Au fond, il était bien temps d'inclure des dépenses d'avenir dans les quelque 260 à 270 milliards d'euros du budget de l'État, hors prélèvements sur recettes et dotations aux collectivités. En l'occurrence, mes chers collègues, l'État n'investit – pour les seuls investissements civils, bien sûr – qu'un peu plus de 20 milliards, fonds de compensation pour la TVA inclus, le reste relevant donc du fonctionnement. Cette seule comparaison vaut condamnation des politiques publiques passées, condamnation dont je veux bien admettre, chers collègues de la majorité, qu'elle peut remonter au-delà de 2002 ; mais convenez qu'elle peut être bien plus forte depuis quelques années.
Il ne s'agit donc pas de savoir s'il faut investir ou non – il le faut, naturellement –, mais de condamner une modalité, l'emprunt, quand d'autres étaient possibles. Cet emprunt, qu'il faudra bien rembourser, a déjà un impact en 2010, car ses intérêts obligent à mobiliser 500 millions d'euros, au détriment de dépenses d'avenir : il a ainsi fallu supprimer 120 millions pour l'enseignement supérieur et la recherche, et une centaine de millions pour le développement durable. On pourrait multiplier les exemples ; tous montrent que la politique menée est contradictoire, puisqu'elle consiste à endetter notre pays pour des dépenses d'avenir, alors que les sujets qui en relèvent font l'objet d'annulations de crédits dès cette année. Difficile, monsieur le ministre, de voir une cohérence dans cette politique, d'autant que d'autres modalités, je le répète, étaient possibles : il eût suffi d'une politique fiscale, sinon juste – après tout, nous avons sans doute une appréciation différente de la justice fiscale –, mais tout simplement de bon sens.
Depuis 2002, vous avez aggravé la dépense fiscale de 25 à 30 milliards d'euros, et continuez de l'aggraver. Votre politique conduit en effet à un déficit structurel de nos dépenses publiques, qu'il sera de plus en plus difficile de résorber. Oui, il était possible de financer les dépenses d'avenir par une politique fiscale de bon sens. Je prendrai un seul exemple. La niche fiscale dite « Copé », adoptée après moins d'une minute de débat au Sénat et sans discussion en commission mixte paritaire, a coûté à notre pays, en 2008 et en 2009, 18,6 milliards d'euros, dont n'ont bénéficié ni les PME ni les nouvelles entreprises, mais, par ordre décroissant, les banques, EADS, Lagardère et Bolloré. Qu'on ne me dise pas que ces entreprises ont besoin du concours de l'État pour se développer, même si nous avons tout lieu de nous féliciter de leur succès ! Pourquoi solliciter des subsides publics alors que, contrairement à d'autres entreprises, elles n'en ont à l'évidence pas besoin ? Nous avons tous dans nos circonscriptions des PME créatrices d'emploi qui aimeraient bénéficier ne serait-ce que du dixième de cette somme, ce qui est impossible dès lors que l'on consacre tant d'argent à ces grands groupes.