Peut-on raisonnablement penser que nous allons résoudre les problèmes de la Polynésie en modifiant la majorité à l'Assemblée pour changer d'exécutif, au risque de laisser un président et un gouvernement minoritaire gérer les affaires de la Polynésie pendant des mois, voire des années ? Quelle est donc cette conception de la démocratie ?
Non, les problèmes auxquels la Polynésie est confrontée sont avant tout économiques et sociaux, et les préconisations de la mission présidée par l'inspectrice générale des finances Anne Bolliet sont sans doute plus utiles qu'une énième modification du système électoral. Dans le même temps, la Polynésie a besoin d'une démocratie représentative qui préserve son unité tout en tenant compte de la juste représentation de chacun de ses archipels et de ses spécificités. Sachons respecter cette spécificité car, en fin de compte, c'est toujours le peuple qui a raison et qui doit avoir le dernier mot. Mettre en place, par voie législative, des systèmes qui maintiendraient artificiellement des exécutifs en place alors qu'ils n'ont plus la confiance du peuple nous exposerait grandement au risque de voir les débats passer de l'hémicycle à la rue, et qui a connu un blocage du port de Papeete sait quelles peuvent être les conséquences dramatiques pour la Polynésie tout entière. Ce sont alors toujours les mêmes qui paient, je veux parler de ceux qui, côté montagne, souffrent du chômage et de la précarité, alors que ceux qui se trouvent côté mer s'en sortent toujours.
Cette réalité, induite il y a un demi-siècle par le CEP existe bien toujours, sauf que l'ère de « l'après-CEP » ne l'a pas résorbée, bien au contraire. Et la France tout entière ne peut pas, d'un coup de baguette magique, avec un changement de système électoral, s'absoudre d'une responsabilité historique que nous devons assumer ensemble et dans la durée. Oui, nous avons induit en Polynésie une économie relativement artificielle et sans doute aussi des comportements répréhensibles chez certains responsables.
Où en est la Polynésie quatorze ans après le démantèlement de Mururoa ? Si j'en crois votre rapport et les conclusions de l'inspecteur général Barthélemy, qui remontent à neuf mois, je note les points suivants.
Depuis 2008, 9 000 emplois ont été détruits, dont 80 % dans le secteur privé.
L'absence de politique coordonnée d'investissement public ne permet pas de doter la collectivité d'une vision d'ensemble de son développement à moyen et long terme.
La caisse de prévoyance sociale est au bord de la faillite.
La situation des finances publiques est très détériorée en raison, d'une part, de la fraude fiscale massive – 20 milliards de francs CFP – et, d'autre part, de l'endettement de la collectivité, dont la « notation » s'est fortement dégradée.
Enfin, il existe de fortes inégalités sociales avec des écarts de revenus entre les plus aisés et les plus modestes qui sont du double de la moyenne nationale.
Voilà la réalité !
Ce ne sont pas les ouvriers de Faa'a ni les petits pêcheurs de Nuku Hiva qui fraudent le fisc. Madame la ministre, vous n'allez tout de même pas oser faire porter le chapeau au président Temaru, qui, depuis le 30 juin 2004, n'a assumé la présidence de la Polynésie que pendant moins de trente mois.
Qu'a fait votre majorité, depuis 2007, dans cette valse entre M. Tong Song et M. Flosse ? Qu'a fait l'État pour redresser la situation économique de la Polynésie depuis 2004 ? Je vous épargne la période de 2002 à 2004, que vous ne pouvez tout de même pas imputer à une prétendue mauvaise gestion du parti socialiste ou du Tavini.
Alors, si nous ne disconvenons pas que des améliorations sont à apporter dans le système de représentation – puisque la circonscription électorale unique semble faire l'unanimité – voire dans l'organisation administrative, je vous invite, madame la ministre, à faire montre d'un peu d'humilité quant à la pertinence des actions menées par vos prédécesseurs et vous-même au cours de ces dernières années : sept ministres successifs, comme l'a rappelé notre collègue René Dosière. Le mauvais exemple ne vient-il pas d'en haut ?
Il va falloir que vous nous convainquiez que ce texte sur le fonctionnement des institutions de la Polynésie française, introduit au Sénat en avril dernier, quelque temps après l'élection de M. Temaru à la présidence de la Polynésie française, est bien motivé par la recherche d'une stabilisation politique de cette collectivité. Le meilleur moyen de nous convaincre serait d'affirmer le soutien loyal de l'État au gouvernement actuel et légitime de la Polynésie française et d'en apporter la preuve. Si, en revanche, vous profitez de l'adoption de ce texte pour remettre en cause l'administration en place en organisant de nouvelles élections en Polynésie française à moins d'un an des élections présidentielle et législatives, alors, nous comprendrons que l'UMP est toujours habitée par le démon de la revanche et de l'instabilité. Dans ce cas, c'est le peuple polynésien qui vous le signifiera lui-même.
Pour en revenir au texte,…