l'assemblée et le seuil d'adoption à une majorité qualifiée des trois cinquièmes.
Lorsque l'on est conscient des conséquences lourdes des renversements incessants de majorité provoqués par cette motion de défiance, que ce soit en termes de continuité de la mise en oeuvre des politiques publiques en Polynésie française, du lien de confiance entre les Polynésiens et leurs élus ou de l'image de la Polynésie à l'extérieur, je m'étonne que certains souhaitent affaiblir le dispositif en abaissant le seuil d'adoption.
Grâce aux réformes statutaires qui se sont succédé depuis le début des années 80, la Polynésie française a acquis une véritable liberté d'action, qui lui a permis de mener à bien un processus d'émancipation progressif vis-à-vis de la métropole et d'assurer son développement économique, social et culturel.
Je forme le voeu que la contribution des uns et des autres et celle de votre commission fixent pour les années qui viennent une architecture institutionnelle qui permette à la démocratie locale de bien fonctionner et qui ramène la stabilité politique indispensable au renouveau du développement économique et social. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
La parole est à M. Didier Quentin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi organique que nous examinons aujourd'hui, après son adoption par le Sénat le 31 mai dernier et par la commission des lois de notre assemblée le 22 juin, est un texte qui marquera une évolution très positive pour la Polynésie française. Il entend en premier lieu mettre fin à l'instabilité chronique des institutions polynésiennes en modifiant le régime électoral applicable.
On peut certes se le demander.
Il se propose en second lieu de rénover le fonctionnement des institutions de la collectivité d'outre-mer afin de réduire les dépenses publiques et de rationaliser les relations entre l'exécutif et l'assemblée délibérante.
Depuis mai 2004, les institutions de la Polynésie française connaissent, en effet, une instabilité politique chronique, que la loi organique n° 2007-1719 du 7 décembre 2007 n'a pas réussi à supprimer. Les conséquences d'une telle situation dépassent largement le cadre de la vie politique pour affecter la situation générale de ce pays d'outre-mer confronté à une véritable paralysie du pouvoir politique. Ce ne sont pas moins de onze présidences, avec, certes, seulement trois présidents, qui se sont succédé depuis 2004 à la tête de la Polynésie française. L'assemblée, quant à elle, n'a cessé de connaître depuis les dernières élections de janvier et février 2008 des recompositions à la faveur de jeux d'alliances qu'entretiennent la forte segmentation des partis politiques et la recherche par les élus du meilleur moyen pour servir leurs intérêts locaux.
Merci du compliment ! C'est l'art de la litote.
Je ne présenterai pas dans le détail l'ensemble des dispositions de ce projet de loi : je me concentrerai sur chacun des deux volets que comprend le projet de loi organique, ainsi que sur la présentation des principales mesures et, le cas échéant, des principales difficultés qu'elles recèlent.
Le premier volet concerne la réforme du mode de scrutin applicable à l'élection de l'assemblée de la Polynésie française
L'objectif de cette réforme, je le répète, est de favoriser la constitution de majorités claires et stables. Quatre leviers d'action devraient y contribuer.
Premièrement, la mise en place, à l'initiative de la commission des lois du Sénat, d'une circonscription électorale unique composée de huit sections renforcera l'unité politique de la Polynésie française en incitant les formations politiques locales à se regrouper, tout en assurant la représentation des archipels éloignés, dans le respect du principe d'égalité devant le suffrage.
Deuxièmement, il sera attribué une prime majoritaire égale à un tiers des sièges, soit dix-neuf sièges, à la liste qui, au premier tour, aura recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés ou qui, au second tour, sera arrivée en tête dans l'ensemble de la collectivité, et ce quels que soient les résultats obtenus par cette même liste dans chacune des huit sections électorales.
Troisièmement, des seuils sont définis : pour l'accès au second tour de scrutin, 12,5 % des suffrages exprimés ; pour la fusion des listes entre les deux tours de scrutin, 5 % des suffrages exprimés ; enfin, pour la répartition des sièges entre les listes au premier et au second tour de scrutin, 5 % des suffrages exprimés. De tels seuils devraient favoriser les regroupements entre les différentes formations politiques polynésiennes.
Quatrièmement, une condition de résidence est instaurée : les personnes qui résident dans une section électorale donnée pourront seules se porter candidates dans cette section, et ce afin d'assurer une représentation équilibrée des archipels éloignés. La commission des lois a toutefois adopté un amendement de M. Michel Buillard, ici présent, supprimant cette clause dérogatoire aux principes généraux du droit électoral.
Le second volet concerne l'amélioration du fonctionnement des institutions polynésiennes.
Le projet de loi organique propose quatre séries de modifications relatives au volet institutionnel du statut de la Polynésie française.
Il s'agit, en premier lieu, de mettre en place des mécanismes permettant l'engagement plus serein de la responsabilité de l'exécutif devant son assemblée délibérante. À ce titre, les conditions d'adoption d'une motion de défiance à l'encontre du Gouvernement sont renforcées. Celle-ci devra, d'une part, être déposée par un tiers, au lieu d'un quart actuellement, des membres de l'assemblée, et, d'autre part, être adoptée par une majorité qualifiée des trois cinquièmes des membres de l'assemblée, et non plus par la majorité absolue comme aujourd'hui.
Il s'agit, en deuxième lieu, de rationaliser le fonctionnement du gouvernement de la Polynésie française. Le projet de loi organique fixe entre sept et dix le nombre de ministres que pourra à l'avenir comprendre le gouvernement polynésien. Les ministères seront ainsi plus homogènes et plus cohérents.
Par ailleurs, le nombre de collaborateurs de cabinet du président de la Polynésie française, du vice-président et des ministres ne pourra pas excéder un plafond fixé à 20 % des dépenses de fonctionnement du gouvernement polynésien. Dans la mesure où cette solution ne me paraît pas optimale, des formules alternatives peuvent être envisagées, afin d'éviter les abus tout en préservant l'autonomie de la Polynésie française. Nous aurons l'occasion d'y revenir avec l'examen des amendements déposés par nos collègues Bruno Sandras et René Dosière.
Il s'agit, en troisième lieu, d'améliorer le fonctionnement des institutions polynésiennes. Ainsi, les missions incombant au comité des finances locales de Polynésie ont été étendues à un rôle de diagnostic et de conseil au profit des communes en difficulté. Cependant, ce comité ne disposant que d'un seul fonctionnaire pour assurer son secrétariat, la commission des lois a redéfini de manière plus réaliste l'extension des compétences du comité des finances locales de la Polynésie française afin que celles-ci soient adaptées aux ressources humaines dont il dispose.
Par ailleurs, le texte permet la création par une loi de pays d'autorités administratives indépendantes dotées d'un pouvoir réglementaire et de sanction, notamment en matière de droit de la concurrence.
Enfin, en quatrième et dernier lieu, à l'initiative du Président Warsmann, le projet de loi organique transpose à la Polynésie française plusieurs dispositions rendues récemment applicables au contrôle des comptes des collectivités territoriales.
Pourvu que ça dure !
Il s'agit notamment d'introduire la procédure de suspension d'un ordonnateur déclaré comptable de fait par un jugement définitif du juge des comptes, ainsi que d'offrir aux comptables publics et aux créanciers la possibilité de saisir la chambre territoriale des comptes pour demander l'inscription d'une dépense obligatoire de la Polynésie française.
Pour terminer, je voudrais rappeler que ce texte n'est qu'un instrument au service de la stabilité politique et institutionnelle de la Polynésie française. Il devrait permettre de restaurer la confiance des électeurs, mais il faudra aussi retrouver celle des investisseurs. Ce texte ne doit en aucun cas dispenser le gouvernement polynésien de conduire le plus rapidement possible, dans une démarche partagée avec l'État et les communes, des politiques publiques cohérentes, tout particulièrement en matière d'aménagement et de développement durables des territoires.
Je crois, chers collègues, qu'en cette année de l'outre-mer, c'est le voeu le plus cher que nous puissions unanimement émettre pour l'avenir de la Polynésie française. (Applaudissements sur divers bancs.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. René Dosière, pour une durée ne pouvant excéder trente minutes.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme hier sur la Nouvelle-Calédonie, cette motion et la suivante sont un léger détournement de la procédure parlementaire. Compte tenu de l'importance du sujet, la situation en Polynésie, il est important que la population française soit bien informée, ce qui nécessite de prendre un peu plus de temps que ne le permet la discussion générale. C'est pourquoi j'ai décidé de défendre ces deux motions.
Au moment de prendre la parole, je pense à la population polynésienne, en particulier aux jeunes, qui, aujourd'hui plus encore qu'hier, connaissent des difficultés considérables, doutent de leur avenir et des possibilités d'emploi. J'espère que nous parviendrons, tous ensemble, à trouver les solutions qui leur permettront d'espérer dans des temps meilleurs. La Polynésie n'est pas la destination de rêve dont elle a l'image ; sa réalité sociale est bien différente.
Madame la ministre, c'est le troisième texte sur la Polynésie depuis 2004, et le quatrième mode de scrutin : l'un a été voté, en février 2007, mais n'a pas servi. Chaque fois, ces modes de scrutin devaient assurer la stabilité des institutions. Le résultat a plutôt été, comme vous l'avez rappelé, ainsi que le rapporteur, une instabilité forte. Pas moins de trois présidents se sont succédés : Gaston Flosse, communément appelé en Polynésie « Gaston », Oscar Temaru, appelé « Oscar », et Gaston Tong Sang, appelé « Gaston le petit » pour le différencier de « Gaston ». (Sourires.)
Je souligne tout de même, pour relativiser cette situation, que, sur la même période, nous avons eu six ministres de l'outre-mer. L'instabilité est donc un peu partagée. Toutefois, nous n'avons eu que deux présidents de la République, et nous savons que, dans notre système, c'est à la Présidence que les choses se décident.
Pour bien mesurer cette instabilité, il faut également prendre en considération les changements de ministres sous une même présidence.
Cette instabilité a des conséquences économiques importantes. Le rapport Bolliet permet d'avoir une vision claire des choses : je ne sais pas si les responsables polynésiens s'en rendent compte mais la Polynésie est au bord du gouffre. D'aucuns diront que la Polynésie a été victime de la crise. En métropole, la crise, on nous la sert beaucoup ! Cependant, l'Institut d'émission d'outre-mer, l'IEOM, affirme que les problèmes économiques de la Polynésie ne sont pas dus à la crise internationale mais à « une perte de confiance des acteurs économiques, découragés par la persistance de l'instabilité politique ».
Il faut savoir que le pouvoir financier et économique de la collectivité polynésienne est très fort, non seulement par le biais de son budget, mais aussi en raison de l'existence d'une multitude de sociétés d'économie mixte, dont les présidents du conseil d'administration, les directeurs, les cadres changent avec les ministères.
Aucune vision d'avenir n'est donc possible. J'ai lu l'un des rapports de la chambre territoriale des comptes sur l'office des postes et télécommunications de Polynésie, l'OPT : ce rapport est accablant. Voilà une société qui dispose de réserves financières importantes, avec une activité très forte, et qui n'a pourtant aucune stratégie d'avenir et est incapable d'en définir une ! On gère au jour le jour : quand le président et le directeur changent tous les six mois, comment faire autrement ? La seule chose qui ne change pas, c'est leur rémunération, ou plutôt elle augmente à chaque fois…
Cette situation a des conséquences économiques gravissimes. J'insisterai davantage sur la situation économique en présentant la seconde motion. Il est urgent de redresser la situation.
Pour cela, il faut d'abord ne pas commettre les mêmes erreurs que par le passé. L'instabilité date de 2004. Entre 1996 et cette date, il n'y a pas eu d'instabilité. Gaston Flosse, président du gouvernement, avait obtenu en 1996 une majorité absolue qui lui a été renouvelée en 2001.
En 2004, il impose un changement de statut. Il avait une majorité de plus de 50 % ; mais peut-être voulait-il plus des trois cinquièmes. Il présente, en tout cas, un amendement au Sénat, peut-être pas en pleine nuit, mais à dix-huit heures, sans examen préalable en commission.
Il faut se rappeler ce qu'était cet amendement Flosse de 2004 sur le mode de scrutin. Premièrement, le nombre des élus passait de quarante-neuf à cinquante-sept. Deuxièmement, le nombre de circonscriptions passait de cinq à six. Troisièmement, le scrutin proportionnel que proposait le Gouvernement était remplacé par un scrutin majoritaire avec une prime de 33 % par circonscription.
Je ne résiste pas au plaisir de vous lire ce qui s'est alors passé au Sénat. « La parole est à M. Gaston Flosse. M. Flosse : Cet amendement répond au souci de permettre de dégager une majorité homogène au sein de l'assemblée de la Polynésie française. Ce régime est inspiré de celui qui concerne l'élection des conseillers régionaux avec les adaptations nécessaires à la Polynésie française.
« M. le président : Quel est l'avis de la commission ?
« M. Lucien Lanier, rapporteur : La commission est favorable à cette modification du mode de scrutin » – Je rappelle qu'elle n'avait rien examiné du tout –. « Cependant, si le Gouvernement avait quelque objection, elle reverrait peut-être son point de vue. » En clair, le rapporteur voulait bien dire oui, mais il voulait savoir si le Gouvernement en était d'accord.
À ce moment-là, M. le président se tourne vers le Gouvernement, et Mme Girardin dit : « Favorable. » Elle n'en dira pas plus sur le sujet puisque, quand elle présentera le projet de loi organique à l'Assemblée, elle ne soufflera mot du mode de scrutin que Gaston Flosse avait imposé.
Mes chers collègues de la majorité, c'est ce mode de scrutin que vous avez voté. Monsieur le président, pour ne pas vous faire tomber de votre siège, je précise une fois pour toutes que lorsque je parle, s'agissant de la Polynésie, de la majorité, il ne s'agit pas de l'UDF ou du Nouveau Centre, et notamment pas de votre attitude car, en ce qui vous concerne, vous avez été en accord avec les socialistes et en désaccord avec la majorité sur tous les textes concernant la Polynésie. Ne vous sentez donc pas visé, monsieur le président.
Quand nous avons dit à la majorité qu'une telle disposition était dangereuse, elle n'a rien écouté. C'est seulement en 2007, quand le Gouvernement a présenté un autre mode de scrutin, que la majorité a estimé que celui de 2004 n'était finalement pas très bon. Il aurait mieux valu le savoir plus tôt. Mais évidemment, à cette époque, les rapports entre Gaston Flosse et le Président de la République étaient tels qu'il n'était pas question de mettre en doute la parole de celui qui n'était que le président du gouvernement de Polynésie, et qui rêvait de devenir le président de la Polynésie. Mais il ne l'a pas été : ce mode de scrutin, fait quasiment sur mesure, a abouti à ce que son adversaireOscar Temaru devienne le premier président de la Polynésie. Il faut donc toujours être très prudent s'agissant du mode de scrutin car on ne sait jamais ce que cela peut donner…
Ensuite, l'instabilité ne s'est pas terminée car Mme Girardin n'a cessé, une fois le résultat des urnes acquis, de vouloir le remettre en cause par toute une série de manoeuvres sur lesquelles je passe – il suffit de se reporter aux débats parlementaires et aux journaux de l'époque. On n'acceptait pas que Gaston Flosse soit battu en Polynésie. C'était une telle surprise qu'on a tout fait pour déstabiliser le gouvernement d'Oscar Temaru – lequel, associé au Fetia Api, avait obtenu une majorité alternative. Cette instabilité et les troubles politiques qui s'en sont suivis n'ont pas du tout arrangé les choses. Il a fallu attendre la fin de l'année 2006 pour que quelques voix, au sein du Tahoeraa, commencent à mettre en doute les pratiques de Gaston Flosse. Je dois dire que, sur ce point, notre ancienne collègue Béatrice Vernaudon, présente dans les tribunes et que je suis très heureux de saluer, a été parmi les premiers à oser prendre ses distances avec les méthodes fort peu démocratiques de Gaston Flosse. Cela lui a sans doute coûté son siège de députée, mais une telle prise de position lui vaut l'estime de très nombreux compatriotes, Polynésiens ou non.
La préparation des élections présidentielles et législatives, le climat politique qui régnait alors au sein de la droite, puis l'élection de Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République, ont créé une certaine rupture.
En effet, à partir de ce moment-là, Gaston Flosse est stigmatisé, de même que ses méthodes : il faut trouver un bouc émissaire aux difficultés de la Polynésie, les rapports de la chambre territoriale des comptes sortent les uns après les autres et démontrent des actes absolument invraisemblables. Le Tahoeraa se divise, se subdivise, et on voit apparaître alors Gaston le Petit. Celui-ci a l'appui de votre prédécesseur, M. Estrosi, qui parle carrément de lui comme d'un homme d'avenir et annonce un nouveau mode de scrutin et de nouvelles élections. Le comportement de ce ministre, qui s'apparentait plus à celui d'un ministre des colonies de la IIIeRépublique qu'au comportement d'un ministre de l'outre-mer, a suscité localement une telle hostilité qu'il a conduit les deux frères ennemis, Gaston Flosse et Oscar Temaru, à s'unir contre Gaston Tong Sang. J'aurai l'occasion d'expliquer comment ce qui nous paraissait invraisemblable du point de vue occidental n'est peut-être pas tout à fait perçu de la même manière du point de vue océanien.
Je vous rappelle, madame la ministre, que les socialistes se sont élevés contre le mode de scrutin de 2007, et Bruno le Roux a été à l'époque à l'initiative d'une proposition de loi pour un mode de scrutin alternatif : nous proposions une circonscription unique, avec des sections, une majorité et une prime majoritaire calculées dans le cadre de cette circonscription et, bien sûr, des élus pour chaque section… On nous a dit : « Ce n'est pas possible, ce n'est pas sérieux. » Je vous renvoie à notre texte, et je constate qu'aujourd'hui, c'est pratiquement le même que l'on nous propose, après une lecture au Sénat. Nous ne pouvons donc qu'être d'accord avec ce texte, mais nous nous rappelons la phrase d'Edgar Faure : « C'est un grand tort que d'avoir raison trop tôt. » Vos prédécesseurs n'avaient peut-être pas voulu reconnaître la capacité visionnaire du parti socialiste qui, ayant analysé la situation en Polynésie, savait très bien comment on pouvait essayer d'obtenir une majorité. Quoi qu'il en soit, le Gouvernement avait refusé ce mode de scrutin et il l'accepte aujourd'hui. C'est très bien ; à tout pécheur miséricorde. Mieux vaut tard que jamais, et nous y serons tout à fait favorables. La plupart des forces politiques polynésiennes l'approuvent maintenant, alors qu'à l'époque, il n'était défendu sur place que par Oscar Temaru. Il est vrai que ce mode de scrutin donnera sûrement une majorité mathématique.
Quant aux autres aspects, nous verrons bien.
Je rappelle qu'à l'époque, le mode de scrutin avait permis à Gaston Tong Sang d'arriver en tête, mais il se trouve que le président élu fut Gaston Flosse… Il avait pourtant perdu les élections, mais il y avait eu des alliances de circonstance. Il est vrai que sa présidence n'a duré que deux mois, et qu'ensuite les choses ont repris leur cours.
Je dois dire qu'à cette époque on a constaté un changement en Polynésie, et d'abord dans le comportement de la justice. Elle n'a plus protégé Gaston Flosse comme du temps de Jacques Chirac et, au contraire, elle a commencé à regarder d'un peu plus près toutes les affaires ; la chambre territoriale des comptes n'a cessé de publier des rapports de plus en plus accablants sur la manière dont l'argent public était géré en Polynésie ; et puis le Haut-Commissaire, lui aussi, a pris un peu plus d'autonomie que ses prédécesseurs. Bien sûr, nous ne pouvons qu'approuver ces changements qui s'inscrivent dans l'ordre républicain.
Si je résume mon analyse, un peu rapide car le temps me manque, et sans doute quelque peu partiale – mais mes collègues de Polynésie ne me semblent pas en profond désaccord avec elle –, elle montre que cette instabilité, c'est votre majorité, madame la ministre, qui l'a créée. Elle n'a pas voulu entendre les avertissements que l'on lui donnait. Aujourd'hui, puisque vous avez opéré un revirement et qu'il faut un bouc émissaire, c'est Gaston Flosse. Humilié, on ne l'écoute plus, il est même non inscrit au Sénat – où il a été le seul à voter contre le statut aujourd'hui proposé. Bref, lui qui était hyperpuissant porte dorénavant tous les péchés du monde et doit, enfin, rendre des comptes à la justice, et se retrouve tout seul. Mais il garde une capacité de nuisance non négligeable qui fait perdurer l'instabilité en Polynésie, d'autant plus que Gaston le Petit, qui porte bien son surnom, n'a pas réussi à s'imposer comme un leader.
Mais je veux maintenant montrer que les problèmes politiques de la Polynésie sont beaucoup plus structurels et méritent plus que cette analyse événementielle. Je m'appuierai sur les travaux des universitaires qui s'intéressent à cet archipel, notamment ceux de chercheurs en sciences politiques. Ainsi, Sémir Al Wardi publie régulièrement des travaux sur le sujet. Les causes structurelles de l'instabilité sont de trois types : elles sont politiques, économiques et morales.
Les causes politiques tout d'abord : la culture océanienne n'a pas grand-chose à voir avec la culture occidentale car elle privilégie les rapports personnels et affectifs, au détriment du fonctionnement institutionnel. Dès lors, une majorité électorale est sans cesse remise en cause. Bien sûr que le nouveau mode de scrutin va donner une majorité mathématique, mais qu'est-ce qui empêchera ensuite ses membres de privilégier les rapports affectifs ou géographiques ? L'insularité renforce encore cet aspect culturel car elle accentue les liens familiaux : tout le monde se connaît en Polynésie ; oserai-je dire que tout le monde est cousin à la mode de Bretagne ?
Les rapports personnels et l'insularité expliquent des alliances qui nous surprennent et qui peuvent nous choquer. En plus, si le Gouvernement, comme c'était le cas avec M. Estrosi, donne le sentiment qu'il intervient dans le fonctionnement de la collectivité au mépris de son autonomie, cela suscite un front polynésien antifrançais. En Polynésie, la vie politique n'est pas structurée comme chez nous par l'opposition entre la gauche et la droite, mais autour des thèmes de l'autonomie et de l'indépendance. Il est vrai que j'ai quelquefois du mal à faire la distinction entre les deux, et je note d'ailleurs qu'en tahitien, me dit-on, c'est le même terme qui désigne les deux notions. L'autonomie, c'est quand Gaston Flosse est aux affaires ; l'indépendance, c'est quand Oscar Temaru est au pouvoir : en pratique c'est un peu la même chose.
Madame la ministre, nous devrions tous ensemble réfléchir davantage à ce que doit recouvrir le terme d'autonomie. Il a été longtemps brandi comme un rempart contre l'indépendance alors que la manière dont il était mis en application ne faisait que la préparer. Il faut donc se demander ce que, concrètement, veut dire l'autonomie. Il y a en tout cas une différence entre les deux notions : l'autonomie n'implique absolument pas une diminution de la présence de l'État. Or il semble qu'à cet égard, on ait des progrès à faire.
La deuxième cause structurelle d'instabilité en Polynésie est d'ordre économique.
L'ancien Premier ministre Michel Rocard était clairvoyant lorsqu'il déclarait à propos des DOM-TOM : « Toute agitation institutionnelle n'est qu'une fuite en avant. La question de l'autonomie économique est de loin ce qu'il reste de plus important à conquérir. »
Certes, différents paramètres rendent la tâche particulièrement malaisée. Un professeur d'économie local, Christian Montet, démontre que « les conditions économiques et sociales des petites îles du Pacifique créent, en quelque sorte "naturellement" des conditions propices à une gouvernance délibérément mauvaise, même si cela n'est pas une fatalité. On peut recenser dans ces îles un certain nombre de conditions défavorables à une bonne gouvernance. Les principales sont les suivantes : un petit nombre d'entreprises en activité ; un grand nombre de monopoles naturels du fait de l'étroitesse du marché justifiant une réglementation étendue ; la possibilité de détention du capital par un tout petit groupe de familles ; le petit nombre de lobbies en concurrence pour des politiques favorables, ce qui facilite la collusion entre secteur public et intérêts privés particuliers ; la grande dépendance à l'égard de transferts publics venant de métropole, accompagnée d'un assez grand pouvoir discrétionnaire dans l'utilisation et le partage des fonds en question ; une assez forte inégalité des richesses et du capital humain. »
La Polynésie française, malheureusement, remplit toutes ces conditions.
Madame la ministre, quand allez-vous vous préoccuper réellement du développement économique de la Polynésie ? Il est temps de mettre en place les bases d'un capitalisme entrepreneurial, dynamique, concurrentiel.
La véritable réforme n'est pas celle des institutions politiques, mais celle qui enclenchera un vaste mouvement de suppression des tarifs douaniers et autres protections de rentes et stimulera la concurrence à tous les niveaux de la vie économique.
Le Gouvernement est directement concerné car cette mise en application d'une nouvelle politique économique ne peut qu'avoir des incidences sur les recettes de la collectivité. Il faut donc que le Gouvernement puisse compenser ou contrebalancer les pertes de recettes qui pourraient en résulter.
La troisième raison est d'ordre moral. L'argent joue un rôle beaucoup trop important en Polynésie, et notamment dans le domaine politique. Il explique en particulier le nomadisme politique – un joli terme – que l'on constate chez les élus. La Polynésie est sans doute le seul territoire de la République où la politique enrichit quasi-systématiquement ses élus, et pas toujours de façon régulière. Dois-je vous rappeler qu'un cinquième des membres de l'actuelle assemblée ont eu affaire – ou ont affaire – avec la justice, qui est d'ailleurs heureusement devenue plus efficace – pour des motifs financiers ?
Il est d'ailleurs toujours étonnant de constater que les élus condamnés pour des détournements de fonds se maintiennent aussi facilement en place. Je sais bien que ce n'est pas une spécialité de la Polynésie, mais enfin cette caractéristique y est un peu plus forte et plus marquée qu'en métropole. C'est dire la nécessité d'un changement des mentalités, non seulement parmi les élus mais aussi dans la population. Mais la loi ne peut y prétendre car elle ne peut changer les mentalités.
Vous avouerai-je mon étonnement de constater que, dans une société aussi religieuse, l'argent puisse jouer un tel rôle ? Qu'il s'agisse de catholicisme ou du protestantisme, la religion joue un rôle considérable en Polynésie, du moins cela a été le cas dans le passé – c'est un constat, pas un jugement. D'où ma surprise, car je vous rappelle la parole de l'Évangile : « Nul ne peut servir deux maîtres à la fois, Dieu et l'argent. » Comment peut-on, en Polynésie, concilier les deux et être à ce point à l'antipode de l'enseignement évangélique ?
Il est temps de revenir aux valeurs qui étaient défendues par les autonomistes de la première heure, ceux qui ont précédé Gaston Flosse, qui ne l'était pas à ce moment-là et ne l'est devenu que plus tard.
En conclusion, je vous citerai le discours d'investiture de Francis Sanford, le 7 juin 1977 : « Si nous voulons être solidaires des plus défavorisés, nous ne pouvons prétendre, pour nous-mêmes et pour nos familles, à des revenus toujours en hausse (…) Il nous faut consentir à partager, donc choisir entre la satisfaction de nos appétits égoïstes et la solidarité à laquelle nous convient les immenses besoins de la communauté polynésienne. » Voilà le programme que les responsables polynésiens devraient retrouver.
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. René Dosière.
La présentation de cette motion de renvoi me permet d'aborder plus spécialement la situation de l'économie polynésienne.
La Polynésie française connaît depuis 2001 des difficultés économiques, sociales et financières qui ne cessent de s'aggraver. L'économie polynésienne rencontre actuellement des difficultés d'ordre conjoncturel et structurel. Les fondamentaux mêmes de l'économie se sont durablement fragilisés depuis dix ans. Le secteur du tourisme a été le premier touché et la fréquentation touristique ne cesse de diminuer depuis plusieurs années.
La croissance globale a été nulle sur la décennie 2000. En 2009, la création de richesses mesurée par le PIB a régressé de 4 % et cette panne de croissance n'est pas sans effet sur l'emploi : 6 000 emplois ont été détruits en 2008-2009 et le nombre de chômeurs ne cesse d'augmenter.
Cette argumentation pourrait être davantage étayée par des chiffres si l'Institut de la statistique de Polynésie française ne produisait pas des données qui ont plusieurs années de retard. Il est un peu dommage de ne pas disposer de statistiques suffisantes.
L'une des conséquences de cette conjoncture défavorable de l'économie est un appauvrissement de la population : le niveau de vie a diminué de 15 % depuis 2003 et les conditions de vie des Polynésiens se sont fortement dégradées ; nos collègues polynésiens pourront en témoigner puisqu'ils le constatent au quotidien.
Cette crise économique et sociale s'accompagne d'une crise financière sans précédent puisque les finances publiques sont dans une situation critique. Depuis l'automne 2009, une crise de trésorerie affecte lourdement la situation financière de la Polynésie qui ne parvient plus à dégager des ressources financières pour investir et faire face aux échéances du remboursement de la dette. Le niveau d'endettement s'est fortement accru et atteint la somme record de 780 millions d'euros.
Tous ces éléments ne sont pas sans conséquences sur la notation financière de la Polynésie qui s'est dégradée au point que l'accès à des financements extérieurs est actuellement sévèrement limité. Le dernier rapport de l'Institut d'émission d'outre-mer, déjà cité, précise bien que ces difficultés économiques sont liées à l'instabilité politique.
La gravité des problèmes budgétaires et financiers auxquels est confrontée la collectivité de Polynésie, et plus largement la gravité de la situation économique et de l'emploi requièrent des mesures d'ajustement, sous peine de voir le budget déféré à la Chambre territoriale des comptes.
Face à cette délicate situation et à la demande des autorités polynésiennes, une mission d'assistance des différentes inspections – vous l'avez citée, madame la ministre – a été conduite par Mme Bolliet. Elle a effectué un diagnostic très complet de la situation économique, financière et budgétaire de la Polynésie française et elle a émis un ensemble de recommandations pour redresser la situation critique dans laquelle se trouve le pays.
Comme le souligne le rapport, il existe des marges de manoeuvres pour redresser cette situation délicate dans les meilleurs délais. Pour cela, il faudrait travailler sur les recettes, plus particulièrement sur la fiscalité, et réduire les dépenses de la collectivité.
S'agissant des recettes, l'étude du système fiscal polynésien met en exergue des inefficacités et des injustices qui offrent des possibilités sensibles d'amélioration. Le système fiscal est constitué par une forte proportion d'impôts indirects sur la consommation : la fiscalité directe ne concerne que les entreprises – et encore pas toutes ! – ; les ménages ne sont imposés ni sur leur patrimoine ni sur leurs revenus. Eh oui, il n'y a d'impôt ni sur le revenu ni sur le patrimoine en Polynésie. Au fond, la fiscalité y est dure pour ceux qui ont peu et douce pour ceux qui ont beaucoup. C'est une situation complètement anormale à laquelle il faudra remédier.
Il est important d'accroître le prélèvement des impôts et de procéder à une réforme profonde de ce système fiscal qui n'est pas équitable – les professions non salariées ne paient pratiquement pas d'impôt, par exemple. Tout ce que je dis là figure dans les divers volumes du rapport de l'inspection de la mission d'assistance
La pression fiscale est quasiment exclusivement supportée par le secteur commercial. Certains secteurs sont quant à eux presque totalement exonérés d'impôt, notamment l'agriculture et de la perliculture qui bénéficient d'un abattement de 80 % et donc d'une pression fiscale quasiment nulle. Le rendement fiscal du secteur perlier s'établit ainsi à 500 000 euros pour un chiffre d'affaires de plus de 100 millions d'euros, soit à peine 0,5 %.
Plusieurs pistes de solutions peuvent être suivies pour accroître le rendement des impôts existants. Ainsi le recouvrement de la plupart des impôts est assuré par trois comptables différents, sans compter la trésorerie générale qui recouvre les amendes douanières. La dispersion de la fonction de recouvrement entre ces trois entités ne permet pas de regrouper les moyens et d'optimiser les procédures. Au moins pourrait-on créer un pôle de recouvrement unique, afin d'être plus réactif.
En dehors des impôts, notons que le taux de recouvrement des créances hospitalières ou des produits communaux est très faible : sur 90 000 factures émises par l'hôpital chaque année, seulement 50 % reviennent payées. À cette incivilité fiscale s'ajoutent des dysfonctionnements et des insuffisances. En Polynésie, par exemple, il n'existe pas de moyens de paiement moderne tels que la carte bancaire ou encore le prélèvement automatique, par exemple.
L'amélioration du recouvrement de l'impôt nécessite aussi une remise à jour de l'adressage et du service du courrier. En effet, la distribution du courrier se fait de manière aléatoire ; les délais de distribution et de retour des courriers non distribués sont très variables ; la remise des avis d'imposition est compromise par l'absence d'adresses et par le faible nombre de boîtes aux lettres. Plusieurs millions d'euros de manque à gagner résultant de ces carences, il conviendrait de faire au moins un plan d'adressage.
S'agissant du contrôle fiscal, c'est simple : jusqu'en 2009, il n'existait pas de contrôle fiscal, ce qui contribue à expliquer la baisse continue du rendement des impôts sur les entreprises puisque ces dernières risquent un contrôle fiscal tous les 130 ans – ce n'est tout de même pas excessif.
Ces absences de contrôle font perdre des millions d'euros à la collectivité chaque année. Afin de remédier à cette situation, il convient d'étoffer le service en charge du contrôle, de supprimer certains recours qui ralentissent voire bloquent les procédures et de créer enfin une agence de la fiscalité de la Polynésie française.
La cellule de vérification comporte seulement quatre agents, soit un agent pour 5 400 entreprises. Les agents de vérification ont un objectif de douze contrôles, un objectif jamais atteint compte tenu des mouvements de personnel. Afin d'accroître la fréquence des contrôles et de lutter efficacement contre la fraude, il est nécessaire d'augmenter le nombre de vérificateurs.
Par ailleurs, certains recours ralentissent voire bloquent les procédures de recouvrement. Actuellement, le contribuable qui a fait l'objet d'un contrôle fiscal et conteste le redressement peut saisir la commission des impôts. Dans le cas d'une appréciation contraire à celle de la commission, le service des contributions à l'obligation, avant toute mise en recouvrement, de transmettre le dossier au président de la Polynésie française. Celui-ci répond quand il le souhaite, il n'est contraint par aucun délai pour rendre sa décision. Le processus n'est pas égalitaire car, selon que vous êtes ou non un ami, la décision sera différente. Et nous sommes dans la République française !
Créer une agence de la fiscalité de la Polynésie française comme il en existe en Espagne ou au Canada serait une bonne chose. Une telle agence serait beaucoup plus autonome et efficace. Toutes les missions fiscales – assiette, recouvrement et contrôle – pourraient lui être transférées, à l'exclusion de l'élaboration de la législation fiscale. Cette formule d'agence plus proche des citoyens constituerait un gage de plus grande neutralité à l'égard du pouvoir politique.
D'autres mesures pourraient améliorer la situation financière de la Polynésie, concernant particulièrement les dispositifs d'exonération fiscale qui diminuent substantiellement les recettes de la collectivité. Sur plus de 900 millions d'euros de recettes fiscales et douanières qui ont été prélevés en 2009 en Polynésie, 70% proviennent des droits indirects. J'ai déjà souligné la nécessité d'une fiscalité directe.
L'ensemble de ces produits fiscaux et douaniers est réduit chaque année d'environ 100 millions du fait des dispositifs de réduction d'impôt, d'exonération et de détaxation, en particulier sur les produits pétroliers. Si l'on avait des contrôles plus fréquents, on pourrait davantage réduire la fraude qui existe.
Néanmoins, il faut agir avec prudence et le rapport Bolliet propose d'agir au cas par cas, selon les catégories.
Mais, hors carburants, les exonérations douanières se montent à plus de 33 millions d'euros, en augmentation de 23 % depuis 2006. On peut s'interroger sur certains types d'exonérations. Est-il nécessaire, par exemple, d'exonérer les boissons alcoolisées consommées dans les hôtels et les restaurants, ce qui engendre une perte de recettes de 3 millions d'euros par an ?
Le recouvrement et le contrôle de l'impôt ainsi que la réduction des niches douanières constituent des marges de manoeuvre qui permettraient de soulager rapidement le budget de la collectivité.
Encore une fois, il faut revenir à une réforme de la fiscalité.
Mais, deuxième aspect que je veux aborder – et je terminerai par là –, il faut naturellement réduire les dépenses.
Le rapport de la mission d'assistance comporte un ensemble de propositions concrètes et chiffrées conduisant à réduire les dépenses publiques en Polynésie.
Peu de collectivités disposent d'un rapport aussi précis, qu'il suffit de mettre en application. Il n'y a même pas besoin de réfléchir beaucoup. Il suffit de le lire et de traduire les observations en décisions du Gouvernement ou de l'Assemblée pour parvenir à gérer naturellement la situation sur un plan politique.
Je comprends bien qu'annoncer la création d'un impôt sur le revenu en Polynésie n'est pas de nature à susciter l'enthousiasme. Je ne parle pas de la population. Vous pensez bien que les milliers de Polynésiens qui ne seraient pas concernés par l'impôt sur le revenu mais qui, aujourd'hui, paient des taxes indirectes dans le coût de la vie chère, ne diraient rien. Je parle des quelques milliers de privilégiés, fonctionnaires ou autres, qui ont des salaires faramineux et qui, eux, seraient directement atteints par une fiscalité directe : on peut s'attendre à les retrouver dans la rue.
Donc, c'est une décision qui est difficile à la fois à prendre et à appliquer et qui doit être prise avec beaucoup de doigté et de pédagogie, bref avec beaucoup de politique. Je ne doute pas, d'ailleurs, que les élus polynésiens soient en mesure de dialoguer avec leur population à ce sujet.
Pour ce qui est des autres réductions, un certain nombre sont exposés dans le rapport d'Anne Bolliet. Je ne m'y étends pas. Nous aurons l'occasion, comme l'a indiqué le rapporteur, d'en examiner un certain nombre.
Je ferai simplement remarquer que la mise en oeuvre d'un programme d'économies, tel que celui que le gouvernement actuel prépare et va prochainement annoncer, exige que les responsables politiques montrent l'exemple. C'est pourquoi notre groupe a proposé deux amendements concernant la rémunération des ministres et des représentants de l'Assemblée de la Polynésie.
Il s'agit de corriger une anomalie. La Polynésie est, en effet, le seul territoire de la République où la rémunération des ministres et représentants de l'assemblée est fixée par eux-mêmes. Depuis 2007, même le Président de la République a accepté de ne plus fixer lui-même sa rémunération mais de la faire fixer par la loi. Par conséquent, nous vous proposons, par ces amendements de fixer un plafond, comme c'est le cas pour la totalité des collectivités et des exécutifs nationaux.
A quel niveau faut-il fixer ce plafond ? C'est là où les élus doivent montrer l'exemple. C'est pourquoi les amendements que nous avons déposés proposent de fixer un plafond inférieur de 10 % au plafond actuel. Mais, ne vous inquiétez pas, quand vous verrez les chiffres, vous vous apercevrez que, malgré cette diminution de 10 %, nous restons encore au-dessus de la rémunération des parlementaires nationaux que vous êtes.
On ne peut pas, en Polynésie, comme en métropole, exiger des sacrifices aux citoyens sans les appliquer d'abord aux responsables politiques. C'est pourquoi j'espère que l'Assemblée votera ces amendements.
Le redressement de la situation financière de la collectivité est un objectif qui est tout à fait réalisable. Mais il est difficile. C'est pourquoi je vous invite, madame la ministre, à aider le gouvernement en place dans cette entreprise difficile et enthousiasmante. Et je dis donc à ce Gouvernement : faa ito ito, c'est-à-dire bon courage !
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'excellente démonstration de notre collègue Dosière légitimerait que nous renvoyions ce texte devant la commission des affaires économiques, mais la procédure ne le prévoit pas. C'est la raison pour laquelle le groupe SRC vous demande de voter le renvoi de ce texte devant la commission compétente.
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe GDR, pour dix minutes.
Monsieur le président, madame la ministre, en préambule, je voudrais dire un mot des conditions dans lesquelles nous examinons ce projet de loi puisque le rapport n'a été accessible que vendredi soir, date butoir du dépôt des amendements. Chacun m'accordera qu'il est difficile d'amender sérieusement un texte sans disposer du travail du rapporteur. C'est d'autant plus dommageable que la procédure accélérée engagée sur ce texte, sans justification précise, nous privera d'une deuxième lecture.
Cela étant précisé, je viens au fond de ce projet de loi qui modifie les institutions de la Polynésie, les lois de 2004 et 2007 n'ayant guère permis d'assurer la stabilité politique. Depuis 2004, ce ne sont pas moins de onze gouvernements qui se sont succédé, à la faveur de renversements d'alliances et de pratiques parfois clientélistes.
Changer une nouvelle fois les règles du jeu électoral et modifier le fonctionnement des institutions n'aura évidemment pas d'impact direct sur la situation de grande difficulté économique et sociale qui est la principale préoccupation des Polynésiens.
Mais c'est sûrement un préalable nécessaire sans, bien sûr, être suffisant, pour être en mesure d'apporter de véritables réponses aux besoins de la population en matière d'emploi, de logement, d'éducation.
Ce texte prévoit d'abord la mise en place d'une circonscription unique composée de huit sections électorales. Le mode de scrutin retenu dans ce cadre est celui de la représentation proportionnelle avec prime majoritaire, c'est-à-dire un mode de scrutin très proche de celui utilisé pour les dernières élections régionales en métropole et que le Gouvernement a supprimé dans la réforme territoriale.
Vérité en métropole, erreur au-delà !
Le dispositif proposé aujourd'hui pour la Polynésie permettra d'assurer le pluralisme et la parité.
Notre groupe s'en félicite, même si ce dispositif, qui comprend plusieurs points positifs, n'est pas exempt de critiques ou d'interrogations.
Concernant la restauration de la prime majoritaire qui avait été supprimée en 2007, si celle-ci doit permettre au vainqueur des élections de disposer d'une majorité suffisante pour gouverner, elle ne doit pas pour autant constituer un frein à la représentation pluraliste des courants de pensée présents dans la vie locale. Il est certes complexe de concilier ces deux objectifs : dans l'état actuel du texte, la prime de dix-neuf sièges prévue risque de déformer la représentation, puisqu'une liste arrivée en tête avec un score relativement médiocre pourra compter trente sièges sur les cinquante-sept, et ainsi gouverner la Polynésie sans être représentative de plus du tiers de sa population.
De la même façon, le maintien du seuil de qualification au second tour des élections à 12,5% des suffrages exprimés limitera la pluralité des courants présents au second tour. On peut d'ailleurs s'étonner qu'ici un tel seuil ne nuise pas à la stabilité politique des institutions polynésiennes, alors qu'il a été au contraire relevé en métropole.
Plusieurs autres dispositions positives entendent améliorer le fonctionnement des institutions polynésiennes : ainsi, le nombre de ministres sera à nouveau limité – dans une fourchette de 7 à 10 – sachant que l'actuel gouvernement de M. Temaru en compte 10.
De la même façon, le président de la Polynésie ne pourra briguer plus de deux mandats successifs. Cette limitation est importante pour permettre le renouvellement des représentants polynésiens, mais aussi pour éviter que la recherche excessive de stabilité ne débouche sur un figement de la situation politique où la collectivité d'outre-mer deviendrait une baronnie, à l'instar de ce qu'elle a pu être dans le passé.
Enfin, le budget alloué au paiement des collaborateurs du Gouvernement est limité à 20% des dépenses de fonctionnement de la collectivité. En 2009, celui-ci en représentait plus de la moitié.
À ce chapitre, un nouvel article prévoit également le plafonnement des indemnités et rémunérations perçues pendant et après l'exercice du mandat de président ou de membre du gouvernement de la Polynésie française en cas de cumul de mandats ou de fonctions.
Autre point important : le fonctionnement de l'assemblée et la question des motions de défiance constructives. Comme on le sait, l'adoption relativement aisée de ces motions, au gré des recompositions des alliances politiques, a contribué à l'instabilité et à la valse des gouvernements. Le projet de loi en durcit fortement les critères d'application. Ainsi, pour le dépôt, il faudra non plus rassembler le quart des représentants, mais le tiers – soit dix-neuf – et c'est une majorité renforcée des trois-cinquièmes qui sera nécessaire pour son adoption – contre la majorité simple aujourd'hui.
Les critères retenus pour que l'assemblée de la Polynésie française adopte une motion de défiance sont si stricts que les gouvernements pourraient résister à toute motion alors même qu'ils ne seraient plus soutenus par les électeurs et par la majorité des représentants polynésiens !
À l'article 11, le projet de loi organique prévoit un verrou du même type pour les motions de renvoi budgétaire. Ainsi, pour qu'une motion de renvoi budgétaire soit adoptée, il faudra qu'un tiers au moins des représentants la dépose, et qu'elle soit votée à la majorité des trois-cinquièmes. Or, la discussion et le vote d'un budget constituent les temps forts de la vie de la collectivité territoriale. Le budget traduit les grands engagements et les axes forts de la politique menée. Il s'agit du principal levier d'action pour les pouvoirs publics. Il est donc quelque peu paradoxal de verrouiller à ce point les motions de défiance budgétaire : dans l'état actuel du texte, il est quasiment impossible de contester le budget proposé par l'exécutif, quand bien même celui-ci rencontrerait l'hostilité d'une grande partie des élus ou de la population.
On peut donc se demander si on a n'a pas tordu le bâton un peu trop fort dans l'autre sens.
Une quantité d'articles additionnels ayant trait à bien des domaines ont enrichi le texte initial. Encore une fois, la procédure accélérée nous empêche de réaliser correctement notre tâche de législateur.
En tout état de cause, si l'on peut comprendre le souci – légitime – d'assurer la stabilité aux institutions polynésiennes qui préside à ce projet de loi organique, veillons à ne pas tomber dans l'excès inverse : celui où les contre-pouvoirs seraient réduits à la portion congrue.
C'est dans cet esprit que les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche, apporteront un soutien critique au présent projet de loi organique, et resteront attentifs à l'évolution du texte.
Comprenez, madame la ministre, que nous voterons ce texte.
(M. Jean-Pierre Balligand remplace M. Jean-Christophe Lagarde au fauteuil de la présidence.)
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Nouveau Centre, pour dix minutes.
Merci, monsieur le président, de me permettre d'intervenir ce matin dans le débat. Comme je l'ai indiqué en commission, M. René Dosière, M. Didier Quentin et moi-même étions à l'origine d'une mission parlementaire qui devait étudier le fameux statut de la Polynésie de 2004. C'est dire si nous suivons avec attention et intérêt tout ce qui se passe dans notre belle Polynésie française – belle géographiquement, et non pas politiquement, comme je vais le montrer.
Pour essentiel qu'il soit, le débat qui s'ouvre à présent dans cet hémicycle n'en revêt pas moins un caractère profondément paradoxal.
En préambule, je précise que, puisqu'un accord général est survenu en Polynésie française entre les différentes forces politiques pour soutenir ce nouveau mode de scrutin, le groupe Nouveau Centre le votera et le soutiendra.
Le côté paradoxal de cet accord est que je n'y crois absolument pas. J'y reviendrai dans un instant. Mais je fais remarquer qu'il est assez curieux, finalement, de vouloir à chaque fois réguler par la loi ce qui devrait l'être par la morale et le civisme.
Si l'on en croit la présentation que vous êtes obligée de faire de ce projet de loi organique, madame la ministre, il s'agit en fait de chercher à répondre à l'instabilité chronique et, pour tout dire, au chaos institutionnel qui semblent s'être emparé de cette collectivité depuis l'entrée en vigueur du statut de 2004 – je partage, en cela, l'opinion de René Dosière –, imposé au forceps par M. Flosse alors que nous étions un certain nombre à expliquer les dangers qu'il allait engendrer pour la Polynésie française.
L'ironie de l'histoire, c'est que M. Flosse, véritable potentat dans son territoire, qui avait tous les pouvoirs en main, avait rêvé d'une majorité un peu plus confortable. Comme souvent dans les histoires, ce gourmand appétit a fini par ruiner son ambition initiale.
Je n'entends évidemment pas nier cette instabilité. En un peu plus de sept ans, onze gouvernements se sont succédé à la tête de la Polynésie : en arrière-plan, ce sont des majorités en recomposition permanente, fluctuant au gré des humeurs de chacun, ou plus souvent au gré des intérêts – intérêts personnels, intérêts politiques, intérêts des territoires et des îles représentés, mais également intérêts financiers de certains élus qui se font acheter pour changer de majorité à plusieurs reprises au cours du même mandat. Il faut dire que, là-bas, s'il y a des gens qui ont les moyens d'acheter des voix, c'est aussi parce qu'il y a des gens qui sont à vendre. Ce n'est pas un projet de loi organique qui y changera quoi que ce soit, mais les électeurs.
Chers collègues, je vous le dis du fond du coeur – et avec tout le respect que j'ai pour nos deux collègues députés de Polynésie, mais également pour notre ancienne collègue, Mme Vernaudon, que je tiens à saluer à mon tour –, la capacité que le Parlement a à voter des lois pour tenter de s'adapter à l'irresponsabilité, voire à la malhonnêteté de certains des responsables politiques élus en Polynésie, va avoir un terme. Je vous regardais, chers collègues, pendant l'intervention de René Dosière, et je voyais des sourires à l'évocation de tel ou tel comportement, mais je voyais aussi que ces sourires commencent à se lasser, comme la population de Polynésie, victime d'une invraisemblable crise économique, due bien sûr au contexte mondial, mais largement aggravée par cette instabilité et par l'irresponsabilité de certains élus du territoire. Tout le monde en a assez, et seuls les électeurs pourront appeler aux responsabilités une nouvelle génération politique, aussi bien du côté des indépendantistes que de celui des autonomistes, des gens qui sauront respecter à la fois les valeurs de la République, ses principes et les citoyens qui les ont mandatés, ce qui n'est plus le cas depuis bien des années.
Nous sommes amenés à accepter un mode de scrutin différent du précédent, ou des précédents, car, là-bas, on ne sait plus à quel saint se vouer. Si je comprends la démarche qui nous est proposée aujourd'hui, et si notre groupe est conduit à soutenir un processus auquel il ne croit guère, nous devons nous rappeler que c'est la crédibilité des élus de la nation et du Gouvernement aux yeux des Polynésiens qui est en jeu, même si le Gouvernement, comme l'ensemble de l'hémicycle, est victime des comportements que je dénonçais tout à l'heure.
Ce projet de loi abat l'une de nos dernières cartes politiques, mais nous ne sommes pas en mesure de garantir pour autant qu'il mettra fin à cette instabilité qui a profondément contribué au marasme économique, et c'est pourquoi nous sommes opposés à la tenue d'élections anticipées.
Sur le fond, la réforme électorale qui nous est proposée, dans sa version remaniée par le Sénat, ne favorisera pas le pluralisme. En témoigne le seuil retenu pour l'accès au second tour, trop élevé pour espérer mettre fin au tête à tête de MM. Flosse et Temaru. J'ai observé à ce propos une évolution de M. Dosière. Il y a quelques années, M. Flosse représentait pour lui le diable absolu : Dieu sait que ce n'est pas un saint, et la justice, enfin, fait son travail. Mais, aux yeux de M. Dosière, M. Temaru était, lui, la sanctification incarnée. En vérité, M. Dosière s'en est aperçu, c'est le duo infernal entre Oscar et Gaston, comme on les appelle là-bas, qui paralyse la vie politique et économique, qui empêche la Polynésie d'avancer vers un avenir économique construit, vers une confiance entre les citoyens. Ces soi-disant ennemis jurés en sont d'ailleurs arrivés à s'entendre à plusieurs reprises pour que l'un, M. Temaru, indépendantiste patenté, redevienne président du gouvernement de la Polynésie, tandis que, par le soutien qu'il lui apportait, il renvoyait M. Flosse au Sénat. Cette complicité doit être dénoncée, qui trahit le plus profond mépris pour les électeurs et les citoyens de la Polynésie française.
Si l'instabilité ne peut pas être réglée par une loi électorale, le projet en question présente des qualités. Je l'ai dit en commission, la disposition qui prévoit la majorité des trois cinquièmes pour une motion de défiance me paraît dangereuse. Je comprends l'intention du texte, mais nous risquons de nous retrouver dans la situation où il n'y aura plus de majorité pour adopter les textes, mais où il n'y en aura pas davantage pour changer de gouvernement. En acceptant que la motion de défiance nécessite une majorité des trois cinquièmes, je pense que nous aggravons le problème, car, là-bas, avec certains des élus actuels, trois cinquièmes, ça peut s'obtenir facilement.
Certes, mais cela n'implique pas qu'il y aura une majorité stable.
On note cependant quelques points positifs. Le premier – qui peut paraître paradoxal à ceux qui connaissent moins bien le dossier –, c'est l'élection du président de l'assemblée pour cinq ans. Cela lui donnera une certaine stabilité, mais, surtout, ce sera un poste de moins à échanger lors de certaines tractations. (Sourires.)
Il est également bon de limiter le nombre de ministres. Cela évitera que tel ou tel s'invente un destin – sinon national, du moins polynésien – auquel il ne songeait pas trois jours plus tôt, dès que sa voix deviendra indispensable aux renversements que MM. Flosse et Temaru concoctent régulièrement.
De même, on limite le nombre de collaborateurs et leurs rémunérations. On a vu, dans le passé, des collaborateurs beaucoup mieux payés que les élus, sans qu'on sache d'ailleurs toujours à quoi ils servaient exactement ni quelles étaient leurs fonctions – ce qui regarde évidemment la justice. Je suis d'accord avec M. Dosière, et je pense, madame la ministre, que nous devrions accepter les amendements concernant la limitation de la rémunération des élus de la Polynésie française. Si nous voulons dire aux Polynésiens qu'ils sont des Français comme les autres, il n'y a pas de raison que leurs élus bénéficient d'une telle exception par rapport aux autres. La situation est parfois indécente : nos deux collègues de Polynésie française, qui touchent les mêmes indemnités que nous pour exercer leur mandat de député national, sont moins payés que les élus de l'assemblée de la Polynésie française, qui peuvent d'ailleurs s'augmenter autant qu'ils le souhaitent, sans limitation.
Il convient également d'adresser un message de clarification, d'honnêteté et de civisme aux citoyens de Polynésie, pour leur permettre, dans deux ans, à l'échéance, de faire le ménage dans leur classe politique.
Après avoir formulé des réserves sur l'effet de la réforme, après avoir évoqué quelques points positifs, je voudrais signaler qu'il ne paraît pas logique de rehausser le seuil qui permet de se maintenir au second tour et que cela n'aura pas d'impact sur la constitution d'une majorité. Au contraire, si l'on contraint des listes qui auront obtenu entre 5 et 12,5 % des voix à entrer dans une majorité pour conserver la possibilité d'être élues, on les force à construire une majorité qui se défera au fur et à mesure des votes et des événements. Je tenais à le faire observer et à prendre date.
En conclusion, monsieur le président, et en vous demandant de pardonner ce propos un peu plus long que prévu…
…je rappellerai que le groupe Nouveau Centre, avec ses amis du Fetia Api – dont M. Dosière a dit qu'il avait aidé M. Temaru à accéder au pouvoir, ce qui est faux –, reste dubitatif quant à l'évolution du mode de scrutin, mais fait confiance aux Polynésiens. Une partie des élus de Polynésie, notamment certains maires et malgré un grand nombre de mises en examen, sont des gens honnêtes. La population polynésienne est capable de faire le tri. C'est à elle que nous devons faire confiance. Il faut lui en laisser le temps. Les échéances se présenteront dans deux ans. Lorsqu'elle votera le texte, la nation ici rassemblée doit adresser ce message aux Polynésiens : nous ne faisons plus confiance à une large part de votre classe politique, nous ne faisons pas confiance au duo infernal qui a enfermé la Polynésie dans cette situation…
Il ne faut pas les mettre dans le même panier ! Oscar n'a pas piqué dans la caisse !
…mais nous vous faisons confiance à vous, citoyens de la Polynésie française, pour que nous puissions enfin retrouver ce joyau de verdure, d'océan, ce joyau de culture et de citoyenneté que peut redevenir la Polynésie française. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ia ora na !
Depuis 2004, la Polynésie française connaît une certaine instabilité politique. Vous avez raison de le souligner, madame la ministre, cette instabilité est évidemment préjudiciable à notre développement, mais elle ne doit pas servir de prétexte à des décisions unilatérales prises sans concertation avec les élus de la Polynésie que nous sommes.
Il est symbolique que ce texte soit examiné un 29 juin pour la Polynésie – un 30 juin pour la métropole –, car le 29 juin est la date à laquelle la Polynésie célèbre son autonomie.
Je pense, chers collègues, que vous connaissez les conditions dans lesquelles la Polynésie a pu obtenir son autonomie, de même que vous connaissez les conditions dans lesquelles les expérimentations nucléaires ont été imposées en Polynésie française. Le choix s'est porté sur la Polynésie française, pour des raisons que nul n'ignore. La population a-t-elle été consultée ? Non. Faut-il considérer pour autant que nous avons pu obtenir notre autonomie grâce à la bombe ? Je n'ose imaginer que les hauts responsables de l'État aient eu de telles arrière-pensées.
Notre autonomie est unique dans la République française. L'entrée de la Polynésie dans le monde moderne, dans la société de consommation, correspond à une évolution récente que les Polynésiens ont dû assumer avec toutes les difficultés que l'on imagine. La France est devenue une grande puissance nucléaire et elle siège au conseil de sécurité de l'ONU, ce qui lui permet de jouer un rôle dans l'équilibre géopolitique de la région Pacifique. Je m'étonne donc que l'ancien Président de la République oublie de saluer, dans le deuxième tome de ses Mémoires, la contribution du fenua à la politique de dissuasion nucléaire de la France. Car ces essais ont soulevé des vagues de protestation contre la France, notamment en Nouvelle-Zélande et en Australie, ce qui a porté préjudice à nos relations avec nos cousins du Pacifique. Car qui a procédé à la normalisation des relations avec ces pays ? C'était un Tamarii du fenua, secrétaire d'État au Pacifique sud, « Gaston le Grand », pour reprendre une expression familière aux oreilles de celui que j'appelle simplement René Dosière, car je ne me permettrais pas, moi, de le nommer en faisant allusion à telle ou telle caractéristique morphologique.
Petit clin d'oeil de l'histoire, c'est samedi prochain, le 2 juillet, que sera dévoilé à Papeete une plaque commémorant le quarante-cinquième anniversaire du premier essai nucléaire aérien en Polynésie française, le 2 juillet 1966.
Certes, la Polynésie française a bénéficié des transferts financiers de la métropole, mais c'était plus dans le cadre d'une économie artificielle, fondée sur l'industrie de la bombe, que dans celui d'un véritable partenariat de développement. En quelques années, les Polynésiens ont dû subir une véritable révolution économique et sociale, passant d'une économie rurale et autosuffisante à une société moderne et artificielle de consommation.
C'est grâce à l'esprit de résilience et de tolérance des Polynésiens que cette véritable révolution a pu se mettre en place – sans trop de heurts, dirons-nous – mais le gouvernement central ne doit pas oublier son rôle déterminant dans le développement économique de notre Pays, pas plus que ses obligations d'accompagnement social envers chaque citoyen de la République française.
J'ai bien retenu les leçons de morale du professeur Dosière. On pourrait appeler cela Traité de la morale appliquée par les autochtones de Polynésie française.
Si j'ai bien compris votre raisonnement, monsieur Dosière, nous n'aurions pas la même manière d'appliquer la notion de morale en Polynésie qu'en République française, et ce serait d'autant plus grave que nous n'aurions pas la même lecture de l'évangile qu'en métropole ! Autrement dit, ce qui peut être considéré comme un comportement intègre en République ne l'est pas de la même manière qu'en Polynésie.
Je pense, cher ami René Dosière, qu'il faut se débarrasser de ses oeillères et ne pas se contenter d'un raisonnement manichéen et étriqué. La ficelle est grosse, et les choses sont plus compliquées que cela car, en métropole aussi, la morale universelle est régulièrement bafouée, on le voit à longueur d'articles de presse. Je n'aurai pas l'outrecuidance de citer les noms des plus éminentes personnalités de la vie politique française qui ont été condamnées en correctionnelle pour des emplois véritablement fictifs ou des abus de biens sociaux ; ils sont encore en fonction, à droite comme à gauche !
Eh oui, mais il fallait le dire !
Alors, quel bilan ?
Depuis quelque temps, nous constatons qu'un fossé d'incompréhension s'est creusé entre les représentants élus de la Polynésie française et l'État. Je ne citerai que quelques exemples récents : la proposition de loi sur la réforme des communes de Polynésie française, le retrait des forces armées, la suppression du CAPES de tahitien, la construction sans cesse reportée du centre pénitentiaire – il faut plusieurs décennies pour construire une prison ! – et tant d'autres dossiers.
En mai dernier, nous avons appris avec stupéfaction, la suppression des postes offerts au CAPES de tahitien par le ministre de l'éducation nationale. Cette décision a provoqué un véritable tollé en Polynésie française. La langue tahitienne, le reo ma'ohi, est effectivement au coeur de notre identité, non seulement en Polynésie, mais également dans tout le Pacifique.
Le ministre de l'éducation de la Polynésie a confirmé avoir besoin d'une douzaine de postes d'enseignants sur les prochaines années ; les élus polynésiens ont écrit au ministre de l'éducation nationale ; les étudiants, les enseignants, les académies, les associations ont organisé plusieurs rassemblements ; le haut-commissaire s'est engagé à faire remonter l'information auprès du gouvernement central. Cependant, nous sommes le 29 juin et la clôture des inscriptions pour le CAPES 2012 est prévue pour le 12 juillet 2011. Le temps nous est compté, et il n'y a toujours pas de réaction.
Il y a quelques semaines, les diplômés de Polynésie du CAPES 2010 se sont vu signifier leur affectation en métropole. Dois-je rappeler les engagements du Conseil interministériel de l'outre-mer en novembre 2009 ? « Permettre l'émergence d'une fonction publique plus représentative du bassin de vie qu'elle administre. L'objectif est de favoriser, dans le respect des principes républicains, les affectations des ultra-marins dans leur département et les promotions sur place, en assouplissant certaines disposition statutaires. » Les représentants de l'État en Polynésie française ont justifié leur décision au nom de la « mobilité des fonctionnaires », sans considération pour les compétences de la Polynésie en matière d'éducation ; je vous épargne, à ce propos, la lecture du bulletin officiel de l'éducation nationale du 4 novembre 2010.
En revanche, puisque le représentant de l'État nous parle de mobilité, davantage de mobilité des fonctionnaires et d'océanisation des cadres seraient souhaitables à l'université de la Polynésie française où les enseignants, en vertu du décret n°96-1026 du 26 novembre 1996, sont nommés à vie.
En février et mars 2011, les élus de l'Assemblée de la Polynésie française, toutes tendances politiques confondues, ont demandé – écoutez bien, car la situation est grave ! – des sanctions exemplaires à l'encontre de certains enseignants de l'université.
Le président de la Polynésie française a écrit le 17 février 2011 une lettre à la ministre de l'enseignement supérieur pour lui faire part de son indignation : « Les enseignants du supérieur sont normalement envoyés en Polynésie française pour, certes, transmettre leur savoir, mais aussi pour apprendre de la culture polynésienne.
« Au lieu de cela, j'ai constaté avec émoi qu'au moins deux d'entre eux ont fait preuve de mépris à l'égard des étudiants polynésiens et des Polynésiens en général.
« Vous savez que le juge administratif condamne fermement les propos à caractère raciste tenus par des agents publics [...].
« Aussi je vous demande, madame la ministre, de donner à cette affaire les suites qui permettront de ramener le calme à l'université et la sérénité aux Polynésiens. »
Je ne m'étendrai pas sur la réforme des communes ou le retrait des forces armées en Polynésie, mais venons-en au sujet de ce jour : le fonctionnement des institutions de la Polynésie française.
Le 13 avril 2011, l'Assemblée de la Polynésie française a rendu un avis réservé sur ce projet de loi organique.
Les groupes politiques qui la composent, autonomistes et indépendantistes, ont, à l'unanimité, demandé au Gouvernement de prendre en compte les modifications proposées, notamment sur les conditions d'adoption des motions de défiance et de renvoi. Ces modifications unanimes font l'objet de mes amendements à l'article 2 – alinéas 4, 5 et 10 – et aux articles 10 et 11.
Au début du mois, une délégation composée de représentants de tous les partis politiques autonomistes polynésiens a été reçue ici, en métropole, à l'Assemblée nationale. Elle était composée du sénateur Gaston Flosse, que je salue, de l'ancien président Gaston Tong Sang, de Mme Bouteau et de M. Jean-Christophe Bouissou. Je salue également notre collègue Mme Béatrice Vernaudon. Nous avons su faire taire nos divergences pour nous rassembler et faire des propositions communes dans l'intérêt de notre pays. Espérons que, cette fois, vous saurez écouter les élus polynésiens, toutes tendances politiques confondues, car lorsqu'il s'agit de l'intérêt supérieur de notre fenua, tous les Polynésiens savent se rassembler au nom de l'intérêt général.
La relation de confiance entre les élus polynésiens et le gouvernement central – je ne parle pas de vous, madame la ministre – est mise à mal par certaines attitudes condescendantes, des jugements hâtifs témoignant d'une méconnaissance des mécanismes de notre autonomie.
Espérons que, cette fois, le Gouvernement saura écouter les représentants élus de la Polynésie française en votant les amendements que nous présentons. Sinon, nous saurions en tirer les conséquences pour les projets de loi à venir.
Ce gouvernement a annoncé de grandes mesures pour l'outre-mer. Nous attendons leur concrétisation en Polynésie française.
N'oubliez pas l'intérêt de la Polynésie qui apporte à la France la moitié de sa zone économique exclusive, réserve de biodiversité et de richesses naturelles immenses.
N'oubliez pas l'intérêt géostratégique de la Polynésie française, au coeur du grand océan Pacifique.
« Te aroha ia rahi ! » Mes salutations les plus respectueuses.
(M. Jean-Christophe Lagarde remplace M. Jean-Pierre Balligand au fauteuil de la présidence.)
Monsieur le rapporteur, j'ai lu avec attention votre rapport. Il se résume aux formules suivantes : « une instabilité politique et institutionnelle avérée […] que les réformes successives n'ont pas su enrayer […] ayant fait naître une situation économique préoccupante ». Vous préconisez d'améliorer cette situation « en favorisant la constitution de majorités claires et stables à l'Assemblée polynésienne » et « en améliorant le fonctionnement des institutions de la Polynésie française ».
Juger que la préoccupante situation économique et sociale de la Polynésie – car elle est effectivement préoccupante – n'est imputable qu'à l'instabilité politique de son gouvernement et considérer que cette instabilité politique n'est imputable qu'au système électoral qui prévaut est sans doute un raisonnement un peu court. C'est aussi une manière de stigmatiser nos compatriotes polynésiens dans leurs rapports à la démocratie, ce qui me paraît à la fois désagréable et injuste. Non, je veux vous le dire : cette instabilité que vous dénoncez, madame la ministre, dix gouvernements s'étant succédé en sept ans, depuis l'année 2004, est d'abord un problème de constance de l'UMP vis-à-vis de l'UMP. Nous célébrons aujourd'hui – M. Buillard nous l'a rappelé tout à l'heure –, l'autonomie de ce territoire, car, à une heure près, nous sommes encore le 29 juin en Polynésie. Je suis fier d'avoir été l'un des proches collaborateurs de Georges Lemoine, qui, au Gouvernement, a permis la mise en oeuvre de cette autonomie. Nous célébrons aussi le septième anniversaire de l'accession d'Oscar Temaru – c'était le 30 juin 2004 – à la présidence de la Polynésie française.
Il ne fait aucun doute que le développement économique de tout territoire requiert de la stabilité politique : il faut une permanence des interlocuteurs, ne serait-ce que pour les investisseurs. Pour autant, ne dramatisons pas les choses. La Polynésie vit en paix et ses institutions sont relativement stables, dans le cadre de l'autonomie interne au sein de la République française, même si des ajustements législatifs sont intervenus depuis 1984, notamment vingt ans plus tard, en 2004. Veillons à ce qu'une frénésie de modifications institutionnelles ne provoque pas l'instabilité politique elle-même. Il ne suffit pas de constater l'échec des solutions institutionnelles passées pour justifier une nouvelle tentative. Pourquoi celle-ci ne serait-elle pas, à son tour, vouée à l'échec ? Pourquoi notre éminent rapporteur, Didier Quentin,…
…aurait-il plus raison, en 2011, que le tout aussi éminent rapporteur Jérôme Bignon en 2007 ?
Peut-on raisonnablement penser que nous allons résoudre les problèmes de la Polynésie en modifiant la majorité à l'Assemblée pour changer d'exécutif, au risque de laisser un président et un gouvernement minoritaire gérer les affaires de la Polynésie pendant des mois, voire des années ? Quelle est donc cette conception de la démocratie ?
Non, les problèmes auxquels la Polynésie est confrontée sont avant tout économiques et sociaux, et les préconisations de la mission présidée par l'inspectrice générale des finances Anne Bolliet sont sans doute plus utiles qu'une énième modification du système électoral. Dans le même temps, la Polynésie a besoin d'une démocratie représentative qui préserve son unité tout en tenant compte de la juste représentation de chacun de ses archipels et de ses spécificités. Sachons respecter cette spécificité car, en fin de compte, c'est toujours le peuple qui a raison et qui doit avoir le dernier mot. Mettre en place, par voie législative, des systèmes qui maintiendraient artificiellement des exécutifs en place alors qu'ils n'ont plus la confiance du peuple nous exposerait grandement au risque de voir les débats passer de l'hémicycle à la rue, et qui a connu un blocage du port de Papeete sait quelles peuvent être les conséquences dramatiques pour la Polynésie tout entière. Ce sont alors toujours les mêmes qui paient, je veux parler de ceux qui, côté montagne, souffrent du chômage et de la précarité, alors que ceux qui se trouvent côté mer s'en sortent toujours.
Cette réalité, induite il y a un demi-siècle par le CEP existe bien toujours, sauf que l'ère de « l'après-CEP » ne l'a pas résorbée, bien au contraire. Et la France tout entière ne peut pas, d'un coup de baguette magique, avec un changement de système électoral, s'absoudre d'une responsabilité historique que nous devons assumer ensemble et dans la durée. Oui, nous avons induit en Polynésie une économie relativement artificielle et sans doute aussi des comportements répréhensibles chez certains responsables.
Où en est la Polynésie quatorze ans après le démantèlement de Mururoa ? Si j'en crois votre rapport et les conclusions de l'inspecteur général Barthélemy, qui remontent à neuf mois, je note les points suivants.
Depuis 2008, 9 000 emplois ont été détruits, dont 80 % dans le secteur privé.
L'absence de politique coordonnée d'investissement public ne permet pas de doter la collectivité d'une vision d'ensemble de son développement à moyen et long terme.
La caisse de prévoyance sociale est au bord de la faillite.
La situation des finances publiques est très détériorée en raison, d'une part, de la fraude fiscale massive – 20 milliards de francs CFP – et, d'autre part, de l'endettement de la collectivité, dont la « notation » s'est fortement dégradée.
Enfin, il existe de fortes inégalités sociales avec des écarts de revenus entre les plus aisés et les plus modestes qui sont du double de la moyenne nationale.
Voilà la réalité !
Ce ne sont pas les ouvriers de Faa'a ni les petits pêcheurs de Nuku Hiva qui fraudent le fisc. Madame la ministre, vous n'allez tout de même pas oser faire porter le chapeau au président Temaru, qui, depuis le 30 juin 2004, n'a assumé la présidence de la Polynésie que pendant moins de trente mois.
Qu'a fait votre majorité, depuis 2007, dans cette valse entre M. Tong Song et M. Flosse ? Qu'a fait l'État pour redresser la situation économique de la Polynésie depuis 2004 ? Je vous épargne la période de 2002 à 2004, que vous ne pouvez tout de même pas imputer à une prétendue mauvaise gestion du parti socialiste ou du Tavini.
Alors, si nous ne disconvenons pas que des améliorations sont à apporter dans le système de représentation – puisque la circonscription électorale unique semble faire l'unanimité – voire dans l'organisation administrative, je vous invite, madame la ministre, à faire montre d'un peu d'humilité quant à la pertinence des actions menées par vos prédécesseurs et vous-même au cours de ces dernières années : sept ministres successifs, comme l'a rappelé notre collègue René Dosière. Le mauvais exemple ne vient-il pas d'en haut ?
Il va falloir que vous nous convainquiez que ce texte sur le fonctionnement des institutions de la Polynésie française, introduit au Sénat en avril dernier, quelque temps après l'élection de M. Temaru à la présidence de la Polynésie française, est bien motivé par la recherche d'une stabilisation politique de cette collectivité. Le meilleur moyen de nous convaincre serait d'affirmer le soutien loyal de l'État au gouvernement actuel et légitime de la Polynésie française et d'en apporter la preuve. Si, en revanche, vous profitez de l'adoption de ce texte pour remettre en cause l'administration en place en organisant de nouvelles élections en Polynésie française à moins d'un an des élections présidentielle et législatives, alors, nous comprendrons que l'UMP est toujours habitée par le démon de la revanche et de l'instabilité. Dans ce cas, c'est le peuple polynésien qui vous le signifiera lui-même.
Pour en revenir au texte,…
…nous déposerons quelques amendements, comme l'a indiqué René Dosière, pour introduire un peu plus de rigueur dans l'administration de ce territoire.
En marque de soutien et d'encouragement au peuple polynésien – dont l'immense majorité n'a aucune responsabilité dans les turpitudes de vos amis politiques –, pour aider à la création des conditions de redémarage du développement de ce territoire cher à notre coeur, le groupe SRC votera ce texte que nous vous proposons d'améliorer. Je ne doute pas que nous ayons à coeur, sur tous les bancs de cet hémicycle, d'envoyer ce message positif à nos compatriotes de Polynésie française, et notamment à sa jeunesse à laquelle il convient de manifester notre confiance.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si vous me le permettez, avant d'intervenir dans la discussion, je voudrais partager avec vous un sentiment de tristesse mêlé d'embarras quand, à la faveur de l'étude d'un projet de loi électoral concernant la Polynésie – la deuxième pour ce qui me concerne durant ce mandat, mais un peu plus pour les anciens que vous êtes –, certains de nos collègues en profitent pour se livrer, ce qui est, je le reconnais, leur droit le plus strict, à une analyse et à une présentation très négatives de la Polynésie devant la représentation nationale.
Mon cher collègue Dosière, avec tout le respect que je vous dois, vous ne pouvez imaginer les conséquences de tels propos et le retentissement qu'ils peuvent avoir en Polynésie. Quelque part, vous participez aussi un peu – cela n'engage que moi – à la dégradation progressive de l'image de la Polynésie, même si je partage à certains égards votre analyse. Lorsque nous avons abordé le projet de loi sur la Nouvelle-Calédonie et que j'ai vu le formidable consensus qu'il y avait sur ce texte, je me suis mis à rêver d'entendre les mêmes propos concernant la Polynésie française aujourd'hui. Je ne veux pas croire un seul instant qu'il faudra que la Polynésie passe par le chemin qu'a traversé la Nouvelle-Calédonie pour conquérir et acquérir à nouveau une image positive dans cette enceinte. C'est pourquoi je formule le voeu, madame la ministre, que ce sera la dernière fois que nous parlerons d'un texte sur la loi électorale en Polynésie française.
Mais puisque nous avons un texte sur lequel il faut travailler, je voudrais exprimer mon sentiment.
Voilà donc enfin soumis à l'Assemblée nationale cette réforme qui doit permettre d'améliorer le fonctionnement des institutions de la Polynésie française.
Je dis « enfin », car, pour moi qui ai vu se dégrader la situation économique et sociale de la Polynésie, pour moi qui ai vu nos concitoyens polynésiens perdre leur emploi, ne plus pouvoir assurer le gîte et le couvert à leurs enfants, ne plus pouvoir les envoyer à l'école, parce qu'elle est trop loin, parce que la cantine coûte trop cher, ne plus pouvoir les envoyer chez le médecin, oui, pour moi, député de la République et maire confronté à cette misère qui gagne nos villes et nos campagnes, je me dis que bien du temps a été perdu.
Bien sûr, les institutions fonctionnent, et c'est le propre de notre condition humaine, au gré des hommes et des femmes qui gouvernent. Mais que de temps a-t-il fallu pour se rendre compte que la situation institutionnelle de la Polynésie française l'a menée, non seulement au bout du gouffre, mais bel et bien dans une chute vertigineuse, qui la place bien loin de ce que d'aucuns dénomment les pays développés.
Voilà bientôt quatre ans que la Polynésie française, que les Polynésiens sont les victimes de graves carences qui affectent le fonctionnement des institutions locales, les victimes d'une instabilité chronique qui a mis à bas tous les ressorts du développement économique et social.
Depuis 2008, ce ne sont pas moins de cinq gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays, tous portés par des majorités hétéroclites, faites d'alliances de circonstances dans lesquelles se sont illustrés des hommes politiques sans vergogne – j'assume mes propos –, véritables mercenaires, n'ayant pour objectif que de s'accaparer une parcelle de pouvoir visant leur propre intérêt.
Depuis 2008, toutes les combinaisons auront été essayées par tous les partis politiques représentés à l'Assemblée de la Polynésie française. Tous se sont alliés pour mieux s'opposer ensuite…
Depuis 2008, nous avons battu tous les records avec un gouvernement qui ne durera que quarante-cinq jours ; avec une majorité de quarante-sept représentants sur cinquante-sept, qui huit mois plus tard, s'étiole et devient minoritaire ; avec un gouvernement qui, pendant presque un an, tient les rênes du pays en comptant au rang de ses soutiens à l'Assemblée moins de quinze, puis de dix représentants ; enfin, aujourd'hui, avec un gouvernement qui peine à maintenir une majorité de vingt-neuf représentants aussi hétéroclite que les précédentes…
La Polynésie a vu ses dirigeants, ses responsables, ses élus, fouler au pied tous les principes démocratiques, toutes les valeurs qui fondent l'action publique et au premier rang desquelles se trouve l'intérêt général. Et pendant ce temps, la situation économique et sociale n'a eu de cesse de se dégrader…
L'instabilité politique n'en est certes pas la seule cause, mais elle est le ferment de cette dégradation catastrophique qui plonge les Polynésiens dans la misère, les entreprises polynésiennes dans une situation de quasi-faillite, les investisseurs dans le doute et l'attentisme, et les pouvoirs publics dans l'inaction.
Alors oui, enfin, le Gouvernement a décidé de soumettre à la représentation nationale un projet qui vise à remédier – c'est, du moins, mon souhait le plus cher – à cette instabilité en gommant les effets désastreux de la loi Estrosi de 2007.
Pour autant, je voudrais dire, comme d'autres d'ailleurs l'ont déjà dit, que cette pierre apportée à l'édifice institutionnel polynésien, ne peut suffire à elle seule à garantir un meilleur fonctionnement des institutions locales. L'attitude, le comportement, l'état d'esprit de ceux qui prétendant gouverner, gérer la collectivité publique de Polynésie française, doivent en même temps radicalement changer. C'est une exigence. Mais c'est une exigence qui suppose que l'État se positionne clairement pour accompagner ceux qui, à l'issue d'un processus démocratique, se trouvent et se trouveront aux commandes pour gérer la Polynésie française. Ce positionnement ne doit pas être idéologique…Il doit être pragmatique et permettre d'offrir à nos concitoyens polynésiens la chance de pouvoir bénéficier de la même qualité de service public, des mêmes possibilités d'accès à un emploi, d'avoir un toit, de pouvoir satisfaire à ses besoins élémentaires, ceux qui fondent la dignité humaine.
Les valeurs républicaines et démocrates doivent reprendre le pas sur les jeux de pouvoir politiciens et malsains qui ont agité depuis tant d'années la classe politique locale. Ceux qui oublient l'intérêt général au profit de leur intérêt personnel doivent être mis au banc de la classe politique. Ils doivent être mis à l'écart, non par des mesures particulières, mais tout simplement par le jeu des valeurs démocratiques, par le jeu du suffrage universel direct. Et je crois que, de ce point de vue, nous avons déjà trop tardé.
Il faut également dire une chose sur l'objectif de cette nouvelle modification statutaire. Elle doit rompre avec le passé. Elle doit rompre avec un passé dont nous avons pu mesurer les conséquences désastreuses, tant pour le pays que pour l'image de la classe politique locale dans son ensemble. C'est d'ailleurs avec cette volonté que je présenterai un certain nombre de propositions d'amendements dans le cadre de nos débats.
Parmi ceux-ci, j'insisterai sur un amendement qui vise à revenir sur la suppression du Haut conseil de la Polynésie française. Celui-ci joue aujourd'hui, dans le dispositif institutionnel, un rôle important qui permet au Gouvernement de bénéficier d'un avis juridique essentiel dans le cadre du processus d'élaboration des « lois de pays ». Ne me regardez pas ainsi, cher collègue Dosière ! Je sais que c'est vous qui êtes à l'origine de l'amendement qui a supprimé le Haut conseil en commission des lois.
Présidé par un magistrat issu du corps des conseillers d'État, il exerce son activité de manière totalement indépendante et l'on comprend mal qu'au détour d'un amendement présenté en commission des lois, cette institution puisse se voir condamnée et disparaître du jour au lendemain.
Autre amendement, celui qui prévoit que, pour être candidat dans une section électorale, il faille être domicilié dans cette section.
Nous devons veiller à préserver la relation de proximité entre l'élu et l'électeur. C'est aussi ce qui garantira le choix objectif, et en toute connaissance de cause, de ce dernier. C'est également, à mon sens, ce qui évitera de voir migrer des candidats potentiels d'une section vers une autre, au gré de leur intérêt personnel.
C'est important aussi, afin que tous les territoires de la Polynésie française, et notamment les archipels éloignés, puissent être effectivement représentés par des personnes vivant dans lesdits archipels. Sinon, pour ce qui est des îles du Vent, là où se concentre la majorité des électeurs polynésiens – 90 % – il va falloir que vous m'expliquiez quel intérêt il y aurait à créer des sections si c'est pour permettre le vagabondage politique et la possibilité de se présenter dans la section que l'on souhaite.
Aujourd'hui, nous devons aborder les discussions sur le texte qui nous est présenté, sans esprit partisan, sans calcul préélectoral, simplement en nous posant la question de ce qui permettra effectivement de garantir le bon fonctionnement des institutions polynésiennes, dans le respect de l'intérêt général, avec le souci du fait démocratique.
C'est dans cet état d'esprit que je soutiens ce projet de texte qui me semble répondre aux principales préoccupations de nos concitoyens en Polynésie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi organique.
Sur l'article 1er, je suis saisi d'un amendement n° 1 .
La parole est à M. Michel Buillard, pour le soutenir.
Par cet amendement, je souhaiterais que soit porté à quatre le nombre de sections, et ce pour des raisons d'équilibre démographique. En effet, le sénateur Cointat a fait l'effort de proposer des solutions adaptées telles que la mise en place, pour les archipels, d'une circonscription découpée en sections. Conserver ces sections est, à nos yeux essentiel. C'est pourquoi nous étions opposés, à une certaine époque, à la circonscription unique. Je propose, donc, de mieux équilibrer sur le plan démographique la section des Îles-du-Vent en ajoutant une section supplémentaire.
Cet amendement a été rejeté par la commission. En effet, le découpage de l'île de Tahiti en trois sections, proposé par le texte, respecte la délimitation des trois circonscriptions législatives prévue pour l'élection des trois députés de la Polynésie française. Je rappelle que ce découpage a été validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 février 2010. Ce découpage étant très récent, les circonscriptions sont équilibrées démographiquement.
Dans ces conditions, il ne nous semble pas nécessaire de faire passer de trois à quatre le nombre des sections au sein des Îles-du-Vent.
Même analyse. Avis défavorable.
(L'amendement n° 1 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 2 .
La parole est à M. Michel Buillard, pour le soutenir.
Cet amendement de conséquence est défendu.
(L'amendement n° 2 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 1er est adopté.)
Sur l'article 2, je suis saisi d'un amendement n° 56 .
La parole est à M. Bruno Sandras, pour le soutenir.
J'ai expliqué l'objectif de cet amendement lors de la discussion générale.
Le Sénat a introduit dans ce projet la condition de résidence aux termes de laquelle les personnes qui résident dans une section électorale peuvent, seules, se présenter dans cette même section. Elles doivent, soit être inscrites au rôle des contributions directes d'une commune de la section, soit justifier de leur inscription sur la liste électorale d'une commune de la section.
Certains ont cependant émis la crainte que ne se pose un problème de constitutionnalité. Adoptons le texte et laissons le Conseil constitutionnel donner son avis, aurais-je tendance à leur répondre. Je sais que je diverge, sur ce point, de mon collègue Michel Buillard. Or, s'agissant des élections municipales – nombre d'entre nous sommes maires – personne ne trouve choquant que, pour être éligible, il faille être électeur de la commune, ce qui permet aux électeurs de mieux juger les candidats.
C'est dans le même état d'esprit que je vous propose cet amendement.
La commission a émis un avis défavorable.
En effet, une telle condition de domiciliation n'a jamais empêché le parachutage, ce que René Dosière a appelé tout à l'heure le « nomadisme politique », car une telle clause peut facilement être contournée. De plus, comme cela vient d'être souligné, la constitutionnalité de cette condition exigée au sein d'une section électorale et non d'une circonscription, comme pour les élections régionales, n'est pas assurée, dans la mesure où il s'agit de la remise en cause de l'universalité du suffrage.
Cet amendement me donne l'occasion de réagir après le débat que nous avons eu sur la circonscription unique. Si l'on supprime la circonscription unique pour revenir au projet initial, le nombre de sections est identique à celui que nous avions proposé. L'objectif de notre texte est de procéder, certes, à ce découpage, mais de préserver une proximité entre l'élu et la population. Nous avons toujours eu le souci d'assurer cette proximité. Nous n'avons donc pas opté pour la circonscription unique parce que nous savions pertinemment que nous aurions rencontré cette difficulté. Je peux comprendre que M. Sandras ait déposé un tel amendement, parce qu'un candidat qui n'a rien à voir avec des archipels très éloignés, comme les îles Gambier ou les îles Marquises, ne doit pas pouvoir être candidat ; la population ne le comprendrait pas.
Je m'en remets, par conséquent, à la sagesse de l'Assemblée.
J'apporterai mon appui à Bruno Sandras, qui est en désaccord avec son collègue polynésien. La circonscription unique proposée, dès 2007, par le groupe socialiste, a l'intérêt d'assurer mathématiquement une majorité. Toutefois, compte tenu des caractéristiques spécifiques de la Polynésie – de l'éloignement d'un certain nombre d'îles, entre autres – on peut craindre que des manipulations ne se produisent. Le scrutin unique peut aboutir à ce que ne soient pas toujours élus dans telle ou telle île des candidats qui y résident. Cette crainte des îliens est peut-être injustifiée, monsieur le rapporteur, dans la mesure où les domiciliations sont effectivement relativement aisées. Je pense, tout de même, que cette condition peut rassurer les Polynésiens et que seront, ainsi, élus dans chacune des sections des personnes qui y résident habituellement.
S'agissant de la constitutionnalité, il revient, bien entendu, au Constitutionnel de se prononcer. Le rapport de notre collègue sénateur Cointat montre que la particularité est tout à fait spécifique à la Polynésie. Je rappelle, non pas à vous, monsieur le président, qui connaissez cela par coeur, que les sections sont aussi éloignées les unes des autres qu'Oslo de Lisbonne et Brest de Bucarest ! On ne peut raisonner pour ce territoire comme on le ferait pour une circonscription métropolitaine. Ainsi, le Conseil constitutionnel, dès lors que le mode de scrutin assure une majorité, peut reconnaître une telle adaptation de la législation électorale et ne pas la déclarer inconstitutionnelle.
Nous voterons donc l'amendement de M. Sandras.
Ce n'est pas que je sois opposé à mon ami Bruno Sandras, mais je m'en tiens au vote de la commission des lois, laquelle a accepté mon amendement. Je m'en tiens au raisonnement que j'ai développé devant vous, s'agissant de la morale. Je ne vois, en effet, pas pourquoi il serait distinct au niveau de l'application des textes. Pour moi, le droit commun doit s'appliquer en Polynésie.
(L'amendement n° 56 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 5 .
La parole est à M. Michel Buillard, pour le soutenir.
Nous parlons souvent de renouvellement de la classe politique. J'ai tout de même fait l'effort d'écouter également les groupes politiques qui ne sont pas représentés à l'Assemblée territoriale. Je pense que cette assemblée gagnerait beaucoup à compter dans ses rangs de nouvelles personnalités qui apporteraient du sang neuf. C'est la raison pour laquelle je plaide pour que le curseur soit fixé à 10 %.
La commission des lois a émis un avis défavorable. Je rappelle, en effet, que, depuis l'instauration du scrutin de liste à deux tours en Polynésie française par la loi organique du 7 décembre 2007, le seuil d'accès au second tour a été constamment fixé à 12,5 % des suffrages exprimés. Ce seuil d'accès au second tour devrait, dans notre esprit, favoriser le regroupement entre les différentes formations politiques polynésiennes et, ainsi, renforcer la stabilité et l'unité de la Polynésie française, ce qui est évidemment un des objectifs de cette loi organique. C'est, certes, un pari, mais il est toujours permis d'en prendre !
Défavorable.
(L'amendement n° 5 n'est pas adopté.)
Sur l'article 5 B, je suis saisi d'un amendement n° 22 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement rédactionnel reprend la proposition de M. Bruno Sandras.
Dans le but de se conformer à la terminologie employée notamment dans la réglementation budgétaire, comptable et financière du territoire et de ses établissements publics, l'amendement tend à remplacer les termes « bilan comptable annuel des établissements publics » par les termes « compte administratif ou financier des établissements publics ».
(L'amendement n° 22 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 5 B, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 54 , portant article additionnel après l'article 5 F.
La parole est à M. Bruno Sandras, pour le soutenir.
J'ai déposé cet amendement à la demande de certains représentants de l'Assemblée de la Polynésie française, parmi lesquelles notre ancienne collègue que je salue, Mme Vernaudon.
Il s'agit d'inscrire dans le marbre de la loi l'obligation pour l'Assemblée de la Polynésie française d'adopter un schéma d'aménagement général à l'échelle du pays qui fixe des orientations fondamentales à moyen terme en matière de développement durable, de protection de l'environnement et de mise en valeur du territoire. J'ai d'ailleurs curieusement appris, hier, par voie de presse, que le gouvernement de Polynésie avait adopté le même processus en conseil des ministres. Je me suis toutefois aperçu, mais un peu tard, que se posait un petit problème de forme. Le service de la séance a fait un « copier coller », faisant référence à des assemblées, tel le conseil régional, qui n'ont rien à voir avec la Polynésie. J'aurais, par conséquent, avec votre accord, monsieur le président, souhaité sous-amender cet amendement, si celui-ci devait être retenu par l'Assemblée, mais on m'a fait savoir que c'était impossible.
Nous verrons comment procéder, monsieur Sandras, parce que ce n'est pas simple.
Quel est l'avis de la commission ?
La commission des lois, se référant à la mission d'assistance à la Polynésie française, a émis un avis favorable. Cette mission avait, en effet, recommandé, dans un souci de cohérence, la mise en place d'un tel schéma de développement général. Ainsi, dans le cadre du protocole de prêt d'un montant de 41,9 millions d'euros consenti à la Polynésie par l'Agence française de développement, des conditions ont été imposées par l'État. Parmi celles-ci figure justement l'obligation pour la Polynésie française de mettre en place un schéma d'aménagement général du territoire pour avoir, dans toute la mesure du possible, une stratégie cohérente de développement durable.
Cet amendement nous semble donc aller dans le bon sens, car il permettra de définir et de mettre en oeuvre ce plan d'aménagement et de développement nécessaire pour relancer l'économie polynésienne, ce qui, monsieur Lesterlin, est naturellement l'un de nos objectifs.
Je comprends parfaitement l'objectif de cet amendement, mais, malgré les difficultés de ce territoire, difficultés liées notamment au fonctionnement de ses institutions, le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur le principe fondamental d'autonomie, qui préside à l'organisation de la Polynésie. Je considère donc que les questions qui relèvent du développement économique sont des sujets qui relèvent du territoire.
Cela ne signifie pas que l'on ne peut pas mettre en place des protocoles ou des conventions, notamment lorsque des prêts de l'AFB sont en jeu, mais l'inscrire dans la loi organique me paraît aller à l'encontre du principe d'autonomie. C'est la raison pour laquelle je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
Monsieur Sandras, il vous avez été proposé de rectifier l'erreur matérielle de l'amendement ; cela n'a pas été fait. Quoi qu'il en soit, cet amendement ne peut être corrigé maintenant, mais, s'il est adopté, l'erreur de rédaction pourra être corrigée par la commission mixte paritaire. En revanche, s'il n'est pas adopté, il ne sera pas possible de revenir dessus en CMP.
(L'amendement n° 54 est adopté.)
Sur l'article 5 GB, je suis saisi d'un amendement de précision, n° 23.
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement vise à préciser que la consultation du comité des finances locales de la Polynésie, prévue par l'article 5 GB, ne concerne que les actes pris par la Polynésie française ou le haut-commissaire intéressant les communes polynésiennes, afin de ne pas empiéter sur les compétences du comité des finances existant au niveau national.
Avis favorable.
(L'amendement n° 23 est adopté.)
Je suis saisi par le rapporteur d'un amendement de précision.
(L'amendement n° 24 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 5 GB, amendé, est adopté.)
Cet amendement a pour objet de lever les incertitudes nées de la conclusion des conventions de délégations de compétences sur le fondement de l'article 55 du statut.
Sur la base de l'article 59 de la loi organique de 2004, il est prévu que tout accroissement de charges résultant pour le pays du transfert de compétences est assuré par le versement concomitant par l'État d'une compensation financière, permettant l'exercice normal de ces compétences. Pour l'heure, seul le transfert du service de l'inspection du travail a fait l'objet d'un transfert de charges.
Ces transferts de charges font l'objet d'une évaluation préalable par la commission consultative d'évaluation des charges. Or cette commission consultative ne dispose d'aucune possibilité d'autosaisine, notamment pour les transferts de charges et de compétences qui ont eu lieu avant 2004. C'est l'objet des amendements que je vous propose.
La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 45 , car l'alinéa supplémentaire qu'il propose nous semble inutile, la commission consultative devant déjà se pencher sur les évaluations des charges transférées.
Sur l'amendement n° 46 , la commission a également émis un avis défavorable, prenant en compte les charges qu'il implique potentiellement pour les finances publiques. Cependant, si le Gouvernement y est favorable, le rapporteur pourrait s'y rallier à titre personnel.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 45 , pour les raisons mentionnées par le rapporteur.
En revanche, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 46 , car il s'agit d'examiner les transferts de compétences antérieurs à 2004. Puisqu'il n'y avait pas de commission d'évaluation des charges à l'époque, ces transferts font aujourd'hui l'objet de protocoles négociés chaque année. Or il est souhaitable que l'on règle de manière définitive la question de la compensation des charges pour ces transferts opérés avant 2004.
(L'amendement n° 45 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 46 est adopté.)
Cet amendement va permettre au président de la Polynésie de déléguer les prérogatives attachées à son pouvoir d'ordonnateur au vice-président, aux ministres et aux chefs de service placés sous l'autorité des ministres.
La commission défend un amendement identique, qui prévoit explicitement que le président peut déléguer aux responsables de service, ce qui semble légitime et utile à une gestion efficace.
Je voudrais faire une observation typographique. Dans l'exposé sommaire des motifs de l'amendement, le mot « Président » est typographié avec une majuscule, alors qu'il s'agit du président de la Polynésie. Or seul le Président de la République française peut bénéficier d'une majuscule, le Journal officiel de la République française en témoignant. Si je précise ici que le président de la Polynésie s'écrit avec une minuscule, c'est que ce n'est pas toujours le cas dans le Journal officiel de la Polynésie française, où la majuscule est fréquemment utilisée. Il faut faire attention à bien faire la distinction entre les deux, et je souhaiterais que l'on soit plus attentif, en Polynésie, au respect de cette règle typographique.
L'essentiel n'est-il pas, monsieur Dosière, que l'on ne passe pas de la majuscule à la minuscule en fonction de la personnalité qui occupe la fonction ? (Sourires.)
Il s'agit de la fixation du nombre de collaborateurs de cabinet, qui a pu connaître en Polynésie une inflation certaine, puisqu'il fut un temps où le président disposait de 690 collaborateurs… J'espère que ces temps sont révolus.
Dans le respect du principe d'autonomie, le rapporteur du Sénat a considéré qu'il était difficile de fixer un nombre précis de collaborateurs du fait des temps partiels et des postes de contractuels. En revanche, il a proposé de fixer une enveloppe financière, correspondant à 20 % des crédits de fonctionnement.
Vous savez à quel point je suis soucieux de réduire les dépenses publiques, mais, d'après les chiffres dont je dispose, ce taux me paraît trop faible ; je propose donc de l'élever à 30 %.
Cela étant, si la ministre ou le rapporteur disposent d'autres éléments, je suis prêt à me rallier à leurs propositions, l'essentiel étant de fixer une limite raisonnable au nombre de collaborateurs de cabinet.
La commission des lois a émis un avis défavorable sur l'amendement de René Dosière, lui demandant de le retirer au profit de l'amendement n° 37 .
En effet le calcul en référence aux dépenses de fonctionnement se heurte à la difficulté qu'il y a à définir précisément ce que sont ces dépenses, ce qui explique les différences de résultats qui sont apparues entre l'auteur de l'amendement et la commission des lois du Sénat.
La référence à la masse salariale nous apparaît donc beaucoup plus opérante. Je suis ouvert sur le taux exact à appliquer, mais nous proposons une formule qui permet à chaque membre du gouvernement de disposer d'une dizaine de collaborateurs, ce qui semble être un étiage relativement raisonnable.
J'avais pour ma part une troisième formule de calcul, mais je retire mon amendement au profit de celui du rapporteur.
Le rapporteur a certes des éléments plus précis que les miens. Je suis néanmoins surpris par son exposé des motifs où il affirme vouloir que le taux soit abaissé progressivement de 5,6 à 3 %, ce qui ne figure pas dans l'amendement.
C'est l'objet de l'amendement 39 rectifié !
Cet amendement précise, en premier lieu, à l'instar de ce qui est prévu en métropole, la liberté offerte au président de la Polynésie française de mettre fin aux fonctions de collaborateur de cabinet à tout moment.
(L'amendement n° 28 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 39 rectifié .
La parole est au rapporteur.
, rapporteur. En coordination avec l'amendement proposant la mise en place d'un plafonnement de la masse salariale des collaborateurs de cabinet, cet amendement propose de laisser le temps au gouvernement de la Polynésie française de mettre en conformité les pratiques administratives existantes.
(L'amendement n° 39 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 7, amendé, est adopté.)
Sur l'article 7 bis, je suis saisi d'un amendement n°62 .
La parole est à M. René Dosière.
Cet amendement vise à plafonner la rémunération du président et des membres du Gouvernement de la Polynésie française. Non plafonnée aujourd'hui, elle est fixée par l'Assemblée elle-même à 7 000 euros. Nous proposons de suivre les recommandations du rapport Bolliet et de la plafonner à 6 300 euros, soit 10 % de moins.
Bien entendu, l'Assemblée de Polynésie reste libre de fixer les indemnités complémentaires comme cela se pratique aujourd'hui.
Monsieur Dosière, vous devriez faire la réflexion sur le « Président » avec un P majuscule aux collaborateurs du groupe socialiste puisque eux aussi l'écrivent ainsi.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 62 ?
La commission avait émis un avis défavorable, mais, à titre personnel, j'y suis favorable, ayant été convaincu par les nombreux arguments avancés ce matin.
(L'amendement n° 62 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Cet amendement vise à supprimer dans le plafonnement du cumul des rémunérations des membres du Gouvernement la référence au poste de direction des sociétés d'économie mixte.
Je suis saisi d'un amendement n° 60 , tendant à introduire un article additionnel après l'article 8.
La parole est à M. René Dosière.
Cet amendement vise à plafonner la rémunération des membres de l'Assemblée de Polynésie française, par ailleurs complétée par différentes primes et indemnités qui restent fixées au niveau local, à un niveau raisonnable qui prend en compte les recommandations du rapport Bolliet préconisant une diminution de 10 % par rapport à la situation actuelle. Le plafond proposé serait ainsi fixé à 5 898 euros brut.
À titre d'exemple, l'indemnité de base des parlementaires est de 5 515 euros brut.
Là encore, la commission avait repoussé cet amendement, mais, prenant en compte l'adoption de l'amendement similaire applicable aux membres du Gouvernement, j'y suis favorable à titre personnel.
(L'amendement n° 60 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Sur l'article 8 quinquies, je suis saisi d'un amendement de coordination n° 30 rectifié du rapporteur.
(L'amendement n° 30 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 8 quinquies, amendé, est adopté.)
Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 5 de l'article 10 afin de maintenir les conditions actuelles d'adoption d'une motion de défiance constructive, proposant un autre président.
En effet, porter aux trois cinquièmes des représentants la majorité requise pour une adoption pourrait conduire à des blocages institutionnels, en maintenant en fonction un président dépourvu de majorité.
Mme la ministre pourrait-elle nous dire la suite qu'elle entend réserver à ce texte ? En général, lorsque l'on fait voter un texte qui modifie le mode de scrutin, l'on organise une élection générale ensuite – c'est ce qu'ont fait vos prédécesseurs en 2007.
Souhaitez-vous que le Gouvernement actuel reste en place, sous réserve d'une éventuelle motion de défiance, ou envisagez-vous de renouveler l'Assemblée de Polynésie avec le nouveau mode de scrutin ?
Avis défavorable, car il importe que le Gouvernement, issu d'une majorité de la couleur des élections à l'Assemblée de Polynésie, ne puisse pas être remis en cause par je ne sais quelle alliance de circonstance ou une combinazione obtenue par une recomposition politique – une décomposition devrais-je dire – réalisée sans l'aval des électeurs.
Avis défavorable, mais je tiens à vous rassurer : ce texte n'a pas été présenté au Parlement en vue d'organiser des élections. Notre objectif, même s'il y a eu débat, est qu'une majorité se dégage pour appliquer un programme. Nous voulons moraliser la vie politique et aller vers plus de démocratie afin que les Polynésiens puissent choisir et sanctionner, ce qui n'est pas le cas en ce moment, car, aujourd'hui, nous ne savons plus qui gouverne ni qui est responsable.
Même si la motion de défiance est une procédure très importante, je considère que ce texte joue un rôle pédagogique mais surtout dissuasif. Il s'agit avant tout de rétablir la démocratie au sein de la Polynésie. Nous sommes au coeur de la réforme et si l'on veut stabiliser la vie politique en Polynésie, il ne faut surtout pas revenir sur cette disposition relative à la motion de défiance.
Nous ne sommes visiblement pas d'accord avec la ministre sur les conséquences du passage aux trois cinquièmes. Je tiens à rappeler, eu égard aux expériences passées, qu'une majorité des trois cinquièmes sera sans doute très difficile à réunir, ce qui signifie que le président en place pourrait être minoritaire sans pouvoir être renversé. Ce type de situation serait plus de nature à déstabiliser la Polynésie que l'inverse.
Vous ne partagez pas le même sentiment, madame la ministre, j'en prends acte, mais nous nous retrouverons peut-être sur un prochain texte et nous verrons qui avait raison.
(Les amendements identiques nos 7 et 61 ne sont pas adoptés.)
(L'article 10 est adopté.)
Sur l'article 11, je suis saisi d'un amendement de coordination n° 31 du rapporteur.
(L'amendement n° 31 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 8 .
La parole est à M. Michel Buillard.
Il est défendu
(L'amendement n° 8 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 11, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 51 , portant article additionnel après l'article 12.
La parole est à M. Bruno Sandras.
L'amendement vise à préciser le caractère préalable de l'approbation donnée par l'Assemblée de Polynésie aux conventions conclue avec l'État concernant le concours financier et technique de ce dernier à la Polynésie.
Avis favorable : l'approbation devrait toujours être préalable mais le préciser ne coûte rien.
(L'amendement n° 51 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Sur l'article 12 bis, je suis saisi d'un amendement n° 55 .
La parole est à M. Bruno Sandras.
Cet amendement vise à rétablir le Haut conseil de la Polynésie française, qui a été supprimé par la commission des lois. L'existence même de ce haut conseil est liée à celle des lois de pays mais elle en est très indépendante.
L'argument du coût a été soulevé en commission mais le vrai problème n'est pas tant le coût de fonctionnement du Haut conseil que celui de l'autonomie elle-même. La présidence, les ministères, le Haut conseil ont chacun un coût mais il faut savoir ce que l'on veut. D'ailleurs, à la faveur de la révision organique de 2007, notre assemblée a demandé à ce que cette institution soit présidée par un magistrat du Conseil d'État, ce qui atteste bien de l'importance de cette structure.
Par ailleurs, le Gouvernement, dans le projet de loi initial, n'avait pas demandé la suppression du Haut conseil. Le rapport Barthélemy, dont les membres avaient rencontré ceux du Haut conseil, n'avait pas davantage préconisé sa suppression.
J'étais assez ouvert à cet amendement, mais il m'est indiqué que, en l'état actuel de sa rédaction, il ne peut pas être adopté. J'émettrai donc un avis défavorable à titre conservatoire afin de renvoyer cette question à la commission mixte paritaire.
Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
C'est un de mes amendements qui a proposé que l'on supprime le Haut conseil, ce qui permettrait d'ailleurs de réaliser une économie importante. Je me suis inspiré du rapport de Mme Bolliet, qui souligne le coût prohibitif de cette institution, en particulier la rémunération de son président, compte tenu de sa charge de travail et de son utilité.
Certaines voix se sont élevées pour en vanter au contraire les mérites. Je les ai entendues, mais je fais confiance à Mme Bolliet.
Pour ce qui est des lois de pays, je précise qu'elles n'ont rien à voir avec les lois du pays de Nouvelle-Calédonie, où elles ont valeur législative et vont directement au Conseil constitutionnel. Dès lors, un processus d'étude est légitime. Les lois de pays en Polynésie ne sont en revanche que des actes administratifs qui sont soumis au Conseil d'État. Il n'est pas nécessaire de mettre en place une protection juridique particulière. Il me semblerait donc préférable de suivre le rapport Bolliet et de maintenir la suppression.
(L'amendement n° 55 n'est pas adopté.)
(L'article 12 bis est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 32 rectifié et 49 rectifié , portant article additionnel après l'article 14.
La parole est au rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 32 rectifié .
Il s'agit d'actualiser le droit applicable aux sociétés d'économie mixte. La commission a repoussé l'amendement n° 49 rectifié au profit du n° 32 rectifié.
L'amendement n° 49 rectifié est défendu.
(Les amendements identiques nos 32 rectifié et 49 rectifié , acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 38 deuxième rectification.
La parole est à M. Didier Quentin.
Il est défendu.
(L'amendement n° 38 deuxième rectification, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Sur l'article 16, je suis saisi d'un amendement n° 33 .
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement modifie le régime des lois fiscales.
Si mon amendement n'était pas accepté, je serais favorable à l'amendement n° 40 de M. Sandras puisqu'ils sont cohérents.
Je suis saisi d'un amendement, de précision terminologique, n° 34 rectifié du rapporteur, portant article additionnel après l'article 16.
(L'amendement n° 34 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Sur l'article 18, suis saisi d'un amendement rédactionnel n° 35, présenté par le rapporteur.
(L'amendement n° 35 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 13 , portant article additionnel après l'article 18.
Monsieur Gaël Yanno, vous êtes également l'auteur des amendements qui suivent, nos 13, 10, 14 et 11. Auriez-vous l'obligeance de nous les présenter ensemble ?
Ces amendements visent à améliorer l'application de la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie.
Je suis saisi d'un amendement n° 36 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur.
Favorable.
(L'amendement n° 36 rectifié est adopté.)
Il est rédactionnel.
(L'amendement n° 53 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.
(L'ensemble du projet de loi organique est adopté.)
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Proposition de loi relative à l'organisation de la médecine du travail.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures quinze.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma