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Intervention de Jean-Yves Le Bouillonnec

Réunion du 23 février 2010 à 15h00
Détecteurs de fumée — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Bouillonnec :

…dix-huit personnes avaient perdu la vie. Depuis cette date, nous nous sommes intéressés à la question de la prévention de tels drames. J'ai, avec Annick Lepetit, travaillé inlassablement à l'élaboration d'un texte.

Après cinq ans de débats, deux navettes parlementaires, nous arrivons enfin au terme du périple législatif de la proposition de loi visant à rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée dans les lieux d'habitation ! La situation dans laquelle nous nous trouvions était devenue inexplicable : en l'absence de réunion d'une commission mixte paritaire à l'initiative du Gouvernement, il était impossible de trancher la divergence qui opposait la majorité de l'Assemblée à l'opposition et au Sénat unanime.

Je ne commenterai pas l'artifice tenté lors de la discussion de la loi « MOLLE », censuré par le Conseil constitutionnel. Vous vous souvenez, je pense, des propos vigoureux que j'avais alors tenus au nom du groupe socialiste pour stigmatiser de telles méthodes, qui mettaient aussi en cause le Gouvernement.

Il est heureux que les présidents des deux chambres aient utilisé les nouvelles dispositions constitutionnelles pour provoquer la réunion de la CMP afin de purger le différend.

Si l'on peut toujours considérer que le refus du Gouvernement de réunir la CMP constituait une défiance envers la formule législative retenue pour l'installation des détecteurs de fumée, il faut se féliciter du vote unanime de cette commission qui, à l'évidence, s'est imposé au Gouvernement pour l'inscription à l'ordre du jour de cet ultime débat.

La réticence du Gouvernement reposait sur un questionnement dont nous partageons certaines données. Chaque année, les incendies font plus de 10 000 blessés et provoquent le décès de 800 personnes. La France doit rattraper son retard dans la mise en oeuvre de dispositifs augmentant la prévention.

Seulement 2 % de logements équipés de détecteurs de fumée : la France est très loin de ses voisins européens, qui ont un taux d'équipement proche de 100 %.

Mais, nous le savons tous, ces détecteurs de fumée ne suffiront jamais à écarter définitivement les circonstances tragiques dont l'actualité s'est fait trop souvent l'écho. Aucune solution technique ne peut se substituer à l'information préalable dont tous nos concitoyens doivent bénéficier et à l'apprentissage auquel ils doivent se soumettre pour intégrer les comportements et les gestes visant à assurer leur sécurité en cas d'incendie. C'était le sens des conclusions que M. Pelletier et M. Doutreligne avaient rendues au ministre Jean-Louis Borloo qui s'interrogeait sur la pertinence des mesures suggérées.

Ce fut le sens de notre combat inlassable pour qu'au coeur de la stratégie de l'État et du Gouvernement soient placées l'information et la prévention. Personne, après l'adoption de ce texte, ne devra considérer que les choses sont réglées. Nous allons découvrir des installations désactivées, non entretenues ou dont les dysfonctionnements auront irrité les occupants jusqu'à provoquer leur désactivation volontaire. Nous allons malheureusement connaître d'autres drames et déplorer d'autres victimes.

À nos yeux, un équipement, quel qu'il soit, ne suffira pas à réduire efficacement les risques. Et le Gouvernement, qui a commencé, il y a quelques mois, à lancer de telles campagnes devra les étendre en améliorant les cibles et en visant toutes les catégories de population.

Au-delà de ce préalable et fondamental désaccord, l'hypothèse de rendre obligatoire un équipement dans chaque lieu de vie était partagée. Mais reprenant les conclusions du rapport Pelletier-Doutreligne, tirant intérêt des expériences menées notamment en Grande-Bretagne et au nom de cette exigence préalable d'information et de formation des comportements, nous préconisions un délai préalable avant que l'obligation d'installer un tel équipement ne pèse définitivement. Ce délai devait être utilement exploité pour l'initiation des occupants aux comportements qui sauvent afin de faciliter la tâche des secours. Partageant la réflexion de nos collèges sénateurs, nous soutenions la mise en place de ce délai. Il est de cinq années au terme de la CMP et nous nous en félicitions.

Notre désaccord sur les autres propositions initiales a rejoint les autres critiques du Sénat. Nous refusions qu'un choix d'équipement soit imposé dans la loi sous le libellé « détecteurs avertisseurs autonomes de fumées ». La formulation «détecteurs de fumées normalisés » nous satisfait et nous regrettons que, dès après la première navette, notre assemblée n'ait pas admis cette formulation. Cette obstination a maintenu une suspicion dommageable quant aux intérêts économiques que pouvait dissimuler la référence à un seul type de détecteurs et au risque de monopole que la loi pouvait ainsi consacrer.

L'application de la prescription législative doit être proportionnée aux inéluctables évolutions techniques : le caractère aléatoire et la lourdeur de la modification législative ne doivent pas compromettre l'efficacité évolutive de ces équipements.

Un autre désaccord, peut-être le plus grave, portait sur la personne responsable de l'installation de ce détecteur. Nous avions proposé que l'obligation en incombe en tout état de cause au propriétaire et que toute construction neuve intègre désormais cet équipement, le locataire étant chargé de son entretien et devant en rendre compte à son bailleur, comme, du reste, le propriétaire au syndicat de copropriété, le cas échéant.

Cette formule, également retenue par le Sénat, correspondait exactement aux pratiques de l'habitation comme des équipements qui deviennent immeubles par destination au sens juridique du terme. C'était aussi la plus facile à comprendre et celle qui se prêtait le moins aux critiques, aux contestations et aux contentieux.

Hélas, nous n'avons pas réussi à vous convaincre. Je me souviens même que, dans la première version, les assurances intervenaient, et que l'on s'exposait à des risques très importants d'aggravation des conditions de prise en charge des sinistres. Nous posions également le problème de l'habitat collectif, des foyers et des résidences.

La solution adoptée par la CMP ne nous satisfait pas. Elle consacre le principe selon lequel l'occupant est chargé de l'installation, qu'il soit propriétaire ou locataire, tout en en confiant la responsabilité aux bailleurs dans les établissements accueillant des publics spécifiques – étudiants, personnes âgées, jeunes travailleurs – ou les résidences saisonnières.

Ma collègue Annick Lepetit juge non sans raison inacceptable que les locataires, en tant qu'occupants, supportent le coût de l'installation. Ce principe lui semble très emblématique des choix du Gouvernement dans ce domaine : on fait peser une nouvelle charge sur les locataires.

En revanche, nous prenons acte du fait que, dans les résidences collectives – maison pour personnes âgées, foyers de jeunes travailleurs, résidences étudiantes –, l'installation sera à la charge du bailleur. Il en ira de même pour les propriétaires de locations saisonnières.

Il s'agit donc d'un texte de compromis, insatisfaisant par nature. Mais, face à l'urgente nécessité de protéger les Français des risques d'incendie, nous souhaitons prendre nos responsabilités en le votant.

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