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Intervention de René Dosière

Réunion du 30 juin 2011 à 10h30
Fonctionnement des institutions de la polynésie française — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRené Dosière :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme hier sur la Nouvelle-Calédonie, cette motion et la suivante sont un léger détournement de la procédure parlementaire. Compte tenu de l'importance du sujet, la situation en Polynésie, il est important que la population française soit bien informée, ce qui nécessite de prendre un peu plus de temps que ne le permet la discussion générale. C'est pourquoi j'ai décidé de défendre ces deux motions.

Au moment de prendre la parole, je pense à la population polynésienne, en particulier aux jeunes, qui, aujourd'hui plus encore qu'hier, connaissent des difficultés considérables, doutent de leur avenir et des possibilités d'emploi. J'espère que nous parviendrons, tous ensemble, à trouver les solutions qui leur permettront d'espérer dans des temps meilleurs. La Polynésie n'est pas la destination de rêve dont elle a l'image ; sa réalité sociale est bien différente.

Madame la ministre, c'est le troisième texte sur la Polynésie depuis 2004, et le quatrième mode de scrutin : l'un a été voté, en février 2007, mais n'a pas servi. Chaque fois, ces modes de scrutin devaient assurer la stabilité des institutions. Le résultat a plutôt été, comme vous l'avez rappelé, ainsi que le rapporteur, une instabilité forte. Pas moins de trois présidents se sont succédés : Gaston Flosse, communément appelé en Polynésie « Gaston », Oscar Temaru, appelé « Oscar », et Gaston Tong Sang, appelé « Gaston le petit » pour le différencier de « Gaston ». (Sourires.)

Je souligne tout de même, pour relativiser cette situation, que, sur la même période, nous avons eu six ministres de l'outre-mer. L'instabilité est donc un peu partagée. Toutefois, nous n'avons eu que deux présidents de la République, et nous savons que, dans notre système, c'est à la Présidence que les choses se décident.

Pour bien mesurer cette instabilité, il faut également prendre en considération les changements de ministres sous une même présidence.

Cette instabilité a des conséquences économiques importantes. Le rapport Bolliet permet d'avoir une vision claire des choses : je ne sais pas si les responsables polynésiens s'en rendent compte mais la Polynésie est au bord du gouffre. D'aucuns diront que la Polynésie a été victime de la crise. En métropole, la crise, on nous la sert beaucoup ! Cependant, l'Institut d'émission d'outre-mer, l'IEOM, affirme que les problèmes économiques de la Polynésie ne sont pas dus à la crise internationale mais à « une perte de confiance des acteurs économiques, découragés par la persistance de l'instabilité politique ».

Il faut savoir que le pouvoir financier et économique de la collectivité polynésienne est très fort, non seulement par le biais de son budget, mais aussi en raison de l'existence d'une multitude de sociétés d'économie mixte, dont les présidents du conseil d'administration, les directeurs, les cadres changent avec les ministères.

Aucune vision d'avenir n'est donc possible. J'ai lu l'un des rapports de la chambre territoriale des comptes sur l'office des postes et télécommunications de Polynésie, l'OPT : ce rapport est accablant. Voilà une société qui dispose de réserves financières importantes, avec une activité très forte, et qui n'a pourtant aucune stratégie d'avenir et est incapable d'en définir une ! On gère au jour le jour : quand le président et le directeur changent tous les six mois, comment faire autrement ? La seule chose qui ne change pas, c'est leur rémunération, ou plutôt elle augmente à chaque fois…

Cette situation a des conséquences économiques gravissimes. J'insisterai davantage sur la situation économique en présentant la seconde motion. Il est urgent de redresser la situation.

Pour cela, il faut d'abord ne pas commettre les mêmes erreurs que par le passé. L'instabilité date de 2004. Entre 1996 et cette date, il n'y a pas eu d'instabilité. Gaston Flosse, président du gouvernement, avait obtenu en 1996 une majorité absolue qui lui a été renouvelée en 2001.

En 2004, il impose un changement de statut. Il avait une majorité de plus de 50 % ; mais peut-être voulait-il plus des trois cinquièmes. Il présente, en tout cas, un amendement au Sénat, peut-être pas en pleine nuit, mais à dix-huit heures, sans examen préalable en commission.

Il faut se rappeler ce qu'était cet amendement Flosse de 2004 sur le mode de scrutin. Premièrement, le nombre des élus passait de quarante-neuf à cinquante-sept. Deuxièmement, le nombre de circonscriptions passait de cinq à six. Troisièmement, le scrutin proportionnel que proposait le Gouvernement était remplacé par un scrutin majoritaire avec une prime de 33 % par circonscription.

Je ne résiste pas au plaisir de vous lire ce qui s'est alors passé au Sénat. « La parole est à M. Gaston Flosse. M. Flosse : Cet amendement répond au souci de permettre de dégager une majorité homogène au sein de l'assemblée de la Polynésie française. Ce régime est inspiré de celui qui concerne l'élection des conseillers régionaux avec les adaptations nécessaires à la Polynésie française.

« M. le président : Quel est l'avis de la commission ?

« M. Lucien Lanier, rapporteur : La commission est favorable à cette modification du mode de scrutin » – Je rappelle qu'elle n'avait rien examiné du tout –. « Cependant, si le Gouvernement avait quelque objection, elle reverrait peut-être son point de vue. » En clair, le rapporteur voulait bien dire oui, mais il voulait savoir si le Gouvernement en était d'accord.

À ce moment-là, M. le président se tourne vers le Gouvernement, et Mme Girardin dit : « Favorable. » Elle n'en dira pas plus sur le sujet puisque, quand elle présentera le projet de loi organique à l'Assemblée, elle ne soufflera mot du mode de scrutin que Gaston Flosse avait imposé.

Mes chers collègues de la majorité, c'est ce mode de scrutin que vous avez voté. Monsieur le président, pour ne pas vous faire tomber de votre siège, je précise une fois pour toutes que lorsque je parle, s'agissant de la Polynésie, de la majorité, il ne s'agit pas de l'UDF ou du Nouveau Centre, et notamment pas de votre attitude car, en ce qui vous concerne, vous avez été en accord avec les socialistes et en désaccord avec la majorité sur tous les textes concernant la Polynésie. Ne vous sentez donc pas visé, monsieur le président.

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