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Intervention de Martine Billard

Réunion du 30 juin 2011 à 10h30
Fonctionnement des institutions de la polynésie française — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Billard :

Monsieur le président, madame la ministre, en préambule, je voudrais dire un mot des conditions dans lesquelles nous examinons ce projet de loi puisque le rapport n'a été accessible que vendredi soir, date butoir du dépôt des amendements. Chacun m'accordera qu'il est difficile d'amender sérieusement un texte sans disposer du travail du rapporteur. C'est d'autant plus dommageable que la procédure accélérée engagée sur ce texte, sans justification précise, nous privera d'une deuxième lecture.

Cela étant précisé, je viens au fond de ce projet de loi qui modifie les institutions de la Polynésie, les lois de 2004 et 2007 n'ayant guère permis d'assurer la stabilité politique. Depuis 2004, ce ne sont pas moins de onze gouvernements qui se sont succédé, à la faveur de renversements d'alliances et de pratiques parfois clientélistes.

Changer une nouvelle fois les règles du jeu électoral et modifier le fonctionnement des institutions n'aura évidemment pas d'impact direct sur la situation de grande difficulté économique et sociale qui est la principale préoccupation des Polynésiens.

Mais c'est sûrement un préalable nécessaire sans, bien sûr, être suffisant, pour être en mesure d'apporter de véritables réponses aux besoins de la population en matière d'emploi, de logement, d'éducation.

Ce texte prévoit d'abord la mise en place d'une circonscription unique composée de huit sections électorales. Le mode de scrutin retenu dans ce cadre est celui de la représentation proportionnelle avec prime majoritaire, c'est-à-dire un mode de scrutin très proche de celui utilisé pour les dernières élections régionales en métropole et que le Gouvernement a supprimé dans la réforme territoriale.

Vérité en métropole, erreur au-delà !

Le dispositif proposé aujourd'hui pour la Polynésie permettra d'assurer le pluralisme et la parité.

Notre groupe s'en félicite, même si ce dispositif, qui comprend plusieurs points positifs, n'est pas exempt de critiques ou d'interrogations.

Concernant la restauration de la prime majoritaire qui avait été supprimée en 2007, si celle-ci doit permettre au vainqueur des élections de disposer d'une majorité suffisante pour gouverner, elle ne doit pas pour autant constituer un frein à la représentation pluraliste des courants de pensée présents dans la vie locale. Il est certes complexe de concilier ces deux objectifs : dans l'état actuel du texte, la prime de dix-neuf sièges prévue risque de déformer la représentation, puisqu'une liste arrivée en tête avec un score relativement médiocre pourra compter trente sièges sur les cinquante-sept, et ainsi gouverner la Polynésie sans être représentative de plus du tiers de sa population.

De la même façon, le maintien du seuil de qualification au second tour des élections à 12,5% des suffrages exprimés limitera la pluralité des courants présents au second tour. On peut d'ailleurs s'étonner qu'ici un tel seuil ne nuise pas à la stabilité politique des institutions polynésiennes, alors qu'il a été au contraire relevé en métropole.

Plusieurs autres dispositions positives entendent améliorer le fonctionnement des institutions polynésiennes : ainsi, le nombre de ministres sera à nouveau limité – dans une fourchette de 7 à 10 – sachant que l'actuel gouvernement de M. Temaru en compte 10.

De la même façon, le président de la Polynésie ne pourra briguer plus de deux mandats successifs. Cette limitation est importante pour permettre le renouvellement des représentants polynésiens, mais aussi pour éviter que la recherche excessive de stabilité ne débouche sur un figement de la situation politique où la collectivité d'outre-mer deviendrait une baronnie, à l'instar de ce qu'elle a pu être dans le passé.

Enfin, le budget alloué au paiement des collaborateurs du Gouvernement est limité à 20% des dépenses de fonctionnement de la collectivité. En 2009, celui-ci en représentait plus de la moitié.

À ce chapitre, un nouvel article prévoit également le plafonnement des indemnités et rémunérations perçues pendant et après l'exercice du mandat de président ou de membre du gouvernement de la Polynésie française en cas de cumul de mandats ou de fonctions.

Autre point important : le fonctionnement de l'assemblée et la question des motions de défiance constructives. Comme on le sait, l'adoption relativement aisée de ces motions, au gré des recompositions des alliances politiques, a contribué à l'instabilité et à la valse des gouvernements. Le projet de loi en durcit fortement les critères d'application. Ainsi, pour le dépôt, il faudra non plus rassembler le quart des représentants, mais le tiers – soit dix-neuf – et c'est une majorité renforcée des trois-cinquièmes qui sera nécessaire pour son adoption – contre la majorité simple aujourd'hui.

Les critères retenus pour que l'assemblée de la Polynésie française adopte une motion de défiance sont si stricts que les gouvernements pourraient résister à toute motion alors même qu'ils ne seraient plus soutenus par les électeurs et par la majorité des représentants polynésiens !

À l'article 11, le projet de loi organique prévoit un verrou du même type pour les motions de renvoi budgétaire. Ainsi, pour qu'une motion de renvoi budgétaire soit adoptée, il faudra qu'un tiers au moins des représentants la dépose, et qu'elle soit votée à la majorité des trois-cinquièmes. Or, la discussion et le vote d'un budget constituent les temps forts de la vie de la collectivité territoriale. Le budget traduit les grands engagements et les axes forts de la politique menée. Il s'agit du principal levier d'action pour les pouvoirs publics. Il est donc quelque peu paradoxal de verrouiller à ce point les motions de défiance budgétaire : dans l'état actuel du texte, il est quasiment impossible de contester le budget proposé par l'exécutif, quand bien même celui-ci rencontrerait l'hostilité d'une grande partie des élus ou de la population.

On peut donc se demander si on a n'a pas tordu le bâton un peu trop fort dans l'autre sens.

Une quantité d'articles additionnels ayant trait à bien des domaines ont enrichi le texte initial. Encore une fois, la procédure accélérée nous empêche de réaliser correctement notre tâche de législateur.

En tout état de cause, si l'on peut comprendre le souci – légitime – d'assurer la stabilité aux institutions polynésiennes qui préside à ce projet de loi organique, veillons à ne pas tomber dans l'excès inverse : celui où les contre-pouvoirs seraient réduits à la portion congrue.

C'est dans cet esprit que les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche, apporteront un soutien critique au présent projet de loi organique, et resteront attentifs à l'évolution du texte.

Comprenez, madame la ministre, que nous voterons ce texte.

(M. Jean-Pierre Balligand remplace M. Jean-Christophe Lagarde au fauteuil de la présidence.)

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