La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Jean-Michel Villaumé, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre chargé de l'industrie.
Monsieur le ministre, vous avez mis en place une commission chargée d'anticiper les évolutions du secteur automobile. Selon son rapport, 25 000 emplois seraient en danger chez les sous-traitants, 14 000 chez les équipementiers. Les filières de la plasturgie, du caoutchouc et du moulage-outillage sont promises à de grosses restructurations, qui s'inscrivent dans une baisse continue de la production automobile en France.
Un fonds d'aide aux entreprises de la sous-traitance a été créé fin 2009. Mais avec quel résultat ? Depuis 2009, 54 000 emplois ont été supprimés dans le seul secteur de l'automobile.
Mais cette explosion du chômage est surtout liée à une véritable destruction de l'outil industriel. L'industrie française connaît une crise durable. Entre 2002 et 2008, près d'un demi-million d'emplois ont été détruits. Depuis 2002, vos politiques libérales ont accompagné et amplifié le démantèlement de l'outil industriel.
La disparition de l'industrie entraîne une dégradation du commerce extérieur, une panne du pouvoir d'achat, une précarisation des salariés et des bassins de vie.
Dans nos régions, les salariés se battent pour sauvegarder leur emploi. Je pourrais citer de nombreux cas : Molex en Haute-Garonne, PTPM à Reims, Faurecia, Key Plastics en Franche-Comté.
Aujourd'hui, l'industrie française n'a pas besoin d'aides gouvernementales apportées aux grands groupes sans contrepartie, mais d'une véritable ambition au service des savoir-faire, de l'innovation et de toutes les entreprises, notamment les PME-PMI.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, le PS vous offre cinquante-quatre propositions détaillées…
Monsieur le député, je profite de votre question pour vous communiquer les résultats de la reprise des commandes industrielles au dernier trimestre 2009 : plus 4,9 %.
Sur le seul mois de décembre, plus 14,9 %. Les commandes à l'export : plus 19,5 %. Pour une industrie que vous brocardez, ce n'est quand même pas si mal, face à la nouvelle stratégie industrielle du Gouvernement.
Oui, bien sûr, il y a un rapport. Je l'ai commandé moi-même, début novembre. Et vous avez rappelé que j'ai mis en place une commission dédiée à la sous-traitance automobile. Je trouvais en effet anormal que là où l'État avait apporté près de 6 milliards d'euros d'aides aux grands industriels de l'automobile et aux grands équipementiers, à savoir d'abord PSA et Renault, nos sous-traitants de rang 2 et plus ne soient pas mieux accompagnés et mieux aidés qu'ils ne l'ont été.
Grâce à ce rapport décrivant les périls qui pèsent sur 2010, nous avons décidé, dans une commission à laquelle ont participé un certain nombre de députés, dont Marcel Bonnot, d'apporter, à travers un fonds d'aide à la sous-traitance, 50 millions d'euros à ces entreprises. D'autre part, l'une des conclusions des états généraux de l'industrie était qu'il fallait réorganiser la relation entre donneur d'ordre et sous-traitant pour aller vers plus de justice, et pour que les grands industriels aident plus, par les commandes d'équipements, l'ensemble de nos sous-traitants.
C'est ce à quoi nous veillons d'abord dans votre bassin d'emploi, monsieur le député, qui est l'un des plus concernés. Je veux d'ailleurs vous apporter une bonne nouvelle, puisque vous êtes maire d'Héricourt : sur le territoire de Lure-Luxeuil, où Michel Raison a fait des demandes, c'est 1 million d'euros au titre du FNRT que le Gouvernement a apportés pour soutenir la filière automobile. Voilà la nouvelle stratégie en faveur de l'automobile. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de l'industrie. J'y associe André Flajolet, député du Pas-de-Calais.
Les salariés de la raffinerie des Flandres sont dans l'incertitude quant à leur avenir, et sont légitimement inquiets compte tenu du flou que Total a entretenu dernièrement sur celui de la raffinerie. Les salariés et sous-traitants – près de 800 personnes – ne comprennent pas que Total, qui est l'une des premières entreprises françaises et réalise des bénéfices importants, ne donne pas spontanément davantage de visibilité sur l'avenir du site de Dunkerque, arrêté depuis septembre 2009.
Dès le début de la grève, j'ai rencontré les représentants syndicaux et les salariés de Total. J'ai pu constater leur volonté de reprendre le raffinage dans des conditions sereines. L'attente d'une décision toujours reportée est devenue pour eux difficilement supportable. L'atmosphère est pesante tant le moral des salariés et de leur famille est sinistré par l'inactivité.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d'être intervenu activement et d'avoir demandé à Total, qui ne l'avait pas fait spontanément, de s'engager au plus vite sur des perspectives d'avenir pour le site de Dunkerque. Comme l'a fait le Président de la République ce matin, vous avez reçu le président de Total afin de lui demander des garanties et des engagements fermes pour la pérennité du site.
L'enjeu économique et social est essentiel pour une région qui a déjà connu une série noire en matière d'emploi ces derniers mois : je pense notamment aux suppressions de postes aux Tréfileries de Bourbourg et à la fermeture de l'usine Rexam à Gravelines.
Pouvez-vous nous rappeler les différentes demandes que vous avez faites auprès de Total et la nature des engagements que vous avez reçus de la part de la direction, afin que nous puissions rassurer les salariés ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, je sais quelle part vous avez prise, avec plusieurs élus du Pas-de-Calais, dans la relation avec les salariés sur le port de Dunkerque, et je veux vous en remercier. (« C'est dans le Nord ! » et vives exclamations sur de nombreux bancs des groupes SRC et GDR.) Oui, dans le Nord-Pas-de-Calais.
Conformément au souhait du Premier ministre, notre attitude a été ferme en toutes circonstances. Nous avons demandé qu'on ne laisse pas les salariés de la raffinerie des Flandres dans le flou et que l'on dise clairement si l'on maintenait l'ouverture de la raffinerie ou si l'on proposait une véritable activité de substitution. Nous sommes heureux que le Président de la République soit intervenu lui-même et que la négociation ait été rouverte ce matin entre la direction de Total et les salariés.
Par ailleurs, dans la discussion en cours en ce moment, Total a pris l'engagement ferme de maintenir toutes les raffineries, à part Dunkerque, en activité pour les cinq ans qui viennent. Le comité central d'entreprise, qui devait se tenir le 29 mars, aura lieu le 8 mars. Les salariés sauront alors très clairement si la raffinerie rouvrira ; sinon, ils se verront soumettre des propositions pour pérenniser l'activité du bassin industriel de Dunkerque.
Enfin, une demande importante des salariés de Dunkerque et de toutes les raffineries françaises porte sur la réunion d'une table ronde sur l'énergie. Le Gouvernement et le Président de la République ont fait savoir que l'État était prêt à l'organiser au deuxième trimestre.
Vous le voyez, notre stratégie industrielle au bénéfice d'une grande entreprise, Total, et de ses salariés est au rendez-vous ; elle met en place les conditions pour relever le défi de l'avenir.
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
La campagne que mène le Gouvernement sur la question des retraites est une véritable tromperie. Vous avez déclaré que le trou à combler serait de 100 milliards d'euros au moins en 2050. Cela représente 2,5 milliards par an. Or, en huit ans de gouvernement de droite, vous avez dépensé chaque année le double en cadeaux fiscaux, pour l'essentiel en faveur des plus riches. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Mais cela n'est rien ! Comment dire que la France ne peut plus financer les retraites alors que, en dix ans, les 500 plus grosses fortunes françaises se sont enrichies de 160 milliards d'euros ; que, selon la Cour des comptes, 25 milliards d'exonérations de cotisations sociales ne servent pas à l'emploi ; qu'en vingt ans la part des cotisations patronales est passée de 40 % à 10,5 % ; que le coût fiscal pour la France des paradis fiscaux est d'au moins 50 milliards ; que 4 millions de chômeurs représentent une perte de cotisations de plus de 40 milliards d'euros ; qu'élargir l'assiette des cotisations aux revenus financiers des entreprises rapporterait 20 milliards. Sans parler du stress au travail, qui coûte plusieurs dizaines de milliards d'euros à notre pays.
Voilà de quoi payer trois à quatre fois le coût des retraites !
Monsieur le Premier ministre, au lieu d'imposer un véritable recul de civilisation à nos compatriotes au profit d'une petite caste de milliardaires, êtes-vous prêt à une vraie réforme, celle d'une autre répartition des richesses, qui paierait largement les retraites de nos concitoyens et leur protection sociale tout en soustrayant une masse d'argent à la spéculation, dont on mesure aujourd'hui les effets désastreux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
Monsieur le député, une fois de plus, l'opposition n'a d'autre idée que de créer des taxes sur le travail des Français. (Protestations sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Dites clairement, monsieur Sandrier, que vous voulez taxer les livrets d'épargne, les CODEVI, les plans d'épargne logement ! (Mêmes mouvements.) Dites clairement que vous voulez priver les Français d'une partie de leur pouvoir d'achat ! (Mêmes mouvements.)
Vous nous dites qu'il faut taxer les stock-options. Savez-vous combien on en lève tous les ans ? Pour 2 milliards d'euros qui, déjà, supportent l'impôt sur le revenu et la taxe spéciale que le gouvernement Fillona créée. (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Expliquez-moi donc comment, avec une assiette de 2 milliards, vous allez régler un déficit qui avoisine aujourd'hui 30 milliards.
Vous proposez aussi de supprimer les allégements sur les bas salaires, dont je signale qu'ils ont été créés par Mme Aubry pour compenser une partie des effets des 35 heures.
Tous les observateurs savent que toucher aux allégements de charges sociales sur les bas salaires créerait 800 000 chômeurs de plus. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC.)
Faut-il rappeler que c'est cette majorité qui a mis en place un prélèvement sur les stock-options, qui a décidé de taxer au premier euro les plus-values financières, qui a doublé les taxations des retraites chapeaux, qui a prélevé des cotisations sur les parachutes dorés ?
Plutôt que de donner des leçons, vous auriez dû voter ces mesures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ma question s'adresse à Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.
L'industrie de la chimie joue un rôle stratégique dans le développement de l'économie française puisqu'elle emploie plus de 180 000 salariés et représente 14 % de l'ensemble des investissements industriels.
Ce secteur particulièrement dépendant de la conjoncture économique a été frappé de plein fouet, d'une part, par la spéculation sur les matières premières et, d'autre part, par le ralentissement spectaculaire de l'activité de ses principaux clients – l'automobile, la construction, la sidérurgie, le textile – entraîné par la crise financière et économique.
Alors que le secteur de la chimie a connu en 2009 son plus fort repli depuis dix ans, il doit aujourd'hui faire face à une véritable mutation. Le règlement REACH, entré en vigueur le 1er juin 2007, a en effet fixé un nouveau cadre pour la gestion des risques liés à l'utilisation des produits chimiques utilisés dans l'Union européenne. Ainsi, 30 000 substances vont devoir être enregistrées auprès de l'Agence européenne des produits chimiques, d'ici à onze ans, dont 9 000 dès le 30 novembre 2010.
REACH constitue un progrès considérable dans la prise en compte des enjeux environnementaux et sanitaires, mais peut avoir également des conséquences économiques graves, puisque les entreprises qui n'auront pas rempli l'obligation d'enregistrement ne pourront plus commercialiser leurs produits. Les dossiers d'enregistrement sont complexes et difficiles à rédiger.
Madame la secrétaire d'État, ma question est simple : quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour accompagner les entreprises du secteur de l'industrie chimique, afin de concilier les enjeux essentiels que sont le développement économique, le respect de l'environnement et la protection de la santé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.
Monsieur Vigier, vous avez à juste titre rappelé que REACH est probablement l'un des règlements européens les plus ambitieux qui aient été adoptés et l'un des plus importants quant à ses conséquences pour les entreprises.
Pas moins de 150 000 produits chimiques sont aujourd'hui en circulation et REACH prévoit que les produits chimiques mis sur le marché seront évalués en fonction de leur tonnage. Nous devrons donc évaluer en onze ans 30 000 produits. L'enjeu est très simple : 2 000 à 4 000 décès seront ainsi évités en Europe chaque année.
Cependant, il est vrai que la principale difficulté réside pour les PME dans la constitution de leur dossier. Dans le cadre de ce règlement, il y a très exactement 182 000 emplois à la clef. C'est la raison pour laquelle nous avons récemment lancé, à Bry-sur-Marne, avec votre collègue Gilles Carrez, un plan qui vise à accompagner dans un premier temps 5 000 petites entreprises, à leur apporter un conseil individualisé et tous les moyens dont dispose l'industrie chimique pour constituer ces dossiers.
Je veux souligner que la France a été dans ce domaine très active. Nous sommes à l'origine d'un tiers des demandes de retrait de substances chimiques jugées dangereuses pour que leur soient substitués d'autres produits. Nous avons adopté l'une des réglementations les plus strictes en termes de sanctions, à l'image de celle de l'Allemagne.
Les enjeux sont clairs : l'écologie, la sécurité sanitaire et, en même temps, le maintien des emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Delebarre, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, ma question s'adresse à vous parce qu'elle porte sur l'avenir de l'industrie du raffinage en France.
Je pourrais légitimement, avec mes collègues Christian Hutin et Bernard Roman, vous interroger sur l'avenir de la raffinerie Total de Dunkerque, sur les garanties qui peuvent être apportées aux centaines de salariés de la raffinerie et aux centaines de sous-traitants, sur les assurances à donner face aux répercussions négatives pour le port de Dunkerque, sur le devenir de l'agglomération dunkerquoise, qui sera touchée au coeur par l'avenir de cette activité. Je vous rappelle, monsieur le ministre de l'industrie, que Dunkerque et son agglomération se situent sur le littoral du département du Nord, et non dans le Pas-de-Calais, département dont les élus ont, par ailleurs, toute mon estime. (Sourires.)
Mais, monsieur le Premier ministre, le conflit qui a trouvé son point de focalisation à Dunkerque concerne la conception qu'a le Gouvernement de l'industrie du raffinage en France. Notre pays ne peut laisser à un opérateur, aussi puissant soit-il, le soin de décider des approvisionnements à terme de nos raffineries. Si la France a pour ambition d'avoir une véritable politique industrielle nationale et européenne, elle ne peut s'en remettre aux fluctuations des importations dans un secteur aussi stratégique que le raffinage et les carburants.
Il y a plus d'un mois, je vous ai saisi, monsieur Estrosi, d'une demande de table ronde nationale associant les syndicats de salariés, les opérateurs, les élus des secteurs concernés et le Gouvernement. Vous m'avez répondu, il y a quelques jours, que cela relevait du domaine de compétence de M. Jean-Louis Borloo. Mais l'enjeu n'est pas, ni pour les salariés de la raffinerie Total de Dunkerque, ni pour les élus des secteurs concernés, une partie de mistigri gouvernementale. Notre souhait – vous y avez répondu – est la programmation d'une table ronde qui permettra d'évoquer l'ensemble des problèmes du raffinage.
Je forme des voeux pour qu'elle puisse se réunir le plus vite possible, vous l'avez annoncé, et pour qu'elle nous permette de sortir d'une situation qui n'a que trop duré et qui se prolonge au détriment, d'abord, des salariés directement concernés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur Delebarre, député du Nord, vous avez parfaitement situé le problème. Il est vrai que tout est parti du flou dans lequel ont été laissés, depuis le mois de septembre, les salariés de la raffinerie des Flandres, qui n'ont pas eu d'informations précises.
C'est pourquoi, sous l'impulsion du Premier ministre, le Gouvernement n'a cessé de répéter qu'il était urgent que l'on définisse clairement l'avenir de la raffinerie et plus largement du bassin industriel de Dunkerque. La pérennité de l'emploi des salariés de Total et celle des sous-traitants en dépendent, ainsi que la stabilité de l'activité industrielle du port de Dunkerque.
En même temps, cela a permis d'ouvrir un grand débat sur l'avenir du raffinage et de la politique énergétique, dossier que défend M. Jean-Louis Borloo avec pertinence et ténacité.
Au moment où nous nous réjouissons que la négociation ait pu reprendre ce matin, …
…à la demande du Gouvernement d'ailleurs, entre la direction de Total et l'ensemble des salariés, vous nous rappelez l'une des revendications importantes des salariés de Total. Ils souhaitent que soit ouverte une table ronde sur l'énergie à laquelle participerait le Gouvernement. Je vous confirme qu'à la demande du Président de la République, l'État prendra l'initiative, au deuxième trimestre, de la tenue d'une table ronde sur l'avenir de l'énergie dans notre pays, à laquelle nous participerons.
J'ajoute que nous avons obtenu que Total prenne l'engagement devant ses salariés qu'aucune des autres raffineries ne serait touchée dans les cinq ans qui viennent. Nous avons également obtenu que soit avancée du 29 mars au 8 mars la date du comité central d'entreprise concernant l'avenir du site de Dunkerque. Voilà toutes les décisions prises par Total sur lesquelles le Gouvernement et le Président de la République ont pu peser.
La parole est à M. Daniel Poulou, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Samedi prochain, va s'ouvrir le salon international de l'agriculture. C'est toute la communauté agricole française qui vient présenter son terroir, ses produits, son savoir-faire, tout ce qui fait la richesse de notre agriculture et met ainsi en lumière la place primordiale de notre pays sur la scène européenne.
Hier, à Bruxelles, lors du Conseil des ministres de l'agriculture, en compagnie du nouveau commissaire européen, M. Dacian Ciolos, vous avez proposé plusieurs mesures, nécessaires, de régulation concernant les marchés agricoles en Europe.
Parmi celles-ci, vous avez prévu une "clause de sauvegarde généralisée" permettant de prendre des mesures exceptionnelles en cas de crise sanitaire.
Des mécanismes d'intervention plus rapides et plus souples, ouverts à tous les secteurs agricoles, pourraient être mis en place pour une meilleure prise en charge de nos agriculteurs.
Je sais, monsieur le ministre, le souci que vous avez de moderniser notre agriculture et l'attention que vous portez à toutes ses difficultés. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous informer des conclusions de ce Conseil des ministres, des mesures que vous comptez prendre et de leur calendrier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le député, la volatilité des prix est insupportable pour le monde agricole : 400 euros la tonne de lait une année, 260 euros l'année suivante ; 300 euros la tonne de blé l'année dernière, à peine plus de 120 euros cette année. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe SRC.)
Il n'y a qu'une seule réponse appropriée pour lutter contre la volatilité des prix agricoles mondiaux : la régulation des marchés à l'échelle européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
C'est pourquoi nous avons, le 10 décembre dernier, lancé l'appel de Paris avec vingt-deux autres pays européens.
Nous avons obtenu une intervention européennesur le marché du lait pour faire remonter les prix.
Nous avons réussi à ouvrir la discussion avec la Commission, notamment avec le nouveau commissaire, M. Dacian Ciolos, qui est ouvert aux idées françaises sur la régulation européenne des marchés agricoles.
Cette régulation, je l'ai présentée hier au Conseil des ministres de l'agriculture. Elle comporte trois volets.
Il s'agit d'abord de permettre à chaque agriculteur de mieux se prémunir contre les aléas économiques grâce à des dispositifs assurantiels et à des caisses de solidarité alimentées par des fonds privés et publics. (« Bravo » ! sur les bancs du groupe SRC.)
Il s'agit ensuite de renforcer les interprofessions en leur donnant les moyens de fixer les prix et les termes des contrats, ce qui permettra aux producteurs de savoir combien ils gagneront, sur la durée la plus longue possible.
Il s'agit enfin de permettre la régulation à l'échelle européenne avec le renforcement de l'intervention que nous avons obtenu sur le prix du lait, avec de nouveaux dispositifs comme une clause de sauvegarde en cas d'effondrement des prix ou avec des mesures concernant la transparence sur les prix, les marges et les volumes à l'échelle européenne.
Grâce à cette régulation européenne, nous serons en mesure de lutter contre l'instabilité que nous connaissons aujourd'hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Le 28 janvier 2010, l'académie de La Réunion a pris une décision grave en modifiant, malgré l'opposition unanime des représentants des personnels, la carte de l'éducation prioritaire.
L'adoption de la nouvelle carte aura des retombées non négligeables sur l'avenir de plusieurs centaines d'enfants puisqu'elle risque de se solder par l'exclusion de plus d'une trentaine d'écoles des réseaux « réussite scolaire », « ambition réussite » et ZEP. Les enfants qui y sont scolarisés ne bénéficieront plus du soutien spécifique et des moyens supplémentaires dont ils ont pourtant besoin.
Malgré les difficultés et les retards des élèves, que personne ne conteste et que les différentes évaluations de compétences ne cessent d'ailleurs de confirmer, la suppression des dispositifs pédagogiques renforcés est programmée contre toute logique.
La règle retenue, selon laquelle le sort des écoles est décidé en fonction des critères mesurés non pas dans le primaire mais dans les collèges, aboutit à des résultats pour le moins contestables.
Les écoles de la commune de Saint-Paul risquent d'être particulièrement touchées alors même que plus d'un petit Saint-Paulois sur deux rencontre de grandes difficultés scolaires à l'entrée en sixième.
Tournant le dos à la situation réelle des enfants, les critères de seuil sont appliqués de façon mécanique. Comme si l'éducation prioritaire, dont le but est de rétablir l'égalité des chances, devait elle aussi contribuer à l'objectif général de réduction des personnels et des moyens.
Dans une académie où l'éducation prioritaire est majoritaire puisqu'elle concerne plus de la moitié des élèves du premier degré, toute décision en ce domaine nécessite au préalable un dialogue, une concertation et, en tout cas, davantage de discernement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous vous demandons donc de remettre sur le chantier la révision de la carte de l'éducation prioritaire à La Réunion et de surseoir aux fermetures. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
Madame la députée, nous pouvons nous retrouver au moins sur un point, à savoir notre combativité commune à défendre le réseau « ambition réussite ».
Créé en 2006, ce réseau a succédé aux zones d'éducation prioritaire. Quatre ans après, nous avons décidé d'en faire une évaluation objective. Ce travail est mené actuellement dans l'ensemble des académies de notre pays, en métropole et outre-mer. Nous en sommes à la dernière étape du bilan. J'ai demandé aux différents corps d'inspection de réfléchir à la pertinence des critères qui avaient été définis en 2006 lorsque nous avions élaboré la carte du réseau « ambition réussite ».
Je voudrais en rappeler l'importance à l'académie de La Réunion : 54 % des collèges et 55 % des écoles sont concernés. Ce réseau est absolument prioritaire.
C'est la raison pour laquelle, madame la députée, le Premier ministre a décidé, dans le cadre du conseil interministériel de l'outre-mer, de généraliser l'accompagnement éducatif dans les écoles de l'ensemble de l'outre-mer. À La Réunion, toutes les écoles de l'île bénéficieront, à la rentrée prochaine, de l'accompagnement éducatif, c'est-à-dire d'une prise en charge après seize heures. Quant au réseau lui-même, une concertation sera menée avec les collectivités territoriales. Nous croyons à ce réseau parce que nous croyons à la nécessité de faire davantage pour les établissements qui en ont le plus besoin. Cela étant, les critères ne peuvent pas être figés ; ils doivent être adaptés et tenir compte de l'évolution de la situation. Laissons se dérouler cette évaluation ; nous déciderons ensuite de l'adaptation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. –Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Manuel Aeschlimann, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la garde des sceaux, vous avez annoncé ce matin la teneur et l'échéancier du projet de réforme de la procédure pénale, qui doit vous permettre d'en garantir, d'un bout à l'autre, la lisibilité, l'impartialité et l'équité.
Le projet de réforme réaffirme en particulier le caractère exceptionnel de la garde à vue, en tenant compte de la gravité des faits reprochés et de la durée de la peine d'emprisonnement encourue, tout en accroissant les droits de la personne gardée à vue et en développant les interventions de l'avocat.
En ce qui concerne le droit à l'assistance d'un avocat, de nombreuses nouveautés sont proposées.
Tout d'abord, le texte prévoit expressément que, en matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations que le gardé à vue aurait prononcées sans bénéficier de l'assistance d'un avocat.
En outre, le projet permet à l'avocat de recevoir, pendant la première période de garde à vue, une copie des procès-verbaux des auditions de son client.
Enfin, si les auditions sont prolongées au-delà de vingt-quatre heures, le gardé à vue pourra être assisté par son avocat lors de ses auditions, durant toute la durée de la prolongation. L'avocat pourra également poser des questions et formuler des observations.
On ne peut que se réjouir de ces évolutions satisfaisantes. Tel était le sens de la proposition de loi que j'ai pris l'initiative de déposer il y a deux mois, avec le soutien de plusieurs de mes collègues, et qui vise à instituer la présence de l'avocat durant tous les actes de procédure établis au cours de la garde à vue.
Madame le garde des sceaux, ne pensez-vous pas que l'on puisse aller encore plus loin, en développant l'assistance de l'avocat dès la première audition, afin de garantir concrètement le droit à un procès équitable ?
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Monsieur Aeschlimann, pourquoi fallait-il une réforme de notre procédure pénale ? Parce qu'à force de réformes successives et d'empilements de textes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…
…la procédure pénale était devenue incompréhensible et illisible ; elle était même soupçonnée de partialité.
Voilà pourquoi le Président de la République a souhaité une modernisation de la procédure pénale qui garantisse mieux les droits de la défense et accroisse ceux des victimes.
C'est donc une réforme globale que j'ai lancée, dans un esprit de concertation et d'ouverture. Un groupe de travail a été constitué d'emblée autour de moi, auquel participe le secrétaire d'État, et qui réunit des magistrats, des avocats, des universitaires et des parlementaires de toutes tendances.
Le texte continuera de faire l'objet d'une très vaste concertation, qui débutera la semaine prochaine et à laquelle syndicats de magistrats, associations de victimes, syndicats de policiers et représentants des avocats et des grandes institutions seront associés. Cette concertation durera deux mois, et le texte initial, à partir duquel il s'agira de travailler, sera enrichi par toutes les propositions utiles.
Quant au fond, le texte comporte effectivement d'importantes avancées, qu'il s'agisse de la procédure elle-même – laquelle garantit une meilleure séparation entre l'enquête et son contrôle – ou de la garde à vue. Ainsi, le recours à cette dernière est limité aux strictes nécessités de l'enquête ; des cas sont prévus où la faible importance des infractions permet une audition libre si la personne mise en cause l'accepte ; en outre, le fait que l'aveu ne peut être admis à lui seul comme preuve est inscrit dans la loi.
Enfin, les droits des gardés à vue et de leurs avocats sont accrus, ce qui va dans votre sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Henri Jibrayel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, demain, à l'appel de sept fédérations syndicales, les retraités seront dans la rue pour protester contre la baisse de leur pouvoir d'achat,…
…qui ne cesse de fondre année après année à cause des mesures Balladur de 1993 et de la loi Fillon de 2003.
Plus d'un million de personnes âgées vivent sous le seuil de pauvreté et nombre d'entre elles sont logées dans des conditions catastrophiques. Chaque jour, nos aînés sont confrontés à la hausse du coût de la vie, celui de la santé, de l'alimentation, du logement, de l'énergie. Le « président du pouvoir d'achat » a abandonné les femmes et les hommes qui ont fait la France d'aujourd'hui.
Au-delà du pouvoir d'achat, alors que le Gouvernement affirme à propos de la réforme des retraites qu'il ne veut pas passer en force, il a déjà scellé le sort des infirmières en ignorant la pénibilité de leur profession.
Le Gouvernement refuse de lever le bouclier fiscal. Les pensions n'ont augmenté que de 1,9 % en 2009, alors que la hausse du prix des produits de première nécessité était de 5 %. Monsieur le Premier ministre, les retraités ne seront pas dans la rue pour demander l'aumône !
Écoute, François ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Une fois de plus, allez-vous enfin adopter les dispositifs urgents qui sont nécessaires pour garantir le pouvoir d'achat de tous les retraités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
Monsieur Jibrayel, c'est ce gouvernement qui a garanti le pouvoir d'achat des retraités (Protestations sur les bancs du groupe SRC) : vous le savez, la loi dispose explicitement que les pensions sont revalorisées chaque année (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) en fonction de l'évolution de l'indice des prix.
C'est aussi ce gouvernement qui a voulu porter secours aux retraités placés dans les situations les plus délicates. (Mêmes mouvements.) Je rappelle que le minimum vieillesse sera ainsi revalorisé de 25 % d'ici à 2012 (Mêmes mouvements) et que les pensions de réversion des 600 000 veuves et veufs les plus modestes l'ont été de 11 % au 1er janvier dernier. (Mêmes mouvements.)
Je rappelle en outre que 230 000 retraités de l'agriculture, dont la situation était particulièrement difficile, ont bénéficié d'un effort de cent millions d'euros, que vous n'aviez pas consenti avant nous. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Enfin, en ce qui concerne les infirmières, je ne vois pas où est le problème. De deux choses l'une : soit elles choisissent la nouvelle qualification et la nouvelle rémunération et prennent donc leur retraite plus tard, soit elles s'en tiennent au statu quo. Cela ne vaut pas la peine de polémiquer (Protestations sur les bancs du groupe SRC) : qu'il s'agisse des retraites ou des statuts nouveaux que nous instituons, le Gouvernement est vigilant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Yves Albarello, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question, à laquelle j'associe mon ami Philippe Briand, député d'Indre-et-Loire, s'adresse à Mme Christine Lagarde.
Le Président de la République s'était engagé pendant sa campagne à réformer la taxe professionnelle et il a tenu sa promesse : la réforme est faite.
Réformer un impôt devenu inadapté n'a pas été chose facile mais les travaux conjoints du Gouvernement et du Parlement ont abouti à une réforme équilibrée, qui assure aux communes le maintien de leurs ressources et améliore de façon significative la compétitivité de nos entreprises, confrontées à la vive concurrence issue de la mondialisation des échanges.
Néanmoins, cette réforme a été critiquée par certains, non loin de ces bancs, et a fait l'objet d'une campagne de désinformation violente et déplacée.
Toutefois, les faits sont là et ils sont têtus. Ils démontrent aujourd'hui la pertinence de cette réforme : aucune commune en France ne sera perdante. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la ministre, pouvez-vous me dire si les départements et les régions seront traités de la même façon que les communes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Mesdames, messieurs les députés, l'ambitieuse réforme de la taxe professionnelle que vous avez votée fournit une garantie de ressources à tous les niveaux de collectivités territoriales, qu'il s'agisse des communes, des départements ou des régions. Cette garantie sera assurée en 2010 par une compensation relais versée par l'État puis, en 2011, par un fonds national de garantie des ressources, qui s'appliquera aux trois niveaux, communal, départemental et régional. Avec mes collègues Brice Hortefeux, Éric Woerth et Alain Marleix, j'ai écrit à chacun des maires des communes de France, à chacun des présidents de conseil général et à chacun de présidents de conseil régional pour les en informer.
Nous avons également mis en place un simulateur qui permet à chaque président de collectivité territoriale de vérifier, sur la base des dernières données connues – celles de 2008 pour l'heure, celles de 2009 bientôt – l'exacte corrélation de la garantie de ressources pour 2010. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous avons par ailleurs demandé aux préfets de se mobiliser pour expliquer cette réforme. Éric Woerth et moi-même avons aussi sollicité les trésoriers-payeurs généraux dans ce but. Nous aurons l'occasion, le 3 mars prochain, de faire le point sur l'état des informations communiquées.
Votre assemblée n'est pas en reste puisque le Premier ministre a confié une mission parlementaire à Marc Laffineur, Olivier Carré et Michel Diefenbacher pour qu'ensemble ils puissent constater sur le terrain si cette réforme produit les effets escomptés, à savoir l'allégement des charges sur les entreprises en vue d'encourager l'investissement, et déterminer si nous aurons à modifier les curseurs lors de la clause de rendez-vous.
C'est une réforme qui avance, loin des polémiques et des médias, mais avec efficacité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean-Pierre Kucheida, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Le 31 décembre dernier, je pensais naïvement que François Fillon était à Solesmes avec son épouse et ses cinq enfants pour réveillonner comme beaucoup de nos concitoyens. Je me trompais lourdement, le Premier Ministre était resté à Matignon, rue de Varenne, pour signer subrepticement un décret inique, qui met fin au régime de santé des mineurs et des ayants droit institué en 1946 et fondé sur les grandes orientations du Conseil national de la Résistance.
Cette remise en cause du statut du mineur signifie la fin de l'accès gratuit aux soins, la fin de la gratuité des transports de santé et le déremboursement accéléré.
Il s'agit d'une mesure criminelle. Pourquoi ?
220 000 ayants droit en France attendent la revalorisation de leurs pensions, promise par le candidat Sarkozy – Henri Jibrayel a eu raison d'évoquer la question. Pour les 70 000 retraités du Nord Pas-de-Calais concernés, la moyenne d'âge est de quatre-vingts ans. Il s'agit d'une population fragile, qui a tout donné pour la France et qui a fait de la France ce qu'elle est aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Pour quel résultat ?
Une économie de 9 millions d'euros, soit moins de 0,03 % du déficit de la sécurité sociale.
Une somme qu'il importe de mettre en balance avec les milliards d'euros dépensés pour lutter contre de la prétendue épidémie de grippe H1N1 ou les milliards du bouclier fiscal.
C'est donc cela la reconnaissance de la France au peuple de la mine ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) François Mitterrand ou Jacques Chirac avaient su la témoigner en leur temps.
Mais, aujourd'hui, vous vous en prenez au plus fragiles : des personnes de quatre-vingts ans, victimes de pathologies diverses, ne pouvant plus manifester. Chaque jour voit son lot de disparition.
Abrogez donc ce décret d'infamie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
Monsieur Kucheida, personne ici n'a l'intention de faire du tort aux mineurs. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Puis-je rappeler quelle était la situation ? Le système de pensions des mineurs, qui concernait 350 000 retraités, était fondé depuis 1946 sur un principe de solidarité totale : les pensions étaient calculées forfaitairement sur la durée d'assurance et non sur les revenus. En 2001, sous le gouvernement de M. Jospin, un accord a été conclu pour revaloriser les pensions de retraite des mineurs, mais les plus modestes des cotisants ont été oubliés.
Vous n'allez tout de même pas nous reprocher une mesure prise sous une autre majorité !
Qu'avons-nous fait depuis ? Nous avons décidé de revenir sur cette injustice. Nous avons donc pris contact avec monde syndical des mineurs et mis en place une commission qui a longuement travaillé – et je salue à cet égard André Wojciechowski qui s'est beaucoup impliqué.
Sur ces bases, le Gouvernement est décidé à procéder à une revalorisation importante des retraites des mineurs.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Il s'agit de santé, pas de retraite !
La commission n'a pas encore rendu de conclusions. Les discussions sont en cours et nous attendons la réponse des syndicats. Dès que nous en aurons connaissance, nous prendrons les mesures nécessaires.
Voilà la réalité, monsieur Kucheida : il n'y a pas d'un côté ceux qui aiment les mineurs et, de l'autre, ceux qui les détestent ; il y a ceux qui ont pris des décisions qui ont nui aux plus modestes d'entre eux et il y a ceux qui veulent apporter une solution valable pour tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.– Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Chantal Brunel, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité, Tania, la mère du petit Ibrahima, avait déposé plusieurs mains courantes au commissariat. Son ex-compagnon avait déjà été condamné et placé à nouveau sous contrôle judiciaire avec interdiction de résider dans le Val-de-Marne et d'approcher son ancienne épouse.
Pourtant, ce mardi 16 février, Tania meurt sous les multiples coups de couteau assénés par celui qu'elle avait tant de fois dénoncé au commissariat de police.
Le meurtre de Tania, vingt-six ans, comme celui de Nathalie, trente-six ans, ce dimanche, viennent allonger la funeste liste des femmes mortes sous les coups de leur conjoint.
Le chiffre est très connu : une femme meurt tous les deux jours sous les coups de son conjoint. Un autre chiffre est moins connu cependant : trois femmes sur quatre n'osent pas aller porter plainte auprès du commissariat. Elles sont donc légion les femmes qui n'osent pas porter plainte et subissent en silence un calvaire quotidien.
C'est pour rompre ce silence que notre Premier ministre a érigé les violences faites aux femmes comme grande cause nationale pour l'année 2010 et que nous allons débattre, ce jeudi après-midi – je regrette que ce débat ait été inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée un jeudi après-midi – du texte sur les violences faites aux femmes.
Car, au-delà de ces drames conjugaux qui bouleversent l'opinion, c'est tout un ensemble de violences dont souffrent tant de femmes, quels que soient leur origine, leur histoire et leur parcours.
Madame la secrétaire d'État, l'attente est grande chez de nombreuses femmes. Elles attendent de nous des mesures concrètes, capables de démêler des situations aussi intimes que dangereuses.
Face à cette attente, que compte faire le Gouvernement pour que l'on n'entende plus ces mots : « Elle est morte, hélas ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.
Madame la députée, vous avez raison, il faut que cette liste funeste cesse. 157 femmes sont mortes l'année dernière sous les coups de leur conjoint ou de leur compagnon. Aussi le Premier ministre a-t-il érigé en grande cause nationale pour 2010 la lutte contre les violences faites aux femmes.
Pour muscler notre arsenal législatif, il a décidé également de prendre comme véhicule législatif une proposition de loi qui émane du travail de tous les bancs de cette assemblée, dont M. Geoffroy est rapporteur et Mme Bousquet, députée du groupe SRC, présidente de la commission spéciale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
C'est tous ensemble que nous devons lutter contre les violences faites aux femmes. Notre arsenal législatif doit être renforcé, car il nous faut un régime de référé protection, afin de mettre rapidement en place un dispositif qui protège la femme avant même qu'elle ait pu déposer plainte.
Au-delà de l'arsenal législatif, il faut introduire des moyens technologiques nouveaux. Nous allons mettre en place, comme en Espagne, le bracelet électronique, qui permettra de savoir de manière implacable où se trouve l'homme violent afin qu'il ne puisse pas pénétrer dans un périmètre de quatre cents mètres autour de la victime potentielle.
Nous allons également renforcer tout notre dispositif d'information et de communication. Le collectif des associations qui luttent contre les violences faites aux femmes mène une campagne dont les spots seront diffusés sur toutes les chaînes télévisées. Nous consacrerons 1,5 million d'euros à la communication, à l'information, pour que cessent des drames comme celui de Nathalie, qui a été égorgée dimanche sous les yeux de ses enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Michel Issindou, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, à l'heure où votre Gouvernement s'attaque au chantier des retraites, vous semblez oublier l'autre bout de l'échelle. La catégorie des 15-24 ans se démarque par son taux de chômage record. Dans cette tranche d'âge, un quart de ceux qui sont entrés dans la vie active sont aujourd'hui en recherche d'emploi, soit cinq points de plus que la moyenne européenne et cinq points de plus en 2009 par rapport à 2008.
Confrontés à la pénurie d'emplois, les jeunes diplômés en viennent à accepter des postes sous-qualifiés et sous-payés, tandis que ceux qui n'ont pas obtenu de diplôme voient fondre leurs chances d'insertion professionnelle. Pour tous, la précarité est au bout du chemin. Stages interminables, CDD non renouvelés, temps partiels, intérims de plus en plus espacés : voilà aujourd'hui la dure réalité du marché du travail pour nos jeunes.
Comme si cela n'était pas suffisant, ils doivent composer avec un service public de l'emploi au bord de l'implosion. Le moins que l'on puisse dire est que la création de Pôle emploi est loin d'avoir amélioré leur situation.
S'agissant de votre politique anti-crise, vous ne manquerez pas de brandir votre plan d'urgence pour l'emploi des jeunes. Nous y trouvons quelque 30 000 contrats aidés dans le secteur non marchand, chiffre notoirement insuffisant si l'on en juge par les besoins sociaux qui se font jour dans nos banlieues, nos lycées ou nos hôpitaux. Nous manquons de médiateurs de quartier, de surveillants scolaires, d'auxiliaires de vie sociale. Autant d'offres d'emplois en puissance pour des jeunes qui ne demandent qu'à travailler.
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : la nécessité de préserver le lien social ne vous semble-t-elle pas justifier la multiplication par cinq du nombre d'emplois-jeunes, comme vous le réclament les députés socialistes ? Sinon, comment allez-vous expliquer à nos jeunes désespérés que vous ne souhaitez pas leur donner la chance et la fierté de travailler ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Monsieur le député, vous connaissez bien le sujet de l'emploi. Toutefois, permettez-moi de faire une légère correction s'agissant de l'emploi des 15-24 ans. Notre but n'est pas de mettre tout le monde au travail à quinze ans, mais bien plutôt d'assurer une formation qui débouche sur un travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vous le savez, cela fait un an que nous nous battons, avec Christine Lagarde, Martin Hirsch, Fadela Amara et Xavier Darcos, afin d'éviter que la crise n'entraîne une génération sacrifiée.
Nous l'avons fait d'abord avec l'alternance et l'apprentissage.
Le début de l'année 2009 a été très dur, puisque les chiffres montraient une baisse de 40 %. Mais nous avons pu redresser la barre, et nous avons terminé l'année avec une augmentation de 3 % de l'apprentissage, augmentation que nous avons pu vérifier ensemble dans votre département, l'Isère.
Nous nous sommes battus également en mobilisant tous nos outils de la politique de l'emploi, notamment les programmes d'embauche dans les petites entreprises. Je pense notamment au programme « Zéro charge ».
Les résultats sont là. En effet, alors que le taux de chômage des jeunes avait fortement augmenté au début de l'année 2009, depuis l'annonce, en mai dernier, du plan en faveur de l'emploi des jeunes voulu par le Président de la République et le Premier ministre, mois après mois, il a fortement reculé.
Nous sommes parvenus à ramener à l'emploi plus de 23 000 jeunes, chiffre statistique sur lequel tout le monde s'entend. Nous avons réussi à faire ce qui n'avait jamais été observé jusqu'à présent dans notre pays : faire en sorte que les jeunes ne soient pas les premiers sacrifiés dans cette crise.
Nous ne misons pas sur des emplois jeunes au rabais, ni sur l'assistanat. Voilà ce qui nous différencie. Même en période de crise, nous considérons que nos jeunes ont le droit de se battre pour de vrais emplois, pour de vraies formations. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Étienne Mourrut, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, j'attire votre attention sur le soutien que la France a apporté à la proposition de la Principauté de Monaco d'interdire la pêche et le commerce international du thon rouge.
La position prise par la France en faveur de l'inscription du thon rouge à l'annexe I de la convention de l'ONU sur le commerce international des espèces menacées d'extinction – CITES – doit être tranchée à Doha du 13 au 25 mars prochain. Cette décision dont le principal objectif est de protéger cette espèce et d'éviter son extinction met cependant à mal tous les navires et les marins embarqués qui pratiquent cette pêche.
Député d'une circonscription maritime et maire d'une ville qui compte un port de pêche sur la façade méditerranéenne, je tenais à affirmer mon soutien inconditionnel à la pêche artisanale du thon rouge pratiquée sur nos côtes depuis la nuit des temps comme sur la côte basque et qui n'a aucune incidence sur l'épuisement des stocks de l'espèce.
Je comprends et je partage l'inquiétude et le désarroi des professionnels et des marins qui travaillent sur les thoniers senneurs. Après avoir été largement soutenus par les instances régionales, nationales et européennes, ils devront recevoir un accompagnement économique.
Monsieur le ministre, pouvez-vous réaffirmer votre soutien à la pêche artisanale en définissant une nouvelle zone de pêche, mais aussi une nouvelle zone de vente sur le marché communautaire ?
Pourriez-vous également nous indiquer quels accompagnements et modes de restructuration vous prévoyez de mettre en place pour les professionnels de cette pêche, sachant que vous devrez préserver l'équilibre de l'effort de pêche que nos professionnels ont eu tant de mal à trouver en Méditerranée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Avec Jean-louis Borloo, nous avons défendu auprès de la Commission européenne et des autres États européens l'inscription du thon rouge à l'annexe I de la CITES, c'est-à-dire l'interdiction de toute commercialisation de ce poisson. Je me réjouis que la Commission européenne ait annoncé hier qu'elle allait suivre cette recommandation. Nous avons assorti cette proposition de trois conditions très claires, qui ne sont pas encore remplies. Nous allons poursuivre les discussions avec l'Union européenne de façon à ce qu'elles le soient dans les meilleurs délais possibles.
Première condition, c'est un avis scientifique sérieux et incontestable que Jean-Louis Borloo et moi-même attendons de la commission scientifique de la CICTA, qui doit se prononcer en octobre prochain. Cela fournira une base scientifique incontestable pour asseoir notre décision et la rendre légitime auprès des pêcheurs.
Deuxième condition essentielle, nous avons besoin d'un engagement financier de la Commission pour aider à la reconversion des senneurs. Aucun engagement financier n'a pour l'instant été pris. On nous dit de nous appuyer uniquement sur le fonds européen de la pêche mais celui-ci est déjà entièrement engagé.
Troisième condition, à laquelle Jean-louis Borloo et Chantal Jouanno étaient particulièrement attachés : préserver la pêche artisanale. Vous le savez, car nous avons eu l'occasion d'en parler à plusieurs reprises, notamment avec Robert Lecou ou Daniel Poulou, je suis fermement déterminé à me battre pour le maintien d'une pêche artisanale qui représente à peine 10 % des quotas mais beaucoup d'emplois, beaucoup d'activité artisanale dans les ports de pêche, aussi bien en Méditerranée, chez vous, qu'au pays basque, en particulier à Saint-Jean-de-Luz.
La proposition de la Commission est d'autoriser la pêche artisanale dans la seule zone de souveraineté nationale, ce qui est insuffisant. Nous voulons que la pêche artisanale soit autorisée dans la zone économique exclusive. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Pascale Crozon, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à Mme Roselyne Bachelot.
Vous avez récemment rappelé avec raison, madame la ministre, votre attachement au droit à l'IVG. Malheureusement, l'accès à ce droit se heurte à de fortes disparités territoriales et à une offre qui ne cesse de baisser. Selon le rapport de l'IGAS, le nombre d'établissements pratiquant l'IVG a en effet chuté de 729 à 639 entre 2000 et 2006. Nous n'avons de surcroît aucune raison de penser que ce mouvement s'est depuis ralenti, bien au contraire.
Se pose tout d'abord, en effet, un problème de rentabilité. La tarification de l'IVG demeure sous-évaluée de 30 %, ce qui conduit notamment les cliniques privées à se désengager massivement. C'est dire que la revalorisation de 10 % que vous avez annoncée reste très insuffisante, et la loi HPST, qui étend le dogme de la rentabilité financière à l'hôpital public, ne peut qu'aggraver ce constat.
Se pose également le problème des restructurations et des concentrations hospitalières. Dans la plupart des villes de France, les centres d'orthogénie et de planification disparaissent pour être au mieux réintégrés dans les services des hôpitaux mère-enfant, au pire noyés au sein des services de gynécologie obstétrique.
Ces évolutions soulèvent de nouvelles difficultés dans l'accès à l'IVG et remettent en cause, entre autres, l'accès autonome des mineures à un droit qui leur est reconnu depuis 2001.
Alors que notre assemblée va se prononcer pour une harmonisation par le haut des droits des femmes, il est plus que jamais nécessaire de réaliser que ceux-ci ne sauraient se concrétiser en l'absence de moyens structurels, humains et financiers.
Madame la ministre, comment comptez-vous endiguer la chute du nombre d'hôpitaux pratiquant l'IVG et bâtir une offre de soins qui garantisse l'accès de nos concitoyennes aux centres d'IVG ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.
Madame la députée, vous venez d'évoquer le rapport de l'IGAS sur la situation de l'interruption volontaire de grossesse dans notre pays. Nous avons l'un des meilleurs résultats des pays européens avec un délai de prise en charge en moyenne d'une semaine et 49 % des IVG pratiquées par voie médicamenteuse.
J'ai voulu améliorer considérablement l'offre. Dorénavant, dans les schémas régionaux d'organisation sanitaire, les ARS seront comptables d'une offre d'IVG faisant partie intégrante de l'offre de santé.
J'ai multiplié les structures qui peuvent pratiquer l'IVG médicamenteuse – centres de planification, centres de santé –, par voie de conventionnement, médecins de premier recours, et j'ai considérablement augmenté la rémunération de l'IVG. Vous avez omis de signaler que, depuis 2008, la rémunération de l'IVG a augmenté de 60 % et que je m'apprête à l'augmenter à nouveau de 10 %.
Il faut que cette offre de ville soit épaulée par une offre hospitalière de qualité. Trop souvent, cette dernière est incomplète et de mauvaise qualité. Nous devons profondément la rénover. Citons par exemple le cas de l'Île-de-France où l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris réalise 22 % de l'offre IVG. Il faut la moderniser. Dans le cadre de la restructuration de l'AP-HP, chacun des douze groupements hospitaliers devra proposer une offre d'IVG complète, modernisée, avec des plateaux techniques et des moyens mutualisés.
Non, madame la députée, l'offre d'IVG ne diminue pas.
Plusieurs députés SRC et GDR. Si !
Au contraire, elle se modernise tandis que la qualité des soins prodigués aux femmes s'améliore. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Fermeture de centres d'IVG
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)
L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur la proposition de résolution européenne de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues, visant à promouvoir l'harmonisation des législations européennes applicables aux droits des femmes (nos 2261 rectifié, 2303, 2279).
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité, si l'objectif d'harmoniser par le haut les législations européennes sur les droits des femmes a fait consensus depuis le début de nos discussions, ses modalités rédactionnelles ont fait débat.
Concrètement, le texte qui vous est soumis prévoit une étude comparative des mesures en vigueur en Europe pour éclairer le législateur. Il invite la présidence espagnole à proposer au niveau européen des directives sur la base des législations qu'elle jugerait les plus protectrices et le Gouvernement français à présenter ses projets dans les domaines qui demeurent de compétence nationale. Je salue celles et ceux qui, sur tous les bancs de la majorité, de l'opposition et du Gouvernement, ont permis jeudi dernier de lever les derniers malentendus et d'obtenir un compromis – probablement historique, j'ose le dire – puisque les amendements de chaque groupe ont tous été retenus à l'unanimité.
Ce texte constitue un premier pas vers une Europe où chaque citoyenne, qu'elle soit française, britannique, grecque ou lituanienne, pourrait se prévaloir des mêmes droits dans sa vie familiale, sexuelle, professionnelle et politique. C'est à ce grand projet, défendu avec passion et depuis trente ans par Gisèle Halimi, que notre assemblée est invitée à apporter son soutien solennel.
On m'a interrogée à plusieurs reprises sur les avancées qui pourraient bénéficier aux Françaises, si cette résolution était votée. Je pourrais en citer plusieurs : la législation néerlandaise en matière de congé parental implique davantage les pères dès la naissance dans l'éducation des enfants et la participation à la vie familiale ; la législation estonienne en matière d'autorité parentale et de statut du beau-parent offre un accompagnement légal à la recomposition des familles ; la loi belge sur la parité en politique va plus loin que la nôtre en s'appliquant notamment au gouvernement.
Nous ne portons pas cette proposition de résolution uniquement pour les Françaises, mais pour l'ensemble des Européennes, et je pense surtout aux citoyennes des nouveaux États membres qui doivent aujourd'hui pleinement bénéficier des progrès obtenus, notamment par les Françaises, en matière d'éducation sexuelle et reproductive, d'accès à la contraception, de lutte contre les discriminations dans l'emploi, contre le harcèlement moral et sexuel ou contre les viols.
Ce texte vise donc à envoyer un message fort : rejoindre l'Union européenne, c'est, bien sûr, adhérer à sa vision des Droits de l'Homme, mais aussi – car l'un et l'autre ne sont pas dissociables – à une conception exigeante de l'égalité et des droits des femmes.
La France, cela a été souligné sur l'ensemble de nos bancs, doit être l'un des moteurs de l'affirmation de ces droits. Après le vote du rapport Tarabella au Parlement européen, alors que va s'ouvrir à New York la conférence dite « Pékin+ 15 » sur le statut des femmes et alors que vont être présentées à Valence les initiatives de la présidence espagnole, le vote de cette résolution ne peut que renforcer la crédibilité de la France pour ce qui est de prendre toute sa part de ce mouvement. C'est d'abord un outil pour le Gouvernement qui abordera les négociations internationales avec le soutien de l'Assemblée nationale et la garantie que les engagements qui seront pris au niveau européen trouveront rapidement une concrétisation nationale. Mais c'est aussi pour chacune et chacun d'entre nous une exigence. Nous ne pourrons demain, lorsque viendra le temps des décisions concrètes, faire abstraction de cette volonté commune d'avancer dans le sens de l'égalité la plus élevée. C'est l'exigence de nous demander, à chaque fois que nous votons une loi sur des sujets aussi divers que les retraites, la santé ou les lois électorales, si nous faisons réellement progresser la cause des femmes, et de regarder quelles sont les meilleures réponses qui ont pu être apportées ailleurs en Europe.
C'est dans cet esprit que les socialistes, radicaux, citoyens et divers gauche voteront la proposition de résolution européenne qu'ils ont déposée. Ils vous invitent, mes chers collègues, à confirmer solennellement le vote unanime qui fut le vôtre, jeudi dernier, sur son article unique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR et sur quelques bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, si l'Europe a reconnu l'égalité entre les femmes et les hommes et l'a promue au travers de ses divers traités et directives, force est de reconnaître qu'il reste encore un long chemin à parcourir et que de profondes différences perdurent entre les pays.
Si le principe de l'égalité salariale est affirmé dans l'ensemble de l'Union, nous ne pouvons oublier que le refus des discriminations entre hommes et femmes se retourne parfois contre ces dernières. Ainsi, au nom de l'égalité, le travail de nuit a été imposé aux femmes. Cela permet aujourd'hui à des enseignes de l'alimentation d'ouvrir jusqu'à minuit sans autre justification que la recherche de toujours plus de profit. Or ce sont principalement des femmes qui travaillent comme caissières dans ces grandes surfaces. Nous assistons aussi à une offensive contre la majoration de la retraite pour enfants, alors que les femmes perçoivent pourtant des pensions inférieures de 38 % à celle des hommes, du fait, notamment, des arrêts maternité.
L'Europe doit se donner pour objectif de faire adopter, par tous les pays la composant, les législations les plus progressistes, celles qui prennent le mieux en compte l'intérêt général, la lutte contre toutes les discriminations et pour l'égalité des droits.
Malheureusement ce n'est pas toujours le cas, loin de là, puisque c'est aussi l'Europe qui promeut la concurrence libre et non faussée et, par là même, tend systématiquement vers le moins-disant social et le démantèlement des services publics. En ce sens, le Gouvernement français n'est pas en reste. Il s'est récemment distingué en permettant que les services de la petite enfance puissent être soumis à la concurrence dans le cadre de la transposition de la directive services. Une fois de plus, ce sont les femmes qui en subiront les conséquences. Il ne suffit pas d'affirmer une valeur pour qu'elle se traduise concrètement pour les femmes, lorsque les politiques économiques vont à rencontre du droit fondamental à l'égalité. Ainsi, les femmes restent défavorisées pour l'accès à l'emploi – un point de plus de chômage pour les femmes – pour le niveau de leurs rémunérations – inférieur de 27 % à celui des hommes en France – pour le type de contrat de travail – 32,6 % des femmes travaillent à temps partiel et, pour beaucoup, faute d'obtenir un temps plein, contre 7,3 % d'hommes – et pour l'accès aux responsabilités dans le cadre du travail – un tiers des cadres seulement sont des femmes. De manière générale, la pauvreté, la précarité et le chômage touchent davantage les femmes que les hommes.
Les femmes sont aussi victimes de violences spécifiques tant la domination masculine n'est pas suffisamment remise en cause : publicité réduisant trop souvent les femmes au rang d'objet sexuel, harcèlement sexuel au travail comme dans la rue, violences sexuelles et violences dans le couple.
Notre assemblée se dispose à voter, à l'unanimité nous l'espérons, la proposition de loi contre les violences faites aux femmes. C'est une avancée considérable obtenue, une fois de plus, grâce à la mobilisation des femmes que je tiens à saluer ici, avec la pétition en faveur d'une loi-cadre lancée par le Collectif national pour les Droits des Femmes.
Les femmes ont aussi moins accès que les hommes à la représentation politique. La France se traîne au dix-neuvième rang de l'Union européenne pour ce qui est du nombre de députées femmes. Et si votre projet de modification du mode de scrutin des élections territoriales est adopté, s'en est fini de la parité dans les assemblées territoriales.
Enfin, que ce soit dans le TCE ou le traité de Lisbonne, sous le poids du lobby religieux, le droit à disposer de son corps comme valeur européenne a été refusé aux femmes. C'est ainsi que quatre pays – Pologne, Irlande, Chypre et Malte – peuvent continuer à interdire l'IVG, le Portugal ne l'autorisant qu'en cas de danger de mort pour la femme. De plus, Malte interdit même le divorce. Dans notre débat de jeudi matin, il est nettement apparu que cette question de la reconnaissance du droit à I'IVG pour toutes les femmes de l'Union européenne gênait aux entournures une partie de l'UMP.
Pour le groupe GDR, il est évident que l'harmonisation des droits des femmes au niveau européen doit inclure ce droit à I'IVG dans tous les pays. C'est pourquoi certains propos sur le relativisme qu'il faudrait introduire quant à ce droit sous prétexte de « sociétés distinctes » et « d'appréciation sur ce qui constitue ou non un progrès en matière de droits des femmes selon les pays » nous ont quelque peu inquiétés.
De même que les Droits de l'Homme sont universels, les droits des femmes le sont aussi. Je rappelle que nous n'avons plus malheureusement en France ni ministre ni secrétaire d'État aux droits des femmes.
Le groupe GDR avait déposé, en décembre 2009, une proposition de résolution visant à introduire la clause de l'Européenne la plus favorisée telle que proposée par Gisèle Halimi, afin de prendre ce qu'il y a de meilleur dans chaque pays pour le transférer à tous les autres. Nous constatons que c'est nécessaire.
Nous nous félicitons donc aujourd'hui que cette volonté puisse s'exprimer dans un vote et, bien que les députés communistes et du parti de gauche n'aient pas la même vision dithyrambique des traités européens que nos collègues socialistes (Sourires), l'ensemble du groupe GDR votera la proposition de résolution relative aux droits des femmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
J'indique d'ores et déjà que le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Colette Le Moal, pour le groupe NC.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens, tout d'abord, à exprimer ma satisfaction suite à l'accord que nous avons obtenu concernant la proposition de résolution visant à harmoniser les législations européennes en matière de droits des femmes. Dans cet hémicycle, les échanges de jeudi dernier sur ce texte se sont déroulés dans un climat apaisé et consensuel.
Les auteurs de la présente proposition de résolution ont démontré qu'en dépit des avancées significatives en matière législative et sociétale de nombreuses inégalités persistent. Au Nouveau Centre, nous partageons entièrement ce constat, mais souhaitons insister plus particulièrement sur trois aspects de ces inégalités subies par de nombreuses femmes.
Se battre pour l'égalité des hommes et des femmes, c'est tout d'abord, je le rappelle, accepter la différence de la femme et, pour cela, obtenir des droits spécifiques. Nous devons accentuer nos efforts relatifs à l'équilibre entre la vie familiale et la vie professionnelle. Il n'est pas acceptable que la grossesse soit, pour une majorité de femmes, pénalisante quant au déroulement de leur carrière. Il est pour cela essentiel de faciliter l'accès aux structures de garde des enfants. Les mesures incitant les hommes à prendre un congé parental ou un congé partagé doivent également être encouragées.
Dans le cadre d'une harmonisation des droits des femmes au niveau européen, nous estimons qu'une attention toute particulière et même prioritaire devrait être accordée à la lutte contre les violences faites aux femmes. Ainsi, les associations nous ont fait part des difficultés particulières que les femmes immigrées peuvent rencontrer dans le cadre d'un regroupement familial. Leur statut dépend souvent de leur conjoint. Le fait de quitter un mari violent équivaut le plus souvent pour elles à la perte d'un titre de séjour, d'un logement, ou de la garde des enfants.
Le 25 février, notre assemblée examinera une proposition de loi renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes. Consacrons-nous pleinement à cet aspect des inégalités…
… afin de rendre effective et efficace la lutte contre les violences faites aux femmes, « grande cause nationale 2010 ».
Enfin, la menace de précarité est plus élevée pour les femmes que pour les hommes, car elles risquent d'avoir des carrières interrompues ou de travailler à temps partiel, et, donc, d'accumuler moins de droits individuels à la retraite. Il est, en conséquence, nécessaire de leur offrir des prestations de protection sociale plus appropriées.
Nous considérons qu'il est doublement opportun de lancer le travail d'harmonisation législative dans le cadre de l'année européenne de lutte contre la pauvreté et de l'année de la grande cause nationale de lutte contre les violences faites aux femmes. L'intérêt de cette proposition de résolution européenne réside, en effet, dans le recensement des différentes législations nationales en matière d'égalité comme base de travail à venir.
Nous souhaitons exprimer également notre satisfaction quant aux amendements qui ont été adoptés et qui nous permettront de voter cette proposition de résolution. Je retiens, entre autres, ceux de Mme Zimmermann et ses collègues : l'un invite le Gouvernement français à présenter, avant le 31 décembre 2010, un rapport sur l'état du droit français en matière d'égalité…
… l'autre vise à supprimer, dans le titre de la résolution, la référence à la « clause de l'Européenne la plus favorisée ». Nous partageons, en effet, le constat qu'il s'agit d'une « affirmation prématurée » et qu'il importe, avant tout, de s'engager dans un processus d'amélioration et d'harmonisation de la législation existante.
Le groupe Nouveau Centre votera donc cette proposition de résolution européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi, tout d'abord, de saluer la présence de Gisèle Halimi dans les tribunes. (Applaudissements.) C'est elle qui nous réunit, en quelque sorte, aujourd'hui !
Je souhaite que notre vote sur la proposition de résolution tendant à promouvoir l'harmonisation des législations européennes applicables aux droits des femmes reflète le consensus que nous avons créé au cours des différentes étapes de la procédure que le texte a suivie.
Je rappellerai brièvement les grandes lignes. Rejeté par la commission des affaires européennes, il a, ensuite, été adopté par la commission des lois et a été amendé avec succès en séance publique. Ce texte est bien la preuve que le Parlement peut se saisir de certains sujets, comme celui des droits des femmes, au-delà des querelles partisanes. Je remercie, à cette occasion, le travail de la rapporteure, Pascale Crozon, de Guy Geoffroy et de l'ensemble des députés de la commission des lois.
Pourquoi apportons-nous notre soutien à cette proposition de résolution ?
Première raison, nous voulons encourager l'action de l'Union européenne et des États membres en faveur d'un plus grand respect des droits des femmes. Cette résolution demande au Gouvernement français, à la Commission européenne ainsi qu'à la Présidence espagnole d'être fidèles à leur engagement en la matière.
Le traité de Rome mentionnait déjà la nécessité de lutter contre les inégalités de rémunération à qualification égale entre les femmes et les hommes et, plus de cinquante ans plus tard, persistent des différentiels de salaire scandaleux.
Agir pour l'égalité des chances entre les hommes et les femmes et pour la reconnaissance des droits spécifiques des femmes demande du courage et de la volonté politique. Cette proposition de résolution renvoie le législateur à ses devoirs, et c'est légitime.
Seconde raison, nos amendements et ceux du groupe socialiste ont fait tomber toutes nos réserves.
Je souhaite vivement que l'on se dirige vers une harmonisation des droits des femmes à la faveur des législations les plus avancées, mais engager sans débat préalable les États membres dans un processus législatif susceptible d'influer l'ensemble de leurs politiques publiques me semblait précipité.
Court-circuiter les institutions européennes alors qu'on s'adresse à elles pour faire avancer les choses me semblait également contestable. C'est pourquoi nous avons présenté des amendements avec Guy Geoffroy, Charles de la Verpillière, Guénhaël Huet et Pascale Crozon.
Le renforcement du droit des femmes est une question qui doit faire l'objet d'un débat et d'une négociation au niveau communautaire, et l'Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes doit naturellement y trouver sa place. Ce n'est qu'une fois que les arbitrages auront été rendus que l'on pourra élaborer de façon concertée une nouvelle directive pour permettre une harmonisation adaptée au sein des différents États membres.
Au niveau national, cette résolution demande au Gouvernement de présenter annuellement au Parlement un état du droit français en matière d'égalité entre les femmes et les hommes ainsi que les initiatives qu'il entend prendre pour aller dans le sens d'une harmonisation des dispositions législatives les plus avancées.
C'est ainsi aux Parlements nationaux de s'emparer de la lutte contre les discriminations et de poser les termes du débat.
Voter ce texte est l'occasion de montrer notre volonté commune de parvenir à un consensus. Il serait en effet regrettable d'envoyer un signal bien négatif à nos voisins européens alors que nous sommes encore loin de respecter les droits des femmes.
De plus, ce serait incohérent avec l'action que nous menons déjà en ce sens. Nous avons adopté une proposition de loi pour garantir une gouvernance mixte au sein des conseils d'administration. Nous en examinerons bientôt une autre visant à lutter contre les violences faites aux femmes.
C'est pourquoi le groupe UMP votera ce texte qui encourage une action volontariste en faveur des femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de résolution européenne.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 471
Nombre de suffrages exprimés 469
Majorité absolue 235
Pour l'adoption 462
Contre 7
(La proposition de résolution européenne est adoptée.)
La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.
Lors du débat qui s'est tenu jeudi dernier dans cet hémicycle, des amendements venant des deux côtés de l'hémicycle ont été acceptés et votés à l'unanimité. La représentation nationale s'honore du combat qu'elle mène pour l'égalité entre les hommes et les femmes, cela méritait d'être souligné. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante.)
L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2010 (n° 2313).
La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, alors que le projet de loi comptait douze articles après son examen par l'Assemblée, le Sénat en a voté cinq dans les mêmes termes, en a supprimé deux et ajouté quatorze. La CMP était donc saisie de vingt-deux articles. Elle s'est mise d'accord sur seize d'entre eux et en a supprimé six. Mais là n'est pas l'essentiel.
Je voudrais insister d'abord sur le travail de la commission mixte paritaire concernant l'amélioration de la maîtrise et du suivi des dépenses associées aux 35 milliards d'emprunt national.
Tout d'abord, ces dépenses sont concentrées sur des projets d'avenir, avec une réelle préoccupation de revenir à un équilibre relatif de nos comptes publics. Ainsi, une bonne partie de ces 35 milliards sont affectés à des fonds non consomptibles, seuls leurs produits pouvant être utilisés. L'accroissement de la charge de la dette liée au grand emprunt a été gagé dans la norme générale d'évolution de la dépense, il faudra donc faire autant d'économies. Enfin, un dispositif de gouvernance original a été instauré. Au total, comme ce fut le cas pour le plan de relance avec la mise en place d'une mission spécifique et temporaire, nous avons donc bien des outils pour maîtriser la dépense publique.
Tout le travail réalisé par l'Assemblée et le Sénat, sur lequel nous sommes tombés d'accord en commission mixte paritaire, a visé à améliorer encore la gouvernance du point de vue du suivi des dépenses.
Nous avons instauré une obligation de transmettre aux commissions compétentes les projets de convention déléguant les fonds aux différents opérateurs. Nous avons souhaité que ces conventions ne portent pas seulement sur les programmes mais qu'elles descendent au niveau des actions, étant entendu que certaines actions peuvent représenter à elles seules plusieurs milliards d'euros. Nous avons mis en place une information trimestrielle des commissions des finances sur la situation et les mouvements des comptes ouverts au Trésor. Nous avons clarifié la procédure de redéploiement éventuel de crédits. Nous avons également précisé le contenu des conventions, par un renforcement des exigences de transparence pour le processus de sélection des projets et les modalités de versement des fonds.
Bref, nous avons vraiment essayé de renforcer encore la nécessaire transparence dans le suivi des dépenses.
Nous avons eu un long débat en commission mixte paritaire sur la possibilité de conserver une partie des 35 milliards à titre de provision. Nous avons en effet été assez mécontents, monsieur le ministre, des conditions dans lesquelles ce texte a été examiné. Il a été présenté en conseil des ministres le 20 janvier. La commission des finances en a été saisie la semaine suivante et la discussion a eu lieu dans l'hémicycle le 2 février. Or réfléchir à l'utilisation de 35 milliards d'euros ne peut se faire à la sauvette, à la va-vite.
Les sénateurs ont ressenti la même frustration que nous et, en commission mixte paritaire, nous nous sommes demandé s'il ne serait pas judicieux de réserver une provision sur ces 35 milliards avant de l'affecter définitivement, d'autant qu'à peine affectée, elle a vocation à disparaître du budget pour être déléguée à différents opérateurs.
Nous avons alors eu une discussion sur les infrastructures de transport, grandes absentes du grand emprunt.
…de la commission Juppé-Rocard. Il en a été discuté, même trop rapidement, ici et au Sénat, mais c'est une question qui peut se poser.
Je voudrais donc vous faire deux suggestions importantes.
La première, c'est que l'État ne délègue pas immédiatement les 35 milliards aux opérateurs car, une fois que ces crédits auront été délégués à des opérateurs comme l'Agence nationale de la recherche, l'ADEME ou OSEO, le Parlement n'aura plus un mot à dire.
Il nous paraît donc nécessaire, n'étant pas parfaitement au clair sur l'utilisation de ces crédits, de ne pas hésiter à surseoir à leur délégation, ce qui nous permettra d'en revoir éventuellement l'affectation dans le cadre des différents collectifs en cours d'année 2010.
Seconde suggestion : puisque nous devons avoir un rendez-vous au titre de la clause de revoyure de la taxe professionnelle dès le mois de juin, puis un collectif en fin d'année, je pense que ces 35 milliards ont vocation à bénéficier d'un examen aussi attentif, avec des hypothèses de redéploiement, que les autres crédits.
Je voudrais également insister sur un contraste qui me frappe de plus en plus entre les efforts, que nous approuvons tous, sur la maîtrise de la dépense, que ce soit dans le cadre normal, au titre de crédits exceptionnels du plan de relance ou au titre de l'emprunt national, entre cette relative rigueur sur les dépenses, donc, et une certaine négligence sur les recettes. Nos recettes ne sont pas protégées, et l'on ne peut qu'être insatisfait de la manière dont les choses se passent.
Je disais il y a quelques jours que j'étais très inquiet de l'effondrement des recettes de l'État. Elles sont revenues en 2009 au niveau de 1996. En termes structurels, avant même la crise, la perte de recettes structurelles entre 2000 et 2008 est de 100 milliards d'euros.
Or, nous sommes, monsieur le ministre, dans l'incapacité de respecter nos propres règles. Une commission dite Camdessus va être désignée pour fixer des règles de gouvernance. J'ai le sentiment que, faute d'appliquer les règles existantes, il y a une sorte de fuite en avant pour en inventer de nouvelles. Il y a exactement un an, nous avons voté la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques sur trois ans, qui comportait un article très important consistant à dire que toute exonération fiscale ou sociale devait être compensée. De même, si un dispositif de baisse d'impôts ou de baisse de ressources était mis en oeuvre, il fallait redéployer pour revenir au même niveau. C'était au début du mois de février 2009.
Depuis, la baisse de la TVA dans la restauration n'a donné lieu à aucune compensation. De même, force est de constater, notamment avec la décision du Conseil constitutionnel, que la réforme de la taxe professionnelle, au demeurant indispensable, sera financée pour quelque 5 milliards d'euros par le déficit, c'est-à-dire par la dette. Cela n'est pas raisonnable.
Les arbitrages sont systématiquement perdus par le ministre du budget. Je prends l'exemple du texte EIRL, créant le statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, la semaine dernière. Que s'est-il passé ? Le ministre du budget a perdu tous les arbitrages. En séance, nous avons été un certain nombre, notamment Pierre Méhaignerie et moi, à faire valoir qu'il existait des risques d'optimisation de ce dispositif conduisant à la baisse des cotisations sociales. Nous avons été battus quand nous avons demandé que la possibilité de choisir l'impôt sur les sociétés soit supprimée et qu'une certaine prudence soit de rigueur quant à la clause de limitation d'abus éventuels.
Il faut nous obliger à consolider l'ensemble des exonérations, optimisations, niches de toutes sortes, dispersées au gré des textes. Tous les ministres savent que, faute de pouvoir dispenser de crédits, du fait d'une règle assez rigoureuse en matière de dépenses, la solution la plus facile est d'agir sur la recette. Augmentation de crédits ou incitation fiscale peuvent en effet avoir le même résultat. Mais le crédit a un énorme avantage : une fois qu'il a été épuisé, on ne peut pas continuer à dépenser. A contrario, nos dépenses fiscales sont à guichet ouvert, à flux continu.
C'est pourquoi je ferai, dans le cadre de la commission Camdessus, une proposition pour nous obliger à une consolidation des différentes décisions que nous prenons au fil des textes dans le plus grand désordre, nous obliger à une consolidation des coûts en matière de recettes fiscales et sociales. Si nous ne le faisons pas, il n'y a aucun espoir de réduire progressivement nos déficits.
Si la conférence des déficits s'appelle ainsi et non plus, comme auparavant, conférence nationale sur les finances publiques, c'est qu'un déficit est une différence entre une recette et une dépense. Pour réduire un déficit, il faut s'occuper de la dépense, mais probablement aussi de la recette. Je plaide donc à nouveau pour qu'avec notre arsenal ou notre boîte à outils de règles, nous nous montrions beaucoup plus exigeants sur les recettes.
C'est ce que nous avons fait en commission mixte paritaire puisque nous avons supprimé toute création de nouvelles niches fiscales ou sociales,…
...même les plus justifiées. Cher collègue, je crois que nous devons adopter une véritable position de principe ; sans cela nos recettes continueront à se déliter.
Nous avons également précisé les choses sur deux points, sans pour autant modifier le texte car cela ne nous paraissait pas utile.
Tout d'abord – et ceci intéresse particulièrement notre collègue Martin-Lalande –, il s'agit de l'exonération d'IFER sur les stations radioélectriques, à partir du moment où les radios associatives, qui nous ont abondamment écrit, à tous sur ces bancs, n'exercent pas d'activité professionnelle, elles ne sont pas imposables. Elles ne le sont pas à la taxe professionnelle, elles ne le seront pas à cette imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux.
Je le dis à la tribune ; cela ne sert à rien de l'inscrire dans la loi, car c'est une évidence.
Le deuxième point porte sur le calcul de la compensation relais. Un amendement de précaution avait été adopté au Sénat pour préciser qu'il fallait, la réforme de la taxe professionnelle conservant l'assiette « foncier », intégrer la revalorisation des bases du foncier dans la compensation relais. La revalorisation des bases en 2010 y est bien entendu intégrée ; il n'y a pas non plus lieu de l'écrire dans la loi.
Pour conclure, je tiens à remercier tous ceux de nos collègues qui ont pris part à cette discussion, en commission ou dans l'hémicycle, ainsi que les présidents de séance – qui ont toujours remarquablement dirigé nos travaux –, la presse et l'ensemble du personnel. Je souhaite également vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que vos collaborateurs, pour la qualité du travail accompli.
Mes chers collègues, je vous invite à présent à voter l'ensemble des conclusions de la commission mixte paritaire, compte tenu des quelques amendements de simple coordination que présentera le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Christine Lagarde et d'Éric Woerth…
Pas du tout ! Cela ne s'excuse pas ! (Sourires sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Veuillez tout de même avoir la gentillesse et l'amabilité de les excuser, puisqu'ils sont en ce moment même au Sénat en train d'ouvrir la discussion sur le très important projet de loi concernant les jeux en ligne.
L'adoption du présent projet de loi de finances rectificative nous permet de franchir une étape très importante dans la préparation de l'après-crise, avec la mise en place d'un programme d'investissement de 35 milliards d'euros.
L'actualité nous démontre sans cesse la nécessité, pour confirmer la sortie de crise, de ne pas relâcher l'effort. Mais cela ne doit pas nous détourner de l'enjeu, plus important encore, que représente l'avenir de notre économie dans les prochaines années. Tout va se jouer en cette période de transition, et il ne tient qu'à nous de contribuer à la transformation de notre économie en une économie de la connaissance et de l'innovation, propre à développer l'emploi et à garantir notre modèle social.
J'ai parlé de l'emploi.
L'avenir se prépare dès à présent. L'oublier, c'est se condamner à devoir toujours subir les aléas d'une conjoncture dictée par d'autres.
La discussion de ce texte au Parlement a permis de confirmer les grands équilibres du programme d'investissement présenté par le Gouvernement. Le texte adopté par le Parlement maintient les choix faits sur la base des conclusions du rapport remis par M. Alain Juppé et M. Michel Rocard. On y retrouve un nombre limité de priorités, orientées autour de la recherche, de la formation et de l'enseignement supérieur, de l'industrie, monsieur Muzeau, des PME, du développement durable et du numérique. Ce sont 35 milliards dédiés à l'innovation.
Nos échanges ont en revanche davantage porté sur le cadre de mise en oeuvre de ce programme d'investissement inédit.
Le Gouvernement a dû faire preuve de pédagogie pour justifier un schéma il est vrai assez original.
Je crois que nous avons réussi à convaincre de l'intérêt du décaissement en bloc à des opérateurs, en l'assortissant de garanties d'information et de contrôle renforcées à la demande du Parlement. Le rapporteur général vient de l'évoquer.
Avec les amendements votés à l'initiative de la commission et du rapporteur général de votre assemblée, complétés au Sénat, nous confortons pleinement la place du Parlement dans cette gouvernance exceptionnelle.
Nous le faisons d'abord en précisant le contenu des conventions conclues avec les opérateurs ainsi que du rapport d'information qui sera remis chaque année au Parlement, en annexe du projet de loi de finances.
Nous le faisons ensuite en assurant la communication de l'ensemble des projets de conventions et de leurs éventuels avenants avant leur signature. Dans le prolongement de l'amendement présenté par votre commission des finances, le Sénat a prévu la transmission de ces projets non seulement à la commission des finances mais aussi aux autres commissions concernées.
Enfin, nous le faisons par la clarification des missions confiées au comité de surveillance, avec une présence renforcée de quatre députés et quatre sénateurs en son sein. Le texte ressortant de la commission mixte paritaire confirme la compétence du comité pour évaluer le programme d'investissement et en dresser le bilan annuel d'exécution. La précision qui est ainsi apportée au rôle du comité permet de mieux coordonner son action avec celle confiée au commissaire général à l'investissement.
En tout état de cause, l'évaluation ne peut être exclusivement réservée au comité de surveillance, et le commissaire général à l'investissement devra nécessairement intégrer cette dimension dans son action en amont parce que l'évaluation a priori est indissociable de la procédure de sélection des projets, mais aussi en aval parce que l'évaluation a posteriori permet un retour d'expérience toujours utile.
Les présidents des deux assemblées, se faisant vos porte-parole, avaient exprimé le souhait d'une étroite association du Parlement. Je crois que le texte qui vous est soumis satisfait ces demandes d'amélioration, dans le respect d'un juste équilibre des pouvoirs entre le Parlement et le Gouvernement.
J'ai bien noté la suggestion que vous avez faite il y a quelques instants, monsieur le rapporteur général, de mettre en réserve une partie des 35 milliards d'ouverture de crédits. Je vais transmettre cette demande à mon collègue Éric Woerth, et je suis persuadé qu'il l'examinera, en liaison étroite avec vous,…
…d'une manière positive.
Les contours de la taxation des bonus des traders ont aussi largement dominé nos discussions.
À cet égard, nous pouvons collectivement nous féliciter de donner une traduction concrète à un principe annoncé le 9 décembre dernier grâce à une initiative conjointe du Royaume-Uni et de la France. Cette taxe est justifiée : sans les concours exceptionnels de l'État aux banques, celles-ci n'auraient sans doute pas pu réaliser les bénéfices enregistrés et publiés ces derniers mois. Avec cette taxe exceptionnelle, payée par les banques sur les bonus qui seront versés en 2010 au titre de l'exercice 2009, le Gouvernement avait souhaité que les banques qui ont les activités les plus risquées soient mises à contribution pour renforcer la sécurité des déposants.
Les discussions engagées avec la commission des finances nous ont conduits à revoir cette affectation : la taxe sera finalement affectée à OSEO et permettra de renforcer ses moyens d'intervention auprès des PME tout en améliorant le solde budgétaire. Quoi de plus naturel que de voir ceux dont les excès ont conduit à la situation que nous connaissons financer l'économie réelle, en particulier nos PME, qui sont les entreprises les plus durement touchées par une crise qui les dépasse et qui les écrase ?
La taxe est un signal fort envoyé aux banques pour les inciter à user des bonus avec mesure et modération.
C'est toujours mieux que si on n'avait rien fait, monsieur Muzeau.
Ce n'est pas vrai ! Les banques doivent dorénavant utiliser les fonds propres qu'elles ont reconstitués pour proposer du crédit aux entreprises et aux ménages, et non pour verser des rémunérations extravagantes.
Je conclus mon intervention en m'associant aux remerciements à l'instant exprimés par le rapporteur général à l'égard de l'ensemble des parlementaires, bien évidemment de tous les collaborateurs, qui ont beaucoup travaillé sur ce collectif, sans omettre les présidents de séance.
J'ai bien entendu aussi la remarque fondée du rapporteur général sur les conditions dans lesquelles ce texte vous a été soumis, en particulier les délais extrêmement courts.
Mais au regard de l'importance de l'enjeu, je vous prie, mesdames, messieurs les députés, d'accepter, une fois encore, de faire preuve de compréhension à l'égard de ce que le Gouvernement a cru devoir inscrire à l'ordre du jour pour le service de notre pays. Je vous remercie de votre compréhension. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le premier collectif budgétaire au titre de l'année 2010 inclut deux dispositions majeures : le grand emprunt, d'une part, et la taxe sur les bonus, d'autre part. Le groupe Nouveau Centre salue le travail des sénateurs ainsi que les derniers arbitrages qui ont été rendus en commission mixte paritaire, jeudi dernier, sur ces deux sujets principaux.
S'agissant tout d'abord du grand emprunt, je veux souligner ici la forte dimension volontariste de ce projet en rappelant que le groupe Nouveau Centre a été largement entendu au regard des trois principales recommandations qu'il avait formulées au Gouvernement.
Celles-ci concernaient le montant de l'emprunt, son impact sur nos finances publiques et, enfin, sa gouvernance et le contrôle parlementaire qui pourrait être exercé.
Pour ce qui est du montant de l'emprunt, nous avions en effet plaidé en faveur d'un « petit grand emprunt » à 30 milliards d'euros, loin de l'hypothèse surréaliste d'un « grand grand emprunt » à 100 milliards d'euros, dont l'impact sur nos finances publiques aurait été désastreux.
Il est vrai que puisque l'on va atteindre 1 400 milliards de dette publique à la fin de cette année pour le seul État, certains pensent qu'on n'est plus à 100 milliards près. Mais nous, nous pensons l'inverse. Avec un emprunt à 35 milliards d'euros, nous avons donc obtenu globalement satisfaction. Il nous faut fixer une limite à l'endettement de notre pays. Si nous avions suivi les préconisations surréalistes de certains parlementaires, ce n'est plus un emprunt à 100 milliards que nous aurions obtenu, mais un emprunt à 200 milliards, voire 300 milliards ! Si on les suivait, nous serions bientôt la nouvelle Grèce ! Mes chers collègues, la raison l'a emporté, et le Nouveau Centre s'en réjouit.
Le deuxième point concerne l'impact de l'emprunt sur nos finances publiques. Nous avions ici émis deux propositions pour que cet emprunt ne pèse pas durablement sur nos finances publiques et pour qu'il ne devienne pas une charge supplémentaire pour les générations qui vont nous succéder. Nous avions aussi plaidé pour que l'emprunt serve uniquement à financer des dépenses d'investissement, qui sont précisément des dépenses d'avenir, et non des dépenses de fonctionnement ; et nous avons voulu la stricte étanchéité entre les dépenses financées par l'emprunt et les crédits ouverts en loi de finances initiale. Il convient donc ici de saluer l'action du Gouvernement qui, afin de minimiser l'effet de l'emprunt sur les comptes publics, a mis en place deux mécanismes particulièrement judicieux : d'une part, la constitution d'actifs à hauteur de 60 % – voire 70 % si on inclut les avances remboursables – des crédits du grand emprunt, qui n'auront qu'un impact très limité sur notre déficit public au sens maastrichtien du terme puisque l'impact sera de l'ordre de 2,2 milliards à 2,8 milliards par an pour les cinq années qui viennent, et ces dépenses seront donc autant de dépenses d'investissement comme nous le préconisions ; d'autre part, le gage de la charge des intérêts supplémentaires liés à ce grand emprunt par une diminution proportionnée des dépenses de fonctionnement de l'État. J'ajoute que nous devons veiller au suivi budgétaire de l'emprunt pour qu'il ne soit en aucun cas débudgétisé. À cet égard, le Gouvernement a en partie répondu à nos interrogations puisque la création de quatorze nouveaux programmes budgétaires permettra de garantir leur séparation des autres dépenses du budget de l'État et d'en assurer le suivi.
Enfin, troisième et dernier point : la gouvernance du grand emprunt. Au Nouveau Centre, nous avons en effet largement alerté le Gouvernement sur les risques qu'il y aurait à ce que les utilisations de l'emprunt national échappent à la représentation nationale – c'est actuellement largement le cas pour le Fonds stratégique d'investissement. C'est la raison pour laquelle nous nous réjouissons de l'adoption de l'amendement de notre rapporteur général visant à ce que les conventions entre l'État et les opérateurs qui vont gérer les crédits soient transmises à la commission des finances de notre assemblée.
Pour la même raison, nous nous réjouissons de la validation en CMP de nombreux amendements adoptés au Sénat, qui renforcent considérablement le contrôle parlementaire des fonds engagés. Les sénateurs ont en effet fixé à dix ans maximum la durée des conventions qui seront publiées au JO, ils ont aussi instauré des modalités de transparence du processus de sélection des projets, précisé le contenu des conventions et clarifié le processus d'évaluation et de gouvernance de l'emprunt. Sur ce point, nous avons donc, là encore, obtenu satisfaction.
Néanmoins, le groupe Nouveau Centre aimerait en savoir plus, monsieur le ministre, sur l'impact potentiel de l'emprunt sur la croissance de notre pays : qu'en est-il ?
En effet, dans son rapport, le rapporteur général au Sénat révise à la baisse les estimations gouvernementales en prédisant un gain de 0,1 point de PIB par an pendant dix ans contre 0,3 point selon le Gouvernement. Où en sont vos évaluations ?
J'en viens à la seconde partie de mon intervention : la taxe sur les bonus.
Au Nouveau Centre, nous avons toujours plaidé en faveur d'une responsabilisation des professionnels des marchés financiers.
C'est pourquoi nous avions proposé que la taxe exceptionnelle sur les bonus ne soit pas intégralement payée par les banques, mais aussi par les traders. Nous nous réjouissons donc de voir que la CMP a confirmé l'amendement du Sénat visant à étendre la présente taxe aux supérieurs hiérarchiques des traders. Pour comprendre la crise que nous traversons, il faut en effet prendre en compte l'ensemble des responsables du secteur bancaire et financier.
Les responsables de la faillite du système bancaire ne sont pas seulement les traders : ceux-ci doivent être replacés dans un circuit de décision complexe incluant, à l'évidence, leurs supérieurs hiérarchiques. C'est comme cela, et comme cela seulement, que nous parviendrons à atteindre l'objectif initial de la présente taxe : changer les comportements en matière de rémunération dans les banques, c'est-à-dire modifier structurellement les mentalités face au risque. Pour nous qui sommes des libéraux en matière économique, la contrepartie d'une rémunération, c'est la prise d'un risque. Or qu'est-ce que ce système de rémunération dans lequel quand on perd, c'est la banque qui paye, et quand on gagne, on reçoit une partie des gains ? C'est un système fou…
… qui incite à des prises de risque croissantes et qui pousse à la faute !
On peut condamner ceux qui la commettent, mais c'est le système qui les pousse à la faute. C'est donc celui-ci qu'il faut réformer en profondeur.
En outre, nous avons obtenu un meilleur fléchage du produit de cette taxe en direction d'OSEO dès la première lecture. Nous étions contre son affectation au fonds de garantie. Je crois pouvoir dire que nous avons obtenu un bon compromis sur ce point puisque l'amendement du Gouvernement affectant le produit de cette taxe à OSEO conjugue le double avantage de réduire de 260 millions d'euros les dépenses de l'État – donc le déficit budgétaire– et de favoriser, comme chacun le sait, le soutien aux PME. Nous nous sommes prononcés contre l'affectation au fonds de garantie des dépôts de plus de 75 % du produit de cet impôt exceptionnel car le fonds de garantie, propriété des banques et non de l'État, doit être abondé d'une somme fixée par Mme la ministre des finances pour assurer le relèvement de la garantie de dépôt de 70 000 à 100 000 euros. C'est donc aux banques d'assurer elles-mêmes l'abondement de ce fonds.
J'émettrai deux réserves cependant.
La première concerne la garantie des déposants. Chacun comprend bien qu'il faudra que les banques versent, in fine, les 270 millions nécessaires au rehaussement du plafond de garantie demandé par l'Union européenne. À supposer d'ailleurs que le calcul soit exact. Nous avons en effet demandé à plusieurs reprises que l'on nous donne le mode de calcul permettant de déterminer quel est le montant optimal du fonds de garantie, et nous l'attendons toujours. Nous rappelons, avec d'autres, que le 1,6 milliard qui existe actuellement dans le fonds de garantie n'a aucun fondement statistique. C'est le fruit de la somme de 10 milliards de francs de l'époque plus les intérêts. Personne ne sait si c'est le bon niveau. C'est la raison pour laquelle nous avions demandé au Gouvernement, monsieur le ministre, de prendre l'engagement solennel d'effectuer par voie d'arrêté un appel à cotisation dans un délai raisonnable. Pouvez-vous nous confirmer que cela va être fait ?
La seconde réserve concerne l'impact de cette mesure exceptionnelle au titre de l'année 2009. Vous nous permettrez en effet de douter, monsieur le ministre, de la capacité d'une mesure isolée et ponctuelle à modifier durablement la rémunération des professionnels des marchés.
C'est pour pallier ces deux lacunes que nous avions proposé la création d'une taxation européenne ou au niveau de l'ensemble du G20, seule solution pour parvenir à modifier structurellement les comportements face au risque.
Mes chers collègues, vous l'aurez compris, le Nouveau Centre votera en faveur de ce premier collectif budgétaire pour l'année 2010, sous les réserves que je viens de mentionner ;…
…en rappelant les apports majeurs qui ont été faits à ce texte au Sénat, puis validés en CMP.
Notre groupe partage entièrement les inquiétudes qui se sont manifestées sur l'état des finances publiques, à cette différence que, pour nous, ces inquiétudes sont aussi des certitudes : sans protection des recettes – comme l'a rappelé M. le rapporteur général – et sans une réduction substantielle des dépenses, nous ne pourrons redresser les finances publiques de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.) Je rappelle que, lors du débat sur la loi de finances, notre groupe a été le seul à proposer 5 milliards de réductions de dépenses ciblées.
Nous attendons avec impatience les propositions que M. Woerth fera au mois de juin. Nous avions centré nos réductions sur la diminution des niches sociales et des niches fiscales. Nous avons plus de 115 milliards de niches fiscalo-sociales.
… sur lesquels il faut réduire les dépenses. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Va-t-il se référer à la parole du Président de la République en introduction, en conclusion ou dans les deux ?
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative pour 2010 a permis de confirmer encore un peu plus la capacité de la majorité à agir lorsque la situation économique de la France l'exige.
Elle ne l'a pas tant fait par des mesures de relance qui ont été mises à jour tant dans les lois de finances que les lois de finances rectificatives sur l'année 2009, qu'en préparant l'investissement d'avenir en lançant un emprunt de 35 milliards d'euros.
Par un effet de levier, cet emprunt va induire quelque 60 milliards d'euros d'investissements publics et privés pour les 25 prochaines années. L'intérêt est de structurer la future croissance française, d'aider les entreprises à devenir plus performantes en innovations technologiques, et bien sûr d'exploiter de nouveaux segments de marché tels que les secteurs de l'environnement ou des hautes technologies, par exemple.
Voilà la mesure essentielle de cette loi de finances rectificative : le grand emprunt de 35 milliards d'euros. Comme l'a dit Gilles Carrez, la commission mixte paritaire a convenu de l'intérêt de ce grand emprunt et a apporté quelques améliorations qui ne sont pas marginales puisqu'elles portent sur la gouvernance – un sujet très important – et sur une possible mise en réserve.
Si j'en crois les propos tenus tout à l'heure par le ministre chargé des relations avec le Parlement, ces propositions seront examinées avec la plus grande bienveillance par le ministre des comptes publics.
La gouvernance est un sujet particulièrement important, puisque ces 35 milliards d'euros seront très largement délégués à des opérateurs. La démarche est finalement rassurante dans la mesure où cette somme pourrait constituer une sorte d'effet d'aubaine pour des personnes qui parviendraient à trouver un canal leur permettant de capter une partie de l'investissement.
C'est une bonne méthode de confier l'aide à la décision à des opérateurs qui suivent ces secteurs depuis bien longtemps, à des professionnels des hautes technologies, de l'environnement ou de l'industrie des transports.
Le dispositif sera placé sous la houlette du commissaire général au grand emprunt et sous le regard d'une commission de surveillance constituée notamment de quatre députés et de quatre sénateurs. Au nom de la commission des finances mais aussi des autres commissions des assemblées, ces derniers vont pouvoir s'exprimer sur les investissements d'avenir réalisés dans le cadre de ce grand emprunt.
L'essentiel est l'effet de levier joué par ces 35 milliards d'euros, et qui permettra finalement d'atteindre un investissement total de 60 milliards d'euros.
Monsieur le ministre, je formulerai le souhait que cet investissement soit réalisé le plus rapidement possible, de telle sorte que les programmes soient lancés au plus vite et que, de ce fait, ils concourent à deux objectifs.
Premièrement, ils devraient concourir au processus de relance qui s'est enclenché comme en témoignent les chiffres sur les perspectives de croissance et sur la réduction du chômage qui ont été publiés à l'occasion du débat sur la loi de finances rectificative. Finalement, un lancement rapide du grand emprunt pourrait accélérer la sortie de la phase de récession de 2009.
Deuxièmement, ils pourraient aider l'industrie française à se mettre au niveau mondial en matière de performance industrielle et technologique.
Voilà deux grands enjeux qui me font souhaiter une mise en oeuvre rapide du grand emprunt.
Autre sujet évoqué par Gilles Carrez et Charles de Courson : la taxation des bonus des traders. L'Assemblée nationale a adopté un dispositif de qualité qui a été renforcé au Sénat, et la commission mixte paritaire a jugé qu'il convenait.
Quel est-il ? D'abord, il consiste à confirmer la taxation des bonus des traders et son affectation au renforcement des fonds propres des PME par le truchement d'OSEO.
Ensuite, il prévoit de taxer également les bonus des responsables des traders, afin de responsabiliser toute la chaîne qu'il s'agisse de la politique de rémunérations ou des résultats exceptionnels de l'année 2009.
En effet, au dévissage mondial des marchés financiers de 2008 a succédé un rééquilibrage mécanique l'année suivante. Il est donc tout à fait normal de taxer ces résultats qui ne sont pas des performances exceptionnelles de traders exceptionnels mais des performances mécaniques de traders qui ont effectué un travail en partie classique.
Voilà pourquoi il est parfaitement justifié de taxer ces bonus pour l'année 2009 et de ne pas reconduire la mesure en 2010.
De deux choses l'une : soit la décision de taxer les bonus des traders et de leurs responsables est prise au niveau mondial et nous pourrions nous inscrire dans cette démarche ; soit ce n'est pas le cas, et il s'agit de ne pas risquer l'affaiblissement de la place financière de Paris par rapport aux autres places mondiales par l'application d'une taxation nationale. Le groupe UMP ne s'inscrit donc pas dans cette dernière démarche.
Mes chers collègues, les travaux de la commission mixte paritaire ont aussi donné lieu à un grand débat sur la mise en réserve d'une partie du grand emprunt et sur le financement de l'emprunt public au cours des prochaines années que ce soit au niveau français ou européen.
Selon les estimations, la dette de la crise atteindra environ 1 500 milliards d'euros au total en 2011, et il faudra bien la financer. À cet égard, l'audition de Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France, demain matin par la commission des finances, sera d'un grand intérêt s'agissant du financement de cette dette publique qui arrivera sur les marchés en 2011. Il faudra bien trouver une solution ou une autre.
Le groupe UMP votera cette loi de finances rectificative : le grand emprunt est non seulement nécessaire à la politique conduite par le Gouvernement, mais il est aussi nécessaire au développement de l'industrie française sur de nouveaux segments et à la conservation et à la création d'emplois sur notre territoire.
Le groupe UMP votera aussi pour cette loi parce qu'il était particulièrement attaché à cette mesure proposée par le Président de la République…
…qu'est la taxation des bonus des traders.
Je ne voulais pas décevoir M. Muzeau : je sens que, de temps en temps, il a du mal à se remettre du fait qu'il ne peut pas saluer le travail du Président de la République à chacune de ses interventions ; je le fais à sa place et je sais qu'il m'en remercie.
Mes chers collègues, je vous invite à voter en faveur de cette loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, mes chers collègues, en écoutant Gilles Carrez, je me faisais la réflexion suivante : nous en appelons à des règles d'autant plus dures en matière d'équilibre budgétaire que cet équilibre est de plus en plus précaire.
Des règles existent déjà. Peut-être pourrions-nous les respecter, avant d'en appeler à de nouvelles ?
Nous ne respectons évidemment pas les règles européennes que je rappelle pour mémoire : 60 % du PIB et 3 % de déficit. En vérité, aucun pays européen ne les respecte.
Sur tous les bancs, chacun conviendra qu'en ces circonstances exceptionnelles, des politiques exceptionnelles devaient être mises en oeuvre qui justifient le non-respect probablement temporaire – même s'il doit durer – de ces règles.
Cela étant, il y en a d'autres qui ne tiennent pas à des contingences communautaires, mais à des préceptes nationaux que vous avez votés, mes chers collègues de la majorité, et dont je m'étonne que vous les respectiez si peu.
La première règle, dans l'ordre juridique, est constitutionnelle : l'une des modifications apportées à notre Constitution, il y a un an et demi, donne aux lois de programmation pluriannuelles un objectif de nature constitutionnelle et d'équilibre à terme des comptes publics.
Dans cet esprit, une loi de programmation pluriannuelle prévoyant un retour à l'équilibre a été adoptée il y a un an. Actuellement elle est totalement bafouée et reniée : elle n'est en rien respectée et le retour à l'équilibre est renvoyé à on ne sait quand.
Cette règle existait et vous ne la respectez pas, alors que vous l'avez pourtant proposée et adoptée lors du Congrès du Parlement réuni à Versailles.
La deuxième règle que vous ne respectez pas fut adoptée de façon plus consensuelle : il s'agit de la nouvelle loi organique sur les lois de finances.
Elle prévoit que des dépenses fiscales doivent être gagées et que la ressource fiscale doit être protégée : dès lors qu'un plafond est défini, rien n'autorise à le dépasser. Ces deux règles-là, vous ne les avez pas non plus respectées l'année dernière.
C'est vrai pour la dépense fiscale, puisque rien n'a gagé l'abaissement du taux de TVA sur la restauration. C'est vrai pour la protection de la dépense fiscale, j'en veux pour preuve la dérive structurelle de nos comptes publics.
Le non-respect de ces règles conduit objectivement à une dégradation considérable de nos comptes publics qui doit évidemment beaucoup à la crise, mais pas seulement qu'à elle.
Mes chers collègues, le dernier rapport annuel de la Cour des comptes l'indique très clairement : sur les 7,9 % de déficit public constatés en 2009, la moitié est due à la crise et l'autre résulte des politiques publiques qui sont menées et qui correspondent à une dérive structurelle des comptes publics.
Les esprits rigoureux ne croiront pas que ce déficit public est intégralement dû à la crise. L'affirmer témoigne d'une manifeste erreur d'appréciation, à défaut d'être un mensonge avéré. Nous dénonçons cette erreur et nous condamnons ce mensonge. Dans l'un ou l'autre cas, les auteurs se reconnaîtront facilement.
La Cour des comptes met en évidence cette dérive structurelle qui résulte d'une insuffisante maîtrise de la dépense publique mais aussi de la dépense fiscale.
L'insuffisante maîtrise de la dépense publique se vérifie dans le domaine de l'emploi car la règle du non-remplacement du départ à la retraite d'un fonctionnaire sur deux ne s'applique en vérité qu'aux services ministériels de l'État et non aux opérateurs.
Interrogés en commission des finances, le directeur du budget et le premier président par intérim de la Cour des comptes, M. Pichon, nous ont clairement indiqué qu'ils étaient dans l'impossibilité de nous dire si cette règle s'appliquait également aux opérateurs.
Ceux qui en doutent ou qui sont intéressés peuvent consulter un référé récent de la Cour des comptes démontrant que le périmètre de l'emploi a considérablement augmenté chez les opérateurs : entre 2006 et 2009, ces derniers ont créé près de 60 000 emplois supplémentaires, gommant – et même au-delà – les efforts réalisés dans les services ministériels.
Les opérateurs ne sont pas soumis à la norme. D'ailleurs, les différents ministères sont dans l'incapacité technique de contrôler l'évolution de l'emploi parmi les opérateurs.
Une nouvelle règle prévoit de soumettre les opérateurs à la règle du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux. Les pouvoirs publics se sont privés des moyens de la faire respecter, tant la politique de réduction de l'emploi de la puissance publique dans les services de l'État fut appliquée de façon peu fine et trop brutale.
Le non-respect de ces règles produit donc un déficit public considérable. En Europe, nous serons le seul des grands pays à afficher une aggravation de son déficit public, alors que celui de certains autres pays se réduit. L'Allemagne prévoit un déficit public de 3 % l'année prochaine ; le nôtre passera de 7,9 % à 8,2 %.
Notre déficit public va s'aggraver, et le grand emprunt y contribuera. Au demeurant, je reste surpris de l'appellation : cet emprunt n'est ni grand ni petit, il est tout simplement de trop.
Même si le grand emprunt n'est cette année responsable de la dégradation du budget de l'État qu'à hauteur de 2 à 3 milliards d'euros, c'est toujours 2 à 3 milliards de trop, lesquels, n'étant ni financés ni gagés, seront payés par les générations futures. En la matière le débat n'est pas de savoir s'il faut investir et engager des dépenses d'avenir, mais comment. Nous sommes d'accord avec nos collègues de l'UMP pour dire que ces dépenses sont nécessaires, mais nous ajoutons, car ils se gardent bien de le faire, que, depuis deux ans et demi qu'ils sont majoritaires – et même depuis 2002 –, il est bien temps de penser à des dépenses d'avenir.
Au fond, il était bien temps d'inclure des dépenses d'avenir dans les quelque 260 à 270 milliards d'euros du budget de l'État, hors prélèvements sur recettes et dotations aux collectivités. En l'occurrence, mes chers collègues, l'État n'investit – pour les seuls investissements civils, bien sûr – qu'un peu plus de 20 milliards, fonds de compensation pour la TVA inclus, le reste relevant donc du fonctionnement. Cette seule comparaison vaut condamnation des politiques publiques passées, condamnation dont je veux bien admettre, chers collègues de la majorité, qu'elle peut remonter au-delà de 2002 ; mais convenez qu'elle peut être bien plus forte depuis quelques années.
Il ne s'agit donc pas de savoir s'il faut investir ou non – il le faut, naturellement –, mais de condamner une modalité, l'emprunt, quand d'autres étaient possibles. Cet emprunt, qu'il faudra bien rembourser, a déjà un impact en 2010, car ses intérêts obligent à mobiliser 500 millions d'euros, au détriment de dépenses d'avenir : il a ainsi fallu supprimer 120 millions pour l'enseignement supérieur et la recherche, et une centaine de millions pour le développement durable. On pourrait multiplier les exemples ; tous montrent que la politique menée est contradictoire, puisqu'elle consiste à endetter notre pays pour des dépenses d'avenir, alors que les sujets qui en relèvent font l'objet d'annulations de crédits dès cette année. Difficile, monsieur le ministre, de voir une cohérence dans cette politique, d'autant que d'autres modalités, je le répète, étaient possibles : il eût suffi d'une politique fiscale, sinon juste – après tout, nous avons sans doute une appréciation différente de la justice fiscale –, mais tout simplement de bon sens.
Depuis 2002, vous avez aggravé la dépense fiscale de 25 à 30 milliards d'euros, et continuez de l'aggraver. Votre politique conduit en effet à un déficit structurel de nos dépenses publiques, qu'il sera de plus en plus difficile de résorber. Oui, il était possible de financer les dépenses d'avenir par une politique fiscale de bon sens. Je prendrai un seul exemple. La niche fiscale dite « Copé », adoptée après moins d'une minute de débat au Sénat et sans discussion en commission mixte paritaire, a coûté à notre pays, en 2008 et en 2009, 18,6 milliards d'euros, dont n'ont bénéficié ni les PME ni les nouvelles entreprises, mais, par ordre décroissant, les banques, EADS, Lagardère et Bolloré. Qu'on ne me dise pas que ces entreprises ont besoin du concours de l'État pour se développer, même si nous avons tout lieu de nous féliciter de leur succès ! Pourquoi solliciter des subsides publics alors que, contrairement à d'autres entreprises, elles n'en ont à l'évidence pas besoin ? Nous avons tous dans nos circonscriptions des PME créatrices d'emploi qui aimeraient bénéficier ne serait-ce que du dixième de cette somme, ce qui est impossible dès lors que l'on consacre tant d'argent à ces grands groupes.
Non content de durcir inutilement certaines règles – puisque celles qui existent déjà ne sont pas respectées – et de créer un emprunt tout aussi inutile quand une politique fiscale de bon sens eût suffi, ce projet de loi de finances rectificative est par ailleurs contradictoire, puisqu'il supprime des dépenses que vous qualifiez vous-mêmes d'avenir.
Reste le dernier sujet : la taxe sur les traders, appellation d'ailleurs abusive puisque ce ne sont pas ces derniers qui la paieront mais les banques. Cette taxe, comme toute autre, doit en principe avoir une finalité : modifier les comportements ; sinon, cela s'appelle un impôt. Ainsi, la taxe sur telle boisson alcoolisée et pétillante a montré toute son efficacité, puisque l'on cessa d'acheter ces boissons, pour le plus grand bien de la santé publique.
La taxe sur les traders avait, paraît-il, une finalité morale : dissuader les intéressés de continuer d'exercer leur métier avec une avidité telle que, s'ils y trouvaient leur compte, les banques – c'est-à-dire, in fine, la collectivité – n'y trouvaient pas le leur. Ladite taxe étant créée a posteriori, elle ne peut par définition modifier les comportements qu'elle vise. En quoi, par ailleurs, influerait-elle sur les comportements futurs, puisque vous avez souhaité qu'elle soit unique et qu'aucune opération ne soit taxée en 2010 ? Bref, elle n'a donc pas la finalité que certains lui attribuent : enjoindre, le plus fermement possible, aux opérateurs de certains organismes bancaires et financiers de mettre fin à des pratiques qui, je le répète, leur permettent peut-être de faire fortune mais peuvent aussi avoir des conséquences graves pour les banques et désastreuses pour nos économies et nos pays, bref, pour tous ceux qui souffrent de la crise, au premier rang desquels les chômeurs. La taxe n'aura donc aucune conséquence sur les comportements.
Aura-t-elle au moins une finalité budgétaire ? Soulagera-t-elle notre pays des tensions budgétaires qu'il subit ?
Même pas. Les comparaisons, à cet égard, sont cruelles. Le bénéfice de la BNP, qui dépasse les 6 milliards d'euros, et celui de la Société général, certes un peu moindre, doivent être mis en regard des recettes attendues, pour l'État, de la taxe, à savoir un peu moins de 250 millions d'euros. Ne trouvez-vous pas, mes chers collègues, qu'il y a un peu d'indécence à se féliciter d'une taxe qui rapportera 250 millions d'euros, quand, dans le même temps, des banques, qui ont eu besoin du concours de l'État pour se sauver d'une situation où elles s'étaient mises toutes seules, et qui engrangent des bénéfices de plusieurs milliards d'euros, refusent, au nom d'une supposée compétitivité de la place financière de Paris, de contribuer davantage qu'à hauteur de 250 millions d'euros à l'apaisement des tensions financières et budgétaires du pays ?
Je vois, pour ma part, une certaine indécence et beaucoup d'impudence dans l'attitude de ceux qui s'abritent derrière la réputation supposée de la place de Paris pour refuser d'obliger les banques à soulager l'État, alors que celui-ci, c'est-à-dire les contribuables, a su les sauver lorsqu'elles en avaient besoin. Une certaine forme de réciprocité eût été la moindre des choses, et s'il était impossible, pour les banques, de contribuer au budget de l'État comme le budget de l'État a pu contribuer à leur sauvetage, à tout le moins pouvait-on espérer un geste plus significatif, sinon de leur part, en tout cas de la part du Gouvernement et du chef de l'État, lequel avait annoncé haut et fort la fin de l'économie-casino et clamé son refus des comportements ayant précipité la crise. L'économie-casino, mes chers collègues, a repris ; la médiation du crédit a de plus en plus de mal à obtenir des banques qu'elles fassent leur métier ; en revanche, ces dernières ont tout à fait renoué avec les bénéfices, et plus elles continueront dans cette voie, moins la puissance publique pourra influencer leur comportement : c'est là la conséquence des choix que vous avez faits et que nous avons condamnés.
Ce projet de loi de finances rectificative résume donc parfaitement la politique que nous condamnons.
Que d'arguments pour ne pas accepter la présidence de la commission des finances !
Il m'arrive de répondre à ceux qui m'interpellent ; vous me permettrez de ne pas le faire cette fois-ci, tant cette interruption me semble hors de propos. J'espère néanmoins, mon cher collègue, qu'elle vous a fait plaisir. (Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Nous condamnons cette politique, disais-je, car elle aboutit à une dégradation considérable des finances publiques qui pèsera sur les générations futures ; elle conditionne les dépenses d'avenir à un emprunt qui n'est ni grand ni petit, mais de trop, dans la mesure où une politique fiscale de bon sens eût suffi. Ce projet de loi de finances rectificative veut faire prendre des vessies pour des lanternes, et faire croire aux Français que les banques contribuent à l'effort budgétaire ; bref, il veut faire croire à une forme de moralisation, ce qui n'est pas le cas. Nous voterons donc contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Bien que les deux ministres en charge des finances publiques soient au Sénat et non à l'Assemblée, je ne conclurai pas que l'essentiel se discute désormais hors de notre enceinte ; vous me permettrez néanmoins, monsieur le ministre, de m'interroger sur ces absences. L'un des deux ministres, au moins, aurait pu être présent sur nos bancs.
Nous arrivons au terme de l'examen de ce premier projet de loi de finances rectificative pour 2010 avec le sentiment de nous trouver face à un gouvernement qui multiplie les effets d'annonce mais se refuse obstinément à remettre en question les fondamentaux de sa politique économique, en dépit des critiques qui lui sont adressées tant dans les rangs de l'opposition que sur certains bancs de la majorité.
Le Gouvernement est à ce point enfermé dans une logique dogmatique qu'il pousse l'aveuglement jusqu'à ignorer délibérément les critiques et les avertissements que lui adresse la Cour des comptes. Vous continuez dans la voie que vous vous êtes tracée, quitte à jouer avec les chiffres, à maquiller la réalité et à broder sur les perspectives de croissance.
Vous avez ainsi et notamment affirmé que l'aggravation du déficit budgétaire de notre pays en 2009 était exclusivement due à la crise. C'est une contrevérité. Au demeurant, même si c'était vrai, vous ne seriez pas quitte pour autant, car vous êtes, avec l'ensemble du monde financier, largement co-responsable de la crise. S'il est vrai que celle-ci a provoqué une chute de plus de 20 % de recettes fiscales au titre de l'impôt sur les sociétés, de 30 milliards pour la TVA et l'impôt sur le revenu, la Cour des comptes a apporté la démonstration que le déficit résultait également, pour une part non négligeable, des politiques publiques que vous avez conduites avant la crise, de l'insuffisante maîtrise de la dépense fiscale – avec les « cadeaux fiscaux » – et de votre acharnement à assécher les comptes publics et sociaux. Vous refusez de dresser le bilan de votre politique économique et de tirer les leçons de la crise car votre feuille de route, pour ne pas dire votre ordre de mission, consiste à continuer comme si de rien n'était.
Les deux mesures phares de ce projet de loi de finances rectificative en portent témoignage. Celui-ci instaure en premier lieu une taxe purement symbolique sur les bonus perçus en 2009 par les traders. Cette mesure d'affichage, qui ne s'appliquera d'ailleurs qu'une fois, ne vise qu'à faire diversion et à détourner l'attention des enjeux fondamentaux que représentent la réforme du système bancaire et la régulation des flux financiers.
Vous n'avez cessé, depuis le début de la crise, de clamer que rien ne serait plus comme avant et qu'il convenait de moraliser le capitalisme. Il s'agissait surtout de faire passer la pilule des milliards d'euros utilisés pour le sauvetage des banques, et ce sans aucune contrepartie. Les banques vous remercient ; et qu'importe si nos PME souffrent pour accéder au crédit ; qu'importe si des centaines de milliers de nos concitoyens ont perdu et continuent de perdre leur emploi. Vous avez sauvé le système bancaire,…
…c'est-à-dire – comme vous l'avez vous-même expliqué, monsieur le ministre – permis de retrouver le chemin de la spéculation à outrance et des rémunérations somptuaires pour les responsables mêmes de la crise.
Certains, y compris à droite de cet hémicycle, s'interrogent. Quand donc allez vous prendre à bras le corps la question de la responsabilisation des banques et des moyens alternatifs de financement de notre économie ? Le Président des États-Unis, Barack Obama, s'est récemment interrogé sur l'opportunité de séparer les activités de dépôt des activités d'affaires des banques. Où en sommes-nous de cette réflexion en France ?
Nous proposons depuis des années la création d'un pôle financier public afin d'engager une nouvelle politique du crédit, en marge du système concurrentiel. Ce pôle aurait pour mission l'allocation sélective de crédits à taux bonifiés aux entreprises qui investissent dans la formation et la recherche, créent des emplois qualifiés et correctement rémunérés, ou à celles qui s'engagent dans l'adaptation de leur outil de production aux contraintes environnementales.
L'idée fait aujourd'hui son chemin. Elle est partagée par certains élus se réclamant du gaullisme, tel Nicolas Dupont-Aignan, ou par certains économistes, tel Pierre-Noël Giraud, professeur d'économie à l'École des Mines, qui, s'exprimant récemment dans les colonnes d'Alternatives économiques, jugeait lui aussi possible « d'envisager un service public du crédit qui permettrait d'éviter que la monnaie et l'économie ne soient ravagées par la conjoncture d'une finance de marché intrinsèquement instable ».
Jusqu'alors, vous n'avez jamais accepté d'envisager avec sérieux cette proposition. Votre unique préoccupation n'a pas été de réformer le capitalisme, mais d'en restaurer le fonctionnement, de sorte que, en réalité, vous contribuez activement à préparer la prochaine crise financière.
Les dégâts que la finance de marché a causés à la monnaie et au crédit – et par conséquent à toute l'économie – imposent que soient prises des mesures fortes, allant bien au-delà de la légitime dénonciation des revenus excessifs perçus par les traders. Il y va de l'avenir de notre économie, de notre modèle social et des finalités de la politique économique. Or un constat s'impose : rien n'a été tenté pour réorienter la politique économique et relever les nouveaux défis : retour d'une croissance saine, résorption du chômage, réduction des inégalités sociales et territoriales.
Il est pourtant d'une urgence primordiale de sortir notre pays de la désastreuse spirale inégalitaire dans laquelle il continue de s'enfoncer et que votre politique économique et sociale n'a cessé de renforcer à coup d'exonérations de cotisations sociales, de cadeaux fiscaux qui n'avantagent que les seuls détenteurs de patrimoine, de dispositifs visant à déréguler le marché du travail et à précariser l'emploi.
Le fait est que, bien que les chiffres du chômage soient déjà désastreux – rappelons que 866 000 personnes ont perdu leur emploi depuis décembre 2007 et que ce chiffre continue d'augmenter, comme en témoignent les annonces incessantes de nouveaux plans sociaux et de fermetures de sites –, ils risquent de s'aggraver encore, avec la possible destruction de 580 000 emplois cette année. Dans ces circonstances, l'urgence est évidemment d'adopter des mesures très volontaristes.
(Mme Catherine Vautrin remplace M. Marc Laffineur au fauteuil de la présidence.)
Vous annoncez que la crise est derrière nous et que la reprise sera au rendez-vous dans les prochains mois. Mais vous ne semblez pas envisager le cas d'une reprise sans emploi, d'une reprise excessivement fragile.
Nous craignons pour notre part que tel soit bien l'effet du grand emprunt de 35 milliards d'euros voulu par le Président Nicolas Sarkozy et dont on nous demande d'approuver les modalités en votant le présent projet de loi de finances rectificative. Aussi, nous nous associons à la sage proposition du rapporteur général, qui préconise d'en mettre une partie en réserve – je tenais à le dire, bien que M. Carrez ait quitté l'hémicycle.
Je disais simplement que nous étions d'accord, monsieur le rapporteur général.
Nous sommes en effet sceptiques quant à l'efficacité de ce programme d'investissement. Nous partageons les doutes exprimés par M. Philippe Marini, rapporteur du texte au Sénat – décidément, la lumière nous vient du Sénat –, qui, il y a deux semaines, déclarait que « l'affirmation selon laquelle l'emprunt national augmenterait la croissance de 0,3 point par an pendant dix ans n'est pas crédible » et soulignait que « son impact sur la croissance potentielle sera peu significatif ». Nous en sommes également convaincus.
Les priorités du plan d'investissement sont loin d'être aussi prometteuses que vous tentez de nous le faire croire. Elles sont même loin d'être aussi novatrices que vous le prétendez. Des expériences de création de nouvelles activités ont été menées par le passé, dans les secteurs que l'on qualifiait déjà « d'avenir ». Elles ont conduit à des impasses et, surtout, n'ont pas permis d'enrayer les importantes pertes d'emplois industriels : moins 27 % depuis 1990. Leur seul effet a été de provoquer un transfert de la population active vers des emplois de moins en moins qualifiés et moins bien rémunérés.
Une fois de plus, votre stratégie d'investissement va conduire à privilégier les grands groupes au détriment des PME, qui sont la principale faiblesse, mais aussi le principal atout, de notre tissu industriel. De même, rien n'a été prévu en faveur du rail, qui représente pourtant un enjeu considérable, pour la réalisation d'infrastructures de transports nouvelles, le développement du fret et du transport multimodal, pas plus que sur la limitation des émissions de gaz à effet de serre. Là aussi, je m'associe totalement aux propos du rapporteur général, qui déplore l'absence, dans ce projet de loi, des infrastructures ferroviaires.
Les orientations du grand emprunt ne tiennent aucun compte des principaux atouts de notre pays : son modèle social, la qualité de ses services publics, la qualité de ses infrastructures, son tissu de PME, le niveau de qualification de ses salariés, la qualité et l'indépendance de la recherche publique. Votre politique économique et budgétaire n'a eu et n'a encore qu'un seul leitmotiv : tenter de gagner la confiance des marchés et donc offrir notre pays en pâture aux grossiers appétits des rentiers. Nos concitoyens en paient aujourd'hui les lourdes conséquences. Sans doute les banques vous remercient-elles, mais pas les chômeurs en fin de droit, pas les travailleurs précaires, toujours plus nombreux, pas ceux de nos concitoyens qui voient se profiler le plan d'austérité qui les frappera durement et qui savent, comme nous, que seuls les plus nantis continueront de bénéficier de vos largesses. Dans ces circonstances, nous voterons bien évidemment contre votre projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.
Conformément à l'article 113, alinéa 3, du règlement, je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur les amendements dont je suis saisie.
La parole est à M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement, pour soutenir les amendements nos 1 , 2 , 3 et 4 .
Je voudrais expliquer très simplement la raison d'être de ces quatre amendements rédactionnels.
Je vais l'être, monsieur Mallot. Je vous remercie de la sollicitude constante dont vous faites preuve à mon égard : elle me touche et m'encourage.
L'article 11 du collectif reprend le dispositif qui a été adopté ici même le 2 décembre 2009, dans le cadre de la proposition de loi relative à la simplification et à l'amélioration de la qualité du droit, présentée par le président Jean-Luc Warsmann. Ce dispositif réécrit les règles de TVA et de droits d'enregistrement relatives aux opérations immobilières. Elle respecte désormais le cadre de la directive TVA, sans modifier les équilibres fiscaux et budgétaires pour les opérateurs, les collectivités territoriales et l'État. Le Gouvernement se félicite de son intégration dans ce projet de loi de finances rectificative…
…qui permet d'accélérer l'entrée en vigueur du nouveau régime. L'urgence tient en effet…
…à l'insécurité juridique du régime existant et à une forte demande des professionnels.
Je souligne néanmoins que cette entrée en vigueur immédiate n'entraînera évidemment aucune remise en cause des engagements ou compromis de vente qui ont été conclus sous l'empire…
…des anciennes rédactions. Ces amendements se bornent donc à apporter quatre précisions rédactionnelles : leur utilité a été identifiée à l'occasion de l'ultime exercice de relecture du texte issu de votre CMP.
La commission est favorable à ces amendements de précision qui intègrent dans le régime de TVA immobilière les opérations d'accession sociale, qu'elles concernent le « Pass foncier » ou les opérations de cession dans le cadre de l'ANRU.
(Les amendements nos 1 rectifié , 2 , 3 et 4 sont adoptés.)
Personne ne souhaite intervenir pour une explication de vote.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par les amendements qui viennent d'être adoptés.
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du texte du projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale (n° 2315).
La parole est à M. Jean-Paul Garraud, rapporteur de la commission mixte paritaire.
de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, très impliqué depuis plusieurs années dans l'évaluation et la prise en charge de la dangerosité, je suis particulièrement heureux de m'exprimer devant vous à l'occasion de l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur un projet de loi qui marque l'aboutissement d'une évolution législative indispensable.
Nombreux sont les travaux qui, depuis des années, prônent le développement, à côté des peines, qui ont pour vocation de sanctionner les faits commis, de mesures de sûreté destinées à prévenir la commission de nouveaux faits criminels : la mission d'information de l'Assemblée nationale présidée par Pascal Clément et à laquelle j'ai appartenu, la mission d'information du Sénat de MM. Goujon et Gautier, le rapport de la commission Santé-Justice de Jean-François Burgelin, ancien procureur général de la Cour de cassation, et le rapport sur la prise en charge de la dangerosité, intitulé Réponses à la dangerosité, que j'avais eu l'honneur de remettre au Premier ministre le 18 octobre 2006.
Dans la lutte que nous menons contre les récidivistes, il faut prendre toutes nos responsabilités et aller au bout de notre logique. Il est intolérable d'admettre des « sorties sèches » – c'est-à-dire sans aucune surveillance – de détenus ayant déjà commis des faits gravissimes et dont on sait pertinemment qu'ils vont recommencer.
Pour éviter cela, la logique est simple et s'applique en deux temps. D'une part, à la culpabilité correspond la peine : l'individu est condamné en fonction de la gravité des faits qu'il a commis. Il doit être puni, mais cette sanction doit aussi lui être utile, son parcours en détention est individualisé, sa réinsertion constituant l'objectif final. Nous avons d'ailleurs vu tout cela dans le cadre de la loi pénitentiaire qui a été votée récemment.
D'autre part, à la dangerosité correspond la mesure de sûreté. C'est une évolution juridique majeure dans notre pays. Cette mesure de sûreté ne doit pas être confondue avec la peine : bien qu'ayant purgé leur peine pour des faits graves, certains individus restent particulièrement dangereux. En cas de risque élevé de récidive, il faut continuer de les surveiller, de les contrôler, de leur imposer des traitements médicaux, aussi longtemps que durera cette dangerosité. Il faut non seulement individualiser la peine, dans le prononcé de la sanction, mais aussi le parcours en détention – ce que nous avons voté dans la loi pénitentiaire – et aussi la mesure de sûreté : c'est une nécessité qui répond à une vision juridique et pragmatique que de nombreux pays, notamment la Belgique, les Pays-Bas ou le Canada, ont adoptée depuis longtemps, sans que cela soit considéré, pour les pays européens, comme contraire à la convention européenne des droits de l'homme.
Le présent projet de loi met pleinement en oeuvre cette logique des mesures de sûreté, sur laquelle le Sénat et l'Assemblée nationale se rejoignent largement et partagent la détermination du Gouvernement à mettre en oeuvre les mesures les plus pragmatiques et les plus efficaces pour protéger nos concitoyens des criminels récidivistes.
Adopté en première lecture, le 24 novembre 2009 à l'Assemblée nationale et le 18 février 2010 au Sénat, ce projet de loi a donné lieu, hier, à la réunion d'une commission mixte paritaire. Initialement, le projet de loi, issu du rapport de M. Lamanda, premier président de la Cour de cassation, avait surtout une dimension technique, mais j'ai souhaité le renforcer en apportant des modifications substantielles, notamment en prévoyant un renforcement important des obligations auxquelles peuvent être soumis, après leur libération, dans le cadre de ces mesures de sûreté, les criminels qui ont été condamnés à de lourdes peines et qui présentent toujours une certaine dangerosité.
Grâce au travail approfondi et à la réflexion menés par sa commission des lois, en particulier par le rapporteur de celle-ci, M. Jean-René Lecerf, le Sénat a apporté de nouvelles modifications au texte. Pour une très large part, le texte adopté par le Sénat correspond à l'esprit des évolutions adoptées par l'Assemblée nationale. Au terme de ses lectures successives et après son adoption par le Sénat, le nombre d'articles du projet de loi est passé de neuf dans le texte initial à vingt-deux.
Parmi eux, six ont été adoptés conformes. J'en citerai deux, qui illustrent pleinement le fait que, sur la question du développement des mesures de sûreté, le Sénat et l'Assemblée nationale partagent la même philosophie et le même objectif : tout d'abord, l'article 1er A, qui répare un oubli de la loi du 25 février 2008 en permettant de placer en rétention ou surveillance de sûreté une personne condamnée en récidive pour les crimes non aggravés de meurtre, torture ou actes de barbarie, viol, enlèvement ou séquestration ; ensuite, l'article 8, qui prévoit la possibilité d'inscrire au casier judiciaire les décisions d'irresponsabilité pénale assorties d'une hospitalisation d'office ordonnée par la juridiction. Il est important, pour ne pas dire essentiel, de permettre aux juridictions d'ordonner une hospitalisation d'office ; cela a été relevé au cours de nos travaux.
S'agissant d'onze autres articles modifiés par le Sénat ou ajoutés par lui au texte de l'Assemblée nationale, la CMP a adopté le texte du Sénat, sous réserve d'un certain nombre de précisions rédactionnelles présentées conjointement avec M. Lecerf. Je citerai deux de ces articles : l'article 1er bis, par lequel le Sénat a maintenu l'allongement d'un à deux ans de la durée du placement sous surveillance de sûreté, ce qui est, bien sûr, une mesure d'efficacité et de bon sens ; l'article 8 bis, qui permettra de rendre plus efficaces les conditions d'enregistrement des données au fichier national des empreintes génétiques.
Un certain nombre de désaccords qui demeuraient sur cinq articles ont été tranchés par la commission mixte paritaire. L'équilibre atteint par la CMP sur ces différents points apparaît satisfaisant, même si je dois émettre quelques réserves sur certaines dispositions pour lesquelles la réflexion devra, à mon sens, être poursuivie.
La question la plus importante qu'avait à trancher la CMP était celle du seuil de placement sous surveillance de sûreté. En effet, alors que la loi du 25 février 2008 avait prévu des seuils de peine identiques pour le placement sous surveillance de sûreté et le placement sous rétention de sûreté, l'Assemblée nationale avait, à mon initiative et conformément à une logique de gradation des mesures de sûreté à laquelle je suis très attaché, voté l'abaissement du seuil de placement en surveillance de sûreté de quinze à dix ans. Le Sénat n'avait pas souhaité conserver cette évolution, qui répondait pourtant à une logique de gradation : la mesure la plus coercitive, la rétention de sûreté, aurait nécessité le seuil de peine le plus élevé pour pouvoir être décidée ; la mesure la moins coercitive, car non privative de liberté, c'est-à-dire la mesure de surveillance de sûreté, aurait pu être prononcée pour des personnes condamnées à des peines lourdes – dix ans – mais moins lourdes que celles requises pour la rétention de sûreté.
Au terme d'un passionnant débat, la CMP a décidé de maintenir le même seuil de quinze ans de peine prononcée pour la rétention et la surveillance de sûreté. A notamment été avancé, pour justifier ce maintien du droit actuel, le risque de censure constitutionnelle, en raison du fait que la violation de la surveillance de sûreté peut donner lieu à un placement en rétention de sûreté, ce qui aurait pu être considéré indirectement comme un abaissement du seuil de la rétention de sûreté. À titre personnel, je continue de penser, comme d'autres députés membres de la commission des lois, qu'il aurait été préférable de courir le risque allégué d'inconstitutionnalité, plutôt que de courir celui de voir un individu commettre prochainement un crime affreux à la suite d'une libération qui ne serait assortie d'aucune mesure de surveillance de sûreté au motif qu'il aurait été condamné à une peine de seulement, si j'ose dire, dix à quinze ans de réclusion criminelle, et ce alors même qu'il aurait manifesté, tout au long de sa détention, une certaine dangerosité et un risque élevé de récidive à sa sortie.
S'agissant du répertoire des données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires, le RDCPJ, la CMP a précisé les données devant y figurer, en rétablissant l'enregistrement des examens – c'est un point très important –, que le Sénat avait supprimés du texte. Cette modification permettra de donner sa pleine efficacité au RDCPJ, dont les décrets d'application seront pris, je le souhaite, dans les plus brefs délais possible.
S'agissant de l'article 5 ter, l'Assemblée nationale avait voté la suppression de l'avis obligatoire de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté avant un placement sous bracelet électronique dans le cadre d'une surveillance judiciaire, mais le Sénat avait rétabli ce cas d'avis obligatoire. Sur ma proposition, la CMP est revenue au texte de l'Assemblée nationale, ce qui permettra de lever le frein au développement du placement sous surveillance électronique mobile, frein que constitue cet avis obligatoire, et d'harmoniser les procédures de placement sous bracelet électronique. Cela doit d'ailleurs être mis en perspective avec une autre disposition adoptée par l'Assemblée nationale et maintenue par le Sénat, qui consacre le principe d'un examen systématique de la situation des personnes entrant dans le champ de la surveillance judiciaire par le juge d'application des peines, le JAP, ou le procureur de la République six mois avant leur libération et, au besoin, après une période d'observation de deux à six semaines et un avis de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté.
Au même article, la CMP est parvenue à un équilibre satisfaisant sur la mise en place d'une information obligatoire du JAP par le médecin traitant, via le médecin coordonnateur, en cas d'interruption, contre son avis, d'un traitement qu'il a prescrit dans un cadre judiciaire. La CMP a utilement complété cette disposition, en prévoyant qu'en cas d'indisponibilité du médecin coordonnateur, le médecin traitant aura la faculté d'informer directement le JAP de l'arrêt du traitement. Si le principe de l'intermédiation entre le médecin et le JAP est conservé, la souplesse nécessaire a été donnée au dispositif pour éviter le risque que l'autorité judiciaire ne soit pas prévenue d'un arrêt de traitement créant un risque fort de récidive, simplement parce que le médecin coordonnateur n'aurait pas pu être joint par le médecin traitant. Très clairement, il s'agit de permettre au médecin traitant, en cas d'urgence et d'indisponibilité du médecin coordonnateur, d'informer l'autorité judiciaire de l'arrêt d'un traitement, qui pourrait être préjudiciable au sort de nos concitoyens car une récidive pourrait en résulter.
S'agissant enfin de l'article 8 ter et de la date d'entrée en vigueur des dispositions de la loi, le Sénat avait prévu un report au 1er janvier 2012 de l'examen systématique par le JAP ou le procureur de la situation des personnes susceptibles de faire l'objet d'une surveillance judiciaire. Ce report aurait été préjudiciable à l'effectivité des nouvelles dispositions du projet de loi, raison pour laquelle la CMP l'a fort justement supprimé. Je pense évidemment qu'en cette matière, la loi doit pouvoir s'appliquer immédiatement.
Voilà, très brièvement présentées, les conclusions de la CMP sur ce projet de loi et les remarques que je souhaitais formuler sur le texte auquel nous sommes parvenus. La logique et la philosophie de ce texte me paraissent aller dans la meilleure direction possible pour assurer à nos concitoyens une meilleure protection contre le risque de récidive criminelle en organisant une véritable surveillance des criminels particulièrement dangereux, même après qu'ils ont fini de purger leur peine.
Pour ces raisons, je vous invite à adopter le présent projet de loi tel qu'il résulte des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je voudrais tout d'abord vous présenter les excuses de Mme le garde des sceaux.
Elle n'est pas au Sénat en ce moment même ; elle s'occupe de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Le texte de la commission mixte paritaire que vous vous apprêtez à adopter a pour objectif d'amoindrir le risque de récidive criminelle. Il est l'aboutissement d'un dialogue constructif entre les deux assemblées. Je veux saluer à cette occasion la qualité du travail effectué par les commissions des lois des deux assemblées, et, tout particulièrement, par votre rapporteur, M. Jean-Paul Garraud.
La qualité de la loi dépend largement de la qualité du dialogue entre le Sénat et l'Assemblée nationale, ainsi qu'entre le Gouvernement et le Parlement. Celui-ci s'est effectué dans un climat de grande confiance et de responsabilité.
La finalité du projet de loi est double. Il s'agit, premièrement, de compléter la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pour trouble mental, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel ; le projet de loi transpose ainsi le rapport de M. le Premier président de la Cour de cassation, Vincent Lamanda. Il s'agit, deuxièmement, de renforcer la protection de nos concitoyens contre les criminels dangereux.
Face aux risques que font peser certains récidivistes, les Français attendent de l'État qu'il sache les protéger. Cela impose de faire preuve d'une certaine fermeté ou, plutôt, d'une fermeté certaine. La loi du 10 août 2007 sur les peines planchers est une réponse à cette exigence mais, pour mieux prévenir la récidive, la fermeté doit aller de pair avec des réponses ciblées concernant certains criminels dont la dangerosité est avérée et qui présentent un risque grave de récidive. Il faut réduire leur dangerosité, dangerosité pour autrui mais aussi pour eux-mêmes.
Le projet de loi répond pleinement à cet objectif. Il consolide les mesures de sûreté prévues par la loi du 25 février 2008 et garantit un meilleur suivi des criminels dangereux en dehors de la prison. Ses dispositions ont été enrichies par le travail parlementaire, qui a permis de construire un texte équilibré.
Premièrement, le texte garantit l'effectivité des mesures de sûreté et un meilleur suivi des criminels dangereux.
Deux objectifs sont visés : clarifier les conditions de placement en rétention de sûreté et renforcer l'efficacité des mesures de surveillance de sûreté. Le placement en rétention de sûreté supposera que l'intéressé ait été en mesure, pendant sa détention, de bénéficier d'une prise en charge médicale, sociale, psychologique, adaptée. La mesure de rétention de sûreté n'interviendra que dans le cas où un renforcement des mesures de surveillance apparaîtra insuffisant pour prévenir la récidive.
L'aide juridique sera garantie aux personnes placées en rétention de sûreté. Elles pourront ainsi bénéficier de l'assistance d'un avocat.
Les possibilités de placement sous surveillance de sûreté seront étendues : la surveillance de sûreté pourra intervenir à l'issue d'une surveillance judiciaire ayant accompagné une libération anticipée ; elle sera aussi possible directement à la sortie de la prison.
Si une personne est condamnée à une peine de prison pendant l'exécution des mesures de surveillance ou de rétention, ces mesures ne seront que suspendues. Elles pourront reprendre à l'issue de l'exécution de la peine.
Enfin, des personnes remises en liberté dans l'attente d'une procédure de révision pourront également être placées sous surveillance de sûreté.
De nouvelles mesures nous permettront d'aller plus loin dans le suivi des criminels dangereux. Le projet de loi renforce ainsi le suivi médico-judiciaire des délinquants et criminels sexuels. Si, dans le cadre du suivi socio-judiciaire, le condamné est soumis à une injonction de soins, tout refus du traitement anti-libido pourra conduire à une réponse immédiate : le non-respect de l'injonction de soins pourra être sanctionné par l'incarcération, si la personne exécute sa peine en milieu ouvert ou si elle est sous surveillance judiciaire, ou par le placement en rétention de sûreté, si elle est sous surveillance de sûreté.
Deuxièmement, le projet de loi garantit une meilleure protection des victimes.
Aujourd'hui, quand les services de police ou de gendarmerie constatent la violation d'une interdiction de s'approcher de la victime, ils n'ont aucun moyen légal pour intervenir. Avec cette nouvelle loi, il leur sera permis d'interpeller l'intéressé et, si le juge de l'application des peines l'estime nécessaire, de le déférer devant lui, éventuellement aux fins d'incarcération.
Les débats parlementaires et l'examen en commission mixte paritaire ont permis d'aboutir à un texte équilibré. L'Assemblée nationale et le Sénat ont amélioré le projet de loi, en y ajoutant des dispositions novatrices. Des solutions équilibrées ont été confirmées par la commission mixte paritaire.
L'Assemblée nationale a enrichi le texte de dispositions innovantes, que votre rapporteur vient de décrire.
Pour renforcer l'efficacité du travail des policiers et gendarmes, le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles a été modernisé par une interconnexion avec le fichier des personnes recherchées. Renforcer l'information des magistrats améliorera ainsi le traitement judiciaire des criminels dangereux.
Par ailleurs, l'Assemblée a adopté un amendement créant un dossier unique de personnalité comprenant l'ensemble des expertises psychiatriques, psychologiques et autres enquêtes sociales réalisées dans le cadre d'une procédure pénale ou lors de l'exécution d'une mesure de sûreté.
De même, les mesures de sûreté et les décisions de surveillance judiciaire doivent être inscrites au casier judiciaire. L'autorité judiciaire doit avoir connaissance de ces éléments lorsqu'elle poursuit ou juge une personne qui a fait l'objet d'une telle mesure.
L'examen du texte au Sénat et en commission mixte paritaire a permis d'aboutir à une rédaction équilibrée.
L'information des services enquêteurs a tout d'abord été renforcée. En effet, la première des préventions contre la récidive, c'est de savoir où se trouvent les personnes qui sortent de prison. Les assemblées ont prévu la communication aux services de police et de gendarmerie de l'identité et de l'adresse des criminels dangereux sortant de prison. Après débat, le rapporteur l'a souligné, le seuil de trois ans d'emprisonnement prononcé a été choisi pour permettre cette communication, ce qui constitue un point d'équilibre.
Par ailleurs, l'information du juge d'application des peines sera assurée par une meilleure circulation de l'information : le médecin traitant informera le médecin coordonnateur de l'arrêt d'un traitement, et ce dernier avertira lui-même le juge, lequel en tirera toutes les conséquences.
Mesdames et messieurs les députés, protéger les Français, ce n'est pas se contenter de sanctionner le criminel une fois le crime commis. La protection des Français doit être proactive. Elle doit reposer sur l'évaluation lucide et efficace des risques de récidive.
En renforçant la circulation de l'information, le projet de loi va dans le sens d'une véritable chaîne de l'application des peines, dans laquelle médecins et magistrats ne sont pas en opposition, mais au contraire se complètent.
La sécurité est la condition de toutes les libertés.
La garantir à nos concitoyens relève de notre responsabilité partagée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les députés du groupe SRC s'interrogent toujours sur les deux nouveaux mécanismes institués par la loi du 25 février 2008 pour prévenir la récidive : la rétention de sûreté et la surveillance de sûreté, destinées aux condamnés ayant accompli leur peine et présentant une particulière dangerosité caractérisée par un risque élevé de récidive.
Leur champ d'application est identique, malgré les regrets de M. le rapporteur de l'Assemblée nationale puisque, au stade de la CMP, il concerne les personnes condamnées à une peine égale ou supérieure à quinze ans de réclusion criminelle. Fort heureusement, elles ne sont pas très nombreuses dans notre pays…
Comme vous le savez, nous avions déféré la loi de 2008 au Conseil constitutionnel, car il nous paraissait gravement attentatoire aux libertés publiques qu'une personne ayant purgé la totalité de sa peine puisse être retenue dans un établissement socio-médico-judiciaire, et ce sans durée définie à l'avance. En annulant certaines dispositions du texte et en rappelant le principe de non-rétroactivité des lois pénales, le Conseil constitutionnel a remis du droit là où l'arbitraire menaçait.
Il n'en reste pas moins qu'avec ce projet de loi issu des observations du rapport de M. Lamanda, et nonobstant les tentatives d'aggravation que le rapporteur de l'Assemblée nationale a tenté d'introduire, nous nous trouvons toujours en présence d'un dispositif compliqué dont rien ne sortira, car aucun professionnel n'osera, dans l'état actuel de nos connaissances psychologiques et psychiatriques, déclarer et certifier la non-dangerosité d'une personne.
Nous avons, à plusieurs reprises, tant au cours de la discussion du projet de loi relatif à la rétention de sûreté en 2008 que lors de la première lecture accélérée du présent projet, appelé votre attention sur le fait que la volonté louable, que nous partageons, d'une prise en charge plus efficace des délinquants sexuels ne pouvait faire l'économie d'une réflexion sur le nécessaire équilibre entre l'exigence de protection des plus faibles et le respect des libertés publiques.
De ce point de vue, le texte issu de la CMP s'inscrit toujours dans le cadre de la rétention de sûreté et de la surveillance de sûreté. Il ne peut donc recueillir notre approbation mais, surtout, il s'agit d'un leurre. Un traitement médicamenteux, même strictement observé, ne garantira jamais le risque zéro de récidive de la délinquance sexuelle.
D'abord, nous manquons de recul sur ce type de traitement, son développement étant récent. Ensuite, les médecins et les scientifiques affirment qu'il ne concernerait qu'un nombre limité de délinquants sexuels – 3 à 5 % seulement, d'après le rapport de notre collègue sénateur Lecerf –, en particulier les prédateurs sexuels extrafamiliaux, ce qui ne résout pas la question des crimes sexuels intrafamiliaux. Or ces derniers sont de loin les plus nombreux.
Plutôt qu'une loi supplémentaire, nous aurions préféré un plan d'action destiné à renforcer le dispositif de prise en charge du délinquant sexuel, en s'appuyant notamment sur la loi du 17 juin 1998 portant sur le suivi socio-judiciaire, en particulier sur l'injonction de soins. Le terme de « soins » s'entend, bien sûr, dans un sens beaucoup plus large que la simple administration de médicaments réducteurs de la libido, ce à quoi certains ont tenté de réduire ce texte.
Un tel plan d'action, que nous appelons de nos voeux, impliquerait que plus de postes soient offerts à des médecins, des psychologues, des travailleurs sociaux et des éducateurs. D'autre part, il nous amènerait à réfléchir sur la prévention primaire, c'est-à-dire avant même que le premier acte ne soit commis. Cela passe par une éducation au respect de l'autre, en particulier au respect des filles par les garçons. Et pourquoi ne pas réfléchir tous ensemble sur les affichages qui dépassent les limites ? L'un des pires, me semble-t-il aujourd'hui, étant les images de la campagne anti-tabac, que nous avons découvertes ce matin, mettant en scène des adolescents.
Malgré les améliorations apportées par la commission mixte paritaire, en particulier par nos collègues sénateurs, de tous bords politiques, cette loi sur la récidive apparaît à côté du sujet. Nous ne pouvons donc voter le texte issu de la CMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de l'examen en première lecture de ce projet de loi, nous avions dit combien notre arsenal juridique était à lui seul suffisamment coercitif pour amoindrir les risques de récidive. Il ne s'agissait pas là d'un jugement présomptueux, mâtiné d'une vision angélique que nous aurions de la société. Non, ce jugement était simplement tiré de la lecture attentive du rapport commandé par le Président de la République au président Lamanda.
Ce dernier y détaille en effet les nombreuses mesures existantes permettant de contrôler les criminels dangereux lors de leur sortie de prison, et de limiter les risques de récidive. Je me permets simplement de vous les rappeler : la libération conditionnelle, le suivi socio-judiciaire, le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes, la surveillance électronique mobile, la surveillance judiciaire des personnes dangereuses et, enfin, la tristement fameuse loi sur la rétention de sûreté et la surveillance de sûreté du 25 février 2008 qui permet l'enfermement à vie des criminels jugés les plus dangereux.
Je vous invite à relire ce rapport du premier magistrat de France avec toute l'attention nécessaire, tant les coauteurs du présent texte semblent ne pas s'en être imprégnés. En effet, la leçon essentielle à tirer de ce rapport était on ne peut plus limpide : pour lutter contre la récidive, la loi ne fait pas défaut, bien au contraire. Ce qui fait défaut, en revanche, ce sont les moyens accordés au juge d'application des peines, à la pénitentiaire, au service pénitentiaire d'insertion et de probation. C'est cette absence cruelle de moyens qui empêche une application effective de toutes les mesures contribuant à la prévention de la récidive.
Ainsi, bien qu'annoncées à grand renfort de plans de communication, ces mesures n'ont jamais réellement pu être mises en oeuvre, faute de moyens humains et matériels mis à la disposition de celles et ceux qui ont la charge de les appliquer. Gageons qu'il en sera de même pour les nouvelles mesures que vous vous apprêtez à voter aujourd'hui ! En tout état de cause, rappelons, comme M. Lamanda l'a fait lui-même dans son rapport, que le risque zéro en matière de récidive n'existe pas dans une société humaine.
Nous avions regretté, lors de la première lecture, que ce texte ne permette pas la mise en oeuvre des recommandations du rapport Lamanda, qui en appelaient notamment à la formation, au renforcement des moyens humains ou bien encore aux nouvelles technologies, afin de permettre une application effective des lois existantes. Aujourd'hui, nous réitérons ces regrets.
Manifestement, le Président de la République, le Gouvernement et les coauteurs du texte n'ont pas voulu prendre en compte l'essentiel de ce rapport. Peu importe qu'il émane du premier magistrat de France, au fait des dispositions législatives et de la pratique judiciaire : il ne correspond pas à leurs voeux. Sans doute, l'auraient-ils préféré plus « vendable » !
Ce projet de loi, ressorti des cartons à l'occasion d'un fait divers – une fois de plus ! – s'est transformé en un formidable instrument d'affichage, que la majorité et le Gouvernement ont adapté à l'actualité en introduisant des mesures susceptibles d'impressionner les médias et l'opinion publique, et cherchant à faire croire que le Gouvernement agit. La logique est implacable : stigmatiser la loi plutôt que l'État en charge de son application et permettre ainsi une répression toujours renforcée - mais qui n'est pas moins inefficace -, fût-ce au prix d'une atteinte à nos valeurs et à nos principes fondamentaux.
La procédure accélérée ayant été engagée sur ce texte, nous n'aurons eu droit qu'à une lecture dans chacune des chambres. Est-ce à regretter ? Pour la première fois, je m'interroge, car une seconde lecture par notre assemblée et sa majorité aurait probablement encore aggravé les dispositions proposées.
Notre assemblée, lors de la première lecture, ne s'était pas privée, en effet, d'introduire des amendements toujours plus répressifs. Ces amendements, écrits et adoptés par la majorité, nous éclairent sur la philosophie qui l'anime, au même titre que le Gouvernement. Je ne résiste pas à l'envie de vous livrer certains commentaires des rapporteurs du Sénat, M. Lecerf et M. About, qui ont jugé « indispensable d'apporter ou de rétablir certaines garanties pour mieux encadrer plusieurs des dispositions votées par l'Assemblée nationale ».
Il faut préciser, à cet égard, que le Sénat n'en est pas à son premier fait d'armes. Déjà, lors de l'examen du texte sur les violences de groupe, il avait su s'abstraire des consignes venues du Gouvernement et du Président de la République pour corriger, autant que faire se pouvait, le texte de l'Assemblée, tant les bornes étaient parfois grossièrement dépassées. Tout en restant fidèle à la majorité, la chambre haute avait tenté de faire primer les principes de notre droit sur la surenchère répressive de notre chambre basse. En vain !
Mais revenons-en au texte sécuritaire – néanmoins insécurisant – qui nous préoccupe aujourd'hui et aux modifications souvent éclairées des sénateurs.
L'article 1er bis, introduit à l'initiative de Mme Barèges et de M. Ciotti, porte d'un an à deux ans renouvelables la durée de la surveillance de sûreté. La commission des lois du Sénat a jugé nécessaire de préciser les conditions dans lesquelles l'intéressé pourrait demander la mainlevée de la mesure.
L'article 2 bis, issu d'un amendement des mêmes auteurs, prévoit que le refus de mise en oeuvre du placement sous surveillance électronique par une personne placée sous surveillance de sûreté peut constituer un motif de placement en rétention de sûreté. Le Sénat a jugé que cela ne serait possible que si les autres conditions posées pour une telle décision étaient satisfaites.
S'agissant de l'article 4, complété par l'Assemblée à l'initiative de son rapporteur, M. Garraud, qui abaisse de quinze à dix ans le seuil de peine prononcée permettant d'ordonner le placement sous surveillance de sûreté, M. Lecerf souligne qu'il soulève de « sérieuses objections de caractère constitutionnel ». Il a proposé de maintenir le seuil à quinze ans.
L'article 5 bis, introduit par le Gouvernement et instituant un énième fichier pudiquement appelé « répertoire de données à caractère personnel collectées dans le cadre des procédures judiciaires », a été réécrit par la commission des lois sénatoriale afin de « clarifier les dispositions et d'encadrer plus strictement l'accès à ce répertoire en le réservant à l'autorité judiciaire ».
Concernant l'article 5 ter, introduit par le rapporteur M. Garraud, qui concerne le traitement antihormonal, le rapport de la commission des lois souligne qu'un tel traitement ne peut relever que de la seule compétence du médecin traitant. De même, il a prescrit la suppression de l'obligation pour le médecin traitant d'informer le juge de l'application des peines du refus ou d'une interruption d'un traitement inhibiteur de libido. La commission des affaires sociales du Sénat, quant à, elle soutient les modifications ainsi proposées par la commission des lois. À cet égard, elle regrette que « la séparation claire entre justice et soins soit aujourd'hui remise en cause. On demande en effet à la médecine d'assurer une mission qui n'est pas la sienne, la défense sociale, c'est-à-dire empêcher les personnes criminellement dangereuses de nuire. »
Au terme de cet examen critique, telles sont les principales dispositions introduites par notre assemblée qui ont été corrigées par le Sénat. Le texte issu de la CMP s'en tient pour l'essentiel à la version votée par les sénateurs. Réjouissons-nous que soit ainsi atténuée la surenchère des députés de la majorité et encadrés leurs débordements. Pour autant, regrettons que le fond demeure et que ce texte ne vise qu'à contourner l'avis du Conseil constitutionnel et à étendre rapidement l'application de la rétention de sûreté.
Au reste, qu'apportera cet énième texte sécuritaire à la lutte contre la récidive ? Rien, sinon qu'il nourrira la peur qui, lorsqu'elle s'empare d'une société, permet les pires dérives idéologiques. Précisément parce que nous ne voulons pas laisser le champ libre à ceux qui réclament le rétablissement de la peine de mort ou l'élimination sociale définitive de certains de nos concitoyens, nous vous proposons de dépasser le stade des effets d'annonce et nous voterons contre ce texte.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi sur lequel notre assemblée s'apprête à se prononcer, après son adoption en commission mixte paritaire, a un objet clair : prévenir la récidive, protéger au mieux la société, et par là l'ensemble de ses membres, sans rien renier des libertés et droits fondamentaux que notre République garantit de manière intangible à chacun de nos concitoyens.
En examinant ce texte, nous avons en réalité repris une discussion ouverte voici près de deux ans avec les débats préalables à l'adoption de la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale, après que le Conseil constitutionnel ne l'eut jugée que partiellement conforme à la Constitution. Néanmoins, je tiens à rappeler, comme vous l'avez fait avant moi, monsieur le rapporteur, que la censure prononcée par le Conseil ne portait nullement sur le fond du texte, c'est-à-dire sur le principe de la rétention de sûreté, mais simplement sur le fait que la loi ne pouvait être rétroactive.
Dès lors, il importait de prendre de nouvelles mesures afin de mieux répondre au défi que pose à l'ensemble de l'institution judiciaire le problème de la récidive criminelle, de mieux évaluer – je crois que c'est notre devoir – la dangerosité des détenus en passe d'être libérés, de renforcer l'efficacité des mesures de surveillance prises à leur endroit et de clarifier les conditions d'un placement en rétention de sûreté.
La problématique de la récidive criminelle touche bien sûr, tout d'abord, à la question de la sécurité que chacun de nos concitoyens est en droit d'attendre de l'État. Elle pose aussi la question plus large de la confiance dans l'institution judiciaire.
La confiance dans la justice de notre pays est un ciment essentiel de la cohésion nationale. Lorsque, du fait de l'écho que lui donnent avec raison les médias, c'est la société entière qui devient le témoin d'un crime, et par là d'un drame, lorsqu'il apparaît que ce crime est le fait d'un récidiviste à la dangerosité reconnue, qu'il aurait pu être évité au prix de précautions élémentaires, l'opinion publique, à juste titre, se met à douter de la justice. Cela n'est pas acceptable.
Inspiré pour partie des recommandations du Premier président de la Cour de cassation, ce projet de loi permettra de renforcer les garanties entourant la rétention de sûreté et de combler certaines de ses failles. Le caractère gradué de la réponse publique au risque de récidive sera conforté, et il sera ainsi gravé dans le marbre de la loi que la rétention de sûreté ne constitue qu'une mesure d'ultime recours, ne pouvant être prise que lorsque toutes les autres sembleront insuffisantes pour prévenir la récidive. Je crois qu'il est important, comme vous l'avez fait, monsieur le rapporteur, de le redire du haut de cette tribune.
Ce projet de loi est également l'occasion de prendre des mesures de bon sens, susceptibles de faire consensus entre nous. Je pense notamment au renforcement de l'interdiction faite aux condamnés libérés d'entrer en contact avec leurs victimes ou avec les parties civiles.
Vous venez de rappeler, monsieur le ministre, que la gendarmerie devra être informée de la libération d'un récidiviste. La collaboration instituée entre les médecins coordonnateurs et les médecins traitants mérite également d'être soulignée.
Pendant l'examen du texte par la commission mixte paritaire, l'Assemblée et le Sénat ont discuté d'un certain nombre de points. Il y a eu un désaccord sur le seuil de peine autorisant le placement en surveillance de sûreté et sur le répertoire des données à caractère personnel. Le Sénat a maintenu le principe d'une information obligatoire du juge de l'application des peines lorsque le médecin traitant constate l'interruption, contre son avis, d'un traitement qu'il a prescrit dans le cadre judiciaire, tout en prévoyant l'intermédiation obligatoire du médecin coordonnateur.
Je voudrais m'adresser aux élus de l'opposition : ce sont là des améliorations, qui ont pour seul but de prévenir la récidive. Et ce sont des mesures de bon sens, que l'opinion publique appelle de ses voeux. Bien entendu, nous devons légiférer au-delà de l'émotion.
Mais lorsqu'il y a des insuffisances dans notre législation, on doit se poser les vraies questions.
Je veux vous dire, monsieur le ministre, combien les élus du Nouveau Centre s'attachent, dans cette législature, à apporter leur soutien au Gouvernement…
…quand il répond à l'exigence d'assurer la sécurité de nos concitoyens, combien aussi ils restent attachés à ce que cette liberté qu'est la sécurité ne soit pas incompatible avec les droits les plus élémentaires de tout individu, quelle que soit sa condition, y compris s'il a commis un crime. Cela étant, il est des situations qui auraient pu être évitées, il faut se le dire en face, si nous avions pris depuis longtemps les mesures de précaution qui figurent dans ce texte.
Enfin, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous ne m'en voudrez pas de revenir sur un point qui m'est cher, à moi comme à mes collègues du Nouveau Centre : je veux parler des remises de peine, qui ne doivent être accordées qu'en tenant compte de la dangerosité des détenus. Aujourd'hui, quelle est la situation ? Les remises de peine sont automatiques. Je sais bien que certaines lois récentes ont prévu des garanties en matière criminelle. Mais il me semble nécessaire, en l'occurrence, de mieux prendre en compte la dangerosité des criminels afin de lutter contre la récidive.
C'est pourquoi ce texte améliore les choses. Les députés du Nouveau Centre lui apportent leur soutien, et veulent en particulier féliciter le rapporteur pour la qualité de ses travaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte examiné aujourd'hui vise à amoindrir le risque de récidive en matière criminelle. Il apporte une réponse appropriée aux craintes légitimes de nos concitoyens : en effet, comment tolérer que des individus condamnés, une ou plusieurs fois, continuent de porter atteinte à leur sécurité ? Quelle société peut accepter que les mêmes criminels continuent encore et encore à tuer ou à violer ?
Car derrière l'examen de ce texte, il y a des victimes. Nous devons penser à cette jeune femme, violée puis tuée par un violeur récidiviste tout juste sorti de prison, ou encore à cet enfant de cinq ans agressé par un violeur déjà condamné et incarcéré.
Il est de notre devoir de les protéger. Nous ne pouvons plus accepter des sorties pures et simples de détenus dont nous soupçonnons qu'ils vont récidiver.
Le Gouvernement et notre majorité ont déjà fait beaucoup, notamment avec la loi sur les peines planchers. Mais nous devons aller plus loin. Le projet de loi qui nous est présenté consolide les mesures de sûreté prévues par la loi du 25 février 2008, en prévoyant un meilleur suivi des criminels qui demeurent dangereux à leur sortie de prison. Lorsque les individus sont susceptibles de récidiver, la peine de prison doit être complétée par d'autres mesures, adaptées au profil des délinquants. Pour cela, le suivi est la réponse la plus efficace : un suivi judiciaire, mais également un suivi médical et psychiatrique quand cela est nécessaire.
Grâce à l'excellent travail de notre rapporteur, Jean-Paul Garraud, que je salue, le texte initial a été considérablement enrichi en première lecture par l'Assemblée nationale, notamment en renforçant les obligations auxquelles peuvent être soumis, après leur libération, les criminels condamnés à de lourdes peines. Le Sénat a également apporté de réelles améliorations au texte.
Le nombre d'articles est passé de neuf dans le projet de loi initial à vingt-deux. Parmi ces vingt-deux articles, six ont été adoptés conformes par le Sénat.
Le projet de loi vient tout d'abord clarifier les conditions de placement en rétention de sûreté, comme nous y avait invités le Conseil constitutionnel. Le placement en rétention de sûreté supposera que l'intéressé ait été en mesure de bénéficier, pendant sa détention, d'une prise en charge médicale, sociale ou psychologique adaptée.
La rétention de sûreté n'interviendra que dans le cas où un simple renforcement des mesures de surveillance apparaîtra insuffisant pour prévenir la récidive.
D'autre part, le projet de loi renforce l'efficacité du placement sous surveillance de sûreté. Sa durée pourra être de deux ans. Il pourra être décidé dans deux cas : soit à l'issue d'une surveillance judiciaire accompagnant une libération anticipée, comme cela existe déjà, soit directement à la sortie de prison.
Si une personne est condamnée à une peine de prison pendant l'exécution des mesures de surveillance ou de rétention de sûreté, ces mesures ne seront que suspendues.
Il sera également possible de prononcer une surveillance de sûreté à l'encontre d'une personne soumise à une surveillance judiciaire et à laquelle toutes ses réductions de peine ont été retirées.
Conformément au texte adopté par le Sénat, la commission mixte paritaire a fixé à quinze ans le quantum de la peine autorisant le placement sous surveillance de sûreté.
Le projet de loi vient par ailleurs renforcer le suivi des criminels les plus dangereux. Il prévoit la création d'un répertoire des données à caractère personnel dans le cadre des procédures judiciaires. Ce répertoire a pour but de fournir, à l'occasion d'une nouvelle procédure, tous les éléments sur la personnalité d'un individu ayant déjà fait l'objet d'expertises ou d'examens de personnalité dans un cadre judiciaire. Cela permettra à l'autorité judiciaire d'accroître sa connaissance de la personnalité du délinquant et son degré de dangerosité pour mieux le juger.
Des garanties autour de ce fichier ont été prises : un décret en Conseil d'État en définira les modalités et conditions de fonctionnement. Les informations contenues dans le répertoire seront accessibles aux seules autorités judiciaires, et les données ne pourront être conservées au-delà de trente ans.
Sont également concernés par le projet de loi les délinquants et criminels sexuels. Les traitements inhibiteurs de la libido ont fait leurs preuves dans certains cas ; il faut s'assurer qu'ils soient bien respectés. Ainsi, si le condamné est soumis à une injonction de soins, le refus du traitement anti-libido pourra entraîner une incarcération ou le placement en rétention de sûreté.
Afin de prévenir un contournement du traitement et de s'assurer que les mesures ordonnées seront bien respectées, les cas de refus ou d'interruption du traitement devront être signalés. Le médecin coordonnateur – ou le médecin traitant, en cas d'indisponibilité de celui-ci – en informera le juge de l'application des peines. Cette disposition permettra au juge de garantir l'efficacité du suivi.
Le projet de loi permet également le contrôle et la surveillance des criminels après leur libération.
Tout d'abord, il faut accroître la protection des victimes contre les multirécidivistes. Le projet de loi renforce l'efficacité des dispositions relatives aux interdictions de paraître et d'entrer en relation avec les victimes : comment accepter, en effet, que les victimes continuent de côtoyer leur agresseur au quotidien, sur leur lieu de résidence ou sur leur lieu de travail ? Ces dispositions permettront une meilleure prise en considération de la tranquillité des victimes et préviendront certains actes de récidive.
Pour atteindre cet objectif de contrôle des criminels après leur libération, l'information des services de police est indispensable. Il est prévu de communiquer aux services de police et de gendarmerie, chargés de veiller à la sécurité de nos concitoyens au quotidien, l'identité et l'adresse des criminels les plus dangereux, c'est-à-dire ceux condamnés à une peine d'emprisonnement de trois ans ou plus.
Les mesures de sûreté et les décisions de surveillance judiciaire seront inscrites au casier judiciaire. L'autorité judiciaire doit en effet avoir connaissance de ces éléments lorsqu'elle poursuit ou juge une personne qui a déjà fait l'objet d'une telle mesure.
Le dispositif de protection des victimes ne doit pas s'arrêter à la prison. Ce texte nous permet de renforcer l'arsenal juridique pour prévenir les actes criminels, tout en offrant aux délinquants une « seconde chance ».
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera le texte issu de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui, tel qu'il résulte du travail de la commission mixte paritaire, est beaucoup plus nuancé que celui voté par l'Assemblée nationale, sous l'impulsion d'un groupe UMP particulièrement déterminé quand il s'agit de rogner les libertés publiques.
Le dispositif imaginé dans cette loi sur la récidive criminelle vise clairement à faire échec aux restrictions posées par le Conseil constitutionnel relatives à la non-rétroactivité d'une loi plus sévère. Aujourd'hui, grâce à la CMP, vous avez évité le risque de voir votre nouveau dispositif censuré par le Conseil constitutionnel. Si le texte ne correspond pas à notre conception d'une justice équitable, du moins bouscule-t-il moins les équilibres de notre droit pénal et de notre procédure pénale.
Je tiens à m'élever contre le rythme forcené auquel vous nous faites travailler, puisque le Sénat a voté le texte jeudi soir et que nous avons délibéré en CMP lundi sur des morceaux de texte. Ce n'est pas une bonne manière de travailler.
L'important est que la CMP, en rétablissant à quinze ans, au lieu de dix, le quantum de la peine permettant la mise en oeuvre de la surveillance de sûreté, a évité le pire. S'agissant d'une mesure absolument dérogatoire dans notre système juridique, il fallait lui garder un caractère exceptionnel – d'autant que, compte tenu des moyens réduits que vous mettez à la disposition de la justice, vous n'avez pas les moyens de banaliser pour tous, comme vous le souhaiteriez, la surveillance par cette procédure de rétention.
Aujourd'hui, d'une certaine façon, vous réintroduisez ce que le Conseil constitutionnel avait cantonné. En mettant en place des mesures de contrôle et en sanctionnant le non-respect de ces mesures, on se retrouve peu ou prou dans le même dispositif de surveillance aboutissant à des rétentions abusives.
Pour nous, il ne peut s'agir encore que d'une loi d'affichage. Vos propositions, comme l'énergie que vous mettez à les exprimer, ne visent qu'à masquer le fait que vous n'avez pas mis en place les moyens permettant de suivre correctement les personnes dangereuses. Assurer le suivi socio-médical, permettre le développement d'unités psychiatriques en prison, multiplier le nombre de médecins coordonnateurs auraient été des mesures beaucoup plus efficaces pour éviter la récidive. D'ailleurs, une disposition du texte montre bien que vous êtes conscients de l'insuffisance des moyens : en cas d'urgence, le médecin traitant pourra prévenir directement le juge. Vous prenez bien là acte que vous n'avez pas prévu suffisamment de médecins coordonnateurs. Si le dispositif a l'air énergique, il ne dispose donc pas de moyens pour être efficace.
Je déplore que vous n'ayez pas repris les préconisations de l'excellent rapport de nos collègues Warsmann et Blanc sur la récidive et la manière de lutter contre les pathologies qui y conduisaient. Vous nous demandez de vous suivre en réintroduisant une notion de dangerosité que nous serions bien incapables de définir.
Aucun des psychiatres que nous avons entendus n'a pu expliquer clairement comment affirmer la dangerosité d'une personne. Et nous en revenons doucement à la notion de criminel né, qui date de Lombroso.
Nous ne pouvons pas souscrire à cette politique que vous nous proposez : à part le fichage pour tous, à part la volonté d'enfermer le maximum de gens, il n'y a guère eu de progrès. Nous sommes d'accord pour appliquer des politiques de lutte contre la récidive, mais, plutôt que celle-là, nous sommes attachés à un suivi personnalisé dès la première détention. À cette voie, vous préférez la fuite en avant sécuritaire et inefficace. C'est pourquoi nous ne pouvons pas vous suivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe SRC ne votera pas ce texte.
S'il a été amélioré par le Sénat, qui a ramené à quinze ans le seuil en dessous duquel il est impossible d'appliquer la surveillance de sûreté et évité la focalisation exclusive sur les délinquants sexuels, malheureusement, les objections qui nous avaient déjà conduits à voter contre restent. Et elles sont importantes.
La première de ces objections, c'est que la surveillance de sûreté n'est finalement qu'un moyen de contourner l'avis du Conseil constitutionnel, qui a refusé la mise en oeuvre immédiate de la rétention de sûreté. Or la surveillance de sûreté, dès l'instant où sa violation est sanctionnée par une rétention de sûreté, est forcément un moyen de détourner cet avis.
La deuxième raison pour laquelle nous ne voterons pas ce texte c'est que, une fois de plus, une loi pénale a été élaborée uniquement par des juristes, sans que l'on connaisse jamais le nombre de personnes potentiellement concernées par les dispositions. Combien de personnes sont-elles susceptibles de faire l'objet d'une rétention de sûreté ? Nous ne le savons pas. Faute de quoi, d'ailleurs, lors des discussions de la CMP, des précautions ont été prises pour éviter de surcharger le centre national d'observation de Fresnes.
Troisième raison de notre désaccord, le texte est construit sur la notion de dangerosité. Si, intuitivement, empiriquement, on peut penser que des gens sont dangereux, aucune définition scientifique de la dangerosité n'est possible. Nous craignons fort qu'aucun des psychiatres sollicités ne donne un avis quelconque : soit ils se contenteront de dire qu'ils ne savent pas, soit ils s'appuieront sur une précédente condamnation pour penser qu'un individu est plus dangereux qu'un autre. Pour aboutir à ce type de conclusion, point n'est besoin d'avoir suivi de longues études de médecine et de psychiatrie. La notion de dangerosité n'est donc pas une base sur laquelle peut être construit un tel texte d'exception par rapport à nos traditions en matière de libertés.
La quatrième raison pour laquelle nous ne voterons pas ce texte, c'est qu'il participe de l'empilement des textes en matière répressive.
Je rappelle que le fait divers dramatique qui nous a incités à mettre en oeuvre la rétention de sûreté – j'emploie le « nous » collectif bien que l'opposition n'ait pas été partie prenante dans cette affaire –…
…est le viol d'un jeune garçon par un homme qui sortait de prison, Francis Évrard. En 2005, nous avions voté la surveillance judiciaire ; dix-huit mois après, lorsque Francis Évrard sortait de prison, les décrets d'application n'étaient pas encore pris. On ne peut pas refaire l'histoire, mais si une surveillance sérieuse avait été mise en place, peut-être que cet homme n'aurait pas pu trouver l'occasion de commettre le deuxième ou troisième crime qu'on lui reproche.
Ma collègue a eu raison de citer l'excellent rapport d'Etienne Blanc qui, en matière de prévention de la récidive, rappelle que le suivi sociojudiciaire qui avait été voté en 1998, à l'unanimité si mes souvenirs sont exacts, n'est appliqué que dans 10 % des cas qui pourraient en faire l'objet. Ce rappel est d'autant plus cruel qu'un débat sur l'exécution des peines et la récidive en matière pénale était prévu, qui n'a pas eu lieu et que nous remplaçons aujourd'hui par un vote sur un texte qui ne donnera pas satisfaction.
Mon temps de parole passe, comme passera le temps, et un jour viendra 2012. Une nouvelle législature s'ouvrira qui nous portera à la majorité. (Rires sur les bancs du groupe UMP.) Vous verrez ! Alors, nous nous attaquerons véritablement aux questions de sécurité, dans deux directions : d'abord, comme l'a indiqué Serge Blisko, la lutte contre la première infraction au travers d'un programme dédié aux personnes en proie à des fantasmes violents ; ensuite, l'articulation entre le psychiatrique et le judiciaire, de façon à rétablir de la sécurité dans ce pays. Dans l'attente, nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, cette explication de vote me donne l'occasion de faire trois remarques.
La première porte sur la forme. Lors de la discussion du texte précédent, relatif à des questions de finances, nous avions noté l'absence des deux ministres concernés, Éric Woerth et Christine Lagarde, ceux-ci ayant choisi, selon le ministre des relations avec le Parlement ici présent, d'honorer de leur présence le Sénat. On aurait pu penser qu'ils se seraient partagé la tâche, un ici et l'autre là-bas. Pour le présent texte, qui pourrait aussi concerner deux ministres, on nous explique que Mme Alliot-Marie est ailleurs – je n'ai pas bien compris où – et rien sur M. Bockel, pas même d'excuses. Nous aurions pourtant aimé profiter de la présence d'au moins l'un d'entre eux : sans préjuger de la qualité du ministre assis au banc du Gouvernement, il ne peut pas remplacer celui qui porte le texte.
Le Gouvernement est représenté par le ministre chargé des relations avec le Parlement. Merci de poursuivre votre explication de vote.
Par respect envers l'Assemblée nationale, les ministres directement concernés par le sujet pourraient être là.
Deuxième remarque : sans redévelopper ce qui a été dit avec talent par mes collègues socialistes, je dirai qu'il s'agit à l'évidence d'une loi d'affichage, tout à fait hors sujet, et surtout d'une loi d'émotion. Comme vient de le démontrer Dominique Raimbourg, si les nombreux textes précédents avaient fait l'objet d'un traitement plus rapide, peut-être que les drames qui ont suscité ce texte auraient pu être évités.
Ma troisième remarque concerne un aspect plus politique. Ce projet de loi porte sur la lutte contre la récidive. Je me tourne vers le ministre – plutôt vers les deux ministres, puisque arrive celui qui est concerné par le texte suivant sur le logement – pour signaler qu'en la matière il est un domaine où la majorité, qui se prétend proche des problèmes de sécurité, et le Gouvernement ne font absolument rien, voire bloquent toute initiative pour éviter des drames futurs. Je veux parler, comme je le fais régulièrement, du procès pénal de l'amiante que le Gouvernement, ministre en tête, bloque à souhait. Les mois passent, les rendez-vous se déroulent, mais rien de concret n'en sort. La juge en charge du dossier, pourtant brillante – elle l'a prouvé dans le passé sur des questions similaires –, se désespère. Alors que le dossier concerne non pas une, deux, trois, dix ou vingt victimes, mais des dizaines, des centaines de milliers, le Gouvernement fait tout ce qu'il peut pour bloquer.
Je l'affirme ! En la matière donc, j'aimerais que le discours soit cohérent et que des décisions concrètes soient prises, de nature à lutter enfin efficacement contre la récidive.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d'habitation.
La parole est à M. Damien Meslot, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi de vous faire part de ma satisfaction que, après cinq ans de débats, l'Assemblée soit appelée à voter définitivement la proposition de loi visant à rendre obligatoire l'installation d'un détecteur de fumée dans tous les lieux d'habitation, que j'avais initiée en 2005 avec mon collègue Pierre Morange, député des Yvelines.
L'enjeu de ce texte est considérable car il propose la mise en place d'un dispositif efficace pour réduire le nombre de morts causé par des incendies domestiques. En France, un incendie domestique se déclare toutes les deux minutes. L'incendie est toxique et plus meurtrier la nuit quand les victimes sont intoxiquées durant leur sommeil. Cinq minutes d'exposition aux fumées toxiques suffisent pour tuer un enfant, un parent, une famille entière ou entraîner un handicap à vie.
Il n'est malheureusement pas de semaine sans qu'un fait divers dramatique nous rappelle les conséquences effroyables que peut provoquer un incendie. Il fallait sans tarder compléter notre législation pour envoyer un signal fort à nos concitoyens car ce cas d'incendie n'est pas rare.
Les chiffres le prouvent : 250 000 sinistres, incendies d'habitations sont déclarés chaque année aux assurances ; 800 personnes décèdent des suites d'un incendie ; 10 000 personnes sont blessées, dont 3 000 restent frappées d'une invalidité lourde. Les incendies d'habitations sont la deuxième cause de mortalité par accident domestique chez les enfants de moins de cinq ans. De plus, 70 % des décès surviennent la nuit. Très souvent, surpris dans leur sommeil par la fumée toxique et par la propagation de l'incendie, les victimes n'ont pas le temps de fuir.
S'équiper d'un détecteur de fumée dans son logement est la seule solution possible si l'on veut réduire et prévenir les risques d'incendie domestique. C'est l'objet de cette proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.
La proposition de loi prévoit que l'installation du détecteur de fumée est à la charge de l'occupant du logement, qu'il soit propriétaire ou locataire. L'occupant veillera à son entretien et au bon fonctionnement de l'appareil. Enfin, dans le cas des locations saisonnières, de logements meublés, de logements de fonction et de foyers, l'entretien du dispositif reviendra au propriétaire.
Les Français auront cinq ans pour équiper leur logement. Telles sont les dispositions concrètes de cette proposition de loi que nous vous proposons d'adopter aujourd'hui définitivement.
Comment fonctionne concrètement le détecteur de fumée que nous proposons de rendre obligatoire ? Dès que se dégagent les premières fumées consécutives au départ d'un incendie, le détecteur de fumée se déclenche avec un son très persistant.
Pour poser le détecteur de fumée, deux vis suffisent et l'entretien se limite à un changement de pile tous les ans. Rien de plus simple ! L'appareil ne coûte que quinze à vingt euros, et sa durée de vie est comprise entre cinq et sept ans.
J'imagine que, une fois ce texte adopté, les fabricants produiront en grande quantité des appareils de bonne qualité respectant la norme NF, ce qui permettra une baisse des prix.
Avec ce dispositif de prévention, nous ne prétendons pas résoudre tous les risques liés à des accidents domestiques. En revanche, nous sommes certains qu'il épargnera un grand nombre de vies.
Ce texte est une étape, une solution capitale de la stratégie globale que les pouvoirs publics et les professionnels doivent mettre en oeuvre en matière de politique de prévention des risques incendie.
En France, la maîtrise du feu, en vue d'éviter de multiples victimes et de mettre en sécurité le voisinage, est largement assurée par l'ensemble des secours. Mais il n'en est pas de même pour les victimes chez qui l'incendie s'est déclaré, et qui ne possèdent pas les dispositifs de protection nécessaires pour être prévenues du départ d'un incendie à leur domicile.
Dans les faits, ce sont le plus souvent elles qui périssent, faute d'avoir été alertées à temps dès le début de l'incendie. Cette situation est révélatrice des véritables enjeux, qui nous conduisent à adopter cette proposition de loi. La solution ne consiste donc pas à accroître la rapidité avec laquelle les secours peuvent intervenir sur les lieux du drame, mais à améliorer les modalités d'alerte des personnes chez qui le feu se déclare. Il faut que ces dernières soient averties de l'incendie dès la première minute, si l'on veut augmenter leurs chances de survie. Seul un appareil qui supplée la vigilance de l'homme, de jour comme de nuit, en est capable.
Contrairement aux entreprises, administrations et collectivités, qui sont soumises à une stricte réglementation en matière de sécurité incendie, laquelle prévoit l'installation obligatoire de moyens de détection et d'alerte précoce, les logements des Français ne sont soumis à aucune réglementation permettant aux victimes d'être alertées dès le déclenchement du feu chez elles.
Cette lacune est d'autant plus regrettable que – l'expérience étrangère le démontre – la présence de détecteurs de fumée dans les logements réduit très fortement le risque de décéder lors de l'incendie d'une habitation. Dans tous les pays où une législation impose l'installation de détecteurs de fumée normalisés et où le taux d'équipement des foyers est supérieur ou égal à 80 %, on constate une réduction de moitié du nombre de décès dus aux incendies d'habitations. Ces dernières années, deux pays européens ont rendu obligatoires les détecteurs de fumée dans les logements : les Pays-Bas et la Belgique. Dans les pays où les foyers non équipés sont nombreux, 50 % des incendies se déclarent dans ces foyers et 75 % des décès liés à des incendies ont lieu dans ces foyers.
Aux États-Unis, l'adoption d'une loi a permis de faire chuter le nombre de décès par incendie domestique de 6 000 à 3 640, en Grande-Bretagne de 700 à 450. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes et prouvent l'efficacité d'un tel dispositif. Aussi, le rôle du détecteur de fumée est essentiel.
Alors, pourquoi légiférer ?
Nous avons rencontré, avec Pierre Morange, depuis plus de cinq ans, lorsque nous avons engagé le débat, de nombreux acteurs de la prévention et de la lutte contre les incendies. Leurs avis sont unanimes sur la nécessité d'installer au moins un détecteur de fumée dans chaque habitation. L'appareil doit être normalisé, ce qui permet une meilleure traçabilité des détecteurs, de la production à la distribution, tout en garantissant une qualité suffisante.
Avant le vote de la proposition de loi, je voudrais saluer, monsieur le secrétaire d'État, l'action que vous avez lancée en décembre dernier, concernant une grande campagne d'information sur les risques d'incendie domestique. Le message était simple. Il détaillait les risques, les moyens de prévention et les bons comportements à adopter face à un incendie. Il incitait de ce fait les Français à s'équiper d'un détecteur de fumée. Cette campagne nationale, lancée par le Gouvernement, a été relayée par des initiatives prises par les services départementaux d'incendie et de secours, qui ont édité une remarquable plaquette d'information et d'explication. De plus, les assureurs, les fabricants et les revendeurs se sont mobilisés pour sensibiliser les Français à l'importance de s'équiper d'un détecteur de fumée.
Alors que le vote de cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité en CMP, clôturera cinq ans de débats législatifs, je tenais à adresser mes plus sincères remerciements à M. Benoist Apparu, secrétaire d'État au logement et à l'urbanisme, à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, aux parlementaires de la majorité comme à ceux de l'opposition qui ont su faire preuve d'un esprit de responsabilité pour voter unanimement ce texte en commission mixte paritaire.
Je remercie aussi les associations de victimes, les sapeurs- pompiers, les associations professionnelles de fabricants de matériels de prévention incendie, qui, par leurs conseils précieux et leurs actions de sensibilisation auprès des pouvoirs publics, ont facilité la conduite du débat parlementaire jusqu'à son terme.
Désormais, il appartiendra au Gouvernement de prendre les décrets d'application de ce texte, car nous souhaitons tous que ce dernier soit appliqué dans les plus brefs délais. Nos concitoyens doivent équiper leur logement sans plus tarder. C'est une nécessité vitale.
Mes chers collègues, aujourd'hui, notre vote doit être empreint d'esprit de responsabilité et de bon sens, …
…pour permettre de diminuer le nombre de décès par incendies domestiques. Nul ne peut et ne doit oublier cela. C'est tout ce qui compte ! C'est l'esprit de cette proposition de loi, que je vous demande d'adopter en pensant aux familles de victimes, qui verront dans votre vote une avancée déterminante dans notre législation pour mieux prévenir les risques, pour réduire les souffrances des victimes et pour sauver un grand nombre de vies (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission mixte paritaire,mesdames et messieurs les députés,je tiens à vous remercier pour le long travail qui a été accompli à l'occasion de cette proposition de loi.
Le Gouvernement a été sensible au consensus que vous avez su établir lors de cette commission paritaire, preuve que ce sujet permet de dépasser tous les clivages. Nous le savons tous, et M. le rapporteur vient de le rappeler, les incendies domestiques provoquent chaque année des drames qui pourraient être évités grâce à l'installation de détecteurs autonomes avertisseurs de fumée : 800 morts, plus de 10 000 blessés par an, un incendie se déclare toutes les deux minutes. Ces statistiques terribles n'ont cessé d'augmenter depuis dix ans. Le taux d'équipement des foyers français est vraiment trop faible et nous sommes en retard par rapport à nos voisins européens, qui, eux, grâce aux détecteurs, ont réussi à réduire considérablement le nombre de victimes.
L'idée est simple. Aujourd'hui, les Français atteignent seulement 2 % de taux d'équipement. L'expérience de nos voisins européens, notamment anglais, montre que, si nous dépassons les 50 %, le nombre de victimes sera divisé par deux. C'est une formidable espérance pour nos concitoyens.
Pour atteindre cet objectif, le Gouvernement avait déjà lancé une vaste campagne d'information en décembre dernier, période malheureusement propice à ce type de risque. Le résultat a été très positif. Beaucoup de foyers se sont équipés de détecteurs et de nombreux magasins nous ont même signalé qu'ils étaient en rupture de stock de détecteurs-avertisseurs d'incendies – preuve que les mentalités sont favorables à ce changement ; les Français ont reconnu l'utilité de cette campagne puisqu'ils lui ont décerné le titre de « publicité magazine préférée des Français ».
Nos efforts ne peuvent s'arrêter là. Il faut informer et aller plus loin. Dès lors que les mentalités sont sensibilisées sur ce thème, nous devons passer au stade de l'obligation.
Des drames ont récemment eu lieu et renvoient à une évidence, il faut passer à la seconde étape, qui est la généralisation des détecteurs-avertisseurs d'incendie. Cette obligation d'installation de détecteurs d'incendie est étalée dans le temps, pour permettre à chacun de s'adapter, selon les modalités que vous avez souhaité définir.
Le Gouvernement s'engage dès maintenant à travailler à la mise en oeuvre la plus rapide possible des textes d'application. Nous agirons en concertation étroite avec le Parlement. Je prends l'engagement devant vous de mener à bien ce travail dans les meilleurs délais, afin que cette obligation devienne réalité le plus tôt possible.
Je voudrais rappeler l'équilibre auquel nous sommes parvenus. L'obligation seule n'est pas suffisante, et une campagne d'information sans incitation n'est pas efficace non plus. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité, avec les parlementaires que nous avons associés à cette campagne, avoir d'un côté la campagne d'information, puis l'obligation liée au texte que vous allez adopter aujourd'hui.
Je voudrais pour conclure rendre hommage à la détermination de deux parlementaires, MM. Meslot et Morange, ainsi qu'à celle de M. le président de la commission, Patrick Ollier. Sans eux, le texte n'aurait pas abouti. Chacun connaissait l'enthousiasme du Gouvernement pour ce sujet. Grâce à leur détermination et à leur forte conviction, ils ont réussi à convaincre l'ensemble des parlementaires, députés et sénateurs. Leur détermination aura permis d'aboutir à une CMP unanime et, je l'espère, à un vote unanime de l'Assemblée nationale et, très prochainement, du Sénat.
Bref, je souhaite remercier l'ensemble des parlementaires qui ont porté ce texte. En insistant à la fois sur l'information et l'obligation, nous rendrons un réel service à nos compatriotes dans le but de réduire le nombre important de décès lié aux incendies dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission mixte paritaire.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui les conclusions d'une commission mixte paritaire : c'est fréquent dans notre assemblée. Ce qui l'est moins, c'est que cette commission mixte paritaire a été convoquée pour la première fois à l'initiative du Parlement – Assemblée nationale et Sénat – et non sur décision du Gouvernement. C'est inédit. En effet, nous mettons en application la réforme constitutionnelle. Je tiens à remercier M. le secrétaire d'État d'avoir insisté sur l'enthousiasme du Gouvernement…
Bien réel !
…particulièrement de Benoist Apparu.
L'histoire de cette proposition de loi est longue. Quel que soit notre bord politique, nous avons tous eu à déplorer les tragédies des incendies domestiques : 800 personnes perdent la vie dans des incendies domestiques chaque année ; 10 000 autres sont blessées. Devions-nous rester insensibles à ces problèmes en attendant un éventuel accord entre l'Assemblée, le Sénat et le Gouvernement alors que M. Morange et M. Meslot ont déposé leur proposition de loi en 2005 ? Nous sommes aujourd'hui en 2010. Il a fallu cinq ans, mes chers collègues, pour faire aboutir ce texte et trois ans de navette entre les assemblées. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a eu un certain nombre de difficultés à surmonter, tenant notamment à la nature technique des appareils rendus obligatoires et à l'imputation de la responsabilité de l'installation aux propriétaires. Il fallait en sortir.
J'avais, dans la loi présentée par Mme Boutin, déposé un amendement. Je n'avais pas ressenti de la part du Gouvernement l'enthousiasme exprimé aujourd'hui par M. Benoist Apparu. Cet amendement avait été voté, mais le Conseil constitutionnel l'a annulé au motif qu'il s'agissait d'un cavalier législatif. Il a fallu reprendre le travail et je veux rendre hommage à Damien Meslot et à Pierre Morange qui m'ont accompagné dans cette démarche. Il a fallu, en effet, convaincre le président Accoyer et le président Larcher d'engager la réunion de cette commission mixte paritaire sans laquelle nous ne serions pas réunis aujourd'hui. Nous souhaitons, par la mise en oeuvre de dispositifs techniques qui ont le mérite d'exister, éviter des morts humaines dans des drames qui peuvent frapper n'importe qui.
Je remercie Benoist Apparu d'avoir immédiatement réagi positivement, je lui en suis reconnaissant. C'est aussi le résultat de l'ouverture d'esprit du président de la commission de l'économie du Sénat et de son président Jean-Paul Emorine qui a su, avec le rapporteur Bruno Sido, faire les efforts nécessaires pour dépasser les malentendus et aller vers un accord.
Très juste !
C'est à l'occupant qu'il revient de payer l'installation. Des dispositifs de prévention et d'assurance sont prévus ainsi que des normes d'appareillage. Tout cela est très positif.
La commission mixte que j'ai eu l'honneur de présider a été un grand moment de consensus. Il nous aura fallu tellement de temps avant d'aboutir que nous pouvons apprécier cet instant à sa juste valeur. J'ai le sentiment, mes chers collègues, d'avoir fait oeuvre utile. Le Sénat, l'Assemblée nationale et le Gouvernement ont travaillé dans l'intérêt général, guidés par le seul souci de sauver des vies humaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission mixte, mes chers collègues, nous voici donc au terme d'un combat législatif vieux de près de six ans qui vise à rendre obligatoire l'installation de détecteurs avertisseurs autonomes de fumée « normalisés » dans les locaux à usage d'habitation. Leur installation est à la charge de l'occupant et doit intervenir dans un délai maximum de cinq ans à compter de la date de promulgation du décret d'application de ce texte.
Ce cheminement laborieux, sinon tortueux, marqué par de multiples rebondissements a pu trouver une issue heureuse grâce notamment aux nouvelles dispositions résultant de la révision constitutionnelle de 2008 – qui a montré son intérêt si celui-ci était encore à démontrer – et de la volonté conjointe des présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu'au soutien constant que nous a apporté le président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, que je remercie tout particulièrement.
La commission mixte paritaire s'est donc réunie pour nous proposer ce texte de loi soumis à votre approbation et dont notre rapporteur vous a fait la présentation.
La situation n'est malheureusement que trop connue, avec 800 décès par an et des milliers de sinistrés par incendies d'habitations, en augmentation constante depuis vingt ans. C'est la première cause de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans.
La preuve de l'efficacité des détecteurs n'est plus à démontrer. En effet, leur mise en oeuvre obligatoire dans les pays nordiques, d'outre-Manche et d'outre-Atlantique a permis une baisse de moitié du nombre de décès causés par les incendies.
Une campagne de prévention de ces sinistres a été initiée par le Gouvernement fin 2009 sous l'impulsion de M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, complétant heureusement cette dynamique collective. Je tiens à le remercier tout particulièrement pour cette action décisive.
Je souhaite ardemment que vous puissiez renouveler cette information tant l'enjeu est vital. Songeons un instant aux moyens considérables et justifiés consacrés à la sécurité routière. La pédagogie est dans la répétition.
J'invite par ailleurs les responsables des établissements d'assurance à s'inscrire dans cette dynamique citoyenne. Afin d'accélérer la généralisation de l'installation des détecteurs autonomes de fumée, il serait légitime que les assureurs "offrent"gracieusement ce dispositif à chacun de leurs assurés ayant contracté une police d'assurance incendie. L'intervention plus précoce des sapeurs pompiers serait ainsi source de moindres dommages corporels et matériels à indemniser. Bien sûr le coeur, mais aussi la raison peuvent les y inviter.
Au-delà de ces réflexions, le travail d'équipe que nous avons mené, Damien Meslot et moi-même, n'aurait pu voir le jour sans la constante détermination et le soutien apportés par nombre d'associations, dont celle des sapeurs-pompiers de France et notamment des Yvelines, ainsi que de l'association des grands brûlés. J'ai une pensée émue pour son ancien président, M. Villain.
Nous n'oublions pas les histoires tragiques et émouvantes relatées dans nos circonscriptions respectives par des Français venus témoigner tout à la fois de leur douleur, mais aussi de leur volonté de la dépasser en agissant en faveur des détecteurs dans l'espoir de freiner la sinistre comptabilité nationale qui, chaque année, endeuille tant de nos concitoyens. J'ai en cet instant une pensée émue pour Mme Josyane Bosycot qui a mené un combat de tous les instants. L'engagement que nous avons pris devant les Français de nous battre à leurs côtés est un élément de crédibilité de notre action. Ce texte n'est pas une fin en soi, ni un aboutissement. Il doit être le nouveau point de départ d'une politique de prévention en matière d'accidentologie domestique, laquelle, je le rappelle, est responsable de près de 20 000 décès chaque année en France.
Tant en termes d'information partagée par la population française que de l'établissement de réglementations relatives aux aménagements intérieurs des habitations et de leur mobilier, ce combat au bénéfice immédiat mesurable s'inscrira dans une nouvelle philosophie où la responsabilité individuelle et collective concourra au bien-être des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, le débat remonte à 2005. À l'automne de cette année-là, à l'Haÿ-les-Roses – vous vous en souvenez, madame la présidente –,…
…dix-huit personnes avaient perdu la vie. Depuis cette date, nous nous sommes intéressés à la question de la prévention de tels drames. J'ai, avec Annick Lepetit, travaillé inlassablement à l'élaboration d'un texte.
Après cinq ans de débats, deux navettes parlementaires, nous arrivons enfin au terme du périple législatif de la proposition de loi visant à rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée dans les lieux d'habitation ! La situation dans laquelle nous nous trouvions était devenue inexplicable : en l'absence de réunion d'une commission mixte paritaire à l'initiative du Gouvernement, il était impossible de trancher la divergence qui opposait la majorité de l'Assemblée à l'opposition et au Sénat unanime.
Je ne commenterai pas l'artifice tenté lors de la discussion de la loi « MOLLE », censuré par le Conseil constitutionnel. Vous vous souvenez, je pense, des propos vigoureux que j'avais alors tenus au nom du groupe socialiste pour stigmatiser de telles méthodes, qui mettaient aussi en cause le Gouvernement.
Il est heureux que les présidents des deux chambres aient utilisé les nouvelles dispositions constitutionnelles pour provoquer la réunion de la CMP afin de purger le différend.
Si l'on peut toujours considérer que le refus du Gouvernement de réunir la CMP constituait une défiance envers la formule législative retenue pour l'installation des détecteurs de fumée, il faut se féliciter du vote unanime de cette commission qui, à l'évidence, s'est imposé au Gouvernement pour l'inscription à l'ordre du jour de cet ultime débat.
La réticence du Gouvernement reposait sur un questionnement dont nous partageons certaines données. Chaque année, les incendies font plus de 10 000 blessés et provoquent le décès de 800 personnes. La France doit rattraper son retard dans la mise en oeuvre de dispositifs augmentant la prévention.
Seulement 2 % de logements équipés de détecteurs de fumée : la France est très loin de ses voisins européens, qui ont un taux d'équipement proche de 100 %.
Mais, nous le savons tous, ces détecteurs de fumée ne suffiront jamais à écarter définitivement les circonstances tragiques dont l'actualité s'est fait trop souvent l'écho. Aucune solution technique ne peut se substituer à l'information préalable dont tous nos concitoyens doivent bénéficier et à l'apprentissage auquel ils doivent se soumettre pour intégrer les comportements et les gestes visant à assurer leur sécurité en cas d'incendie. C'était le sens des conclusions que M. Pelletier et M. Doutreligne avaient rendues au ministre Jean-Louis Borloo qui s'interrogeait sur la pertinence des mesures suggérées.
Ce fut le sens de notre combat inlassable pour qu'au coeur de la stratégie de l'État et du Gouvernement soient placées l'information et la prévention. Personne, après l'adoption de ce texte, ne devra considérer que les choses sont réglées. Nous allons découvrir des installations désactivées, non entretenues ou dont les dysfonctionnements auront irrité les occupants jusqu'à provoquer leur désactivation volontaire. Nous allons malheureusement connaître d'autres drames et déplorer d'autres victimes.
À nos yeux, un équipement, quel qu'il soit, ne suffira pas à réduire efficacement les risques. Et le Gouvernement, qui a commencé, il y a quelques mois, à lancer de telles campagnes devra les étendre en améliorant les cibles et en visant toutes les catégories de population.
Au-delà de ce préalable et fondamental désaccord, l'hypothèse de rendre obligatoire un équipement dans chaque lieu de vie était partagée. Mais reprenant les conclusions du rapport Pelletier-Doutreligne, tirant intérêt des expériences menées notamment en Grande-Bretagne et au nom de cette exigence préalable d'information et de formation des comportements, nous préconisions un délai préalable avant que l'obligation d'installer un tel équipement ne pèse définitivement. Ce délai devait être utilement exploité pour l'initiation des occupants aux comportements qui sauvent afin de faciliter la tâche des secours. Partageant la réflexion de nos collèges sénateurs, nous soutenions la mise en place de ce délai. Il est de cinq années au terme de la CMP et nous nous en félicitions.
Notre désaccord sur les autres propositions initiales a rejoint les autres critiques du Sénat. Nous refusions qu'un choix d'équipement soit imposé dans la loi sous le libellé « détecteurs avertisseurs autonomes de fumées ». La formulation «détecteurs de fumées normalisés » nous satisfait et nous regrettons que, dès après la première navette, notre assemblée n'ait pas admis cette formulation. Cette obstination a maintenu une suspicion dommageable quant aux intérêts économiques que pouvait dissimuler la référence à un seul type de détecteurs et au risque de monopole que la loi pouvait ainsi consacrer.
L'application de la prescription législative doit être proportionnée aux inéluctables évolutions techniques : le caractère aléatoire et la lourdeur de la modification législative ne doivent pas compromettre l'efficacité évolutive de ces équipements.
Un autre désaccord, peut-être le plus grave, portait sur la personne responsable de l'installation de ce détecteur. Nous avions proposé que l'obligation en incombe en tout état de cause au propriétaire et que toute construction neuve intègre désormais cet équipement, le locataire étant chargé de son entretien et devant en rendre compte à son bailleur, comme, du reste, le propriétaire au syndicat de copropriété, le cas échéant.
Cette formule, également retenue par le Sénat, correspondait exactement aux pratiques de l'habitation comme des équipements qui deviennent immeubles par destination au sens juridique du terme. C'était aussi la plus facile à comprendre et celle qui se prêtait le moins aux critiques, aux contestations et aux contentieux.
Hélas, nous n'avons pas réussi à vous convaincre. Je me souviens même que, dans la première version, les assurances intervenaient, et que l'on s'exposait à des risques très importants d'aggravation des conditions de prise en charge des sinistres. Nous posions également le problème de l'habitat collectif, des foyers et des résidences.
La solution adoptée par la CMP ne nous satisfait pas. Elle consacre le principe selon lequel l'occupant est chargé de l'installation, qu'il soit propriétaire ou locataire, tout en en confiant la responsabilité aux bailleurs dans les établissements accueillant des publics spécifiques – étudiants, personnes âgées, jeunes travailleurs – ou les résidences saisonnières.
Ma collègue Annick Lepetit juge non sans raison inacceptable que les locataires, en tant qu'occupants, supportent le coût de l'installation. Ce principe lui semble très emblématique des choix du Gouvernement dans ce domaine : on fait peser une nouvelle charge sur les locataires.
En revanche, nous prenons acte du fait que, dans les résidences collectives – maison pour personnes âgées, foyers de jeunes travailleurs, résidences étudiantes –, l'installation sera à la charge du bailleur. Il en ira de même pour les propriétaires de locations saisonnières.
Il s'agit donc d'un texte de compromis, insatisfaisant par nature. Mais, face à l'urgente nécessité de protéger les Français des risques d'incendie, nous souhaitons prendre nos responsabilités en le votant.
Cette proposition de loi n'est qu'une étape : nous redoublerons de vigilance quant à son application effective et à son suivi par la commission des affaires économiques, notamment en ce qui concerne la rédaction des décrets d'application. En effet, elle ne devra rester ni un acte isolé, ni une caution permettant au Gouvernement de se dédouaner de toute autre obligation de lutte contre les incendies.
En particulier, ne perdons pas de vue le fait qu'une grande partie des incendies est due à l'insalubrité des logements. Pour lutter efficacement contre les incendies, il faudra donc conduire dans les mois à venir une véritable politique de réhabilitation des logements dégradés. Or, à cet égard, je suis malheureusement sceptique, comme les membres de mon groupe, quant à la volonté réelle d'investissement financier d'un gouvernement qui ne cesse de se désengager…
Voyez le budget de l'ANAH cette année !
…et d'accumuler les retards, monsieur le secrétaire d'État.
Ce texte représente néanmoins un progrès, et nous lui apporterons notre soutien.
Mais ce vote positif n'est pas un blanc-seing. C'est un encouragement, un appel lancé au Gouvernement pour qu'il se joigne à la lutte des parlementaires contre l'insalubrité des logements et la précarité des ménages qui les occupent, et qu'il cherche avec eux à assurer la sécurité des habitants et à placer les propriétaires face à leurs responsabilités. Nous espérons vivement que vous entendrez cet appel, monsieur le secrétaire d'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l'examen d'un texte dont l'inscription à l'ordre du jour de notre assemblée remonte à l'automne 2005.
Il s'agissait alors, comme le soulignaient ses auteurs, de « marquer la volonté des députés de réagir face à la succession de graves incendies domestiques ». Le texte faisait en effet suite aux événements dramatiques dont nous nous souvenons tous : l'incendie à l'hôtel Paris-Opéra, qui provoqua, le 15 avril 2005, la mort de vingt-cinq personnes, dont onze enfants, et l'incendie d'origine criminelle survenu dans un immeuble de L'Haÿ-les-Roses le 4 septembre de la même année, et qui fit quant à lui dix-huit victimes.
Si je rappelle ces circonstances, c'est d'abord pour regretter le manque d'empressement du Gouvernement à inscrire à l'ordre du jour de nos assemblées ce texte, qui a navigué de chambre en chambre pendant cinq ans.
Il n'est pas dans mon intention d'engager un débat sur nos institutions et l'anomalie que constitue la relégation de l'initiative parlementaire au rang d'instrument législatif subalterne. Le temps perdu sur ce texte en est un cruel témoignage, nonobstant la faculté désormais reconnue au Parlement de convoquer de sa propre initiative une commission mixte paritaire.
La protestation solennelle formulée il y a deux semaines par le président de notre assemblée, qui soulignait à juste titre la « dégradation de la qualité du débat démocratique et du travail législatif », vaut, au-delà de la question de la banalisation de la procédure d'urgence, pour les conditions d'examen des propositions de loi, dont l'adoption semble systématiquement moins urgente que celle des projets de lois gouvernementaux, fussent-ils inutiles ou réduits à de simples instruments de communication politique.
Venons-en au fond et aux réserves que nous inspire ce texte.
Lors de son examen en première lecture, à l'automne 2005, nous en avions déjà souligné les insuffisances. Nous ne sommes naturellement pas opposés à l'obligation d'installer des détecteurs autonomes de fumée dans les locaux à usage d'habitation. Nous savons en effet – et d'autres l'ont rappelé – que, si 70 % des incendies surviennent le jour, 70 % des incendies mortels se produisent la nuit, et que les deux tiers des victimes succombent asphyxiées dans leur sommeil, faute d'avertisseur. La nécessité de ce type d'équipement fait donc l'objet d'un consensus.
Nous notons également avec satisfaction que le Gouvernement a pris l'initiative d'une campagne de prévention sur les précautions élémentaires à prendre à l'intérieur de son logement afin de se prémunir contre le risque d'incendie, et sur les conduites à tenir en cas de survenue d'un incendie. Nous en avions fait la demande d'emblée, aux côtés de nombreux collègues.
Mais la prévention des risques d'incendie n'est pas uniquement affaire de communication et de prescriptions légales, telle celle qui régit l'installation de détecteurs de fumée. Elle repose aussi sur une politique volontariste de lutte contre l'habitat insalubre…
… et sur le renforcement des moyens de lutte contre l'incendie, deux domaines où l'action du Gouvernement n'est pas à la hauteur des enjeux.
Ainsi, où en est aujourd'hui la lutte contre l'habitat indigne ? Au point mort. Des dizaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants vivent dans des logements aux murs et aux escaliers délabrés, sans issues de secours, exposés à la menace d'un court-circuit ou d'une fuite de gaz liée à la vétusté des installations. Et que proposez-vous ? Vous leur imposez d'acheter à leurs frais, de poser et d'entretenir un détecteur individuel de fumée : avouez que c'est un peu court !
Rappelons en outre que la loi Boutin, votée il y a un an, a eu pour effet de priver l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat d'une part importante de ses moyens, puisqu'elle n'a d'autre ressource que le 1 % logement.
La lutte contre l'habitat indigne n'est manifestement pas votre priorité. De fait, aucun effort particulier n'est demandé aux bailleurs privés, qui ne sont pas même tenus de respecter ni de faire respecter les réglementations en vigueur sur la protection contre les incendies dans les parties communes et sur la mise en conformité aux normes des installations électriques ou de plomberie. Il suffit d'ailleurs de discuter avec les associations de locataires et de résidents pour savoir combien il leur est difficile d'accéder aux préconisations des commissions de sécurité et d'en vérifier l'application.
Aborder la question de la .prévention des risques d'incendie sans s'attaquer à ces dossiers, c'est un peu s'arrêter au milieu du gué. Nous le regrettons.
De fait, et c'est le principal reproche que nous adressons au texte, vous avez choisi de faire peser sur les occupants des logements, donc, le cas échéant, sur les locataires, la responsabilité et le coût de l'installation. Certes, un alinéa précise désormais que cette obligation pourra incomber au propriétaire non occupant dans un nombre limité de cas et dans des conditions définies par décret. L'article indique qu'il en sera ainsi notamment dans les locations saisonnières, les foyers, les logements de fonction et les meublés. C'est bien le moins !
En somme, contre toute logique, vous décidez une fois de plus de faire un petit cadeau aux bailleurs privés, qui bénéficient déjà grâce à vous de quelques juteuses niches fiscales. En la matière, vous n'êtes pas à une contradiction près : vous affirmez que l'installation d'un détecteur de fumée représente un coût dérisoire, mais en quoi cela justifie-t-il de faire peser sur les locataires la responsabilité de leur installation ?
En effet, dans ce cas, pourquoi ne pas demander aux bailleurs d'en assumer la charge ? Ce serait tout simplement logique.
En outre, confier aux bailleurs le soin d'installer ces dispositifs permettrait au pouvoir réglementaire de définir des normes d'équipement plus strictes et d'encourager l'installation de matériels plus fiables que les détecteurs-avertisseurs autonomes de fumée fonctionnant sur piles – qu'il s'agisse des détecteurs interconnectés ou de détecteurs fixes reliés au réseau électrique, dont on sait qu'ils sont plus sûrs et nécessitent moins d'entretien.
A contrario, si l'on fait peser sur les locataires le coût de l'installation, les moins aisés, à commencer par ceux qui vivent dans les logements les moins sécurisés, risquent de recourir aux équipements les moins coûteux,…
…s'exposant ainsi à l'éventualité d'un litige avec leur assurance en cas de sinistre : nul ne pourra leur garantir que leur matériel est conforme aux normes.
À ce propos, votre texte prévoit que les locataires devront également veiller à l'entretien et au bon fonctionnement du dispositif. II s'agira assurément d'une autre source importante de contentieux avec les compagnies d'assurances, toujours aux dépens des plus faibles et de ceux qui ne pourront se défendre.
N'aurait-il pas nettement mieux valu charger les bailleurs, dans les immeubles collectifs à usage d'habitation, de choisir le matériel le plus fiable, de négocier les prix par l'intermédiaire du syndic et de faire réaliser d'éventuels travaux d'installation ? N'aurait-il pas fallu prévoir d'équiper les parties communes de la même façon ?
Vous l'aurez compris, monsieur le secrétaire d'État : nous aurions préféré une loi ambitieuse…
Elle l'est !
Nous aurions préféré, disais-je, une loi rendant obligatoire l'installation de matériels performants, dont la fiabilité et la conformité aux normes pourrait être vérifiée par les commissions de sécurité.
Vous avez au contraire choisi la facilité, optant pour une solution qui évite aux bailleurs de mettre la main à la poche, au risque de sacrifier la sécurité et de nous doter à l'avenir d'un parc locatif mal équipé et de matériels dont la fiabilité est aléatoire.
C'est légèrement caricatural !
Absolument pas.
Parce que cette solution – vous l'avez compris – ne nous satisfait pas, nous nous abstiendrons sur ce texte.
Oh !
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Discussion du projet de loi organique, adopté par le Sénat, relatif à l'application de l'article 65 de la Constitution ;
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma