Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Bruno Sandras

Réunion du 30 juin 2011 à 10h30
Fonctionnement des institutions de la polynésie française — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Sandras :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si vous me le permettez, avant d'intervenir dans la discussion, je voudrais partager avec vous un sentiment de tristesse mêlé d'embarras quand, à la faveur de l'étude d'un projet de loi électoral concernant la Polynésie – la deuxième pour ce qui me concerne durant ce mandat, mais un peu plus pour les anciens que vous êtes –, certains de nos collègues en profitent pour se livrer, ce qui est, je le reconnais, leur droit le plus strict, à une analyse et à une présentation très négatives de la Polynésie devant la représentation nationale.

Mon cher collègue Dosière, avec tout le respect que je vous dois, vous ne pouvez imaginer les conséquences de tels propos et le retentissement qu'ils peuvent avoir en Polynésie. Quelque part, vous participez aussi un peu – cela n'engage que moi – à la dégradation progressive de l'image de la Polynésie, même si je partage à certains égards votre analyse. Lorsque nous avons abordé le projet de loi sur la Nouvelle-Calédonie et que j'ai vu le formidable consensus qu'il y avait sur ce texte, je me suis mis à rêver d'entendre les mêmes propos concernant la Polynésie française aujourd'hui. Je ne veux pas croire un seul instant qu'il faudra que la Polynésie passe par le chemin qu'a traversé la Nouvelle-Calédonie pour conquérir et acquérir à nouveau une image positive dans cette enceinte. C'est pourquoi je formule le voeu, madame la ministre, que ce sera la dernière fois que nous parlerons d'un texte sur la loi électorale en Polynésie française.

Mais puisque nous avons un texte sur lequel il faut travailler, je voudrais exprimer mon sentiment.

Voilà donc enfin soumis à l'Assemblée nationale cette réforme qui doit permettre d'améliorer le fonctionnement des institutions de la Polynésie française.

Je dis « enfin », car, pour moi qui ai vu se dégrader la situation économique et sociale de la Polynésie, pour moi qui ai vu nos concitoyens polynésiens perdre leur emploi, ne plus pouvoir assurer le gîte et le couvert à leurs enfants, ne plus pouvoir les envoyer à l'école, parce qu'elle est trop loin, parce que la cantine coûte trop cher, ne plus pouvoir les envoyer chez le médecin, oui, pour moi, député de la République et maire confronté à cette misère qui gagne nos villes et nos campagnes, je me dis que bien du temps a été perdu.

Bien sûr, les institutions fonctionnent, et c'est le propre de notre condition humaine, au gré des hommes et des femmes qui gouvernent. Mais que de temps a-t-il fallu pour se rendre compte que la situation institutionnelle de la Polynésie française l'a menée, non seulement au bout du gouffre, mais bel et bien dans une chute vertigineuse, qui la place bien loin de ce que d'aucuns dénomment les pays développés.

Voilà bientôt quatre ans que la Polynésie française, que les Polynésiens sont les victimes de graves carences qui affectent le fonctionnement des institutions locales, les victimes d'une instabilité chronique qui a mis à bas tous les ressorts du développement économique et social.

Depuis 2008, ce ne sont pas moins de cinq gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays, tous portés par des majorités hétéroclites, faites d'alliances de circonstances dans lesquelles se sont illustrés des hommes politiques sans vergogne – j'assume mes propos –, véritables mercenaires, n'ayant pour objectif que de s'accaparer une parcelle de pouvoir visant leur propre intérêt.

Depuis 2008, toutes les combinaisons auront été essayées par tous les partis politiques représentés à l'Assemblée de la Polynésie française. Tous se sont alliés pour mieux s'opposer ensuite…

Depuis 2008, nous avons battu tous les records avec un gouvernement qui ne durera que quarante-cinq jours ; avec une majorité de quarante-sept représentants sur cinquante-sept, qui huit mois plus tard, s'étiole et devient minoritaire ; avec un gouvernement qui, pendant presque un an, tient les rênes du pays en comptant au rang de ses soutiens à l'Assemblée moins de quinze, puis de dix représentants ; enfin, aujourd'hui, avec un gouvernement qui peine à maintenir une majorité de vingt-neuf représentants aussi hétéroclite que les précédentes…

La Polynésie a vu ses dirigeants, ses responsables, ses élus, fouler au pied tous les principes démocratiques, toutes les valeurs qui fondent l'action publique et au premier rang desquelles se trouve l'intérêt général. Et pendant ce temps, la situation économique et sociale n'a eu de cesse de se dégrader…

L'instabilité politique n'en est certes pas la seule cause, mais elle est le ferment de cette dégradation catastrophique qui plonge les Polynésiens dans la misère, les entreprises polynésiennes dans une situation de quasi-faillite, les investisseurs dans le doute et l'attentisme, et les pouvoirs publics dans l'inaction.

Alors oui, enfin, le Gouvernement a décidé de soumettre à la représentation nationale un projet qui vise à remédier – c'est, du moins, mon souhait le plus cher – à cette instabilité en gommant les effets désastreux de la loi Estrosi de 2007.

Pour autant, je voudrais dire, comme d'autres d'ailleurs l'ont déjà dit, que cette pierre apportée à l'édifice institutionnel polynésien, ne peut suffire à elle seule à garantir un meilleur fonctionnement des institutions locales. L'attitude, le comportement, l'état d'esprit de ceux qui prétendant gouverner, gérer la collectivité publique de Polynésie française, doivent en même temps radicalement changer. C'est une exigence. Mais c'est une exigence qui suppose que l'État se positionne clairement pour accompagner ceux qui, à l'issue d'un processus démocratique, se trouvent et se trouveront aux commandes pour gérer la Polynésie française. Ce positionnement ne doit pas être idéologique…Il doit être pragmatique et permettre d'offrir à nos concitoyens polynésiens la chance de pouvoir bénéficier de la même qualité de service public, des mêmes possibilités d'accès à un emploi, d'avoir un toit, de pouvoir satisfaire à ses besoins élémentaires, ceux qui fondent la dignité humaine.

Les valeurs républicaines et démocrates doivent reprendre le pas sur les jeux de pouvoir politiciens et malsains qui ont agité depuis tant d'années la classe politique locale. Ceux qui oublient l'intérêt général au profit de leur intérêt personnel doivent être mis au banc de la classe politique. Ils doivent être mis à l'écart, non par des mesures particulières, mais tout simplement par le jeu des valeurs démocratiques, par le jeu du suffrage universel direct. Et je crois que, de ce point de vue, nous avons déjà trop tardé.

Il faut également dire une chose sur l'objectif de cette nouvelle modification statutaire. Elle doit rompre avec le passé. Elle doit rompre avec un passé dont nous avons pu mesurer les conséquences désastreuses, tant pour le pays que pour l'image de la classe politique locale dans son ensemble. C'est d'ailleurs avec cette volonté que je présenterai un certain nombre de propositions d'amendements dans le cadre de nos débats.

Parmi ceux-ci, j'insisterai sur un amendement qui vise à revenir sur la suppression du Haut conseil de la Polynésie française. Celui-ci joue aujourd'hui, dans le dispositif institutionnel, un rôle important qui permet au Gouvernement de bénéficier d'un avis juridique essentiel dans le cadre du processus d'élaboration des « lois de pays ». Ne me regardez pas ainsi, cher collègue Dosière ! Je sais que c'est vous qui êtes à l'origine de l'amendement qui a supprimé le Haut conseil en commission des lois.

Présidé par un magistrat issu du corps des conseillers d'État, il exerce son activité de manière totalement indépendante et l'on comprend mal qu'au détour d'un amendement présenté en commission des lois, cette institution puisse se voir condamnée et disparaître du jour au lendemain.

Autre amendement, celui qui prévoit que, pour être candidat dans une section électorale, il faille être domicilié dans cette section.

Nous devons veiller à préserver la relation de proximité entre l'élu et l'électeur. C'est aussi ce qui garantira le choix objectif, et en toute connaissance de cause, de ce dernier. C'est également, à mon sens, ce qui évitera de voir migrer des candidats potentiels d'une section vers une autre, au gré de leur intérêt personnel.

C'est important aussi, afin que tous les territoires de la Polynésie française, et notamment les archipels éloignés, puissent être effectivement représentés par des personnes vivant dans lesdits archipels. Sinon, pour ce qui est des îles du Vent, là où se concentre la majorité des électeurs polynésiens – 90 % – il va falloir que vous m'expliquiez quel intérêt il y aurait à créer des sections si c'est pour permettre le vagabondage politique et la possibilité de se présenter dans la section que l'on souhaite.

Aujourd'hui, nous devons aborder les discussions sur le texte qui nous est présenté, sans esprit partisan, sans calcul préélectoral, simplement en nous posant la question de ce qui permettra effectivement de garantir le bon fonctionnement des institutions polynésiennes, dans le respect de l'intérêt général, avec le souci du fait démocratique.

C'est dans cet état d'esprit que je soutiens ce projet de texte qui me semble répondre aux principales préoccupations de nos concitoyens en Polynésie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion